Schweitz:ROS_04_09

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Schweitz:ROS_04_09
ENDODONTIE
Préservation tissulaire
après extraction d’une dent
présentant une fracture verticale.
Mots clés :
Extraction
Alvéole dentaire
Fracture radiculaire
Préservation osseuse
Cicatrisation osseuse
Keywords :
Tooth extraction
Tooth socket
Root fracture
Bone preservation
Bone healing
Tissue preservation after extraction
of a vertically fractured tooth.
Bernard SCHWEITZ
r é s u m é
L
abstract
D.U de Parodontie et Implantologie, Paris VII - Ancien Assistant Hospitalo-Universitaire, Paris VII.
nce a vertical root fracture is diagnosed, an extraction of the root or the concerned tooth is often indicated. However, bone destruction accompanying this fracture interferes with the spontaneous healing of the
tooth extraction socket leading to reduced post-extraction tissue volume. The healing defect compromises
then the aesthetic result of prosthetic tooth replacement or complicate an implant placement. The prevention of
tissue collapse using surgical manipulations to protect the bone volume has been proposed. However, the scientific literature concerning the subject is poor and most of them are authors’ opinion, case reports and animal studies. From these available data, certain surgical techniques suitable to the specificity of the extraction site of a
fractured tooth can be proposed.
e diagnostic d’une fracture radiculaire verticale indique l’extraction de la racine ou de la dent concernée.
Cependant, la destruction osseuse qui accompagne cette fracture perturbe la cicatrisation spontanée de l’alvéole et limite le volume tissulaire post-extractionnel. Le défaut cicatriciel compromet alors le résultat esthétique du remplacement dentaire ou peut compliquer la mise en place d’un implant. L’idée d’éviter cet effondrement tissulaire par le biais de manipulations chirurgicales permettant de préserver le volume osseux paraît intéressante. Cependant, la littérature scientifique portant sur le sujet est faible et essentiellement composée d’avis
d’auteurs, de rapports de cas et d’études animales. À partir de ces données, il est néanmoins possible de proposer
certaines techniques chirurgicales adaptées à la spécificité du site d’extraction d’une dent fracturée.
O
soumis pour publication le 24/06/09
accepté pour publication le 03/09/09
1
Revue d’Odonto-Stomatologie/décembre 2009
Rev Odont Stomat 2009;38:111-125
ENDODONTIE
n présence d’une fracture radiculaire verticale, les
alternatives de traitement sont souvent assez limitées. En dehors de traitements conservateurs par
collage décrits dans des rapports de cas, l’extraction
reste l’option la plus souvent retenue.
La destruction osseuse associée à la fracture verticale a
pour conséquence la cicatrisation osseuse partielle de
l’alvéole d’extraction. Cette séquelle pourra compliquer
le remplacement de la dent extraite, notamment si la
mise en place d’un implant est requise.
En présence d’une destruction osseuse, deux attitudes
cliniques se présentent :
• Extraire de manière simple en risquant un effondrement tissulaire et envisager une greffe osseuse d’apposition après cicatrisation ou une implantation
associée à une régénération osseuse guidée.
• Anticiper les remaniements osseux délétères en cherchant à préserver le volume tissulaire post-extractionnel. Certaines procédures ont été décrites dans la
littérature, ce qui sera l’objet de notre propos.
Nous n’aborderons pas l’implantation post-extractionnelle qui n’est pas une procédure couramment utilisée
en présence de fractures radiculaires.
I
L’extraction
et ses conséquences
Tooth extraction
and its consequences
Jusque dans les années 80, l’étude des schémas
de résorption post-extractionnelle se limitait le plus
souvent à une simple analyse descriptive des crêtes
édentées. Ces données étaient alors intéressantes pour
les cliniciens qui ne disposaient que de la prothèse
adjointe pour traiter les édentements partiels étendus
ainsi que les édentements totaux.
L’avènement de l’implantologie a fait naître la nécessité
d’une meilleure compréhension des mécanismes de cicatrisation osseuse et muqueuse après extraction, tant au
plan qualitatif que quantitatif. Plus récemment encore,
les exigences esthétiques croissantes dans l’utilisation des
implants au maxillaire antérieur ont fait naître la nécessité d’une connaissance très fine de ces mécanismes.
Le recours à un modèle animal offre une réponse à cette
demande. La faiblesse de ce modèle est que les extractions sont réalisées dans des conditions « idéales » car
entreprises sur des situations saines avec des structures
osseuses intègres. Les défauts osseux qui en résultent
sont donc standardisés à 4 parois, ce qui permet le
maintien d’un caillot sanguin de volume maximum
durant la cicatrisation, sans collapsus des tissus mous
vestibulaires ou linguaux. Ces conditions sont rarement
réunies dans nos situations cliniques et ne sont presque
Until the 80s, the studies on post-extraction
resorption patterns had been limited mostly to a simple descriptive analysis of the edentulous alveolar
crests. These data were then clinically relevant and
useful for treatment with removable prosthesis in large
partially edentulous and totally edentulous patients.
E
n the presence of a vertical root fracture, treatment
options are often limited. Although a conservative
treatment with bonded restorations has been described in case reports, tooth extraction remains the most
often practiced option.
Bone destruction associated to vertical fracture leads to
partial bone healing of the extraction socket. This
sequela can complicate the replacement of the extracted
tooth, notably with an implant placement.
In the presence of bone destruction, two clinical
approaches are :
• Simple extraction with a risk of tissue collapse and
then planning for bone grafting after healing or an
implant placement associated to guided bone regeneration.
