Consulter le recueil - CCB - Collège Coopératif en Bretagne

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Consulter le recueil - CCB - Collège Coopératif en Bretagne
Réseau de l’Économie Sociale et Solidaire
Pour l’Égalité des Chances et la
Conciliation des Temps
Chambre Régionale de l’Économie Sociale
et Solidaire Rhône-Alpes
Collège Coopératif Rhône-Alpes
Handicap et management
Contribution à l’élaboration d’une politique
handicap et à sa mise en œuvre
Recueil des productions 2006 – 2007 [décembre 2007]
Les partenaires : • CRESS RA • ADECAMB/CCB • AFP/ESAT «Ateliers du Haut Vignage»
Cette contribution se range sous l’axe III du Projet Respect « Professionnalisation et qualification des nouveaux champs de pratiques. La connaissance produite et diffusée tant lors de la journée de présentation publique de décembre
2007 que par le présent recueil, apporte sa pierre à la consolidation des savoirs,
outils et méthodes, et partant à la professionnalisation des acteurs des processus de maintien et d’intégration au travail des personnes handicapées, particulièrement à ceux qui agissent au sein des entreprises de l’Economie sociale et
solidaire.
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RESPECT
Sommaire
1. Introduction.......................................................................4
2. Monographie
2.1. Monographie MACIF................................... 6
2.2. Monographie Leroy-Merlin........................26
2.3. Présentation EDF/GDF...............................46
3. Maintien et intégration dans l’emploi :
facteurs clés de succès.........................................47
4. Pistes pour demain............................................51
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RESPECT
1. Introduction
La Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire (CRESS) et le Collège
Coopératif Rhône-Alpes (CCRA), ont assuré la maîtrise d’œuvre conjointe du
présent travail. Celui-ci, en décrivant et outillant, par l’intermédiaire de deux
monographies approfondies MACIF & LEROY MERLIN et de la présentation EDF/
GDF, apporte sa contribution à l’objectif de consolidation des ressources managériales pour le maintien et l’intégration en milieu ordinaire de travail.
Ce compte rendu comprend deux parties. Une première partie qui présente des
points de vigilance pour la conduite et l’analyse des investigations à venir ; une
seconde, qui propose en synthèse des apports, quelques enseignements marquants.
A propos de la conduite de l’action
Pour tenir l’ambition de ce travail, à savoir : la production d’une connaissance
en GRH par la mobilisation d’entreprises1 auxquelles nous demandions d’exposer dans le menu leurs politiques et pratiques d’intégration, et partant de s’exposer 2, un des atouts clés aura été la qualité du fonctionnement du groupe de
pilotage institué fin 2006.
La variété de sa composition3, source de diversité, a été un aiguillon positif tout
au long du travail. Elle a introduit une plus grande exigence d’explicitation tant
des notions – celle qui vont de soi quand on est entre soi, par exemple les différences des entreprises de l’ESS postulées comme des évidences–, que de
la méthode de travail, par exemple le choix de décrire et non pas de caractériser ; elle a par ailleurs facilité l’élargissement de l’investigation hors Economie
sociale et solidaire : Leroy/Merlin, EDF/GDF.
La constance de l’engagement du noyau dur de ce groupe a été elle, précieuse
pour procéder aux ajustements de l’action rendus nécessaires par la difficulté
(parfois) et la longueur (toujours) de l’obtention des accords et des rendez-vous,
ainsi que pour la production à proprement parler des monographies : validations
et enrichissement des productions intermédiaires, mise en forme et validation
finales par les entreprises.
1. Dont il est toujours utile de se rappeler qu’à priori elles ne nous demandent
rien… !
2. Dans la cadre de la présentation publique du 20 décembre 2007 et par la publication du présent recueil.
3. Composition du groupe : Sylvain Brun,
Chargé de mission Projet Respect - Alain
Charvet, Chargé de mission ARAVIS Lyon Serge Chomienne, Maître de conférences
Lyon II - Denis Colongo, Secrétaire général
de la Cress - Michel Duchamp, Administrateur CCRA - Christophe Everaere , Professeur des Universités – Lyon III - Patrice
Gonzalez, Chargé de mission Economie
Sociale , Fondation MACIF - Arielle Hyver
, Consultante en ESS, Coach - Capucine
Roux, Stagiaire CCRA (Master RH & Organisation Lyon III) - Michel Ronzy , Responsable département ESS du CCRA.
4. Patrick Cohendet, Frédéric Crépet,
Olivier Dupouët, « Innovation organisationnelle, communautés de pratique et
communautés épistémiques, le cas Linux,
Revue française de gestion, n°146, septembre /octobre 2003, p.105.
5.Ibid. p.105.
Cette réussite, ressource « inattendue » du projet, consiste à avoir réuni un
groupe de personnes « partageant un objectif commun de création de connaissance et une structure commune permettant une compréhension partagée »,
et la réalisation d’une production collective. Nous venons de reprendre là, une
définition succincte de la « communauté épistémique4 » et de nommer ainsi de
manière plus générale cette ressource « inattendue ».
◗ Prolongeons un peu la définition :
La finalité des communautés épistémiques se trouve placée au-dessus des
membres de la communauté. Ce qui définit une communauté est l’existence
d’une autorité procédurale qui peut être explicite ou non. Une autorité procédurale correspond à un ensemble de règles ou à un « code de conduite » définissant les objectifs de la communauté et les moyens à mettre en œuvre pour les
atteindre et régissant les comportements collectifs au sein de la communauté.
[…]. De plus, l’autorité procédurale véhicule l’idée de progrès vers le but cognitif fixé par la communauté.5
Il nous paraît donc vraiment souhaitable et possible de prendre appui sur cette
stimulante ressource qu’est la « communauté épistémique4» pour poursuivre,
avec ténacité, le travail d’incitation et d’appui à l’adresse des entreprises de
l’ESS. Nous savons tous et de mieux en mieux, qu’en leur sein, des marges de
progression pour l’intégration et le maintien en milieu ordinaire de travail, existent.
◗ A propos de l’inscription institutionnelle dans le champ de l’ESS
Le projet RESPECT concernant la CRESS, s’est inscrit dès son origine dans le
cadre de sa mission générique ; à savoir la structuration de l’Economie Sociale
et Solidaire. Celle-ci répond aux logiques suivantes :
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– Produire de la cohérence
– Produire un environnement propice au développement de l’ESS et de ses
entreprises
– Créer entre les acteurs de l’ESS les conditions pour œuvrer collectivement.
Il convient de noter que mouvement de structuration de l’ESS et mouvement de
structuration de la CRESS sont concomitants.
Parmi d’autres, l’un des axes sur lequel porte la structuration de l’ESS concerne
la « fonction employeur ». C’est ainsi que dans le courant de l’année 2007,
après avoir accueilli comme adhérents les syndicats d’employeurs de l’Economie Sociale, la CRESS a créé en son sein, sur le plan opérationnel, un « pôle
employeur ».
La réflexion action menée dans le cadre de RESPECT a fortement contribué à
alimenter celle plus large du que faire ?, et du comment faire ?, tant au niveau de
l’ESS, qu’au niveau de la CRESS pour poser concrètement la question de l’intégration et du maintien des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail.
Ainsi, celle-ci ne pouvait être dissociée de celle relative à la structuration de la
fonction employeur.
Aussi, le projet RESPECT s’est-il donc identifié comme un élément constitutif du
système d’actions de la CRESS pour conduire son travail de structuration.
La question de l’appropriation des situations de handicap ne pouvait se faire
que de manière progressive tant il est vrai qu’il convenait de créer les conditions de cette appropriation ; ces dernières reposant sur :
– La nécessaire mobilisation des acteurs de l’ESS, et notamment des réseaux
et/ou «familles» sur la thématique du handicap.
– La nécessité de produire la logistique opérationnelle et structurante permettant de piloter, conduire, coordonner des actions auprès des entreprises.
Or, en ce domaine, beaucoup reste encore à faire.
C’est dans ce contexte que la réflexion action menée dans le cadre de RESPECT,
outre les actions directement liées à la question du handicap, a suscité des
mises en œuvre d’initiatives telles que :
– la proposition de création d’un pôle GRH pour l’ESS dont la dynamique de
réflexion et d’actions est directement inspirée de celle mise en place dans le
groupe de pilotage « RESPECT » – cette communauté épistémique –, qui devra
pérenniser le souci de prise en compte de la question du handicap.
– La création d’un « espace régional de dialogue social » associant les partenaires sociaux (syndicats d’employeurs de l’ESS et syndicats de salariés). Cet
espace régional a mis en place deux grandes thématiques de travail :
• Initiation et gestion des parcours professionnels en ESS
• Mutations économiques et sociales et développement territorial.
Dans le cadre de la réflexion portant sur les parcours professionnels, devra,
entre autres, être abordée la thématique du handicap.
La structuration de l’ESS nécessite de s’interroger, au regard d’un point de vue
particulier, (la question du handicap), sur le positionnement de l’ESS en général,
de ses entreprises, en particulier par rapport aux autres types d’économie et / ou
d’entreprises. Les analyses de pratiques effectuées au sein d’une entreprise
de l’ESS (la Macif) et d’une entreprise « capitaliste » (Leroy Merlin), enrichies
du témoignage d’une entreprise de service public (EDF/GDF), par le croisement
qu’elles proposent des expériences déployées au sein de formes d’entreprises
différentes, nourrissent utilement cette interrogation. Mais elles font un peu plus
à notre sens : par «les bonnes pratiques » qu’elles dégagent, elles fournissent
des ressources pouvant fonder des initiatives nouvelles pour l’ESS.
Autrement dit, des éléments pour ne pas laisser les deux questions que faire ?,
et du comment faire ?, sans réponse.
Pour la CRESS RA, Denis Colongo
Pour le CCRA, Michel Ronzy
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2. 1. Monographie
Macif rhône-Alpes
Rédaction : Arielle Hyver, avec la contribution
de Sylvain Brun
Au moment d’entamer cette monographie consacrée à l’observation
de la politique d’intégration des personnes en situation de handicap
au sein de la MACIF Rhône–Alpes, nous pouvons souligner que
cette politique a déjà une longue histoire au sein de l’organisation,
et cette caractéristique nous offre l’opportunité de pouvoir observer
son évolution dans le temps.
Ce sujet sera traité dans le cadre de la deuxième partie.
Les supports utilisés pour la présentation de cette monographie sont accessibles en sélectionnant, avec l’outil main, le lien ci-après : presentation macif.ppt
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2. Monographie
Première partie
le contexte de l’action
« Nous montrons que l’on peut réussir en respectant l’environnement, en respectant les hommes, en respectant ceux qui travaillent dans les entreprises.
Notre politique sociale volontariste se distingue très sensiblement de la politique sociale des entreprises capitalistes. Nous cherchons à faire de nos salariés, des militants mutualistes. »
Jacques Vandier, Président d’honneur MACIF,
site Macif.fr (2003)
1. Activités et stratégie
Un poids lourd du secteur assurance des biens, lancé dans une diversification
depuis le début des années 2000.
Assureur automobile à l’origine, la Macif est aujourd’hui devenue un groupe
mutualiste aux activités diversifiées.
Créé en 1960 à Niort, la Macif, Mutuelle d’Assurance des Commerçants et
Industriels de France et des Cadres et Salariés de l’Industrie et du Commerce,
appartient à la famille d’origine des mutuelles d’assurance traditionnellement
spécialistes des assurances automobile et habitation.
Devenue à partir des années 80, leader français de l’assurance automobile, elle
est restée longtemps « le premier assureur français de la famille ».
Depuis le début des années 2000, face à la détérioration du marché de l’assurance automobile et à l’intensification de la concurrence, la mutuelle a opté
pour une stratégie de diversification en élargissant son offre sur de nouveaux
marchés tels que la Santé1, la Prévoyance, l’épargne, l’Assurance Vie ou encore,
plus récemment, les Services à la personne.
Aujourd’hui le groupe Macif regroupe plus de 4,6 millions de sociétaires, et réalise avec près de 8000 salariés un chiffre d’affaires consolidé de
4,7 milliards d’euros en 2006, en légère baisse par rapport à 2005, après trois
années de croissance portée par les 3 nouveaux secteurs d’activité (+ 22 %
depuis 2003).
Le marché de l’assurance française enregistre en effet pour la cinquième année
consécutive une forte croissance du secteur de l’assurance des personnes
(+ 13 % en 2006), tandis que se confirme le ralentissement sur le secteur de
l’assurance des biens (+ 2% seulement).
Globalement le marché connaît une profonde mutation depuis les années 2000
du fait de facteurs conjugués.
La loi Chatel en 2004, en facilitant pour le consommateur la résiliation de contrats
reconductibles a accru la volatilité du portefeuille clients.
L’instauration de nouvelles obligations comptables et financières et l’évolution
des règles prudentielles issues du nouveau code de la mutualité, ont conduit en
quelques années à une forte concentration du secteur des mutuelles.
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Les frontières de métiers tendant à se recomposer, on assiste à l’offensive de
nouveaux entrants, tels les bancassureurs dans le domaine de l’assurance
Dommages. Pour la MACIF, la diversification se poursuit, avec à l’horizon 2010
un rééquilibrage de ses activités entre assurances des biens et des personnes
ainsi que le développement de nouvelles activités : intégration des services à la
personne, et mise à disposition d’une offre bancaire venant en complément des
activités de crédit à la consommation. Ces deux derniers projets, s’inscrivent
dans le cadre d’une alliance stratégique conclue avec la Maif et les Caisses
d’Épargne.
Répartition 2006 du chiffre d’affaires 2006
• 40 % véhicules 4 et 2 roues
• 10% habitation
• 35% épargne, assurance vie
• 11% prévoyance et santé
• 4% autres activités
Ces orientations stratégiques se traduisent sur le plan des ressources humaines
par une forte évolution des métiers et par une exigence de dynamique commerciale, encore assez nouvelle pour une entreprise dont la croissance a pu se
faire pendant plusieurs années sur le mode de la réception et du traitement de
la demande spontanée.
En termes d’organisation, le groupe est segmenté depuis 1987 en 11 régions très
autonomes qui gèrent 530 points d’accueil physique (PAP) et 33 points d’accueil
téléphonique (PAT).
C’est donc le niveau régional qui constitue le niveau le plus pertinent d’observation de la politique en faveur des personnes handicapées.
◗ En 2007, Macif Rhône–Alpes2 compte environ :
– 600 000 sociétaires,
– 850 salariés, dont 110 managers, répartis entre le siège, les 70 points d’accueil
physique, les plateformes téléphoniques (Vénissieux, Andrézieux, Romans), et les
sites de gestion (Andrézieux, Romans).
2. Le statut mutualiste
■ Une caractéristique identitaire qui colore sensiblement
l’approche choisie pour l’intégration des travailleurs
handicapés.
Régie depuis son origine par le code de la mutualité, La MACIF revendique de
« n’être pas tout à fait une entreprise d’assurance comme les autres ».
« La MACIF n’est pas tout à fait une entreprise d’assurance comme les autres.
Elle le doit à son histoire, à ses principes et à ses règles de fonctionnement.
Nous avons communément l’habitude de rappeler que les adhérents de la Mutuelle
sont à la fois individuellement ses clients et collectivement ses patrons ».
édito site MACIF.fr, signé de Gérard Andreck, Président du groupe
1. À partir de 2002, en lançant la création d’un pôle assurance santé, baptisé
Macif–Mutualité, elle rompt avec l’accord
tacite qui réservait autrefois ce secteur
d’activité à l’autre catégorie de mutuelles,
celles des mutuelles de santé, regroupées
au sein de la FNMF, Fédération Nationale
de la Mutualité Française.
2. Région administrative élargie, ajoutant
aux 8 départements Rhône–alpins les
deux départements des Hautes–Alpes et
de la Haute–Loire.
■ Une identité d’économie sociale vécue comme
différenciatrice
Inscrite dans ses statuts dès l’origine, cette caractéristique identitaire a été portée et affichée fortement, notamment en la personne de Jacques Vandier, qui fut
son président pendant trente ans, et qui rappelle volontiers le combat qu’il dut
mener lors d’une assemblée de sociétaires à Lille en 1973 contre « une offensive
qui visait le mutualisme et ses valeurs ». Ce conflit interne semble avoir fortement marqué les mémoires, et constitue un élément de repère fondateur.
En plus de son ancrage historique fort, cette caractéristique identitaire s’est
trouvée renforcée ces dernières années du fait des incertitudes pesant sur la
pérennisation du statut des mutuelles dans le cadre de la construction européenne.
Les principes différenciateurs du mutualisme, et plus largement de l’économie
sociale, ont en effet dû, dans les années 2000, être expliqués et communiqués
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largement afin de faire reconnaître par la commission européenne la nécessité de
penser des statuts spécifiques pour préserver leur existence au niveau européen.
C’est ainsi que ce contexte a pu conduire à mettre l’accent sur le mutualisme
comme caractéristique identitaire différenciatrice sur le plan stratégique. Cela
conduit la MACIF à afficher clairement son appartenance au secteur de l’économie sociale, ce qu’elle développe dans de très nombreux documents de communication expliquant les particularités du secteur : gestion démocratique, non
lucrativité, et solidarité en sont les maîtres mots.
« Quels sont ces engagements qui, au fond, sont ceux de l’économie sociale ?
La liberté d’adhésion, la gestion démocratique, la juste répartition des excédents (que nous réinvestissons dans un meilleur service rendu à nos adhérents),
la propriété collective, la solidarité. Au final, tous ces principes contribuent au
dessein social qui est le nôtre : jouer un rôle régulateur du marché en mettant
des produits de qualité à la portée du plus grand nombre de personnes. Cela
n’exclut pas pour autant que nous visions, comme les sociétés de capitaux, la
performance économique sans laquelle notre pérennité serait compromise.  »
Interview de Gérard Andreck, Président du groupe MACIF.
Depuis 2006, avec la création d’une nouvelle identité de marque, la MACIF a
inscrit la solidarité au cœur de sa communication, en choisissant de s’adresser
à la fois « au cœur et à la raison ».
D’autre part, au delà de l’affichage, il est vrai que la MACIF s’attache avec
constance, à traduire ses valeurs de référence en actions, comme le donnent
à voir certaines réalisations telles que le fonds de solidarité en direction des
sociétaires, quels que soient les accidents de vie rencontrés (déficience consécutive à une maladie ou à une difficulté sociale), ou son engagement envers
ses adhérents en étant le seul assureur à proposer une garantie «chômage» au
titre des contrats d’assurance Dommages des particuliers, ou encore le projet
MACIF Sourds initié en 2001.
« Loin d’être une notion du passé, le mutualisme fait écho à une aspiration
humaine d’honnêteté, de transparence et, par conséquence, de confiance. Il
est en mesure de répondre, de façon optimale, à ce qui constitue une tendance
profonde de la société : le besoin de sécurité collective. »
Extrait du projet mutualiste adopté en 2005
Comme on le voit, les aspects du métier et du fonctionnement sont ici reliés par
des liens de sens.
Cette identité s’exprime spécifiquement dans le mode de gouvernance, et elle
se traduit également dans la gestion des ressources humaines.
■ Le mode de gouvernance et ses liens avec la politique choisie
Si l’on devait résumer la particularité du mode de gouvernance que l’on de
la MACIF, on pourrait retenir trois mots : démocratie, pluralisme et culture du
consensus.
Tous peuvent être mise en lien avec les choix qui ont été faits en matière d’accueil des travailleurs handicapés.
◗ Fonctionnement démocratique
« Le sociétaire est individuellement assuré et collectivement assureur »
La Mutuelle appartient à ses sociétaires3 avec un pouvoir politique partagé
(1 sociétaire = 1 voix) qui s’exerce par l’intermédiaire des représentants élus.
Chaque région MACIF compte de 100 à 300 délégués régionaux, ce qui représente environ un élu pour 2 000 sociétaires.
3. Ce qui a également l’avantage d’éviter
à la Mutuelle d’avoir à rémunérer des apporteurs de capitaux, mais aussi l’inconvénient de ne pas lui faciliter l’accès aux
capitaux en cas de besoin.
En 2006, la MACIF comptait 1888 délégués régionaux, qui ont élu, lors de leurs
assemblées régionales 144 délégués nationaux. Les délégués nationaux, élisent
les 24 membres du conseil d’administration (hors administrateurs salariés, au
nombre de quatre), ultime instance de décision à la MACIF. Chaque année, les
délégués régionaux se réunissent en assemblée régionale.
Ils prennent connaissance des comptes de leur région, présentent leurs «vœux»,
débattent de la marche des affaires et des objectifs à atteindre. L’assemblée
générale annuelle a lieu après les onze assemblées régionales.
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Indicateur de la vitalité de cette vie démocratique, le taux de présence aux assemblées : en 2006, il a varié de 78 à 93 % dans les assemblées régionales, tandis que
l’assemblée générale ordinaire enregistrait un taux de participation de 97 %.
Lien avec la politique en faveur des travailleurs handicapés : les premières
expériences dites « pionnières » en faveur des personnes handicapées ont
surtout concerné les sociétaires. Il est aussi souvent rappelé que le projet
emblématique MACIF Sourds trouve son origine dans l’idée d’un sociétaire de
l’Ouest.
Récemment, avec la montée de la pression concurrentielle et l’évolution des
métiers de conseillers vers une dimension commerciale plus proactive, la question s’est posée : maintenons–nous cette politique ? La réponse apportée au
niveau politique par les élus a été de choisir le maintien « parce que cela appartient à notre identité ».
◗ Fonctionnement pluraliste
En 2004, les cinq principales confédérations syndicales représentatives participaient à la célébration de « vingt ans de partenariat » avec la MACIF. Cette circonstance peu banale s’explique par le fait que le système de démocratie représentative de la MACIF se conjugue à une représentation du pluralisme syndical.
