RACINES167 -janv06

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RACINES167 -janv06
Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous
Par
Catherine Baty
Les communions
sont de grands
événements dans
la vie de l'enfant,
matérialisés par une
tenue bien particulière. Costume de
premier communiant, mode marine,
velours de soie,
1910-1930.
(Photo : Magali Boutin.
Mathilde Richard / Musée
du Textile)
B arbote uses e t
Robe tablier pour fillette,
marque Souleiado;
cotonnade imprimée,
12 ans. Vers 1950.
Coll. Musée du textile de Cholet.
(Photo : Magali Boutin. Mathilde Richard / Musée du Textile)
Avec les premiers
congés payés, l'engouement pour le bord de
mer se reflète dans la
mode enfantine.
(Barboteuse de plage,
laine maille jersey).
culottes courtes
Blouse, smocks, culotte courte…
Que raconte la mode de la première moitié du
XX siècle ? Une question posée à travers l'exposition
Small Couture au Musée du textile à Cholet.
e
D
ites-moi ce que vous portiez,
je vous dirai quel enfant
vous étiez… Les vêtements
en disent parfois long sur notre identité y compris dans le monde des
têtes blondes. Jusqu'au 25 février,
le Musée du textile à Cholet ouvre
aux visiteurs un formidable vestiaire d'enfant du début du XXe siècle
jusqu' à 1960. À travers blouses,
barboteuses, robes à smocks et
autres cols marins, c'est une évolution des mœurs et de la considération des enfants au sein de la société
qui apparaît.
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L'exposition présentée est une
acquisition faite par le Musée du
Textile en 2003, lors de la fermeture d'un “magasin des nouveautés”
de Saint-Étienne, nommé “Au bon
coin”. Ce type de boutique de ville
inspiré par les grands magasins
comme les Galeries Lafayette ou le
Bon Marché, comptait une clientèle aisée, des ”rupins” comme
diraient certains. Les foyers modestes faisaient davantage appel au
service de la couturière du village
ou au “fait maison”. Quoique parfois, pour une grande occasion, les
janvier 2007
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les femmes travaillent et remplacent leurs époux, partis à la guerre. Même avant, les fillettes
l'adoptent sous les robes quant il
fait trop froid. Mais ce sont les
années 1950 qui lanceront un mouvement de mixité dans les cours
d'école pour se propager au monde
adulte, une décennie plus tard.
Les fillettes empruntent à leurs
frères des tenues pratiques, adoptent le fuseau de ski, l'habit de loisirs pour tous les jours. C'est aussi
en cette même période d'émancipation que naît la mode pour la
jeune fille, catégorie prisée par les
magasins. Mais pas de fantaisie à
outrance, on se doit de rester chic
et convenable comme sa mère.
Longtemps, jusqu'à ce début de
seconde partie du siècle, les notions
de confort et d'hygiène sont ignorées. La qualité est le premier argument des publicités. L'arrivée des
fibres synthétiques permet la confection (à large échelle) de vêtements
simples d'entretien. On passe au
prêt-à-porter. L'habillement se
démocratise et la diversité des
modèles ne cesse depuis de se décupler, y compris pour les tout-petits.
dans la vie adulte, il doit être responsable. “Être écolier” est son métier, il
portera l'uniforme. Au fil des décennies, la différenciation du vêtement
en fonction du glissement d'un âge
à un autre (du bébé vers le garçonnet par exemple) s'estompe.
“Aujourd'hui, l'enfant compte
socialement beaucoup plus tard. On
devient majeur à 18 ans et l'adolescence est une période plus marquée
avant la vie adulte”, note Aude Le
Guennec responsable du musée.
Ainsi la mode se gère un peu différemment. “Autrefois, l'enfant était
conforté dans son rôle d'enfant par
son vêtement. Désormais la distinction existe toujours jusqu'au stade
adulte mais elle est plus subtile.”
Du bleu pour
les garçons ?
s
mamans concédaient une dépense exceptionnelle et passaient la
porte de ces magasins pour la communion du petit, les noces de l'aîné ou la rentrée des classes.
Cependant, la règle restait à l'économie. Un costume devait “faire du
service” plusieurs années. Les ourlets étaient prévus en fonction : 7
cm de rab en pli religieuse ! Au fil
de l’usure, le pantalon du dimanche tombait dans la tenue du quotidien, on reprisait des habits
transmis dans la fratrie.
Jusque dans les années 1960, à
chaque tranche d'âge correspond
une garde robe particulière. La barboteuse pour le bébé, la culotte
courte au garçonnet, le knickerbockers pour le jeune homme avant
de passer au pantalon comme son
père. Cette identification, selon la
maturité, était aussi une façon de
signifier le degré de reconnaissance sociale. L'école, par exemple
marque un cap. L'enfant met un pas
Bébé fille ou garçon, longtemps
leur vestiaire n'est pas sexué. Au
XIXe siècle, les garçonnets portent
robes et cheveux longs. C'est à partir de la Première Guerre mondiale que l'on observe une mutation.
