DEUTERONOME Résumé en quatre temps 1. Rappel de la fidélité
Transcription
DEUTERONOME Résumé en quatre temps 1. Rappel de la fidélité
DEUTERONOME Résumé en quatre temps 1. Rappel de la fidélité de l’Eternel à ses engagements d’alliance et exhortations à l’allégeance du peuple (ch. 1-4) 2. Reformulation des stipulations d’alliance, exposition des dix commandements (ch. 5-26) 3. Renouvellement d’alliance et engagements menant à la mort ou à la vie (ch. 27-34) 4. Recommandations et avertissements ultimes et adieux de Moïse (ch. 31-34) Genres Thème Assise Datation discours, loi, récit, poésie importance suprême de vivre selon les prescriptions de Dieu steppes de Moab près du Jourdain pendant un mois 1407-1406 avant J.-C. Introduction Titre Le titre du Deutéronome dans le canon hébreu «Paroles» (debarim) vient des premiers mots du livre «Voici les paroles» (’elleh haddebarim). Le mot «Deutéronome» reprend le titre trouvé dans la Septante qui a le sens de «seconde loi.» Celui-ci est tiré de l’expression en 17.18 qui stipule que le roi doit faire pour lui «une copie de cette loi» (mishneh hattorah hazzo't). Selon Rachi, cette expression veut dire la loi en deux exemplaires, un pour le dépôt dans le temple l’autre destiné à accompagner le roi dans le champ de bataille. Le titre grec capte aussi l’idée que c’est la loi donnée de nouveau à la nouvelle génération, celle qui va entrer dans la terre promise. Selon le prologue, «Moïse commença à expliquer cette loi» (1.5b voir le commentaire). Le Deutéronome est donc une exposition de la loi de l’Eternel, celle octroyée au Sinaï, renouvelée en vue de la vie du peuple d’Israël en Canaan. Théologie et destinateurs Si les événements entourant le crépuscule de la vie de Moïse clôturent le Pentateuque, pour le peuple de Dieu, c’est une aube nouvelle, un temps de nouveaux commencements. Un nouveau chapitre dans son histoire s’ouvre devant lui. Quarante ans se sont écoulés depuis la sortie d’Egypte (1.3 ; 8.2 ; 29.4). Moïse, dans le contexte plus large du Deutéronome, saisit l’occasion. Il s’adresse à une nouvelle génération. Du point de vue de la forme et de la composition du Deutéronome, trois composantes de base se dégagent : histoire, exhortation et loi. A la loi correspond le centre du livre. La place qui lui est accordée au cœur du livre (ch. 12-26) et l'espace qu'elle occupe (la moitié du livre) montrent son importance. La parénèse ou l’exhortation se concentre pour la plupart dans les cadres entourant la loi (ch. 6-11 et ch. 27-28). L'histoire se trouve dans les cadres extérieurs (ch.1-5 et ch. 29-34). Ce double encadrement attire l'attention sur le centre, la loi. La loi, à son tour, se fond en recourant à l'histoire et s'inculque au moyen d'exhortations. Comme il est souvent remarqué, c'est «la loi prêchée». Ayant un regard sur le passé, c’est aussi 1 contextualisée en vue de l’avenir proche dans la terre promise : comment la loi s’applique-telle dans ce nouveau contexte ? La génération adulte rachetée de l’esclavage est maintenant morte, à l’exception de Moïse, Josué, Caleb, Eléazar et Phinéas. Seuls, les enfants et les jeunes de cette génération ainsi que ceux qui sont nés après l’exode ont été épargnés lors du jugement de Dieu à l’heure de la révolte à Kadesh Barnéa (1.36-39 ; cf. Nb 14). Ces enfants sont maintenant adultes. Ils vont, eux et leurs enfants, entrer et prendre possession de la terre promise (4.1 ; 6.1 ; 7.1 ; 8.1 ; 9.1 ; 12.1 ; 27.2). Il s’agit d’une génération qui n’a pas connu personnellement la grande délivrance de l’Egypte. Ces gens n’ont pas vu l’immense défaite des forces égyptiennes à la mer des Joncs. Certains d’entre eux ont un vague souvenir de l’expérience redoutable vécue par leurs parents à l’occasion du premier don de la loi et de la conclusion de l’alliance au Sinaï. Ce qu’ils savent du passé leur a été raconté. Cette connaissance leur a été transmise. Et, maintenant, cette génération est au seuil du pays de Canaan, territoire donné en héritage d’abord à Abraham, Isaac et Jacob, à savoir Israël, et ensuite à sa descendance. C’est le peuple à qui l’histoire de la génération passée est racontée, à qui sont adressés les exhortations, les promesses, les avertissements et les bénédictions et avec qui l’alliance est renouvelée (ch. 29-30). C’est pour ce peuple que Moïse narre l’histoire des quarante années d’errance dans le désert et les conséquences tragiques des échecs de leurs parents (1.19s. 9.1s). Il veut qu’ils la connaissent mais non pas comme une histoire que ne les concerne pas. En effet, c’est leur histoire. Il veut qu'ils aient la connaissent mais non pas comme une histoire que ne les concerne pas. En effet c'est leur histoire. En vue de leur avenir proche dans la terre promise, Moïse exhorte cette génération à mettre en pratique la parole (4.1) et à prendre au sérieux les événements du passé (4.9). Moïse veut qu’ils réactualisent les grands moments du passé et les fassent leurs (5.3, 29.11-13; cf. les expressions «en ce temps-là» 3.23; «aujourd’hui» 8.18; «maintenant» 10.12). C’est le peuple pour qui ce cantique-testament va entrer en vigueur après le décès du testateur. Cette histoire concerne l’Eglise aussi bien qu’eux. Les expériences des Israélites de la génération de l’Exode, comme le dirait Paul, «sont arrivées pour nous servir d’exemples » (litt. «types», tupoi, 1Co 10.6). Les jugements qui sont tombés du ciel «… leur sont arrivés pour servir d'exemples, et ils ont été écrits pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des temps.» (1Co 10.11). C’est exactement pourquoi Moïse entonne son cantique: pour avertir le peuple et pour lui dire ce qui lui arrivera à la fin des temps (31.29). L'alliance conclue avec Abraham, Isaac et Jacob ainsi qu’avec leur descendance est mis en avant (29.11-14 ; voir l’encart « Promesse et alliance…). Par son libre choix Dieu a souverainement conclu cette alliance avec les pères du peuple (4.37; 7.1-8; 10.15). A cela s’ajoute l’alliance établie à Sinaï avec le peuple d’Israël constituant une nation (Ex 24.8 ; Dt 5.3). Les deux alliances vont de paire. L'objet en est double. Dans un premier temps l’alliance abrahamique a été instituée pour établir un rapport entre l’Eternel et les pères du peuple 2 d'Israël et d’établir un lien de solidarité entre les descendants de ces pères. Dans un deuxième temps l'alliance mosaïque sert en même temps à gérer les rapports entre les membres de cette communauté en amour, en vérité et en justice. La présence prépondérante de lois dans cette alliance s'explique par cet aspect régisseur équitable réalisable au moyen de la mise en pratique des stipulations de ce pacte (4.13, 23, 31; 8.18; 9.5; 28.69). Moïse exhorte régulièrement le peuple d'Israël à aimer et à obéir à Dieu (p. ex., 6.4-9). L'insistance sur l'amour et l'obéissance dans ce livre vient aussi de son cadre d’alliance comme le témoignent les traités du Proche Orient ancien. La loyauté du vassal envers le souverain est exprimée en termes d'amour et d'obéissance. L'amour et l'obéissance se trouvent dans le Deutéronome côte à côte (11.1, 13, 22; 19.9; 30.20). Aimer Dieu implique la fidélité, la loyauté, l'obéissance et le service. Ce que Dieu exige il y aussi pourvoit par sa grâce. Si l'amour pour Dieu (et pour autrui) est exigé c'est parce qu’il a aimé son peuple en premier (4.34; 10.15). Dieu dispose le cœur de son peuple de façon à ce qu'il l'aime. (6.6; 8.5; 10.16; 29.3; 30.2). Si son peuple aime celui qui donne la loi, l'obéissance n'est pas un fardeau. Les exhortations portent sur la vie entière : la croyance, le culte et la conduite de tous les jours. Les 10 commandements (ch. 5 ; cf. Ex 20) résument les exigences vis-à-vis de ces facettes de la vie. Les prescriptions (ch. 12-26) élargissent et approfondissent ce qui est résumé dans le décalogue (voir Dt 12 et l’encart «Principes de structuration des lois deutéronomiques»). Moïse insiste sur la foi en un seul Dieu (cf. 6.4, le shema «écoute»), créateur et rédempteur, qui se révèle et parle au peuple par sa parole (4.32; 29.28). Il met en avant ce qui caractérise la vraie adoration de Dieu en reconnaissance pour ses bienfaits et le comportement conforme à sa volonté. Croire en lui, l'adorer et vivre pour lui est l'essence de la vraie spiritualité s'étendant à toutes les sphères de la vie. Aimer Dieu relève de la vraie connaissance de lui (le contenu de la foi), de sa personne et de ses œuvres (4.9). II est miséricordieux et juste (5.9; 6.15). II est bon et compatissant. Son amour est inconditionnel (7.6-9). II délivre du mal et donne sa grâce de façon imméritée (9.4). Là foi en Dieu, comme l'amour pour lui, se montre par la mise en pratique de sa parole dans toutes les sphères d'activité de la vie et dans tous ses domaines: les pensés, les paroles et les actes. Malgré les attentes et la visée très haute imposées par les rapports d’alliance, deux grands échecs spirituels d’Israël pèsent sur son histoire : l’apostasie du veau d’or au Sinaï (Ex 32-34) et l’incrédulité à Kadès-Barnéa (Nb 13-14). Le Deutéronome attire l’attention sur ces moments cruciaux d’infidélité du peuple (1.19s ; 9.12s). Ce sont deux occasions où l’Eternel menace le peuple d’annihilation pour que les promesses faites aux pères puissent se réaliser au travers de la descendance de Moïse (Ex 30.10 ; Nb 14.12). Moïse raconte à la nouvelle génération du peuple l’histoire des révoltes incessantes de leurs parents et grands-parents qui sont tombés dans le désert pendant les 40 ans passés (Dt 1.19-2.25). Moïse lui-même est puni sévèrement pour ne pas avoir respecté la sainteté de l’Eternel devant le peuple (Nb 20.7-13 ; Dt 32.51-52 ; 34.4). Comme cette génération il n’entrera pas dans la terre promise. Il met devant le peuple cet échec personnel pour l’encourager l’obéissance (p. ex., 3.23-28). 3 Moïse met devant les Israélites les bénédictions et les malédictions (11.26-28 ; ch. 28), la vie et le bien et la mort et le mal (30.15, 19), pour inciter ce peuple à vivre selon la volonté de Dieu afin que leur vie soit caractérisée par l'épanouissement et non pas le dépérissement. La vie bénie est celle dotée des forces et des capacités permettant qu'elle soit fructueuse (Gn 1.28). Au contraire l'incrédulité et l'inconduite auront comme fruit l’accablement de cette vie. Si Dieu retire sa bénédiction la vie sèche (27.11-26 ; 28.15-68). Moïse donc exhorte le peuple : «Choisis la vie [bénie], afin de vivre, toi et ta descendance, en aimant l’Eternel, ton Dieu, en lui obéissant...c'est de lui qui dépendent la vie et sa durée…» (30.9c-20a; cf. 32.46-47). Les conséquences du bon choix sont très terre à terre : «…c'est ainsi que tu pourras rester dans le pays que l'Eternel a juré de donner à tes ancêtres Abraham, Isaac et Jacob» (30.20b). Le Deutéronome prépare le peuple pour cette vie en Canaan. C’est la réalisation des promesses faites aux pères, de l’objectif de la rédemption de l’Egypte et de la donnée de loi pour gouverner cette nouvelle nation. Les récits, les lois, les exhortations ainsi que les bénédictions et les avertissements sous forme de malédiction ont tous comme objet commun le bien être et le bonheur du peuple de Dieu (5.33; 6.3; 10.13; 29.8; 30.15, 20, 32.47; 33.29). C’est le fruit de la sagesse, c’est-à-dire la mise en pratique de la loi dans de différents domaines de la vie. Celui qui vie selon la parole vivra une vie bénie (32.47). La croissance dans tous les domaines de la vie est le résultat de la bénédiction divine au moyen de l’une foi véritable enracinée en Dieu et sa parole. La vie nourrie par la foi en la parole et sera arrosée par les bénédictions. Elle s'épanouit (7.13; 11.1332 ; 28.1-14). La théologie et le vocabulaire du Deutéronome vont fortement marqués et imprégnés l’ensemble des livres historiques, de Josué à 2 Rois, a tel point que cette collection est souvent qualifiée «histoire deutéronomique.» Ce livre a beaucoup influencé les prophètes, en particulier, comme indiqué plus loin, au moyen du cantique de Moïse (ch. 32). Celui-ci a fourni la charpente et les grandes lignes du message prophétique qui traversent les écrits des prophètes. Les personnages du Nouveau Testament s’inspirent régulièrement du Deutéronome. A titre d’exemple, Jésus le cite surtout lors la tentation dans le désert (Mt 4.7, 10). Paul l’invoque pour appuyer ses arguments dans sa lettre aux Romains (7.7 ; 10.8, 19 ; 11.8 ; 12.19 ; 13.9). Le cantique de Moïse figure parmi les passages de l’Ancien Testament fournissant la raison d’être de ses voyages missionnaires auprès des non juifs (15.10). Paternité littéraire Le Deutéronome lui-même insiste sur la paternité mosaïque (1.5 ; 31.9, 22, 24). Le reste de l’AT appuie ce point (p. ex., 1R 2.3 ; 8.53 ; 2R 14.6 ; 18.13). En revanche, le prologue historique en tête du livre (1.1-5) et l’épilogue en guise d’un faire part du décès de Moïse (ch. 34) ont dû être rédigés par un autre auteur. Jésus témoigne de l’authenticité mosaïque du Deutéronome (Mt 19.7-8 ; Mc 10.3-5 ; Jn 5.46-47). Il en va de même pour les auteurs néotestamentaires qui en font référence (Ac 3.22-23 ; 7.37-38 ; 1Co 9.9 ; Rm 10.19 ; Hé 10.28 ; 12.21; Ap 15.3). L’autorité de ce livre en qualité d’Ecriture est soulignée par les 4 citations de la part de Jésus (Mt 4.4, 7, 10 ; 12.29-30) et par les citations ailleurs dans le NT (p. ex., 1Co 5.13 ; Ga 3.13 ; Hé 10.30 ; 12.29). Structure Le livre du Deutéronome peut être divisé de plusieurs manières. Sous l’angle thématique le découpage suivant se trouve dans la version employée ici, la Second 21 : -Rappels et encouragements 1.1-11.32 -Répétition des prescriptions et règles 12.1-26.19 -Bénédictions et malédictions 27.1-30.20 -Dernières paroles de Moïse 31.1-34.12 Ce livre est parfois divisé selon les trois discours de Moïse : premier discours (1.5-4.43) ; second discours (4.44-28.69) ; troisième discours (ch. 29-33). En se basant sur tous les genres littéraires employés en Deutéronome, en particulier l’aspect stylistique consistant en l’alternance entre loi et discours, analogue au style du Lévitique et des Nombres ayant lois et récits disposés en alternance, le découpage du Deutéronome suivant se dégage : Récit : prologue historique (ch. 1.1-5) Discours (1.6-4.49) Loi : dix commandements (ch. 5) Discours (ch. 6-11) Lois répétées (ch. 12-26) Discours : alliance mosaïque (ch. 27-28) et alliance abrahamique (ch. 29-30) renouvelées Loi chantée (ch. 31.19-32.1-47) Discours : bénédictions de Moïse (ch. 33) Récit : épilogue historique (ch. 34) Cette structuration met en exergue, au moyen de l’enchâssement littéraire du centre, le rétablissement des alliances du passé. Encart L'alliance mosaïque et les traités du Proche Orient Ancien Les traités de la deuxième moitié du 2e millénaire avant J.-C., en particulier ceux établis entre un souverain et un vassal provenant des archives hittites, sont structurés de la façon suivante : 1. Titre ou préambule - la titulaire du roi qui légitime sa position dynastique et souligne que c'est à lui que revient toute initiative ; 2. Prologue historique - rappel des situations antérieures ou des relations privilégiées qui ont conduit les parties à rechercher un rapprochement ; 3. Stipulations (générales et détaillées) - liste des obligations réciproques, mais plus lourdes pour le protégé que pour le protecteur; obéissance totale du protégé ; 5 4. Dépôt dans le temple et lecture officielle du traité ; 5. Témoins - liste des dieux témoins dont la colère s'éclaterait contre la partie irrespectueuse ; 6. Malédictions (pour le défi à l’alliance) et bénédictions (pour le respect du traité) Les traités de la fin du 3e millénaire, de la première moitié du 2e millénaire et du 1 e millénaire n'ont pas cette forme. En Deutéronome, Exode et Lévitique ainsi qu’en Josué 24, les éléments suivants apparaissent clairement : 1. Titre ou préambule : Dt 1.1-5 ; Ex 20.1 ; Jos 24.1-2 2. Prologue historique : Dt 1.6-3.29 ; Ex 20.2, Jos 24.2-13 3. Stipulations : Dt 4.5-11 ; 12-26 ; Ex 20.3-17.22-26 ; 21-23 ; 25-31 ; Lv 1-25 ; Jos 24.14-15.16-25 4. Dépôt du texte: Dt 31.9, 24-26; Ex 25.16 (cf. 34.1, 28-29); Jos 24.26; lecture publique: Dt 31.10-13 5. Témoins : Dt 31.19-32.47 ; Ex 24.4 ; Jos 24.22 6. Bénédictions et malédictions : Dt 28.1-14, 15-68 ; Lv 26.3-13, 14-22 ; Jos 24.19-20 La structure ci-dessus est employée pour l’établissement et le renouvellement de l’alliance mosaïque. Le contenu de cette alliance biblique lui est propre. Néanmoins, par la forme littéraire, la suzeraineté de l’Eternel est soulignée ainsi que la réponse attendue d’obéissance de la part de son peuple pour les bienfaits de son bienfaiteur. Fin RAPPELS ET ENCOURAGEMENTS 1.1-11.32 Rappel des paroles de l'Eternel à Horeb Le Deutéronome commence par le rappel des paroles de l’Eternel à Horeb, c’est-à-dire au mont Sinaï. «Horeb» est l’appellation de cette montagne en Deutéronome sauf une fois (33.2). C’est le lieu où l’Eternel a donné sa loi à Israël (Ex 19.1-Nb 10.12). Le prologue du livre situe les discours de Moïse dans l’espace et dans le temps. Les Israélites se trouvent «dans la plaine» (Araba) à l’autre côté du Jourdain (1.1). Les «11 journées de marche» depuis Horeb à Kadès (v. 2), dans le Néguev, rendent difficile l’acceptation de la localisation de mont Sinaï dans le sud de la péninsule d’autant plus que la montagne est de trois jours de marche de l’Egypte (Ex 3.18 ; 5.3, 12 ; voir la discussion dans le commentaire sur Nb 33). C’est «la quarantième année après la sortie d’Egypte » (v. 3), la durée de la sanction sévère infligée au peuple pour sa révolte à Kadès (Nb 13-14). Plus de 38 années ce cette période sont passées sous silence. C’est aussi le premier jour «du onzième mois», correspondant à janvier-février (v. 3). Le prologue (v. 1-4) rappelle la défaite des deux rois amoréens, Sihon et Og, maintenant l’héritage transjordanien de deux et demie tribus, Ruben, Gad et Manassé respectivement (Nb 32). Dans le pays de Moab à l’autre côté du Jourdain est l’endroit où Moïse va «expliquer cette loi» (v. 5). Le mot traduit «expliquer» (be’er) signifie ailleurs «graver» comme dans les deux autres usages de ce mot dans l’AT dont un en Deutéronome 27 : «Tu écriras sur ces pierres toutes les 6 paroles de cette loi, en les gravant [be’er] bien nettement» (v. 28 ; cf. aussi Ha 2.2). Pourtant elles ont déjà été gravées. La tâche de Moïse maintenant consiste en l’éclaircissement de leurs sens dans le contexte de la vie dans la terre promise. Il le fera au moyen d’une série de discours, souvent sous forme d’exhortations et d’avertissements. C’est pourquoi la loi deutéronomique est souvent qualifiée «la loi prêchée.» Il l’expliquera en vue de la mise en pratique de ces lois en Canaan, la manière dont le peuple doit montrer sa fidélité à l’Eternel et à son alliance. La loi dont il est question est celle qui a déjà été donnée, les dix commandements et toutes les autres lois octroyées au mont Sinaï et rapportées auparavant (Ex 20-24 ; Lv et Nb). En Deutéronome ces lois vont être reprises, résumées, élargies et appliquées à de nouvelles dispositions en vue de l’installation du peuple d’Israël en Canaan. En effet, si s’agit du renouvellement de l’alliance établie à Horeb, cette fois-ci avec la nouvelle génération. Cette alliance constitue le prolongement de celle conclue avec Abraham (Gn 15 ; cf. Ex 2.24 ; 24.8 ; cf. Dt 1.8). Dans son premier discours (1.6-4.43) Moïse va rappeler au peuple l’histoire de ses parents depuis le départ du Sinaï et l’arrivée à Kadès. Il commence par lui rappeler de l’ordre de l’Eternel il y a 40 ans de quitter Horeb pour se rendre en Canaan pour prendre possession «du pays que l’Eternel à jurer de donner» à Abraham, Isaac et Jacob (v. 8). La promesse relative au don territorial est de cette façon renouvelée avec la nouvelle génération. Grâce à la bénédiction de «l’Eternel, votre Dieu,» le peuple était devenu «aussi nombreux que les étoiles du ciel » (v. 10). «L’Eternel, votre Dieu» est une expression qui se trouve en Deutéronome presque 300 fois. Quant au grand nombre de descendants, cette tournure tirée du monde naturel rappelé la promesse concernant la multiplication des descendants faites aux pères (Gn 13.6 ; 15.5 ; 12.17 ; 26.4 ; Ex 32.13). A cette époque là, sachant qu’il ne pouvait pas porter seule la responsabilité, Moïse avait désigné «chefs» (de ro’sh, «têtes») de tribus, «chefs [de sar] de milliers» (’elep, ou ‘de clans’), de centaines, de cinquantaines et de dizaines», «responsables» (de shoter, Sept. «maîtres/scribes» ; voir Nombres, Introduction, Paternité littéraire) et «juges» (de shophet). Ces derniers ont été investis de la responsabilité judiciaire (v. 9-18). Incrédulité à Kadès-Barnéa Arrivé à Kadès, à la demande des Israélites Moïse a envoyé 12 hommes, un de chaque tribu. Le peuple voulait que ces éclaireurs explorent le pays, fassent un rapport sur le chemin par lequel ils pouvaient y monter et sur les villes (1.22). Malgré le bon rapport sur les produits du pays, le peuple a eu peur quand il a entendu parler des Amoréens qui habitaient les montagnes, des grandes villes fortifiées, surtout de la grande taille des descendants d’Anak (cf. Nb 13.33 ; Jos 21.11). N’ayant pas de confiance en L’Eternel, le peuple a révolté contre l’ordre d’y monter. C’était autant plus grave vu de ce que l’Eternel ait fait pour lui en Egypte. Il a manifesté sa présence jour et nuit pendant tous les voyages jusqu’à là. Il l’a porté «comme un homme porte son fils» (v. 30-31 ; cf. Ex 19.4 ; Es 40.11). L’incrédulité du peuple face à de telles manifestations de la puissance de l’Eternel est la raison pour laquelle cette génération a été jugée et n’a pas pu entrer dans le pays que l’Eternel 7 avait juré de donner aux pères, sauf Josué et Caleb. Les enfants de cette génération - ceux de moins de 20 ans et leurs petits-enfants - y entreraient. Même Moïse ne peut pas y entrer car l’Eternel s’irritait contre lui. Il se réfère à l’incident à Meriba où, il y a presque 40 ans après la révolte à Kadès, il a frappé deux fois le rocher pour faire sortir l’eau au lieu de lui parler (Nb 20.9-13). Les Israélites ont dû, à l’ordre de l’Eternel, repartir pour le désert mais ils ont désobéi de nouveau. Ils cherchaient à y monter tout de même. En conséquence ils ont été battus par les Amoréens de la région et sont retournés à Kadès (v. 19-46 ; cf. Nb 13-14). Pérégrinations et conflits dans le désert A l’issue des 38 ans de pérégrinations dans le désert (2.1-3, 14), voyageant entre Kadès et le torrent de Zéred, la frontière entre Edom et Moab au sud est de la mer Morte, les Israélites avaient à faire face à deux royaumes amoréens transjordaniennes, d’abord celui de Sihon, roi de Hesbon (v. 26-37) puis celui d’Og, roi de Basan (3.1-11). Ils ont attaqué Israël qui les a vaincus et pris leurs villes et leurs territoires (2.32-36 ; 3.1-5). Plusieurs choses sont dites ici qui ne figurent pas dans le récit en Nombres 21. Deux exemples suffiront. Premièrement, le «lit en fer» d’Og mesurant «4 mètres et demi de long et 2 de large» (3.11). Ce « lit » peut se référer à son sarcophage, un cercueil fait du basalte, dont les restes archéologues de la région témoignent de leur usage. Si non, dire «en fer» ne signifierait que le lit était entièrement fait du fer. C’est comme les «chars en fer» (Jos 17.16) qui, faits du bois, ont des pièces en fer ou encore comme les «boucliers en or» (2S 8.7) également faits du bois mais qui sont plaqué d’or. Dans ce cas, la longueur peut s’expliquer du fait que les lits servaient aussi comme des fauteuils autour d’une table où on était étendu et allongé pendant les festins. La localisation de ce lit «à Rabba, la capitale des Ammonites» (cf. Am 1.13-14) est aujourd’hui Amman, la capitale du Jordan. Un autre exemple d’un détail nouveau concerne le contacte initial entre Israël et Sihon de Hesbon. Moïse lui avait proposé la paix (v. 26 ; cf. 20.10) et d’acheter à lui la nourriture et l’eau pour le droit de passage de son territoire (v. 28). La réponse de la part de Sihon était le combat. De cette façon, mais selon le plan de l’Eternel, ses villes et son peuple sont tombés dans les mains des Israélites (v. 32-33). Selon les instructions de l’Eternel, les Israélites n’avaient pas le droit de faire la guerre contre leurs «frères» édomites, descendants du frère de Jacob, Esaü, ni contre les Moabites ou les Ammonites car ces derniers étaient les descendants du neveu d’Abraham, Lot (2.4-22 ; cf. Gn 19.36-38). Suite à la victoire sur les rois amoréens, Israël se trouvait en possession de la Transjordanie, y compris le Galaad, du mont Hermon au nord au torrent de l’Arnon au sud (3.8). Cette région est devenue l’héritage des Rubénites, des Gadites et de la moitié de la tribu de Manassé. Toutefois ils s’allieront à leurs frères afin de subjuguer le pays à l’ouest du Jourdain (3.12-22). La victoire sur les ennemis est le moyen par lequel l’Eternel accordera du «repos» à son peuple (v. 20 ; cf. 12.10 ; 25.19 ; Jos 1.13 ; 1R 5.18 ; 8.56 ; Hé 4.1-11). Encart «Tu n'as manqué de rien» (Dt 2.7). Parce que l’Eternel est son berger, le psalmiste s’exclame: « Je ne manquerai de rien» (Ps 23.1). L’expression relève, d’abord, des approvisionnements de l’Eternel lors des pérégrinations des 8 Israélites: «En effet, l'Eternel, ton Dieu, t'a béni dans tout le travail de tes mains, il était attentif à ton parcours dans ce grand désert. Voilà 40 ans que l'Eternel, ton Dieu, est avec toi: tu n'as manqué de rien» (Dt 2.7). Quant aux vivres, il est dit au sujet de la manne: «On mesurait ensuite la quantité précise; celui qui avait ramassé plus n'avait rien de trop, et celui qui avait ramassé moins n'en manquait pas…» (Ex 16.18). Au sujet des habits du peuple: «Pendant 40 ans, tu as pourvu à leurs besoins dans le désert, sans qu’ils manquent de rien; leurs vêtements ne se sont pas usés et leurs pieds n’ont pas enflé.» (Né 9:21). En ce qui concerne l’arrivée dans la terre promise: «un pays de blé, d'orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers; un pays d'oliviers et de miel; un pays où tu mangeras du pain avec abondance, où tu ne manqueras de rien » (Dt 8.8-9). Ainsi pour le nouvel exode de l’exil: «Le prisonnier sera bientôt libéré, il ne mourra pas dans la fosse et il ne manquera pas de pain » (Es 51.14). Jésus interroge ses disciples: «Il leur dit encore: «Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni sac, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose?» Ils répondirent: «De rien» (Lc 22.35). Ces derniers ne manquaient de rien parce que leur mission était de courte durée et que ceux qui étaient réceptifs à leur message ont pourvu à leurs besoins (Mt 10.10; Lc 10.7; cf. 1Co 9.14; 1Tm 5.15). En revanche, les besoins pourvus dans le désert provenaient de miracles quotidiens. fin L’entrée en Canaan refusée à Moïse De nouveau Moïse évoque le fait qu’il ne pourra pas entrer en Canaan (3.23s ; cf. 1.37). Cette fois il divulgue la prière qu’il avait adressée à l’Eternel à son propre sujet. Malgré le châtiment décrété, il a demandé à l’Eternel : «…Laisse-moi traverser, je t’en prie, laisse-moi voir ce bon pays de l'autre côté du Jourdain...» (v. 25). La réponse n’a pas tardé : «En voilà assez! Ne me parle plus de cette affaire» (v. 26b). Depuis le sommet du mont Pisga il a pu le voir. Mais c’est Josué qui traversera le Jourdain et conduira le peuple dans la terre promise (v. 27-28). Les Israélites étaient restés «vis-à-vis de Beth-Peor» (v. 29) qui signifie dans ce contexte «sanctuaire de/à Peor». La mention Peor rappelle l’endroit où Balaam, en offrant des sacrifices, voulait maudire Israël (Nb 23.28). C’est là où les Moabites adoraient «Baal-Peor» et les Israélites se sont corrompus avec les femmes moabites en guise d’offrir un culte à ce dieu (Nb 25.1-5 ; Dt 4.3). Appel à découvrir la sagesse de la loi Les 40 premiers versets du chapitre 4 se divise en trois parties : l’exhortation à la mise en pratique de la loi, la vraie sagesse (v. 1-14) ; l’avertissement concernant l’idolâtrie et l’exil (v. 15-31) ; l’exhortation à se souvenir de la grande délivrance (v. 32-40). Ce chapitre commence par « Maintenant » (ve‘attah) qui est parfois employé pour marquer la transition entre le passé et le présent (2.13) ou, comme ici, le cap entre l’histoire vécue par la génération avant et comment la nouvelle génération doit vivre maintenant (4.1 ; cf. 10.12). La sagesse ou le savoir vivre consiste en la mise en pratique de la loi (v. 1-14). La sagesse et la loi se conjuguent. La première est l’expression dans la vie de la dernière. Bien sûr la dernière est le fondement de la première. Cette mise en pratique est ce qui distingue Israël des autres nations. Acquérir cette sagesse nécessite l’écoute et l’enseignement des prescriptions et des règles d’alliance de l’Eternel. « Son alliance, » résumée en «dix commandements, » est inscrite « sur deux tables de pierre » (v. 13). Ce sont probablement deux exemplaires de la loi d’alliance, dont un est déposé dans l’arche de l’alliance (10.5). 