Au cours des assemblées qui organisent les scrutins, il revient aux centrales
syndicales d’établir la liste des candidats du collège salarié, en fonction de leur
poids électoral respectif mesuré lors des élections prud’homales. Le pluralisme
syndical se trouve ainsi représenté jusqu’au conseil d’administration.
« La vie démocratique est le moteur de l’entreprise, le partenariat avec les syndicats est le carburant », résume un dirigeant de la MACIF. (L’Humanité 17 septembre 2004)
Lien avec la politique en faveur des travailleurs handicapés : dès son origine,
après les expériences dites pionnières, cette politique s’est trouvée inscrite
dans un accord cadre avec les syndicats. Et c’est encore aujourd’hui le cas
dans le cadre élargi de la diversité.
◗ Culture du consensus
Le débat et la prise de décisions collectives constituent des caractéristiques
recherchées par les entreprises de l’économie sociale. Dans le projet mutualiste 4 adopté lors du congrès de Chantilly en 2005, la notion de consensus tient
une place particulière :
« Le consensus n’est pas l’absence de désaccord ; ce n’est ni l’harmonie universelle, ni l’unanimité. C’est le consentement à quelques règles, l’adhésion à quelques valeurs tenues pour essentielles et l’acceptation d’une procédure pour
surmonter les désaccords. En se référant à cette définition, les militants de la
MACIF feront du consensus une pratique dynamique et constructive. Toutefois,
s’agissant des questions liées aux phénomènes de société, la MACIF prendra
soin de rapprocher les points de vue, mais s’interdira de trancher à l’encontre
des positions affirmées nationalement par les institutions partenaires. »
Lien avec la politique en faveur des travailleurs handicapés : dans le cadre du
premier accord d’entreprise, l’accueil de travailleur handicapé n’a été imposé à
aucun manager. On a choisi de s’appuyer d’abord sur les candidats volontaires
afin que la démarche « fasse ses preuves ».
◗ évolutions récentes : audit RSE
Les changements intervenus en 2006 à la tête de la MACIF ne paraissent pas
devoir modifier fondamentalement la situation.
Au cours des deux dernières années, le groupe MACIF semble avoir conservé, en
les modernisant, les grandes lignes de sa gouvernance, en l’élargissant notamment au domaine de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). Accroître la
transparence est le sens donné à la mission d’audit RSE confiée à VIGEO en 2006.
4. Document qui formalise « l’ensemble
des valeurs, règles morales et principes
d’action au travers desquels on reconnaît
l’authenticité d’un groupement mutualiste ».
Figurent, parmi les six domaines de responsabilité analysés, le respect des
droits humains, qui contient notamment la prévention des discriminations, sujet
en rapport naturel avec la politique concernant les travailleurs handicapés.
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RESPECT
Au titre de la modernisation et d’une traduction des engagements qui soit en
phase avec les préoccupations sociétales, nous pouvons également citer la
création en 2006 d’une direction dédiée au Développement Durable.
3. Gestion des ressources humaines
■ Caractéristiques des postes et recrutement
des travailleurs handicapés
Les métiers MACIF Rhône Alpes se répartissent entre deux grandes catégories.
D’une part les métiers dits gestionnaires, au siège et dans les sites de gestion,
généralement pourvus au niveau Bac+4.
D’autre part les métiers commerciaux, en lien avec le public, qui représentent
l’essentiel des postes (environ 550).
Il s’agit soit d’accueil physique, dans le réseau des 70 agences réparties sur le
territoire, soit d’accueil téléphonique, dans l’une des trois plateformes d’appel
de la région. Les plateformes téléphoniques, actuellement en développement,
constituent souvent « une porte d’entrée » à la MACIF, accueillant des jeunes
recrutés dès la sortie de l’école, lesquels peuvent évoluer ensuite en interne
vers des points d’accueil physiques.
Pour ces métiers, le niveau de recrutement est fixé à Bac + 2.
Lorsque les pré–requis de formation sont remplis, les candidats handicapés
peuvent être embauchés sur des postes commerciaux.
Les aménagements mobiliers sont gérés par le service logistique. Son responsable estime que pour les aménagements mobiliers, même s’il faut y mettre des
moyens5 « on finit toujours par trouver une solution ».
En revanche, le poste informatique, qui n’est pas un problème pour un handicap
moteur, est beaucoup plus compliqué à aménager pour les personnes souffrant
de handicap sensoriel (sourds et non voyants). L’intégration de personnes sourdes et non voyantes a cependant fait l’objet de dispositifs spécifiques qui seront
présentés plus loin.
Le recrutement est décidé et géré au niveau du siège. Lors du deuxième entretien, le manager concerné est invité à participer. Les critères jugés essentiels
pour la tenue de ces postes sont :
– le niveau de culture générale,
– la qualité d’élocution,
– le niveau d’empathie,
5. Du fait d’avoir choisi de signer un accord d’entreprise, les dépenses d’aménagement ne peuvent pas être prises en
charge.
Pour le recrutement de personnes handicapées, il arrive que l’on soit moins exigeant sur le niveau de formation, du moment que la personne est jugée apte à tenir
son poste, indépendamment de tout critère de productivité.
On peut donc parler d’une pratique de discrimination positive en faveur des personnes handicapées.
En pratique, au moment des décisions de recrutement, la question est posée et
envisagée avec le manager concerné pour savoir si l’on peut ouvrir le poste à une
personne handicapée.
Si le poste le permet, une candidature de personne handicapée est retenue,
parmi d’autres, puis engagée dans la procédure habituelle d’embauche (CV,
lettre de motivation, entretien). Elle est ensuite soumise au chef de service. Si la
personne handicapée détient les compétences requises pour exercer les fonctions, sa candidature sera choisie en priorité.
Dans les années antérieures, cette procédure était facilitée par le fait que l’entreprise avait constitué un « vivier » de candidats potentiels, en présélectionnant
parmi les candidatures spontanées et les personnes rencontrées sur les salons
dédiés au handicap, ceux qui avaient un profil de compétences leur permettant
à priori d’intégrer la MACIF.
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RESPECT
Aujourd’hui, les candidatures étant plus rares, il est plus difficile d’organiser
ces recrutements. De ce fait, les services supports , c’est–à–dire la Direction
qui gère l’immobilier, les achats, les véhicules, l’intendance, l’informatique, sont
davantage sollicités. Par la diversité de ses activités, ils représentent un environnement favorable pour accueillir une personne en situation de handicap, et
ce d’autant plus qu’ils nécessitent un niveau de formation moins élevé que les
deux autres pôles. Désormais, cet aspect est pris en compte dans tout recrutement des services supports, mais aussi dans son organisation : ainsi le réaménagement du magasin qui vient d’être réalisé a été pensé de manière à pouvoir
accueillir des travailleurs handicapés.
Au total, la MACIF Rhône Alpes compte aujourd’hui 43 personnes physiques
handicapées en CDI. Mais seulement 10 à 20 % des managers sont concernés
par la présence d’une personne handicapée dans leur équipe.
■ Politique générale des ressources humaines et ouverture
d’un chantier sur la diversité
Au niveau de la Direction des Ressources Humaines, la volonté affichée est de
« faire vivre au quotidien notre différence », ce qui s’est traduit par des actions
comme le passage aux 35 heures dès 1985, et, depuis 1999, à 31h 30, un effort de
formation représentant 4,72 % de la masse salariale, ainsi que par des rémunérations et conditions de travail qui font référence au niveau de la profession.
Lors d’une enquête d’opinion interne réalisée en 2004, 79 % des salariés du
groupe MACIF se déclaraient fiers et satisfaits de travailler dans l’entreprise,
et 71% reconnaissaient apprécier le niveau de rémunération et les avantages
sociaux. [Cependant les deux tiers d’entre eux attendaient davantage de reconnaissance et de meilleures opportunités de promotion et de carrière.]
De cette situation a découlé naturellement pendant plusieurs années une forte
attractivité de la MACIF en tant qu’employeur, et un afflux régulier de candidatures spontanées, ressource précieuse pour la politique de recrutement. S’y
ajoute un turn over quasi inexistant.
Depuis le début 2007 la MACIF a mis en place un nouvel accord d’entreprise.
Destiné à « moderniser son statut social pour préserver la performance mutualiste », ce nouvel accord répond en partie aux attentes identifiées lors de l’enquête de 2004, et permet surtout d’intégrer la forte évolution des métiers au sein
du groupe liée d’une part à la diversification entreprise et d’autre part à l’accroissement de la pression concurrentielle, qui impose une meilleure prise en
compte de la dimension commerciale6.
Cet accord comprend notamment l’ouverture d’un chantier dédié à la diversité
au sein du groupe MACIF.
6. L’accord formalise les changements
suivants :
– répertorier l’ensemble des nouveaux
métiers développés au sein de l’entreprise
au cours des dernières années,
– définition d’un statut social « moins égalitaire et plus équitable », avec l’introduction d’augmentations individualisées en
plus des primes collectives
– accompagnement de l’évolution professionnelle de manière plus structurée : 30h
de formation sur trois ans pour tout salarié
de plus de deux ans d’ancienneté.
Au titre de la diversité, l’accord prévoit de garantir à l’ensemble de ses salariés
« l’égalité des chances à toutes les étapes de leur vie professionnelle ». Il a
donné lieu à des programmes d’actions spécifiques pour différentes catégories
de publics :
– les jeunes, et notamment ceux issus de l’immigration
– les femmes, qui ont vu leur effectif augmenter sensiblement chez les cadres
– les seniors,
– les militants syndicaux
– ainsi que les personnes handicapées.
Cet engagement s’est trouvé mis en lumière le 10 octobre dernier par la signature de la charte de la diversité, et l’annonce de la création, en partenariat avec
l’ENASS (École Nationale d’Assurance) de la première formation qualifiante à
destination des personnes handicapées.
12
RESPECT
Deuxième partie
décrire et outiller
Observations, enseignements et questions qui nous paraissent pouvoir être
tirées de la pratique MACIF en matière d’intégration et de maintien des travailleurs handicapés
« Il a fallu 15 ans pour que l’ensemble des acteurs acceptent que la différence
ne génère pas de différence »
Un dirigeant MACIF en 2004
1. Une trajectoire déployée dans le temps :
premiers pas et effet d’apprentissage
La politique historique vis–à–vis des personnes handicapées, tant sociétaires
que salariés, a déjà connu différentes étapes, et se trouve aujourd’hui intégrée
dans une politique en faveur de la diversité.
■ Les différentes étapes
◗ Première étape : actions et expériences pionnières sans cadre politique formalisé pendant dix ans (1984–1999)
Pendant une longue période, la question de l’accueil des personnes handicapées n’a pas été formalisée au sein de la MACIF, mais diverses expériences
régionales l’ont en quelque sorte préparée.
Tout d’abord sur le terrain, en direction de collectivités ou organismes clients,
différentes initiatives de prise en compte du handicap se sont développées.
Exemples :
• Initiative terrain : gestion de l’accès à la plage pour les personnes en chariot
dans les résidences touristiques gérées par les Comités d’entreprises
• Au niveau national, à partir de 2001 : le projet d’adaptation des services MACIF
à destination d’une population de 5 millions de personnes sourdes ou malentendantes en France, grâce à l’initiative des élus des sociétaires.
Ces expériences «pionnières» tournées vers l’externe, ont peut–être contribué à
l’émergence d’une action davantage centralisée et structurée, visant cette fois l’intégration de personnes en situation de différences comme salariées de la Macif.
Elles auront du moins constitué un terreau favorable à cette émergence.
D’autres expériences en direction cette fois de travailleurs handicapés ont également eu lieu dans des périodes antérieures. Elles présentaient alors la caractéristique d’être ciblées sur des lieux définis, et adressées à des handicaps
spécifiques.
Ainsi entre 85 et 88 a été créé sur Lyon le premier centre d’appel avec des non
voyants et mal voyants.
◗ Deuxième étape : le premier accord d’entreprise 1999–2002 : principe de
volontariat
En 1999, le premier accord d’entreprise formalisant un engagement d’accueil – et
de maintien dans l’emploi – de travailleurs handicapés est signé par la MACIF.
Le déclic initial de cette démarche semble avoir été une intention politique d’implication « citoyenne », et d’affirmation de « la différence économie sociale »,
faisant suite à une incitation forte des partenaires publics.  
13
RESPECT
Lors de cette étape, la stratégie choisie pour la mise en place de l’accord a été
de faire appel aux volontaires en prenant appui sur un groupe moteur d’une
dizaine de cadres (sur un effectif de 110) convaincus et désireux d’agir.
C’est ainsi que les postes ouverts aux travailleurs handicapés ont d’abord été
définis par la capacité d’accueil de ceux qui allaient les encadrer.
Un accompagnement et un soutien dans la durée ont été procurés aux cadres
qui s’étaient engagés, et il a été fait appel à l’appui d’experts externes.
à l’issue de cette période, la réussite de l’intégration des travailleurs handicapés avait été démontrée. Il en ressortait qu’il était inutile de prévoir des emplois
« réservés ». L’objectif affiché étant au contraire de faire en sorte que lorsqu’
un travailleur handicapé entre, il soit considéré comme tout autre salarié, et ait
droit au même environnement professionnel. Ce qui devint l’orientation de la
troisième période.
◗ Troisième étape : généralisation, dans le cadre du deuxième accord d’entreprise 2003 –2006
Pour respecter l’esprit des engagements pris (ouverture générale à l’accueil
de la différence), mais aussi, de façon pragmatique, pour que l’intégration soit
réussie, et pour qu’elle perdure dans le temps, il est apparu qu’elle ne devait pas
rester un phénomène isolé, réservé à certains volontaires.
Une généralisation des recrutements de travailleurs handicapés a donc été initiée, avec comme corollaire une action de sensibilisation systématique de tous
les chefs de service.
À ce stade, un certain nombre de résistances se sont manifestées : moindre taux
de présence que prévu aux journées de sensibilisation, mise en avant de spécificités liées au poste interdisant l’accueil de travailleurs handicapés… C’est donc
ici que la capacité de maintenir le cap avec fermeté s’est trouvée sollicitée avec
insistance.
◗ Quatrième étape : inclusion de l’action dans le cadre élargi de la gestion de
la diversité
En 2006, le troisième accord en faveur de l’insertion et de la promotion des personnes handicapées a été signé, en complément d’un accord d’entreprise portant sur tous les volets de la diversité7.
S’agissant des personnes handicapées, il comprend deux objectifs majeurs :
• recruter 10% de personnes handicapées sur la totalité des recrutements en
France, soit 50 personnes,
• atteindre un taux de 4 % de personnes handicapées en 2008, puis le faire progresser à 6 %.
Aujourd’hui la MACIF compte 253 travailleurs handicapés au niveau national sur
un effectif global de près de 8000 personnes, soit 3 %. Sur ce total, la région Rhône–Alpes représente 15 % du national, et affiche un taux sensiblement supérieur à la moyenne nationale avec 5 % de travailleurs handicapés. Avant 2005,
ce taux était de 9 %, mais le nouveau mode de calcul introduit en 2005, l’a fait
tomber à 5 %.
◗ Contexte actuel
La MACIF Rhône Alpes s’est donnée l’objectif d’atteindre dès 2008 un taux de
6 % de salariés en situation de handicap. Mais pour la première fois, du fait de
la tension sur le marché du travail, la tendance s’inverse en matière de recrutement : les candidatures spontanées qui représentaient en Rhône–Alpes jusqu’à
cent CV par jour se font aujourd’hui beaucoup plus rares.
Parmi celles–ci, malgré les informations en bonne place sur le site internet indiquant que tout recrutement leur est ouvert, et la présence sur les salons liés au
handicap, il y a très peu de candidatures spontanées de la part de personnes
handicapées. Le problème est d’autant plus aigu que le besoin de formation
pour les postes qui sont à pourvoir (en majorité télé conseillers à vocation commerciale) est du niveau Bac +2.
7. Les jeunes, et notamment ceux issus de
l’immigration ; les femmes ; les seniors ;
ainsi que les personnes handicapées.
En 2006 un seul recrutement a eu lieu, et en 2007 aucun, malgré 50 candidatures examinées, dont 4 ayant fait l’objet d’un rendez–vous. Cela s’explique
notamment par le trop faible niveau de formation des personnes.
14
RESPECT
En effet, parmi les candidats handicapés qui postulent, beaucoup le font dans
le cadre d’une démarche de reconversion après une perte de poste liée à un
accident de la vie. Mais ils viennent de métiers très différents qui souvent correspondent à une formation de type CAP. Or, même lorsqu’on met en place une
formation interne, l’expérience montre que souvent, les candidats qui n’ont
pas le niveau bac au départ ont beaucoup de mal à la valider.
Pour pallier cette difficulté de recrutement, la MACIF a annoncé en octobre
qu’elle créait avec l’ENASS (École Nationale d’Assurance) la première formation qualifiante en assurance à destination de personnes handicapées possédant un niveau Bac. Elle indique souhaiter intégrer les stagiaires à l’issue de
leur année de formation sur des postes de télé conseillers.
Parallèlement, une sensibilisation est lancée en interne, afin que les personnes
qui rencontrent des difficultés de maintien dans leur poste du fait d’un handicap
survenu puissent le faire reconnaître officiellement (RQTH).
Mais le handicap restant un peu « tabou », la démarche n’est pas toujours faite.
Pourtant, lorsqu’un handicap est présent, cette reconnaissance officielle clarifie les choses au niveau de l’employeur, dit–on à la MACIF, car il devient plus
clair qu’on doit tenir compte du handicap dans le rythme de travail.
Enfin, beaucoup d’énergie continue d’être consacrée aux actions de maintien
en poste et/ou d’évolution des personnes handicapées qui voient leur situation
se dégrader, soit du fait de l’évolution du travail, soit du fait de l’évolution de leur
handicap. Nous y reviendrons ultérieurement.
2. Un discours partagé : la nécessité d’une volonté
politique
Lorsqu’on leur demande quelles sont les conditions qui ont permis à cette expérience de se réaliser et qui leur paraissent devoir être transmises à d’autres
organisations, les interlocuteurs MACIF, à quelque niveau qu’ils soient, et chacun à leur manière, reviennent à une même idée : la nécessité d’une volonté
politique claire et manifeste.
L. T. conseillère formée à la langue des signes le dit à sa manière directe et
spontanée : « Je me suis demandée ce qu’on attendait de moi : s’agissait–il de
faire de l’argent sur le dos des sourds » ? Elle a posé la question à la direction,
et dit avoir reçu des réponses qui l’ont rassurée sur ce point. Et de préciser :
« Au départ, quand on m’a parlé de l’opération à la MACIF, j’ai pensé que ce
n’était pas sérieux. Je venais d’une entreprise qui n’avait pas du tout la même
éthique. »
« Quand le projet est porté par la direction, c’est toujours porteur et moteur. Cela
ne veut pas dire qu’il ne faut pas également mener une action plus élargie », dit
de son côté François Eugène, Directeur des Services logistiques.
Jean Octave Dupont, Directeur régional, et autrefois DRH, souligne qu’une
volonté politique claire, constante, progressive, pragmatique et persévérante
a été nécessaire pour encourager et pour continuer d’impulser cette politique
tout en la dotant de moyens conséquents.
8. Toutefois, en signant un accord, l’entreprise s’engage à fournir les moyens nécessaires, et ne plus bénéficier des aides de
l’Agefiph.
Michel Gauthier actuel Directeur de Ressources humaines, le dit aussi :
« La première clé, fondamentale, c’est d’avoir un texte de référence, un engagement de l’entreprise 8. La deuxième, c’est la volonté de le mettre en pratique, car
ce n’est pas facile, il n’y a rien d’acquis. Il faut en permanence expliquer et ré
expliquer le sens du projet, et pourquoi on ne peut exiger la même cadence de
travail, avec pourtant le même salaire. Accompagner et soutenir le manager qui
se fatigue de devoir tout redire à une personne qui perd la mémoire immédiate,
trouver une solution de changement de poste pour la personne qui développe
une pathologie supplémentaire générant des crises d’agressivité lorsqu’elle est
sous pression. Alors on ré explique le pourquoi : imaginez si c’était à vous que
cela arrivait ; réalisez que pour une personne handicapée, perdre son emploi,
c’est un peu perdre une famille »
15
RESPECT
La nécessité de ce volontarisme politique s’explique notamment à ses yeux par
le fait qu’il existe deux niveaux de difficulté à franchir :
• au départ, avant le recrutement, il faut lever l’obstacle de la représentation du
handicap et l’ouverture à la différence ;
• ensuite, dans la durée, l’évolution de carrière et le maintien en poste des personnes handicapées génèrent « un chantier permanent d’innovations afin de
lever les contraintes ».
D’où l’importance, ajoute–t–il, de n’être pas seul face aux problèmes soulevés :
« On est toujours plus intelligents à plusieurs ».
3. Problématiques du suivi, du maintien dans le poste
et de l’évolution de carrière
Avec le recul du temps, la MACIF Rhône–Alpes a pu mesurer l’importance et les
particularités de l’évolution de la personne handicapée dans son poste.
À la base, il s’agit déjà de comprendre qu’une personne handicapée demandera
plus d’attention et un suivi plus rapproché de la part de son manager, car des
difficultés restées inaperçues par l’entourage peuvent se présenter régulièrement et générer des blocages sérieux s’il n’existe pas la confiance et l’ouverture
suffisante pour en parler rapidement.