Le bleu est attribué à la layette du
garçonnet et le rose à celle de la
fillette. Jusqu'alors le bleu était féminin, en référence à la Vierge. Dans
les années 1950, le petit homme
sera habillé à l'image du père, veston et casquette.
Quant à la mère, son rapport à
l’enfant (et inversement) se reflète
dans la mode d’époque. L’enfant
est accessoire de beauté de la mère.
Les publicités pour l'habillement des
petits s'adressent aux mamans.
Leurs habits sont intimement liés (le
bébé a des allures féminines). Leur
statut sont comparables à celui de
l'enfant, sans autorité sociale. En
fait, le développement de la mode
féminine passera par l'émancipation de celle de sa progéniture. Progressivement leurs vestiaires
respectifs ne seront plus interdépendants. L'enfant acquiert totalement
sa place, à part.
Quant au pantalon… On en
parle déjà dans les années 1940
pour son côté pratique alors que
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Exposition ouverte les mercredis, samedis,
dimanches de 10 h à 12 h et de 14 h à
18 h. Jeudis et vendredis de
14 h à 18 h. Jusqu'au 25
février. www.museedutextile.com
Tél. 02 41 75 25 40.
La blouse, un
uniforme pour
assumer “son
métier écolier”.
(Photo : Magali
Boutin. Mathilde
Richard / Musée
du Textile)
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Souvenirs…
Le magasin de Mme Fuzeau à Cholet
les garçons mais aussi pour les filles dès
1940. Nous avions également un bon
rayon sous-vêtements et layette. Absorba, Petit Bateau, Linflor, Michelet, ARC
qui faisait essentiellement des robes
pour fillettes dans les années 1950,
étaient les principales marques diffusées pour les enfants. Dans les années
1960, nous
avons vu appa“À l'époque il
raître les dufflen'y avait que
coats, cirés,
peu de magaimperméables
sins de vêteet ga- bardiments à Cholet :
nes. Il ne fallait
Le Printemps, le
pas oublier la
magasin de la
g a n t e r i e . Le
place Notre gant blanc était
Dame pour les
un article très
vêtements de
demandé. Les
cérémonie,
garçons deMadame Falou
Chez Mme Fuzeau à Cholet, comme "Au Bon coin"
vaient en porplace Rouget…
Il faut dire que à Saint-Étienne (notre photo), les magasins des nou- t e r l o r s d e s
veautés habillaient les familles de vêtements chics
Jeudis saints et
les usines de
et de qualité ! (Coll. Musée du textile de Cholet).
bien entendu
textile de la
région diffusaient également de la confec- pour les cérémonies. (…)
Il s'agissait essentiellement de familles
tion à moindre prix.
Le magasin Fuzeau vendait des arti- aisées. Mais notre clientèle comptait
cles haut de gamme classiques et avait également des ouvriers des usines qui,
souvent à l'occasion d'une cérémonie,
un bon rayon de mode enfantine. (…)
Nous vendions des manteaux, des bla- venaient acheter une belle tenue de
zers, des cabans marins en lainage ou qualité et qui ferait de l'usage en étant
en serge, des kilts, des pantalons pour portée d'un enfant à l'autre.”
Installé rue Nationale à Cholet,
le magasin des nouveautés de Mme
Fuzeau, ouvert en 1933, offrait un
large choix pour habiller les familles. Sa fille, Françoise Imbert a
confié ce souvenir de boutique, au
Musée du Textile pour illustrer son
exposition. Extrait.
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Quelques témoignages qui ponctuent
l'exposition du Musée du Textile.
L'école
• “Notre habillement ? C'était simple : une
blouse, et des galoches avec des clous sous les
semelles pour ne pas glisser”.
• “J'étais pensionnaire à la Providence à Cholet. Nous étions toutes de noir vêtues : blouse
noire, manteau noir, calot noir, robe à bretelles
noires et chapeau de paille cerné d'un ruban
de velours pour l'été. Alors le noir, je l'aime sur
les autres, mais moi, j'en ai trop soupé !”
• “Ma blouse avait toujours les manches trop
courtes. C'était le seul vêtement que nous achetions à la boutique en début d'année.”
À la plage
• “L'été, c'était la culotte courte et, bien sûr,
les maillots de bain tricotés que je portais sur
les plages de Saint-Jean-de-Monts. Et ce n'était
vraiment pas terrible !”
Le trousseau
• “Je me souviens de mes bas. J'étais très
petite fille. Il s'agissait de bas blancs en laine et
soie, très serrés sur les cuisses et qui grattaient
très fort. Je me rappelle les écarter chaque jour
pour qu'ils me serrent moins. Un jour, ma main
est passée à travers et il y avait un gros trou au
genou. Et vous le croirez ou non, ma mère les
a raccommodés et je les portais à nouveau le
lendemain.”
La communion
• “À l'occasion de ma communion, on m'a
offert un mouchoir brodé de jours riches. C'était
très beau, très précieux, je l'ai toujours gardé.”
• “La communion, c'était quelque chose…
C'était la seule fois où l’on nous achetait une belle
robe. Nous allions au magasin avec nos parents.
On portait une jolie couronne, avec un voile”.
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