Interview avec Cédric Klapisch

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Interview avec Cédric Klapisch
Interview avec Cédric Klapisch
RÉDACTION : Monsieur Klapisch, avec votre film L’auberge
­espagnole, vous avez dressé un monument à la jeune Europe.
Comment vous définiriez vous vous-même ? Comme un cinéaste
français ou plutôt européen ?
CÉDRIC KLAPISCH : Je suis un réalisateur français donc
européen. Dans le film, il y avait un étudiant qui disait « ma mère
est Ganéenne, mon père Catalan et donc j’ai trois identités : je suis
Ganéen, Catalan et aussi Espagnol ». On vit dans une époque dans
laquelle on doit souvent assumer plusieurs identités géographiques.
RÉD : Comment l’idée de réaliser un film sur un étudiant
ERASMUS à Barcelone est-elle née ? Vouliez-vous transmettre
un message particulier ?
CK : Ma sœur et ma copine de l’époque avaient fait une année
d’étude avec Erasmus…à Barcelone et j’y avais donc été plusieurs
fois, j’avais observé comment ça avait changé la ville et comment ça
fabriquait une nouvelle génération de jeunes… De mon côté, j’avais
fait deux ans d’études à New York et j’avais toujours voulu parler de
cette période. J’ai cumulé les deux en parlant d’un étudiant en éco
qui va passer un an à Barcelone et qui vit en colocation comme ma
sœur avec que des étudiants de différentes nationalités.
RÉD : Avez-vous une scène préférée dans le film ?
CK : J’aime bien l’arrivée à Barcelone. Ce que dit Xavier en voix-off
« Quand on arrive dans une ville tout est inconnu […] Plus tard on
aura parcouru ces rues cent fois, mille fois […] ». J’aime bien le fait
d’avoir transmis un concept un peu complexe sur le voyage et la
découverte d’une façon assez pragmatique. Sinon, il y a beaucoup
de scènes que j’aime dans ce film. La scène de la sortie de boite
de nuit « La Paloma ». On a superposé deux prises différentes en
ajoutant la musique de Daft Punk. Ça rend assez bien l’impression
qu’on a quand on est en bande et qu’on est bourrés…
RÉD : Vous êtes réputé pour observer la génération ERASMUS
avec une grande sensibilité. Quels espoirs les jeunes étudiants
fondent-ils sur l’Europe ?
CK : Là, j’avoue que c’est un moment délicat pour l’Europe.
Bien loin de celui que je décrivais en 2000… Certains allemands
commencent à parler de quitter l’Europe, la crise irlandaise et
grecque a changé l’élan et l’espoir qui caractérisaient le début
des années 2000. La population Erasmus (ils sont autour de
4 millions aujourd’hui à avoir suivi ce programme) est une des
grandes réussites tangibles de la politique européenne. Tous les
étudiants Erasmus ont une notion beaucoup plus intime de ce
qu’est l’Europe et de ce que sont ou doivent être les relations entre
Européens. Ils sont certainement un terreau efficace pour faire la
promotion de l’Europe humaine dont on a besoin en parallèle de
l’Europe politique ou économique qu’on nous propose et dont on
nous parle toujours en priorité.
Cédric Klapisch © Lola Doillon
Cédric Klapisch est né le
4 septembre 1961 à Neuillysur-Seine (France). Il est un
réalisateur, acteur, producteur
de cinéma et scénariste
d’origine française. Il est
devenu célèbre avec ses films
L’auberge espagnole et Le péril
jeune.
L’auberge espagnole est une
comédie sur les déboires d’un
jeune Français qui part à
Barcelone pour terminer ses
études en économie.
Tourné très rapidement, en
HD, ce film passe la barre des
3 000 000 d’entrées et devient
alors le plus grand succès
du cinéaste. Le film fait le
tour du monde et est devenu
aujourd’hui un film culte. RÉD : Quand vous étiez étudiant, vous avez quitté l’Europe pour
un semestre. Est-ce que le temps passé aux États-Unis a changé
votre point de vue sur l’Europe ?
CK : Je suis parti deux ans à la New York University (pas
seulement un semestre…). Oui, bien sûr c’est à New York que j’ai
découvert que je n’étais pas seulement français mais que j’étais
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Autoren:Anne-Sophie Guirlet-Klotz, Miriam Nußbaumer, Simone Roth
Bilder: Lola Doillon
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également européen. La première année, j’ai été ami avec une
Italienne, un Russe, un Allemand et j’ai compris qu’on avait une
vraie culture commune, je ne le savais pas avant ça. Cette culture
commune, ça veut dire une organisation de notre cerveau et des
habitudes de vie radicalement différentes de celles des américains…
RÉD : L’auberge espagnole illustre de manière amusante le fait que
l’Europe est un conglomérat de différentes cultures. Dans quel sens
- à votre avis - devrait-ce continuer à l’avenir, dans celui de l’union
ou de la diversité ?
CK : A la sortie du film, j’avais pris l’habitude de dire que l’Europe
c’est les « Etats désunis ». Ça me paraissait bien refléter que
contrairement aux Etats-Unis, il n’y a pas cette idée d’union.
Le simple fait qu’on ait des langages extrêmement différents nous
éloignent et nous caractérisent. Par contre (et c’est ce qui est
compliqué à exprimer), c’est aussi ce qui fait la richesse de
l’Europe. L’Europe est forte et vivante parce qu’elle fabrique de
la diversité. Un Français, un Hongrois, un Hollandais et un Italien
seront toujours extrêmement différents… Pour moi une Europe
réussie doit certes réunir mais aussi garder et préserver
les disparités. C’est tout l’enjeu compliqué de l’Europe.