9 Le fondement de l’octroi de la loi est la grâce de l’appartenance à l’Eternel (v. 7-8). Il faut veiller sur soi-même, son cœur, et enseigner les paroles de la loi aux enfants et aux petitsenfants. La finalité de cette instruction est la crainte de l’Eternel (v. 10). Abraham était, par la crainte de l’Eternel, prêt à sacrifier son fils unique et bien-aimé. Par cette même crainte il a été sauvé de l’épreuve grâce à un sacrifice substitutif pourvu par l’Eternel lui-même (Gn 22.12-14). Craindre l’Eternel veut dire, d’un côté, ne retenir rien de lui, et de l’autre, se remettre à lui sans réserve. La volonté et le comportement lui sont totalement soumis. L’exhortation relative à l’abstention des pratiques idolâtres est fondée sur le rapport exclusif existant entre l’Eternel et son peuple : « Mais vous, l'Eternel vous a pris et vous a fait sortir de la fournaise de fer de l'Egypte afin que vous soyez un peuple qui lui appartienne en propre, comme c’est le cas aujourd'hui » (v. 20). Il est « un Dieu jaloux » (v. 24). Cette exclusivité relationnelle relève de la grande délivrance. Le fer dans la fournaise est rendu malléable. C’est ainsi qu’il peut être forgé en objet utile et durable. De même, l’expérience d’Israël en Egypte avait comme but d’unir le peuple en vue de créer de lui une nation ayant une vocation particulière parmi les nations : leur faire connaître la personne et les œuvres du vrai Dieu. Même si à cause de l’idolâtre le peuple d’Israël sera exilé, il finira par chercher l’Eternel de tout son cœur, lui reviendra et écoutera sa voix. L’Eternel, un Dieu de compassion, ne l’abandonnera ni oubliera son alliance (v. 15-31). Se souvenir de la grâce est la manière de rester réceptif à la parole de l’Eternel. Cette grâce se résume en trois choses : amour de l’Eternel, son élection d’Israël et l’œuvre de rédemption en faveur de ce peuple qu’il a aimé puis choisi (v. 32-40). Cette articulation triangulaire est une particularité du Deutéronome et constitue le fondement de l’enseignement prophétique et néotestamentaire de ces trois doctrines indissociables (voir plus loin le commentaire sur Dt 7.6-8 et l’encart «Election en Deutéronome »). C’est la première mention de l’amour de Dieu pour son peuple, un thème principal en soi du Deutéronome (cf. 5.10 ; 7.8-9, 13 ; 10.15 ; 23.5). Rappel des dix commandements C’est à partir de cette section du Deutéronome que commence le second discours de Moïse (4.44-28.69). Ce discours occupe le centre du livre. Cet ensemble peut être divisé en trois parties : 1) stipulations d’alliance générales (4.44-11.32) ; 2) stipulations d’alliance spécifiques (12.1-26.19) ; 3) bénédictions et malédictions (ch. 27-28). La première partie consiste en la mise en lumière du contexte géographique et historique (4.44-49), les dix commandements (ch. 5) et des exhortations à mettre en pratique ces lois y compris des exemples du passé à ne pas suivre (ch. 6-11). La seconde partie développe et amplifie les dix commandements par la législation sur les cas spécifiques. Il y a souvent des raisons évoquées, sous forme d’exhortation, expliquant pourquoi ces stipulations doivent être mise en œuvre (p. ex., 13.18b-19). Les dix commandements ont été donnés au Sinaï (Ex 20 ; voir le commentaire sur ce chapitre). La particularité de cette alliance, résumée en dix paroles, est soulignée de la manière suivante : «Ce n'est pas avec nos ancêtres que l'Eternel a conclu cette alliance, c'est avec nous, qui sommes ici aujourd'hui, tous vivants » (5.3). Le mot traduit « ancêtres » veut 10 dire, au sens propre, «pères » (’abot). Ceci peut se rapporter à Abraham, Isaac et Jacob qui effectivement n’ont jamais entendu parler de cette alliance. Mais dans ce contexte il semble se référer aux pères faisant partie de la génération de l’exode qui étaient au Sinaï. Moïse ne veut pas dire que l’alliance n’a pas été établie avec eux, ce qui nierait ce qui s’est réellement passé (Ex 24). C’est ici insister sur le renouvellement, la preuve que cette alliance n’était pas établie avec les pères seulement mais aussi avec leurs descendants. C’est une nouvelle génération avec qui l’alliance est renouvelée. Les dix commandements constituent le texte fondamental que Moïse, le prédicateur, va exposer lors de ses prédications dans les chapitres qui suivent. Les lois de la collection de lois deutéronomique (ch. 12-26) prolongent et explicitent ces dix paroles. Ces lois constituent la mise en œuvre du décalogue dans des assises spécifiques. Par rapport au décalogue en Exode 20 les 10 commandements du Deutéronome 5 sont essentiellement les mêmes. Le prologue deutéronomique reprend mot-à-mot celui de l’Exode: « Je suis l'Eternel, ton Dieu, qui t'ai fait sortir d'Egypte, de la maison d'esclavage » (v 6). Cette déclaration établit de trois manières le droit de l’Eternel de donner sa loi à son peuple : il est l’Eternel ; il est le Dieu du peuple ; il a racheté ce peuple de l’esclavage. C’est donc un peuple que l’Eternel a « acquis » ou «acheté» (qanah, Ex 15.16) pour lui-même, non pas pour l’exploiter mais en vue de le libérer. Dans la reconnaissance pour cette libération, le peuple trouvera son bonheur en observant les lois de son rédempteur. Il y a néanmoins plusieurs différences ici qui montrent que ce n’est pas simplement la répétition du décalogue de l’Exode 20. L’exemple principal concerne le quatrième commandement relatif au sabbat. D’abord, les verbes exprimant l’ordre de le garder ne sont pas les mêmes. En Exode 20 le texte lit : « souviens-toi » (zakar) du jour du repos tandis qu’en Deutéronome 5 c’est «respecte » (shamar «garder ») le jour du repos. Les rabbins expliquent cette différence de cette façon : souviens-toi du sabbat (que le sabbat habite ta mémoire) tous les jours de la semaine pour que le jour venu tu le sanctifie et le garde. En deuxième lieu, c’est la raison pour laquelle il faut respecter le jour du sabbat. En Exode 20 c’est parce que Dieu lui-même s’est reposé le septième jour après ses six jours de travail (v. 11 ; Gn 2.3). En Deutéronome 5 la raison en est le souvenir de la grande délivrance de l’esclavage en Egypte (v. 15). Ainsi création et rédemption sont juxtaposées et les deux s’articulant autour du sabbat. Le sabbat est maintenant mis en rapport avec les projets salvifiques de l’Eternel pour son peuple qui précise en soi que le repos créationnel a aussi ce but. A cela est ajouté uniquement en Deutéronome « afin que ton esclave et ta servante se reposent comme toi » (v. 14). C’est la conclusion logique et humanitaire de la motivation deutéronomique de garder le sabbat. Ce côté pratique est également mis en lumière par la motivation ajoutée au cinquième commandement relatif à l’honneur dû aux parents : « afin de vivre longtemps et d’être heureux dans le pays que l’Eternel, ton Dieu, te donne » (v. 16). La vie et le bonheur présentés comme le fruit de la mise en œuvre de la loi est un trait distinctif du Deutéronome (cf. 6.2-3 ; 30.15). Déjà on voit que l’écoute ou la lecture en stéréo des deux groupes de dix commandements permet une compréhension approfondie de ces lois. C’est l’intention de Moïse. Encart 11 Sabbat Fin Données essentielles de la loi Le chapitre 6 contient les exhortations relatives à l’enseignement des enfants et à la mise en pratique de la loi «dans le pays dont vous allez prendre possession » (6.1), «le pays que l’Eternel a juré à…Abraham, Isaac et Jacob… » (v.10). La mise en avant de la réalisation de la promesse faite aux pères sert à encourager ces pratiques. La longévité et le bonheur en découleront (v. 2-3). Le Shema, « Ecoute Israël ! L’Eternel, ton Dieu, est le seul Eternel » (v. 4) souligne l’unicité de Dieu dans un monde polythéiste. Le mot hébreu traduit « seul » (’ehad) signifie aussi «un. » Ce même mot qualifie le tabernacle, qui est tripartite mais « un tout » ou « un » (’ehad, Ex 26.6). L’unicité de Dieu n’écarte pas les manifestations de sa présence sous forme d’ange/messager/homme. Omniprésent et transcendant, il est imminent mais invisible jusqu’à ce qu’il veuille se faire voir ou se manifester. L’incarnation de Dieu, l’Eternel, « Il Est, » en Jésus Christ, « Je Suis », est la réalisation définitive de toutes les autres préfigurations. L’amour de Dieu dans ce chapitre veut dire l’amour que le peuple de Dieu à pour lui (v. 5). Il est clair que si son peuple l’aime c’est parce qu’il a aimé son peuple en premier. Cet amour est lié aux commandements dans le verset suivant, précisément, les commandements dans le cœur (v. 6). L’amour et l’obéissance viennent du cœur. C’est une des manières dont l’AT parle de la régénération (voir l’encart «Circoncision du cœur »). Un cœur non régénéré est un cœur incirconcis ou un cœur de pierre. Un cœur régénéré est un cœur circoncis ou un cœur de chair. Certes, la loi dans le cœur est un élément central de la nouvelle alliance : Voici que les jours viennent, déclare l'Eternel, où je conclurai avec la communauté d'Israël et la communauté de Juda une alliance nouvelle. Elle ne sera pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs ancêtres le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir d'Egypte. Eux, ils ont violé mon alliance, alors que moi, j’étais leur maître, déclare l'Eternel. Mais voici l'alliance que je ferai avec la communauté d'Israël après ces jours-là, déclare l'Eternel: je mettrai ma loi à l’intérieur d'eux, je l'écrirai dans leur cœur, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple (Jr 31.31-33). Pourtant la loi dont il est question n’est pas nouvelle. La loi à l’intérieur, dans le cœur, n’est pas un élément caractéristique uniquement de la nouvelle alliance. La promesse « je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » n’est pas non plus nouvelle ; elle regroupe les déclarations de la Genèse (17.8) et de l’Exode (p. ex., 3.7). Ni sous l’ancienne alliance ni sous la nouvelle alliance, le cœur non régénéré ne peut pas être réceptif ni à l’Eternel ni à ses commandements. Si Dieu promet de d’écrire sa loi sur le cœur, il promet de le régénérer, par son Esprit, au moyen de sa parole. Encart Aimer et amour en Deutéronome 12 L’amour constitue un thème majeur de Deutéronome. En quoi consiste l’amour dans le Deutéronome ? Dans l’AT et dans le contexte des relations humaines « aimer » se trouve dans les domaines conjugaux (Gn 29.18; 1S 1.5; 18.20), sexuels (Gn 34.3; 2S 13.15), parentaux (Gn 22.2; 25.28; Ruth 4.15), fraternels (2S 1.26; Lv 19.18) ou autres (Dt.10.19). Quant à son usage théologique, ce verbe (’ahab) et le nom apparenté (’ahabah) sont employés 27 fois avec l’homme comme objet de l’amour divin et 24 fois avec Dieu comme objet de l’amour de son peuple. Il est bien connu que le terme «aimer» appartenait aussi au vocabulaire juridique des traités internationaux du Proche Orient Ancien bien avant son utilisation en Israël. En effet le Deutéronome, dans sa forme de traité, n’a pas inventé ce mot ni l’utilise dans un autre sens. Ceci est également souligné du fait que dans le Deutéronome «amour» n’est utilisé qu’une fois en connexion avec les rapports entre mari et femme dans une loi interdisant l’octroi des droits d’aînesse au fils d’une femme aimé au dépend du fils aîné légitime mais né d’une femme qui n’est pas aimée (21.15). On constate aussi que «aimer» dans le Deutéronome est souvent employé comme un ordre : «Tu aimeras l’Eternel, ton Dieu… » (6.5 ; cf. 7.9 ; 10.12 ; 11.1, 13, 22 ; 13.3 ; 19.9 ; 30.6, 16, 20). Ceci est dû à l’influence externe sur le Deutéronome de l’usage linguistique diplomatique du Proche Orient Ancien. C’est dans le Deutéronome où les termes «aimer» ou «amour» se trouvent le plus fréquemment et que ces mots expriment soit l’établissement soit la maintenance du rapport d’alliance entre l’Eternel et son peuple. C’est parce qu’il a aimé les pères (4.37 ; 10.15) avec qui il a établi son alliance (1.8 ; 4.31). De ce fait, il aime son peuple (5.10 ; 7.9, 12-13 ; 23.5) L’amour de l’Eternel pour son peuple est souvent en rapport avec le concept de l’élection divine.Au cœur du rapport d’alliance, cet amour, qui dans le Deutéronome précède l’élection (4.37 ; 7.6-8), n’est donc pas un sentiment, ni une émotion ou l’amour passionnel. L’élection a son fondement dans l’amour d’alliance divin. Cet amour est donc avant tout attelé à l’alliance. De ce fait, cet amour demeure fiable et constant. De son côté, Dieu ne violera jamais son alliance. Donc son amour est pour toujours. Aimer ou amour est l’expression suprême de la mise en œuvre des stipulations de l’alliance que ce soit de la part du testateur ou de la part du bénéficiaire. Pour un détenteur d’une alliance, aimer le testateur ou les autres membres bénéficiaires, c’est montrer son estime et son respect de l’autre de façon concrète, c'est-àdire en mettant en pratique les principes régissant l’alliance. Ceci est résumé dans l’expression de Jésus: «Si vous m’aimez, gardez mes commandements» qui à son tour résume l’enseignement de l’AT, surtout celui du Deutéronome. L’ordre «Tu aimeras l'Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force» couronne tous les commandements. Juste après il est dit: «Les commandements que je te donne aujourd'hui seront dans ton cœur.» (Dt 6.5-6) Fin Les Israélites prendront en possession, comme un don de la part de l’Eternel, les villes de Canaan intact ainsi que les maisons, les citernes, les vignes et les terres (6.10-11). Pour dater l’arrivée en Canaan des Israélites, ceux qui cherchent les vestiges archéologiques de destruction matérielle et de nouvelles constructions se trompent. Israël ne doit surtout pas suivre d’autres dieux « parmi les dieux des peuples qui sont autour de vous » (v. 14). Si oui, l’Eternel «exterminerait » (hiphil de shamad) son propre peuple (v. 15) ; le rappel de «Massa » (v. 16) sert d’appuyer cet avertissement (Ex 17.1-7). Curieusement aucun châtiment 13 n’est rapporté dans ce passage sur cet incident. Israël doit « chasser » ou « repousser » (hadaph avec le complément min) « les ennemis » (v. 19 ; 9.4 ; cf. Jg 6.9), c’est-à-dire, les habitants qui ne feront pas la paix (cf. 20.10, 11, 12 ; cf. 2.26). La plupart des villes ne feront pas la paix (Jos 9.18 ; 10.1, 4 ; 11.19). Loin de préconiser leur destruction, les instructions prennent en compte la présence des indigènes (voir le commentaire sur Dt 7). Le père à qui son fils demande « que signifie les instructions…que l’Eternel, notre Dieu, vous a données » (v. 20) aura une double réponse : 1) «…l’Eternel nous a fait sortir de l’Egypte…» (v. 21-23) et 2) «…nous a ordonné de mettre toutes ces prescriptions en pratique afin que nous soyons toujours heureux et qu’il nous conserve la vie…» (v. 24). Les propos du père ne semblent pas répondre à la question du fils. Ils mettent en avant la grâce de la délivrance et la bienfaisance de l’Eternel vis-à-vis de ceux qui lui obéissent. Au fond, la loi elle-même est une grâce pour ceux qui font de l’Eternel leur Dieu car la mise en pratique de celle-ci délivre du mal et est la source de bonheur et de vie. C’est la signification profonde des instructions qui est l’objet de la réponse du père. Ordres relatifs aux Cananéens et leurs idoles Le chapitre 7 s’ouvre avec les prescriptions sur la manière dont les Israélites doivent confronter les habitants de Canaan. C’est la première de deux lois du herem : Lorsque l'Eternel, ton Dieu, t'aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre possession et qu'il aura chassé devant toi beaucoup de nations – les Hittites, les Guirgasiens, les Amoréens, les Cananéens, les Phéréziens, les Héviens et les Jébusiens, sept nations plus nombreuses et plus puissantes que toi – lorsque l'Eternel, ton Dieu, te les aura livrées et que tu les auras battues, tu les voueras à la destruction. Tu ne concluras pas d'alliance avec elles et tu ne leur feras pas grâce (v. 1-2). Le verbe en question (haram) est traduit ci-dessus « vouer à la destruction. » La seconde loi du herem en Deutéronome se trouve au chapitre 20 : « Oui, tu extermineras ces peuples – les Hittites, les Amoréens, les Cananéens, les Phéréziens, les Héviens et les Jébusiens – comme l'Eternel, ton Dieu, te l'a ordonné » (v. 17). Le verbe traduit « exterminer » ici est le même (de haram). Ces deux lois et leur mise en pratique sont discutées dans l’encart ci-dessous. Encart Vouer à l’interdit (haram) les nations de Canaan Deux lois deutéronomiques prescrivent la sanction de herem pour les sept nations de Canaan (Dt 7.2; 20.17). Israël doit les « vouer à l’interdit » ou « vouer à l’anathème » (hiphil de haram). Ce verbe est traduit dans la version suivie « vouer à la destruction » (7.2) et « exterminer » (20 .17). C’est d’abord en Transjordanie, selon les récits de guerre en Dt 2 et 3, et puis en Cisjordanie, d’après Jos 6-12, où l’anathème est appliqué (Hesbon et Basan Dt 2.34; 3.6; Jéricho Jos 6.17, 21; Aï 8.26; 10.1; les villes des coalisés du sud 10.28, 35, 37, 38, 38; celles de la coalition du nord 11.11-12). La politique d’anathème, selon les sommaires des campagnes militaires majeures (Jos 10.40; 11.20), semble s’étendre sur la majorité sinon sur toutes les villes dont les Israélites ont pu s’emparer. Dans les récapitulatifs de batailles individuelles où le herem a été appliqué, se trouvent également des expressions dures telles « sans laisser un seul survivant, » « ne laisser la vie à rien de ce qui 14 respire »ou « frapper du tranchant de l’épée » rendues parfois plus poignantes par le rajout « hommes, femmes, et enfants » (Dt 2.34; 3.6; 20.16 ; Jos 6.21; 10.40; 11.11, 14; 12.40). Croire en l’extermination des Cananéens sur l’ordre de Dieu pose un problème de taille d’ordre éthique et théologique. Plusieurs données bibliques perturbent, pourtant, cette lecture. Aux ordres de « vouer à la destruction » (de haram) ou « vouer à l’interdit/à l’anathème » ou même « exterminer » les sept nations, se trouvent mêlées des choses interdites aux Israélites à l’égard de ces mêmes habitants: il ne faudra pas conclure d’alliances avec eux (Ex 23.32; Dt 7.2), ni se marier avec eux (Dt 7.3), ni imiter leurs mœurs ou leur culte (Dt 12.2-4, 29-31), ni se rallier à d’autres dieux, d’entre les dieux des peuples qui sont autour de vous (Dt 6.14). Au fond, ces lois présupposent que les autochtones, toujours culturellement intacts, vont se trouver au milieu d’Israël dans la terre promise (Jos 23.12-13). Comment alors interpréter les lois du herem en Deutéronome (7.1-2; 20.16-18)? D’abord, il ne faut pas mélanger ces deux lois deutéronomiques d’interdit. L’assise de chacune est différente. Le texte en Dt 7 légifère sur la séparation d’Israël des sept nations qui sont en son sein. La jurisprudence en Dt 20 statue sur le comportement lors d’une guerre. On peut qualifier Dt 7.1-5 de loi d’interdit « culturel et cultuel », et Dt 20.10-18 de loi d’interdit « de guerre ». Ces lois envisagent des situations radicalement différentes. La loi en Dt 20.10-18 concerne les villes assiégées. La clause principale régissant les cas particuliers adressés dans cette loi stipule: « Quand tu t’approcheras d’une ville pour l’attaquer, tu lui offriras la paix » (v. 10). Cette stipulation est ensuite circonstanciée (v. 11-15). Premièrement, que faire dans le cas où la paix est acceptée? Puis que faire dans le cas où elle est refusée? Le peuple d’une ville qui accepterait la paix serait tributaire ou corvéable et servirait Israël (v. 11; pour cette pratique voir 2S 10.19 = 1Ch 19.19; Jos 10.1, 4; 11.19; 2R 18.31). La ville qui la refuserait en subirait les conséquences en termes de vie humaine, à savoir la mort pour les mâles et le pillage des autres (les femmes et les enfants, comme le bétail, font partie du butin, v. 12-14). La clause générale et les cas particuliers, s’appliqueraient, selon l’interprétation normalement admise, seulement aux villes en dehors de Canaan (cf. v. 15). Deuxièmement, que faire dans le cas où la ville attaquée est en Canaan? « Mais dans les villes des peuples dont l'Eternel, ton Dieu, te donne le pays pour héritage, tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire. Oui, tu extermineras [de haram] ces peuples – les Hittites, les Amoréens, les Cananéens, les Phéréziens, les Héviens et les Jébusiens – comme l'Eternel, ton Dieu, te l'a ordonné » (v. 16-17). La vaste majorité des commentateurs estime que la sanction de herem prescrite dans cette clause s’applique systématiquement et sans exception à toutes les villes et à leurs habitants dans la terre promise. Seules les autres villes, en dehors de ce territoire, auraient la possibilité de faire la paix. Une autre manière d’interpréter les v. 16-17 serait que la clause concernant la proposition de paix (v. 10) n’est pas abrogée. L’anathème qui doit frapper les villes en Canaan s’applique uniquement aux villes hostiles, c’est-à-dire aux villes qui ont refusé la proposition de paix prescrite dans la stipulation générale. A la différence de la stipulation relative aux villes éloignées où seulement les mâles adultes sont tués, dans ce cas, tous les habitants des villes hostiles en Canaan subiraient de lourdes conséquences. On comprend, à la lumière de la loi deutéronomique d’anathème de guerre, la manière dont les Israélites se comportaient confrontés à toutes ces villes hostiles. Bref, le herem de guerre n’était pas une pratique appliquée systématiquement ou automatiquement. Il s’appliquait uniquement aux villes qui ont refusé la paix et aux villes hostiles qui avaient attaqué Israël (Nb 21.1-3, 23-26, 33-35; Dt 15 2.34-37; 3.4-7; 20.12; Jos 6.1, 17; 7.5; 8.5, 14; 9.1-2; 10.1-11, 34-39; 11.1-9). Au sujet de la trentaine de rois vaincus il est dit: « En effet, l'Eternel permit que ces peuples s'obstinent à faire la guerre contre Israël afin qu'Israël les extermine [hiphil de haram] sans leur faire grâce et qu'il les détruise [hiphil de shamad] comme il l'avait lui-même ordonné à Moïse.» (Jos 11.20 ; cf. Dt 2.30). Dans un commentaire faisant partie du résumé global de la conquête le narrateur dit: « Josué fit longtemps la guerre contre tous ces rois. Aucune ville ne fit la paix avec les Israélites, à l’exception de Gabaon…Ils les prirent toutes en combattant» (Jos 11.18-19). Les deux cas de figure mentionnés dans la loi d’anathème de guerre sont évoqués: une ville ayant fait la paix et les villes hostiles. En dépit du cas particulier de Gabaon – la ruse des habitants résultant en un traité de paix (Jos 9.10) – Jos 11.18-19 laisse entendre qu’avant d’attaquer les villes de Canaan, les Israélites auraient préalablement, comme stipulé en Dt 20.10, proposé la paix. Les habitants d’une ville en Canaan qui auraient accepté la paix deviendraient tributaires ou corvéables (mas) et serviraient (abad) Israël (Dt 20.11). Les Hivites de Gabaon, avec les autres villes de la tétrapole gabaonite (Jos 9.17), y ont été ainsi astreints. Ils avaient donc, comme le narrateur commente, à servir dans la « maison de Dieu » ; « il les destina dès ce jour à couper du bois et à puiser de l'eau pour l'assemblée et pour l'autel de l'Eternel» (Jos 9.23, 27). Même si à l’époque Gabaon était la seule ville sous ce traité de vassalité (Jos 11.19), d’autres villes, lorsque Israël est devenu plus fort, ont été ultérieurement astreintes à la corvée (Jos 17.13; Jg 1.28; cf. Jos 9.23, 27; 16.10; Jg 1.30, 33b). Ceci implique, qu’au fur et à mesure, d’autres villes cananéennes ont aussi fait la paix avec Israël. Selon 1 R 9.20-21, à l’époque de Salomon, les anciens habitants qui n’avaient pas été frappés d’anathème lors de la conquête, ont été astreints à la corvée d’esclaves (mas-‘obed, v. 21). À la lumière de cette situation, on saisit mieux la nécessité des restrictions relatives au culte et au mariage dans l’autre loi deutéronomique d’anathème. Tout au long de l’histoire du peuple d’Israël, il y aurait des Cananéens en son sein. La loi du Dt 7.1-5, après l’ordre « tu les voueras à la destruction » (v. 2), proscrit le mariage des Israélites avec les nations et prescrit la destruction de leurs lieux de culte (v. 3-5). Cette loi envisage les rapports entre les Israélites et les Cananéens dans la terre promise et en établit les restrictions. Les interdictions relatives au mariage et au culte sont les éléments constitutifs de ce herem culturel et cultuel. Que signifie donc l’anathème culturel et cultuel concrètement, si finalement cette loi, comme les autres, ne stipule que la séparation d’avec les Cananéens en matière de religion et de mariage? Dans le cas où la chose ou la personne est vouée hors du domaine du sacré, elle est considérée comme une « abomination » (sheqets) ou une chose « horrible » (tô‘ebah). Pour les lois deutéronomiques du herem, rendre un culte à d’autres dieux est une abomination ou une horreur (Dt 7.25-26; 12.31; 20.18) tout comme les unions sexuelles illicites (Lv 18.26-30; Esd 10.8). Entrer en union physique et spirituelle avec ce qui est voué hors du domaine du sacré est interdit car ce serait mélanger le pur avec l’horrible ou l’abominable. Cet amalgame souille irrémédiablement. Plus grave encore, le mélange du saint et du très impur désacralise irréversiblement. On ne peut que détruire ou isoler la chose ou la personne ainsi contaminée (Ex 22.19; Lv 18.25-30; Dt 13.13-19; Jos 7.12-15). Le motif de la loi d’anathème du Dt 7 est précisément d’éviter cet amalgame: « Car tu es un peuple saint pour l’Eternel, ton Dieu… » (v. 6). 16 Ainsi l’échec d’Israël aboutissant à l’exil ne réside pas dans un manquement quelconque à l’égard de l’extermination des nations, mais dans son refus de s’abstenir des rapports d’alliance, à savoir le mariage et le syncrétisme religieux, comme s’étonne l’ange de l’Eternel en Jg 2.2: « Quant à vous, vous ne conclurez pas d’alliance avec les habitants de ce pays, vous démolirez leurs autels.’ Mais vous ne m'avez pas obéi. Pourquoi avez-vous fait cela?» (cf. 2 R 17.7-8, 15; Ps 106.34-43). En revanche, ce qui est reproché aux Israélites entourés des nations sous l’anathème, c’est que : « Ils prirent leurs filles pour femmes, ils donnèrent leurs propres filles à leurs fils, et ils servirent leurs dieux» (Jg 3.5-6). Ce sont justement les deux choses qui étaient interdites (Ex 34.16; Dt 7.3; Jos 23.7, 11, 42). C’est pourquoi, Israël, ayant violé la loi d’interdit culturel et cultuel, lui aussi est devenu impur, « horrible » et lui-même anathème (Dt 7.26; Es 43.28; Ml 3.24; Ps 106.39) sans pour autant être exterminé (Dt 7.26; Es 43.2; Ml 3.24; cf. Dt 6.15; 7.4; 8.20; Jos 24.20). L’anathème et le N.T. Cette interprétation des lois deutéronomiques d’anathème éclaire certains prolongements néotestamentaires et christologiques relatifs à ce sujet. Il semble clair que, pour l’apôtre Paul, la notion d’anathème est à l’arrière-plan de son ministère de réconciliation des Juifs et des nations avec Dieu. Tous ceux qui sont en dehors de Christ, sont hostiles, voire ennemis de Dieu (Rm 5.10; Col 1.21-22) et sous l’anathème (1Co 16.22; cf. 12.3; Ga 1.8-9). Paul souhaiterait, à la place de ses frères israélites, qui ne sont pas soumis à la justice de Dieu, être lui-même anathème et séparé du Christ (Rm 9.3-4). Ils sont, en ce concerne l’Évangile, ennemis (Rm 11.28). Pourtant c’est l’endurcissement partiel d’Israël qui permet aux nations d’entrer (Rm 11.25) tout comme celui des nations ouvrant la porte de Canaan aux Israélites (Dt 2.20; Jos 11.20). Le seul remède à cette hostilité, c’est la paix en Christ. « Dieu … a voulu par Christ tout réconcilier avec lui-même…en faisant la paix à travers lui [Christ] par le sang versé sur la croix. Vous étiez autrefois étrangers et ennemis de Dieu…il vous a maintenant réconciliés, par la mort de son Fils …» (Col 1.19-22). Comme Moïse a envoyé les messagers à l’ennemi avec des paroles de paix (Dt 2.26), l’Église est envoyée auprès d’un peuple hostile à l’Évangile avec « la parole de la réconciliation. Nous sommes donc ambassadeurs pour Christ…nous supplions au nom de Christ: Soyez réconciliés avec Dieu! » (2 Co 5.19-20). En effet le Christ « est notre paix » et « est venu annoncer la paix à vous qui étiez loin et la paix à ceux qui étaient près » (Ep 2.14, 17; cf. 6.15). Selon cette citation en Ep 2.17 d’Es 57.19, qui à son tour fait allusion, semble-t-il, aux nations des villes éloignées et proches de la loi d’anathème en Dt 20, accepter cette paix amène à la guérison opérée par le Seigneur. La guérison du salut en Christ est le remède à l’anathème. Dans la nouvelle Jérusalem se trouve l’arbre de vie dont les feuilles, dit l’apôtre Jean, « servent à la guérison des nations » et en conséquence « il n’y aura plus de malédiction » ou littéralement « d’anathème » (Ap 22.2-3). Fin Les versets 6 à 8 du chapitre 7 posent les fondements pour la doctrine de l’élection en Deutéronome ainsi qu’en l’Ecriture entière. Ces versets font l’objet de l’encart suivant. Encart Election dans le Deutéronome Quand c’est Dieu qui « choisit » (bahar) pour lui-même un peuple, ou des individus parmi ce peuple, les théologiens parlent de « l’élection » pour l’action de ce verbe et des « élus » pour ceux qui ont été 17 choisis. La doctrine de l’élection est mise en avant en Deutéronome. Le lieu classique pour l’enseignement sur l’élection est en Dt 7.6-8 : Tu es un peuple saint pour l'Eternel, ton Dieu. L'Eternel, ton Dieu, t'a choisi pour que tu sois un peuple qui lui appartienne parmi tous les peuples qui sont à la surface de la terre. Ce n'est pas parce que vous dépassez tous les peuples en nombre que l'Eternel s'est attaché à vous et vous a choisis. En effet, vous êtes le plus petit de tous les peuples. Mais c’est parce que l'Eternel vous aime, parce qu'il a voulu tenir le serment qu'il avait fait à vos ancêtres, qu’il vous a fait sortir par sa main puissante et vous a délivrés de la maison d'esclavage, de la main du pharaon, roi d'Egypte. Ce livre et ce texte posent les jalons pour le reste de l’enseignement de l’AT et du NT sur ce sujet. La particularité du Deutéronome est l’articulation triangulaire de l’élection avec l’amour de Dieu et la rédemption. Ces derniers s’articulent autour de l’élection ici et dans d’autres passages pertinents. Sens non théologique de « choisir » Puisque l’usage dans le Deutéronome est normalement théologique, il serait utile d’examiner brièvement l’usage séculaire de «choisir» ailleurs dans l’AT. Choisir, en ce sens, c’est faire un choix bien réfléchi selon des critères établis : -les fils de Dieu ont choisi les femmes (car belles; Gn 6.2); -Lot a choisi la vallée du Jourdain (abondance d’eau et de pâturage pour son bétail; Gn 13.11); -David a choisi des pierres (cinq, bien lisses) pour sa fronde (1 S 17.40); -les prophètes de Baal ont choisi un taureau pour un sacrifice (selon les critères rituels; 1R 18.25); -les habitants de Jérusalem ont choisi des arbres et des jardins pour leur culte païen (idem; Es 1.29); -les adorateurs choisissent du bois (qui résiste à la vermoulure ou ne pourrit pas) pour en faire fabriquer une idole (Es 40.20). Il est évident que dans chacun de ces cas le choix n’a pas été arbitraire. Même si les critères permettant ces choix ne sont toujours pas explicités (ils sont ajoutés entre parenthèses ci-dessus), il s’agissait de discerner parmi les possibilités les traits désirés ou recherchés et d’opérer un choix selon ce jugement. La seconde chose qui ressort de ces exemples est que les personnes ou les choses choisies ont été appropriées par ceux qui les ont choisies. Puis ils s’en sont servis à leurs fins. Ce dernier point va de soi; mais c’est important de le signaler car, dans le cas de l’élection, comme nous le verrons plus loin, le choix de Dieu d’un peuple a un but précis. Contexte de l’élection Il y a trois points principaux qui sont mis en évidence de ces versets du Deutéronome 7 cités plus haut. Premièrement, l’élection ne dépend pas des qualités intrinsèques du peuple élu. Ce choix ne se base pas sur des critères normaux humainement parlant, tels le nombre ou la puissance de ce peuple. On peut dire que ce passage présente de bonnes raisons pour lesquelles Dieu n’a pas dû faire ce choix car choisir ce peuple allait à l’encontre, à vues humaines, du bon sens. D’autres passages développent ce point en soulignant, par exemple, que ce n’est pas à cause de la justice d’Israël car celui-ci est « un peuple réfractaire » (Dt 9.4-6 ; cf. 10.16). Deuxièmement, l’aboutissement de l’élection est la rédemption. Ceux qui sont élus sont également rachetés. La délivrance de cette servitude est clairement la finalité de ce choix divin. Dans ce texte, 18 comme ailleurs dans la Bible, l’élection aboutit au rachat (cf. Es 14.1; Ep 1.4-7). Pourtant cette œuvre de rédemption des élus n’implique pas automatiquement le salut individuel. Troisièmement, l’amour de Dieu pour ce peuple élu précède l’élection elle-même. Si ce peuple est élu c’est grâce au fait que Dieu l’a d’abord aimé. Le serment dont il est question est celui juré par Dieu lui-même au moment de la conclusion de l’alliance. Il s’agit, donc, d’un amour fondé sur l’alliance. Ce lien entre l’amour et l’alliance est souligné plus loin dans le contexte: «Si vous écoutez ces règles, si vous les respectez et les mettez en pratique, l'Eternel, ton Dieu, gardera envers toi l'alliance et la bonté qu'il a promises avec serment à tes ancêtres. Il t'aimera, il te bénira et te multipliera. Il bénira tes enfants, le produit de ton sol, ton blé, ton vin nouveau et ton huile, les portées de ton gros et de ton petit bétail, dans le pays qu'il a juré à tes ancêtres de te donner » (7.12-13). Ordre des décrets de Dieu vis-à-vis de l’amour, l’élection et la rédemption Dans les versets 6 à 8 du Deutéronome 7, il y a un ordo salutas: amour, élection, rédemption. Ceci est dit plus succinctement pour la première fois en Dt 4.37: «1Il a aimé tes ancêtres et il a choisi leur descendance après eux. Il t'a fait lui-même sortir d'Egypte par sa grande puissance. » Puis ce fait est rappelé en Dt 10.15: «c'est à tes ancêtres seulement que l'Eternel s'est attaché pour les aimer. Après eux, c'est leur descendance, c'est vous qu'il a choisis parmi tous les peuples, comme vous le voyez aujourd'hui…» En regardant l’ensemble, il est clair que la finalité de l’amour de Dieu est le salut de son peuple. Mais cela passe par l’élection. Comme dans un triangle, enlever un angle ou un côté et il n’y a plus de forme trigone. Amour, élection et rédemption forment un tout, une triade, indissociable. Selon le Deutéronome, l’amour et les projets salvifiques de Dieu ne sont jamais séparés ni de l’alliance ni de l’élection. En se servant de cette triade, le prophète Esaïe reprend la pensée deutéronomique pour encourager les exilés: En effet, l'Eternel aura compassion de Jacob, son choix se portera encore sur Israël, et il leur accordera du repos sur leur terre; les étrangers se joindront à eux, ils se rattacheront à la famille de Jacob…. Le jour où l'Eternel t'aura donné du repos, après tant de souffrance et d’agitation, après le dur esclavage qui t’a été imposé (Es 14.1, 3). Dans cette veine prophétique, assurer le peuple de cet amour est en même temps une affirmation de son élection. L’aboutissement de cette élection sera de nouveau la rédemption, la délivrance de servitude en exil, le nouvel exode. De cette manière il affirme la fidélité de Dieu vis-à-vis de l’alliance, l’essence de l’amour. Subjectivement, on peut dire que la rédemption du peuple est l’apex du triangle. Comme Dieu aimait ce peuple, d’abord, puis l’a choisi, aussi l’a-t-il délivré de la servitude. Mais sans l’un des deux autres angles du triangle, amour et élection, il n’y aurait pas eu de salut. En revanche, objectivement, l’apex du triangle c’est l’amour que Dieu a pour ce peuple car il s’agit de la source d’où jaillissent l’élection et la rédemption. Lorsque l’Ecriture résume l’essence du caractère de Dieu dans un mot, ce mot c’est l’amour. Cette une doctrine puisée dans le Deutéronome. 19 On peut dire que l’articulation de la doctrine de l’élection d’Israël en Dt 7 prend ses sources dans l’éternité et se déroule dans l’histoire: dans l’éternité – l’amour de Dieu et l’élection divine d’Israël et, dans l’histoire – la rédemption du peuple élu. C’est en ce sens que l’on peut appuyer la prétention de ceux qui qualifient l’idée de l’élection dans le Deutéronome comme «fondamentale dans la théologie biblique.» L’élection ne se détache ni de l’amour de Dieu ni de son œuvre de rédemption. La réalisation de son amour et du salut dépend nécessairement de son choix . Privilèges et les responsabilités de l’élection Dans le Deutéronome le coup de projecteur est sur les privilèges et les responsabilités du peuple élu. On peut résumer le privilège de l’élection et les responsabilités qui en découlent de la manière suivante: plus les privilèges sont grands plus les responsabilités sont grandes. Selon le Deutéronome 7.6, Israël a été choisi parmi les nations pour être saint ou consacré au Seigneur (cf. 14.2 ; 26.19) et pour être son bien particulier (cf. 14.2; 26.18; Ex 19.5; Mal 3.17; Ps 135.4; voir aussi 1 Ch 29.3; Ec 2.8). Choisi, il est aussi le dépositaire de la loi (Dt 4.8), le témoin du Seigneur et l’instrument par lequel les nations viendront à lui (Dt 26.19; 33.19; cf. la version grecque de 32.43 citée dans Rm 15.10; Es 14.1). Puisqu’il y a ces responsabilités, le Deutéronome place devant le peuple élu ce choix: «J'en prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre: j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie afin de vivre, toi et ta descendance, en aimant l'Eternel, ton Dieu, en lui obéissant et en t'attachant à lui.» (Dt 30.19-20a) Figurer parmi le peuple élu ne se traduit pas automatiquement en bénédiction, notamment celle du salut individuel. Choisir la vie, n’est autre que choisir, par la foi, la vie qui découle de la régénération. Ceci est aussi précisé dans le Deutéronome: «c'est à tes ancêtres seulement que l'Eternel s'est attaché pour les aimer. Après eux, c'est leur descendance, c'est vous qu'il a choisis parmi tous les peuples, comme vous le voyez aujourd'hui. Circoncisez donc votre cœur et ne vous montrez plus réfractaires » (10.15-16; cf. 30.6) C’est aussi avoir la loi inscrite dans son cœur (6.6; 11.18; 30.14; 32.46; cf. Jr 31.33). L’implantation de parole dans le cœur et la circoncision du cœur sont toutes deux les images de la régénération, l’œuvre du Saint Esprit (2Co 3.3; Col 2.11, 13; Tit 3.5). En termes du salut, la rédemption du peuple élu de la servitude en Egypte est une grande préfiguration du salut individuel. Mais cette rédemption était une œuvre accomplie en faveur du peuple entier. Pour être spirituellement efficace, cette œuvre a dû être appropriée individuellement par la foi en la réalité ultime signifiée par cette grâce. D’où vient la responsabilité capitale de ce privilège: la nécessité de la circoncision du cœur et de la loi inscrite sur le cœur préconisées par le Deutéronome. Tout comme le rachat de la servitude en Egypte, l’œuvre rédemptrice de Jésus Christ est accomplie une fois pour toute. Cette œuvre ne devient efficace pour l’individu que s’il se l’approprie par la foi. Selon la volonté du Père, l’œuvre de la rédemption est accomplie définitivement par Jésus Christ et appliquée individuellement par le Saint Esprit. Appliquée, cette rédemption délivre les élus. Comme un théologien a dit: «Ils vont libres, libres à l’égard du péché et de la mort (Rm 6.6-9), de toute condamnation (Rm 8.1), des puissances malignes et des éléments [néfastes] du monde (Col 2.15, 20).» C’est en ce sens que la rédemption est particulière. On peut dire que ce rachat comporte trois temps et trois actes: au passé, la délivrance du jugement du péché, la justification; au présent, la délivrance de la puissance du péché, la sanctification; au futur, la délivrance de la présence du péché, la glorification. Fin La terre promise et la reconnaissance envers Dieu 20 Le chapitre 8 s’articule autours de deux exhortations majeures. Moïse exhorte le peuple d’abord de se souvenir (zakar, v. 2) des œuvres de l’Eternel en sa faveur pendant le séjour au désert et dans la terre promise (v. 1-9) et puis de ne pas oublier (shakah, v. 11, 14, 19) l’Eternel qui continuera à pourvoir aux besoins de son peuple une fois dans le pays (v. 10-20). Se souvenir ou ne pas oublier signifie dans ce contexte vivre constamment en reconnaissance de cette grâce qui vient de l’Eternel que ce soit une grâce accordée dans le passé au désert ou anticipée à l’avenir dans la terre promise. Se rappeler de ces bienfaits divins nourrit la foi et l’espérance qui, selon l’Ecriture, se conjuguent (p. ex., Rm 5.2 ; 1Co 13.13 ; 2Co 10.15 ; Ga 5.5 ; 1Th 1.2 ; 1Pi 1.21). Oublier la grâce mène au dépérissement, voire au ruine, de la foi et de l’espérance (1Pi 1.9 ; cf. v. 5, 10). La première chose à se souvenir est que l’Eternel, pendant 40 ans, mettait son peuple à l’épreuve (v. 2a). En Deutéronome l’ensemble des 40 années depuis la sortie d’Egypte jusqu’à l’arrivée en terre promise est dépeint comme la mise à l’épreuve du peuple. C’était voulu. Le but en était de donner à son peuple l’opportunité de montrer son cœur bien disposé et de mettre en œuvre par la foi les commandements (v. 2b). La manne a fourni l’occasion à longue durée et en est l’exemple classique. Ceci est exprimé dans les mots familiers suivants : « Il t'a humilié, il t'a fait connaître la faim et il t'a nourri de la manne, que tu ne connaissais pas et que tes ancêtres non plus n'avaient pas connue, afin de t'apprendre que l'homme ne vit pas de pain seulement, mais de tout ce qui sort de la bouche de l'Eternel » (v. 3 ; cf. v. 16 ; Mt 4.4 ; Lc 4.4). Etre humilier au niveau alimentaire veut dire être privé de la nourriture. Or Israël n’en était pas ! Il avait de la manne le matin et des cailles le soir (Ex 16.8). En quel sens a-t-il été privé ? Autrement dit, en quoi consiste cette épreuve ? Dans le désert le peuple, par ces propres forces, ne pouvait rien faire, même pas trouver luimême de la nourriture ni de l’eau ; pour son existence il a du dépendre à 100% sur le don de la manne (cf. Ex 16 ; Nb 11). Cette attente chaque matin pour ce pain du ciel (Ex 16.4, 8) devait produire deux choses : la foi et l’espérance ; la foi, ou la confiance, que l’Eternel pourvoirait aux besoins quotidiens et l’espérance, ou l’attente confiante, que sa promesse concernant la terre promise se réaliserait. Vivre par la foi dans l’espérance signifie agir selon la volonté de l’Eternel même si à vue humaine il semblerait mieux d’agir autrement dans les circonstances. La manne de nouveau illustre ce point. Puisque la manne fonde dans la chaleur, et ce qui est gardé devient infect, pour assurer qu’il y ait de la nourriture le sabbat, contraire aux instructions, il semblerait mieux de la ramasser ce jour-là et non le jour avant. Or la foi dans l’espérance dit l’inverse : l’Eternel a promis que la double quantité serait fournie le sixième jour et afin d’en avoir au sabbat on aura à ramasser suffisamment pour deux jours. Certains sont sortis le sabbat pour en trouver sans succès (Ex 16.22-30). Evidement ils n’ont pas ramassé le double au sixième jour. Quant à la foi et l’espérance, l’ingrédient essentiel est la reconnaissance. Etre reconnaissant nécessite d’abord la prise de conscience de la faveur reçue sachant que c’est un don et non un due. Au lieu de la reconnaître comme un don, la manne est devenue l’occasion de chute (Nb 11.6). Au lieu d’exprimer sa reconnaissance Israël a murmuré et se plaignait et finalement n’a pas pu croire en Eternel, agir selon sa parole, tout dans l’espérance qu’il tiendrait sa promesse concernant la prise en possession de la terre promise. La mise à l’épreuve de la part de 21 l’Eternel n’a jamais eu comme objet de faire chuter son peuple. C’est pour que celui-ci ne compte plus sur lui-même, sur ses forces et ses capacités (v. 17), mais qu’il place sa confiance entièrement en l’Eternel. C’est le but pédagogique : « Reconnais dans ton cœur que l'Eternel, ton Dieu, t’éduque comme un homme éduque son enfant » (v. 5). Même si cette discipline n’est pas agréable, la mise à l’épreuve a toujours comme finalité de « te faire ensuite du bien » (v. 16). Si le peuple oublie l’Eternel il va suivre les dieux de Canaan. Il périra comme les nations qui y habitent, ceci « parce que vous n’aurez pas écouté l’Eternel, votre Dieu » (v. 19-20). L’expression hébraïque contenant le verbe traduit «écouter » se traduit littéralement «obéir à la voix» (shamar be qol) de l’Eternel. Cette une expression récurrente et typiquement deutéronomique (13.19 ; 15.5 ; 26.14 ; 27.10 ; 28.1, 2, 15, 45, 62. 30.8, 10). L’Eternel se révèle. Il a une voix. Il parle. Cette révélation est au moyen de sa voix, sa parole. Pour vivre, pour expérimenter le bien, le peuple doit obéir à sa voix. Souvenir des rébellions d’Israël Deux grands échecs spirituels du peuple d’Israël pèsent dans la balance de l’histoire d’Israël dans le désert : d’un côté, l’apostasie du veau d’or au Sinaï (Ex 32-34), et de l’autre, la révolte à Kadès (Nb 13-14). Le Deutéronome au chapitre 1 et ici au chapitre 9 rappelle en détails ces moments difficiles d’infidélité du peuple (1.19s ; 9.12s). A ces deux occasions l’Eternel a menacé « ce peuple » (9.13), la génération maintenant morte, d’annihilation pour que les promesses faites aux pères puissent se réaliser au travers de la descendance de Moïse (Ex 30.10 ; Nb 14.12). L’expression « ce peuple » est péjoratif comme ailleurs et se réfère au segment du peuple qui se détourne de l’Eternel (cf. p. ex., Es 6.9, 10). C’est un peuple au sein d’Israël non converti (Es 6.10) souvent largement majoritaire car le terme opposé, « le reste » est qualifié en Esaïe « une dixième » (6.13). Certes le langage est poétique et figuratif mais la pointe est justement la grande disproportion. Seule la grâce de l’Eternel a sauvé la génération suivante de ce jugement d’anéantissement en réponse à l’intercession de Moïse (Dt 9.18-20, 25-29). Avant d’exposer ces faits sur son histoire à cette génération (v. 7-29), Moïse exhorte le peuple en vue de la prise en possession du pays (v. 1-6). Trois fois il lui dit que ce n’est pas « à cause de ta justice » qu’il héritera du pays (v. 4, 5, 6). C’est d’abord à cause de la méchanceté des nations (v. 4, 5). En effet lui c’est « un peuple réfractaire » (v. 6). C’est ensuite «pour confirmer la promesse que l’Eternel a faite avec serment à tes ancêtres, à Abraham, à Isaac et à Jacob » (v. 5). Le verbe « confirmer » peut être traduit « établir » (hiphil de qum). Ce verbe dans un contexte contractuel veut dire « mettre en œuvre » ou remplir les termes d’un contrat. L’alliance conclue (karat, « coupée ») avec Abram (Gn 15) a été mise en œuvre (hiphil de qum) par anticipation de la naissance prochaine d’un héritier appelant la circoncision, le signe d’alliance (Gn 17.11 ; voir la discussion de ce verbe là en 7.2, 7). « La promesse » (litt. « la parole ») du don du pays a été scellée par serment d’alliance (Gn 15.18-21 ; cf. v. 9-10, 17 pour le serment rituel). Encart 22 Alliance L’Eternel restera fidèle à ses promesses d’alliance (4.31 ; 9.27 ; 30.5, 20) même si Israël oublie l’alliance (4.23 ; cf. Rm 3.3-4). Pour confirmer ces promesses, l’Eternel a prêté serment (Gn 22.16 ; Hé 6.13, 17-18). Etablir une alliance et jurer sous serment sont « deux actes irrévocables » (Hé 6.18) qui garantie la pérennité de l’objet de l’alliance, en l’occurrence la ratification des promesses. De son côté, Israël doit garder les stipulations de l’alliance sinaïtique pour bénéficier de ces promesses (7.12 ; 28.4, 11-13) et les bénédictions qui y sont attachées. fin Les instructions reviennent à la manière dont Israël aura à traiter les nations en Canaan. Quatre verbes décrivent les actions qui seront dirigées vers eux. En ordre : détruire, humilier, chasser, faire disparaître (v. 3). Comme déjà indiqué « chasser » (cf. Ex 32.21 ; Nb 21.32 ; 32.21, 29 ; 33.52, 55) est mieux traduit «déposséder » (hiphil de yarash). Il s’agit de s’approprier de la propriété d’autrui en le dépossédant, normalement par force. « Humilier » vient des même consonnes radicales (k-n-‘) que « Canaan » et « Cananéens ». De façon homophonique un lien est établi entre le verbe et le peuple qui subira l’action. Il semble difficile de conclure que « détruire » (hiphil de shamad) dans ce contexte veut dire ôter la vie car le verbe «chasser » ou «déposséder » vient après qui suppose que ces habitants sont en vie. « Faire disparaître » (de ’abad) peut parfois signifier « faire périr » la vie (Nb 17.27 ; 2R 10.19). Etre dépossédé de ses terres est une façon de faire disparaître le nom de quelqu’un (Nb 27.4 ; Dt 25.6 ; Rt 4.5, 10). La question de la manière dont Israël avait à traiter les habitants de Canaan lors de la conquête est abordée dans l’encart « Vouer à l’interdit les nations de Canaan» ci-dessus). Comme ailleurs, une installation graduelle en terre promise est envisagée : « L'Eternel, ton Dieu, chassera peu à peu ces nations loin de toi. Tu ne pourras pas les exterminer rapidement, sinon les bêtes des champs deviendraient trop nombreuses, à ton détriment » (7.22 ; cf. Ex 23.29-30). Ceci ne contredit l’optique du livre de Josué comme souvent prétendu qui est supposée de dépeindre la conquête du pays entier rapidement. Rien n’est plus loin de la vérité. La conquête en Josué ne concerne que des poches stratégiques particulièrement dans le massif central et en Galilée comme une étude du « pays qui reste, » le territoire encore à conquérir, montre (Jos 13.2). « Chasser » en Deutéronome 7.22 traduit un verbe qui signifie « enlever » (nashal), par exemple, une sandale (Ex 3.5 ; Jos 5.15) ou « détacher » comme le manche d’une hache (Dt 19.5) ou les olives d’une branche (28.40). Dans ce contexte ce qui sera enlevé des habitants sont les villes et les terres (cf. Dt 7.1 ; 2R 16.6). Le geste de la veuve qui enlève une sandale de son beau-frère dans la loi du lévirat signifie ne pas avoir la possibilité d’avoir un héritier qui héritera les terres de son mari défunt (25.5-10). Le sens du verbe traduit « exterminer » (kalah) dépend du premier verbe. En Genèse, Dieu a terminé (kalah) son travail des six jours précédents (2.2). Ceci ne veut pas dire qu’il a tout détruit ! Il a mené à terme son travail (cf. Rt 3.18). C’est le sens ici aussi : « terminer » a en vue la politique de dépossession des habitants qui se fera graduellement. Les nouvelles tables de la loi 23 En constatant le débâcle du veau d’or Moïse avait brisé les tables de la loi. Il avait à les refaire (10.1-5 ; cf. Ex 32.19 ; 34.1). Ces tables de pierre ont été mises dans « un coffre en bois » (v. 1, 2, 3). «Coffre » c’est le même mot traduit ailleurs « arche » (’aron), l’arche de l’alliance. Selon Exode 37.1-9 l’arche a été fabriqué pendant les neuf mois entre l’arrivée au Sinaï et la construction du tabernacle. Appel à obéir à Dieu « Maintenant » (10.12) introduit la conclusion de la section contenant les stipulations d’alliance générale (4.44-11.32). Du fait que c’est la ligne droite en termes de la marche vers la terre promise (10.11), la question qui se pose est la suivante : « Maintenant, Israël, que demande de toi l’Eternel, ton Dieu ? » Comment le peuple doit-il vivre une fois dans le pays donné en héritage ? Il y a cinq choses composant cette demande : craindre l’Eternel, marcher dans ses voies, l’aimer, le servir et respecter ses commandements (v. 12-13). Mais comment faire cela ? La génération de l’exode s’est montrée totalement incapable. Deux images physiques sont employées pour parler de l’orientation spirituelle et du comportement : la circoncision du cœur et la condition du peuple qualifié « réfractaire » ou « de nuque raide » (10.16). Raidir la nuque peut parfois vouloir dire tourner le dos (Jr 2.27). C’est une métaphore ayant comme pointe la résistance obstinée à l’autorité, en l’occurrence celle de l’Eternel et de sa parole. Une personne réfractaire n’obéit pas à la loi. Au contraire, la circoncision physique est faite en conformité avec la loi de Dieu. Le cœur circoncis est donc un cœur bien disposé à l’égard de la volonté divine. La circoncision du cœur, comme l’implantation de la parole dans le cœur, sont toutes deux les images du changement radical, spirituel, celui opéré par la régénération, précisément par l’œuvre de régénération du Saint Esprit. (2Co 3.3; Col 2.11, 13; Tit 3.5). Le cœur circoncis est donc la condition qui permettra le peuple de mettre en pratique les cinq choses que l’Eternel «demande.» Promesses et menaces Comme exprimé par la tournure proverbiale « la carotte et le bâton, » l’Eternel veut encourager son peuple à rester sur le bon chemin en vivant pleinement sa vie en terre promise (11.1-32). Faire rappeler qu’il y a des bénédictions et des malédictions est un signe de grâce pour stimuler la croissance de l’obéissance. Positivement et négativement, les deux visent à encourager la conformité à la volonté divine. Vu la nature humaine et les inclinations naturelles du cœur, les menaces sous forme de malédictions, ou « le bâton », sont nécessaires. Elles servent à avertir le peuple des conséquences désastreuses pour le défi à cette autorité et à le détourner de sa mauvaise voie. Vivre sous la bannière de la bénédiction divine doit passer par la mise en pratique de la loi (v. 26-28). C’est l’expression de l’amour du peuple pour l’Eternel, son Dieu (v. 1). Encart Saisons de pluies Le Deutéronome 11.14 parle de la précipitation qui caractérise l’année, les pluies nécessaires pour la récolte: « je donnerai au moment voulu la pluie à votre pays, les premières et les dernières pluies et tu récolteras ton blé, ton vin nouveau et ton huile.» Ces pluies se divisent en trois temps et types. Vues ensemble, elles tombent entre la fin octobre et la mi-avril. Le reste le de l’année se caractérise par 24 l’absence quasi totale de pluie. La seule précipitation pendant cette saison saiche est la rosée abondante. 1. « les premières pluies » ou la pluie précoce (yoreh ou moreh). Vers la fin octobre, une pluie parfois orageuse commence par intervalles, pendant un ou plusieurs jours à la fois. Ce sont des pluies attendues avec impatience, car elles font baisser les températures et plus important, elles ouvrent l’année agricole en amollissant le sol desséché, durci et craquelé par la sécheresse de l’été. Une fois le sol ameubli, le labourage et les semailles peuvent commencer. 2. « la pluie » ou les pluies principales (matar ou geshem). Ces pluies tombent entre décembre et la fin février (cf. Ct 2.11 « hiver » // « pluie » [geshem]). Elles comprennent 75% de la précipitation annuelle (cf. Zc 10.1 «pluie abondante » metar-geshem). Jusqu’à la fin novembre, la moyenne des pluies n’est pas très élevée, mais elle augmente de décembre à février. La pluie hivernale remplit les réservoirs d’eau et amène les alluvions vers les vallées où elles forment la terre fertile. 3. « les dernières pluies » ou pluies tardive (malqosh). Les pluies de l’arrière-saison sont des averses de mars à la mi-avril (cf. Jos 3.15). Elles sont particulièrement appréciées tombant avant la moisson et la longue sécheresse des mois d’été. Elles sont indispensables à la moisson (cf. Jl 2.23 ; Os 6.3). A la différence de l’Egypte, qui dépend des crues du Nil et de l’irrigation, selon ce chapitre, ces pluies en Israël constituent une preuve que c’est un pays dont l’Eternel « prend soin et sur lequel il a ses yeux » (v. 11-12). Pourtant, si le peuple servait d’autre dieux, en guise de jugement, et de malédiction, l’Eternel « fermerait le ciel et il n’y aurait pas de pluie » (v. 17). fin Une fois arrivé et installé dans le pays, les bénédictions et les malédictions seront récitées sur les monts Garizim et Ebal respectivement (v. 29). Les deux listes se trouvent aux chapitres 2728. Ce sont les monts vis-à-vis, chacun en face de Sichem, Ebal au nord et Garizim au sud de la ville. Six tribu se tiendront sur le mont Garizim pour bénir le peuple et les six autres sur le mont Ebal pour prononcer les malédictions (27.12-13 ; Jos 8.33). L’assise géographique de deux montagnes et la division des tribus en deux groupes laissent suggérer que la récitation de ces promesses et menaces a été faite de façon antienne. REPETITION DES PRESCRIPTIONS ET REGLES 12.1-26.19 La suite du second discours de Moïse poursuit. Après les stipulations d’alliance d’ordre général (ch. 5-11), cette section contient les stipulations spécifiques (ch. 12-26). L’ordre et les thèmes regroupés des lois suivantes s’inspirent du décalogue. Encart Principes de la structuration des lois deutéronomiques 1. Les lois individuelles sont groupées selon un thème général (p.ex., esclaves, homicide, dommages, etc.). 