Il faut aussi prévoir les adaptations et traductions nécessaires dans de multiples situations : traduction en braille, restitution directe ou sur cassette audio
des comptes rendus de réunions de l’équipe, du comité d’entreprise, du journal
d’entreprise …
Par effet rebond, le manager dont l’équipe comprend des travailleurs handicapés aura lui aussi besoin de pouvoir compter sur un soutien particulier pour
dépasser les moments de lassitude ou de découragement, et faire face aux difficultés qui surviennent avec la personne elle–même ou au sein de son équipe.
À la Direction des ressources humaines de la MACIF, on parle de « ligne ouverte »
pour les managers, pour indiquer la volonté de disponibilité en continu afin de
ne jamais laisser l’un d’entre eux seul face à une difficulté.
Des moyens d’accompagnement externes peuvent également être mobilisés.
Mais au–delà de ce suivi de base, se présentent des problématiques plus spécifiques.
Trois problématiques ont été rencontrées : le maintien dans l’emploi pour une
personne dont le handicap s’aggrave, le maintien dans le poste lorsque le métier
ou l’organisation du travail évolue, et enfin la question de l’évolution de carrière
du travailleur handicapé.
François Eugène et Michel Gauthier, vers qui remontent ces questions, en sont
d’accord : les solutions se trouvent au cas par cas : « On fait de la haute couture ». Certains dossiers se traitent comme « naturellement », d’autres prennent
un an avant qu’une solution ne puisse être trouvée.
Un ensemble de partenaires et de moyens sont mobilisés : bilan de compétences, avis d’un médecin et d’un psychologue du travail, réflexion sur l’aménagement du poste ou sur la réorganisation des tâches…
On explore toutes les possibilités d’aménagement : achat de matériel, adaptation du temps de travail, arrêt de travail, mi temps thérapeutique, etc.
Dans le cas où le maintien en poste s’avère impossible, ou n’est pas souhaité par
le salarié, le reclassement sur un autre poste est privilégié. C’est à ce moment
que la personne fait un bilan de compétences, tandis que l’encadrant examine
toutes les pistes de reclassement en interne. Cette étape associe l’ensemble
des parties prenantes : le DRH, le chef de service, les collègues, le salarié.
16
RESPECT
« Ce que nous avons en tête dit François Eugène, ce sont trois objectifs :
• le maintien dans l’emploi,
• sortir la personne de la situation infernale dans laquelle elle se trouve, et l’entreprise avec elle,
• lui trouver un travail qui ait une vraie utilité, car la mettre dans un coin serait
encore plus difficile à vivre. »
Il s’agit donc, en priorité, de ne pas fabriquer d’exclusion, car intégrer une personne handicapée engage l’employeur à envisager toutes les solutions de placement.
Parmi les cas que la MACIF Rhône–Alpes a été amenée à traiter :
Celui d’une personne affectée à la distribution du courrier, à laquelle le médecin
vient à interdire la station debout et les déplacements. La distribution du courrier lui étant désormais interdite, la tâche est répartie au sein de l’équipe, et la
personne est réorientée sur un poste dédié à l’immobilier, sur un temps partiel.
Il faut convaincre la personne concernée que son travail reste utile, car elle–
même vit mal la perte de sa tâche.
Une autre personne, quinze jours après son recrutement, se voit arrêtée pour
plus d’un an. La question se pose : doit–on mettre fin à la période d’essai ? Le
choix a été fait de lui conserver sa place pendant douze mois. Aujourd’hui de
retour à temps partiel la personne bénéficie d’un plan de formation individualisé
pour lui permettre de s’approprier sa fonction.
La question reste ouverte également des personnes non voyantes qui ont été
recrutées voici plusieurs années sur des postes de conseillers téléphone, et qui
souhaitent évoluer. Le sentiment de ne pas évoluer génère de l’amertume et de
la frustration. Pour l’une d’entre elles qui avait l’informatique pour hobby, une
solution vient d’être trouvée dans les services support. Cette personne travaille
aujourd’hui à distance et ne se rend à la MACIF qu’une fois par semaine.
Le constat de ces difficultés pourrait paraître aride. Pourtant, ce n’est pas l’impression que dégagent les entretiens avec nos interlocuteurs de la MACIF. Voici
ce qu’ils en disent.
Pour eux, la personne handicapée est certes un peu moins performante mais
cela est pris en compte dès le départ dans les objectifs, et en même temps cela
crée un regard différent chez les autres membres de l’équipe. On doit parfois
apprendre à accepter qu’il y ait des erreurs, mais cela peut créer de l’entraide.
D’autre part, à constater la motivation et l’engagement dont font preuve la plupart des travailleurs handicapés, on est moins enclin à se plaindre de ses propres difficultés, et il se crée une forme d’émulation.
Cela permet aussi à chacun de se dire : si quelque chose de grave m’arrivait,
l’entreprise serait quand même là.
Pour la MACIF, il est vrai que cela rend visible, en le matérialisant et le crédibilisant le nouveau slogan au cœur de son identité stratégique : « la solidarité est
une force ».
Au final, selon F. Eugène et M. Gauthier, il semble que l’intégration de personnes handicapées dans une équipe représente un facteur global de facilitation
du travail d’équipe, un renforcement du sentiment d’appartenance et aussi de
l’ouverture à l’autre, à la différence et au changement.
Autant de résultats que certaines organisations recherchent aujourd’hui dans
le but d’améliorer la performance collective ! Mais n’oublions pas le paradoxe
qui existe au cœur de ce constat : c’est justement parce que ce n’est pas
l’effet recherché, parce qu’on ne peut être soupçonné de « calcul » que ce
résultat peut–être espéré. Car ce qui est en jeu, c’est l’authenticité de l’engagement d’ouverture aux personnes handicapées, et, plus généralement, la
capacité à accepter chacun tel qu’il est, avec ses différences.
17
RESPECT
■ Zoom sur le projet Sourds
Le projet MACIF sourd est très emblématique de la politique MACIF. En effet il
associe la prise en compte du handicap chez les sociétaires et le recrutement
d’une personne sourde. D’autre part il contribue à sensibiliser clients et salariés
à la problématique du handicap.
Ce projet s’est mis en place au niveau national suite à une suggestion faite en
2001 par une déléguée de la Région Centre Ouest Atlantique. La déléguée ayant
rapporté le besoin émergent en Région de mieux répondre aux attentes de la
clientèle sourde, une première étape a consisté à faire réaliser un site Internet
par une personne sourde, à Niort au siège de la MACIF.
Grâce à cet outil informatique, les sociétaires sourds et les conseillers peuvent
communiquer très facilement entre eux.
◗ Formation de conseillers à la langue de signes
Un appel à candidatures a ensuite été lancé aux conseillers de la MACIF pour
une formation à la langue des signes. Une soixantaine de personnes se sont
portées volontaires, dont cinq ont été retenues. Un cadre, JPR, a été associé au
projet. Une formation s’est déroulée entre 2003 et 2004, à laquelle ont participé
pour la région Rhône Alpes JPR et une conseillère, LT.
La formation a duré huit semaines, et s’est révélée très éprouvante. Être du
matin au soir avec une personne sourde (le formateur), demande beaucoup
de concentration. LT se rappelle s’être sentie en grande difficulté. « Ce monde
n’était pas le mien, explique–t–elle. Au bout de quinze jours, j’ai craqué : désolée, je m’arrête, je n’en peux plus ». Finalement LT est restée, et elle ne l’a vraiment pas regretté.
Dès son retour en agence, l’information avait déjà circulé, et des sourds se sont
présentés. « Au début, c’était du théâtre, se souvient–elle. Je n’avais pas un
niveau important en langue des signes, alors je me mettais debout, je mimais,
j’écrivais, pour me faire comprendre. Et eux, cela les amusait. Ils n’avaient pas
en face d’eux quelqu’un qui se sentait supérieur, cela les mettait à l’aise. »
Aujourd’hui LT reçoit 30 à 40 personnes sourdes par mois, ce qui représente près
d’un tiers de ses rendez–vous. Elle parle d’un « rapport de confiance extrême »
qui s’est créé avec eux.
◗ L’embauche d’une personne sourde
La mise en place de ce projet a favorisé l’embauche d’une personne sourde.
CR a un niveau Bac +2 (BTS informatique). Il avait entendu parler du projet par le
biais d’associations de sourds, et envoyé une candidature. Il a été contacté en
février 2004 pour des premières missions sous statut de vacataire. Il s’agissait
d’organiser des réunions en direction des sociétaires Sourds. Puis, en avril 2005,
CR a été recruté en CDI.
Pour répondre aux critères de qualification requis, il a reçu une formation d’une
durée de 2 mois en assurance. Cette formation a été assurée en LSF sur le site par
JPR. En outre, comme tout nouveau salarié, il a été formé aux principes mutualistes et a été présenté auprès des instances de représentation du personnel.
L’arrivée de CR au sein du Point Accueil n’a pas nécessité d’investissement
matériel particulier. Seule a été repensée la disposition des bureaux. Ainsi, le
bureau de CR a été placé en fond d’agence pour garantir le secret professionnel aux clients sourds. Ce positionnement pallie l’impossibilité de CR à recevoir
l’ensemble des clients ; ces derniers s’adressant d’abord à la personne dont le
bureau est le plus proche de l’entrée.
◗ L’intégration de C.R au sein de l’équipe
Bien que seul le responsable de l’agence ait été formé à la LSF, la présence
de CR a amené l’ensemble de l’équipe à apprendre quelques notions de LSF,
par curiosité ou par nécessité, pour pouvoir échanger des informations avec
CR. L’intégration de CR n’a pas posé de problèmes au reste de l’équipe. JPR va
même plus loin en disant que face à C.R, la situation de handicap s’inverse.
18
RESPECT
Ce sont finalement les personnes qui entendent qui se retrouvent en situation
de handicap, face à une personne sourde qui a appris à comprendre la langue
française et qui parvient à lire sur les lèvres.
Pourtant, CR est conscient que la relation avec les membres de l’équipe est
décalée. L’information lui parvient la plupart du temps par synthèse, si bien qu’à
ce jour, il ne participe pas aux réunions d’équipes. JPR se charge de lui faire des
comptes rendus de réunions.
JPR estime que dans le schéma de pérennité du projet sourd, CR tient un rôle
essentiel puisqu’il assure auprès des conseillers formés à la LSF une pratique
continue de ce langage. Il est le référent LSF au sein de la MACIF. Sans cela,
les efforts de formation demeureraient vains. Pour éviter cet écueil, chaque
conseiller prévoit de manière régulière une plage d’échanges par webcam avec
un autre conseiller. Ces échanges permettent de maintenir une pratique de la
LSF mais également d’échanger sur les situations de travail quotidiennes.
◗ L’activité en direction des sourds
En complément de leur activité de conseillers accueillant des personnes sourdes, CR et les conseillers formés à la LSF ont des contacts avec les associations de sourds de la région. Ils participent aux réunions d’information initiées
et organisées par JPR dans les locaux des associations de sourds, sur le thème
de l’assurance (contrats, services, assistance, rédaction de constat amiable).
Cette activité de prospection et de partenariat menée sous la responsabilité de
JPR en direction des associations représente un enjeu important car il est très
difficile de toucher le public sourd sans passer par les associations.
Des contacts réguliers ont été noués avec une trentaine d’associations de
sourds œuvrant dans les domaines du sport, des loisirs, de la culture, et de la
formation à la LSF.
Au sein du groupe de conseillers formés à la langue des signes, un lien fort s’est
créé, qui les conduit à s’entraider pour des opérations de communication qui
peuvent avoir lieu en dehors du cadre des horaires de travail.
La MACIF compte aujourd’hui près de 1800 sociétaires sourds au niveau national, dont 350 en Rhône-Alpes.
◗ Les équipements utilisés
Pour les prises de rendez–vous : le site MACIF Sourds, permet de se connecter
avec une web cam. À certaines heures, les conseillers LSF se mettent en disponibilité et peuvent dialoguer en direct, via la web cam, en langue des signes.
Le reste du temps, il est possible d’inscrire une demande de rendez–vous sur le
planning mis à disposition.
◗ Pour les malentendants
Un tapis de sol, sous le siège du client sourd, et relié au micro, supprime les
interférences et lui évite d’être dérangé par tous les bruits d’ambiance, ce qui
lui permet d’entendre la voix du conseiller en restant détendu.
◗ Les effets d’apprentissage
L’arrivée de CR et la formation de conseillers à la LSF ont permis d’améliorer le
service rendu aux clients sourds. « Ils redécouvrent leur contrat » et sont bien
plus au fait de leurs droits. Le mode de fonctionnement a changé également.
Dorénavant, chaque client sourd est renvoyé soit vers CR, soit vers un conseiller
LSF.
Progressivement, les difficultés rencontrées ont été résolues. Ces difficultés
d’adaptation ont été diverses.
Au départ la communication en langue des signes était fatigante et encore lente
pour les conseillers formés. LT, par exemple, devait parfois donner plusieurs
rendez–vous pour clore un dossier. Elle avait en effet pris comme règle de ne
pas dépasser une demi–heure par rendez–vous, afin de ménager sa capacité de
concentration. Aujourd’hui, elle concrétise plus rapidement.
Autre difficulté : la tentation pour certains sourds de profiter de ce qu’elle les
comprenne pour lui demander de petits services connexes, tel appeler le garagiste pour eux. Il a fallu mettre les choses au point, expliquer qu’elle n’était là
19
RESPECT
que pour l’assurance, et qu’à se lancer dans autre chose, elle risquait de faire
des erreurs. Le message est passé.
Une autre différence qu’a découvert LT et à laquelle elle a dû s’adapter, c’est
le côté très direct de la communication. Ainsi « Tu signes mal », constitue une
remarque normale et dont il n’y a pas lieu de se fâcher, car en langue des signes,
les formes de politesse n’existent pas.
Ce qu’elle a également découvert, en connaissant mieux les sourds, c’est le
niveau de difficulté qu’ils rencontrent lorsqu’on ne parle pas la langue des
signes :
• contrats mal adaptés : garantie au tiers proposée pour une voiture neuve,
appartement assuré partiellement.
• démarches inachevées : tel ce jeune sourd venu après un vol et auquel un
conseiller avait donné une déclaration à remplir. Deux jours après, comme il ne
l’avait toujours pas fait, il s’avéra qu’il ne savait pas écrire, mais n’avait pas osé
le dire.
En pratique, une bonne part des sourds n’ont pas eu accès à une éducation
adaptée, et ne savent pas correctement lire et écrire. Mais ils n’osent pas toujours dire qu’ils ne comprennent pas. (Problème de constat à l’amiable par
exemple, écrit en langue française, donc en langue étrangère pour les sourds).
Aujourd’hui, il y a donc une prise en compte et une meilleure connaissance des
spécificités des clients sourds.
D’autres handicaps auraient sans doute posé d’autres types de difficultés, et
suscité d’autres effets d’apprentissage.
Du point de vue des salariés formés à la LSF, l’expérience a été transformatrice. « C’est devenu une passion pour moi », déclare LT. Elle ajoute qu’elle a lié
des amitiés dans le milieu des sourds, que cela a pris de l’importance dans sa
vie personnelle. Elle considère que « c’est une chance et une force » pour elle
d’avoir appris la langue des signes.
Cette expérience l’a également sensibilisée à d’autres formes de handicap. Du
coup, elle a participé au salon Handica sur le stand MACIF, témoigné de son
expérience et rencontré beaucoup d’associations.
« Quand tout va bien, conclut–elle, le handicap, on ne le voit même pas. C’est
incroyable comme nous sommes en retard sur ce point. Je ne m’en rendais pas
compte. On ne connaît pas ce monde là tant qu’on ne s’est pas investi ».
◗ L’évolution professionnelle de CR
Comme tout salarié de la MACIF, CR a un entretien annuel, avec le responsable
du Point Accueil. Sont abordés les problèmes rencontrés et les perspectives
d’évolution de poste.
JPR souhaite à terme proposer des pistes d’évolution à CR. Il considère l’évolution de carrière d’une personne handicapée comme un véritable challenge
personnel et collectif. Il ne peut envisager un quelconque échec. Pour cela, il
souhaite développer des activités faisant appel aux compétences initiales de
CR, à savoir l’informatique.
CR de son côté est conscient des difficultés que pose son handicap dans l’évolution de carrière. Néanmoins, il espère devenir responsable du projet sourd
au niveau national. La région Rhône–Alpes, étant la plus avancée dans cette
démarche, l’expérience de CR permettrait de dupliquer cette action dans les
régions où l’accueil des clients sourds n’a pas été pensé, ou n’est pas satisfaisant.
Il souhaite en outre faire évoluer son activité de conseiller vers le « sinistre »  en
recevant une formation spéciale.
20
RESPECT
4. Zoom sur le projet MACITEL
C’est entre 1984 et 1988 qu’a été créé sur Lyon le premier centre d’appel avec
des non–voyants et mal–voyants.
■ le contexte
Les plateformes téléphoniques régionales sont implantées sur trois sites (Vénissieux, Andrézieux, Romans) et se différencient en deux catégories principales :
• les PATE, points d’accueil téléphoniques pour les appels Entrants (spécialisés
sinistres ou non)
• les PATS, Plateformes pour les appels Sortants, également appelées points
d’accueil commercial
Sur les PATE, 95% des personnes sont en contrat à durée indéterminée, dont une
partie de temps partiel, et les présences sont réparties sur des plages horaires
de 8h30 à 18h.
Les flux d’appels sont gérés au niveau régional, ce qui permet de dispatcher les
appels reçus sur les différents sites selon leur fréquence.
Le site de Vénissieux emploie aujourd’hui 6 personnes handicapées, dont quatre
sont non voyants ou mal voyants, sur un effectif de 55.
Du fait qu’elle accueille beaucoup de jeunes qui évoluent ensuite vers d’autres
postes, la plateforme se distingue par un turn over très important.
◗ Recrutement et intégration des travailleurs handicapés
Le repérage des besoins de recrutement se fait en amont, au niveau de la direction régionale, en lien avec le suivi des flux d’appels. « Ce sont des choix qui
nous échappent » dit CM, responsable de site.
Pour le recrutement de personnes handicapées, deux étapes d’entretien sont
réalisées. Une première sélection est faite par l’intermédiaire de la personne
chargée de recrutement, au siège régional. Le premier entretien se fait avec
cette personne, le responsable du service développement, coordinateur du
Macitel en région, le Directeur RH régional. Au second entretien, on retrouve
les mêmes protagonistes, accompagnés cette fois du responsable du site.
Selon CM, la présentation des nouveaux aux anciens est un moment décisif. C’est
le temps de l’apprentissage et de la prise en considération de la différence.
À l’arrivée d’une personne handicapée, elle est accueillie par le responsable de
l’équipe. C’est la personne handicapée qui choisit de divulguer ou non la nature de
son handicap. Pendant longtemps, cette démarche s’est effectuée « à l’instinct ».
Aujourd’hui CM apprécie le fait qu’aient été introduites des formations systématiques pour la sensibilisation des managers à la gestion de la diversité.
L’équipe a désormais l’habitude de recevoir des personnes handicapées. Il n’y
a donc plus les craintes du départ faisant obstacles. On peut parler d’un phénomène de banalisation de l’accueil de personnes handicapées.
De plus, selon CM, la prise en charge de travailleurs handicapés développe la
compétence d’ajustement de l’équipe, une compétence utile pour une équipe
soumise en permanence à des variations de personnes.
◗ Les équipements informatiques utilisés pour les non voyants
La MACIF détient le logiciel Pacmate qui permet aux personnes de rédiger en braille
grâce à un clavier spécial. Un autre logiciel traduit automatiquement le braille en
langue française. Un zoom texte est à la disposition des mal voyants pour focaliser
sur une partie d’un texte et en grossir la police de caractère.
Mais l’aménagement des postes informatiques pour les travailleurs mal voyants ou
non voyants bute aujourd’hui sur des limites fortes. Face à la rapidité d’évolution
des technologies, l’effort de traduction s’alourdit. Il est particulièrement difficile de
transposer les logiques de navigation hypertexte, (notamment celles supposant de
cliquer sur des images) actuellement très utilisées, pour des non voyants.
21
RESPECT
◗ Management
L’organisation de la plateforme limite l’impact de l’intégration d’une personne
handicapée sur le travail de l’équipe. En effet, la gestion des flux se faisant en
amont, avec un dispatching automatisé entre les sites, la plateforme de Vénissieux n’est pas soumise à des normes collectives de productivité. L’intégration
de personnes handicapées ne présente donc pas aux yeux de l’encadrant ni à
ceux de l’équipe une prise de risque sur les résultats collectifs. Dans un collectif
de travail où chacun est très autonome, elle ne nécessite pas non plus de réorganisation du travail et de la répartition des tâches.
Du point de vue du manager, le suivi du travail et des objectifs fonctionnent de
la même façon que pour tout salarié valide. Les objectifs généraux sont repartis
selon les capacités de chacun. Comme tout salarié, les collaborateurs handicapés sont demandeurs d’objectifs. Mais leur niveau de productivité étant moins
élevé qu’un salarié valide, leurs objectifs sont réduits. Cela est d’autant plus
nécessaire que l’outil informatique pour les non voyants, bien qu’adapté, est
moins rapide, et nécessite davantage de maintenance.
Cependant, le management des salariés handicapés demande un accompagnement supplémentaire, qui exige, selon CM de la patience, de la disponibilité
et de l’écoute. Les non voyants sont très demandeurs, et ont besoin d’un suivi
spécifique.
Le manager doit veiller à l’environnement de travail de la personne, car il est
important que l’entreprise constitue un cadre rassurant pour la personne handicapée. Pour les personnes non voyantes ou mal voyantes, il faut être très vigilant sur l’aménagement de l’espace. Concrètement, l’encadrant doit s’assurer
en permanence à ne pas modifier l’espace de travail et de déplacement : organisation des meubles, cartons dans les allées, afin d’éviter qu’un mal voyant ou
non voyant se blesse.
