dessins et modeles / marques tridimensionnelles

DESSINS ET MODELES / MARQUES TRIDIMENSIONNELLES :
ENNEMIS OU COMPLICES ?
Par Malaurie Pantalacci
Conseil en Prorpriété Industrielle
Le CPI définit la marque tridimensionnelle comme « un signe
susceptible de représentation graphique servant à distinguer les
produits ou services d’une personne physique ou morale. Peuvent
notamment constituer un tel signe : […] les formes notamment celles
du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un
service ; … ».
Le dessin et modèle est défini comme « l’apparence d’un produit ou
d’une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses
contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces
caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son
ornementation ».
Il semble donc que le dessin et modèle et la marque
tridimensionnelle soient tous deux adéquats pour protéger la
forme d’un produit. Est-ce à dire qu’ils sont concurrents, qu’il
faut choisir entre l’un ou l’autre ou au contraire qu’ils peuvent
se compléter voire même s’entraider pour offrir aux sociétés
une meilleure protection pour certains de leurs produits et
packagings.
I/ Jouer le dessin et modèle
tridimensionnelle et vice-versa :
contre
la
marque
Nous allons évoquer ici les différentes raisons qui pourraient inciter les
sociétés à choisir plutôt l’un ou l’autre de ces droits de propriété
industrielle sans les cumuler.
•
A/ Préférer la marque tridimensionnelle pour sa
validité sans limite et autres avantages :
Le grand avantage de la marque, et donc de la marque
tridimensionnelle, est sa durée de validité infinie, si son titulaire la
renouvelle dans le délai imparti. A côté, les 25 ans de validité du
dessin et modèle français ou communautaires font pâle figure.
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Mais d’autres avantages liés au régime de la marque peuvent justifier
la préférence de cette dernière pour la protection des formes des
produits.
La procédure d’enregistrement de la marque permet aux déposants
d’éprouver la force de leurs marques bien avant toute action
contentieuse. La présomption de validité attachée à la marque
tridimensionnelle peut alors sembler plus importante que celle des
dessins et modèles, et ce d’autant plus pour les marques
communautaires. Tant l’examen des conditions de fond plus rigoureux
de l’OHMI, que la période d’opposition pendant laquelle les titulaires
de marques de 27 pays ont la possibilité de faire opposition, donnent à
la marque communautaire une valeur plus rassurante sur la validité
attachée à cette dernière. En matière de dessins et modèles tant
français que communautaire, les contestations ne peuvent naître
qu’une fois l’enregistrement devenu définitif.
En cas d’action en contrefaçon, il est impossible de faire annuler la
marque première, fondement de l’action, en invoquant une marque ou
un autre droit antérieur appartenant à un titulaire autre que celui
accusé de contrefaçon.
De même, il est impossible que l’utilisation sans dépôt d’une forme
pendant plus d’un an par une société, puisse invalider la marque
tridimensionnelle reprenant cette forme, la notion d’autodivulgation
n’existant pas en matière de marque.
•
B/ Préférer le dessin et modèle pour sa procédure
d’enregistrement très rapide et autres avantages :
Malgré ce qui précède, le dessin et modèle peut présenter des
avantages non négligeables qui peuvent amener les titulaires à
préférer ce droit de propriété industrielle.
A la sûreté découlant de la procédure d’enregistrement de la marque,
on peut y opposer la rapidité de celle du dessin et modèle tant
communautaire que français, qui permet en un peu plus d’un mois
d’être titulaire d’un titre de propriété industrielle définitivement
enregistré, dont la validité ne pourra être contestée que devant les
tribunaux judiciaires, ou également pour le modèle communautaire
enregistré, devant l’OHMI, par le biais d’une action en nullité. Cette
procédure beaucoup plus lourde que l’opposition peut avoir un aspect
dissuasif.
La protection d’une forme par le biais d’un dessin et modèle s’avère
plus complète, car il est possible de déposer plusieurs vues par
modèle. Or pour obtenir une portée de protection identique par le
biais d’une marque, il faudra déposer autant de marques que de vues
du modèle. Ainsi, par le biais de la marque, les coûts de dépôt
risquent de s’avérer exorbitants, même avec la disparition des taxes
d’enregistrement pour la marque communautaire.
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Le dessin et modèle peut également permettre de conserver au secret
un nouveau projet tout en bénéficiant d’une date certaine pour le
début de la protection par un droit de propriété industrielle. Avec
l’ajournement de publication, la nouvelle forme d’un produit dès
qu’elle est finalisée par le service marketing, peut être déposée à
titre de dessin et modèle pour prendre date et être conservée au
secret jusqu’au jour du lancement, où la publication du modèle sera
alors demandée pour que ce droit soit opposable aux tiers. Cela est
impossible avec la marque tridimensionnelle qui sera accessible sur les
bases de données officielles ou privées dans les quelques jours qui
suivront le dépôt.
Pour finir sur les avantages du dessin et modèle,
principe de spécialité ou de déchéance en raison d’un
ou partiel du modèle n’existe pas. De même, les tiers
opposer aux titulaires de dessins et modèles, la
tolérance ou la dégénérescence du modèle.
la question du
non usage total
ne peuvent pas
forclusion par
Ainsi, les avantages du dessin et modèle sont non négligeables,
d’autant que la durée de validité d’un droit ne fait pas tout, surtout
aujourd’hui où il est assez rare qu’un logo ou qu’une forme de
packaging dure plus de 25 ans.
Ainsi, à ce stade de notre réflexion, on peut se demander s’il est
opportun de faire un choix entre les dessins et modèles et les marques
tridimensionnelle, dans la mesure où l’enjeu qui se dessine
aujourd’hui pour les sociétés est de déterminer les moyens de
protection les plus efficaces pour leurs créations et innovations, afin
de tenir le plus possible à distance leurs concurrents.