2. Les unités thématiques sont disposées selon le principe de priorité (lois cultuelles, lois civiles, lois sociales) ; à l'intérieur de chaque unité thématique, les lois sont arrangées selon le principe de priorité ou de classe de personne (p. ex., homme, femme, enfant). 25 3. Les lois individuelles et les sous-groupes des unités thématiques sont ordonnées selon la méthode attestée dans des codes légaux du Proche Orient Ancien : la "concaténation", c’est-à-dire l'enchaînement par l'association d'idées, mots et phrases clefs, et par champs thématiques. 4. Dans le recueil de lois deutéronomique, les unités thématiques sont disposées selon l'ordre des commandements du décalogue (voir ci-dessous) ; ainsi ces commandements sont considérés déjà opératifs et ne sont donc répétés dans le code même. Commandements (Dt 5.6-21) 1 et 2 le Dieu unique et son unicité (5.6-10) Lois du recueil (Dt 12-26) destruction des lieux de culte vrai culte païens; centralisation du culte (12.1-31) 3e profanation du nom de Dieu blasphème, mensonge, faux sermon, sainteté de Dieu– mélange du vrai et du faux (5.11) incitation à l'apostasie : prophète (13.1-6) ; fils (13.7-12) ; gens de rien (13.13-19) pur et impur – mélange (14.1-21) 4e Sabbat - la souveraineté de Dieu sur la création, le peuple et le pays (5.12-15) dîmes et culte, année de remise de dette et libération des esclaves, 3 fêtes de pèlerinage (14.22-16.17) 5e respect pour les parents - représentants de Dieu (5.16) respect pour les autorités (16.18-18.22) : système judiciaire et juges (16.18-17.13) ; roi (17.14-20) ; prêtres-Lévites (18.1-8) ; prophètes (18.9-22) 6e meurtre - respect de la vie humaine (5.17) homicide volontaire et involontaire (19.122.8) 7e adultère - respect de la famille (5.18) mélanges et rapports sexuels interdits et purs (22.9-23.19) 8e vol - respect de la propriété d'autrui (5.19) (23.20-24.15) prêts, vœux, vol, pauvre et son salaire 9e faux témoignage - respect de la justice (5.20) la justice impartiale : immigrant, personne et orphelin et veuve (24.16-25.4) 10e convoitise - contrôle des désires (5.21) terre et famille (lévirat), poids et mesures, prémices et dîmes (25.5-26.15) e e Fin Ordre de servir l’Eternel à l’endroit choisi par lui Comme le premier commandement du décalogue, les premières lois de cette section légifèrent sur le culte. Au chapitre 12, comme ailleurs par la suite, l’accent est mis sur le lieu unique du culte que l’Eternel choisira dans le territoire d’une tribu pour y mettre son nom (v. 11, 14, 18, 21, 26 ; 14 .23, 24 ; 16.2, 6-7, 11 ; 26.2). Ce lieu dans un premier temps sera à Silo en Ephraïm (Jos 18.1, 10 ; 22.12 ; Jg 18.31 ; 1S 1.3, 24 ; 3.21 ; 4.3 ; Jr 7.12, 14) puis à partir de 26 l’époque de David et de son fils, Salomon, définitivement en Juda à Jérusalem. Ce dernier construira ce lieu, le temple. Ce choix opéré par l’Eternel est une autre manière dont la suprématie de la tribu Juda est établie en ligne avec les anciennes bénédictions prophétiques prononcées sur son ancêtre (Gn 49.8-12). Le comble est que le grand-prêtre Christ est de cette tribu, non de la tribu de Lévi comme établi par la loi d’où sont issus tous les prêtres de l’ancienne alliance. Selon l’auteur de l’épître aux Hébreux, de ce fait il établit la perpétuité de la lignée sacerdotale de Melchisédek, prêtre-roi de Jérusalem à l’époque d’Abram (7.14-15). Pour éviter le piège cultuel, Israël doit détruire les lieux et les accoutrements de culte des nations (v. 1-3). Au sujet des nations idolâtres il est dit : « Lorsque l'Eternel, ton Dieu, aura exterminé les nations que tu vas chasser devant toi, lorsque tu les auras chassées et que tu te seras établi dans leur pays, fais bien attention: ne te laisse pas prendre au piège de les imiter une fois qu'elles auront été détruites devant toi » (v. 29-30a). Le verbe « exterminer » (karat) rappel la sanction d’Israël formuée : « être exclu (karat) du milieu de son peuple. » Les «pratiques abominables » (v. 31) de culte et de mœurs des habitants du pays seront sanctionnées de la même manière. Quant au peuple d’Israël, il doit les « chasser », ou plus précisément, les « déposséder » (de yarash). De cette manière il aura du « repos » dans ce « lieu de repos et l’héritage » que donne l’Eternel (v. 9-10). Les lois traitant la consommation de la viande ne concernent pas la viande offerte en sacrifice (v. 15-16, 20-25). Il y a deux considérations qui appuient cette prétention. En premier lieu une personne pure ou impure physiquement peut manger cette viande (v. 15, 22). Une personne doit être en état de pureté pour pouvoir manger la viande d’un sacrifice. En deuxième lieu, bien que certains animaux en vue ici peuvent être sacrifiés, la liste inclut ceux qui sont purs mais ne figurent pas parmi les animaux offerts en sacrifices comme la gazelle ou le cerf (v. 15, 20-22). Le sang doit être versé sur la terre (v. 16, 24). Ces lois s’adressent à la question suivante : une foi le seul lieu de culte et de sacrifice établi, faut-il tuer et manger tous les animaux qu’on désire manger à ce lieu ? Comment cela serait-il possible si on habite trop loin de ce lieu ? (V. 21) Ces lois permettent donc l’abattage des animaux pour la consommation à n’importe quel endroit. En revanche, la viande des sacrifices est soit brûlée soit mangée à ce lieu et le sang est destiné à l’autel (v. 26-27). Le sang dans tous ces cas ne doit pas être consommé vu son usage dans le domaine du sacré. Punition des faux prophètes et des idolâtres En rapport avec le second commandement interdisant la profanation du nom de Dieu, le chapitre 13 expose le code pénal relatif à l’incitation à l’apostasie par 1) les faux prophètes (v. 2-6) et 2) par les idolâtres (v. 7-19). Dans le cas où un prophète fait un rêve et annonce un signe ou un prodige et qu’il y en ait réalisation, suivie d’une invitation de suivre d’autres dieux, celui-ci doit être « puni de mort » pour extirper le mal du milieu du peuple (v. 6 ; voir aussi 17.1, 12 ; 19.19 ; 21.21 ; 22.21 ; 24.7). Les signes et les prodiges opérés par les faux prophètes constituent une manière dont l’Eternel met à l’épreuve son peuple pour savoir s’il l’aime (v. 4). Savoir s’il l’aime l’Eternel veut dire, dans le contexte d’alliance, savoir si le peuple sera fidèle et obéira à son Dieu (v. 5). 27 Les moyens employés par le faux prophète - rêves, signes et prodiges - sont tous les trois les même employés de la part les vrais prophètes : rêves (1S 28.6 ; Jl 2.28 ; cf. Ac 2.17 ; Dn 5.13) ; signes et prodiges (Nb 12.6 ; Jr 23.28). Les signes et les prodiges sont aussi accomplis par Dieu en Egypte (Ex 7.3), Christ (Jn 2.11 ; 18 ; 20.30-31) et les apôtres (2Co 12.12 ; cf. Hé 2.4 ; Ac 8.13) mais aussi par Satan (2Th 2.9). Pour le faux prophète, ses propos appuyés par des miracles constituent la « révolte » contre l’Eternel. Ce sont les moyens par lesquels qu’il détourne (de nadah, cf. 4.19) le peuple de la voie de l’Eternel (v. 6). Le mot « révolte » (sarah) ailleurs dans le Deutéronome est employé pour le faux témoignage relatif à un « crime » non spécifié (19.6). Ce nom est apparenté au verbe « être rebelle » (sarar) qui qualifie le comportement d’un fils « désobéissant et rebelle, qui n’écoute ni son père ni sa mère » (19.18). Il est aussi puni de mort, acte destiné à extirper le mal au milieu du peuple (v. 21). Chez les prophètes, la « révolte » d’Israël est contre l’Eternel et sa parole (Es 1.5 ; 31.6 ; 59.13). Cette révolte peut être instiguée par les paroles trompeuses des faux prophètes. C’est les fausses assurances du prophète Hanania que le l’Eternel ne livrerait pas le peuple aux mains des Babyloniens comme prophétisé par Jérémie (Jr 28.16). C’est la vaine confiance inspirée par les parles du prophète Shemaeja adressées aux exilés aussi à l’encontre des prophéties de Jérémie (Jr 29.32). L’expression employée concernant chacun des deux prophètes traduite littéralement est « il parla la révolte contre l’Eternel. » Deux mois après sa fausse prophétie, Hanania est mort (28.17). Shemaeja et les siens ne verront pas la fin de l’exil (29.32). La révolte est contre l’autorité divine, précisément contre la parole de l’Eternel, ou celle de ceux qui sont investis de son autorité, comme les vrais prophètes et les parents. L’incitation à l’apostasie peut venir du sien de la famille, même de « la femme qui repose sur ta poitrine » ou encore de « ton ami que tu aimes comme toi-même » (13.7). La peine est la lapidation (v. 11). Si c’est une ville entière qui détourne de l’Eternel et sert d’autres dieux (v. 13), les habitants et les bêtes doivent être tués (v. 16), la ville sera vouée à la destruction (v. 16, 18) et brûlée. « Vouer à la destruction » traduit un seul mot, un verbe (hiphil de haram), qui peut être traduit « vouer à l’interdit » car quelque chose ainsi vouée est soit consacrée à l’Eternel soit destinée à la destruction, donc mise hors de portée en ce qui concerne un autre usage (cf. Jos 6.17-18 ; 7.11-12, 25). Quelque chose vouée de cette façon à l’Eternel est très sainte (Lv 27.28). Quelque chose vouée à la destruction est abominable ou une horreur (Dt 7.26), voir très impure et extrêmement contaminée. Aux niveaux cultuel et moral, les Cananéens pratiquent les horreurs et les abominations (Lv 18.24-30 ; 20.22-24), ce qui explique pour quoi Israël doit se séparer de ce peuple, refusant toute union par le mariage ou par la religion (7.2-5). Lois sur les animaux purs et impurs Dans le sillage des deux premiers commandements cultuels et les lois des chapitres 12 et 13, le chapitre 14 poursuit en prolongeant ces commandements et lois de deux manières : la pureté physique requise pour l’adoration (v. 3-21) ; 2) la dîme, le moyen de subvention des Lévites qui servent dans le lieu du culte (v. 22-29). Les lois sur les animaux purs et donc comestibles et impurs et subséquemment non comestibles, déjà exposées au chapitre 11 du 28 Lévitique (voir le commentaire sur ces lois), ont l’objet de garder le lieu du culte contre la profanation. Manger l’impur rend la personne impur. Une personne impure risque de contaminer quelque chose dans le domaine de sainteté. Le double rappel « tu es un peuple saint pour l’Eternel, ton Dieu» (v. 2, 21) souligne ce point. En revanche, en état de pureté, l’adorateur peut s’approcher de l’Eternel. Les dimes Une série de quatre lois se trouvent en 14.22-15.23. En premier et en dernier lieux sont deux devoirs faits « chaque année » : le prélèvement de la dime (14.22-27) et la consécration des premiers-nés (15.19-23). Au milieu se trouvent deux devoirs, l’un fait « tous les 3 ans, » encore une dîme (14.28-29) et l’autre, l’année de relâche, « tous les 7 ans » (15.1-18). La série s’adresse aux propriétaires des champs et des troupeaux, à savoir les agriculteurs et les éleveurs. L’objet des deux lois au centre des quatre c’est l’aide pour les pauvres et démunis, ceux qui non pas, ou ont perdu, ces moyens de production et de richesse (14.29 ; 15.7-11, 12). La question relative aux dîmes est traitée en Nombre 18 qui aborde les revenues des prêtres et les Lévites (voir aussi le commentaire sur ce chapitre). Elle revient encore en Deutéronome (18.1-8). Vu ensemble, ce qui se dégage est que chaque année les dîmes de tous les produits des champs et des animaux premiers-nés sont amenées au lieu spécifié ou choisi. Là elles sont remises aux Lévites. La dîme est échangée contre l’argent si la distance à ce lieu est trop longe. Lors d’une fête à ce lieu, les Israélites peuvent manger une partie de leurs dîmes. Tous les trois ans les prélèvements de tous ces produits sont déposés dans les villes et distribués non seulement aux Lévites mais aussi aux nécessiteux, l’immigrant, l’orphelin et la veuve (cf. Ex 22.22 ; Dt 10.18-19 ; 24.17-21). Plus tard dans l’histoire du peuple d’Israël une autre dime servira à la subvention de l’apparat administratif de la royauté (1S 8.10-17). L’année de relâche Les lois relatives à l’année de relâche et aux fêtes sacrées des chapitres 15 et 16 s’inspirent du quatrième commandement sur le sabbat. Tous les 7 ans il y a une année sabbatique exigeant la remise des dettes, l’annulation des prêts (15.1-11) et le relâchement de la servitude d’un frère hébreu qui a dû se vendre pour payer une dette (v. 14-18). Ceci amplifie la loi sur la terre laissée en jachère tous les 7 ans (Ex 23.10-11 ; Lv 25.1-7). Cette dernière a aussi une portée humanitaire car la septième année les pauvres peuvent venir dans les champs et les vignes chercher de la nourriture. Les lois deutéronomiques ici sont parallèles à la loi du jubilée lévitique qui préconise la remise des terres (Lv 25.8-38) et la libération de la servitude la cinquième année (Lv 25.39-42). Dans les deux cas, la raison pour laquelle les terres sont vendues ou la personne se vend est l’endettement. Dans une culture agricole, les moissons maigres ou ratées sont la cause principale de cette faillite. Ensemble toutes ces lois maintiennent la justice et la compassion sociale car « il y aura toujours les pauvres dans le pays » (v. 11 ; Mt 26.11). Elles établissent le principe d’équité économique : du fait qu’il y a ceux que peuvent les aider « il n’y aura pas de pauvre chez toi » (v. 4). Cette phrase peut être traduite : « qu’il n’ait pas de pauvre… » La faille potentielle dans ce système est exprimée de la manière suivante : 29 Veille bien à ne pas te montrer assez méchant pour dire dans ton cœur: ‘La septième année, l'année de la remise des dettes, approche!’ Veille bien à ne pas avoir un regard mauvais envers ton frère pauvre, au point de ne rien lui donner. Il crierait à l'Eternel contre toi et tu te chargerais d'un péché. Donne-lui et que ton cœur ne rechigne pas à le faire, car, à cause de cela, l'Eternel, ton Dieu, te bénira dans tous tes travaux et dans toutes tes entreprises (v. 910). Se charger d’un péché à cause du cri du pauvre ignoré ou être béni par l’Eternel sont tous deux les raisons motivées pour quoi cette aide doit être accordée quelques soient les circonstances. Se vendre à cause d’une dette non seulement permet le remboursement mais aussi fournit en même temps un travail et la protection de la famille (v. 16 ; cf. Ex 21.2-6). Uns autre motivation est donnée en vue du regret possible d’avoir à relâcher un frère : « Tu ne devras pas trouver difficile de le renvoyer libre de chez toi, car il t'a servi 6 ans et il t’a rapporté le double d’un salarié » (v. 18). Rapporter le double peut vouloir dire que la dette est remboursée et le créancier à bénéficier d’un salarié en même temps. La remise des dettes ne concerne pas les prêts commerciaux ou d’investissement. Les premiers-nés des animaux Cette loi sur la consécration des premiers-nés des animaux se distingue de celle de l’Exode 22.19. Ce sacrifice deutéronomique d’un animal adulte (15.19-23) a lieu annuellement lors d’une fête et celui en Exode le huitième jour après la naissance de l’animal. Cette différence reflète les nouvelles conditions de vie préconisées en Deutéronome, notamment l’installation en Canaan et l’établissement d’un lieu de culte central. La Pâques Le chapitre 16 présente les trois fêtes de pèlerinage au lieu choisi par l’Eternel : la Pâques/fête des pains sans levain, la fête des semaines et la fête des tentes (v. 16 ; cf. Ex 23.14, 17 ; 34.23 ; Lv 23 et le commentaire). Ensemble, ces célébrations sont empreintes de la vie pastorale et agraire et permettent à tout le peuple d’en profiter quelque soit sa vocation. La Pâques, la veille des 7 jours de la fête des pains sans levain (16.1-8), doit désormais être célébrée au niveau national au lieu que L’Eternel choisira, voire à un sanctuaire central. La première Pâques a été fêtée en famille dans les maisons (Ex 12.21-24). Ce changement reflète la nouvelle donne anticipée : l’arrivée du peuple en Canaan. Une autre différence est que le sacrifice pascal en Deutéronome peut être aussi du « gros bétail » et ne se limite plus à un agneau (Ex 12.3, 21). La plus grande quantité de viande tient compte non seulement de la célébration en communauté mais aussi de l’abondance du pays qui permet l’élevage du gros bétail. Le « mois des épis » est le premier mois correspondant au mars/avril (Ex 12.2 ; Lv 23.5). Ce mois est appelé plus tard Nisan (Né 2.1 ; Est 3.7). L’ordre « Observe », sous cette exacte forme (infinitif absolu, shamor), se trouve deux fois ailleurs dans le Deutéronome : « Respecte de jour du repos » (5.12) et « Respecte tous les commandements que je vous prescris aujourd’hui » (27.1; aussi suivi de l’impératif au pl. en 6.17 et 11.22). L’objet de 30 l’observance de cette fête en tête de l’année est que le peuple se souvient de la sortie d’Egypte. L’oublie de cette grâce est la racine de l’ingratitude, l’idolâtrie de l’âme. Christ est « notre Pâques » ; en tant qu’anneau immolé, il a délivré son peuple de la pénalité et de la puissance du péché (cf. Jn 13.1 ; 1Co 5.5-7). La fête des semaines La fête des semaines (16.9-12) ponctue la fin de la récolte des céréales 7 semaines après son début. Elle est aussi qualifiée « fête de la moisson » (Ex 23.16). Le mot grec dans le NT pour la fête des semaines, «Pentecôte » veut dire « cinquantième. » Ce jour ainsi marque le commencement de l’observance au premier jour après le cycle des 49 jours précédant (cf. Ac 2), le cinquantième jour après la Pâques. La fête des semaines est une occasion où « Tu te réjouiras devant l’Eternel » (cf. 12.7 ; 16.13). Elle sert à rappeler « que tu as été esclave en Egypte. » C’est pourquoi l’accent est mis sur l’accueil de « ton esclave et la servante…le Lévite » qui n’ont pas de terres, aussi bien que « l’étranger, l’orphelin et la veuve. » La fête des tentes Les 7 jours de la fête des tentes (16.13-17), aussi appelée « la fête de la récolte » (Ex 23.16 ; 34.22) en fin d’année agricole, en septembre/octobre, met en avant le produits arboricoles, fruits et olives, ainsi que de la vigne. Tous les 7 ans la loi est lue à l’occasion de cette fête (31.9-13). Le fait que « tous les hommes » sont appelés à se présenter « devant l’Eternel » (v. 16) pour ces trois fêtes rappelle leur rôle de tête de la famille, représentant tous les membres. Ce rôle a comme fondement le ministère de médiateur du mari au sein de la famille. Le Christ médiateur est la tête de l’homme et le mari de la femme (1Co 11.3 ; Ep 5.23). Si leur présence aux fêtes de pèlerinage est facultative, les femmes et les enfants sont vivement encouragés à y assister. Ils sont mentionnés parmi ceux qui les célèbrent (v. 11, 14 ; 31.12). Pourtant, l’insistance sur cette responsabilité des hommes ouvre la voie pour la suite : les autorités dans la communauté. Institution des juges La fin du chapitre 16 sur l’institution des juges (v. 18-20) est en tête de l’établissement d’autres autorités : rois, prêtes et prophètes (ch. 17-18). Ce groupe développe le cinquième commandement : « Honore ton père et ta mère » (5.16). Les autorités établies répondent à la question de Moïse posée au premier chapitre : « Comment pourrais-je porter, à moi tout seul, votre charge, votre fardeau et vos contestations? » (1.12) Comme sera indiqué, ce ne sont pas les pouvoirs séparés, ni divisés en branches judiciaire, exécutive et législative bien que chacun aura une sphère de responsabilité propre à lui. La loi est divine. Sa source est Dieu. Les autorités sont établies par Dieu lui-même à tel point qu’un juge peut être qualifié « dieu » (’elohim, Ex 22.28 ; Dt 1.17 ; 16.18 ; 2Ch 19.6 ; Ps 82.6 ; Jn 10.34-35). Elles le représentent sur terre et assurent que sa volonté soit faite sur terre comme au ciel. Les juges (de shophet) et les magistrats (de shoter ; voir Nombres, l’introduction, paternité littéraire), les «sages » (de hakam), exercent leur responsabilités au niveau de la tribu (shebet). L’appel à l’impartialité, au refus de pots-de-vin et au respect de la justice soulignent le caractère judiciaire de leurs responsabilités. Le siège de ces autorités civiles, c’est la « porte » 31 (sha‘ar) de la ville (p. ex., 17.2, 5, 8 ; Am 5.10 ; Rt 4.11). C’est une ville importante car si elle a une porte elle est aussi entourée d’une enceinte fortifiée. Avertissement contre l’idolâtrie En effet les juges et magistrats auront à trancher des cas dans le domaine de la religion, comme illustre ce cas de figure (16.21-17.7). L’emphase ici est sur la manière de procéder dans un cas de quelqu’un soupçonné de l’idolâtrie : investigation, procès, déposition des témoins, 2 à 3 requis, car c’est un crime passable à la peine de mort, l’exécution de la sentence, la lapidation (v. 4-7). L’idolâtrie est qualifiée d’«acte abominable » (to‘ebah) qui appelle cette peine suivie de l’expression : «Tu extirperas ainsi le mal du milieu de vous.» Le verbe « extirper » (piel de ba‘ar) dans un contexte d’élevage veut dire « brouter » (Ex 22.4; Es 5.5), c’est-à-dire « raser » de la surface de la terre. Il n’y a pas de sacrifice pour purger une abomination et seule la mort de l’auteur peut freiner la propagation de la souillure du sanctuaire. Encart «Tu extirperas ainsi le mal du milieu de vous» L’expression «Tu extirperas ainsi le mal du milieu de vous» revient 7 fois en Deutéronome comme phase résumant la finalité de l’exécution de la peine de mort. Les actes ou les personnes concernés sont : le faux prophète (13.6 acte qualifié « révolte » sarar) ; l’idolâtrie (17.7) ; le faux témoignage relatif à un « crime » (sarah, cf.19.16, 19) passable à la peine de mort ; le fils rebelle (21.21) ; la fille qui se marie et on découvre qu’elle n’est pas vierge (22.21) ; la femme fiancée et un homme qui ont des rapports sexuels ( 22.24) ; kidnapper en vue rendre ou vendre la personne en esclavage (24.7). Il a deux occurrences de la tournure « Tu extirperas ainsi le mal du milieu d’Israël.» Il s’agit de la punition de mort pour, d’abord, le juge qui refuse d’appliquer la décision des prêtres aux qui les magistrats se sont tournés pour avoir leur verdict (17.12), puis, l’adultère d’un homme et d’une femme mariée (22.22). Fin Obéissance aux autorités Si les juges ou les magistrats (16.18-20) ne peuvent pas juger un cas car trop difficile, ils l’amènent aux prêtres qui rempliront dans ce cas le rôle de juge (17.8-9). C’est la cours suprême. Ceci montre, comme en 17.2-7, qu’en réalité, la distinction entre loi civile et religieuse n’existe pas. En 17.2-7, les juges et les magistrats décident un cas concernant l’apostasie. Ici en 17.8-13, les prêtres prennent la relève du cas judiciaire que les juges et magistrats ont commencé. Les prêtres disent aux juges et magistrats leur verdict. Si l’un de ces derniers n’exécute pas la décision, sa punition est sévère. De nouveau se trouve l’expression signalant la finalité de la peine de mort : « Tu extirperas ainsi le mal du milieu d’Israël» (v. 12). Se tourner aux prêtres peut signifier qu’il n’y a pas de jurisprudence que juge peut appliquer ; les prêtres doivent attendre la parole de Dieu pour décider. Dans ce cas, ne pas appliquer la décision des prêtres constituerait le refus d’obéir à Dieu. C’est peut-être analogue à Moïse qui traite le cas difficiles que les magistrats n’ont pas pu juger (Ex 18.1321 ; Dt 1.18), c’est-à-dire les cas où il n’y avait pas de précédence juridique. Chaque fois la décision lui a été donnée par l’Eternel (cf. Lv 24.10-23 ; Nb 9.1-14 ; 15.32-36 ; 27.1-11 ; 36.1-10). 