En conclusion, CM estime que la relation avec un travailleur handicapé est riche
sur le plan humain, mais elle demande donc une forte implication du manager.
C’est pourquoi, pour elle, l’embauche de personnes handicapées ne doit pas
être imposée aux managers.
◗ Évolution et maintien en poste
Sur la vague de recrutements initiale de mal voyants et non voyants, seules
4 personnes sont encore en poste. Ce constat renvoie à la problématique d’évolution de carrière, et également au fait que les recrutements de personnes non
voyantes ont été suspendus.
Lorsque c’est possible, il est proposé aux personnes handicapées des possibilités d’évolution au même titre que les salariés valides. Pour exemple, à l’entrée
du site, une personne en fauteuil accueille les clients et les redirige vers les services de leur choix. Cette personne a débuté à la MACIF comme télé conseillère
et a depuis évolué vers un poste d’hôtesse d’accueil. Son espace de travail a été
aménagé, la porte d’entrée agrandie.
Mais pour les non voyants, le problème est rendu plus difficile à résoudre du fait
de l’inadaptation actuelle des postes informatiques.
Lors de l’introduction du support informatique pour les postes de téléconseillers,
au début des années 90, il avait été possible, avec un accompagnement individualisé dans la durée, et grâce à l’aménagement de claviers braille, de permettre aux salariés non voyants d’évoluer vers ces nouveaux postes, sans perte
d’efficacité.
Malheureusement, les évolutions informatiques actuelles ne sont pas aisément
transposables en braille, et les non voyants ne peuvent pas conserver la même
cadence de travail et la même rapidité de réponse aux clients.
Aujourd’hui, compte tenu de cette situation, le service n’embauche plus de non
voyant, car ce serait risquer de les mettre en échec.
22
RESPECT
Conclusion générale
L’expérience d’intégration de salariés handicapés à la MACIF Rhône–Alpes sur
une longue période le montre bien : la chose ne va pas de soi. Elle demande en
continu attention, ouverture et capacité d’innovation.
■ Les freins ne se situent pas sur le plan économique.
Les surcoûts liés à l’intégration de personnes handicapées ne sont pas jugés
trop importants : ils sont évalués à 30 %, mais seulement au moment de l’intégration. De plus ils sont au moins partiellement compensés.
■ L’effort demandé est ailleurs.
L’intégration de travailleurs handicapés demande une énergie spécifique, qui
s’oriente de manière déterminée et continue en vue de lever tous les freins et
résistances qui peuvent s’y opposer.
Au final la décision d’intégrer des travailleurs handicapés ne peut pas être le
résultat d’un calcul, faisant la part des coûts et des gains.
Il s’agit donc d’un processus, toujours en construction, jamais gagné. Le risque
à ce niveau étant de « s’essouffler », risque renforcé si l’initiative n’est pas suffisamment partagée au sein de la structure.
Dans le cas de la MACIF, il semble que la volonté politique a pu s’appuyer sur
une cohérence «naturelle» entre le métier de l’assurance qui vise à prendre en
compte le traitement des « accidents de la vie », et la capacité à en tenir compte
dans le recrutement et la gestion de ressources humaines.
Il serait intéressant d’observer si ce constat se vérifie dans d’autres structures
où l’activité s’oriente ver les « accidents de la vie ».
Une particularité identitaire vient s’y ajouter, qui a visiblement coloré l’approche
retenue par la MACIF. Il s’agit du statut mutualiste tel qu’il est vécu, et encore
plus fortement affiché et revendiqué dans le cadre de la reconfiguration stratégique initiée dans les années 2000.
En témoigne, la récente redécision des élus, qui, malgré des circonstances de
marché devenues plus difficiles, ont souhaité poursuivre la politique en faveur
des salariés handicapés parce que « cela appartient à notre identité ».
Au final, il apparaît que cette politique fait l’objet d’un discours extrêmement
cohérent et partagé aux différents échelons de l’organisation. Il nous semble
que ce constat peut s’expliquer notamment par la recherche continue de cohérence entre les valeurs et principes de la gouvernance, les actions terrain, et le
management.
De ce fait, la politique prend sens pour tous les salariés concernés par l’accueil
des personnes handicapées, et ils peuvent s’y investir sans réserve.
et comme dit l’un d’eux :
« C’est une charge de travail supplémentaire mais je ne m’en plains pas. Cela
solidifie les équipes, ça ouvre les gens. Cela donne un peu plus d’humanité dans
le travail. »
23
RESPECT
ANNEXES méthodologiques
■ Processus d’intégration
◗ Pour le cadre accueillant
• Une journée formation spécialisée sur le handicap (MG3C)
• Une entretien avec le DRH en anticipation
• Une accès possible à un accompagnement spécialisé (avec un psychologue
clinicien)
◗ Pour le cadre accueillant et la personne accueillie
La définition d’un plan de formation (actions de formation spécifiques) pour le
cadre et pour le « travailleur handicapé » accueilli
◗ Pour l’équipe ou le collectif de travail
Une action de préparation de l’équipe de travail9
Faire en sorte que chacun soit clairement informé de ce que la personne handicapée peut, ou ne peut pas faire.
◗ La prise de fonction : prévoir un temps d’ajustement
Adaptation de la durée de la période d’essai pour le travailleur handicapé, si la
situation le justifie.
Au démarrage, un temps d’ajustement est nécessaire, pour le travailleur handicapé lui–même, et pour les équipes qui l’accueillent.
[Pour les observateurs, il apparaît que l’essentiel de la démarche d’intégration
se joue au démarrage. ]
■ Écueils et difficultés (extrait étude 2004)
Parmi les difficultés rencontrées :
◗ « Vindicte » dans les équipes :
Il s’agit souvent de problèmes liés à une crainte de manque de performance
du service ou de surcroît de travail pour les collègues du TH, voire d’effets de
groupe. Cela se produit dans les services soumis à une forte pression, notamment lorsque le service est en contact direct avec la clientèle. La réponse
apportée par la MACIF, outre la sensibilisation et l’accompagnement par des
experts spécialisés, peut être d’affecter un personnel supplémentaire en cas
de besoin.
◗ Volonté d’aide exagérée tournant à « l’assistanat » :
Cela déresponsabilise le TH. La négociation d’heures spécifiques pour les collègues, conduisant à désigner un « tuteur » en vue d’aider le TH semble à cet
égard devoir être écartée, comme « fausse bonne idée ». Mieux vaut éviter ce
traitement d’exception et privilégier la voie hiérarchique classique pour l’accompagnement du TH.
En revanche, ce qui est aidant est la capacité à mettre des moyens pour parer aux
difficultés concrètes : aménagements de postes, et si besoin établissement d’un
Plan Individuel de Formation privilégiant un formateur pour une seule personne.
◗ Enfin l’attitude des travailleurs handicapés eux–mêmes peut jouer :
Comme ailleurs, la motivation, la capacité à positiver, l’humour, seront des
puissants facteurs d’intégration. Mais à l’inverse une personne qui n’assume
pas son handicap pourra échouer. Ainsi, le travailleur handicapé aura le même
devoir de respect envers ses collègues le même devoir de respect que ces derniers l’ont envers lui.
■ Attitudes ressources (extrait étude 2004)
Parmi les principes qui ont guidé l’action à la MACIF et favorisé sa réussite :
9. 82 Plans Individuels de Formation réalisés au cours de l’année 2004.
• Attente du résultat lié au travail : même exigence de compétence pour un TH
24
RESPECT
• Prise en compte des caractéristiques de la personne pour aller vers la meilleure
adéquation personne/situation de travail (les aspects matériels inclus, semblent
ne pas générer de difficultés)
• Passage par le hiérarchique classique, quitte à devoir au départ « imposer » la
règle de recruter un TH
• Préservation de la liberté de la personne concernée de faire savoir (rendre
publique) sa situation de handicap. En pratique, lorsque le handicap est visible,
c’est inévitable.
• Pas de « sauvetage » : ne pas anticiper inutilement une incapacité, un manque
d’autonomie ; et selon ce principe, pas de tutorat systématique
• Accompagnement des managers encadrant des TH : accès permanent à la
DRH.
• Dès qu’il y a une difficulté, le hiérarchique est invité à le faire savoir au service
des ressources humaines, qui « prend la main », quitte à gérer une mutation de
la personne concernée s’il le faut.
• Prise en compte de la possibilité de l’échec : « l’échec fait partie du jeu »
■ Pour compléments voir aussi
Des ressources pour l’intégration
Première étude réalisée en 2004 dans le cadre du programme européen
« RESPECT/ Manager les différences »
Cette étude est disponible auprès du Collège Coopératif Rhône-Alpes
[email protected]
25
RESPECT
2.2. Monographie Leroy-Merlin
Rédaction : Christophe Everaere
Cette synthèse est le fruit de plusieurs entretiens menés chez
Leroy Merlin auprès de différents acteurs :
◗ Au niveau de la Direction Régionale Rhône-Alpes Centre :
• Frédéric Rochaix : responsable des ressources humaines
• Laurent Gabard : référent Handicap
◗ Au niveau du magasin de Bron :
• Jean-François Ferrier : directeur du magasin de Bron
• Daniel et Régine : deux personnes en situation de handicap
◗ Au niveau du magasin de Tassin :
• Blandine Omont : responsable du personnel et des ressources
humaines
• Guy Dubié : directeur du magasin (entretien conjoint)
• Lise Wagner (personne non voyante, affectée au standard
téléphonique)
Pour essayer de dépasser la simple description du cas et
mettre les observations en perspective, des références à des
statistiques et à quelques publications seront mentionnées
dans le corps du texte.
Les supports utilisés pour la présentation de cette monographie
sont accessibles en sélectionnant, avec l’outil main, le lien
ci-après : presentation leroy-merlin.ppt
26
RESPECT
Insertion et maintien
dans l’emploi des personnes
handicapées
Afin de rendre compte de cette monographie, nous allons procéder en deux
temps.
Tout d’abord une analyse globale au niveau de l’ensemble de l’entreprise pour
cerner son identité, son domaine d’activité, la place occupée par la question du
handicap dans la stratégie de l’entreprise, les effets de la structuration particulière de l’entreprise en réseau de magasins autonomes et une présentation des
conditions de travail, en général, communes à la grande distribution de bricolage et leurs incidences sur le handicap.
Puis, dans une deuxième partie, nous allons analyser la question du handicap,
à l’échelle des magasins pour rendre compte à la fois des pratiques, des enjeux
et des conditions nécessaires à l’intégration et au maintien dans l’emploi des
personnes handicapées.
IDentité de l’entreprise
Cette première partie vise à présenter l’entreprise dans ses grandes traits :
identité, effectif, appartenance à l’AFM (Association Famille Mulliez), domaine
d’activité, positionnement concurrentiel, conditions de travail et leurs effets
sur le handicap, pratiques générales en matière d’emploi des personnes handicapées à l’échelle du secteur d’activité.
Nous allons également présenter la place qu’occupe le handicap dans la stratégie de l’entreprise en montrant comment le handicap constitue à la fois une
préoccupation de nature « humaniste » et aussi une opportunité de nature
« commerciale » en raison du nombre important de personnes – potentiellement clientes – qui présentent une diminution de capacités (notamment les
personnes âgées vivant à domicile) ou un handicap.
La structuration particulière de l’entreprise en réseau de magasins autonomes et répartis sur le territoire sera l’objet de la troisième partie. Ce point est
important car il explique pourquoi il est nécessaire de descendre au niveau
de chaque magasin pour comprendre les pratiques en matière d’emploi des
personnes handicapées.
Enfin, pour clore cette première partie de cadrage, nous allons insister
sur les conditions de travail particulières dans ce secteur spécifique de la
grande surface de bricolage (GSB). Ceci afin de comprendre le constat établi
au niveau des statistiques macro-économiques et sociales selon lesquelles,
globalement, le taux d’emploi des personnes handicapées est relativement
moins important dans le secteur du service et du commerce que dans les
autres secteurs d’activité.
Leroy Merlin France est une grande entreprise qui emploie environ 17 000 personnes sur le territoire français. Mais ce n’est qu’une partie d’un ensemble
plus vaste composé d’autres enseignes (Aki, Bricocenter, Bricoman, Dompro,
Weldom,) réunies au sein du groupe Adeo. Les entreprises du groupe Adeo
emploient 40 000 personnes et sont implantées dans 9 pays. Le domaine d’activité de Leroy Merlin est celui de la grande distribution dans le secteur particulier du bricolage. La stratégie de l’entreprise est d’être un multispécialiste
de l’aménagement et de la décoration de la maison.
Leroy Merlin a comme actionnaire principal depuis 1979 l’Association Famille
Mulliez (AFM) dont font partie d’autres enseignes telles que le groupe
Auchan, Décathlon, Boulanger, Saint Maclou, Kiabi, Norauto, Flunch, Banque
Accord, etc. Le groupe Adeo, tout comme les entreprises de l’AFM, a comme
27
RESPECT
particularité notoire de ne pas être coté en bourse (le groupe dispose donc
d’une complète autonomie financière et stratégique). Une autre spécificité
des entreprises de l’AFM est d’associer largement les salariés au capital et
au résultat de l’entreprise. Le groupe Auchan, en particulier, est la propriété
à hauteur de 13,5 % de ses salariés ; ce taux d’actionnariat salarié constitue
un record en France pour les entreprises classiques.
Leroy Merlin est aujourd’hui leader en France sur son secteur d’activité,
ayant dépassé en 2004 son principal concurrent Castorama.
Les données statistiques sont peu abondantes, de même que les déclarations
officielles (chartes, effet d’annonce, etc.) conformément à une politique de
communication globalement assez discrète et modeste.
Quelques chiffres toutefois : le taux d’emploi des TH est de 2,75 % au niveau
national et de 3,1 % pour la région Rhône-Alpes Centre. Le nouveau mode de
calcul (depuis la loi du 10 février 2005) a contribué à dégrader ce score9 .
L’entreprise connaît globalement une excellente santé : croissance à deux
chiffres, leader dans son secteur, extension internationale, recrutements
massifs : Leroy Merlin est le 17è recruteur français en volume (2 500 personnes recrutées par an) ; 40 % des recrutements se font à partir de candidatures spontanées. Le turnover est limité à 8 %. L’investissement en formation s’élève à 6,5 % de la masse salariale : un taux important à l’image de
la politique sociale et humaine particulière des entreprises de l’AFM. Dans
la rubrique « Match » qui compare deux entreprises équivalentes, le mensuel Liaisons Sociales faisait état de résultats contrastés entre Castorama
et Leroy Merlin : 22 % de turnover et 4,2 % d’investissement formation pour
le premier ; 8,2 % de turnover et 5,6 % d’investissement formation pour le
second ; ces chiffres portant sans doute sur l’année 2002, compte tenu du
moment de parution de l’article (septembre 2003)10 .
La philosophie de l’entreprise Leroy Merlin en matière de politique sociale
est exprimée de la façon suivante (source : site Internet de l’entreprise) :
Le
travail d’équipe, le goût de la performance et le professionnalisme sont
les valeurs partagées qui fondent notre
culture.
La satisfaction du client implique l’honnêteté, la compétence, l’exigence, l’initiative et l’engagement. Notre philosophie
repose sur la conviction que les Hommes
constituent l’une des principales richesses de toute entreprise, c’est la raison
pour laquelle chez Leroy Merlin chaque
salarié est étroitement associé à la vie et
au développement de son secteur, de son
magasin et de son entreprise.
Cette philosophie de participation s’appuie
sur le triple partage du savoir, du pouvoir
et de l’avoir.
◗ Le partage du savoir : l’information et
9. L’assiette de calcul des effectifs intègre
désormais tous les effectifs alors qu’auparavant les effectifs correspondant à des
activités incompatibles avec le handicap
n’entraient pas en ligne de compte. L’autre
changement dans le mode de calcul est la
suppression des anciennes catégories de
handicap établies par la Cotorep.
développer personnellement et professionnellement.
◗ Le partage du pouvoir : se traduit par la
responsabilisation, l’autonomie et l’invitation à s’exprimer sur l’avenir souhaité
par l’entreprise.
◗ Le partage de l’avoir : Leroy Merlin
croit au travail d’équipe et privilégie les
victoires collectives. Les collaborateurs
sont intéressés aux résultats de leur
magasin comme à ceux de l’entreprise, à
court terme et à moyen terme. En outre,
ils ont la possibilité de devenir actionnaires de Leroy Merlin, en France, en
Espagne et en Pologne. Cette politique
de partage très dynamique favorise un
état d’esprit de progrès et de travail en
équipe.
la formation des collaborateurs sont
privilégiées pour leur permettre de se
10. S. Béchaud, « Le rayon social est moins
garni à Casto qu’à Leroy Merlin », Liaisons
Sociales, octobre 2003.
28
RESPECT
Les commentaires de la presse concernant l’entreprise sont plutôt élogieux,
comme en témoignent ces quelques extraits :
leroy merlin primé au palmarès des entreprises
où il fait bon travailler...
pour la troisième année consécutive, leroy merlin est lauréat au palmarès
des 25 « best workplaces en france » avec un prix spécial pour son management
participatif.
elle est la seule entreprise de distribution a être primée. notre enseigne
se distingue notamment sur la participation des collaborateurs aux bénéfices
(troisième place), l’accueil des nouveaux collaborateurs (troisième place)
et les avantages offerts dans l’entreprise (cinquième place).
deuxième prix des trophées management et compétences organisé
par le magazine enjeux–les echos et le groupe de formation cegos...
leroy merlin est récompensé pour ses actions innovantes de formation
et de développement des compétences !
le 6 décembre 2005, leroy merlin a remporté le deuxième prix des trophées management et compétences. elle est, pour cette sixième édition, la première entreprise de
grande distribution primée.
ce trophée vient saluer la démarche et les actions innovantes de formation
et de développement des compétences engagées par leroy merlin en 2005.
« leroy merlin soigne ses salariés...»
«appartenant à la famille mulliez depuis 1979, leroy merlin n’a rien à envier
aux autres enseignes du groupe. après avoir détrôné castorama de sa place
de leader du bricolage, leroy merlin affiche une santé presque insolente :
une croissance à deux chiffres depuis vingt ans, dont 20 % sur le dernier
exercice. de quoi faire pâlir d’envie les concurrents... et leurs salariés,
qui regardent sûrement avec intérêt les conditions de travail réservées
à leurs homologues. (...) »
les echos du 27 juin 2006 p.
12
un récente enquête du figaro place le spécialiste du bricolage en 22è position
des entreprises qui recrutent sur 117 entreprises interrogées, avec des volumes qui
tourneront comme l’an passé autour de 2000 recrutements.
■ Une politique sociale (et commerciale) active en matière de
handicap marquée par un engagement fort de la direction de
Leroy Merlin France
Le sujet du handicap constitue une préoccupation forte exprimée de façon
explicite par la direction générale de l’entreprise et par l’ensemble des collaborateurs.
Une preuve tangible de l’intérêt de l’entreprise pour le sujet du handicap réside
dans le lancement en 1998 en partenariat avec Handicap International du
concours intitulé « papa-bricoleur » (voir ci-dessous) destiné à aider les parents
d’enfants handicapés.
objectif du concours « papa–bricoleur » :
la survenue d’un handicap dans une famille implique nécessairement l’aménagement de son habitat et l’acquisition d’aides techniques pour faciliter sa vie
quotidienne. mais le matériel spécialisé est souvent très onéreux et les aides
financières peu connues, ce qui conduit les familles à créer, innover, et à pratiquer « le système d ».
C’est pourquoi, depuis 1998, Handicap International et Leroy Merlin proposent aux parents d’enfants handicapés, papas bricoleurs, mamans astucieuses,
à tous les membres de la famille ainsi qu’à leurs amis, de participer au concours
des Papas Bricoleurs. Un seul objectif : faire circuler, entre les familles, les
idées qui améliorent la vie quotidienne des enfants.
29
RESPECT
suite : objectif du concours « papa–bricoleur » :
chaque année, les innovations primées en juin sont éditées dans un guide gratuit
diffusé à plus de 60 000 exemplaires, disponible dans tous les magasins Leroy
Merlin et sur simple demande à Handicap International.
Les lauréats reçoivent des bons d’achat Leroy Merlin et des abonnements gratuits à Déclic, le magazine de la famille et du handicap, publié par Handicap
International.
Par ailleurs, une fondation a été créée en 2006 disposant d’un budget de 3 millions d’Euros et dont l’objectif est de contribuer à l’amélioration de l’habitat des
personnes en situation de handicap et de dépendance. Les projets financés
par la Fondation sont portés et accompagnés par les collaborateurs de l’entreprise.
Sur le plan de l’offre produit, Leroy Merlin a construit une gamme de produits
« ADAPT » qui répond à des besoins d’amélioration de l’habitat pour les personnes à capacité réduite, notamment les personnes âgées vivant à domicile,
ainsi que pour les handicapés. La gamme des produits ADAPT fait partie des
« combats » (sic.) de l’entreprise. Voir ci-dessous un extrait du site Internet de
l’entreprise qui présente cette gamme de produits :
baisse de force
par manque de force, certains gestes simples de la vie quotidienne, comme ouvrir
une fenêtre ou jardiner, deviennent parfois difficiles, voire impossible.
notre gamme
manipuler...
11. On recense, en 2005, 13,5 millions
de retraités (tous régimes confondus).
Source: Drees, Etudes et Résultats,
n° 587, juillet 2007.