• Anticipating deleterious bone remodeling by preserving at most post-extraction tissue volume. Certain
procedures have been described in the literature
which will be the subject of our article.
Post-extraction implant placement, which is not a procedure usually applied in treatment of root fractures,
will not be approached.
With the advent of implantology, a better understanding on mechanisms of bone and soft tissue healing
after extraction is qualitatively and quantitatively needed. More recently, increasing esthetic demands in the
anterior maxilla with implant treatment even require a
highly refined knowledge of these mechanisms.
The use of animal models provides an answer to this
demand. The weakness of these models is that tooth
extractions are "ideally" performed in healthy conditions with intact bone structures. The resultant bone
defects are thus standardized with four walls maintaining a blood clot of maximum volume during healing
without buccal or lingual soft tissue collapse. These
conditions rarely occur in clinical situations and are
almost never present in the cases of root fractures.
In a dog model, Cardaropoli et al. (2003) showed that
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Revue d’Odonto-Stomatologie/décembre 2009
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Fig. 1 : Modèle canin : Après extraction, il se produit une résorption osseuse
intra puis extra-alvéolaire. Le défaut cicatriciel majeur se situe en vestibulaire.
Dog model : Following to extraction, intra- then extra-alveolar bone resorption occurs.
Major healing defect is situated on the buccal side.
jamais présentes dans le cas des fractures radiculaires.
Sur un modèle canin, Cardaropoli et coll. (2003) ont
montré qu’après extraction, le caillot sanguin occupant
l’alvéole est remplacé par une matrice provisoire puis
par de l’os minéralisé. A 180 jours, la proportion de l’os
minéralisé est de 15 %, les espaces médulaires occupant 85 % du volume osseux.
Au plan quantitatif, Araujo et coll. (2005) ont mis en
évidence la perte de volume tissulaire qui se produit au
cours de cette cicatrisation. Les auteurs ont constaté
une résorption osseuse dans le sens vestibulo-lingual
des tables vestibulaire et linguale. Cette résorption
osseuse a lieu à la face interne de l’alvéole par la disparition de l’os alvéolaire qui compose souvent, à lui seul,
la partie coronaire de la table osseuse vestibulaire. En
outre, pour des raisons mal comprises, un mécanisme de
résorption se produit aussi sur la face périostée des
tables osseuses. La table osseuse vestibulaire étant la
plus fine, la séquelle la plus manifeste est une perte de
volume osseux dans le sens vertical et horizontal en vestibulaire du site d’extraction (Fig. 1).
Chez l’homme, sur le plan histologique, la chronologie
du remodelage osseux est semblable à celle du modèle
canin. Mais la transformation du caillot en tissu minéralisé semble prendre d’avantage de temps et se produit
de façon très variable suivant les individus (Trombelli
et coll., 2008). Schropp et coll. (2003) constatent que,
12 mois après extraction de molaires et prémolaires, la
crête osseuse cicatrisée a perdu 50 % de sa largeur
initiale dans sa partie coronaire. La majeure partie de ce
défaut se fait aux dépens de la partie vestibulaire du
site édenté. Des remaniements tardifs se produisent car
les deux tiers de cet effondrement tissulaire n’ont lieu
que dans les 3 mois après extraction.
after tooth extraction, blood clot occupying the tooth
socket is replaced by temporary matrix and then mineralized bone. At 180 days, the proportion of mineralized bone is 15 % of the bone volume while 85 % occupied by marrow spaces.
Araujo et al. (2005) quantitatively showed the loss of
tissue volume occurring during bone healing. The
authors observed a bone resorption in the bucco-lingual direction of the buccal and lingual cortical plates.
This bone resorption, provoking the disappearance of
alveolar bone, takes place at the expense of the internal surface of the tooth socket composing most often
the coronal part of the buccal cortical bone plate.
Besides, for poorly known reasons, a resorption
mechanism also occurs on the periosteal surface of the
cortical bone. The buccal cortical bone being the thinnest, the most obvious sequela is a loss of buccal bone
volume in the vertical and horizontal direction of the
extraction site (Fig. 1).
In human, the histological chronology of bone remodeling is similar to that of the dog model. But the clot
transformation into mineralized tissue seems to take
more time and occurs in a highly variable manner
depending on individuals (Trombelli et al., 2008).
Schropp et al. (2003) observed that, at twelve months
after extraction of molars and premolars, the healed
bone crest lost 50 % of its initial width in its coronal
part. The major part of this defect occurs at the expense of the buccal part of the edentulous site. Late bone
remodeling occurs because two thirds of tissue collapse takes place only in three months after extraction.
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ENDODONTIE
La fracture longitudinale
et ses conséquences
Longitudinal fracture
and its consequences
Au plan parodontal, la fracture verticale provoque une destruction osseuse en regard du trait de
fracture (Fig. 2). La forme et le volume de cette lésion
osseuse seront fonction de 3 paramètres principaux :
• la localisation du/des trait(s) de fracture (coronaire,
apical ou sur toute la longueur de la racine) ;
• l’épaisseur de la table osseuse adjacente au trait de
fracture ;
• la précocité du diagnostic.
Les signes cliniques conduisant à consulter sont, le plus
souvent, la douleur ou la présence d’une fistule. Mais
ces symptômes peuvent parfois être discrets ou mal
définis. Dans une telle situation, le clinicien doit
rechercher une voussure vestibulaire ou linguale et
avoir le réflexe du sondage parodontal dans la zone
concernée. Associé à la radiographie, ce sondage peut
permettre la mise en évidence d’une fracture radiculaire de façon relativement précoce. Cet aspect est important à considérer car plus le diagnostic est tardif, plus
la résorption osseuse sera importante.