32 Règles relatives à la royauté Toujours dans le sillage du cinquième commandement, l’autorité suprême appartient au roi qui un jour règnera sur Israël (17.14-20). Ce fait est présenté d’abord comme la réalisation du souhait du peuple d’être, à cet égard, comme les autres nations (cf. 1S 8.5). Puis l’ordre est donné : « 2tu établiras à ta tête le roi que l'Eternel, ton Dieu, choisira…» (v. 15). L’Eternel peut accorder le souhait exprimé dans la prière (roi) sans pour autant répondre au besoin réel le motivant (cf. 1S 8.6-9). Le désir du peuple d’être en paix et en sécurité ne se réalisera pas par les finesses politiques et militaires d’un roi. Contrairement au désir du peuple, ce roi choisi par l’Eternel ne doit pas se fier à sa puissance militaire, ni à ses alliances politiques au moyen des mariages diplomatiques avec les femmes étrangères, ni à ses richesses (v. 16-17). Ces trois choses tacheront irrémédiablement le règne de Salomon (1R 3.1 ; 10.14-23, 26-29 ; 11.3-8) et déclencheront la division du royaume après sa mort (1R 12.4s). La royauté en Israël et en Juda ne s’avérera glorieux. Des 19 rois du royaume du nord, aucun d’eux ne sera bon. Des 20 rois du royaume du sud, seuls 8 vont suivre la loi de l’Eternel. En total, sur le plan spirituel, plus de trois quarts des rois seront mauvais. L’histoire du peuple sera fracassée par les guerres, mêmes civiles. Les deux royaumes finiront par être vaincus par les nations et le peuple exilé. En revanche, le roi choisi par l’Eternel doit se caractériser par son attachement profond à la loi divine (v. 18-20). Il fera pour lui-même une copie de la loi qu’il aura avec lui, la lira et la mettre en pratique (v. 18-19). Le rôle que ce roi et ses descendants joueront pour l’avancement du royaume de Dieu ne doit pas être sous-estimé. Ce choix du roi est basé sur ses projets salvifiques de l’Eternel. Il a promis à Abraham et à Sara que des rois seraient issus d’eux (Gn 17.6, 16). La loi deutéronomique sur la royauté en est le prolongement de cette promise et anticipe la réalisation. Le Messie sera issu de la lignée de David, celui choisi, par qui Dieu sauvera son peuple de son plus grand ennemi, le péché (Mt 1.17, 21), et lui accordera la paix de la réconciliation avec Dieu (Rm 5.1, 11). Les droits des Lévites et des prêtres Le chapitre 18 met en avant les autorités spirituelles : prêtres et Lévites (v. 1-8) et prophètes (v. 9-22). Pour les premiers, il est question de leurs droits, c’est-à-dire les portions des sacrifices qui leur reviennent surtout en vue de leur service au lieu que l’Eternel choisira (cf. 14.27, 29 ; Nb 18.8-20, 21-29). Le souci suscitant cette loi est de nouveau répété : « Ils n'auront pas d'héritage au milieu de leurs frères » (v. 2a). Deux privilèges des prêtres et des Lévites sont soulignés : «C’est l'Eternel qui sera leur héritage» (v. 2b) et « En effet, c'est lui que l'Eternel, ton Dieu, a choisi entre toutes tes tribus pour faire toujours le service » (v. 5). Ceux qui exercent leur ministère ailleurs peuvent venir à l’endroit choisi pour y servir (v. 6-8). Ils sont choisis (bahar, v. 5), comme le lieu central (p. ex. 12.5), le roi (17.15) et Israël luimême (voir 7.6 et l’encart sur l’élection). Les prophètes et non la divination Tout comme la royauté, l’instar de l’office prophétique est attribué à la demande du peuple (18.16-17 ; cf. 17.14). Il avait peur au Sinaï et ne voulait plus entendre directement la 33 voix de l’Eternel (Ex 20.19). Alors il a entendu cette voix par le truchement de Moïse. Selon la promesse deutéronomique il y aura une succession prophétique : « Je ferai surgir pour eux, du milieu de leurs frères, un prophète comme toi. Je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai » (v. 18). Ce ministère, comme le sacerdoce, devient permanant et se réalise pleinement en Christ (Ac 3.22-24 ; 7.37 ; cf. Jn 1.21). Entendre la voix de l’Eternel est ce qui distingue Israël de toutes les autres nations qui ont recours à la sorcellerie, à l’astrologie, à la divination, à la magie et à la consultation des morts, « horreurs » et « pratiques abominables », raisons pour lesquelles elles seront chassées du pays (v. 9-14 ; cf. Lv 18.24-30 ; 20.23). Il n’y a pas de sang des sacrifices pour purger ces genres d’impureté. Il faut donc débarrasser le pays des auteurs afin de limiter la pollution de l’impureté. Un faux prophète est celui qui «a l’arrogance de dire » au nom de l’Eternel une parole qu’il n’a pas ordonné, ou parle au nom d’autres dieux (v. 20). Dans les deux cas de figure, la peine de mort est préconisée. Le problème qui se pose par cette juxtaposition du vrai et du faux prophète, qui tous deux prétendent parler au nom de l’Eternel, est exprimé dans la question : « Comment reconnaîtrons-nous la parole que l'Eternel n'aura pas dite? » (V. 21b) La réponse : cette une parole « qui n’aura pas lieu, et n’arrivera pas » (v. 22a). Cette réponse ne s’adresse qu’à un énoncé prophétique se rapportant à l’avenir proche. Comment appliquer ce test de tournesol si la prophétie concerne quelque chose très lointaine et la réalisation dépasserait la durée de la vie de la génération qui l’entend ? De surcroit, selon Deutéronome 13, même si les paroles d’un prophète se réalisent ne garantie pas que ces paroles soient inspirées de l’Eternel car ce prophète incite le peuple à suivre d’autres dieux (v. 1-5). Entre la réponse négative – paroles qui ne se réalisent pas – et la réponse positive – celles qui se réalisent –, seule la première peut au moins clairement toucher du doigt le faux prophète. D’autres tests sont implicites : un vrai prophète n’incitera pas le peuple à suivre d’autres dieux ; ce qu’il dit, si une prédiction, aura lieu. Les villes de refuge Comme indiqué avant, le but des villes de refuge, 6 des 48 villes lévitiques, est de protéger la vie d’un auteur d’homicide du vengeur de sang : 1) dans l’immédiat, jusqu’à ce que son innocence, déjà présumée, soit déterminée, et 2) à long terme, après son acquittement (19.113 ; cf. 4.41-43 ; Ex 21.12-13 ; Nb 35.9-28 voir le commentaire; Jos 20). Ces villes ont trait au sixième commandement relatif au meurtre (517). La loi deutéronomique ne le précise pas, mais si c’est un homicide involontaire, l’auteur doit, pour sauver sa vie du vengeur du sang, rester dans la ville de refuge jusqu’à la mort du grand-prêtre. Le décès de ce dernier devient substitutionnel car sa vie est une rançon pour l’auteur qui est libre de rentrer chez lui. Si c’est un cas d’homicide prémédité, l’auteur sera livré au vengeur du sang qui le mettra à mort. Il y a question ici d’établir 3 des 6 villes de refuge ; les trois autres seront ajoutées quand l’Eternel élargira les frontières comme promises aux pères (v. 8). Les noms des trois à l’ouest du Jourdain sont : Kédesh en Galilée dans le territoire de Nephthali, Sichem d’Ephraïm et Hébron de Juda. A l’autre côté du fleuve : Beter dans la tribu de Ruben, Ramoth en Galaad de Gad, et Golan en Basan dans le territoire de Manassé (4.43 ; Jos 20.7-8). Cette distribution est équitable : Ephraïm et Manassé sont les petits-fils de Rachel, fils son aîné Joseph et 34 Nephthali est le fils de sa servante à elle, Bilha. Ruben, l’aîné, et Juda sont les fils de Léa et Gad est le fils de sa servante à elle, Zilpa. Encart La peine capitale Selon la loi, en Israël, la peine capitale est imposée pour les actes suivants : apostasie (Lv 20.2) ; inceste (Lv 20.11-14) ; homosexualité (Lv 20.13) ; bestialité (Ex 22.18 ; Lv 20.15-16) ; divination (Ex 22.17 ; Lv 20.27) ; blasphème (Lv 24.14) ; homicide volontaire (Gn 9.6 ; Ex 21.12 ; Lv 24.17 ; Nb 35.16-21 ; Dt 19.11-13) ; violation du jour du repos (Nb 15.35-36) ; fils rebelle (Lv 20.9 ; Dt 21.21 ; cf. Ex 21.15, 17) ; adultère (Lv 20.10 ; Dt 22.21) ; vol de quelque chose vouée à l’interdit (Jos 7.25). fin Respect des limites et nécessité de témoins L’interdiction de reculer les bornes de la propriété d’un autre afin de se l’approprier (19.14), est placée avant le principe juridique : « Un seul témoin ne suffira pas contre un homme pour constater un crime ou un péché, quel qu'il soit; un fait ne pourra être établi que sur la déposition de 2 ou de 3 témoins » (19.15). Ceci laisse suggérer que celui-ci va avec le cas qui suit et non avec celui des bornes. Il n’y a pas normalement de témoins d’un déplacement des bornes d’où cette interdiction isolée. En revanche, l’accusation suivante, appelant si coupable la peine capitale, le suppose. « Lorsqu'un faux témoin se dressera contre quelqu'un pour l'accuser d'un crime » (19.16). Le premier témoin est déjà un « faux témoin » ou, témoin « violent » (hamas). L’accusation du « crime » (sarah) en question est l’incitation à l’apostasie qui est passable à la peine de mort (13.6). Ce cas a déjà été trop difficile pour les juges seuls. C’est pourquoi le plaintif et l’accusé sont « devant les prêtres et les juges » (cf. 17.8-9). Si l’accusation s’avère fausse alors la loi du talion est appliquée à celui qui a accusé : «Alors vous le traiterez comme il avait l’intention de traiter son frère. Tu extirperas ainsi le mal du milieu de toi » (v. 19). Les exemptions du service militaire Les autorités, les « officiers » (shoterim), peuvent dispenser, dans certains cas, ceux qui doivent normalement faire, le cas échéant, la guerre (20.1-9). Ce ne sont pas les autorités militaires (voir Nombres, Introduction, paternité du livre, shoterim). Ceux-ci ont accès aux données dans le domaine des affaires civiles dont certaines touchent aux droits des exemptions du service militaire : construction d’une maison neuve ; plantation d’une nouvelle vigne (impliquant l’acquisition d’une nouvelle terre) ; jeune marié (changement d’état civil). Un autre facteur y ajouté est la prise en considération du caractère peureux de quelqu’un qui en décourageant les autres soldats, mettrait leur vie en danger (cf. Jg 7.2-3). Ces officiers ont aussi la responsabilité de désigner les « chefs » (sarim) des troupes, ou littéralement les chefs des « armées » (tsebao’ot). Règles pour la conquête de villes Cette section du chapitre 20 est inclue dans l’encart : «Vouer à l’interdit les nations de Canaan» (voir Dt. 7 ci-dessus). Pour résumer ces règles concernant la conquête, Israël doit proposer la paix aux villes qu’il attaque (v. 10). Cette règle générale est mieux comprise comme s’appliquant à toutes les villes quelque soit leur localisation. Proposer la 35 « paix » (shalom) signifie préciser les conditions de non agression militaire ou les termes de reddition. L’implémentation de cette politique, « faire la paix » (hiphil de shalam) veut dire « faire soumettre à ces conditions, » voire la sujétion de la ville (Jos 10.1, 4 ; 11.19). Quant aux villes qui capitulent, la population est astreinte à la corvée d’esclavage (v. 11). En revanche les villes qui n’acceptent pas la paix ont un sort différent. Elles sont considérées hostiles. Si la ville est dans un pays loin de la terre promise, les peuples en question ne font pas partis de ceux habitant le pays donné « pour héritage » (v. 16). Les femmes, les enfants, les bétails et le butin sont à Israël tandis que les hommes ne sont pas laissés en vie. Si la ville hostile est dans la terre promise, la population doit être « exterminée, » c’est-à-dire vouée à l’interdiction (v. 17, de haram). Pour mettre en œuvre cette loi de herem, un nombre de sanctions sont appliqués. En termes cultuel et culturel, c’est l’abstention ou l’interdiction de la part d’Israël de pratiquer les rites avec ces peuples et de ne pas se marier avec eux (Dt 7.3-5). Au niveau des biens matériaux, c’est la destruction des lieux de culte (7.6) et la dépossession (Nb 21.32 ; 33.52-53 ; Dt 6.9 ; 9.3). Selon la loi coutumière proche orientale et aussi israélite, le nom d’une personne dépossédée de ses terres disparait parmi son peuple (Nb 27.4; Dt 25/6 ; Rt 4.10). Meurtres dont les auteurs sont inconnus Cette loi concerne un homme trouvé mort dans un champ (21.1-9) présumé d’avoir été assassiné dont l’auteur est inconnu (v. 1). L’objet de la loi est le rachat du sang innocent au moyen rituel (v. 8-9). Pour cette raison les prêtres sont concernés ; mais ils font aussi parti du corps juridique en matière (v. 5). Les anciens de la ville la plus proche du cadavre doivent prendre une génisse jamais utilisée pour labourer et briser la nuque dans « un torrent qui n’arrête jamais de couler » qui se trouve dans une région où il n’y a « ni culture ni semence » (v. 4). En principe un « torrent » (nahal) est intermittent et tari tandis qu’un « fleuve » (nahar) est le seul qui à de l’eau en permanence. De ce dernier, le seul en Israël est le Jourdain. La question concerne plutôt le mot traduit « qui ne s’arrête jamais de couler » (’etan). En Psaume 74.15 ce mot et employé avec « fleuves.» Le nom du septième mois (septembre/octobre) est « Etanim » (pl. du mot en question, 1R 8.2). C’est la période de l’année à partir de laquelle que les précipitations arrivent et l’eau ne coule que dans le Jourdain (voir Dt 11 et l’encart « Saisons de pluies»). Or quel issu trouver ? Si la loi avait le mot « fleuve » ceci signifierait que ce rite ne pouvait se faire que dans le Jourdain. Sauf au sud du lac de Galilée, celui-ci est difficilement accessible et loin de presque toutes les villes. En plus le courent du Jourdain est rapide et dangereux. Effectivement, dans son contexte géographique et temporel, cette expression préconiserait, semble-t-il, que ce rite doit attendre la saison de pluie pendant laquelle il y a de l’eau dans les oueds, en principe en hiver. Il y a pas mal d’oueds des deux côtés du Jourdain et la plupart, surtout à l’ouest du fleuve et au versant ouest du massif central. Ceux-ci se trouvent dans les régions très peuplées. Les anciens déclarent leur propre innocence et qu’ils ne sont pas témoins du meurtre. Ils demandent à l’Eternel le pardon et qu’il ne charge pas Israël, le peuple racheté, de ce sang innocent (v. 8-9). Ce n’est pas un sacrifice car la victime n’est pas brûlée. Les anciens et non 36 les prêtres exécutent le rite. Le fait qu’il n’y a pas de manipulation du sang exclut la mort expiatoire de la génisse. En revanche, sa vie est la rançon qui fait « disparaître » ou « extirper » (bi‘er) le « sang innocent » (v. 9). Ce rite enlève la culpabilité du meurtre en absence de la vie ôtée (« sang ») de l’auteur. Encart Sang et vie Au sens propre, le sang et la vie sont inséparables : « le sang, c’est la vie » (Gn 9.4-6 ; Lv 17.14 ; Dt 12.23 ; cf. Mt 16.17). En dehors du cas du sang comme siège de la vie, la Bible ne s’occupe guère que du sang visible, celui qui coule, par exemple, le sang d’un blessé (2S 20.12 ; 1R 18.28 ; Pr 30.33), d’un accouchement (Ez 16.6, 22) ou des règles d’une femme (Lv 15.19). Mais normalement il s’agit de l’écoulement du sang conduisant à la mort. Au sens figuré, le sang fait référence, le plus souvent, à la prise violente d’une vie (Gn 4.10 ; Dt 19.13 ; Ha 2.8, 17 ; Mt 23.30, 35 ; Hé 9.22 ; Ap 6.10). Répandre ou verser le sang veut dire prendre la vie (Gn 9.6 ; Dt 21.7 ; Ps 9.13 ; Es 59.7). Le mot sang peut se référer à un procès de meurtre conduisant à la peine capitale (Lv 19.16 .; Dt 17.8 ; 2 Ch 19.10). Sang peut signifier aussi la responsabilité pour la perte d’une vie (Ex 22.2-3 ; Lv 20.9 ; Dt 22.8 ; Ps 51.16 ; Mt 27.24-25). Fin Règles pour la tenue de la famille Les chapitres 21 à 23 contiennent des lois qui développent, mais pas exclusivement, le septième commandement : « Tu ne commettras pas d’adultère » (5.18). Cette première section comporte trois règles sur : 1) le mariage avec une esclave prisonnière de guerre (21.10-14) ; 2) les droits du premier-né d’une femme qui n’est pas aimée (v. 15-17) ; 3) le fils rebelle (v. 1821). L’esclave prisonnière de guerre devenue femme de son capteur est protégée par la loi contre l’abandonne et l’abus dans le cas où elle ne plait plus son maître-mari. Deux choses sont stipulées : 1) « tu la laisseras aller où elle voudra » (v. 14a). « Laisser aller » est le verbe factitif « faire renvoyer » ou « divorcer » (piel de shalah, cf. 22.19, 29 ; 24.1, 3 ; Jr 3.1 ; Ml 2.16). Cette jurisprudence vue en ce sens se traduirait : « tu la divorceras si elle le veut » (lenaphshah). Elle a le choix. Selon son choix elle peut rester ou partir divorcée. Elle peut choisir ce dernier surtout pour sa propre protection contre l’abus. 2) Elle ne peut pas être vendue comme une esclave. Une femme étrangère, captive, esclave, ayant été mariée et maintenant divorcée, ne doit pas être brisée davantage. Il n’y a plus de rang social plus bas où elle peut descendre. La raison pour laquelle l’homme doit respecter ces consignes est : « tu l’as humiliée » (piel au passé de ‘anah). « Humilier » dans un contexte des droits matrimoniaux veut dire bafouer les droits conjugaux d’un conjoint (voir la discussion sur 22.29). C’est le verbe utilisé pour décrire le sort d’une femme quand un homme la force d’avoir les rapports sexuels avec lui (Gn 34.2 ; Dt 22.24, 29 ; Jg 19.24 ; 20.5 ; 2S 13.12, 14, 22, 32 ; Lm 5.11 ; Ez 22.10-11). « Humiliée » en quel sens ? Violée, elle n’est plus vierge et donc ne peut pas être mariée. Si elle a déjà été la femme d’un autre, ses chances de remariage sont maigres. Dans les deux cas, sans mari une femme n’aura pas d’enfants. Elle vivra comme une veuve sans enfant pour toute sa vie. C’est donc pourquoi cette femme-prisonnière a le droit de choisir de rester avec son mari. Son cas à elle serait similaire à celui envisagé en Exode : dans le cas où le mari 37 d’une servante-femme se marie avec une autre femme, il doit toujours s’occuper de sa première femme (Ex 21.10-11 ; voir le commentaire). La loi concernant les droits du premier-né d’une femme qui n’est pas aimée remonte aussi à cette idée d’humiliation. Le mari ne peut pas bafouer les droits de cette femme matriarche et de son fils héritier légitime parce qu’il a une autre femme qu’il aime qui a aussi un fils. Ce fils de la femme aimée n’héritera pas aux dépens du fils aîné. La loi précise que ce fils de la femme pas aimée recevra une double portion (v. 15-17). Cette loi va à l’encontre de la pratique de Jacob. Léa, qu’il n’aimait pas, a eu ses droits de matriarche supplantés par Rachel qui son mari aimait. De plus, en ce qui concerne le droit d’héritage, Jacob a donné sa bénédiction à Ephraïm et à Manassé, fils de Joseph qui à travers eux a reçu une double portion aux dépens de ses frères aînés de Léa. Léa se voyait humiliée (Gn 29.32). En effet, dans le récit de Léa et cette loi deutéronomique le verbe traduit « ne pas être aimé » c’est le verbe « être haïe » (de sane’). « Aimer » et « haïr » sont les antipodes au niveau du comportement dans un rapport d’alliance. Ces verbes expriment l’attachement ou l’inverse à ses conditions. La troisième règle concerne le sort d’un fils rebelle : la lapidation (v. 18-21 ; cf. Ex 21.15, 17 ; Dt 5.16 ; 27.16). Son comportement est explicité de cinq manières par le père et la mère constituant deux témoins : «‘Voici notre fils qui est désobéissant et rebelle, qui ne nous écoute pas et qui se livre à des excès et à l'ivrognerie’ » (v. 20). Ces qualificatifs montrent que ses parents le considèrent incorrigible. Les « anciens » jouant un rôle judiciaire décident le cas « à la porte » de la ville (v. 19 ; 22.15 ; 25.7-8 ; cf. 19.12 ; 21.3) et les « hommes » exécutent la sentence (v. 21). Instructions diverses A la fin du chapitre 21 se trouve une loi concernant un homme pendu « à une potence, » traduction qui laisser suggérer que la victime était empalée (v. 22-23). Si oui, elle aurait été exécutée avant. Pourtant le texte peut être traduit « pendu à un arbre » (‘ets). « Arbre » est le premier sens de ce mot et « bois » le deuxième. Dans ce cas la peine serait la pendaison après exécution comme avertissement. L’objet de la loi se rapporte à la manière de traiter le cadavre. Il ne faut pas le laisser pendu pendant la nuit ; il faut l’enterrer le jour même (cf. Jos 8.29 ; 10.26-27). La souillure occasionnée par le contact avec un mort fait l’objet des lois rituelles (p. ex. Lv 22.8 ; Nb 5.2). Un cadavre laissé exposé pendant la nuit serait dévoré par une bête sauvage ou des oiseaux de proie (cf. Gn 15.11 ; 40.19 ; 2S 21.10). Le cadavre et les animaux rendus impurs en le dévorant contamineraient tout ce qu’ils toucheraient. Mais la première raison donnée pour l’impureté est la suivante : « car celui qui est pendu est maudit de Dieu. » Il était l’auteur d’un crime passable à la peine de mort, la malédiction, et rendu impur moralement par son acte. Cette impureté ne peut pas être purgée. L’extirpation de l’auteur est le seul remède. Ce verset deutéronomique est cité dans le NT en rapport avec l’œuvre de Christ sur la croix : « Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi en devenant malédiction pour nous, puisqu’il est écrit: ‘Tout homme pendu au bois est maudit’» (Ga 3.13). Les instructions diverses au chapitre 22 ont trait pour la plupart au septième et au huitième commandement : « Tu ne commettras pas d’adultère » et « tu ne commettras pas de vol. » Ce 38 dernier est amplifié par la loi sur un animal trouvé en train d’errer (22.1-2). A son tour le principe tiré de cette situation est appliqué à tout bien perdu et trouvé par un autre: animal errant ou chose perdue, il faut le restituer à son propriétaire (v. 3). Même si un animal d’un frère tombe, il faut l’aider à le relever (v. 4). Ceci est la mise en pratique de la loi lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (19.18). La sexualité est dominante parmi les diverses lois suivantes: pour un homme, porter des vêtements d’une femme, et vise versa, est interdit (v. 5). Il s’agit du travestissement qualifié « horreur » (to‘evah, voir l’encart « Abomination » ci-dessous et en Lv 18). C’est un mélange morale pour lequel il n’y a pas de sacrifice et en conséquence pas de sang pour le purger. Le principe d’interdiction des mélanges s’applique également aux semences diverses, aux animaux différents attelés ensemble, aux divers fils tissés pour fabriquer un habit (v. 9-11 ; cf. Lv 19.19 ; voir l’encart « Mélanges » Lv ?). Encart Abomination Le mot « abomination » (to‘evah) qui revient fréquemment en Deutéronome. Qualifiées ainsi sont les choses ou les pratiques suivantes : -Rites idolâtres (Dt 7.25-26 ; 12.31 ; 13.14(15) ; 17.4 ; 27.15 ; 32.16) -Animaux impurs (Dt 14.3) -Animal avec un défaut sacrifié (Dt 17.1) -Divination, astrologie, magie, spiritisme (Dt 18.9, 12) -Homosexualité-travestissement (Dt 22.5) -Prostitution sacrée (Dt 23.19 ; cf. 2R 14.24) -Remariage avec l’ancienne femme divorcée de son second mari (Dt 24.4) -Mesure injuste (Dt 25.16) fin Le neuvième commandement « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain » (5.20) se joint au septième du décalogue dans la loi concernant un homme qui, pour porter atteinte à sa réputation, accuse sa femme de ne pas avoir été vierge car maintenant il la déteste (v. 13-21). Si la preuve contraire gardée depuis le mariage de leur fille est fournie par ses parents, l’homme est puni, doit payer une amende versée aux parents de sa femme et ne peut jamais la divorcer (v. 18-19). L’amende de 100 pièces d’argent est dissuasive car c’est deux fois la somme de la dot mentionnée en 22.29. La preuve de la virginité aux noces, ou qu’elle n’était pas déjà enceinte, est un drap taché de sang dû en partie à la rupture de l’hymen. D’autres cas dans ce groupe se rapportant au septième commandement comprennent: l’adultère entre un homme et une femme mariée (v. 22 ; cf 5.18) ainsi qu’entre un homme et une femme vierge fiancée (v. 23-24). Une fille « fiancée » est déjà qualifié « femme » de quelqu’un (v. 24). Dans les deux cas de figures c’est la peine de mort pour les deux sexes, sauf si ce dernier ne se produit pas dans une ville mais dans un champ ; cette distinction suppose que la femme va résister au viol et crier mais, en plein aire, personne ne l’entendra qui peut la secourir (v. 25-27). Elle est quitte mais l’homme est mis à mort. Quant à l’adultère, cet acte rend impurs les partenaires ainsi que le lit (Lv 18.20 ; Hé 13.4). Dans 39 l’Eglise, l’excommunication de l’adultère non repenti se substitue à la peine de mort (1Co 5.2). La peine de mort ne s’applique non plus dans le cas d’un rapport sexuel entre un homme et une jeune fille vierge non fiancée. Du fait que la femme n’est pas mariée ou fiancée ce n’est pas traité comme l’adultère. L’homme aura à payer une somme importante au père, à prendre la fille comme femme sans jamais pouvoir la divorcer (v. 28-29 ; cf. Ex 22.16-17). Une autre interdiction dans cette section concerne l’inceste : un fils avec la femme de son père (23.1 ; cf. Lv 18.6-18 pour l’extension de cette loi à tous les parents les plus proches par le sang). La défense qualifiant cet acte sexuel « ne pas soulever la couverture (kanaph) de son père » (v. 1 ; 27.20) rappelle l’acte osé de Ruth, la Moabite. A l’aire de battage, couchée aux « pieds » de Boaz, elle lui demande de la couvrir en étendant le pan de son « manteau » (kanaph) sur elle (3.9) signifiant la prendre en mariage, union établie par le rapport sexuel. Cas d’exclusion de l’assemblée La mutilation des organes génitaux exclut un homme d’entrer dans de l’assemblée (23.2 ; cf. Ga 5.12). La raison en est, peut-être, que cet acte le stérilise et permet les actes orgiaques sans souci de transmettre une maladie sexuelle par le sperme ou de féconder un partenaire. Une autre exclusion comprend un homme issu d’une union illicite (v. 3). L’exclusion peut s’étendre à la dixième génération, comme dans le cas des Ammonites et des Moabites (v. 4). L’expression hébraïque traduite « pour toujours » (‘ad ‘olam) précise que la durée de l’exclusion est indéterminée. L’exemple de Ruth montre que par la foi dans les promesses faites à Abraham et à ses descendants un Moabite peut surmonter cette exclusion et faire partie de l’assemblée d’adorateurs de l’Eternel. Comme explication pour cette exclusion, les origines incestueuses de ces deux peuples ne sont pas évoquées (Gn 19.36-38) ; l’incitation à l’idolâtrie à Baal Péor non plus (Nb 25). Mais le silence surtout sur ce deuxième incident est bayant. La raison évoquée est que les Ammonites et les Edomites ont refusé aux Israélites de l’aide alimentaire et ont fait appel à Balaam pour les maudire (v. 5-6). Ceci pose problème. Plus tôt il est dit que les Moabites (et les Edomites) ont accédé à la demande des Israélites (2.28-29) et que ces derniers n’ont pas approché le territoire des Ammonites (2.37). La solution semble être que seulement une des deux raisons données ne s’applique qu’à un de ces deux peuples. Ainsi, ce serait les Ammonites qui n’ont pas fourni la nourriture quand les Israélites ont été à leur frontière (2.19) et les Moabites qui ont engagé Balaam (Nb 22.4-5). En revanche, les Edomites et les Egyptiens pourront entrer dans l’assemblée à la troisième génération. Israël ne doit pas avoir « en horreur » ou « considérer comme abominable » (ta‘ab). Deux raisons sont données. En premier lieu, Edom est un « frère.» Esaü, l’ancêtre des Edomites, est le frère jumeau de Jacob. En deuxième lieu, Israël a séjourné en Egypte en tant qu’«étranger » (v. 8-9), ceci pendant 4 siècles. Au départ Israël a été bien accueilli. Même si ces deux peuples sont les ennemies d’Israël, y a donc ces liens particuliers à respecter. L’expression de l’exclusion « à la troisième génération » est aussi un signe de grâce ; seront inclus à l’avenir dans l’assemblée de vrais adorateurs de l’Eternel ceux qui se montrent maintenant hostiles au peuple d’Israël (cf. Nb 20.14-21 ; Dt 32.43a ; Es 19.25). 40 Règles liées à la pureté Le mot qui relie les deux premières lois sur la pureté est « camp » (23.10-20). Il faut se purifier après « une souillure nocturne » (v. 11 ; cf. Lv 15.16-17) dans un camp militaire et recouvrir les « excréments » en dehors de ce camp, car c’est un lieu « saint » et l’Eternel «marche au milieu [du] camp » (v. 15). Il marche au milieu du camp au moyen d’un prêtre, le lieutenant de l’Eternel, présent avec les soldats (cf. 20.2 ; Nb 31.6 et le commentaire sur Lv 26.12). Les prêtres aussi portent l’arche devant les troupes (Nb 10.35) ou au milieu d’elles (Jos 6.13). Ce souci de pureté est élargi par l’interdiction relative à la prostitution (v. 18-19), qui souille irrémédiablement le pays car c’est « en horreur » à l’Eternel ou « une abomination » (v. 19, to‘ebah). Les prostituées se seraient approchées des campements militaires. En revanche, il est clair que les prostitués mâles et femelles en question (v. 18) sont liés aux rites sexuels au temple, et non pas aux rites de fécondité sur les collines et dans les champs, car l’accomplissement d’un « vœu » nécessite un sacrifice (cf. p. ex., Lv 7.16) qui, ici, ne peut pas être apportée « dans la maison de l’Eternel » car il est qualifié « le salaire d’une prostituée ou le prix d’un chien » (v. 10). La « maison de l’Eternel » revient deux autres fois dans le Pentateuque (Ex 23.19 ; 34.26). Ces trois occurrences dans le Pentateuque ne laissent pas encore supposer le temple de Salomon (cf. Jos 6.24 ; Jg 19.18 ; 1S 1.24 à Silo; 1R 6.1 à Jérusalem). Les prostitués associés au temple sont mentionnés en 2 Rois 23.7 (cf. Os 4.14 ; Mi 1.7). Le mot « chien » dans cette loi deutéronomique peut se référer à la prostitution homosexuelle. Il semble que le Psaume 22.17 emploie ce mot en ce sens « homosexuel. » Bien que ce verset ne soit pas cité dans le NT, le Psaume est messiaque. D’autres versets sont cités comme s’étant réalisés en les événements qui ont eu lieu à la crucifixion de Jésus (Ps 22.7-8, 18 ; Mt 27.35, 39, 43 ; Mc 15.24, 29 ; Lc 23.34 ; Jn 19.23-24). Ainsi les « chiens » qui environnaient le Messie auraient fixé leurs yeux sur lui cloué probablement totalement nu à la crois. Le mot « vœu » sert de tremplin pour la suite. Les vœux L’insistance ici n’est pas sur les vœux en soi mais sur l’importance, si l’on fait un vœu, de l’accomplir. Si non, c’est un péché. En revanche, ne pas faire un vœu ne l’est pas (23.22-24). Un vœu est toujours volontaire. Loi sur le divorce Cette loi sur le divorce, hormis celle concernant une femme prisonnière de guerre (21.10-14 ; voir le commentaire), est la seule dans l’AT. Celle-ci défend le remariage d’une divorcée avec son ex-mari après qu’elle soit divorcée par un second mari ou que celui-ci meurt (24.1-4a). La raison évoquée pour le premier divorce est que le mari a trouve en elle « quelque chose de honteux», littéralement « nudité d’une affaire» (‘ervat dabar, v. 1a). Cette expression se rapport à l’immoralité. « Nudité » au sens restreint peut se référer aux organes génitaux (mâle Gn 9.22-23 ; Dt 23.14 ; femelle Ez 16.37), mais ici signifie un rapport sexuel constituant l’adultère (Lv 18.6-18 ; 20.11, 17, 20-21 ; Ez 22.10 ; 23.29 ; Os 2.10). C’est en ce sens que Jésus explique la portée de cette loi (Mt 5.31-32 ; 19.9). D’autres sens sont proposés car la femme se marie de nouveau et n’est donc pas mise à mort, la sentence pour l’adultère selon la 41 loi (22.22). Dans ce cas il manque les deux ou trois témoins nécessaires pour une telle conviction. Le mari remet à la femme une « lettre de divorce » (v. 1b, sepher kritut de karat, litt. « lettre de coupure» ; cf. Es 50.1 ; Jr 3.8) et la renvoie chez elle, c’est-à-dire chez son père ou ses parents. Cette exigence en soi protège la femme des accusations arbitraires de la part du mari. En rendant cette lettre et renvoyant sa femme chez ses parents à elle, il se renonce a la dot. La seule raison donnée pour l’interdiction de remariage avec son premier mari est qu’elle s’est « rendue impure », ceci par son immoralité et conséquemment par son second mariage. Dans ce cas remariage avec son premier mari serait « une pratique abominable » (v. 4b, to‘ebah). L’adultère est un péché qualifié « à main levée, » à savoir, au défi à la loi en toute connaissance de cause. Il n’y a pas de sacrifice pour ce genre de péché qui souille le propitiatoire. Seule la repentance et la confession peut la ramener au grade du péché inférieur, qui peut être expié ou purifié (cf. Lv 5.5, le commentaire et l’encart « Confession en Lévitique »). Ceci n’est pas préconisé pour une « abomination » sanctionnée par l’exclusion du milieu du peuple (la sanction de karat « être coupé »). Bien qu’ailleurs dans l’Ecriture le divorce est reconnu