l`Aménagement du Territoire, de l`Urbanisme et de l`Environnement
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l`Aménagement du Territoire, de l`Urbanisme et de l`Environnement
2. Allocution de Monsieur Michel FORET, Ministre wallon de l'Aménagement l'Environnement du Territoire, de l'Urbanisme et de Je suis particulièrement heureux d'intervenir dans le cadre de ce colloque consacré au phénomène "NIMBY" et à sa gestion. Je pense en effet que ce colloque survient à un moment-clef de l'évolution de l'approche politique et sociale du Nimby. Le phénomène "NIMBY" est incontestablement devenu un enjeu important, tant pour les auteurs de projets que pour les autorités publiques, appelés à gérer des dossiers d'aménagement du territoire et d'environnement. Si le phénomène d'opposition locale à certains projets remonte à des périodes anciennes, la généralisation et l'amplification de ces réactions est cependant une évolution récente. Pour la petite histoire, il semble que les premiers cas importants d'opposition locale connus ont concerné les grands chantiers relatifs aux cathédrales. Ce type de chantier prenait souvent des décennies pour être finalisé. On peut dès lors comprendre les réticences, dès lors qu'il était lancé à côté de chez vous. Le phénomène s'est un peu accru au XVIIIième siècle, avec le développement des manufactures, puis au XIXième siècle, avec les grands chantiers du chemin de fer, mais il restait toutefois limité. Au XXième siècle, c'est surtout à partir des années septante et en particulier durant la dernière décennie que ces réactions d'opposition locale face à des projets de nature diverse se sont fortement multipliées. Elles ont visé les projets environnementaux, économiques, touristiques, et même sociaux ! La généralisation de ce phénomène de rejet, de contestation très localisé face à des projets d'implantation susceptibles de comporter des impacts pour le voisinage a correspondu finalement très fortement avec le développement de la préoccupation environnementale dans nos sociétés occidentales. La qualité du cadre de vie est devenue une exigence forte pour nous. Elle coïncide également avec la forte croissance de notre niveau de vie, qui a conduit des populations toujours plus importantes à s'installer dans des milieux agréables, à la recherche d'un havre de tranquillité. C'est ce que l'on appelle la néo-ruralité, à l'origine d'un exode de la population inversé par rapport à celui qu'avait connu la société durant la révolution industrielle. Le retour à la campagne traduisit en quelque sorte ce souhait d'une qualité du cadre de vie et ce retour à la nature que la préoccupation environnementale exprimait. Le développement extraordinaire de la mobilité individuelle de même que l'accessibilité des moyens de transport pour tous rendaient la ville de moins en moins attractive et la campagne de plus en plus accessible. Cette néo-ruralité est également à l'origine d'une volonté forte de préservation du milieu rural, considéré non plus comme un lieu d'activité économique mais de résidence, au point d'y remettre en cause jusqu'à l'activité existante. Cette généralisation actuelle de formes d'opposition locale à des projets est donc le résultat d'un éclatement des fonctions de notre territoire, d'une dissociation très forte entre les milieux de vie et de travail qui conduit à une dispersion spatiale des impacts positifs et négatifs d'un projet. Alors que l'activité crée de plus en plus souvent des emplois, des revenus et des richesses à des personnes n'habitant pas à proximité, elle crée des nuisances pour ceux qui habitent directement à proximité. C'est pour ces raisons qu'assez paradoxalement le phénomène d'opposition locale s'est développé alors que l'encadrement environnemental des activités s'est fortement développé. Très rapidement, le phénomène Nimby a mis en lumière de profondes contradictions entre les aspirations des citoyens, un "paradoxe démocratique". D'un côté, la population produit de plus en plus de déchets et souhaite s'en débarrasser facilement au moindre coût, souhaite un développement économique créateur d'emplois et de richesse, s'inscrit dans une mobilité accrue et individuelle mais de l'autre, elle refuse localement les conséquences de ces attitudes et aspirations en refusant les unités de gestion des déchets, les aménagements routiers, les implantations d'usine et d'activités économiques parce qu'elles perturbent leur milieu de vie. Très rapidement également, le phénomène n'a pas manqué de déstabiliser fortement les acteurs appelés à gérer les dossiers de demande de permis en urbanisme et en environnement, de fragiliser la prose de décision et la sécurité de la décision. D'accroître les frustrations d'un certain nombre d'acteurs face aux procédures et aux décisions. Considéré par certains comme un témoignage du repli sur soi, comme une habitude purement égoïste visant à préserver son intérêt général, le phénomène Nimby n'en pose pas moins de vraies questions et dépasse très largement l'attitude purement égoïste. Ce phénomène de réactivité des populations locales face aux atteintes de leur environnement direct est en effet devenu un phénomène