La résorption osseuse ayant lieu en regard du ou des
trait(s) de fracture, l’épaisseur de la table osseuse attenante déterminera l’importance de la lyse osseuse dans
un sens vertical. L’épaisseur des tables osseuses est
fonction de la localisation de la dent et du morphotype
parodontal.
D’une manière générale, les tables osseuses sont plus
épaisses en lingual qu’en vestibulaire, leur épaisseur
étant croissante dans un sens corono-apical. A la mandibule, les tables osseuses vestibulaire et linguale
gagnent en épaisseur des incisives aux molaires. Sur les
molaires, les structures osseuses vestibulaires sont souvent fines sur les quelques millimètres d’os marginal et
s’épaississent ensuite en direction apicale. La situation
est semblable sur les prémolaires, avec, cependant, une
moindre épaisseur osseuse.
Au maxillaire, on constate fréquemment que les racines
des prémolaires sont au contact d’un os cortical vestibulaire très fin sur presque toute la hauteur de la racine. L’os cortical n’est guère plus épais au niveau des
molaires (Baumgaertel et coll., 2009) et les tables
osseuses sont souvent fines en regard des racines
mésio-vestibulaires des premières molaires.
A ces variations anatomiques locales s’ajoute la notion
de morphotype parodontal. Certaines caractéristiques
anatomiques sur le plan gingival et osseux permettent
de « classer » les individus en différents morphotypes
parodontaux. Les deux extrêmes sont les parodontes dits
« fins et festonnés », par opposition aux parodontes «
On the periodontal point of view, the vertical
fracture provokes bone destruction with regard to the
fracture line (Fig. 2). The shape and volume of this
bone lesion will depend on three parameters :
• the location of the fracture line(s) (coronal, apical or
the whole length of the root)
• the thickness of the cortical bone adjacent to the
fracture line.
• an early diagnosis
The clinical signs leading to a consultation are, mostly, pain or the presence of a fistula. These symptoms
can sometimes be, however, discreet or poorly defined. In such situation, the clinician must look for a
buccal or lingual swelling and systematically perform
a periodontal probing in the concerned zone.
Combined to a radiographic examination, this probing
can be used to early demonstrate a root fracture. It
must be kept in mind that the later the diagnosis is, the
more severe the bone resorption.
Since bone resorption takes place with regard to one
or several fracture lines, the thickness of the adjacent
cortical bone will determine the significance of the
bone loss in the vertical direction. The cortical bone
thickness depends on the tooth location and the periodontal morphotype.
Generally, lingual cortical bones with an increasing
thickness in the corono-apical direction are thicker
than buccal ones. In the mandible, buccal and lingual
cortical bones are of increasing thickness from incisors
to molars. On molars, buccal bone structures are often
thin on some millimeters of marginal bone and become
thicker then in the apical direction. The situation is
similar on premolars with, however, a thinner bone.
In the maxilla, the roots of premolars are frequently
observed to be in contact with a very thin buccal cortical bone on almost all the root length. The cortical
bone is hardly thicker on molars (Baumgaertel et al.,
2009) and the cortical bone plates are often thin with
regard to the mesiobuccal roots of first molars.
The periodontal morphotype must be considered in
addition to these local anatomical variations. Certain
gingival and bone anatomical characteristics are used
to « classify » individuals into different periodontal
morphotypes. Two extremes are the so-called « thin
and scalloped » periodontium, by opposition to « flat
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Revue d’Odonto-Stomatologie/décembre 2009
Fig. 2 :
Fracture verticale en vestibulaire
d’une prémolaire maxillaire :
destruction de la table osseuse
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Vertical fracture seen
on the buccal root surface
of a maxillary premolar
with a destruction
of the buccal bone plate.
plats et épais ». Sur les morphotypes fins, il n’est pas
rare de percevoir les convexités radiculaires vestibulaires
présentes sous les minces structures gingivales, ce qui
laisse supposer l’extrême finesse des structures osseuses
sous-jacentes. La fracture radiculaire sur un parodonte
fin doit alerter le clinicien sur le risque de destruction
osseuse majeure autour de la dent fracturée.
En fonction de sa situation, la fracture verticale aura
donc des conséquences destructrices variables. Selon
les principes anatomiques vus précédemment, en pondérant le propos par rapport au morphotype parodontal,
on constate que les fractures verticales linguales sont
généralement moins destructrices que les fractures vestibulaires. En ne considérant que les dents les plus fréquemment sujettes aux fractures verticales, on retiendra que :
• le trait de fracture vestibulaire sur les prémolaires
maxillaires a pour conséquence la perte quasi totale
de la table osseuse concernée au stade où le diagnostic est le plus souvent établi.
• la destruction osseuse est souvent plus limitée sur les
prémolaires mandibulaires.
• les racines mésio-vestibulaires des molaires maxillaires sont très fines dans le sens mésio-distal et la
perte de la table osseuse vestibulaire en regard du
trait de fracture est souvent relativement étroite.
• étant donnée la relative épaisseur de l’os vestibulaire
des molaires mandibulaires, la majeure partie du
défaut reste intra-osseux avec une perte verticale
assez limitée.
Cependant, les lésions osseuses qui ne détruisent que la
partie coronaire des tables osseuses épaisses, sont
capables d’affiner significativement ces structures dans
leur partie plus apicale.
and thick » periodontium. In thin periodontal morphotypes, it is not rare to observe buccal radicular
convexities present under thin gingival structures suggesting extremely thin subjacent bone structures.