comme un fait, même juridiquement, (p. ex., Lv 21.7, 14 ; 22.13 ; Nb 30.9 ; Mt 19.7), ce n’est pas pour autant approuvé (Ml 2.16 ; 1Co 7.15). Jésus fond la permanence du mariage sur le mandat créationnel (Mt 19.4-5 ; citant Gn 1.27 ; 2.24). Sur cette base il va jusqu’à dire : « Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni » (19.6). Lors ce que les Pharisiens voulaient savoir pourquoi Moïse stipule qu’une lettre de divorce doit être donnée à la femme, il répond : «C'est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de divorcer de vos femmes; au commencement, ce n’était pas le cas » (Mt 19.8). Paul appuie ce principe et l’applique au mariage des conjoints croyants (1Co 7.10-11 ; cf. v. 39) et à celui des conjoints croyant et non croyant (1Co 7.1216). Ordonnances diverses Dans les collections de lois classifiées « diverses » (24.5s ; cf. 21.22s) ce qui les unit est leur aspect humanitaire, ou éthique, typiquement deutéronomique. Elles ont en vue le secours des nécessiteux et des désavantageux aux niveaux social et économique, notamment les esclaves (étrangers), les servants et les servantes (les deux israélites), les orphelins et les veuves. Le motif qui résume beaucoup d’entre elles est le suivant : «Tu te souviendras que tu as été esclave en Égypte » (5.5 ; 15.15 ; 16.12 ; 24.18, 22). Ce genre de loi humanitaire s’étend également au respect de la flore et de la faune. La plupart de ces ordonnances est regroupée dans l’encart ci-dessous : Encart Lois humanitaires deutéronomiques Repos le septième jour pour tous, y compris les esclaves (étrangers), les servantes (israélites) et les bêtes (5.14) ; Périodes de fêtes et les dîmes aussi pour les esclaves (étrangers), les servants, les servantes (les deux israélites), les orphelins et les veuves (12.12, 18-19 ; 14.28-29 ; 16.11, 14) ; « Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère » (14.21c) ; 42 Lois de relâches de servitude attachées à la remise des dettes (15.1-18) ; Cadeaux pour ceux renvoyés après 6 ans de service (15.14) ; Arbres fruitiers (20.19-20) ; Aide accordée aux animaux domestiques qui errent ou tombent (22.1, 4) ; Nid d’oiseau avec des petits ou des œufs et la mère (22.6-7) ; Balustrade autour du toit d’une maison (22.8) ; Attelage des bêtes pour labourage (22.10) ; Esclave (étranger) qui se refuge chez un Israélite (23.16-17) ; Glanage avec la main dans une vigne ou un champ (23.25-26) ; Jeune marié exempté un an du service militaire (24.5 ; cf. 20.7 fiancé) ; Prise en gage des pierres de meule interdite (24.6) ; Chose prise en gage est le choix du débiteur et non du créancier (24.10-11) ; Remise avant le coucher du soleil du vêtement-couverture prise en gage d’un pauvre (24.1213 ; cf. v. 17b ; Ex 22.25-26) ; Salaire versé aux pauvres avant le coucher du soleil (24.14-15 ; cf. Ml 3.5 ; Jc 5.4) ; Aliments laissés dans les champs, sur les arbres et les vignes pour les pauvres (24.19-22) ; Coups donnés à un coupable limités à 40 (25.3 ; cf. 2Co 11.24) ; « Tu ne mettras pas de muselière au bœuf quand il foulera le grain. » (25.4 ; cf. 1Co 9.9-10 ; 1Ti 5.17-18) ; Faux et juste poids dans le commerce (25.13-16). Fin La descendance d’un frère mort Le souci vis-à-vis de la transmission des terres de la famille au premier-né est derrière la loi du « lévirat » traduisant en latin le mot « beau-frère » précisément « celui qui [beau-frère] prend en charge la veuve de son frère » (yabam, « beau-frère » uniquement ici 25.5, 7). Le nom féminin correspondant est « la veuve [belle-sœur] du frère du mari défunt » (yebamah, seulement en v. 5, 7 et Rt 1.15). Le verbe s’explique « remplir les obligations du beau-frère vis-à-vis de sa belle-sœur veuve» (piel yibbem, se trouvant en v. 5, 7 et Gn 38.8). En hébreu dans la littérature rabbinique cette coutume est qualifiée de yibbum. Cette pratique est reflétée en Genèse 38 dans l’histoire de la veuve Tamar et est au cœur de l’histoire de la veuve Ruth. La loi s’applique dans un cas où il n’y a pas d’héritier laissé par le frère défunt. Alors le beaufrère doit s’unir avec sa belle-sœur afin qu’elle puisse mettre au monde un fils qui succédera au frère décédé. Si non, le nom du mort sera effacé d’Israël (v. 6 ; cf. Nb 27.4 ; Rt 4.10), signifiant que son nom ne figurera plus dans un registre de propriété. L’héritage passerait à un autre, un proche en principe le plus proche, mais peut passer en dehors de la famille. En plus la perte de la propriété mettrait la veuve dans une situation périlleuse. Certes, cette 43 coutume pourvoit aux besoins de la veuve. Mais avoir un fils n’est que le moyen de parvenir au but de la loi : garder les terres dans la famille. L’autre partie de cette loi traite le cas où le beau-frère refuse d’épouser la veuve de son frère (v. 7-10). Aucune raison n’est indiquée dans cette loi pour ce refus qui est aussi reflété en Genèse 38 (v. 8-9) et en Ruth. En Ruth la raison évoquée est qu’en se mariant avec elle le proche détruirait son héritage (4.6). Comment il détruirait son héritage n’est pas clair non plus. Si ce proche de Ruth est célibataire, être père d’un fils né à elle pourrait diminuer l’héritage d’un fils né à sa femme future, car l’autre fils serait l’aîné. Quoi qu’il en soi, de telles considérations personnelles ne sont pas l’intérêt de cette loi deutéronomique. C’est l’établissement de la procédure juridique justement pour décourager formellement ce genre du refus : la veuve en présence des anciens enlève la sandale de son beau-frère et crache dans son visage (v. 9). Cette pratique a lieu à la porte de la ville, c’est-à-dire à une ville fortifiée, grande et importante (v. 7). Le haut niveau de cette instance juridique montre que la question de succession est une affaire qui dépasse la famille. Il concerne le clan et éventuellement la tribu (cf. Nb 27.4 ; 36.3). Pourquoi enlever la sandale ? Marcher sur une terre, sans doute chaussé, est la manière d’établir les droits de la jouissance d’une propriétaire et d’attester l’accord de transfère de ce bien à un autre (1R 21.16-18 ; cf. Gn 13.17 et commentaire). Dans ce contexte, le geste d’enlever une sandale indiquerait l’inverse. Ce beau-frère ne voulait pas « bâtir la famille de son frère » (v. 9), c'est-à-dire faire en sorte que les terres restent dans la famille de son frère. La famille entière de celui qui refuse portera le dénigrement : « la famille du déchaussé » (v. 10). Vu la honte partagée résultant de refus d’agir en conformité avec cette loi, la pression sera considérable sur un beau-frère concerné. En même temps cette pratique vis-à-vis de la sandale ouvre la voie publiquement au passage du droit du lévirat à un autre proche (cf. Rt 4.7). Encart Famille fin Jugement futur d’Amalek Ce peuple, Amalek, descendant d’Esaü (Gn 38.12, 16), a commis les atrocités lors du passage des Israélites aux alentours de leurs territoire (Ex 17.8-15 ; voir le commentaire sur ce 44 passage). Cette exhortation, encadrée par « Souviens-toi » et « Ne l’oublie pas » (Dt 25.17, 19), sert à rappeler la nouvelle génération de ce qui est arrivé à leurs frères, sœurs aînés, parents et grands-parents aux mains des Amalécites il y a quarante ans ainsi que de son devoir d’exécuter le jugement prononcé par l’Eternel sur lui (Ex 17.14 ; Nb 24.20). Premières récoltes Ce rappel concerne le don pour les prêtres consistant des premières récoltes (26.1-14 ; cf. Ex 23.19 ; Lv 2.12 ; 23.10 ; Nb 15.20-21 ; 18.12 ; Dt 18.4). Il anticipe deux choses : 1) le dévoilement du lieu unique du culte (v. 2) et 2) l’installation dans la terre jurée aux pères (v. 3). Ceci souligne la fidélité des engagements d’alliance de l’Eternel se rapportant à celle établie au Sinaï et à son prédécesseur, celle conclue avec Abraham. Les deux alliances se conjuguent dans cette terre comme lieu où l’Eternel sera adoré. Dès le début, l’alliance abrahamique scelle la promesse relative à la terre donnée en héritage comme lieu où habiterait sa descendance divinement bénie (Gn 12.1-3, 7 ; 15.18). Cette promesse remonte à il y à presque sept siècles auparavant ; ils comprennent les 215 ans des pères en Canaan avant la descente en Egypte, les 430 ans de séjour en Egypte (Ex 12.42) et les 40 ans passés dans le désert. Mentionner de nouveau les premières récoltes fournit l’occasion d’aussi rappeler au peuple la grande délivrance de l’Egypte (v. 6-8). Cette rédemption de l’esclavage a aussi en vue le don de la terre promise comme réitéré de la manière suivante : « J'ai dit: Je vous ferai monter de l'Egypte, où vous souffrez, dans le pays des Cananéens, des Hittites, des Amoréens, des Phéréziens, des Héviens et des Jébusiens, un pays où coulent le lait et le miel’» (Ex 3.17). La loi deutéronomique sur les premières récoltes est donnée dans cet encadrement. Elle est mise en pratique accompagnée d’une confession de foi prononcée lors de la présentation de ces récoltes qui soulignent ces bienfaits : Lorsque tu seras entré dans le pays que l'Eternel, ton Dieu, te donne en héritage, lorsque tu le posséderas et y seras installé, tu prendras les premiers de tous les produits que tu retireras du sol dans le pays que l'Eternel, ton Dieu, te donne» (26.1-2a)…. tu iras à l'endroit que l'Eternel, ton Dieu, choisira pour y faire résider son nom. Tu te présenteras au prêtre alors en fonction et tu lui diras: ‘Je déclare aujourd'hui à l'Eternel, ton Dieu, que je suis entré dans le pays que l'Eternel a juré à nos ancêtres de nous donner.’ » (v. 2b-3a)…. Alors l'Eternel nous a fait sortir d'Egypte avec puissance et force… Il nous a conduits ici et il nous a donné ce pays. 45 Maintenant, voici que j'apporte les premiers produits du sol que tu m'as donné, Eternel! (v. 8a, 9a, 10). Etre héritier de l’alliance d’où découle le salut doit motiver Israël de fidèlement mettre en pratique cette loi en réjouissant avec le Lévite et l’étranger pour ces biens alimentaires (v. 11). Le début de la confession de foi « mon ancêtre était un Araméen nomade » (v. 5) laissent supposer les origines mésopotamiennes septentrionales d’Abraham. Pourtant la Genèse dit, qu’après avoir été appelé, il est sorti de la Mésopotamie du sud, d’Ur en Chaldée (11.31). Cette référence à Aram relève plutôt du fait que la mère de Jacob, Rébecca, était araméenne (Gn 24.10 ; 25.20, 26). Ses femmes, Rachel et Léa, sont issues de cette même famille araméenne (28.5 ; 29.16, 28) au sein de laquelle Jacob a habité aussi pendant au mois vingt ans (31.41-42). Tous ses fils sauf Benjamin sont nés là-bas. En ce sens que tous les ancêtres du peuple d’Israël, à partir de Jacob, sont araméens. Encart L’alliance et la triple promesse faite aux pères en Exode à Deutéronome La filière de la promesse scellée par l'alliance conclue avec Abraham dans la Genèse (12.1-3 ; 15) se trouve à travers le reste du Pentateuque aboutissant en Deutéronome : Alliance abrahamique - Ex 2.24; 6.4, 8; 13.5, 11; Lv 26.44s; Dt 1.8, 35; 4.31; 6.10,18, 23; 7.8, 12; 8.1, 18; 9.5, 26-29;10.11;11.9, 21; 26.3, 15; 28.9s; 29.9-12; 30.20; 31.7, 20-23; 34.4 ; 1) Pays - Ex 3.7-10.17; 6.4, 8;12.25;13.5, 11; 32.13; 33.1-2; Lv 14.13; 20.22, 24; 23.10; 25.2; Nb 10.29;13.1;14.7s.16.22s, 30s;15.2, 18; 34.2.; Dt 1.8, 20, 25, 35.39; 4.37; 5.28, 31; 6.3, 10, 18, 23; 7.12s; 8.1; 9.5, 26-29;10.11;11.9, 21;15.4;19.8; 26.3, 5, 15; 27.3; 28.9s; 30.16; 30.20; 31.7, 20s, 23; 34.4 ; 2) Postérité - Ex 1.1-7; Nb 14.12; Dt 1.9s; 6.3; 7.12s; 8.1;10.15, 22;13.17;15.6; 26.5; 28.62; 30.16; 3) Présence divine garantissant les bénédictions - Lv 26.3-13; Nb 14.12; Dt 28.1-14 ; mais aussi les malédictions - Lv 26.14-38; Dt 28.15-68. Fin Les dîmes de la troisième année Tous les trois ans, en plus de la dîme annuelle (cf. 14.22 ; Lv 27.30), le peuple aura à faire un prélèvement de la dixième afin de la donner aux Lévites, à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve dans la ville où il habite (26.12 ; cf. 14.28-29). La dîme de tous les ans est portée au sanctuaire central (14.23). Cette dîme aussi sert à lui rappeler de la 46 bonté de l’Eternel qui découle de l’alliance car le pays d’où viennent les produits offerts est celui « où coulent le lait et le miel » juré aux ancêtres (v. 15 ; sur cette expression voir Ex 3.8 et l’encart «Pays où coulent ‘le lait et le miel’»). BENEDICTIONS ET MALEDICTIONS 27.16-30.20 Cette section résume, sous forme de bénédictions et de malédictions, les bienfaits et les jugements attachés au rapport établi entre l’Eternel et son peuple élu pour le respect ou le non respect respectivement de la part du bénéficiaire, Israël, des stipulations d’alliance (cf. Lv 26 et l’encart « Bénédictions et malédictions »). La loi au mont Ebal La manière dont cette loi est transmise et l’exhortation concernant son mise en œuvre prochaine sont mises en relief au départ : « 3Moïse et les anciens d'Israël donnèrent cet ordre au peuple: «Respectez tous les commandements que je vous prescris aujourd'hui. Une fois passé le Jourdain pour entrer dans le pays que l'Eternel, ton Dieu, te donne… » (27.1-2a). Il y a deux lois. La première concerne la construction sur le mont Ebal d’un autel de pierres brutes enduites de chaux sur lesquelles sont écrites les paroles de la loi (v. 2-10). La chaux fera ressortir les caractères inscris. Du fait que cet autel sera le lieu de sacrifices et de festivités laisse suggérer que c’est, bien que dans une durée très courte, le premier endroit dans la terre promise choisi par l’Eternel faire résider son nom (v. 6-7). Le second ordre prescrit la manière dont les malédictions et les bénédictions vont être transmises (v. 11-14). Les bénédictions seront récitées du mont Garizim par six tribus et les malédictions du mont Ebal par les six autres (v. 12-13 ; cf. 11.29). Ces deux monts se lèvent au sud et au nord respectivement de la vallée-amphithéâtre hébergeant Sichem. Le toponyme « Sichem » (shekem) veut dire « épaulement » et ainsi reflète sa position topographique épaulant deux monts : Garizim est de 868 mètres de haut et Ebal 937 mètres. La ville de Sichem se situe dans le territoire de Manassé ; elle n’est pas loin de la frontière d’Ephraïm. Cette localisation établie de nouveau la suprématie au nord du massif central des tribus issues de Joseph. Ce choix rappelle la bénédiction de Jacob sur les deux fils de Joseph pour que ce dernier reçoive en tant que premier-né de Rachel un double héritage (Gn 48). Le nom « Joseph » figure parmi les six tribus qui prononceront les bénédictions (v. 12) tandis qu’au sens strict il n’y a pas de tribu de ce nom. Ainsi son nom regroupe les deux tribus issues de ses fils (cf. 33.13 ; Ap 7.8). En revanche, la tribu de Ruben figure parmi celles qui prononceront les malédictions (v. 13). Ruben, fils aîné légitime de Jacob né à Léa, a été déshérité du fait qu’il a déshonoré son père (Gn 35.22-23). Entourée des monts Ebal et Garizim, Sichem est l’havre où Abram s’est arrêté en premier une fois entré en Canaan (Gn 12.6). Dès son retour de la Mésopotamie, Jacob et sa famille s’y sont installés (Gn 33.18-20). Le puits qu’il a creusé est celui duquel Jésus va demander la femme samaritaine de puiser pour lui donner à boire (Jn 4.5-7). Le choix plus tard de Silo en Ephraïm comme le premier lieu choisi pour la demeure de l’Eternel et la centralisation du culte souligne d’avantage la réalisation de cette bénédiction prononcée par Jacob (cf. Jos 18.1). Les malédictions sont prononcées sur les actes comme : idolâtrie, mépris des parents, déplacement des bornes, mal traitement des désavantageux issus des classes défavorisées, inceste, bestialité, acceptation d’un pot de vin pour cacher la vérité dans un procès pour un crime passable à la peine de mort (v. 15-26). La manière dont les malédictions se réalisent est précisée au chapitre 28.15-68. En augment en sévérité, elles comprennent : maladie, sécheresse, récoltes ratées, peste, disette, défaite aux mains des ennemis, servitude en exil. La liste est prolongée au chapitre 29.15-27. En revanche, les bénédictions, en termes de leur manifestation, comportent l’inverse : croissance du nombre des enfants, des bêtes et des moissons, victoire sur les ennemies, récoltes amples. C’est le fruit de l’obéissance aux stipulations d’alliance (28.1-14). 3 47 Mais en réalité, obéir et vivre nécessitent la repentance («si tu reviens [shub] à l’Eternel, » 30.2) et la « circoncision du cœur, » c’est-à-dire la régénération, la nouvelle naissance, ou la naissance d’en haut, pour pouvoir vivre selon la volonté de l’Eternel. La repentance n’est pas possible sans la régénération: « l’Eternel, ton Dieu, circoncira ton cœur...» et en conséquence « tu aimeras l’Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme, et tu vivras (30.6 ; cf. 10.16). Aimer Dieu, obéir à ses commandements, requièrent un cœur circoncis, un cœur nouveau. Comme ce verset précise, c’est l’œuvre de Dieu, précisément, selon le NT, de son Esprit (Rm 2.29 ; Ph 3.3 ; Tit 3.5) au moyen de sa parole (1Pi 1.23). La formulation « l’Eternel…circoncira ton cœur et celui de ta descendance » remonte à la promesse faite à Abraham lors de l’institution de la circoncision comme signe de l’alliance : « J'établirai mon alliance entre moi et toi, ainsi que tes descendants après toi, au fil des générations: ce sera une alliance perpétuelle en vertu de laquelle je serai ton Dieu et celui de ta descendance après toi » (Gn 17.7, 9-10). Pierre se sert de ce langage pour encourager ses compatriotes de croire en Jésus mort et ressuscité selon l’Ecriture : « la promesse est pour vous et pour vos enfants » (Ac 2.39). De tout temps, Dieu œuvre dans le cœur ainsi le peuple est confronté au choix, comme Moïse l’exhorte: «…j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie afin de vivre, toi et ta descendance » (30.19). Les bénédictions et les malédictions d’alliance sont d’abord prononcées à la fin du livre du Lévitique après l’établissement du sacerdoce et des lois rituelles y rattachées. Maintenant en Deutéronome, à la fin du trajet du peuple avant de traverser le Jourdain, celles-ci marquent de la même manière de caractère d’alliance non seulement du livre mais aussi du Pentateuque entier (27.15-28.68 ; voir le commentaire sur Lv 26). Renouvellement de l’alliance Le chapitre 29 marque le début du troisième discours de Moïse, ainsi que ses ultimes exhortations (29.1-30.20). Le renouvellement est nécessaire car celle conclue à Horeb (Sinaï) a été établie avec la génération de l’exode. La génération sur les plaines de Moab, en face du Jourdain à l’autre côté de Jéricho, constitue celle qui entrera en Canaan après 40 ans d’errance dans le désert (28.69). Cette alliance a comme objet : «…de faire aujourd'hui de toi son peuple et d'être lui-même ton Dieu, comme il te l'a dit et comme il l'a juré à tes ancêtres Abraham, Isaac et Jacob » (29.12). Ce renouvellement ne concerne seulement « vous seuls… présents aujourd’hui » mais aussi «…ceux qui ne sont pas ici parmi nous aujourd’hui» (v. 1314). L’alliance à Horeb était aussi pour cette génération (5.2-3). Un grand nombre parmi les Israélites sur les plaines de Moab n’était même pas né à cette époque. Seuls en vie sont ceux qui avaient moins de 20 ans au moment où le jugement est tombé sur la génération qui a révolté contre l’Eternel en refusant d’entrer dans la terre promise. Tous ceux en dessus de 20 ans sont tombés dans le désert (Nb 14.29). Néanmoins les parents ayant le cœur circoncis peuvent avoir la confiance, selon les promesses, que leurs enfants, même pas encore nés, sont inclus dans l’alliance. La stipulation vis-à-vis de la circoncision des fils nouveaux nés le suppose (voir le commentaire sur Gn 17 et l’encart « Circoncision et baptême »). Les « choses cachées » qui sont, dans ce contexte, pour l’Eternel seul comprennent les choses concernant l’avenir d’Israël, y compris l’exil (29.27 ; 30.3). Les « choses révélées » pour le peuple de Dieu sont celles qui sont écrites, l’Ecriture, les « paroles de cette loi » qui peut être mise en pratique (v. 28). Dans un sens plus large Dieu se révèle par sa parole, mais la parole ne dit pas tout de ce qu’il est et fait. Il aurait pu dévoiler beaucoup plus. En revanche, ce qui est révélé est suffisant pour le connaître véritablement et pour vivre une vie qui lui plaît, comme Pierre le dit : Sa divine puissance nous a donné tout ce qui est nécessaire à la vie et à la piété en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa [propre] gloire et par sa force. Celles-ci nous assurent les plus grandes et les plus précieuses promesses. Ainsi, grâce à elles, vous pouvez fuir la corruption qui existe dans le monde par la convoitise et devenir participants de la nature divine (2Pi 1.3-4). Les choses révélées sont toutes dont le peuple a besoin pour vivre de manière à ce qu’il soit béni et ne tombe pas sous les choses cachées du jugement divin. 48 DERNIERES PAROLES DE MOISE 31.16-34.12 Une fois les malédictions, les bénédictions et les exhortations à l’obéissance proclamées, vu son départ imminent, Moïse va préparer la suite. Il transmettra des responsabilités à Josué, annoncera prophétiquement le futur du peuple d’Israël et prononcera les bénédictions sur les 12 tribus. Transmission des responsabilités à Josué Moïse à 120 ans et sais qu’il ne peut pas traverser le Joudain avec le peuple (31.2). L’humilité de Moïse se voit encore une fois. Il se sert de lui-même, de sa faute à Meriba, pour instruire et avertir le peuple (cf. Nb 20.2-12 ;1.37 ; 3.27 ; 4.21-22. 32.50-51). Il s’adresse à « tout Israël » (v.1), c’est-à-dire aux dirigeants du peuple, puis à Josué (v. 7). Celui-ci est déjà désigné et consacré en vue de ses nouvelles responsablilités (Nb 17.12-23), surtout en qualité de chef militaire : « Josué marchera aussi devant toi… » (v. 3). Au sujet du pays juré aux pères des Israélites, Moïse lui dit: « c’est toi qui les mettras en possession » (v. 7b). Les paroles de Moïse concernent la conquête et mettent l’accent sur la présence de l’Eternel qui « livrera » (de shamad) à Israël les nations et les « détruira » (litt. « dépossédéra» yarash, v. 3). L’exemple est déjà fournit, Sihon et Og, les rois amoréens qu’il a « détruits » (de shamad, v. 4 ; cf. 2.24-3.11). C’est pourquoi il ne doit pas être effrayé mais, au contraire, être fortifié et courageux. L’Eternel va marcher devant le peuple dirigé par Josué (v. 3, 8). Il le fera au moyen des prêtres qui porteront l’arche (cf. Lv 26.12 et le commentaire ; Nb 10.33-36 ; Jos 6.2-7). Appel à lire régulièrement la loi Jusqu’ici Moïse est le médiateur entre l’Eternel et son peuple surtout en termes de la transmission de la parole. Une fois la parole mise par écrit elle est remise aux prêtres (31.9). Après son départ, la parole que Moïse a transmise d’abord oralement puis par écrit doit être lue publiquement à l’endroit qui l’Eternel choisira tous les sept ans lors de la fête des tentes (v. 10 ; cf. 16.13-15; Né 8). Toute la famille, homme, femme et enfants, l’entendra ainsi que l’étranger qui habite dans leur ville (v. 12). La fête des tentes annuelle ne réquièrt que l’assistance des hommes (16.16). C’est par ce grand rassemblement tous les sept ans que les enfants, marqués par ce pelerinage, apprendront à craindre l’Eternel (v. 13). Annonce de l’infidélité d’Israël Le sujet de l’infidélité future d’Israël n’est pas introduit ici pour la première fois (29.14s) . Les deux chapitres précédents, 29-30, l’annoncent déjà ainsi que la punition de l’exil. Cette annonce introduit « le cantique qui suit » (v. 19), le cantique de Moïse (ch. 32). Le peuple va violer et abandonner l’alliance en se prostituant aux dieux étrangers. Il en sera jugé (v. 1-17). Cantique de Moïse C’est le temps des adieux. Dans le chapitre qui précède le cantique (ch. 32), Moïse fait part aux Israélites de son départ imminent (31:29). Il prononce ses bénédictions ultimes sur les 49 douze tribus dans le chapitre qui suit le cantique. Le dernier chapitre du livre (34) est, en quelque sorte, le faire-part de décès de Moïse. Le cantique, enseigné au peuple lors des derniers jours de ce prophète, législateur et dirigeant, constitue donc ses dernières volontés. Ce cantique a joué un rôle primordial dans l’histoire de la révélation. Aucune portion de l’Ecriture de l’ancienne alliance, à l’exception des dix commandements, n’a autant influencé la rédaction et la mise en forme des livres de l’Ancien Testament que Deutéronome 32. Cette influence existe à maints égards. Il y a des rapports unissant le cantique aux prophètes antérieurs, c’est-à-dire aux livres historiques, de Josué à 2 Rois. Les liens sont plus étroitement tissés avec les écrits des prophètes postérieurs, d’Esaïe à Malachie. Ce rapport est percevable au niveau littéraire et théologique. Les mots, les groupes de mots, les expressions et les phrases entières tirés du cantique sont parsemés tout au long de ces écrits prophétiques. Les prophètes se sont servis de la forme littéraire de Deutéronome 32 comme modèle de leur prédication. Ils décrivent la bonté de Dieu envers ses enfants et dénoncent leur infidélité et leur ingratitude, surtout étant donné qu’ils sont l’objet de bienfaits particuliers de la part de Dieu. Cette accusation se trouve parfois sous forme de procès judiciaire, procès d’alliance (Es 1 ; Os 5 ; Mi 6 ; Jr 2). Le cantique, dans son contexte canonique, est à l’origine de cette forme (31.16, 19, 20, 21, 26, 28) dont voici les éléments constitutifs: 1) l’introduction indiquant les préliminaires du procès (vv. 1-4) composée d’un appel aux témoins (v. 1 ; cf. 4.26 ; 30.19 ; 31.28) et d’un rappel de la justice et du droit (v. 4); 2) l’exposition du cas et interrogatoire établissant le blâme du coupable (vv. 5-6); 3) le réquisitoire en termes historiques rappelant les bienfaits de la partie offensée, c’est-à-dire l’Eternel (vv. 7-14); 4) les infidélités de la partie accusée, c’est-à-dire Israël (vv. 15-18); 5) la déclaration formelle de culpabilité de l’accusé et la menace de châtiment de la part de l’offensé (vv. 19-27); 6) la mitigation (adoucissement) de la peine (vv. 28-43). Le cantique est aussi une esquisse de l’histoire du peuple d’Israël. Cette histoire se divise en quatre grandes parties: 1) la création et l’établissement d’Israël (vv. 4-14); 2) l’ingratitude et l’apostasie d’Israël (vv. 15-19); 3) la soumission du peuple à la puissance des nations (vv. 20-35); 4) la restauration d’Israël, châtié mais pas anéanti, et l’unanimité de toutes les nations dans la louange de l’Eternel, qui se révèle à la fois dans son jugement et dans sa miséricorde (vv. 36-43). Une des grandes particularités du cantique, sur le plan théologique, est son portrait de la personne et de l’œuvre de Dieu. Par exemple, au verset 4: «…Ce qu’il accomplit est parfait, car toutes ses voies sont justes. C'est un Dieu fidèle et dépourvu d’injustice, il est juste et droit.» Il est créateur et rédempteur (v. 15); il fait expiation pour son pays et son peuple (v. 43). Il y a également toute une panoplie de ses noms ou épithètes: Elohim (p. ex. v. 3); la 50 forme abrégée El (vv. 4 et 8) et une autre forme courte Eloah (v. 15). Ces trois noms hébreux sont traduits «Dieu». Il y a une seule occurrence du nom Elyon «le Très-Haut» (v. 8). Le nom se trouvant le plus souvent est Yahveh, nom par excellence du Dieu de l’alliance, traduit «Eternel» ou de préférence «Seigneur» (p. ex. vv. 3, 6, 9), comme le traduisent la version grecque de l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Il y a aussi des titres: le « Rocher » ou le « Rocher du salut » (tsur, v. 4, 15, 18, 30, 31). Le Rocher, selon l’apôtre Paul, c’est le Christ qui suivait le peuple dans le désert et qui était son breuvage spirituel (1Co 10.4). Moïse, en frappant ce Rocher deux fois au lieu de lui parler pour faire couler l’eau de vie, a nui à la préfiguration christologique; c’est la raison pour laquelle il n’a pas pu entrer dans la terre promise (Nb 20). Plus remarquable est le titre « Père » (v. 6). On pense souvent que la révélation de Dieu en tant que Père a ses racines dans le Nouveau Testament. Pourtant, en Deutéronome 32 se trouve la première de sept occurrences dans l’Ancien Testament, trois fois en Esaïe (63.16 bis; 64.8 «Eternel, tu es notre Père»), deux fois en Jérémie (3.4, 19) et une seule occurrence dans le Psaume 89.26. Dieu se révèle comme Père dans le contexte des débuts de la nation d’Israël: «N’est-il pas ton père, ton maître?» (V. 6) Le mot hébreu traduit «maître» est un mot particulier (qanâh) qui est employé dans l’autre cantique de Moïse pour parler de l’acquisition du peuple pour Dieu lors de l’exode d’Egypte (Ex 15.16). En Esaïe 11.11, l’usage de ce mot a en vue le rachat du reste, à savoir le second exode du peuple, cette fois des nations ennemies où il a été banni, que ce soit en Assyrie, en Egypte, en Babylonie ou ailleurs. Il va sans dire que la notion jumelle de paternité et de filialité est liée au titre «Père». Dans le même verset (v. 6), il est dit que ce Père a fait son peuple. Plus loin, c’est lui qui l’a donné naissance, l’a mis au monde (v. 18). Au verset 5, il est question de «ses fils» et, au verset 19, de «ses fils et ses filles». Mais l’idée de paternité et de filiation n’est pas la seule. La notion apparentée est celle d’héritage. En effet, l’usage du mot «Père» est dans un contexte plus large qui parle d’un héritage (p. ex., v. 8, 9 ; cf. v. 10-14). Au verset 7, le père paternel transmet sa connaissance spirituelle de génération en génération. Il s’agit de la transmission du patrimoine de la foi. Au verset 8 du cantique, il s’agit aussi d’un héritage territorial donné aux nations. Même le Père a un héritage, son peuple, Jacob (v. 9). Il y a également un héritage pour les enfants ou les fils du Père. C’est la terre promise (v. 10-14 ; cf. 1.38 ; 3.20 ; 32.49 ; Jos 11.3 ; Ps 78.55 ; 136.21 ; Ac 13.19). Entrer et vivre dans la terre promise nécessitait la foi, car l’objet ultime de l’entrée en Canaan n’était pas la conquête du territoire, mais la paix et la sécurité, qualifié «repos» dans l’Ancien Testament, résultant de la défaite par la puissance de l’Eternel de tous les ennemis entourant le peuple (3.20 ; 12.9-10 ; 25.19 ; Jos 1.13 ; 2S 7.1, 11. 