12. Sur les 38 millions de personnes en
âge de travailler (15 – 64 ans), 9,2 millions
déclarent avoir un problème de santé de
plus de 6 mois ou un handicap (1/4) = population A (ce sont donc des clients potentiels de Leroy Merlin). Parmi ces derniers,
4,9 millions indiquent que ce problème de
santé ou ce handicap limite l’accès à l’emploi, la quantité ou la nature du travail qui
peut être réalisé ou encore les possibilités
de déplacement entre le domicile et le lieu
de travail = population B. Et seulement,
1,3 M bénéficie d’une reconnaissance
officielle de leur incapacité ou invalidité =
population C (source : Amira S., Meron M.,
2006, « Où sont les travailleurs handicapés ? » in Triomphe A. (Dir.), Economie du
Handicap, Paris, PUF, p. 103).
« adapt » propose des outils plus légers, plus simples et faciles à
Une étude interne intitulée « Leroy Merlin et la problématique Dépendance et
Handicap » rédigée par Pascal Dreyer en janvier 2005 montre à quel point cette
entreprise est sensible à l’adaptation de ses produits et services à une clientèle à mobilité réduite que ce soit en raison de l’âge ou du handicap. 92 % des
directeurs de magasin interrogés dans le cadre de cette étude ont, par exemple,
repéré des produits adaptés aux situations de handicap ou de mobilité réduite
dans leurs rayons. 50 % des directeurs de magasin ont perçu une évolution de
leur clientèle, notamment la présence croissante de seniors et de personnes
handicapées. Plusieurs magasins ont adapté leurs services classiques aux
demandes de leurs clients à mobilité réduite ; 10 magasins (sur 35 répondants)
ont mis en place des services spécifiquement réservés aux personnes handicapées ou à mobilité réduite (accueil sur RDV, accompagnement du client à
mobilité réduite dans le magasin ; centralisation de la commande en magasin).
Par contre, aucun magasin ne proposait (à l’époque de l’enquête) un accueil en
langue des signes pour les personnes sourdes et malentendantes. Mais des initiatives locales ont pu être mises en œuvre, à l’initiative personnelle de certains
conseillers-vendeurs, pour développer une compétence particulière en matière
d’accueil et de conseil à des clients handicapés (le cas du magasin de SaintEtienne a été cité).
On peut constater ici qu’une sensibilité à la question du handicap, des déficiences ou des réductions de capacités, sous un angle « humaniste », n’est pas
incompatible avec des préoccupations de nature plus commerciales. En effet,
l’allongement de la durée de vie combinée à l’arrivée prochaine à la retraite
des baby-boomers va générer une masse importante de clients en situation de
capacité réduite en raison de leur âge, mais aussi en situation de disponibilité
pour travailler dans la maison et bricoler en raison de leur statut de retraités11.
De la même façon, le « marché » des personnes qui déclarent avoir un problème
de santé de plus de six mois par an ou un handicap s’élève à près de 10 millions
de personnes en France 12 .
30
RESPECT
Cette sensibilité au handicap manifestée au sommet de l’entreprise trouve
un écho dans les régions au niveau de la gestion des collaborateurs. Ainsi, le
responsable RH de la région Rhône-Alpes Centre rencontre tous les mois les
responsables RH de chacun des 12 magasins de son secteur géographique.
La thématique du handicap constitue l’un des points qui est systématiquement
abordé.
La nomination récente, à l’échelle de la région, d’un référent Handicap, lui-même
en situation de handicap, avec une expérience de conseiller de vente en magasin, constitue un indice supplémentaire de la politique active de l’entreprise en
matière d’emploi des personnes handicapées.
L’un des magasins du secteur, en vertu de l’autonomie qui est accordée aux
directeurs locaux et de leur sensibilité relative à cette question, a même inscrit
le handicap dans sa « lettre de mission », donc à un niveau stratégique. D’où
l’intérêt d’aborder maintenant la structure particulière de l’entreprise qui fait de
chaque magasin une unité d’action et de décision autonome.
■ Une structure décentralisée qui favorise l’adaptation et
l’autonomie locale au niveau de chaque magasin, mais qui
nécessite une démultiplication des efforts de sensibilisation
des managers locaux à la question du handicap.
L’une des raisons du succès de l’entreprise réside dans la couverture du territoire.
L’unité organisationnelle de base de l’entreprise est donc le magasin (il y en a plus
d’une centaine en France : 105 ayant le statut de magasin intégré et 4 le statut
de franchisé). Lesquels sont implantés à proximité des grandes agglomérations13
et emploient en moyenne 130 personnes. Chacun des magasins constitue, à une
échelle locale, une structure de type PME chargée d’appliquer une stratégie commune : même logo, même architecture, niveaux de prix et de qualité identiques,
communication commerciale et pédagogique partagée. C’est la force d’une enseigne commune que de délivrer partout le même type de services où que soient les
clients, en bénéficiant de la force d’achat d’une grande entreprise.
Cependant, chacun des managers (en particulier les directeurs de magasin
et les chefs de secteurs commerciaux : voir les descriptifs des métiers et des
champs de responsabilité de ces deux personnages-clés des magasins ci-dessous) dispose d’une véritable autonomie pour s’adapter aux spécificités de son
territoire et pour recruter ses collaborateurs : « Un des facteurs clé de succès du développement de Leroy Merlin réside dans sa capacité à adapter son
concept à la réalité locale et à responsabiliser les équipes au plus près de l’action. C’est pourquoi, Leroy Merlin a choisi une organisation matricielle qui privilégie le développement de l’autonomie et la prise d’initiatives tout en favorisant
l’échange, le partage d’expériences et l’optimisation des moyens » (extrait du
site Internet de l’entreprise).
◗ Directeur de magasin :
Patron du magasin, il est responsable de la satisfaction de ses clients, du
développement de son équipe (50 à 400 collaborateurs) et de l’animation de
son Comité de Direction, de la gestion et du développement commercial de
son centre de profit en vrai patron de PME. Il contribue à ancrer le magasin
dans l’environnement marché, économique et social.
13. Leroy Merlin aide chacun de ses
clients à rêver sa maison et à la réaliser.
Implantés à proximité des grandes agglomérations, les magasins Leroy Merlin
sont des grandes surfaces de bricolage
(9.000 m2 en moyenne) en libre service
et vente assistée. Organisés autour de
5 univers (bricolage, construction, jardinage, sanitaire et décoration), ils déclinent
une gamme de produits adaptée aux attentes de leurs clients… au meilleur prix.
Leroy Merlin, ce sont aussi plus de 300
services adaptés dans chaque pays pour
faciliter l’achat, la mise en œuvre et le suivi des projets : devis, commande, livraison,
location de véhicule, service après–vente ;
et aussi pose, cours de bricolage, librairies
spécialisées dans certains magasins.
◗ Chef de secteur commercial :
Membre – acteur du Comité de Direction de son magasin et patron de son
secteur (un ou plusieurs rayons), il anime son équipe en complète autonomie
(recrutement, formation...), et développe son commerce (choix des gammes,
prix de vente, actions commerciales…). Il est le garant de la satisfaction du
client sur son secteur.
Ce qui est une force au niveau commercial (autonomie et réactivité locale pour
s’adapter aux spécificités du territoire) peut constituer une difficulté quand il
s’agit d’appliquer une politique commune en matière d’emploi des personnes
handicapées. En effet, en vertu de l’autonomie locale des managers (directeurs
de magasins et chefs de secteurs), il nous a été répété plusieurs fois que l’emploi de personnes handicapées ne pouvait pas être imposé aux responsables
locaux. De la même façon, si l’obligation légale des 6 % est connue, le choix des
31
RESPECT
modalités d’acquittement de cette obligation relève de la direction locale des
magasins. Il faut donc démultiplier aux niveaux des responsables locaux un travail important d’information, de sensibilisation et de conviction. Or, en matière
de sensibilité des managers de magasins à la question du handicap, il semble y
avoir une certaine hétérogénéité.
Le paramètre de la « générosité » a été plusieurs fois exprimé lors d’un des
entretiens pour qualifier le profil des managers sensibles ou non à la question du
handicap. L’évocation de cette notion de générosité peut surprendre lorsqu’elle
est exprimée dans le contexte d’une entreprise capitaliste soumise à des obligations de performance et confrontée à une concurrence impitoyable14. Dans tous
les cas, elle complexifie beaucoup l’analyse des facteurs-clés de succès de
l’intégration et du maintien dans l’emploi des personnes handicapées, car cette
générosité oblige à prendre en compte la psychologie ou les valeurs propres à
chacun des managers de proximité.
Finalement, l’analyse de « l’entreprise » Leroy Merlin nous oblige à descendre
dans le cas particulier de chacun des 109 magasins qui constituent autant de
structures de type PME dirigées par des patrons locaux très autonomes, lesquels respectent l’autonomie de chacun de leurs chefs de secteurs qui sont
souverains en matière de recrutement.
Il n’est donc pas étonnant que les écarts de taux d’emploi des TH varient beaucoup d’un magasin à l’autre. Certains dépassent le seuil des 6 %, d’autres magasins n’en ont aucun en dépit des efforts déployés localement. Aux paramètres
subjectifs liés à la personnalité, aux valeurs, à la « générosité » des managers
locaux, s’ajoutent aussi des paramètres plus objectifs liés en particulier à l’âge
du magasin, ainsi qu’au marché de l’emploi local.
Par exemple, certains magasins créés depuis moins de deux ans sont exonérés de l’obligation d’emploi de personnes handicapées. D’autres, récents
également, ne sont pas encore concernés par des problématiques de maintien dans l’emploi parce qu’ils ont la chance de ne pas avoir encore subi d’accidents du travail générateurs de handicap. D’autres magasins voudraient
embaucher des personnes handicapées, mais n’en trouvent pas dans leur
bassin local d’emploi.
Cette combinaison de facteurs subjectifs (générosité des managers) et de
facteurs objectifs (date de création du magasin, disponibilité de personnes
handicapées sur leur bassin d’emploi) peut contribuer à expliquer la grande
variété des scores en matière d’emploi de personnes selon les magasins. Une
certitude est que si la volonté des managers locaux est indispensable, elle
n’est pas suffisante.
Une autre certitude exprimée par le référent Handicap est que le taux d’emploi
des personnes handicapées par magasin n’est pas forcément proportionnel
aux efforts fournis localement par les managers locaux. En d’autres termes, la
personnalité des directeurs de magasin n’explique pas tout pour comprendre
les écarts de taux d’emploi des personnes handicapées.
14. Ce principe de générosité exprimé ici
de façon explicite par des responsables
de Leroy Merlin comme valeur forte et
fondatrice de l’entreprise permet d’établir
une passerelle solide et féconde avec les
entreprises de l’économie sociale et solidaire. Certes, c’est plutôt le principe de
solidarité qui y est revendiqué. Mais la générosité d’un côté, la solidarité de l’autre ;
n’est ce pas l’indice du partage d’une certaine vision relativement concordante de
l’Humain, qu’il soit collaborateur, client,
actionnaire ou citoyen ?
15. On trouve plus de 50 000 références en
magasin et 20 000 autres articles disponibles sur commande dans les différents
domaines du bricolage, matériaux, menuiserie, décoration, outillage, revêtements,
carrelage, sanitaire, plomberie, quincaillerie, peinture, luminaire, électricité et jardin (information extraite du site Internet
de Leroy Merlin).
Il importe maintenant de prendre en compte les conditions particulières de
travail propres à la grande distribution en général et à celles du bricolage
en particulier. Ceci afin d’anticiper sur l’analyse des conditions favorables ou
restrictives à l’emploi des personnes handicapées, et aussi pour comprendre
pourquoi au niveau macroscopique, le secteur du commerce et des services
enregistre relativement moins de personnes handicapées que les autres secteurs d’activité.
■ Le commerce de détail : un métier physique…
Le cœur du métier de la grande distribution est de mettre à disposition du public
une gamme aussi large que possible de produits15 dans des rayons bien présentés, bien rangés, remplis, et accessibles avec des indications claires. La devise
des 3 P : « plein – propre – prix » résume cet objectif. Un conseiller de vente
(voir le résumé de sa fiche de fonction ci-dessous), par exemple, quel que soit son
rayon, doit s’en occuper en appliquant cette devise qui nécessite des déplacements
permanents, une manipulation constante de produits et exige donc des efforts phy32
RESPECT
siques non négligeables. « Dans le commerce et les services, 76 % des employés de
commerce disent rester longtemps debout, 57 % porter des charges lourdes et 46 %
rester longtemps dans des postures pénibles »16. 
◗ Conseiller de vente
Il accueille, écoute, conseille et sert les clients pour répondre à leurs besoins. Il
joue également un rôle dans l’élaboration des gammes, par ses remontées d’informations, et participe à la mise en valeur de son rayon.
Cette double composante du travail : physique (manipulation de produits) et relationnelle (disponibilité permanente pour conseiller les clients) qui caractérise le travail en magasin est éprouvante. Les spécialistes du travail ont bien mis en évidence
les exigences particulières induites par un contact avec le public : disponibilité qui
oblige à interrompre souvent le travail en cours, adaptation, capacité d’improvisation, capacité d’empathie, maîtrise des interactions sociales, compétences de civilité et de communication, etc.17
Ceci peut expliquer que, selon l’un des directeurs de magasin rencontré, affecter
une personne handicapée sur la surface de vente (donc le magasin) est difficile. Le
cas d’un conseiller de vente handicapé qui travaille à temps plein dans son magasin
(défaut de vision d’un œil) lui paraît être une exception. Pourtant, nous avons rencontré le référent Handicap pour la région Rhône-Alpes Centre qui a été conseiller
de vente en magasin en rayon décoration pendant plusieurs années en dépit d’une
tétraparésie.
Très peu de postes dans les magasins, réservés à des fonctions essentiellement
administratives en back office dans les bureaux (une dizaine sur un effectif complet moyen de 130 personnes) échappent à cette composante physique du travail
et aux exigences commerciales. Les possibilités sont donc réduites d’affecter les
travailleurs handicapés à des postes en back office.
■ Un métier physique… et accidentogène
Sans qu’il nous ait été possible de disposer de chiffres précis à ce sujet, l’activité en
magasin est source d’accidents du travail générateurs de handicap.
A l’échelle de l’ensemble du secteur, la situation s’est globalement dégradée : « Les
maladies professionnelles ont été multipliées par six dans la grande distribution entre
1995 et 2004. La fréquence des accidents du travail y est supérieure à l’industrie chimique et au secteur de la manutention et des transports. 85 % des salariés déclarent
leur travail physiquement fatigant (contre 75 % en 1998), 40 % s’estiment stressés, et
80 % jugent la pression temporelle forte »18 .
16. N. Guignon et S. Hamon–Cholet, « Au
contact avec le public, des conditions de
travail particulières », Premières Informations et premières synthèses, DARES,
février 2003, n° 09.3.
17. Rogard V., 2000, « La relation de service et ses implications dans la gestion
des ressources humaines » in Lévy–leboyer C., Huteau M., Louche C., Rolland
JP., RH  : les apports de la psychologie du
travail, Paris, Editions d’Organisation.
18. L. Jeanneau, « Souffrance à tous
les rayons », Alternatives Economiques,
n° 255, février 2007, p. 62, dans un dossier
consacré à la seconde vie du taylorisme.
19. S. Amira et M. Meron, « L’emploi des
travailleurs handicapés dans les établissements de 20 salariés et plus : bilan de
l’année 2004 », Premières Informations
et premières synthèses, DARES, janvier
2007, n° 01.1.
Le handicap induit par l’activité professionnelle le plus souvent évoqué dans l’entreprise Leroy Merlin est celui généré par des problèmes de dos, en rapport avec le port
et la manipulation de charges. Nous avons rencontré deux travailleurs handicapés
en magasin qui ont connu leur handicap suite à un accident de travail. Perte d’un œil
suite à une manipulation de tiges métalliques dans un cas ; chute d’une échelle dans
le cadre d’un travail d’inventaire réalisé par une personne habituellement affectée à
un travail administratif. Il convient de préciser que la culture d’entreprise engendre
des affectations parfois inhabituelles pour mener à bien un travail d’inventaire qui
mobilise l’ensemble des salariés des magasins, même ceux dont ce n’est pas l’affectation régulière. Cette relative variété des tâches confirme un principe important
de la culture interne qui est celui de la polyvalence. Nous y reviendrons ensuite pour
expliquer pourquoi cette exigence de polyvalence peut poser problème pour l’emploi
de personnes handicapées dans les magasins.
Cependant, au vu des statistiques macroscopiques, le secteur du commerce et des
services est celui qui génère le moins de handicap à partir d’accidents du travail et de
maladies professionnelles : 14 % des handicapés travaillant dans le commerce et les
services le sont suite à un accident du travail et de maladies professionnelles contre
56 % dans le secteur du bâtiment, 35 % dans l’agriculture, 34 % dans les transports,
29 % dans l’industrie19.
33
RESPECT
■ La grande distribution : un secteur éprouvant en termes
de disponibilité
Une autre caractéristique forte de ce secteur d’activité concerne les horaires de
travail. Le souci d’adaptation aux clients induit des horaires d’ouvertures extensifs (9 heures jusque 20 heures dans les magasins) ainsi que des pics d’activité
en particulier le samedi20. Ces horaires sont souvent jugés contraignants pour
la vie privée des collaborateurs en général ; il est donc possible que certaines
déficiences exacerbent ces contraintes lorsque le handicap fragilise l’état de
santé. Même si le recours au travail à temps partiel est fréquent dans la grande
distribution et vivement recommandé pour les personnes handicapées, il ne suffit pas toujours pour absorber des rythmes de travail éprouvants.
Les statistiques relatives aux secteurs d’activité recherchés par les demandeurs
d’emploi montrent une faible attractivité du secteur tertiaire marchand : 20 %
des demandeurs d’emploi (DE) handicapés manifestent une attirance pour le
secteur tertiaire marchand (dont fait partie Leroy Merlin). Ce taux est identique
pour les demandeurs d’emploi valides21.
Alors que le secteur le plus attractif pour les deux populations de demandeurs
d’emploi (handicapés et valides) est celui du tertiaire non marchand : ce secteur attirant respectivement 43 % des DE handicapés, et 46 % des DE valides.
■ Le secteur du bricolage comporte une dimension conseil
plus exigeante
Par rapport à la grande distribution classique, le secteur du bricolage est plus
exigeant en termes de compétences requises car la vente d’un outil, d’un produit de décoration ou d’aménagement induit souvent un conseil. « Leroy Merlin
c’est plus de 300 prestations pour faciliter vos achats, vous aider dans la mise
en œuvre et le suivi de vos projets. Le service fait partie intégrante de notre
métier » (extrait du site Internet de l’entreprise).
Cette volonté de « rendre service » rend le critère du savoir-être déterminant
dans les critères de recrutement et l’évaluation des compétences du personnel. Cela signifie être à l’écoute du client, tout mettre en oeuvre pour l’aider, le
satisfaire, et le faire revenir dans le magasin. Etre leader de la satisfaction client
constitue le premier pilier du projet d’entreprise. Pour spécifier l’importance
de ce critère du savoir-être et montrer comment il constitue une composante
essentielle de la culture d’entreprise Leroy Merlin, l’un des directeurs de magasins a employé l’expression « avoir le sang vert », en rapport avec la couleur du
logo de l’entreprise, pour désigner telle personne, handicapée en l’occurrence,
qui a cet esprit service et donc le savoir-être adéquat.
20. A l’échelle de la grande distribution,
40 % des personnes interrogées (dans le
cadre d’une enquête réalisée par la Fédération patronale du commerce et de la
distribution (FCD) et le Centre Interservices de santé et de médecine du travail en
entreprise (CISME), dépassent les horaires
normaux, et plus de 30 % ne connaissent
pas leur planning au moins deux semaines
à l’avance. 80 % des salariés d’hypermarchés embauchent avant 7 heures du matin
et 38 % travaillent la nuit » L. Jeanneau,
op. cit. p. 62.
21. « L’image de la grande distribution est
peu valorisante. L’image est si négative
qu’elle a souvent une répercussion directe
sur une auto–dépréciation des salariés
(notamment les caissiers) », A. Agathocoulos, « Grande Distribution : les conditions de travail passées au peigne fin »,
Travail & Changement, Anact, décembre
2002.
22. « Le chômage des personnes handicapées en décembre 2006 », publication du
Ministère du Travail, des relations sociales et de la solidarité », 1er mars 2007.
Ce critère du savoir-être est tellement important, et en même temps relativement
rare (dans la population en général), que lorsqu’une personne handicapée fait acte
de candidature, en disposant de cette compétence, elle est embauchée, même en
l’absence d’affectation immédiate (propos d’une responsable RH en magasin).
Les exigences induites par les relations avec la clientèle expliquent aussi pourquoi le recours à des personnes handicapées mentales sont très rares. Un seul
cas nous a été relaté qui n’a pas duré.
Il n’y a pas de niveau d’étude minimum requis pour être recruté en magasin.
Cependant, le niveau Bac constitue un indicateur significatif du potentiel d’évolution des personnes dans l’entreprise. Ce qui ne facilite pas le recrutement
de personnes handicapées. En effet, le niveau de qualification des personnes
handicapées est globalement inférieur aux personnes valides : « Dans la tranche d’âge de 25 à 49 ans, une personne sur deux ayant un handicap limitant sa
capacité de travail ou reconnu par l’administration ne possède aucun diplôme
professionnel ou supérieur au brevet (contre 30 % pour l’ensemble de la population). La proportion de celles qui détiennent un CAP ou un BEP est proche de
la moyenne, mais les bacheliers sont relativement rares : 15 % des personnes
handicapées ont un niveau scolaire supérieur au égal au Bac » (Amira et Meron,
2006, p. 104). Ces statistiques rejoignent celles relatives aux demandeurs d’emploi handicapés qui sont par définition disponibles pour occuper un emploi :
« Les demandeurs d’emploi handicapés ont très souvent un niveau de formation égal ou inférieur au BEP (82 %). Cette proportion est supérieure à celle des
demandeurs d’emploi non handicapés (58 %) »22.