When a root fracture occurs in a tooth with thin periodontium, the clinician must be attentive on the risk of
major bone destruction around the fractured tooth.
Depending on its location, a vertical fracture will thus
have variable destructive consequences. According to
the anatomical principles previously described, when
considering the subject with regard to periodontal
morphotype, lingual vertical fractures are observed to
be generally less destructive than buccal fractures.
When considering only the teeth most frequently subject to vertical fractures, we found that :
• the buccal fracture line on maxillary premolars can
lead to an almost total loss of the concerned cortical
bone when the diagnosis is mostly established.
• bone destruction is often more limited on mandibular premolars.
• the mesiobuccal roots of maxillary molars are very
thin in the mesiodistal direction and the loss of buccal cortical bone with regard to the fracture line is
often relatively narrow.
• with relatively thick buccal bone of mandibular
molars, most defects remain intra-osseous with a
rather limited vertical bone loss.
However, the bone lesions although affecting only the
coronal part of thick cortical bone plates can significantly reduce the bone thickness in the more apical part.
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ENDODONTIE
Problématique de la cicatrisation
obtenue après extraction
simple d’une dent fracturée
Problem of the healing
obtainded after simple
extraction of a fractured tooth
Des structures osseuses fines sont susceptibles
de s’effondrer lors du remaniement osseux post-extractionnel. Il existe peu de données sur la cicatrisation
d’alvéoles d’extraction ayant perdu une table osseuse.
La constatation clinique est que l’absence d’une paroi
osseuse permet l’invagination des tissus mous et limite
la reconstruction osseuse spontanée. Il est probable
que le défaut osseux diminue la source de facteurs de
différenciation cellulaire et de croissance osseuse. De
grandes variations sont cependant constatées entre les
individus et il est parfois surprenant de constater une
cicatrisation satisfaisante sur le plan osseux dans des
situations initialement défavorables.
Les conséquences d’une cicatrisation osseuse partielle
sont diverses. D’une part, que le remplacement de la
dent perdue se fasse par le biais d’un bridge ou d’un
implant, les répercussions seront d’ordre esthétique
dans la zone antérieure des maxillaires. D’autre part, un
intermédiaire de bridge placé dans un site édenté ayant
un effondrement tissulaire marqué peut s’avérer complexe à entretenir par le brossage. Enfin, le défaut de
cicatrisation osseuse peut compliquer ou compromettre
la mise en place d’un implant.
Dans les situations cliniques pour lesquelles l’édentement est traité par prothèse fixée, il n’est pas systématiquement nécessaire de rechercher la conservation d’un
volume osseux maximal. La perte de volume tissulaire
vestibulaire peut être compensée efficacement par un
apport de tissu conjonctif. Mais, lorsque le remplacement de la dent extraite est fait au moyen d’un implant,
il apparaît logique de chercher à limiter la résorption
osseuse en mettant en place des techniques de préservation tissulaire.
L’analyse du sondage parodontal et de la radiographie
est importante pour déterminer la topographie de la
lésion osseuse. Toutes les fractures verticales ne justifient pas la mise en place d’un procédure spécifique de
préservation tissulaire. Dans les secteurs postérieurs,
lorsque le diagnostic n’est pas trop tardif, les structures
osseuses résiduelles sont souvent suffisantes pour permettre une cicatrisation correcte après une extraction
simple. Cette situation est plus rare dans les secteurs
antérieurs aux minces tables osseuses. L’objectif des
procédures de préservation osseuse est alors d’obtenir
un volume osseux suffisant pour permettre le placement
d’un implant dans une position favorable tant aux
plans mécanique et esthétique.
Thin bone structures are susceptible to collapse
during post-extraction bone remodeling. There are few
data on the healing of extraction sockets with cortical
bone lost. From clinical observation, the absence of a
bone wall will allow soft tissue invagination and
retard spontaneous bone reconstruction. It is likely
that bone defect decreases the source of cellular differentiation and bone growth factors. High variations
are however observed among individuals and it is
sometimes surprising to notice a satisfactory bone
healing in initially unfavorable situations.
The consequences of a partial bone healing are variable. If the lost tooth can be replaced with a bridge or
an implant, the consequences will be of esthetic order
in the anterior maxilla. Moreoer, a maintenance by
toothbrushing can become complex for a pontic of
bridge placed in an edentulous site with a marked tissue collapse. Finally, bone healing defect can complicate or compromise an implant placement.
In clinical situations where tooth loss is treated with
fixed prosthesis, it is not systematically necessary to
preserve a maximal bone volume. The loss of buccal tissue volume can be effectively managed with a connective tissue graft. When the extracted tooth is however
replaced by an implant, it seems logical to reduce the tissue collapse by tissue preservation techniques.
Periodontal probing and radiographic analysis is
important to determine the bone lesion topography. All
vertical fractures do not justify an application of one
specific tissue preservation procedure. In the posterior
sectors, when the diagnosis is not too late, residual
bone structures are often sufficient allowing a correct
healing after a simple extraction. This situation is rare
in anterior sectors with thin cortical bone plates. The
objective of bone preservation procedures is then to
obtain a sufficient bone volume allowing an implant
placement in a mechanically and esthetically favorable position.
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Comblement alvéolaire
post-extractionnel
Post-extraction
bone filling
Différentes propositions ont été faites dans la
littérature scientifique. Le niveau de preuve sur l’efficacité de ces traitements reste faible car, chez l’homme,
seuls des rapports de cas et avis d’experts ont été
publiés. Avec leurs limites, l’application de ces procédures sur un modèle animal standardisé permet de justifier l’intérêt de ces techniques.