1R 5.1). Il y a une portée spirituelle de cet héritage territorial. Par la foi, le peuple a compris que la vie en toute sécurité dans cette terre promise préfigurait, dans la patrie céleste, l’héritage éternel du repos du salut. Selon l’auteur de l’épître aux Hébreux, entrer en Canaan requérait la foi dans le même Evangile, la bonne nouvelle du repos de sabbat du salut, annoncée à ses 51 interlocuteurs (4.2). Entrer dans ce repos éternel sans œuvres était l’objet ultime, l’héritage spirituel préfiguré par la terre promise. Dieu, qui s’est reposé de ses œuvres, a préparé un repos de sabbat pour son peuple qui doit se reposer de ses œuvres pour y entrer (4.6-10). L’héritage sur lequel la foi des patriarches et des Israélites s’est fixé n’était ni visible ni tangible pour deux raisons: 1) il était céleste et non pas terrestre; 2) il était futur et non pas présent. L’auteur de l’épître aux Hébreux dit: «C'est dans la foi qu'ils sont tous morts, sans avoir reçu les biens promis, mais ils les ont vus et salués de loin, et ils ont reconnu qu'ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre. Ceux qui parlent ainsi montrent qu'ils cherchent une patrie» (11.13-14). Plus loin il dit: «Mais en réalité, ils désirent une meilleure patrie, c'est-àdire la patrie céleste» (v. 16). Malgré ce bien territorial et spirituel hérité, ses fils se sont levés contre le Père (Dt 32.5-6). Israël est devenu «gras», c’est-à-dire ingrat, insensible aux choses spirituelles (v. 15). Il a méprisé le Rocher de son salut (v. 15), ceci en se détournant de Dieu, en se tournant vers les « dieux étrangers », littéralement un «non-Dieu» (lo’ ’loah, v. 16-17 ; cf. 31.1). Comme tout père, Dieu ressent profondément ce mépris, ce rejet (v. 19a). Il est irrité par ses fils et filles (v. 19b). Il est en colère (v. 22). Par conséquent, il va les punir (vv. 20-27). Comment? Par « ce qui n’est pas un peuple, » littéralement un «non-peuple» (lo’ ‘am), une «nation sans intelligence» (v. 21c, d). Dieu s’est servi des nations étrangères comme instrument de châtiment, bâton d’instruction, pour corriger ses enfants. Comme le dit l’auteur de l’épître aux Hébreux, «En effet, le Seigneur corrige celui qu'il aime » (Hé 12.6a). Il poursuit en disant: «…c'est comme des fils que Dieu vous traite. Quel est le fils qu'un père ne corrige pas?… Dieu le fait pour notre bien, afin que nous participions à sa sainteté» (Hé 12 .7-10). L’irritation du Père envers son fils ne va pourtant pas durer indéfiniment, comme le montre le verset 36: «L’Eternel jugera son peuple; mais il aura pitié de ses serviteurs.» Il les délivrera de l’emprise des adversaires (vv. 27-35). Instrument du châtiment, la nation ennemie sera frappée par le même bâton dont elle s’est servie pour battre Israël. Si Dieu délivre son peuple de la servitude une seconde fois, il fera encore une chose inouïe. Les nations ennemies seront amenées à lui. Elles aussi seront l’objet de sa compassion et feront partie de son peuple adorateur : mot-à-mot « Réjouissez-vous, nations, son peuple » (v 46). Selon Esaïe, même l’Egypte et l’Assyrie, les adversaires les plus redoutables d’Israël, rendront un culte à l’Eternel et, avec Israël, seront une bénédiction par toute la terre (Es 19.23-24). Chez les prophètes, les menaces de jugement du peuple, livré aux mains des nations, sont suivies de messages d’espérance et de délivrance de ces mêmes ravisseurs. Dieu délivrera son peuple, en exil dans les pays étrangers, dispersé parmi les nations qui le tiennent captif. Il punira ces nations. Mais en subissant le châtiment divin, elles reconnaîtront leurs torts. Elles se tourneront vers le Seigneur. Voilà un résumé du message prophétique. 52 Or, l’influence du cantique de Moïse ne se limite pas aux livres de l’Ancien Testament. Jésus, lui-même, a cité le cantique en s’adressant à ces disciples incrédules: «Race perverse et retorse» (Mt 17.17 ; cf. 32.5). L’auteur de l’épître aux Hébreux s’est inspiré de cette source pour parler de la supériorité de Christ et de son droit de recevoir la louange: «Que tous les anges de Dieu se prosternent devant lui » (1.6). Or cette phrase, manquant dans le texte hébreu traditionnel, est tirée de la Septante, leçon appuyée par le texte hébreu du cantique trouvé à Qumran. Paul a puisé dans les paroles et dans l’enseignement du cantique pour parler, non seulement de l’infidélité d’Israël, mais aussi du rôle des nations dans l’évangélisation des Juifs et leur salut à venir: «Je provoquerai votre jalousie par ceux qui ne sont pas une nation, je provoquerai votre irritation par une nation sans intelligence » (Rm 10.19 ; cf. 11.11 et Dt 32.21). Les thèmes et les citations de Deutéronome 32 jalonnent les Ecritures jusqu’à l’Apocalypse. L’agencement de l’enseignement du cantique a fourni la charpente aussi de l’eschatologie biblique. Les persécuteurs de l’Eglise seront l’objet de la rétribution de Dieu; c’est pourquoi il ne faudrait pas se venger, car il est écrit: «A moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai.» (Rm 12.19 ; cf. Dt 32.35). C’est la même vengeance divine qui tombera sur les infidèles au sein de l’Eglise (Hé 10.30). Les vainqueurs de la bête de l’Apocalypse chanteront au ciel le cantique de Moïse (Ap 15.3). Dieu «a vengé ses serviteurs en redemandant leur sang» (Ap 19.2 ; cf. Dt 32.42). Les nations jadis ennemies finiront par célébrer le Dieu d’Israël dans l’Eglise: «Nations, réjouissez-vous avec son peuple.» (Rm 15.10 ; cf. Dt 32.43). D’où vient ce panorama eschatologique? Du cantique de Moïse. Au début du cantique, Moïse a exhorté le peuple en disant: «Que mes instructions se déversent comme la pluie, que ma parole tombe comme la rosée…» (V. 2). Après avoir prononcé toutes les paroles du cantique pour les faire entendre au peuple, Moïse a terminé en disant: « En effet, ce n'est pas une parole sans importance pour vous: c'est votre vie… » (32. 47a). Par les avertissements et les encouragements du cantique, Moïse met devant le peuple de Dieu de tout âge le choix entre le bien et le mal et, finalement, entre la vie et la mort (30.15, 19). Il le fait pour lui inciter à vivre selon sa volonté afin que sa vie soit caractérisée par l’épanouissement et non par le dépérissement. Il exhorte le peuple: «j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie afin de vivre, toi et ta descendance , en aimant l'Eternel, ton Dieu, en lui obéissant et en t'attachant à lui. Oui, c’est de lui que dépendent ta vie et sa durée…» (30.19-20 ; cf. 32.46-47). Encart Les derniers jours dans les premiers livres de l’Ecriture : un portrait du Messie dans le cadre littéraire du Pentateuque 1. Cadre du portrait 1.1 Genres littéraires et genres discursifs Trames narratives en prose Bénédictions en poésie Discours indirects narratifs Discours directs en vers 53 Epilogues prosaïques Discours indirects en prose Gn 1-48 Ex 1-Nb 22 Nb 26-Dt 31 Gn 49 Nb 23-24 Dt 32 malheurs Gn 50 Nb 24.25-25.18 Dt 32.44-52 Gn 1-Dt 31 Dt 32-33 Dt 34 1.2 « Coutures » littéraires Si l’on regarde de près les brefs textes qui se situent entre les récits et les poèmes on trouve une strate compositionnelle homogène. Ces coutures littéraires, unissant la prose et la poésie, se caractérisent par la récurrence de la même syntaxe, de la même terminologie et du même motif. Voir ci-dessous les textes et les traits communs : Gn 49.1 personnage central (Jacob), auditoire appelé (ses 12 fils) à l’impératif « rassemblezvous » et proclamation concernant l’avenir au mode cohortatif « pour que je vous annonce ce qui vous arrivera dans l’avenir » (ba’aharit hayyamim). Cf. le N.B. ci-dessous). Nb 24.14 personnage central (Balaam), auditoire appelé (Balak) à l’impératif « viens » et proclamation concernant l’avenir au mode cohortatif « pour que je t’annonce ce qui vous arrivera dans l’avenir » (ba’aharit hayyamim). Dt 31.28-29 personnage central (Moïse), auditoire appelé (anciens des 12 tribus) à l’impératif « rassemblez » et proclamation concernant l’avenir au mode cohortatif « pour que je leur dise…le malheur qui…arrivera dans l’avenir » (ba’aharit hayyamim). 2. Portrait encadré 2.1 Bénédictions prophétiques (malheurs en Dt 32). Les discours poétiques (Gn 49 ; Nb 23-24 ; Dt 3233) cousus aux trois trames narratives majeures (Gn 12-48 ; Ex 1-Nb 22 ; Nb 25-Dt 31) consistent en des bénédictions pour les Israélites. Elles sont prophétiques car elles annoncent ce qui arrivera dans l’avenir (cf. le N.B. ci-dessous). 2.2 Prophéties messianiques. Ces prophéties en forme de bénédictions poétiques sont aussi messianiques. Ces poèmes ont été interprétés de manière messianique dans les Targums (anciennes versions paraphrastiques en araméen), les commentaires rabbiniques et ceux les pères apologistes. Les auteurs du NT se sont également inspirés de ces images pour dépeindre le Christ : le Lion de la tribu de Juda (Gn 49.9 ; Ap 5.5 ; cf. Nb 23.24 ; 24.9) ; le Sceptre de Juda (Gn 49.10 ; Mt 2.5-6 ; cf. Nb 24.17 ; Hé 7.14 ; Ap 19.15) ; le Berger (Gn 49.24 ; Mt 2.6 ; Jn 10.10, 14 ; Hé 13.20 ; 1Pi 2.25 ; 5.4) ; la Pierre (’eben, Gn 49.24 ; 1Pi 2.4-8) ; l’Astre de Jacob (Nb 24.17 ; Ap 22.16 ; cf. Mt 2.2) ; l’Eau (Nb 24.7 ; Jn 7.37s ; 1Co 10.4) ; le Rocher (tsor, Dt 32.4, 15, 18, 31 ; cf. Ex 17.6 ; Nb 20.11 ; 1Co 10.4). Dt 32.43 est cité par Paul pour parler des nations unies à Israël en Christ « Nations, réjouissez-vous avec son peuple » (Rm 15.10). 2.3 Messie royal. Ces trois discours poétiques concernant l’avenir présentent les premières prophéties du Messie-roi qui vient de Juda, l’étendue universelle de son royaume (Israël et les nations) et sa victoire ultime sur ses ennemis et ceux de son peuple (Gn 49.10 ; Nb 24.7, 17 ; Dt 32.40-43 ; 33.7 ; cf. 1Co 15.25 ; Ap 19.11-20.15). N.B. « Ce qui arrivera dans l’avenir ». Dans ces textes en hébreu «dans l’avenir » se dit « derrière les jours » (ba’aharit hayyamim). Considérablement différente de la notion occidentale, c’est une vision 54 du temps qui se conjugue avec l’espace. D’abord, on s’oriente vers l’est et non vers le nord. Ainsi ce qui est devant est à l’est. Ce qui est derrière est à l’ouest. De surcroit, le nord est à gauche et le sud à droit. Or ce qui est devant c’est ce qu’on voit, et donc, en terme du temps, le passé, voire même l’antiquité. On l’a vu. Ce qui est derrière on ne voit pas. C’est l’avenir. On le verra. Fin Bénédiction de Moïse Avant son décès, Moïse va bénir les douze tribus (ch. 33) comme Jacob a béni ses douze fils au crépuscule de sa vie (Gn 49). Moïse est qualifié « l’homme de Dieu » (v. 1 ; cf. Ps 90 intitulé), la première occurrence de cette expression (cf. Jos 14.6). Ses bénédictions anticipent l’installation de chacune des tribus. Elles soulignent les traits qui vont les caractériser, les rapports entre elles, leurs rôles respectifs ainsi que la fertilité de la terre promise grâce à la bénédiction de l’Eternel sur le pays entier. L’assurance que ces promesses de bénédiction se réaliseront est que l’Eternel « a aimé les peuples…ses saints dans sa main » (v. 3). Ce verbe particulier traduit « aimer » (habab) ne se trouve qu’ici. C’est un terme qui souligne son affection pour son peuple. Dans la littérature qumrânienne, il y a l’expression parallèle « peuple du bien aimé » (hbyb, 4Q462, 11). Il a donné la loi, « héritage de l’assemblée de Jacob » (v. 4) et par l’intermédiaire des « chefs du peuple,» c’est-à-dire les « tribus d’Israël, » l’Eternel « était roi de Jeshurun » (v. 5). Ce nom poétique, « Jeshurun » (de yashar) signifiant « Juste » (yashar) exprime aussi sa tendresse pour son peuple sur qui il exerce son règne et se trouve ailleurs en Deutéronome 32.15 et 33.26 ainsi qu’Esaïe 44.2. La tribu de Ruben vient en tête et celle de Juda en deuxième lieu (v. 6-7 ; Gn 49.3 ; cf. Ap 7.5 où l’ordre être inversé). Ruben est l’aîné de tous les ancêtres tribaux, né à Léa et Jacob tandis que Juda est le quatrième fils de cette union (Gn 29.32-35). Comme la bénédiction prononcée par son père - « Le sceptre ne s'éloignera pas de Juda, ni le bâton souverain d'entre ses pieds » (Gn 49.10a) - celle émise par Moïse sur la tribu de Juda laisse supposer sa prééminence: «… ramène-le vers son peuple. Que ses mains soient puissantes et que tu le secoures contre ses ennemis!» (V. 7b). Ceci va se réaliser en la royauté davidide puis en sa descendance messianique. Juda abritera la capitale, Jérusalem et le temple, le lieu définitif que l’Eternel choisira. N’ayant pas de territoire tribal, le rôle des descendants de Lévi, issus d’Aaron et dispersés parmi les autres tribus, est mis en exergue : « Ils enseignent tes règles à Jacob et ta loi à Israël. Ils mettent l'encens sous tes narines et l'holocauste sur ton autel » (v. 10). C’est la tribu d’où sont issus les prêtres. Leur cahier de charges comporte deux taches primordiales : le ministère de la parole et des sacrements. Les tribus de Benjamin et Joseph, fils de Rachel et Jacob, suivent. Au sujet de Benjamin : «C'est le bien-aimé de l'Eternel, il habitera en sécurité auprès de lui. L'Eternel le couvrira toujours et résidera entre ses épaules» (v. 12). Ce terme « épaules » peut refléter la topographie du territoire de Benjamin central : le plateau qualifié par les géologues « le plateau selle » qui s’étand de Jérusalem, situé au sud à la frontière entre Benjamin et Juda, à Ramallah au nord. Cette tribu est localisée entre les puissantes tribus, Juda et Ephraïm, qui 55 deviendront les royaumes du sud et du nord respectivement. La route est-ouest de « BethHoron » (Jos 10.10-11 ; 1S13.18) traverse Benjamin reliant la plaine côtière et ses villes maritimes à l’oasis de Jéricho, puis de là aux routes de la Transjordanie. La route nord-sud qui relie les grandes villes du plateau du massif central de Hébron à Sichem l’entrecoupe. Tous ces facteurs géographiques ont fait de ce territoire le carrefour le plus chargé du pays entier. Samuel le prophète et dernier juge et Saül, le premier roi d’Israël, sont issus de cette tribu. La bénédiction sur les tribus de Joseph, Ephraïm et Manassé, soulève en termes poétique la bonté des régions où elles vont s’installer : «Son pays recevra de l'Eternel, en signe de bénédiction, le meilleur don du ciel, la rosée, la meilleure eau qui est en bas, les meilleurs fruits du soleil, les meilleurs fruits de chaque mois, les meilleurs produits des montagnes anciennes, les meilleurs produits des collines éternelles, les meilleurs produits de la terre et de ce qu'elle contient » (v. 13-16). Les territoires de Manassé s’étendent à l’est et à l’ouest du Jourdain. Ephraïm se situe entre Benjamin au sud et Manassé à sa frontière septentrionale. Elle est entre Jéricho dans la vallée du Jourdain à l’est et Jaffa au bord de la mer à l’ouest, en passant par les plaines et les vallées de la Shephelah ainsi que les riches coteaux et plateaux du massif central. Les tribus issues des servantes de Rachel et de Léa, Bilha et Zilpa, viennent en suite : Zabulon et Issacar sont situées dans la vallée de Jezréel et Aser et Nephthali occupent la basse et la haute Galilée occidentale et orientale respectivement. Aser est à l’ouest et longe la mer. Nephthali se trouve à l’intérieur ayant le Jourdain au nord du lac de Galilée comme frontière orientale naturelle. Gad est en Transjordanie avec la demi-tribu de Manassé et Ruben (Nb 32). « L’abondance de la mer et les trésors cachés dans le sable» fait partie de la bénédiction pour les tribus de Zabulon et d’Issacar, dont les pères ont été nés à Léa (v. 19 ; cf. Gn 30.18-19). Les peuples habitant la côte de la mer Méditerranée extrayaient les teintures très chères, pourpres et cramoisies ou rouge pourpre, de plusieurs variétés de crustacés et de coquillages (murex). La région au nord d’Acco sur la côté a été appelée « Phénicie » nom apparenté au mot grec « pourpre » ou « cramoisie » (phoinix). Cette industrie était une source majeure de revenues des Cananéens. Le nom « Canaan » selon certains peut lui aussi revêtir ce sens. Zabulon et Issacar ne sont pas sur la mer mais au milieu et à l’est de la vallée de Jezréel respectivement. Ces tribus vont bénéficier de ce commerce maritime grâce à leur localisation. Déjà dans la bénédiction de Jacob, Zabulon est lié commercialement à la mer. La pêche, l’industrie liée à la mer et les villes portuaires vont attirer les travailleurs de ces deux tribus. Pour les commerçants et les marchands, accéder à la mer ou aller de la mer à l’intérieur du pays obligent le passage de la plaine de Jezréel et de la route internationale aussi traversant les territoires de ces tribus. Cette route relie l’Egypte et la Mésopotamie du nord. La localisation de Dan au nord et en lien avec « Basan » reflète la délocalisation de cette tribu qui va quitter son héritage territoire dans les contreforts et la plaine côtière au sud ouest de Canaan (cf. Nb 34.22 ; Jg 18). Quant à Nephthali, sa possession comprend les « régions à 56 l’ouest et au sud » (v. 23). Bien que le mot traduit « ouest » (yam) puisse indiquer cette direction (p. ex. Gn 12.8), il semble faire référence ici plutôt à la « mer » (yam) de Galilée (Sept. thalassa « mer » ; cf. Nb 34.11 « lac de Génésareth »). La frontière orientale de Nephthali s’étend des eaux de Mérom au nord aux pieds cette mer au sud. L’abondance agricole est mise en avant au sujet d’Aser : «qu’il plonge son pieds dans l’huile!» (V. 24) Sa frontière occidentale longe la mer Méditerranée entre mont Carmel au sud et Sidon au nord. Cette bénédiction a en vue l’arrière pays d’Aser. Les plateaux, vallées et coteaux de la haute Galilée, ces derniers en terrasse plongeant sur la plaine de Phénicie, fournissent les terroirs nécessaires pour l’exploitation des oliviers. Les bénédictions se terminent avec une prononcée sur l’ensemble des tribus (v. 26-29), « Israël, » soulignant en premier lieu la bonté alimentaire « de blé et de vin » du pays (v. 28) et en dernier lieu la sécurité face aux ennemis car l’Eternel est son « bouclier » (v. 29b) comme promis à Abraham, le père fondateur : « je suis ton bouclier » (Gn 15.1). Il est « le Dieu d’éternité » (v. 27). Cette tournure traduit un seul mot (‘olam) qui est dans doute une épithète qui signifie « Eternel », comme dans « le Dieu éternel » (’el ‘olam, Gn 21.33 ; voir la section « Le jardin d’Eden, » Gn 2.4-3.24, l’encart Yhvh). Au milieu de la bénédiction se trouve la plus grande des toutes : « Que tu es heureux, Israël! Qui est, comme toi, un peuple sauvé par l'Eternel? » (V. 29a). Cette béatitude très particulière. Le qualificatif « heureux » (’ashrey, Sept. makarios, même mot dans les béatitudes prononcée par Jésus en Mt 5.3-11) est réservée à un peuple particulier : « Qui est comme toi » exprime normalement le caractère unique de l’Eternel (Ps 35.10 ; 71.19 ; 89.9 ; cf. Dt 33.26) mais est maintenant appliqué à son peuple, Israël (cf. 4.7). Cette nature incomparable du peuple est qualifiée davantage, en traduction littérale, « qui a été sauvé » (niphal au passé passif) par l’Eternel. Par son peuple délivré, l’Eternel établira son royaume parmi les nations : « Tes ennemis te flatteront et toi, tu piétineras leurs hauteurs» (v 29c). Ces derniers mots des bénédictions ouvrent la voie pour la suite : la succession de Moïse par Josué et la prise en possession de Canaan. Mort de Moïse Le livre du Deutéronome s’achève au faire part du décès de Moïse (ch. 34). Avant de mourir, l'Eternel lui dit: «Voilà le pays que j'ai juré de donner à Abraham, à Isaac et à Jacob en disant: ‘Je le donnerai à ta descendance.’ Je te l'ai fait voir de tes yeux, mais tu n'y entreras pas» (v. 4). Ceci rappelle encore une fois l’incident à Meriba à l’instar de ce refus de lui laisser entrer (3.26 ; 4.21 ; Nb 20.2-13). Plus emportant, la réalisation de la promesse faite aux ancêtres est mise en avant. L’ampleur de ce don est exprimé en termes de ce que Moïse peut voir depuis le mont Nébo et le sommet de Pisga (v. 1 ; cf. 3.17, 27) : de Galaad au nord-est du Jourdain au Néguev dans le sud aux pieds des montagnes de Juda à l’ouest du Jourdain, en passant par la Galilée et le massif central. Il voit en bas devant lui la vallée du Jourdain et l’oasis de Jéricho puis à l’horizon la mer Méditerranée (v. 2-3). Moïse est qualifié de nouveau « le serviteur de l’Eternel » (v. 5 ; Ex 14.31). Ce titre est mieux traduit « ministre de l’Eternel. » « Ministre » est le titre d’un dirigeant confident de haut rang au service de son roi (cf. 2R 5.6 ; 22.9 ; Nb 12.6-8 ; 9.23). Avant Moïse Abraham est aussi ainsi qualifié (Gn 26.24). Après Moïse Caleb, Josué, David, les prophètes, les prêtres et la vraie descendance issue d’Abraham et d’Israël57 Jacob seront les privilégiés de porter ce titre (Nb 14.24 ; Jos 1.1-2 ; Jg 2.8 ; 2 S 3.18 ; 2R 9.7 ; Am 3.7 ; Ps 113.1 ; Es 41.8-9 ; 54.17). La manière dont Moïse est mort et le lieu de son enterrement vont désormais susciter la curiosité mais doivent garder leur secret. Sur le premier point rien n’est dit et quant au second : « Personne n’a su où était son tombeau jusqu’à aujourd’hui » (v. 6). Jude 9 dit que le diable disputait avec l’archange Michel au sujet du corps de Moïse. La littérature apocryphe et rabbinique en discute et ajoutent aux spéculations. Le Testament de Moïse dit qu’il est mort naturellement. Selon L’Assomption de Moïse, ce dernier est monté directement au ciel ! Moïse a 120 à sa mort (v. 7; cf. 31.2) et la durée du deuil des Israélites qui pleurent son départ est de 30 jours (v. 8 ; cf. Gn 50.3). Ce deuil à lieu « dans les plaines de Moab, » (v. 8) à l’est du Jourdain et en face de Jéricho. De cet endroit Israël va traverser le fleuve et entrer dans la terre promise. Celui qui conduira Israël en Canaan, Josué, est « remplit de l’Esprit et de sagesse » (v. 9). Les deux sont inséparables. La sagesse, le savoir vivre, est la mise en pratique de la loi. L’Esprit et l’Ecriture, le dépôt de la loi et de la foi, vont de paire. Josué est mentionné pour la première fois en Exode au moment où Israël avait à combattre des Amalécites (17.9-14). Il était un assistant de Moïse (Ex 24.13) et un des 12 éclaireurs (Nb 13.8). Josué, avec Caleb, a recommandé aux Israélites de prendre possession du pays malgré les obstacles apparents (Nb 14.6-9). Il a déjà été désigné et installé en qualité de successeur à Moïse et de dirigeant du peuple dès le départ de ce dernier (Nb 27.18). Le faire part se termine avec un éloge relatif au ministère unique de cet homme : « Il n'a plus surgi en Israël de prophète semblable à Moïse, que l'Eternel connaissait face à face. Personne ne peut lui être comparé pour tous les signes et les miracles que Dieu l'a envoyé faire en Egypte contre le pharaon…sous les yeux de tout Israël» (v. 10-12). Les signes et les miracles qu’il a opérés en Egypte parlent pour eux-mêmes. Ceux-ci se sont produits une fois dans l’histoire de la révélation, un événement sans parallèle avant la venue de Christ. La première chose dite dans ces derniers versets du livre concerne son rôle de prophète propre lui. Elle souligne sa nature et grande particularité. En qualité de prophète archétype, Moïse a reçu et transmis les véritables paroles de Dieu au peuple d’Israël comme les autres prophètes feront (18.15-18). Dieu lui a donné l’ordre de transmettre par écrit cette parole (31.9). D’autres prophètes aussi (p. ex., Es 8.1 ; 30.8 ; Jr 36.18). La singularité de son ministère prophétique relève plutôt du fait que Dieu s’est révélé et a parlé directement à Moïse sans se servir des visions ou des rêves (cf. Ex 33.11 ; Nb 12.8). Une fois transmise et mise par écrit, cette parole seule est devenue la règle de la foi et de la vie pour tout le peuple pour tout temps. Christ seul accomplira définitivement cette mission de prophète (Jn 1.21 ; Ac 3.22-24 ; 7.37). Son ministère en tant que médiateur d’une meilleure alliance dépasse celle de Moïse. Hébreux 3 illustre cette supériorité par l’image de la gérance d’une maison : « Moïse a été fidèle dans toute la maison de Dieu comme serviteur (Hé 3.5 citant Nb 12.7)…mais Christ l’est comme Fils à la tête de sa maison » (Hé 3.6). 58 Tu n’as pas besoin d’aller plus loin, Nelly, car la suite contient des articles qui ont été publiés d’où je vais extraire certains éléments. Dt 25:9 Encart Famille La famille joue un rôle primordial dans la société. Cette vocation est mise en avant dans le Deutéronome. La « famille », dans l’Ancien Testament, est une « maison » (bayit). « Fonder une famille » se dit « construire une maison » (banah bayit, Dt 25.9; Né 7.4). Une maison est aussi solide que ses fondations. La famille n’échappe pas à cette règle. La famille vétérotestamentaire est fondée solidement sur l’alliance établie par Dieu entre lui et son peuple. Dans la relation d’alliance, la famille est revêtue de son caractère particulier, ce qui permet de dégager son rôle primordial au sein d’Israël. Si le portrait familial se trouve dans le cadre d’une alliance, la question qui se pose est la suivante: quel rôle joue-t-elle, à cet égard, au sein de la nation d’Israël? Pour cerner ce rôle, il faut comprendre quelle est la place de la famille dans la structure sociale de parenté. Cette structure s’organise à trois niveaux: tribu, clan et famille. La « tribu » (shebet ou matteh) est le niveau de parenté le plus étendu des trois. Elle constitue la charpente de la société israélite et de sa division territoriale. Les douze tribus et leurs territoires portent les noms des descendants d’Israël. Le « clan » (mishpahâh) est l’échelon intermédiaire de parenté entre la tribu et la famille. Les clans se composent d’un nombre assez large de familles. Comme pour la tribu, les caractères fondamentaux du clan relèvent de la parenté et de l’identité territoriale. La lignée de parenté est garantie par l’endogamie, c’est-à-dire le mariage à l’intérieur du clan pour préserver le système de tenure de la terre (Nb 36.1-12). La « maison » (bayit) ou la “maison du père” (bet-ab, ou « maison paternelle ») constitue le niveau de parenté fondamental (Gn 12.1; 24.38, 40; Ex 6.14; Nb 1.2; Jg 9:1; 1 Ch 2.55). Même s’il s’agit d’une famille élargie, elle correspond au plus proche, à ce qu’on appele la « famille. » C’est le maillon fort ou faible dans la chaîne sociale de parenté. Il s’agit du lieu privilégié où la conjugalité et la parentalité se conjuguent. La famille est l’élément fondamental de parenté et le pivot autour duquel s’articule le rapport d’alliance entre Dieu et Israël. Ces trois composantes de la communauté de parenté, tribu, clan et famille, sont inextricablement liées, non seulement par le sang et par l’habitation, mais aussi par la nature du fonctionnement de l’alliance. Un exemple mettra en lumière ce point. Après la défaite d’Israël à Aï, à cause de la désobéissance d’une seule personne, la chasse à l’homme pour trouver le coupable s’est petit à petit rétrécie. Selon les instructions de l’Eternel, l’enquête devait commencer par une tribu (shebet), passer par un clan (mishpahah) pour être réduite à une famille (« maison, » bayit). D’abord, la tribu de Juda a été désignée, puis le clan de Zérach et, enfin, la maison de Zabdi. A l’intérieur de cette dernière se trouvait le coupable, Acan (Jos 7.16-18). 