revendicatif d'une protection toujours plus grande du cadre et de la qualité de la vie qui passe par la remise en cause de certains choix de société à l'occasion de dossiers ponctuels lors de leur concrétisation spatiale. Il est à l'origine de débats de société fondamentaux parce qu'il est souvent l'occasion de la remise en cause de certains types d'activité, de certains choix en ce qui concerne par exemple la gestion des déchets, parce qu'il est la revendication d'une très forte réduction des nuisances de nos activités. Au travers de ces conflits locaux s'expriment également des craintes multiples : atteinte à la propriété privée et à sa valeur, crainte de l'accident, crainte pour la santé. Ces craintes appellent des réponses toujours plus complexes de la part des responsables politiques. Ce phénomène mérite donc non pas le rejet pur et simple déduite d'une vision trop simpliste mais bien une réponse politique adaptée et réaliste. Il n'a d'ailleurs pas manqué d'interpeller le monde politique et de multiples démarches visant à y répondre ont été développées par le législateur, de même qu'elle à conduit les auteurs de projets, les autorités publiques, les administrations à évoluer dans leur manière de préparer les projets, les dossiers de demande, de les instruire et de décider. La création des procédures d'autorisations et de permis dans le domaine de l'aménagement du territoire et de l'environnement, le développement des séances d'information, des réunions de concertation, des enquêtes publiques, l'émergence d'un droit d'accès à l'information en matière d'environnement, l'encadrement de plus en plus strict des activités humaines sur le plan de l'environnement sont autant de témoignages d'une prise en charge du politique de cette revendication. L'enquête publique constitue aujourd'hui une procédure bien connue, mais souvent abordée très négativement par les acteurs appelés à y intervenir. A l'issue de l'enquête et de la procédure de décision, la frustration est souvent très grande parmi les autorités, les auteurs de projets, les citoyens. Le droit de l'environnement a connu ces vingt dernières années un développement fulgurant. Les décrets et arrêtés traitant de ce domaine sont aujourd'hui innombrables et complexes, souvent très stricts. Au point que chaque activité est en général assortie d'un permis comportant un ombre considérable de conditions d'exploiter très significatives, dont l'objet est de minimiser les nuisances, tant pour le voisinage que pour l'environnement en général. Cette évolution n'a pas suffi à résoudre les difficultés, et les frustrations restent grandes. Les procédures d'information et de consultation de la population, l'instruction des demandes de permis sont le théâtre de conflits importants, de relations souvent mal vécues, de frustrations fortes quant au déroulement de ces procédures et aux garanties fournies à chacun des acteurs. Le phénomène Nimby, par son inscription dans une logique d'affrontement, traduit un déficit dans la gestion des relations humaines intervenant dans l'implantation d'une activité. Il traduit une remise en cause par la population de certains choix, une perte de sens et de force de l'intérêt général, un déficit démocratique et une crise de confiance dans les procédures et dans les autorités appelées à décider dans les dossiers d'aménagement du territoire. Autant de défis à relever. L'importance de ces enjeux a conduit en 1998 le Parlement wallon à se saisir de la question, suite à une initiative du chef de groupe Serge KUBLA. Une sous-commission parlementaire fut mise en place pour réfléchir à cette question. Elle fut l'occasion pour les parlementaires d'entendre l'ensemble des acteurs concernés, d'analyser des cas concrets, de manière à rechercher les origines du malaise et les solutions possibles. Le Parlement s'intéressa aux expériences étrangères. Au terme d'un travail parlementaire très important et très intéressant, la commission parlementaire a rendu des conclusions, adoptées à l'unanimité. Elles donnent la juste mesure du phénomène, appréhendé de manière objective et une série de pistes pour apporter des réponses positives à cette question et dépasser la logique d'affrontement pure et simple. Parmi ces conclusions figurent l'élaboration d'un décret unique sur les enquêtes publiques et la mise en place d'un corps de "facilitateurs" de l'enquête publique. Le Gouvernement wallon actuel a fait de l'approche positive du phénomène Nimby l'une de ses priorités, dans le prolongement et le respect du travail parlementaire réalisé. La Déclaration de Politique Régionale du juillet 1999 traduit clairement cette priorité, en précisant que le Gouvernement mettre en place des moyens permettant plus de transparence, une meilleure information favorisant la participation et la responsabilité des citoyens, une totale neutralité et une harmonisation des enquêtes publiques, une adaptation des procédures et la création de comités d'accompagnement pour certaines installations. Pour ce faire, la Déclaration de Politique Régionale se réfère de manière explicite aux conclusions de la commission Nimby. Le Contrat d'Avenir pour la Wallonie est