Les études cliniques comparant l’extraction simple à
certaines procédures de préservation tissulaire incluent
des défauts osseux de morphologie variables, le plus
souvent sans description anatomique précise, ce qui est
à l’origine d’une grande variation dans les résultats. Les
biomatériaux utilisés comprennent des matériaux de
comblement (xénogreffe, allogreffe ou substituts synthétiques) associés à des membranes de régénération.
Notre propos ne porte que sur l’aspect volumétrique de
la préservation tissulaire, la plupart de ces publications
validant l’utilisation de ces matériaux sur le plan histologique et clinique. Certains auteurs rapportent cependant une encapsulation fibreuse des particules de biomatériaux (Becker et coll., 1998).
Various propositions have been made in the
scientific literature. The level of proof on the efficacy
of these treatments remains weak because, in human,
only case reports and opinion of experts were published. With their limitations, the application of these
procedures in a standardized animal model justifies
the advantage of these techniques.
Available clinical studies comparing a simple extraction with certain tissue preservation procedures include bone defects of variable morphology, mostly
without precise anatomical description resulting in a
high variation of the results. The biomaterials used in
these studies include filling materials (xenograft, allograft or synthetic substitutes) associated to membranes
for regeneration. Since the objective of our article
aims only at the volumetric aspect of tissue preservation, most of these publications histologically and clinically validate the use of these materials. Certain
authors report however a fibrous encapsulation of biomaterial particles (Becker et al., 1998).
Chez le chien, Fickl et coll. (2008) ont comparé la cicatrisation après extraction avec et sans comblement d’un
biomatériaux dérivé bovin. Dans le sens vestibulo-lingual, le groupe des extractions simples avait une contraction de 50 % supérieure au groupe des extractions associées à un comblement, notamment dans la partie coronaire de la crête édentée. Mais ces résultats proviennent
d’une analyse en surface des tissus, sans distinguer tissus durs et tissus mous. Araujo et Lindhe (2009) confirmèrent ces résultats, en mettant en évidence, cette fois,
la conservation du volume strictement osseux.
Dans la grande majorité des études cliniques, la technique chirurgicale consiste à élever un lambeau en vestibulaire et en lingual pour réaliser l’extraction de façon
atraumatique. Ensuite, les biomatériaux sont recouverts
par le lambeau vestibulaire libéré apicalement en épaisseur partielle. Cette protection des matériaux par les
tissus gingivaux semble essentielle pour augmenter la
prévisibilité du résultat.
In a dog model, Fickl et al. (2008) compared the healing after extraction with and without filling with
bovine-derived biomaterials. In the bucco-lingual
direction, the group of simple extractions had a
contraction 50 % superior to the group of extractions
with filling, notably in the coronal part of the edentulous crest. However, these results were obtained from
an analysis of the tissue surface without distinguishing
hard and soft tissues. Araujo and Lindhe (2009)
confirm these results by demonstrating bone volume
preservation.
Lekovic et coll. (1997) sont parvenus à une meilleure
préservation osseuse en couvrant des alvéoles d’extraction d’une membrane ePTFE (Poly-tétra-fluoro-éthylène
expansé) ou d’une membrane résorbable (1998) par rapport à une extraction simple. Iasella et coll. (2003)
Lekovic et al. obtained a better bone preservation by
covering extraction sockets with an ePTFE (expanded
polytetrafluoroethylene) membrane (Lekovic et al.,
1997) or a resorbable membrane (Lekovic et al., 1998)
with regard to a simple extraction. Iasella et al. (2003)
In most clinical studies, the surgical technique consists
in raising a flap in buccal and in lingual to perform an
atraumatic extraction. Biomaterials are then covered
with an apically released buccal flap in partial thickness. This protection of materials by gingival tissues
seems essential to increase the prognosis of the result.
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Revue d’Odonto-Stomatologie/décembre 2009
ENDODONTIE
obtiennent des résultats similaires en comblant avec
une allogreffe recouverte d’une membrane en collagène.
Quatre à 6 mois après la procédure, la réduction horizontale de la crête était trois fois moindre lors d’un
comblement par rapport à une extraction seule. Avec un
biomatériau dérivé bovin et une membrane en collagène, les résultats de Barone et coll. (2008) aboutissent
à des conclusions similaires.
obtained similar results by filling with an allograft
covered with a collagen membrane. Four to six
months after the procedure, horizontal bone resorption
of the crest was measured to be three times lesser with
a filling compared to an extraction alone. With a bovine-derived biomaterial and a collagen membrane,
Barone et al. (2008) obtained similar conclusions.
L’étude d’Artzi et coll. (2000) est intéressante dans le
cas des fractures radiculaires car elle inclut des sites
d’extraction dont la table osseuse vestibulaire est partiellement résorbée au moment de l’extraction (défaut
vertical de 2 à 12 mm). Lors de la ré-entrée à 9 mois,
une régénération de cette table osseuse à 82 % avait
été constatée.
Ces données s’accordent sur le fait que l’utilisation d’un
biomatériau de comblement limite la réduction du
volume osseux durant la cicatrisation par rapport à une
extraction simple, sans pouvoir éviter totalement une
certaine résorption crestale.
The study of Artzi et al. (2000) concerns the cases of
root fractures where extraction sites present existing
partially resorbed buccal cortical bone plate(vertical
defect of 2 to 12mm). During the re-entrance to the
lesion at nine months, a regeneration of cortical bone
plate is observed in 82 %.