34
RESPECT
Dans ce contexte de compétences rares et critiques, nous avons évoqué le
recours à la cooptation qui consiste à faire de chaque collaborateur (handicapé
ou non) un recruteur potentiel en puisant dans son vivier de connaissances des
personnes (handicapées ou non) susceptibles d’être recrutées avec lesquelles
ils partagent des valeurs ou des compétences communes. La responsable RH
en magasin a signalé que cette pratique existe déjà dans l’entreprise, mais
qu’elle pourrait être relancée et développée s’agissant des personnes handicapées.
■ Le secteur du commerce et des services recourt
peu à l’emploi direct de travailleurs handicapés
Ces caractéristiques : travail relativement physique, horaires de travail contraignants, niveau d’exigence relativement élevé, contribuent à expliquer le faible
recours des entreprises du commerce et des services (en général) à l’emploi
direct de personnes handicapées comme modalité d’acquittement de leurs obligations légales.
Les statistiques de recours aux personnes handicapées par secteur d’activité
semblent le confirmer : « Les travailleurs handicapés reconnus par la loi sont
plus présents dans les établissements industriels (où ils représentent 3,2 % des
effectifs) que dans les services ou le commerce (2,3 %), même à taille comparable d’établissements (Amira et Meron, p. 108).
En zoomant sur les situations les plus contrastées, c’est le secteur de la
construction (certes marginal en termes d’emploi des TH : 4 % des personnes
handicapées y travaillent) qui recourt le plus à l’emploi direct pour remplir son
obligation d’emploi : près d’un établissement sur deux n’utilise que cette modalité et un établissement sur quatre la combine avec d’autres modalités (soustraitance et/ou cotisations AGEFIPH) (Dares 2007, p. 2).
En revanche, le secteur du commerce et des services (dont fait partie Leroy
Merlin) se distingue par le taux le plus faible de recours à l’emploi direct (exclusif ou combiné) des TH comme mode d’acquittement de l’obligation d’emploi,
alors que le tertiaire accueille 58 % des travailleurs handicapés23. Donc logiquement, c’est le secteur qui recourt le plus à la seule contribution financière
(AGEFIPH) pour s’acquitter de ses obligations : 33 % contre 20 % pour les autres
secteurs d’activité. La sous-traitance au secteur protégé est également la formule la moins utilisée dans le secteur du commerce et des services.
A l’issue de ce cadrage général sur l’entreprise dans son ensemble, son domaine
d’activité, les spécificités qui en découlent et leurs impacts sur l’employabilité
des personnes handicapées, nous allons affiner l’analyse en zoomant sur les
pratiques dans les magasins (même si en l’occurrence, nous avons limité notre
investigation à deux magasins).
Quelques leçons tirées de l’intégration et du
maintien dans l’emploi des personnes handicapées
chez Leroy Merlin, au niveau des magasins
23. Carrefour dont le métier est proche de
celui de Leroy Merlin même si les produits
vendus sont différents, se targue d’enregistrer un taux d’emploi de personnes
handicapées de 6,7 % (J.C. Lewandowski,
« Carrefour promeut son rayon embauche », Les Echos, n° 19466, 29 juillet
2005).
Nous nous plaçons maintenant au niveau des magasins pour rendre compte des
pratiques de gestion des personnes handicapées. Mais au delà de ces pratiques,
notre objectif est aussi de repérer ce qui nous semble être des enseignements
ou des conseils applicables à d’autres entreprises. Il s’agit également de mettre
en évidence des particularités dans l’identité professionnelle et le management
des personnes handicapées. Des champs de contradictions apparaissent entre
des pratiques courantes en entreprise (le développement de la standardisation
notamment au niveau des outils de travail, et la promotion du changement permanent) avec la population des personnes handicapées qui nécessite – parfois –
une adaptation des outils à des handicaps par définition spécifiques, et qui a
besoin de repères relativement stables. D’autres points émergent également qui
font ressortir l’importance de nommer un(e) responsable en charge de l’insertion des personnes handicapées, l’importance aussi de disposer de méthodes
adaptées à la gestion de personnes handicapées. La question du reclassement
35
RESPECT
automatique des personnes concernées par des accidents du travail dans des
postes administratifs est abordée, ainsi que la question en suspens de l’opportunité ou des risques à faire mention du handicap dans les fiches de postes.
■ L’aide de structures spécialisées est indispensable
Les situations de handicap sont très variées et font s’entremêler des questions
de « déficience / incapacité / désavantage » qu’il est difficile de bien appréhender pour des non-spécialistes du sujet24. Les représentations du handicap les plus
familières sont celles du fauteuil roulant ou de la canne blanche. Cependant, le
handicap recouvre une réalité bien plus large : allergies, hernies discales, asthmes, maladies invalidantes (VIH, hépatites, diabète, cancer, etc.), troubles du
comportement induits par des psychoses, des TOC ou des phobies25. Le handicap
n’est visible que dans 15 % des cas. Et dans plus de 80 % des cas, l’embauche de
personnes handicapées ne nécessite aucun aménagement du poste de travail26 .
L’impact du handicap sur les comportements et la manière dont il affecte les
capacités de travail dépendent de très nombreux facteurs qu’il est difficile de
connaître et d’anticiper dans leur intégralité. Par exemple, le degré d’autonomie
des personnes ou leur niveau de disponibilité est très différent selon que le handicap relève d’une déficience visuelle, une déficience auditive, une déficience
de motricité, une maladie ou un trouble mental, ou encore des contraintes induites par la maladie du diabète.
La sensibilité des personnes est également affectée par la nature, l’origine et
le moment du handicap. Par exemple, les travailleurs sourds ont tendance à
former une communauté, à se retrouver entre eux en raison de leur mode spécifique de communication (langage des signes) ce qui est moins le cas pour les
déficients visuels27. Il n’est pas évident de connaître toutes ces particularités qui
sont spécifiques à la nature du handicap, sachant qu’elles restent d’ordre général, car des facteurs spécifiques à chaque individu peuvent déjouer la prévisibilité du diagnostic et des comportements. Le handicap lui-même peut évoluer
dans ses impacts sur la santé, la disponibilité et les capacités professionnelles
des personnes.
De fait, de nombreux organismes existent en fonction de la nature du handicap.
Aux dires de nos interlocuteurs, il est très important, pour ne pas dire indispensable, de les solliciter. Ceci à la fois pour anticiper les points de vigilance relatifs
à l’intégration professionnelle des personnes en fonction de leur handicap, et
aussi pour se procurer des ressources nécessaires à la gestion de ces personnes (par exemple, trouver des interprètes en langue des signes).
24. L’OMS (Organisation Mondiale de la
Santé) opère une classification du handicap en trois composantes distinctes :
– la déficience qui correspond à une perte
de substance ou altération d’une fonction
psychologique, physiologique ou anatomique ;
– l’incapacité qui correspond à une réduction (résultant d’une déficience) partielle
ou totale de la capacité d’accomplir une
activité de façon normale
– le désavantage qui est le préjudice résultant d’une déficience ou d’une incapacité
et qui limite ou interdit l’accomplissement
d’un rôle considéré comme normal.
25. Sur le handicap psychique, voir l’appel
à projets de recherche lancés par la MIRE–
DRESS en mars 2005.
26. « Recrutement : pourquoi si peu d’handicapés ? », Stratégies, n° 1403, 2 mars
2006, p. 56.
27. JL. Metzger et C. Barril, « L’insertion
professionnelle des travailleurs aveugles
et sourds : les paradoxes du changement
technico–organisationnel », Revue Française des Affaires Sociales, n° 3, 2004.
28. URAPEDA : Union régionale des Associations de Parents d’Enfants Déficients
Auditifs.
La surdité a été plusieurs fois évoquée dans les entretiens, car elle concerne plusieurs expériences menées en magasin à des postes de caisse. Le référent Handicap a insisté sur les impacts psychologiques de la surdité. Selon notre interlocuteur, ce handicap est peut-être plus lourd que celui de la mal-voyance. « Le moindre
malaise personnel, familial ou professionnel, peut prendre d’énormes proportions.
On ne communique pas de la même manière avec une personne sourde, il faut
la regarder dans les yeux, il faut articuler davantage ; ce n’est pas évident. Il faut
apprendre. Et en même trouver la bonne distance : on peut avoir de la compassion,
mais il ne faut pas que ce soit de la pitié ». Ces facteurs d’ordre psychologique ont
été invoqués pour expliquer (en partie) les deux démissions successives de personnes malentendantes affectées en caisse dans l’un des magasins étudiés. Dans
tous les cas, l’aide des structures spécialisés (l’URAPEDA28, en l’occurrence) a été
indispensable pour prévenir les conditions nécessaires à l’intégration de ces personnes malentendantes, et aussi pour comprendre et accompagner, a posteriori,
les raisons de leur démission.
■ Le handicap nécessite une hyper motivation à travailler ou
une hyper résistance à la peine (lorsque le handicap survient
suite à un accident du travail).
Les rencontres avec quelques personnes handicapées salariées de Leroy Merlin nous ont fait prendre conscience d’un phénomène qui concerne la motivation exceptionnelle à travailler des personnes handicapées. La métaphore du
« parcours du combattant » est souvent employée pour évoquer les difficultés
d’insertion professionnelle des personnes handicapées.
36
RESPECT
Pour l’une des personnes rencontrées, nous avons été surpris par l’écart entre
le niveau de qualification (diplôme de niveau Bac + 5 d’interprétariat) et le
poste occupé (à mi-temps) de standardiste téléphonique. Le handicap de mal
voyance est invoqué en l’occurrence pour justifier l’occupation de ce poste qui
ne requiert pas de qualification.
On peut imaginer à quel point ce déclassement n’est pas satisfaisant pour la
personne considérée. De plus, celle-ci a évoqué les difficultés objectives induites par sa cécité pour faire le trajet de son domicile au magasin (les voitures
sont parfois mal garées sur les trottoirs, il lui est arrivé de se tromper de ligne de
bus et d’arriver dans un territoire inconnu). Ces épreuves ne sont en rien compensées par l’argument financier puisque l’allocation handicapée incite peu à
occuper un emploi. La même personne exprimait également une frustration ne
pas pouvoir aider davantage ses collègues en raison d’un outil de travail (plateforme téléphonique) inadapté à son handicap. Une démarche d’adaptation de la
plate-forme téléphonique est en cours dans le magasin en question.
29. Ce désir de travailler des personnes
handicapées a été repéré dans d’autres
études : « Il ressort des entretiens réalisés
avec des personnes handicapées qu’elles
travaillent d’abord pour obtenir une reconnaissance sociale, ensuite pour gagner
en autonomie. Ainsi, montrer qu’elles
sont aussi capables qu’une personne valide, pouvoir discuter de leurs journées de
travail… sont autant d’éléments qui les
motivent à exercer une activité professionnelle. « Etre comme tout le monde ; […]
C’est de pouvoir dire, quand je vois des
gens, de pouvoir dire, moi je fais quelque
chose, moi j’ai une vie, vous avez un boulot, moi aussi, j’ai un boulot, moi aussi j’ai
des collègues, je fais des choses, être un
peu comme tout le monde. […] Certaines
personnes devenues handicapées suite à
un accident ont refusé de se voir diminuées au point de rester chez elles à ne
rien faire et ont souhaité exercer une activité professionnelle dès leur sortie de l’hôpital. « Je voulais absolument retravailler,
je voulais faire quelque chose parce que
rester chez soi à ne rien faire, ce n’est pas
possible, surtout quand on a fait une école
de commerce et qu’on sait qu’on devait
faire un bon boulot, etc., on n’a pas envie
de rester chez soi». C. Fanjeau, « Accès
à l’emploi et qualité de l’insertion professionnelle des personnes handicapées
en milieu ordinaire », document d’études
DARES, juin 2007, n° 126, p. 15.
30. Le repérage des produits en stocks
dans les rayons ne faisait pas partie de
ses attributions habituelles, mais la coutume veut que pour ces jours (ou nuit)
d’inventaire, l’ensemble du personnel en
magasin (administratifs compris) participe
à ce travail.
31. La métaphore de la « double peine »
renvoie à un principe de droit pénal selon
lequel, un étranger en situation régulière
commettant un crime ou un délit peut être
condamné à la prison ou à la réclusion
(première peine) puis à l’interdiction du
territoire français, entraînant de plein droit
sa reconduite à la frontière, après avoir
purgé sa peine de prison ou de réclusion
(deuxième peine).
32. C. Fanjeau, « Accès à l’emploi et qualité de l’insertion professionnelle des personnes handicapées en milieu ordinaire »,
document d’études DARES, juin 2007, n°
126, p. 15
33. E. Guillermond, « L’objectif des 6 %,
ce n’est pas gagné », Liaisons Sociales,
février 2007, p. 60.
Et pourtant, cette personne veut travailler…29 Cela nous suggère l’idée que la
motivation à occuper un emploi, pour cette personne en particulier, mais aussi
pour d’autres personnes handicapées en situation comparable, doit être exceptionnelle. Ne s’agirait-il pas d’un phénomène de sur-motivation auquel les entreprises devraient être sensibles ?
Le cas d’une autre personne handicapée rencontrée, à la suite d’un accident
de travail cette fois, suggère un autre phénomène potentiellement difficile à
supporter. Pour cette personne qui occupait un poste administratif en magasin, l’accident (chute d’une échelle) s’est produit lors d’un jour d’inventaire30.
L’arrêt de travail a duré plus d’un an et les séquelles médicales ont été lourdes
puisqu’elle ne peut plus supporter la station debout et le port de charges lourdes
lui est interdit.
La peine ressentie à l’évocation de cet accident et de ses conséquences était
très perceptible lors de l’entretien. Mais elle s’est accompagnée de deux autres
douleurs : celle de ne pas pouvoir retrouver son poste d’origine (avant l’accident), et celle d’avoir entendu des remarques assez blessantes du type « on
m’a dit que je n’étais plus bonne à rien… ». Cette accumulation de douleurs : la
perte de capacités suite à l’accident, le regret de l’ancienne affectation et les
remarques blessantes, suggère l’image un peu brutale de la double, voire ici, de
la triple peine31.
Une fois de plus, en dépit de la rancœur exprimée, cette personne travaille,
occupe un emploi (à temps plein en l’occurrence) alors que le différentiel entre
son salaire et les revenus générés par l’allocation handicap dont elle pourrait
bénéficier, est modeste. A ce sujet C. Fanjeau parle d’un coût engendré par le
fait de travailler ! : « selon le type de handicap dont souffrent les personnes handicapées, exercer une activité professionnelle peut avoir un coût important. Les
personnes handicapées reconnues aptes à l’exercice d’une activité professionnelle ne perçoivent pas l’Allocation pour Adulte Handicapé (AAH). Allocation
qui est versée aux personnes handicapées sous conditions de ressources et
d’incapacité. Au 1er janvier 2005, son montant a été réévalué et s’élève à 599.49
Euros (www.unapei.org) »32 .
Les deux exemples de personnes rencontrées en magasin ne seraient pas isolés. « Les études et enquêtes démontrent qu’à niveau de compétences égal,
les salariés handicapés font preuve d’un investissement dans le travail souvent
plus important que leurs collègues valides – selon un sondage LH2 – Manpower
– AGEFIPH, 93 % des entreprises qui emploient des personnes handicapées se
déclarent satisfaites »33.
Pour aller dans le même sens, « malgré les difficultés que pose la quantification des bénéfices et des résultats directs, les entreprises qui développent une
politique déterminée de recrutement de personnes handicapées font état d’un
ensemble de résultats positifs. La loyauté, la fiabilité et l’esprit de coopération
figurent parmi les bénéfices engrangés qui sont considérés comme d’importance capitale pour l’efficacité des organisations et la lutte contre la fuite des
37
RESPECT
cerveaux et les changements fréquents d’emploi. L’imagination créatrice, un
haut niveau de productivité, une motivation accrue, et un absentéisme diminué
figurent aussi parmi les facteurs mis en exergue pour leur contribution à la réussite financière des firmes »34 .
Dans une problématique de maintien dans l’emploi, le directeur de l’un des
magasins étudié insistait sur les efforts nécessaires pour maintenir dans l’emploi des personnes handicapées victimes d’accident du travail : « Leroy Merlin
n’a pas intérêt à se séparer de ces personnes, mais au contraire à se servir
de leur expérience. Leur ancienneté dans l’entreprise leur confère une culture
d’entreprise inégalable ».
■ Un souci de normalisation des outils alors que chaque
handicap est spécifique
La pression est forte depuis longtemps pour normaliser, dans le sens standardiser, les outils de production ou de travail. Les arguments en faveur de cette
uniformisation sont de réaliser des économies d’échelle en achetant un seul
système en grand nombre, et aussi de faciliter la mobilité des collaborateurs
puisqu’ils retrouvent des outils communs où qu’ils aillent. Ces arguments sont
très convaincants d’un point de vue économique et sont largement appliqués,
davantage encore sous la pression des démarches de normalisation et de certification.
L’exemple des plateformes téléphoniques employées dans les magasins Leroy
Merlin en est un bon exemple, elles sont standards, donc identiques, pour les
raisons évoquées plus haut. Le problème est que cet outil standard ne convient
pas au handicap de la cécité35. Donc la personne malvoyante qui occupe le
standard le matin (elle occupe ce poste à mi-temps) ne peut pas utiliser les nombreuses applications de cette plateforme alors que l’autre personne, également
handicapée en raison d’une déficience motrice peut utiliser toutes les potentialités de l’outil. Le magasin tente aujourd’hui d’adapter le standard téléphonique
en mettant en place une interface en braille.
34. S. Gröschl, «L’intégration des personnes handicapées, atout sous–estimé», Les
Echos, 15 juin 2006.
35. Les nouveaux standards téléphoniques
ont été conçus pour être reliés avec l’informatique de sorte que les standardistes
puissent décharger les conseillers de vente en magasin d’un certain nombre d’appels téléphoniques à faible valeur ajoutée
(disponibilité des produits, réceptions des
commandes, etc.). Donc ce travail suppose de pouvoir accéder et visualiser des
informations qui apparaissent sur écran
d’ordinateur. D’où le problème de cette
nouvelle plateforme téléphonique pour les
personnes mal voyantes dans cette entreprise. Pourtant, des non-voyants parviennent à travailler dans des centres d’appel
grâce à des interfaces qui transposent
les informations disponibles sur écran en
informations tactiles sur un clavier braille
ou en informations vocales (JL Metzger et
C. Barril, op. cit. p. 69). Mais ce dispositif
n’est pas employé dans le magasin Leroy
Merlin en question. Du moins pour l’instant car une démarche est en cours.
36. S. Gröschl, « L’intégration des personnes handicapées, atout sous-estimé », Les
Echos, 15 juin 2006, dossier spécial « L’art
de l’innovation ».
Un autre exemple de problème d’inadaptation d’un poste de travail standard à des
handicaps, par définition, spécifiques est celui des caisses. L’expérience de l’un
des magasins en matière d’affectation des personnes handicapées aux postes de
caisse montre que des personnes malentendantes souffraient de relations parfois
tendues avec certains clients (un problème relationnel, en l’occurrence). Alors
que pour une autre personne handicapée en fauteuil roulant, le problème venait
du fait qu’un minimum de mobilité est exigée pour manipuler certains produits et
qu’il faut parfois aussi se contorsionner pour vérifier que tous les produits ont bien
été sortis du chariot pour être posés sur le tapis roulant et être enregistrés à la
caisse (un problème ergonomique dans le cas présent). Mais ici aussi, on pourrait
imaginer qu’un miroir correctement placé permettrait de vérifier le contenu des
chariots sans exiger de la personne (qu’elle soit handicapée ou non) un effort de
contorsion.
Existe-t-il une solution technique ou ergonomique à toutes les situations de handicap ? Il est difficile de répondre dans l’absolu. Par contre, une certitude est que
chaque situation de handicap est spécifique. De plus, cette situation n’est pas
figée, elle peut évoluer de façon positive ou négative. D’où le devoir de vigilance
permanent des managers à ce sujet : « La réalité complexe que recouvre la notion
de handicap, du point de vue de sa nature, de son stade d’évolution et de sa gravité,
requiert que les organisations abordent chaque situation isolément et ne considèrent pas les employés handicapés comme un groupe homogène »36.
■ Le management des personnes handicapées est exigeant et
génère des relations quasiment affectives
Les personnes handicapées que nous avons rencontrées ont exprimé l’importance d’entretenir de bonnes relations avec les managers de proximité : « J’ai
eu de la chance d’avoir à l’époque un directeur de magasin qui a été sensible
à mon accident… ». La démission d’une personne handicapée malentendante
a été expliquée, parmi d’autres facteurs, par un changement de responsable
hiérarchique. Pour souligner l’importance de ce paramètre, notre interlocutrice
(responsable RH en magasin) a expliqué que le premier manager (qui est parti)
« était à fond là-dedans », sous-entendu, il était très impliqué et sensibilisé à la
question du handicap. Ce qui semblait être moins le cas de son successeur.
38
RESPECT
On peut effectivement comprendre que dans un contexte où le travail en luimême peut manquer d’intérêt en raison des postes peu ou pas qualifiés souvent
affectés à des personnes handicapées, le paramètre de l’ambiance au travail en
général, et la qualité des liens avec le responsable hiérarchique, en particulier,
prend relativement, par compensation en quelque sorte, plus d’importance.