venu préciser cet objectif du Gouvernement wallon en inscrivant dans ses priorités l'élaboration d'un projet de décret relatif aux enquêtes publiques permettant de garantir leur bon déroulement, en vue d'en faire de véritables outils de communication, d'information et de consultation de la population. J'ai veillé à traduire cette priorité d'une approche positive du phénomène Nimby dans la politique que je mène depuis deux ans en matière d'aménagement du territoire et d'environnement, de différentes manières. J'ai d'abord favorisé le développement d'une démarche qualité tant au sein des entreprises privées qu'auprès des intercommunales responsables de la politique de l'eau et des déchets. Un programme intitulé "fil de l'éco-gestion" a ainsi été développé en partenariat avec l'UWE. Dans le cadre de la mise en place de la SPGE, j'ai imposé la certification EMAS à toutes les intercommunales d'épuration des eaux usées. J'ai également imposé à chaque intercommunale de traitement des déchets d'inscrire leurs outils de gestion dans cette certification EMAS. J'ai encore mis en place et développé des outils de contrôle des incinérateurs et des décharges permettant de s'assurer d'un fonctionnement performant de ces outils. Le contrôle en continu des émissions de dioxines s'inscrit dans cette optique. Cet encadrement plus strict d'une série d'installations sensibles et la démarche de certification environnementale visent à rendre les installations industrielles plus performantes sur le plan de l'environnement et de la communication, de manière à en accroître l'accessibilité pour les riverains. C'est un axe important de l'approche positive du phénomène Nimby. J'ai également veillé à favoriser le dialogue entre exploitants, autorités publiques et riverains dans le cadre de l'exploitation de certaines installations sensibles comme les décharges et les incinérateurs. Des comités d'accompagnement ont ainsi été mis en place ou réactivés à mon initiative, notamment pour certains incinérateurs et décharges mais également pour certaines installations industrielles. C'est un autre axe de l'approche positive du phénomène Nimby. Le 5 juillet dernier, le Gouvernement wallon a adopté, sur ma proposition, l'avant-projet de décret relatif aux enquêtes publiques en première lecture. C'est un texte très important qui réunit l'ensemble des dispositions applicables dans le futur à toutes les enquêtes publiques en Région wallonne, que ce soit dans le domaine de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine, de l'environnement, des carrières et des mines. Ce projet de décret opère une harmonisation et une simplification des dispositions relatives à l'information et aux enquêtes publiques, dans un souci de simplification et de lisibilité pour tous, tout en veillant à créer les conditions nécessaires à permettre de faire de l'enquête publique un véritable outil de communication et de consultation de la population. Il est aujourd'hui soumis pour avis aux organismes consultatifs officiels de la Région. Le texte, amendé sur base des avis, sera très prochainement soumis au Conseil d'Etat de manière à pouvoir être très rapidement présenté au Parlement wallon et ainsi être finalisé pour l'entrée en vigueur prochaine du permis d'environnement (fin du 1ier semestre 2002). Ce projet est en effet très étroitement lié à la réforme du permis d'environnement, autre priorité de ce Gouvernement. Les principaux arrêtés d'exécution de ce décret sont aujourd'hui quasi finalisés et son entrée en vigueur est une question de mois. Le nouveau permis d'environnement apportera un nombre significatif d'améliorations indispensables à une meilleure gestion des dossiers de demande de permis : permis d'environnement appréhendant l'ensemble des aspects environnementaux du projet, permis unique unifiant les procédures de permis d'urbanisme et de permis d'environnement en une seule procédure, délais de rigueur déterminant dès le départ les délais incontournables de traitement des demandes, lisibilités du déroulement des procédures, encadrement intégré des installations reposant progressivement sur les meilleures technologies disponibles. Parallèlement, d'autres projets sont sur le point d'être finalisés parmi lesquels un programme de formation des administrations et autorités compétentes à la concertation, un programme de sensibilisation du monde des entreprises à la participation aux enquêtes publiques et un projet de charte de la concertation à l'usage de tous les acteurs. C'est la concrétisation d'un autre axe des conclusions de la commission Nimby, à savoir la création d'une véritable culture de la concertation nécessaire à un meilleur dialogue entre les acteurs. Ces différentes démarches témoignent de ma volonté forte de concrétiser l'approche positive du phénomène Nimby. Ce colloque s'inscrit dans le même contexte et a été initié, à ma demande, par la Direction générale des Ressources naturelles et de l'Environnement. Vos travaux et vos réflexions sur ce phénomène seront donc d'un intérêt tout particulier et je ne peux que féliciter l'enthousiasme avec lequel vous avez souhaité participer à cette initiative. Je vous remercie.