Afin de minimiser cette résorption résiduelle, des modifications du protocole chirurgical ont été proposées :
Simon et coll. (2000) ont corrigé en excès des défauts
osseux de morphologie variée (incluant plusieurs dents
extraites, défaut à 3 parois etc.) avec une allogreffe
recouverte d’une membrane en polymère résorbable. Ils
constatèrent un gain osseux significatif en hauteur et
en largeur, mais une proportion importante du matériau
placé en excès se résorbait (40 à 70 %). Sur un modèle canin, Fickl et coll. (2009) ont constaté que l’utilisation d’un biomatériau de comblement en sur-correction
vestibulaire n’apportait pas de gain osseux par rapport
à un comblement intra-alvéolaire de défauts postextractionnels unitaires à 4 parois.
To minimize residual resorption, modifications on surgical protocol have been proposed :
Simon et al. (2000) performed a filling in excess of
bone defects of variable morphology (including several extracted teeth, three-wall defect, etc.) with an
allograft covered with a resorbable polymer membrane. They notice a significant bone gain in height and
in width, but a large proportion of the material placed
in excess is reduced (40 to 70 %). In a dog model,
Fickl et al. (2009) observed that filling in excess a biomaterial on the buccal does not provide bone gain with
regard to an intra-alveolar filling of single post-extraction four-wall defects.
Pour évaluer l’implication du traumatisme chirurgical
provenant de l’élévation de lambeaux lors des extractions, Fickl et coll. (2008) ont comparé la cicatrisation
d’alvéoles d’extraction avec et sans comblement par une
approche avec et sans lambeau (4 groupes différents).
Dans les groupes avec comblement, le matériau était
protégé par une greffe épithélio-conjonctive adaptée au
contour gingival afin de « fermer » l’alvéole (Landsberg
et Bichacho, 1994 ; Jung et coll., 2004). Les groupes
d’extraction avec lambeau perdaient d’avantage de
volume vestibulaire que les groupes sans lambeau. Dans
les groupes sans comblement, le fait d’élever un lambeau provoquait une perte de volume plus importante
que l’extraction sans lambeau. La meilleure conservation de volume tissulaire était obtenue avec un comblement alvéolaire réalisé sans lambeau.
To evaluate the implication of surgical trauma resulting
from flap elevation during extractions, Fickl et al.
(2008) compared the healing of extraction sockets with
and without filling by an approach with and without
flap (4 different groups). In the groups with filling, the
material was protected by an epithelial-connective tissue graft applied to the gingival contour « to close » the
extraction socket (Landsberg 1994; Jung 2004). The
groups of extraction with flap lost more buccal volume
than the groups without flap. In the groups without
filling, a flap elevation provoked a loss of volume
more significant than the extraction without flap group.
The best tissue volume preservation was obtained with
an alveolar filling performed without flap.
These data are in agreement that the use of a filling
biomaterial can reduce bone volume resorption during
healing with regard to a simple extraction, without
completely avoiding a certain crestal resorption.
8
Revue d’Odonto-Stomatologie/décembre 2009
Dents antérieures :
le comblement alvéolaire
immédiat sans lambeau
Anterior teeth :
immediate alveolar bone
filling without flap
(Cas cliniques 1 et 2)
(Clinical cases 1 and 2)
Landsberg et Bichacho (1994) et Jung et coll.
(2004) ont décrit une procédure de maintien du volume
tissulaire post-extractionnel au moyen d’un comblement
alvéolaire protégé par un greffon épithélio-conjonctif
adapté au contour gingival de l’alvéole. Sclar (1999) a
utilisé une procédure semblable en remplaçant le greffon conjonctif par une membrane collagène laissée
exposée à l’environnement buccal (Technique bio-col).
Cependant, un risque de percolation ou de résorption
prématurée de cette membrane existe. Les conséquences
sont alors une contamination du comblement, une
encapsulation des particules ou une fuite de matériaux.
Il nous semble plus sécurisant de protéger le biomatériau par un greffon épithélio-conjonctif qui assure la fermeture du site chirurgical. Pour limiter le risque de prolifération de tissus conjonctif sous la greffe, une membrane en collagène découpée aux contours de l’alvéole
peut être interposée entre le comblement et le greffon.
La logique de cette procédure sans lambeau répond à
l’argument du traumatisme tissulaire minimal développé
précédemment. De plus, en l’absence d’incisions de
décharge et de traction de la muqueuse vestibulaire,
l’aspect esthétique des tissus mous est conservé.
Cette technique chirurgicale, décrite initialement sur
des alvéoles à 4 parois osseuses dans le secteur antérieur des maxillaires, peut s’appliquer aux incisives et
canines mais aussi aux prémolaires.
Elle peut être adaptée aux situations particulières des
fractures radiculaires en compensant la paroi osseuse
vestibulaire manquante par une membrane résorbable.
Cette dernière doit être insérée sous le lambeau qui est
décollé a minima, au travers de l’alvéole, sans incision
de décharge. La limite de la préservation osseuse verticale est donnée par la hauteur des septa osseux interdentaires et la corticale linguale.
Les dents postérieures ont un diamètre trop important
pour permettre la survie du greffon occlusal de façon
prévisible. Une approche différente peut être proposée.
Landsberg and Bichacho (1994) and Jung et al.
(2004) described a procedure to maintain post-extraction tissue volume by using an alveolar bone filling
protected with an epithelial-connective tissue graft
adapted to the gingival contour of the extraction socket. Sclar (1999) used a similar procedure by replacing
the connective tissue graft with a collagen membrane
left exposed to the oral environment (Bio-col technique). However, a risk of membrane percolation or
premature resorption exists. The consequences are
then a contamination of the filling, an encapsulation of
particles or a leak of materials. It seems to us more
reassuring to protect the filling biomaterial by an epithelial-connective tissue graft closing the surgical site.