II/ Jeu collectif du dessin et modèle et de la marque
tridimensionnelle :
Nous allons proposer une autre voie où le choix ne se résumerait plus à
opter entre l’un ou l’autre droit, mais à savoir comment combiner un
modèle ou une marque tridimensionnelle sur une même forme.
•
A/
Déposer
un
modèle
et
une
marque
tridimensionnelle en même temps : combiner les
avantages en minimisant les inconvénients :
Il est possible de déposer, pour une même forme, un dessin et modèle
et une marque tridimensionnelle quasiment dans le même temps, afin
de bénéficier d’une double protection et de pouvoir se servir de l’une
ou de l’autre de ces droits ou des deux en fonction des besoins.
Bien évidemment, nous conseillons de déposer toujours le dessin et
modèle avant la marque, afin de ne prendre aucun risque au regard de
l’auto-divulgation destructrice de nouveauté et de caractère propre
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pour les dessins et modèles français et communautaire et invalidant
certains modèles à l’étranger qui exigent la nouveauté absolue.
Déposer un dessin et modèle avec sept vues et une marque
tridimensionnelle reprenant la vue en perspective du dessin et modèle
permet d’allier les avantages de chacun de ces droits de propriété
industrielle évoqués tout en minimisant leurs inconvénients suivant les
situations. Par exemple, un tiers attaqué en contrefaçon sur la base
d’un modèle et d’une marque tridimensionnelle protégeant une même
forme, pourrait arriver à faire annuler le modèle en invoquant des
antériorités de toutes pièces destructrices de nouveauté ou de
caractère propre, mais ne pourra pas faire annuler la marque
tridimensionnelle, si aucune de ces antériorités ne lui appartient.
De même, au bout de cinq ans à compter de l’enregistrement de la
marque, si cette dernière n’est pas utilisée pour tous les produits et
services désignés ou si son titulaire a tardé à engager une action en
contrefaçon depuis qu’il a eu connaissance de la marque seconde
contrefaisante, le tiers ne pourra pas opposer un défaut d’usage ou
une forclusion par tolérance à l’encontre du modèle correspondant à
la marque tridimensionnelle, si l’action en contrefaçon est fondée
également ou exclusivement sur le modèle.
•
B/
Déposer
un
modèle
puis
la
marque
tridimensionnelle : contourner le refus des marques
tridimensionnelles par l’OHMI et garder le secret :
Il est également possible de déposer en premier le dessin et modèle
puis la marque tridimensionnelle, et ce même avec un écart de
plusieurs années, le dessin et modèle jouant dans ce cas-là un rôle de
« Super Droit de Priorité ».
La marque tridimensionnelle a toujours un attrait important pour les
entreprises. Mais l’OHMI est souvent réticent à accepter ces marques
qui, selon lui, ne possèdent pas de caractère distinctif. Toutefois,
attendre de déposer une marque tridimensionnelle jusqu'à ce qu’il soit
possible de prouver un caractère distinctif acquis par l’usage, peut
laisser la voie libre aux concurrents pour développer des formes de
produits proches de celle que l’on cherche à protéger par le biais de la
marque tridimensionnelle.
Or, le dépôt d’un dessin et modèle permet de prendre date pour le
début d’une protection, d’éviter un refus de l’OHMI sur le défaut de
caractère distinctif, et d’utiliser cette forme dans le commerce, tout
en ayant la possibilité de la défendre en opposant aux tiers un droit de
propriété industrielle.
Dans un second temps, il sera nécessaire que cette forme protégée par
le modèle soit utilisée de manière intensive à titre de marque. Une
fois que le titulaire sera en mesure de prouver l’acquisition du
caractère distinctif de la forme à titre de marque, il sera alors
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possible de déposer cette forme à titre de marque tridimensionnelle.
Cette dernière ne pourra pas être antériorisée par le droit d’un tiers,
entre le dépôt du modèle et le dépôt de la marque tridimensionnelle.
Une fois la marque tridimensionnelle acceptée par l’office, la société
dispose de deux droits de propriété industrielle qu’elle peut faire
jouer à sa guise en fonction des avantages et des inconvénients
attachés à chaque droit.
***
Le CPI donne la possibilité aux acteurs économiques de protéger les
formes par deux droits de propriété industrielle différents qui
s’avèrent être complémentaires et qui bien utilisés, déposés au bon
moment et opposés à bon escient permettent aux sociétés de contrer
leurs concurrents et de se défendre plus efficacement.
PARIS
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Dans certains cas, le dessin et modèle et la marque tridimensionnelle
sont les deux faces d’une même pièce. Ainsi, au lieu de les opposer, il
est préférable de les combiner pour renforcer la protection de vos
créations.
Par Malaurie PANTALACCI ([email protected] )
Conseil en Propriété Industrielle
Paris, le 17 Novembre 2009
A propos du Cabinet Regimbeau :
Le Cabinet Regimbeau, Conseil en Propriété Industrielle, accompagne
depuis plus de 75 ans les entreprises et les porteurs de projets des
secteurs privés et publics, pour la protection, la valorisation et la
rentabilisation de leurs innovations (brevets, marques, dessins et
modèles). 10 associés animent une équipe de 180 personnes, dont les
compétences s'exercent dans tous les aspects stratégiques de la
propriété industrielle: veille technologique, contrats de licence,
audit de portefeuilles de PI, négociations dans le cadre de
partenariat, acquisition des droits, contentieux. La force de frappe
homogène du Cabinet Regimbeau et de ses agences régionales permet
de répondre à des logiques stratégiques internationales, tout en
préservant des relations personnalisées de très haute qualité avec ses
clients.
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