Par ailleurs, si notre hypothèse de la grande motivation au travail des personnes
handicapées est correcte, on peut imaginer également que ces mêmes personnes auront à cœur de bien faire leur travail, pas uniquement d’être présentes au
poste, mais de réaliser le travail en faisant bien, le mieux possible, bref d’être
« à la hauteur ». Or qui mieux que le manager de proximité est en mesure d’évaluer et d’apprécier le travail réalisé ? Cette importance de l’évaluation du travail
réalisé et des efforts fournis peut aussi permettre de comprendre la grande sensibilité des personnes handicapées à la qualité des liens avec leur responsable
hiérarchique direct.
La responsable RH de l’un des magasins étudiés parlait même de « relations
affectives » pour caractériser les liens entre les collaborateurs handicapés et
leur responsable hiérarchique direct.
Cette intrusion de l’affect, de sentiments ou d’émotions dans le management des
personnes handicapées remet en cause les dogmes habituellement affirmés en
matière de management canonique où l’on dit généralement que le management
doit être objectif, rationnel et faire précisément abstraction des sentiments37.
A défaut de trancher cette question sensible, une préconisation explicite en
matière de management des personnes handicapées qui ressort d’un entretien
avec une responsable RH en magasin, et qui confirme son caractère « exigeant », est que les entretiens entre les collaborateurs et leur responsable
hiérarchique qui se font habituellement tous les six mois pour les salariés dits
valides, devraient se faire tous les mois avec les salariés handicapés.
Cela dit, pour éviter un risque de stigmatisation, même pour des salariés valides,
certains managers pourraient témoigner que le besoin d’encadrement varie
beaucoup d’un individu à l’autre : certains ont plus besoin que d’autres d’être
encadrés, en fonction de leur personnalité, de leur ancienneté, et aussi en fonction de leur rythme personnel de progression dans l’aisance ou la capacité à
occuper leur poste de travail.
37. Dans une étude consacrée aux défauts du management dans les hôpitaux,
A Mucchielli voit dans le management
affectif l’un des sources principales de ces
dysfonctionnements (« le management
hyper-affectif est une des grandes plaies
des établissements de santé ») et il considère que le management affectif traduit
un manque pathologique de confiance
des responsables hiérarchiques (A. Mucchielli, « soigner l’hôpital » in Ph. Cabin
(dir.), Les organisations. Etat des savoirs,
Editions Sciences Humaines, 2005.
38. Dans le cas de l’entreprise Leroy Merlin cependant, aucune obligation n’est
imposée de muter en cas de progression
de carrière ou lorsqu’une certaine ancienneté est atteinte (tous les deux ans, par
exemple, comme cela se pratique dans
certaines entreprises).
■ Les changements peuvent perturber certaines personnes
handicapées selon la nature de leur déficience
Si le lien entre les managers de proximité et les personnes handicapées est
critique, dans le sens « décisif », ce lien est très fragile en raison de la gestion
de carrière des managers qui associe généralement la progression verticale
(promotion) à la mutation (déplacement, mobilité géographique)38. Or, ces mutations (des managers en particulier) participent d’un processus généralisé de
changement, et elles peuvent s’avérer problématique pour certaines personnes
handicapées. Après les pratiques de management affectif semble-t-il nécessaires pour les personnes handicapées mais désapprouvées selon les dogmes
officiels, on trouve ici une nouvelle remise en cause des schémas classiques.
En effet, si les changements sont généralement vertueux (ou présentés comme
tels) car ils sont censés résoudre un problème ou apporter une amélioration ;
pour les personnes handicapées, en revanche, les changements sont généralement sources de perturbations.
Le discours lancinant qui est tenu dans les entreprises est celui de la nécessaire
adaptation à des changements permanents et imprévisibles. Et les entreprises
attendent de leurs collaborateurs qu’ils s’y adaptent. Il n’y a plus de position
acquise, les technologies évoluent en permanence, il n’y a plus de carrière à vie
dans la même entreprise, les métiers évoluent, il faut accepter de s’adapter, etc.
Les formations à la « conduite du changement » font florès. Certains magasins
bouleversent délibérément l’emplacement de leur rayons pour casser les routines de leurs clients et les contraindre à emprunter des chemins inhabituels.
C’est moins le cas dans les grandes surfaces de bricolage.
39
RESPECT
Or s’il est une chose dont les personnes handicapées ont absolument besoin, quel
que soit leur handicap, c’est de stabilité dans toute une série de repères notamment logistiques (apprendre à se déplacer pour une personne non voyante, par
exemple), professionnels (apprendre à maîtriser une situation de travail en développant des stratégies pour compenser telle ou telle déficience) et relationnel
(connaître les collègues et se faire connaître auprès d’eux, en levant un certain
nombre de préjugés qui peuvent mettre du temps à être dissipés).
Pour prendre un exemple emprunté aux changements problématiques d’outils pour
les personnes non-voyantes : « les logiciels (pour voyants) connaissent régulièrement des modifications, des mises à jour, soit pour des raisons fonctionnelles (on
fait évoluer les procédures de travail), soit pour des raisons techniques (on change
de logiciel de développement, on change d’architecture) ou encore pour des raisons organisationnelles (on restructure). Mais ces évolutions, fruits de décisions
stratégiques, s’effectuent le plus souvent sans prendre en compte les utilisateurs
non-voyants. Aussi, à chaque changement de version, ces derniers se retrouvent
dans l’impossibilité (ne serait-ce que provisoirement) de poursuivre leur activité.
(…) Ces périodes sont sources d’inquiétude et de découragement »39.
Mais, encore une fois, pour éviter les risques de stigmatisation, est-on sûr que
les salariés valides n’éprouvent pas une certaine inquiétude et ne se découragent jamais sous la pression de changements permanents auxquels ils sont
supposés devoir s’adapter ?
■ L’importance accordée au handicap doit se traduire par la
nomination de responsables dédiés à cette question
Les entreprises qui parviennent à des résultats sensibles en matière d’emploi
de personnes handicapées ont en commun d’avoir identifié et nommé un(e) responsable en charge de cette question. C’est le cas d’entreprises bien connues
telles que Total, Dassault, Thalès, Air France, SNCF, le Crédit Agricole. Rappelons les principes et les fonctions de ces responsables.
« Total s’engage à créer les conditions pour que soit atteint le taux d’emploi
légal de 6 %. Un responsable insertion coordonnera la déclinaison de l’accord
[un accord-cadre signé avec les organisations syndicales qui prévoit une forte
sensibilisation des salariés], signé pour trois ans dans l’entreprise »40.
«Déployer un dispositif d’intégration des salariés handicapés et mettre en place
une politique de sensibilisation est un travail de fond qui doit être structuré,
pensé stratégiquement, soutenu par les dirigeants. Pour mener ce travail efficacement, nous avons recruté un pilote, une personne opiniâtre, entièrement
dédiée à cette question : Marie-Noëlle Bordier »41.
« En 2001, Thalès a organisé une structure spécifique « Mission insertion », partie intégrante de la DRH France. Cette entité est le centre de gravité de toutes
les actions liées à l’emploi des personnes handicapées dans le groupe. Elle
accueille, forme, informe, conseille. Elle est en prise directe avec les associations et tous les acteurs, qui travaillent de près ou de loin pour l’intégration »42.
39. JL Metzger et C. Barril, op. cit. p. 73.
40. Liaisons Sociales Quotidien – BREF
Social – juillet-août 2006.
41. « Dassault Système s’engage en faveur
de l’intégration des handicapés », Grandes
Ecoles Magazines, avril 2006.
42. « Thalès : démontrer que compétence
et handicap sont une réalité », Grandes
Ecoles Magazines, avril 2006.
43. « L’emploi des travailleurs handicapés,
une question d’étique pour Air France »,
Grandes Ecoles Magazines, avril 2006.
44. M. Couybes, « Laurent Thevenet : social au cœur » Etre handicap Information »,
n° 83, mai 2006.
« A la tête du projet handicap et ressources humaines chez Air France, les
missions de Catherine Millous sont de plusieurs types : chargée de veiller à l’accessibilité de l’ensemble de nos locaux, je conseille nos architectes pour qu’ils
prennent en compte toutes les infirmités, non seulement motrices, mais aussi
sensorielles ou encore mentales. J’assiste également nos acheteurs dans leurs
rapports vis-à-vis du secteur protégé »43.
« Laurent Thévenet (le nouveau responsable de la Mission centrale des travailleurs handicapés de la SNCF) s’inscrit dans la continuité des actions
entreprises et cite parmi ses priorités : le respect de l’obligation légale, le
suivi de l’accord, l’animation des réseaux de correspondants Handicap et de
correspondants d’orientation chargés du reclassement. Mais il insiste pour
dire qu’il se préoccupe également des salariés en place, handicapés ou non,
pour lesquels il souhaite améliorer les conditions de travail et favoriser les
facteurs humains dans l’organisation car dit-il «certains aménagements mis
en place pour les salariés handicapés profitent également aux seniors et à
l’ensemble du personnel »44.
40
RESPECT
Ce petit verbatim est très important car il signale que si des progrès sont mis
en œuvre pour faciliter l’insertion professionnelle des personnes handicapées
dans leur travail, ils ne seront pas les seuls à en profiter. Pour reprendre l’un des
arguments de Jérôme Adam, patron non-voyant d’Easylife45 : « Qui se souvient
que la télécommande du téléviseur a été inventée pour les tétraplégiques ? ».
« Comment sensibiliser tout le management de proximité à l’intégration des
personnes handicapées ? Nous avons 46 correspondants handicap chargés de
veiller à la mise en œuvre de l’accord et de faciliter l’intégration de ces salariés. Ils aident, par exemple, au recrutement, supervisent l’aménagement des
postes »46.
Chez Leroy Merlin et à l’échelle de la région Rhône-Alpes Centre, Laurent Gabard
en tant que référent Handicap, constitue une personne ressource destinée à
favoriser la prise en compte du handicap dans les magasins. On peut préciser
que cette personne semble avoir parfaitement le profil pour remplir cette mission. Tout d’abord il a exercé le métier de conseiller de vente en magasin pendant sept ans, ce qui lui donne une bonne expérience du terrain. Par ailleurs il
est lui-même handicapé (tétraparésie) depuis l’âge de 15 ans. Enfin, il fait partie
du comité de pilotage de l’ADAPT depuis 2000 ; l’ADAPT étant une association
pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées47.
45. « Je suis avant tout un chef d’entreprise », témoignage paru dans « Le guide
de l’emploi des personnes handicapées »,
AGEFIPH - Liaisons Sociales, 2007, p. 7.
46. S. Delattre, « Le Crédit agricole dope
la formation de ses salariés », Liaisons
Sociales, octobre 2007, p. 63.
47. Depuis plus de 75 ans, L’ADAPT s’attache à apporter le maximum de services
et d’informations aux personnes handicapées en cours d’insertion ou de réinsertion
sociale et/ou professionnelle. L’ADAPT essaie de répondre au mieux aux difficultés
que rencontrent les personnes handicapées qui font appel à elle. Grâce à l’action
de nos professionnels, mais également à
travers la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées, le réseau des Réussites ou encore les Job Datings®. (extrait
du site Internet).
48. Les Etablissements ou Services d’Aide
par le Travail (ESAT) qui ont succédé aux
Centres d’Aide par le Travail (CAT) sont
des établissements médico-sociaux. Ils
permettent aux personnes handicapées
qui n’ont pas acquis suffisamment d’autonomie pour travailler en milieu ordinaire,
y compris en entreprise adaptée ou de façon indépendante, d’exercer une activité
professionnelle dans un milieu de travail
protégé, où elles bénéficient en fonction
de leurs besoins, d’un suivi médico-social
et éducatif (Ph. Hélis, « L’amélioration
de l’employabilité des personnes handicapées », Performances, n° 34, mai-juin
2007).
Il importe de rappeler que son travail n’est « que » un rôle de sensibilisation, de
conseil et d’animation. En aucun cas, il ne peut imposer aux responsables hiérarchique locaux le recrutement ou le maintien dans l’emploi d’une personne handicapée. En revanche, il assiste aux réunions mensuelles animées par le responsable
Ressources Humaines de toute la région Rhône-Alpes Centre. Tous les mois donc,
les responsables ressources humaines des 12 magasins du territoire se retrouvent
et font systématiquement un point sur le handicap dans leurs magasins respectifs.
Ceci lui permet d’avoir une connaissance globale de la situation des personnes
handicapées, et le cas échéant de proposer des conseils ou une assistance. Rappelons que ces responsables ressources humaines, en magasin, ont directement
en charge l’objectif des 6 % de personnes handicapées par magasin. Trouver et
établir des contrats avec des ESAT48 pour sous-traiter certaines activités fait intégralement partie du travail de ces responsables locaux des ressources humaines.
Parmi les opérations qu’il a menées figurent une action de sensibilisation en
magasin destinées à faire éprouver, ne serait-ce quelques minutes, la situation
des personnes handicapées, en les invitant à se déplacer dans un fauteuil roulant
ou en leur mettant un bandeau sur les yeux. Etaient conviés à participer à cette
expérience aussi bien le personnel de Leroy Merlin que les clients. Que les clients
soient invités à participer à cette action de sensibilisation nous semble particulièrement judicieux dans la mesure où les clients participent pleinement à la relation
de service. Ils sont donc en partie co-responsables de l’échec ou du succès de
l’intégration des personnes handicapées en magasin (rappelons que très peu de
personnes en magasin travaillent en back office complet, sans être confrontés au
clients). Des cas d’impatience, d’incompréhension ou de rejet ont été évoqués pour
décrire la réaction des clients à l’endroit de personnes handicapées (conseiller de
vente, hôtesses de caisse).
Pour rester sur cette question essentielle des représentations, Laurent Gabard
a relaté, à titre d’anecdote, la réaction d’un collaborateur qui, invité à s’asseoir
dans un fauteuil roulant lors de cette journée de sensibilisation, a refusé sèchement, au prétexte que cela porte malheur…
Une autre contribution du référent Handicap consiste à encourager les personnes de l’entreprise concernées par un handicap à se faire connaître et reconnaître, ceci notamment pour atteindre le taux des 6 %. Curieusement, mais cela
peut aussi se comprendre en raison des formes de rejet ou de méfiance dont
les personnes handicapées sont victimes, un certain nombre de personnes, par
définition difficile à estimer, ne « disent » pas leur handicap ; c’est d’autant plus
facile à dissimuler que le handicap est invisible dans 85 % des cas. Pour inciter
les salariés de Leroy Merlin à se déclarer, le référent Handicap a participé à
l’élaboration de plusieurs outils de communication dont une bande dessinée qui
explique l’intérêt et les démarches nécessaires pour obtenir la reconnaissance
de la qualité de travailleur handicapé.
41
RESPECT
Au moment où nous l’avons rencontré, Laurent Gabard faisait état de son engagement dans un projet de signature de convention avec l’AGEFIPH qui lui tenait
à cœur. Cette convention lui paraît importante car il est convaincu du poids plus
important d’un engagement écrit et signé avec une structure officielle : « L’écrit
formalise les engagements ; il faut rendre des comptes à des échéances précises auprès d’une structure externe capable d’évaluer et d’aider ».
■ Handicap et compétence, trouver la bonne articulation :
mais c’est la compétence qui prime
Si un minimum de sensibilité à la question du handicap est indispensable, il
convient de ne pas tomber dans un excès inverse qui serait une forme de commisération faisant de la gestion du handicap une fin en soi.
Autrement dit, le recrutement et le maintien dans l’emploi de personnes handicapées doit se faire, d’abord et avant tout, en fonction des compétences de la
personne en question. L’évocation d’une entreprise citée pour afficher un label
« handi accueillante » a suscité un certain agacement de la part du référent
Handicap de l’entreprise Leroy Merlin.
Pour ce dernier, le risque de cette démarche est de tomber dans le piège de
l’entreprise « ghetto ». « On n’est pas la cour des miracles » a-t-il lâché pour
signifier son hostilité à une démarche trop ostentatoire en matière de sensibilité
à la question du handicap. « Il faut partir des compétences, sinon on va faire
venir des personnes handicapées dont les compétences n’ont rien à voir avec
celles dont l’entreprise a besoin ».
Ce point de vue rejoint nettement celui d’un responsable de magasin qui affirmait que lors d’un processus de recrutement (d’une personne handicapée), il
disait ne vouloir entendre parler que de compétences. L’intrusion dans le dialogue d’arguments incitatifs émis par la personne handicapée pour faire valoir
que son recrutement donnerait lieu à des aides financières étant même rédhibitoire pour ce directeur de magasin.
Guy Tisserant, qui dirige un cabinet conseil en formation et recrutement de salariés handicapés, confirme avec un peu plus de nuances la nécessité de donner
le primat aux compétences sur les incitations induites par le handicap : « Faut-il
évoquer les subventions versées aux employeurs pour l’embauche d’un collaborateur ? On peut en parler mais seulement après avoir évoqué ses compétences
(…) Le candidat doit garder à l’esprit qu’il est recruté pour ses compétences et
pour aucune autre raison »49.
■ Gérer des personnes handicapées requiert
de la « méthode » …
Un exemple de défaut de méthode évoqué est celui d’une personne handicapée
employée dans le rayon sanitaire, qui a rencontré des problèmes de santé
(problèmes de dos et de cœur). Le médecin du travail avait donc signé une
restriction de travail spécifiant que cette personne ne pouvait pas rester debout
plus de 2 heures d’affilée, et qu’elle devait donc travailler à temps partiel. Or le
magasin a contourné cette contrainte de disponibilité en concentrant le temps
partiel de cette personne sur deux jours de travail consécutifs.
49. Source : entretien dans 20 minutes,
supplément spécial diversité et entreprise,
21 mars 2006.
50. F. Aizicovici, « Prévenir l’exclusion des
salariés handicapés », Le Monde, 22 novembre 2005.
Un autre aspect important est celui de la formation, ou même de la simple information des collègues de travail au sujet de l’intégration de personnes handicapées. Les craintes ou les appréhensions des collègues valides sont nombreuses (notamment la récupération des tâches que les personnes handicapées ne
peuvent pas accomplir). Il convient donc de les informer et de leur expliquer la
nature des compétences du nouvel arrivant et les éventuelles adaptations de
l’environnement ou de la charge de travail induites par l’arrivée de la personne
handicapée.
L’exemple de Air France paraît de ce point vue une bonne pratique : « Pour sensibiliser son personnel, Air France propose un stage baptisé Vulcain d’une journée à l’équipe qui va accueillir un handicapé. « Les différentes formes de handicap sont présentées, puis les salariés échangent sur le sujet, expriment leurs
craintes, leurs préjugés. Cela permet de recentrer le problème sur son aspect le
plus important : les compétences du futur collègue »50 .
42
RESPECT
Le cas de l’un des magasins étudiés, ouvert récemment, montre qu’il est possible et vivement souhaitable d’intégrer les personnes handicapées, le plus en
amont possible dans le dispositif de formation des nouvelles équipes. L’expérience partagée d’une formation de plusieurs jours, loin du magasin (séjour à
l’hôtel, soirées passées en commun, etc.) a permis à ce collectif d’une quinzaine
de personnes dont deux personnes malentendantes, de créer des liens, de lever
des préjugés, d’apprendre à se connaître et donc de souder ce collectif. De
plus, ce collectif a vécu ensemble l’aventure du démarrage du magasin. Toutes
ces personnes ont donc pu s’entraider dans un moment partagé de stress et
d’incertitudes et ainsi, mesurer leur interdépendance et leur solidarité, au delà
de la surdité des deux personnes de ce collectif.
■ Éviter la facilité du reclassement – par défaut –
dans l’administratif…
Un autre point de méthode concerne les règles de réaffectation des personnes
handicapées dans des fonctions ou des postes administratifs, suite à un accident du travail. Règle qui s’explique selon l’un des directeurs de magasins parce
que les conditions de travail y sont plus « clémentes ». Le référent Handicap
déplore que le réflexe courant soit de chercher une affectation dans les services
administratifs, en back office. Or, comme nous l’avons dit plus haut, les postes
administratifs en back office sont rares dans les magasins (une dizaine sur un
effectif complet moyen de 130 personnes). Cette pratique lui paraît regrettable
à double titre. En effet, il y a à la fois une perte de compétence pour le magasin
(là où se produisent généralement les accidents du travail). Et il y a aussi une
forme de traumatisme supplémentaire vécu par la personne handicapée qui doit
apprendre à exercer un métier complètement différent (du métier physique et
relationnel en magasin, au métier purement administratif et isolé des bureaux).
L’explication de cette pratique de reconversion dans les postes administratifs
tient au principe de polyvalence que nous avons évoqué plus haut. L’organisation du travail en magasin est en effet conçue de telle sorte que n’importe qui
est appelé à exercer un travail très varié : manipulation de produits, approvisionnement, nettoyage du rayon, mise à jour des prix, mise en valeur des produits, conseils auprès des clients, etc. Une mobilité constante est exigée dans
un contexte de disponibilité totale aux clients. Or, le handicap, quel qu’il soit,
est susceptible de réduire le spectre de variété des tâches que l’on attend des
collaborateurs en magasin. Untel ne peut plus monter sur les échelles, tel autre
ne peut plus pousser un transpalette, etc.
La réaction engendrée par l’organisation est donc de type « tout ou rien ». La
réduction de capacité dans l’une des tâches possibles que l’on est censé exercer produit l’exclusion complète du magasin. Or, prenant son cas personnel,
le référent Handicap admettait que certes, compte tenu de son handicap il ne
pouvait plus manipuler de palettes, ni grimper sur des échelles, mais il pouvait
toujours donner des conseils aux clients, assurer des commandes, réaliser des
calculs de surface, vendre des produits, etc.