To reduce the risk of connective tissue proliferation
under the graft, a collagen membrane cut in the outlines of the socket can be placed between the filling and
the graft. The logic of this procedure without flap
responds to the argument of minimal tissue trauma
previously described. Furthermore, in the absence of
releasing incisions of the buccal mucosa, the esthetic
aspect of soft tissues is preserved.
This surgical technique, initially described in fourwall bone sockets on the anterior maxillary sector, can
be applied to incisors, canines and premolars.
It can be adapted to particular situations of root fractures by replacing the missing buccal bone wall with a
resorbable membrane. The latter must be inserted
under the flap which is minimally elevated, through the
extraction socket without releasing incisions. The vertical bone preservation is limited by the height of the
inter-dental bone septa and lingual cortical bone.
The diameter of posterior teeth is too large for a predictable survival of occlusal graft. A different approach
can be proposed.
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Revue d’Odonto-Stomatologie/décembre 2009
ENDODONTIE
CAS CLINIQUE n°1
3a.2
3a.1
3a.3
Fig. 3a : Lésion apicale étendue avec sondage palatin profond : les tables osseuses sont très minces, le risque d'effondrement
tissulaire après extraction est important.
Extensive apical lesion with deep palatal probing and palatal fistula : The cortical bone plates are very thin and the risk
of tissue collapse after extraction is therefore high.
3b
3c
3d
Fig. 3b : Après extraction atraumatique et curetage de l'alvéole, le matériaux de comblement est mis en place (Os autogène + Dérivé bovin).
After atraumatic extraction and curettage of the extraction socket, the filling material is placed (autogenic bone + bovine-derived).
Fig. 3c : Un greffon conjonctif adapté à l'alvéole protège le matériaux en fermant la plaie / A connective tissue graft adapted
to the socket protects the material by closing the wound.
Fig. 3d : A quatre mois, le volume tissulaire est satisfaisant / At four months, the tissue volume is satisfactory.
3e.1
3e.2
Fig. 3e : L'implant peut être
positionné de façon optimale
pour la restauration prothétique.
An implant can be optimally
positioned for later prosthetic
restoration.
10
Revue d’Odonto-Stomatologie/décembre 2009
CAS CLINIQUE n°2
4a.2
4a.1
Fig. 4a : Fracture verticale
de 14 : La table osseuse
vestibulaire est détruite
sur une hauteur de 10 mm.
Vertical fracture on tooth 14 :
The cortical bone plate is
destroyed on the length of 10 mm.
4b.1
4b.2
4c
Fig. 4b : Après décollement du lambeau vestibulaire au travers de l'alvéole, une membrane resorbable est insérée pour recréer une paroi vestibulaire et maintenir le matériaux.
After buccal flap elevation through the extraction socket, a resorbable membrane is inserted to recreate a buccal wall and maintain the
filling material.
Fig. 4c : Fermeture du site par un greffon épithélio-conjonctif / Closure of the site by an epithelial-connective tissue graft.
4d.1
4d.2
4e
Fig. 4d : A cinq mois, le volume osseux permet la mise en place simple de l'implant dans l'axe prothétique.
At 5 months, the bone volume allows a placement of implant in the prosthetic axis.
Fig. 4e : Restauration finale dans un environnement péri-implantaire satisfaisant / Final restoration in a satisfactory peri-implant environment.
11
Revue d’Odonto-Stomatologie/décembre 2009
ENDODONTIE
CAS CLINIQUE n°3
5a.1
5a.2
Fig. 5a : Fracture diagnostiquée tardivement
associée à une destruction osseuse massive.
L'extraction est faite de manière classique.
A lately diagnosed fracture associated
to extensive bone destruction.
A simple extraction is performed.
5b.1
5b.2
5b.4
Fig. 5b : 2 mois après extraction, Lors de la réouverture, une lésion importante
est toujours présente. Le comblement est protégé par une membrane qui est recouverte
par les tissus préalablement cicatrisés pour fermer correctement le site.
5b.3
2 months after extraction. During the reopening of the site, a large lesion is still present.
The filling material is protected by a membrane and already healed tissue to correctly
close the site.
5c
5d.1
5d.2
Fig. 5c : 4 mois plus tard, l'implant est mis en place dans un axe favorable au sein
d’un volume osseux correctement préservé.
4 months later, an implant is placed in a favorable axis within appropriately
preserved bone volume.
Fig. 5d : Restauration finale (Dr P. Simonet) et environnement péri-implantaire.
Final restoration (Dr P. Simonet) and peri-implant environment.
12
Revue d’Odonto-Stomatologie/décembre 2009
Dents postérieures :
le comblement alvéolaire différé
Posterior teeth :
delayed alveolar bone filling
(Cas clinique 3)
(Clinical case 3)
La difficulté chirurgicale majeure du comblement
immédiat appliqué aux dents postérieures est la capacité incertaine du chirurgien à couvrir entièrement les
biomatériaux par un lambeau tracté. Outre l’invagination muqueuse dans l’espace édenté qui en résulte, il
est parfois difficile de supprimer totalement toutes les
tensions du lambeau tracté en raison de la faible hauteur du vestibule dans les régions postérieures, notamment à l’arcade mandibulaire.
Certaines études cliniques excluent d’ailleurs les molaires de leurs procédures chirurgicales (Iasella 2003).