Cédric Klapisch:
kurze Filmographie
1989: Ce qui me meut
(Kurzfilm)
1992: Riens du tout
1995: Le péril jeune
1996: Chacun cherche son chat
1996: Un air de famille
1998: Le Ramoneur des Lilas
(Kurzfilm)
1999: Peut-être
2002: L’auberge espagnole
2003: Ni pour ni contre (bien
au contraire)
2005: Les poupées russes
(Fortsetzung von
L’auberge espagnole)
2008: Paris
2010: Ma part du gâteau
RÉD : « Je suis comme l’Europe. Je suis un vrai bordel ». Dans
votre film, vous faites un parallèle entre le chaos de la quête
d’identité des jeunes avec le chaos d’une Europe toujours en train
de se construire. Est-ce qu’on surmontera ce chaos un jour ?
CK : J’espère que non… Pour moi, chaos ou bordel sont des mots
positifs. Si vous regardez les branches ou les racines d’un arbre,
c’est un vrai bordel. C’est loin d’être un problème et c’est aussi ça
la nature des choses. La complexité est un principe de base pour
tout ce qui est vivant. A l’opposé la pensée trop normative ou
l’uniformisation des choses peut être un vrai mot négatif pour moi.
Ça entraîne une idée de mort… Chercher à construire une Europe
uniformisée, ce serait se diriger vers l’enfer. C’est en fait l’opposé
de l’idée d’une Europe unie qui préserve la diversité.
RÉD : Xavier, le protagoniste de L’auberge espagnole, va en
Espagne pour apprendre la langue du pays. Quel rôle joue le
plurilinguisme dans un contexte européen ?
CK : C’est la base de cette diversité et de cette richesse de culture.
Si vous essayez de comparer « la langue de Shakespeare »
avec « la langue de Molière », vous verrez rapidement qu’il y a
un monde dans chaque mot, et rapidement, il y a une vision du
monde dans chaque phrase. Parler différemment, c’est penser
différemment. Tous les traducteurs le savent bien.
Cédric Klapisch: L’auberge espagnole
(Drehbuch zum Film)
erhältlich über www.lektueren.com
978-3-12-598434-9
RÉD : Au plan international, on peut communiquer en Anglais
presque partout. Est-ce donc nécessaire de parler plus d’une langue
étrangère?
CK : Oui, et il serait temps que les Français le comprennent.
RÉD : Pour finir, vous avez la possibilité de faire de la publicité
pour votre langue maternelle. Pourquoi les jeunes d’aujourd’hui
devraient-ils apprendre le français ?
CK : Pour mieux découvrir la culture française, qui vaut vraiment
le coup… Je pense que pour apprécier Baudelaire, Proust ou
Godard, une traduction, c’est vraiment une trahison…
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Exercices
1. Qu’est-ce qu’il pense vraiment?
Lis les phrases suivantes et dis si elles sont vraies ou fausses. Corrige les phrases qui sont
fausses en écrivant des phrases correctes.
vrai
faux
1. Cédric Klapisch se sent surtout réalisateur français.
2. Le personnage principal de L’auberge espagnole est un
jeune étudiant qui a passé deux ans a New York.
3. Les étudiants Erasmus servent de base à construire
l’Europe humaine.
4. Ce n’est qu’aux États-Unis que Cédric Klapisch a compris
qu’il existait quelque chose comme une culture commune
européenne.
5. Cédric Klapisch soutient l’idée d’une Europe uniformisée
dans l’avenir.
6. Il soutient aussi l’apprentissage des langues pour pouvoir
mieux apprécier la culture du pays en question.
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2. Une notion de l’Europe
Explique avec tes propres mots ce que Cédric Klapisch veut dire quand il dit pour
­parler de l’Europe des « Etats désunis ».
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3. Débat en classe
Débattez en classe pour ou contre une Europe uniformisée.
Désignez d’abord le modérateur du débat et partagez ensuite le reste de la classe en
deux groupes. Chaque groupe cherche des arguments pour ou contre l’uniformisation
de l’Europe. Après, commencez le débat.
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Solutions
1. Qu’est-ce qu’il pense vraiment?
vrai
faux
1. Cédric Klapisch se sent surtout réalisateur français.
x
2. Le personnage principal de L’auberge espagnole est un
jeune étudiant qui a passé deux ans a New York.
x
3. Les étudiants Erasmus servent de base à construire
l’Europe humaine.
x
4. Ce n’est qu’aux États-Unis que Cédric Klapisch a compris
qu’il existait quelque chose comme une culture commune
européenne.
x
x
5. Cédric Klapisch soutient l’idée d’une Europe uniformisée
dans l’avenir.
6. Il soutient aussi l’apprentissage des langues pour pouvoir
mieux apprécier la culture du pays en question.
x
1. Cédric Klapisch se voit comme réalisateur français, donc européen.
2. L
e personnage principal de L’auberge espagnole est un étudiant en éco qui va
passer un an à Barcelone et qui vit en colocation avec d’autres étudiants de
différentes nationalités.
5. P
our Cédric Klapisch, l’uniformisation de l’Europe serait négatif. Il soutient l’idée
de la complexité et de la diversité comme principe de base pour tout ce qui est
vivant, et cela inclus l’Europe aussi.
2. Une notion de l’Europe
Quand il dit « Etats désunis » pour parler de l’Europe, Cédric Klapisch insiste
sur le fait que l’Europe réunit plusieurs pays indépendants par leur culture, leur
­politique, leur langue, etc. Alors qu’aux Etats-Unis, tous les états partagent la même
culture, la même politique, la même langue. Il s’agit d’un seul et grand pays/une
seule et grande nation. L’Europe réunit plusieurs grandes nations. Et c’est cela qui
rend leur union difficile.
3. Débat en classe
Individuelle Lösung
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