On en revient donc à la nécessité, mais aussi la difficulté, de faire du sur-mesure, c’est-à-dire d’adapter la charge de travail au handicap spécifique de chacun. Ceci suppose un connaissance détaillée des compétences de la personne,
de repérer les tâches que celle-ci ne peut pas ou ne peut plus réaliser en raison
de son handicap, et à adapter la charge de travail en conséquence pour préserver au maximum la compétence initiale.
Cette solution est certes plus compliquée que la reconversion – par défaut –
de la personne handicapée dans l’administratif. Solution qui ne satisfait ni les
managers (que faire de cette personne dans un poste qui lui est complètement
inconnu ?) ni les personnes handicapées qui ne sont plus en situation d’exercer
leur compétence.
■ Prédéfinir les champs de compatibilité des postes de
travail en fonction des handicaps : les avis divergent
Pour rester dans cette problématique de méthode d’intégration ou de maintien
dans l’emploi des personnes handicapées, nous avons voulu soumettre au référent
Handicap l’intérêt de prévoir au stade même de l’élaboration des fiches de postes,
les handicaps qui seraient incompatibles avec la tenue des postes en question.
43
RESPECT
Notre interlocuteur confirme que la tentation existe d’aboutir à ce type de démarche. Mais il s’y oppose car il y voit un risque d’automatiser les procédures de
sélection des personnes, alors que le handicap requiert fondamentalement une
approche réfléchie au cas par cas. « Automatiser ou faire des cases empêche de
réfléchir… ».
Ce point de vue rejoint celui de Guy Tisserant qui considère que la définition de
poste a priori est un non sens : « En matière d’emploi des personnes handicapées,
le bon sens apparent n’est pas toujours le meilleur allié du recruteur. Croyant bien
faire, beaucoup d’entreprises s’attachent à définir des postes de travail en fonction
d’une hypothétique adéquation avec tel ou tel handicap. C’est une erreur car cela
ne fait que limiter encore le nombre de candidats potentiels sur un marché qui est
déjà extrêmement restreint. Cela revient aussi à considérer que le poste proposé
est immuable alors que l’entreprise est en mouvement. Enfin, c’est méconnaître
toutes les modalités de compensation qui pourraient être envisagées. Au final,
cela ne fait que renforcer la vision stéréotypée du handicap et des réflexes de
clonage. Il est plus pertinent de s’inscrire dans une logique d’ouverture au cas
par cas »51.
Pourtant des entreprises tentent de formaliser le recrutement des personnes
handicapées en identifiant a priori les contre-indications en termes de handicap
dans les fiches de poste : « Carrard services (société de nettoyage industriel qui
emploient 250 personnes handicapées, soit 5 % de ses effectifs) a créé une fiche
handicap qui fait le parallèle entre le type de poste (matériel utilisé, cadences,
postures), les contre-indications médicales et les handicaps compatibles. Conforama, qui emploie 260 personnes handicapées, a réalisé en partenariat avec
l’AGEFIPH, Cap Emploi et l’Opcareg une cartographie des emplois pour identifier
les incompatibilités et les aménagements de postes nécessaires » 52.
En conclusion
En dépit d’un contexte assez difficile (métier physique et exigeant en termes
de disponibilité et de savoir-être requis), l’entreprise parvient à des résultats.
Certes le taux des 6 % n’est pas atteint dans tous les magasins.
Mais on a vu que si la volonté de la direction, partagée par les collaborateurs,
ainsi que l’allocation des moyens correspondants sont fondamentales, tout
autant que les efforts quotidiens des managers locaux pour mettre en œuvre
cette intention, il ne faut pas oublier le contexte économique et social des
magasins. L’entreprise ne peut pas « décréter » la présence et la disponibilité
de personnes handicapées compétentes pour occuper les emplois disponibles
dans le bassin d’emploi des magasins.
Une autre dimension essentielle que l’entreprise ne maîtrise pas est celle des
représentations. Quand un client manque de patience à l’endroit d’un collaborateur handicapé ou qu’une personne refuse de s’asseoir dans un fauteuil roulant
sous prétexte que cela porte malheur, cela montre aussi à quel point l’entreprise
ne peut pas résoudre, à elle seule, cette question déterminante des préjugés que
l’on peut tous avoir en face de la diversité en général et de celle du handicap en
particulier. Or cette question de la représentation dans l’acceptation et la possibilité de « gérer » des personnes handicapées en entreprise est déterminante.
Ce chantier de l’intégration et de l’emploi des personnes handicapées est donc
aussi une affaire de « société ». A titre de citoyens, de clients, de collaborateurs,
etc. chacun d’entre nous a un rôle à jouer.
51. Témoignage de Guy Tisserant (consultant TH Conseil) dans « Le guide de l’emploi des personnes handicapées », AGEFIPH - Liaisons Sociales, 2007, p. 15.
52. S. Delattre, « Des initiatives encourageantes dans l’entreprise » in Dossier
Handicap, l’emploi toujours à la traîne,
Liaisons Sociales
Compte tenu des effets de la loi en vigueur (cf. pénalités pour manquement à
l’obligation d’emploi de personnes handicapées), et aussi, dans certains cas,
des difficultés de recrutement de personnes compétentes et désireuses de travailler dans certains secteurs jugés peu attractifs, les enjeux de l’intégration et
du maintien dans l’emploi de personnes handicapées iront croissants.
Le défi est de taille pour faire du « cas par cas » et « prendre le temps… » ;
alors que la logique dominante, inspirée par une recherche de productivité et
d’économie d’échelle, incite plutôt à des solutions rapides, toute faites, « clés
en main », standardisées et uniformes. Au contraire, chaque handicap est spé44
RESPECT
cifique, et encore plus dans ses conséquences sur l’exercice d’un métier ou le
déploiement d’une compétence dans un contexte professionnel précis.
Le choix d’une entreprise du secteur capitaliste classique comme Leroy Merlin pour inspirer les entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire
était risqué et peut continuer à faire débat. Mais nous sommes persuadés que
des enrichissements mutuels sont possibles et féconds. Nous en voulons pour
preuve les passerelles possibles entre la notion de générosité mise en avant
chez Leroy Merlin comme trait de personnalité nécessaire chez les managers
de proximité ; et la notion de solidarité comme valeur cardinale des entreprises
de l’économie sociale et solidaire.
45
RESPECT
2.3. Présentation de la
politique du handicap EDF/GDF
Bernard Pichon, Mission Insertion des Personnes
Handicapées, Rhône-Alpes-Auvergne
Les supports utilisés pour la présentation de cette monographie
sont accessibles en sélectionnant, avec l’outil main, le lien
ci-après : presentation EDF-GDF.ppt
46
RESPECT
3. Maintien et intégration
dans l’emploi : Facteurs clés
de succès
Nous souhaitons compléter les monographies et présentation précédentes, par
la note de compte rendu d’une réunion d’ Experts tenue à l’initiative du groupe
de pilotage le 24 mai 2007, en amont du travail d’investigation à proprement parler, afin :
• d’enrichir notre connaissance des données contextuelles (données de
cadrage),
• d’enrichir notre connaissance des ressources de tous ordres, y compris
des pratiques et outils,
• d’affiner notre méthode d’investigation,
• de préparer notre stratégie de diffusion.
Ce compte rendu comprend deux parties. Une première partie qui présente des
points de vigilance pour la conduite et l’analyse des investigations à venir ; une
seconde, qui propose, en guise de synthèse des apports, quelques enseignements marquants.
1. Points de vigilance pour les investigations à venir
☛ Une analyse de données statistiques, à partir de seuls chiffres globaux ou moyens, peut polluer la compréhension des caractéristiques de la population handicapée. Ce type d’analyse a tendance à
donner du Travailleur Handicapé un portrait caricatural de ce type :
◗ Le « travailleur handicapé » est un homme, plutôt âgé et de faible
niveau de formation et de qualification.
➜ Prudence d’usage dans le traitement de ces données, notamment
en détaillant et en délimitant au mieux.
☛ Faire attention aux « à priori » : une entreprise dont le taux est de seulement 2% peut faire plus d’effort qu’une entreprise dont le taux dépasse
les 6%, et ce, parce que certaines entreprises « fabriquent » énormément
de TH (tâches susceptibles de provoquées des maladies professionnelles,
postes de travail mal adaptés, etc.).
➜ L’analyse doit tenter de saisir les flux.
2. Enseignements marquants
Nous proposons dans les tableaux qui suivent, une présentation synthétique
des apports donnés à partir de la question guide suivante :
« Pourriez-vous nous exposer, à vos yeux, ce qui constitue des facteurs clés de
succès (ou d’échec) des politiques et pratiques visant le maintien et l’intégration
dans l’emploi (milieu ordinaire) de personnes en situation de handicap; politique
et pratiques développées, observées, analysées… ? ».
47
RESPECT
Facteurs clés de succès / Leviers
Facteurs d’échec / Freins
La représentation du
handicap (frein déterminant)
• Le handicap fait l’objet de beaucoup
de stéréotypes et de préjugés de la
part de tous. Le monde du travail, dans
lequel l’idéal de normalité tient une
place prépondérante (l’employabilité
d’une personne se mesure de plus
en plus à sa capacité d’être mobile,
à son efficacité, etc.) rappelle qu’une
démarche d’intégration passe d’abord
par la lutte contre tous les « clichés
et images, qui polluent la compréhension » et qui « omettent une partie de
la réalité ».
Ex : les travailleurs handicapés sont
généralement âgés. Ce cliché évacue
la réalité suivante : le handicap survient souvent en cours de vie professionnelle.
La formation et son accès
• Depuis 2 ans, le budget en formation
des ASSEDIC et de l’ANPE a largement
diminué.
☛ Beaucoup de TH se sont retirés de
l’ANPE.
• Cependant, des efforts notables
ont été faits à ce niveau pour les
TH, notamment avec le nouveau
dispositif (2006) Agefiph « Handicompétence » (opération destinée
à répondre aux besoins de préparation à l’emploi, de formation et de
qualification des personnes handicapées).
• D’autre part, les ASSEDIC financent
principalement des formations aux
« métiers sous tensions », pas toujours
appropriés aux situations de handicap
des personnes.
L’origine du handicap
• Le handicapé de naissance bénéficie d’un « background institutionnel » qui le place dans un processus
d’inclusion sociale, contrairement à
une personne dont le handicap survient au cours de sa vie.
La survenance du handicap, qui
n’arrive pas seulement en fin de vie
professionnelle. L’usure au travail ou
l’AT… arrivant souvent dès l’âge de
30 ans.
L’âge
• Cependant, l’effort de formation
(plan de formation) peut-être considéré comme un levier à la gestion
des âges.
• Pour les demandeurs d’emploi de
plus de 50 ans reconnus TH, l’espérance de retrouver un emploi est très
faible (5 fois plus faible que pour les
personnes de plus de 50 ans qui n’ont
pas de handicap). Pourtant, ces personnes ont très souvent une réelle
envie de travailler, ne serait-ce que
pour disposer d’un revenu décent.
48
RESPECT
Le projet politique
de l’entreprise
Facteurs clés de succès / Leviers
Facteurs d’échec / Freins
• Affirmation dans le projet politique de l’entreprise d’une volonté de
maintien et d’intégration et considération du dialogue social comme
une condition de mise en œuvre
d’une politique d’insertion TH.
• Si les entreprises n’ont pas un projet
socio-économique qui inclut la question du handicap, cette question ne
sera jamais soulevée.
• Mise en place d’un plan d’action
cohérent (cf. accords d’entreprise)
soucieux de pédagogie.
– Nécessité d’une allocation de
moyens correspondants
– Nécessité de la constance dans
l’action
– Importance de viser : le partage
des objectifs à tous les niveaux
d’encadrement, l’implication de
l’environnement de travail direct des
travailleurs handicapés
La « roue vertueuse »
de l’expérimentation/
l’apprentissage
• Ou la saisie des moments opportuns. Exemple de moment opportun :
celui d’une collectivité territoriale
qui, sous l’impulsion des dispositions
de la loi de 2005, se met en marche
sur les questions du maintien et de
l’intégration des personnes en situation de handicap. Elle ouvre le cycle
opérationnel suivant : diagnostic,
concertation, mise en place d’expériences pionnières qui marchent... et
ces premières étapes constituent de
fait un point d’appui pour élargir et
ancrer l’action initiée.
La procédure de maintien
dans l’emploi
• Pour que l’entreprise envisage une procédure de maintien dans l’emploi, il
faut que le salarié soit reconnu inapte à l’emploi par le médecin du travail.
Sans ça, l’entreprise ne bénéficie d’aucune aide de l’Agefiph pour maintenir
la personne dans l’emploi.
• Les délais légaux trop contraignants de la procédure (2 examens médicaux
espacés de 2 semaines) rendent difficiles la capacité des entreprises à anticiper des actions de reclassement ou de maintien dans l’emploi. Le risque
associé à ses délais trop lourds est de voir les déclarations d’inaptitude se
solder par un licenciement.
L’obligation d’emploi,
argument incitatif
• L’argument financier peut convaincre certaines structures (pouvoirs
publics, PME, etc.) qu’il est plus intéressant pour elles d’intégrer en leur
sein un travailleur handicapé plutôt
que de s’acquitter de la taxe.
• Cependant, l’argument financier ne
permet pas d’inciter un certain nombre
de grandes entreprises, qui ne veulent
même pas entendre parler de l’obligation d’emploi. Ces entreprises ont
assimilé la contribution volontaire à
l’Agefiph comme une charge sociale.
49
RESPECT
Facteurs clés de succès / Leviers
L’intérêt d’une approche
pluridisciplinaire
Facteurs d’échec / Freins
• Les questions des restrictions d’aptitudes sont très rarement maîtrisées
par les entreprises. L’employeur doit
veiller à se doter d’une vision pluridisciplinaire de la problématique de
l’intégration en s’appuyant sur des
points de vue de médecins du travail, d’ergothérapeutes, etc. (idée
de démédicalisation)
3. Pour élargir
La séance de recueil de points de vue des experts amène à faire le lien entre la
problématique de l’intégration et du maintien dans l’emploi de personnes handicapées et des thématiques plus générales auxquelles il a plusieurs fois été fait
référence.
• La question du temps (anticipation : restriction d’aptitudes) et de l’articulation vie privée / vie professionnelle
• La question du passage au droit commun des personnes handicapées
(accès à la formation)
• La question des relations sociales au sein de l’entreprise
• La question de la santé au travail
50
RESPECT
4. Pistes pour demain
Nous choisissons ici de reprendre la totalité des phrases des participants à la
journée de présentation du 20 décembre 2007, comme matériau de base pour les
prochains plans d’action. Un matériau à travailler pour progresser.
Qu’est-ce que vous avez appris ?
1. Respect de la personne humaine
2. Nécessité de valeurs « humanisantes » au sein de
l’entreprise
3. Conscientisation commune au personnel et à la hiérarchie de l’intérêt d’ouvrer sur cette thématique
4. Investissement
5. Volonté de la direction, volonté de l’entreprise
6. Favoriser l’ouverture de tous dans l’entreprise
7. Pour faciliter l’intégration, sensibiliser les acteurs
de l’entreprise
8. Former sur la diversité du handicap
9. Diversité, invisibilité du handicap
10. Processus d’intégration au jour le jour, politique
des petits pas
11. Travail adapté
12. Vivier de TH, écart entre le vivier de TH et les
« compétences » demandées, difficulté de trouver des
personnes en situation de handicap avec les compétences attendues
13. Adaptation des postes de travail de l’entreprise
14. La volonté des entreprises d’évoluer sur le sujet du
handicap : embauche du personnel
15. Changer les pratiques de recrutement
16. Parcours du combattant
17. Différence selon nature du handicap et intégration
en entreprise
18. Lisibilité des contrats
19. Expliquer et former
Que souhaiteriez-vous approfondir,
quelles ressources vous seraient utiles ?
1. Expliquer et former
2. Un accompagnement personnalisé
3. Dialoguer avec sa direction
4. Nous ne sommes pas seuls, impliquons nos collègues
5. Adaptations aux besoins du marché (métiers)
6. Formation dès le plus jeune âge
7. Développer la formation professionnelle : contrat
d’apprentissage, contrat professionnalisation,
8. Former les TH pour un emploi futur
9. Levier du contrat de professionnalisation
10. Formations
11. Elargir la problématique du maintien à la santé au
travail
12. Travail ou activité
13. Informer afin de changer toutes les idées reçues
sur les handicapés
14. Développer la formation des personnes en situation de handicap : sensibilisation handicap, handicap
n’est pas la personne, handicap = situation
15. Informations des équipes à la problématique du
handicap
16. Intégrer avec l’équipe
17. Sensibiliser le public ordinaire = lever les peurs de
l’inconnu ou du méconnu
18. Le levier de la formation Métiers
19. De l’utilité du travail de chaque personne
51
RESPECT
Qu’est-ce que vous avez appris ?
1. Avoir souligné le rôle-clé des managers de
proximité
2. Idem, l’impulsion indispensable (mais non
suffisante) de la haute direction
3. Attention aux écarts possibles entre ceux qui
décident d’intégrer er ceux qui mettent en œuvre
4. Importance du temps découvrir les problèmes au
fil de l’eau, maintenir les efforts
5. Attention à la tolérance des collègues / (in)égalités
de traitement : charges de travail, rythmes
6. Attention aux cloisonnements inter- institutions
(emploi des TH), barrages ?
7. Bienfaits de l’effet « Réseaux » , ESS « +
perméables » ?
8. Attention au manque de regard sur passerelles
milieux protégés milieux ordinaires
9. Point positif : les ESAT deviennent des partenaires
positifs grâce à la loi
10. S’agit-il de manager des handicapés ou des
personnes qui sont handicapées ?
11. Volonté des dirigeants, implication des salariés,
méthodologies existantes sur lesquelles s’appuyer
12. Le travailleur handicapé ne se limite pas à
l’aménagement de son poste de travail
13. Peu de commentaires sur l’intégration des
personnes déficientes intellectuelles
14. Rentrer dans la logique entreprise, faire du lien
entre associations et entreprises
Que souhaiteriez-vous approfondir,
quelles ressources vous seraient utiles ?
1. Le levier (majeur) de la prévention et du maintien
de la santé au travail
2. La formation et l’accompagnement sont
indispensables
3. Formation & information
4. Négocier un « DIF » différent adapté aux
personnes handicapées
5. Avoir plus de temps pour échanger et capitaliser
6. Mobiliser les plateformes de vocation / habiletés
7. Se « greffer » à des lieux et moments de rencontre
pour diffuser - Veille, événements
8. La cooptation ?
9. Centraliser et vulgariser les bases de données
existantes
10. Quels sont les interlocuteurs privilégies des
entreprises et des associations
11. Créer ou renforcer des moyens pour inciter et
accompagner les entreprises de l’ESS
12. Un engagement national du CEGES et de la CN CRESS ?
13. Arriver à sensibiliser les petites organisations
14. Valeurs de l’ESS et intégration des personnes en
situation de handicap
15. Convaincre les responsables : chefs d’entreprise,
administration ou administrateurs, ressources
humaines
16. Référence à l’insertion des personnes
handicapées etc… dans la Charte de l’ESS
17. Prolonger cette formation pour maintenir la
pression
18. Temps de rencontre pour échanger et avancer
ensemble
19. Témoignages à plus grande échelle qui englobe
également les difficultés (moyens) éducation/
formation
20. Développer les témoignages d’employeurs et de
salariés
21. Diffusion des « études de cas » – Ressources en
ligne
52
RESPECT
Qu’est-ce que vous avez appris ?
1. Comment encadrer le handicap en entreprise ?
2. Handicap et diversité ?
3. Education à la différence
4. Comment faire le lien ESAT-Entreprise ?
5. La nécessité de « durer » dans l’action
6. Le statut de l’entreprise ne fait pas beaucoup de
différences
7. Nécessité d’une incitation
8.Sensibilisation, information – Richesse de la
diversité – Formation
9. Esat = Accompagnement en entreprise
10. Les volontés des dirigeants ne suffisent pas à
l’intégration des TH. Le projet doit être porté par les
équipes de terrain
11. Rôles des cadres – 2 entreprises exemplaires et
performantes – Cloisonnement
12. (La personne), le salarié se résume-t-il à son
handicap ? Le qualifie-t-il ?
13. Se poser la question de la compétition
14. Fonder et refonder le sens de ce souci d’autrui
en interne et en externe
15. Management des situations de handicap
16. Difficultés d’intégration en général
17. Pauvreté de l’intégration des handicapés
intellectuels
18. Danger de la dérive d’actions vers les ressources
et terrains des associations d’insertion
19. Besoin d’échanges, de partage d’expériences
entre entreprises
20. Maintien dans l’emploi, solution peu évoquée
21. Nécessité d’une politique soutenue /portée
par la DRH
Que souhaiteriez-vous approfondir,
quelles ressources vous seraient utiles ?
1. Assumer une fonction d’observatoire pour avoir
des données chiffrées et poser, reposer cette
problématique
2. Intégration pédagogique : formation cadres,
enseignants et formateurs
3. Réalisation d’un mini-diagnostic avant toute mise
en place d’une politique TH, par un cabinet conseil
plutôt qu’en interne.
4. Intégrer la problématique « handicap » dans une
réflexion globale sur la santé au travail
5. Intégrer la question « TH » dans les outils
d’évaluation : bilan sociétal ? RSE ? Révision
Coopérative ?
6. Accompagnement et pas seulement financement
par AGEFIPH, OETH, pour l’insertion des TH
7. Les ESAT = un outil d’accompagnement pour
l’insertion
8. Club d’entreprises TH
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RESPECT

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