Il peut alors être intéressant de réaliser une extraction
simple dans un premier temps afin d’obtenir une cicatrisation des tissus mous. Cette fermeture muqueuse
intervient en 6 à 8 semaines, ce qui est bien plus précoce que la cicatrisation osseuse dont les remaniements
délétères peuvent se produire durant un an (Schropp
2003). Dans un second temps, il est possible de réouvrir le site pour réaliser le comblement de la lésion
osseuse. Le biomatériau est alors protégé par une membrane résorbable recouverte par un tissu muqueux sain
qui ferme efficacement la plaie.
Sur des lésions modérées, il est concevable de placer
l’implant lors de ce deuxième stade si une stabilité primaire peut être obtenue. Il faut alors accepter le risque
lié au cumul de deux procédures chirurgicales en une
seule intervention.
The main surgical difficulty of immediate
filling applied to posterior teeth is the uncertainty of
the surgeon to completely cover biomaterials with a
towed flap. Other than resulting mucosal invagination,
it is sometimes difficult to completely eliminate all the
tensions of the towed flap due to the reduced height of
the vestibule in the posterior regions, notably in the
mandibular arch.
Certain clinical studies exclude moreover molars from
their surgical procedures (Iasella 2003).
It can then be advantageous to firstly perform a simple
extraction to obtain a soft tissue healing. This soft tissue closure occurs in 6 to 8 weeks which is earlier than
bone healing whose deleterious remodeling can occur
during one year (Schropp 2003). Later, it is possible to
reopen the site to fill the bone lesion. The used biomaterial is then protected by a resorbable membrane
covered with a healthy soft tissue to effectively close
the wound.
For moderate lesions, it is possible to place an implant
during this second stage if a primary implant stability
can be obtained. It must then accept the accumulated
risk related to a combination of two surgical procedures into a single intervention.
Conclusion
Les fractures verticales ont pour répercussion parodontale une destruction osseuse en regard du trait de
fracture. Le volume de cette lésion osseuse est fonction de la précocité du diagnostic et de l’épaisseur des structures osseuses attenantes à la dent concernée.
Dès que le diagnostic est établi, l’extraction de la racine ou de la dent fracturée doit être rapidement entreprise car la destruction osseuse liée à la fracture s’aggrave avec le temps.
L’extraction simple d’une dent entourée de tables osseuses partiellement ou entièrement détruites provoque
des séquelles de cicatrisation qui compliquent le remplacement dentaire.
Il est possible de compenser la perte de volume osseux par un apport de tissu conjonctif si un bridge compense la perte dentaire. Mais la fréquente indication des implants exige la présence d’un volume osseux adéquat
pour obtenir une restauration implantaire satisfaisante sur le plan mécanique et esthétique.
Il est possible de limiter cet effondrement tissulaire en ayant recours à des techniques chirurgicales de préservation tissulaire. Les études animales analysant la justification de ces procédures indiquent que le comblement des alvéoles d’extraction permet une meilleure préservation du volume osseux par rapport à l’extraction
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Revue d’Odonto-Stomatologie/décembre 2009
ENDODONTIE
simple. Les études cliniques vont dans le même sens, mais l’extrapolation aux dents fracturées est difficile car
la morphologie des alvéoles comblées n’y est que rarement renseignée et les résultats sont variables.
Cependant, tous les auteurs s’accordent sur le fait qu’un certain degré de résorption crestale se produit quel
que soit le mode de préservation adopté.
Dans le cadre des fractures radiculaires il est possible d’adapter les procédures décrites dans la littérature.
Cependant, ces techniques chirurgicales ont leurs limites et les cas de destructions osseuses très sévères qui
nécessitent un gain osseux vertical seront préférentiellement traités par greffe osseuse d’apposition.
Vertical fractures can have consequences on periodontal tissue with bone destruction with regard to the
fracture line. The volume of bone lesion depends on the early diagnosis and the thickness of the bone structures
adjacent to the concerned tooth.
As soon as the diagnosis is established, the extraction of the fractured root or tooth must be rapidly undertaken
because bone destruction related to the fracture aggravates with time.
A simple extraction of a tooth surrounded with partially or completely destroyed cortical bones provoke healing
defects which complicate later tooth replacement.
The loss of bone volume can be possibly managed by a connective tissue graft if the tooth loss is replaced with a
bridge. However, an indication of implants frequently requires the presence of adequate bone volume to obtain a
mechanically and esthetically satisfactory implant restoration.
It is possible to reduce this tissue collapse by using surgical techniques of tissue preservation. The animal studies
analyzing the justification of these procedures indicate that the filling of extraction sockets allows a better bone
volume preservation with regard to the simple extraction. The clinical studies provide similar results. However,
the extrapolation of these results to the fractured teeth is difficult because the morphology of filled extraction sockets is rarely reported and the results are variable. Nevertheless, all the authors agree that certain degree of crestal resorption occurs not depending on the adopted mode of tissue preservation.
For root fractures, the procedures described in the literature can be clinically applied. However, these surgical
techniques have their limitations and the cases with highly severe bone destruction require a vertical bone gain
which will preferentially be handled by bone grafting.
Tous nos remerciements au Dr D. Etienne qui nous a confié les cas cliniques 2 et 3.
The authors would like to express their gratitude to Dr. D. Etienne
who provided us the figures of the clinical cases 2 ahd 3.
Traduction : Ngampis SIX
Demande de tirés-à-part :
Bernard SCHWEITZ - 115, rue de Courcelles - 75017 Paris.
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Revue d’Odonto-Stomatologie/décembre 2009
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