59 L’acte de ce membre d’une famille a eu des conséquences énormes pour les clans et les tribus, voire pour tout Israël. Il ne s’agissait pas seulement de leur défaite. Plus grave encore, le rapport d’alliance risquait d’être rompu si le mal au sein d’une famille n’était pas extirpé. L’Eternel dit: « Israël a péché. Ils ont violé mon alliance, celle que je leur ai prescrite » (7.11) L’acte d’un membre d’une famille avait des répercussions au niveau de l’alliance pour tous les échelons de parenté, pour tout Israël. Il est clair qu’en termes d’incident, il s’agit d’un cas particulier. Mais, en réalité, il est question d’une norme qui est à l’œuvre et régit la vie sociale, dans le cadre de l’alliance, à partir d’une famille. Qu’il s’agisse d’un principe directeur est d’autant plus évident au cinquième commandement du décalogue: « Honore ton père et ta mère… » (Ex 20.12; Dt 5.16). La position de ce commandement est significative. Cette prescription relative à l’autorité parentale et à l’obéissance de l’enfant envers ses parents est au premier rang du second tableau de la loi. Il s’agit du fondement des cinq autres commandements ayant trait à l’éthique sociale: la proscription du meurtre, de l’adultère, du vol, du faux témoignage et de la convoitise (Ex 20.13-17; Dt 5.17-21). Sa prééminence explique aussi pourquoi l’honneur dû aux parents fait l’objet d’un nombre de stipulations civiles (Ex 20.12; 21.15, 17; Dt 21.18-21; 27.16), d’admonestations prophétiques (Es 1.2; Am 2.7; Mal 1.6; 3.24) et d’exhortations sapientielles (Pr 20.20; 30.11, 17). Dans un cas extrême, la peine capitale est prescrite pour le fils indocile et rebelle qui n’écoute pas ses parents (Ex 21.15, 17; Lv 20.9; Dt 21.18-21) aussi bien que pour l’adultère, la violation du septième commandement (Lv 20.10; Dt 22.22). Cette sanction s’explique en partie par le fait que, d’un côté, le rejet de l’autorité parentale constitue une rupture entre l’enfant et ses parents et, de l’autre, l’adultère constitue une rupture de la vie conjugale. L’un ou l’autre brise la famille de l’intérieur. L’alliance est rompue en son sein. Mais la sévérité de cette peine s’explique mieux par le fait que cette fracture ne menace pas seulement la famille, mais aussi la nation entière. Pourquoi? Comme dans l’incident d’Acan, ce mal au sein d’une famille enfreint l’alliance établie avec tout Israël. Voilà quelle est la raison de cette sanction si sévère. Comme la rébellion d’un enfant, l’exécution de cette peine a des conséquences à l’échelle nationale: « Tu extirperas ainsi le mal du milieu de toi, afin que tous les Israélites en entendent parler et éprouvent de la crainte » (Dt 21.21), expression appliquée en 1 Corinthiens 5.13 à un cas d’adultère. Evidemment, l’objet principal de cette menace ne réside pas dans son exécution, mais dans son effet dissuasif. Vu le rôle charnière de la famille dans les relations d’alliance, le cinquième commandement et cette peine ont comme but sa préservation. La mise en relation de la famille avec la législation, accompagnée de menaces et de promesses, la protège de toute dislocation au sein de la société. Si les fondements sont ébranlés, tout l’édifice social s’écroulera. Quelle est la spécificité du rôle de la famille au sein du peuple de Dieu? L’alliance a été établie par Dieu pour régir la vie de son peuple. Régir les relations entre membres de l’alliance requiert des médiateurs, car vivre en communauté, comme le montre l’histoire du 60 peuple de l’alliance, n’est pas une affaire simple. C’est pourquoi Dieu a suscité entre lui et son peuple des médiateurs, des oints : prophètes, prêtres et rois. Le rôle de ces médiateurs est le maintien des relations des membres de l’alliance. Dans une société organisée en plusieurs niveaux de paternité, Dieu a, dans un premier temps, confié cette mission à la famille. Ce service de médiation fonctionne, d’abord, au sein de la famille. Pourtant ce ministère ne se limite pas là. La famille constitue le premier maillon dans la chaîne de médiation suscitée par Dieu entre lui et son peuple entier. Puisque Dieu a suscité d’autres médiateurs de l’alliance, quelle est la nature du rôle de médiation confié à la famille? Elle a trait à la médiation sacerdotale. Il faut préciser, pourtant, qu’il y a une différence fondamentale entre ce sacerdoce de familial et la médiation du sacerdoce classique. Pour ce dernier, la médiation a lieu dans le contexte du culte. Les prêtres ont une mission religieuse, mission accomplie dans le cadre des institutions. La parole de Dieu, rattachée aux actes cultuels, est institutionnellement liée. Ainsi, les prêtres exercent leurs ministères de médiation de façon ponctuelle et localisée, notamment aux fêtes sacrées de pèlerinage au sanctuaire (Dt 31.9-13; Né 8). Alors, comment combler le fossé, d’un côté, entre le foyer et le sanctuaire et, de l’autre, entre le quotidien et l’année ponctuée par les fêtes, si ce n’est par l’intermédiaire de la famille où ce rôle de médiation est joué au foyer tous les jours. Il y les rapports étroits entre les ministères sacerdotaux et les rôles spécifiques au sein de la famille. Ce rapport de médiation est mis en avant en Deutéronome. Le ministère primordial de la médiation sacerdotale est l’enseignement de la Parole. Ce service didactique a été confié aux prêtres (Dt 33.10; 17.11; 2 Ch 15.3; 17.9; Esd 7.6, 10; Né 8). Or, il est également à l’œuvre dans la famille, car le père et la mère l’exercent aussi: «mes commandements… vous les enseignerez à vos fils et vous leur en parlerez…quand tu seras chez toi…» littéralement « dans ta maison…» (Dt 11.18-19; cf. Ex 13.8s; Dt 6.6-7; 8.5; Pr 1.8; 31.1). L’accent, dans ce passage et d’autres, est mis sur le quotidien: « … Tu les répéteras à tes enfants; tu en parleras quand tu seras chez toi, quand tu seras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras » (Dt 6.7; 11.19). Il s’agit de la formation permanente, sur place, ce qui ne faisait pas partie du cursus des prêtres. Le second ministère sacerdotal principal de médiation est sacramental. Les sacrements illustrent les actions divines. Les prêtres président aux rites et aux liturgies lors des fêtes et aux sacrifices du peuple (Dt 25.1; 33.10; 1Ch 23.31). Tout comme le prêtre, le père, lui aussi, exerce un ministère sacramental : il préside à la circoncision, à la Pâque et au rachat des fils aînés. Ce sont les cérémonies qui se pratiquent au sein de la famille. Le père a à répondre, à la maison, aux questions posées par les enfants quant à la signification des choses rituellement symbolisées. « Lorsque vos fils vous demanderont: que signifie ce rite? Vous répondrez… » (Ex 12.26s; 13.14s; Dt 6.20-24; Jos 4.6-7; 4.21-23) Le père préside à ces rites qui mettent en lumière les œuvres divines. Il offre des sacrifices pour ses enfants (Jb 1.5; cf. Gn 22; 31.54; 46.1). Il conduit toute sa famille au pèlerinage (1S 1.3s). 61 Les prêtres figurent dans une collection de lois relatives aux autorités civiles et religieuses (Dt 16.18-18.22). La médiation sacerdotale comprend le pouvoir de prononcer des jugements (Dt 17.8-13; 21.5; cf. Ez 44.23s). Cette même autorité est investie au sein de la famille. Elle est résumée dans le cinquième commandement. Ce commandement est au cœur de toutes les lois relatives au respect des autorités médiatrices. Le respect quotidien envers les parents se traduit en respect pour toutes les autorités, les autorités civiles, juges et rois, ou les autorités religieuses, prêtres et prophètes. Les parents n’ont pas seulement le droit de correction, mais aussi de jugement : de sévères sanctions renforcent le respect des parents. La rébellion juvénile est un acte passible de la peine capitale. Les parents qui se trouvaient dans la situation tragique de ne plus pouvoir contrôler leur enfant qu’ils s’étaient efforcés de corriger avaient à décider de son sort malheureux et à l’amener au lieu du jugement. La même sanction décidée au fils rebelle s’applique à celui qui refuse d’agir en conformité avec le jugement du prêtre: « un homme qui n’écoute pas le prêtre…sera puni de mort » (Dt 17.12). Non seulement la peine, mais aussi l’expression concernant l’effet sur Israël de l’exécution de l’homme audacieux renvoient au cas de l’enfant rebelle: « Tu extirperas ainsi le mal du milieu d’Israël » (Dt 17.12; cf. 21.21) Ce rapprochement de l’autorité sacerdotale et de l’autorité parentale est voulu. La médiation est couronnée par la bénédiction. Dieu, auteur de l’alliance, a béni son œuvre de création. Il a béni le couple, mâle et femelle, pour le doter de la fécondité et du pouvoir de gérer le monde créé. L’objet ultime de la médiation sacerdotale est la bénédiction divine. Elle est transmise. Comme médiateurs, les prêtres prononçaient la bénédiction divine sur le peuple pour faire germer la grâce divine semée par leurs services. Pour faire croître la connaissance de l’Eternel chez ses enfants, le père prononce sur eux la bénédiction divine (Gn 27.48-49; 28.1, 3-4; 48.15s; 49.1s). Sa bénédiction couronne tous les autres ministères parentaux. Transmise à l’enfant qui honore son père et sa mère, la bénédiction amène une vie longue et heureuse: « …afin de vivre longtemps et d’être heureux… » (Ex 20.12; Dt 5.16). Cette même bénédiction est promise aux parents qui transmettent la foi: « Alors votre vie et celle de vos enfants dans le pays que l'Eternel a juré à vos ancêtres de leur donner dureront aussi longtemps que le ciel au-dessus de la terre » (Dt 11.21). Comme le montre la promesse au cœur de l’alliance abrahamique, la famille bénie est une source de bénédiction physique et spirituelle pour tous les clans (mishpahôt) de la terre (Gn 12.2-3). C’est la bénédiction, par la médiation suscitée entre Dieu et Israël, qui permet au peuple de l’alliance de réaliser la plénitude de la vie jusqu’à la vie éternelle (Ps 133.3; Ga 3.89, 13-14). Par l’instrumentalité de ces ministères d’ordre sacerdotal – parole et sacrement, autorité et bénédiction –, la famille exerce son rôle de médiation de l’alliance au sein d’Israël. Loin de circonvenir ou de concurrencer la médiation des prêtres, Dieu l’a suscitée, de façon complémentaire, au sein de la famille, fondement et pilier de la société, où tous les jours tous les ministères sont exercés. C’est ainsi que la connaissance de l’alliance, avec ses servitudes et ses privilèges, est transmise d’une génération à l’autre. La famille qui exerce ses responsabilités construit solidement sa maison sur les fondations de l’alliance. Elle se protège 62 et est protégée des bouleversements pouvant venir aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur. Les enfants apprennent de leurs parents l’autorité et les limites de la liberté. De leurs frères et sœurs, ils apprennent la justice et l’injustice. C’est ainsi que la famille pose, en même temps, les fondements pour l’édifice social entier. Cet édifice s’avère aussi solide que ses fondements. Fin Encart Les lois concernant la famille Le cinquième commandement mis à part, ces lois sur la famille dans le Pentateuque s’adressent aux cas difficiles tels les droits de la femme mariée plus aimée (Dt 21:10-14; 15-17), l’enfant rebelle (Ex 21.15-17; Dt 21.18-21), la femme soupçonnée d’infidélité (Dt 22.13-21), l’adultère (Dt 22.22), la femme répudiée (Dt 24.1-4). Elles légifèrent sur le dysfonctionnement ou la pathologie d’un foyer. La loi, sans la préconiser, reconnaît juridiquement la bigamie (Dt 21.15-17) et le divorce (24.1-4). En Lévitique 20 se trouve une liste de mariages et de rapports sexuels interdits. Ces lois sur la famille sont peu nombreuses par rapport à d’autres codes légaux du Proche-Orient ancien. Cette différence s’explique par la nature de la loi sociale mosaïque. Beaucoup de lois coutumières proche-orientales ont été incorporées dans les normes et la jurisprudence israélites en générale. Les lois bibliques en matière ne reprennent pas ces lois déjà en rigueur mais ont tendance plutôt à les corriger là où nécessaire. Fin Encart fin Dt 5, p 11 DES MÉDITATIONS SUR LA PERTINENCE DU SABBAT POUR LE CHRÉTIEN Pour les uns, le sabbat est quelque chose de lointain qui concernait Israël, le peuple de l’ancienne alliance, et la loi de Moïse. Pour les autres, le sabbat, signifiant le repos du salut, s’est déjà réalisé en Christ et s’achèvera pleinement à l’avenir quand Dieu «essuiera toute larme de nos yeux» (Es 25.8; Ap 21.4). On peut affirmer toutes ces choses: le sabbat est mosaïque, christologique et eschatologique. Mais entre le «déjà» ou le «pas encore», quel rapport pour le chrétien maintenant ou quel intérêt pour l’Eglise aujourd’hui? Un nombre de passages scripturaires clefs, organisés autour de trois temps dans l’histoire de la révélation, fournissent des éléments de réponse. Le sabbat depuis le début des temps Genèse 2.1 résume le récit des six jours de la création du verset 1 en disant: «Ainsi furent terminés le ciel, la terre et toute leur armée.» Puis les versets 2 et 3 relatent ce que Dieu a fait par la suite: «[…] il s’est reposé de toute son activité au septième jour.» D’où le sabbat. Or le mot «sabbat» n’apparaît pas ici; il est apparenté au verbe «se reposer» (shabat). Le décalogue en Exode 20.11, en fondant la loi sabbatique sur le repos de Dieu, reprend Genèse 2.2 et 3 et précise que le septième jour est le jour du sabbat (cf. aussi Dt 5.14-15; Lv 23.3). Ce n’est pas, pour autant, la première fois que ce mot est utilisé. La première mention se trouve en Exode 16.23 dans le récit sur le ramassage de la manne au désert. La manne est recueillie pendant six 63 jours mais le ramassage est interdit le jour du sabbat (vv. 22-27). Ce texte anticipe donc la loi sur le sabbat donnée en Exode 20. On peut déjà détecter un certain schéma: le sabbat précède l’octroi de la loi et remonte à la création. On peut aussi dire que l’origine de l’institution du sabbat remonte non pas après mais avant la chute. Quant à la question de l’actualité du sabbat, ces constats sont déjà significatifs. Dans ce tableau de la Genèse, le Créateur est dépeint comme celui qui s’est arrêté ou s’est reposé après six jours de travail. L’idée que Dieu se repose, ou même que Dieu doit se reposer, peut sembler étrange. Les commentateurs prétendent souvent que ce verbe se traduit mieux «cesser de travailler», car toute œuvre de création est achevée. Cela se confirme par le fait que Dieu ne se fatigue pas! Bien que ces affirmations soient vraies, Exode 20.11 ne laisse pas l’interprète esquiver la question: le verbe shabat de Genèse 2.2 est remplacé, dans le décalogue, par un verbe qui ne peut être traduit que par «se reposer» (nuah, d’où le nom propre Noé, «repos»). Puis, en Exode 31.17, il est dit que Dieu a cessé son travail de six jours «pour reprendre son souffle» le septième (du verbe napash, cf. 23.12; 2S 16.14, apparenté au nom nepesh, «vie, être, soi, âme»). Le triolet de versets au début de Genèse 2 constitue une unité littéraire. Ces trois versets servent de charnière entre les deux tableaux de la création des chapitres 1 et 2. D’un côté, sur le plan du trajet narratif, ces versets sont en aval du récit sur les six jours précédents de l’activité culminant à la création de l’homme (1.26-31). De l’autre, ce jour est en amont du récit suivant. L’homme, dans le tableau qui suit, est fait de poussière. Il aura ses limites, car son être (nepesh) se constitue de souffle (neshamah) et de poussière (2.7). Comme Dieu, il aura à travailler, à s’occuper des champs et des animaux et ce travail l’essoufflera (1.28b-30; cf. 3.17-19). Le repos de Dieu fait le trait d’union entre ces deux tableaux de l’homme, d’une part créé à l’image de Dieu (1.27), de l’autre façonné par les mains de l’Eternel Dieu, comme l’argile dans les mains d’un potier (cf. Es 29.16; Jr 18.6). Même si, dans ces versets de la Genèse, il n’y a pas de commandement relatif à la manière dont l’homme doit observer le sabbat, il n’y a pas de doute: ce passage manifeste un souci pédagogique – l’homme certes créé à l’image de Dieu, mais aussi fait de souffle et de poussière, est invité, voire appelé, à imiter son Créateur. De même que Dieu a travaillé six jours et s’est reposé le septième, l’homme doit, pour son propre bien-être, faire de même. Epuisé par son travail, il a besoin de reprendre son souffle! (Ex 23.12) C’est donc l’exemple du repos de Dieu qui sert de repère, de référence, avant même qu’un ordre ne soit donné à l’homme relatif au sabbat. Si l’homme, pour imiter Dieu, est appelé à cesser ses activités de tous les jours, il a aussi comme vocation de faire quelque chose en ce jour, car Dieu a réalisé deux projets: il a béni le sabbat et l’a sanctifié (Gn 2.3). Du fait que Dieu a accompli ces choses, on comprend que ce repos n’est pas une cessation de toute activité, mais un arrêt du travail normal des six jours de la semaine pour se consacrer aux autres activités. 64 En effet, Dieu est toujours actif sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Par sa providence, il soutient et maintient continuellement l’univers et tout ce qu’il contient. Jésus évoque ce fait face aux critiques à l’égard de ses guérisons le jour du sabbat: «Mon Père travaille jusqu’à présent et moi aussi, je travaille.» (Jn 5.17) Les guérisons, le travail de Jésus le jour du sabbat, indiquent le véritable sens du sabbat – la restauration de la vie dans la providence divine (Lc 4.31-37, 6.6-11, 13.10-16, 14.1-6; Jn 5.16-18). Ce repos, hors du domaine de la création, est providentiel dans le sens où Dieu prend soin des créatures qu’il a faites. Par ce repos béni et sanctifié, Dieu fait abonder prospérité et renouvellement de la vie. Le sabbat depuis l’octroi de la loi Dans la tradition juive, la comparaison des deux commandements relatifs au sabbat – «souviens-toi du sabbat » en Exode et «observe le jour du sabbat» en Deutéronome – a permis l’explication suivante: souviens-toi (de zakar) du sabbat pour qu’il habite ta mémoire tous les jours de la semaine afin de te préparer à l’observer (de shamar) le jour venu. Il y a une autre différence. Dans le décalogue du livre de l’Exode, la loi rattache le sabbat à la création. Le commandement sur le repos sabbatique pour l’homme renvoie au repos de Dieu du septième jour (20.8-11; cf. 31.13-17): «En effet, en 6 jours l'Eternel *a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, et il s'est reposé le septième jour. Voilà pourquoi l'Eternel a béni le jour du repos et en a fait un jour saint.» (V. 11) Le décalogue de Deutéronome 5 rattache la loi sur le sabbat à la rédemption de l’esclavage en Egypte: «Tu te souviendras que tu as été esclave en Egypte et que l'Eternel, ton Dieu, t'en a fait sortir avec puissance et force. Voilà pourquoi l'Eternel, ton Dieu, t'a ordonné de respecter le jour du repos.» (V. 15) Par le biais du décalogue, deux thèmes gravitent autour du sabbat: la création et la rédemption. Du point de vue eschatologique, ces deux motifs du sabbat vont de pair: la rédemption a comme finalité la restauration de la création (Rm 8.20-21; 2P 3.13; Ap 3.12, 21.1). Selon Calvin, dans son commentaire sur Genèse 2.3, l’Eternel n’a pas simplement commandé aux hommes de se reposer chaque septième jour. La loi sur le sabbat, qu’il qualifie d’«aiguillon», a été ajoutée à l’exemple de Dieu. Pourquoi? Afin de nous attirer doucement, dit-il, à l’obéissance. Il nous incite avec une plus grande efficacité quand il nous exhorte à le suivre. Observer le sabbat signifie au moins que l’homme (et l’animal) cesse toute activité normale qui constitue le travail des six jours précédents. Est-il possible, s’interroge la tradition orale, d’avoir fait tout son travail en six jours? Rachi (1040-1105), de Troyes en Champagne, le commentateur rabbinique médiéval par excellence, répond: «Tu devras faire comme si tout ton travail était fait.» Sur le plan physique et psychique, il y a de bonnes raisons pour cette ordonnance. Elle se justifie. Ce repos renouvelle le corps et l’esprit. L’être a besoin de se ressourcer. Le Maître du sabbat n’a-t-il pas dit: «Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat»? (Mc 2.27) L’ordre de sanctifier le sabbat va de pair avec l’ordre de l’observer. Si Dieu a créé et racheté son peuple, il l’a fait pour que ce peuple puisse l’adorer et jouir de ses bienfaits. Pour que 65 cette grâce se réalise, Dieu a non seulement donné un jour particulier de la semaine, mais aussi un lieu spécial pour réunir et rencontrer son peuple. La réitération de la loi sur le sabbat après les prescriptions relatives au dressage du tabernacle fait le trait d’union entre ce lieu et ce jour (Ex 31.12). Ce rapport entre sabbat et sanctuaire est résumé de manière très succincte dans le Lévitique: «Vous respecterez mes sabbats et vous traiterez mon sanctuaire avec déférence » (19.30). Il s’agit de réserver ce jour pour l’assemblée cultuelle (Lv 23.3; Es 56.67). Cesser de travailler pour se rassembler était la manière dont Israël a été appelé à sanctifier le sabbat (Ex 20.8, 11, 31.15; Dt 5.12). Le Psaume 92 célèbre la grâce qui découle du respect du sabbat dans l’adoration de l’Eternel. Le sabbat depuis le temps de l’Eglise Selon le Nouveau Testament, il y a un sabbat pour le croyant. Le repos hebdomadaire de l’Ancien Testament préfigurait un repos quotidien pour le croyant en Christ. L’auteur de la lettre aux Hébreux, en s’appuyant sur le Psaume 95 et Genèse 2, met en rapport le repos créationnel et rédempteur et le repos en Jésus-Christ grâce à son œuvre de rédemption accomplie sur la croix (3.7-4.11). Il conclut qu’il demeure encore, aujourd’hui, un repos sabbatique: «Il reste donc un repos de sabbat pour le peuple de Dieu» (4.9). Que signifie ce repos? Il répond: «[…] celui qui entre dans le repos de Dieu se repose lui aussi de ses activités, tout comme Dieu s’est reposé de la sienne» (v. 10). Le message est clair. Entrer dans le repos du salut implique que l’homme cesse son travail pour son salut. L’homme n’est pas sauvé par les œuvres, ses propres œuvres. Il n’y a qu’une œuvre qui peut sauver, celle du Christ. C’est en ce sens aussi qu’on peut méditer la parole du Christ: «Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat» (Mc 2.27). Quant à ce repos, l’auteur de cette lettre met en garde son auditoire de ne pas rester incrédule et indifférent. Il nous exhorte à y entrer par l’obéissance de la foi pour être sauvés: «Empressons-nous donc d’entrer dans ce repos...» (v. 11). Ce repos est donc pour tous ceux qui cessent de travailler pour leur salut. On comprend mieux le constat de l’apôtre Paul au sujet de toutes les fêtes sabbatiques d’Israël: «Tout cela n’est que l’ombre [préfiguration] des choses à venir, mais la réalité [chose ou personne préfigurée] est celle du Christ» (Col 2.17). C’est très profond. La raison pour laquelle le Dieu créateur a donné l’exemple du repos sabbatique à son peuple et la raison pour laquelle le Dieu rédempteur a donné l’ordre d’observer le sabbat étaient de préfigurer le repos du salut en Jésus-Christ, repos où personne ne peut entrer que par l’obéissance de la foi en lui. Avec l’avènement de la nouvelle alliance, le sabbat hebdomadaire s’est réalisé en JésusChrist. Ce sabbat préfigurait le repos du salut en la personne et l’œuvre de Jésus-Christ. Avec l’accomplissement de l’œuvre rédemptrice, à savoir la mort et la résurrection du Christ, le jour du repos est passé du septième au premier jour de la semaine. La résurrection du Christ, le premier jour de la semaine, œuvre qui est la garantie du repos éternel, confirme et valide l’achèvement de son travail précédent. Ce changement de jour a été préfiguré par le repos de la rédemption. Le peuple de Dieu a été délivré de la servitude au premier jour de la semaine 66 tandis que le jour d’avant, un septième, l’agneau pascal a été immolé (Ex 12.6, 16-17; Nb 33.3; Esd 6.19-20). Ce repas préfigurait la réalité qui s’ensuivrait: la rédemption. Ainsi le premier jour de la semaine pascale et le septième jour ont été consacrés à l’assemblée cultuelle (Ex 12.15-17). Bien que les signes aient changé – la sainte cène remplace le repas de la Pâque – la signification demeure: la rédemption en Christ. De surcroît, si les jours pour observer le repos sabbatique ont changé, la signification reste intacte: l’entrée dans le repos du Dieu créateur et rédempteur par la foi en Christ. Un sabbat hebdomadaire pour aujourd’hui? S’il y a ce repos quotidien, qu’en est-il pour le repos hebdomadaire? Autrement dit: le croyant en Christ, doit-il faire son travail en six jours et réserver le septième pour adorer Dieu, Créateur et Rédempteur? Voici quelques éléments de réponse. Un signe perpétuel d’une alliance éternelle pour tout le monde Rattaché à la création, le sabbat en Exode 31 est qualifié de signe perpétuel d’une alliance éternelle (vv. 16-17). L’ordonnance sabbatique remonte à l’origine, à la création du monde, à l’exemple du Créateur lui-même (Ex 20.11; Gn 2.2-3). Le jour du repos de Dieu n’a pas de limite dans le temps. Ce jour ne s’achève pas comme les six autres qui, dans le récit, culminent par la formule: «Il y eut un soir et il y eut un matin. Ce fut le énième jour.» Calvin qualifie l’exemple du repos de Dieu comme «une règle perpétuelle» (commentaire sur Gn 2.3). Ce jour a également une portée universelle. L’observance du sabbat, dit Calvin, n’est pas pour un âge ni pour un peuple, mais est commun à tout le genre humain (commentaire sur Gn 2.3). Avec son signe, cette alliance a été établie, selon Esaïe, avec l’humanité, les fils d’Adam, les Israélites, les étrangers, voire tous les peuples qui s’attachent à l’Eternel (56.2, 6-7). Esaïe 56.1-8 a en vue l’intégration des nations au nouvel Israël et les bénédictions de la nouvelle alliance dont elles bénéficieront. La stipulation dont la jouissance des bienfaits dépend est l’observance du sabbat (v. 2). En effet, le respect du sabbat est le signe par excellence de l’attachement au Seigneur de l’alliance (vv. 4-7). Ces non-Israélites, avec le reste d’Israël, loueront l’Eternel dans le temple appelé «maison de prière pour tous les peuples» (v. 7). Observer ce signe, dans la maison de prière, est la manière pour tout le peuple de Dieu de garder l’alliance (Es 56.6-7, 66.23; Ez 20.12, 20; Mt 21.13). La condition inchangée de l’homme Rachi fait remarquer, à la suite de la Mekhilta (midrash halakhique sur l’Exode de Rabbi Yishmaël), que si Dieu, que son œuvre n’a pas fatigué, s’est reposé, combien plus l’homme doit-il le faire, lui pour qui le travail est peine et effort. L’homme doit, à l’imitation de Dieu, le sanctifier. L’exemple du repos sabbatique de Dieu est survenu avant la désobéissance de l’homme. Si les origines de l’institution du sabbat remontent jusqu’à l’exemple du Créateur lui-même, et même avant la chute, comment imaginer que, après la faute, l’homme puisse s’en passer? La chute a radicalement altéré la situation: le travail est devenu pénible, parfois un véritable 67 esclavage (Gn 3.17, 19). Et puis l’homme asservit l’homme pour l’exploiter (Gn 37.27-28; Ex 1.11-14). D’où la nécessité d’une loi. De plus, l’homme finit souvent par vivre pour son travail et se rend esclave du travail. En Occident, l’homme et de plus en plus la femme s’identifient surtout et en premier lieu par rapport à leur profession. Ces tendances naturelles doivent inciter le croyant à respecter les limites imposées par la loi sabbatique: tu feras tout ton travail en six jours et le septième tu te reposeras. Ces penchants doivent l’avertir, comme les témoins clignotants sur le tableau de bord, et lui montrer sa fragilité. L’homme, pour ne pas devenir esclave de son travail, doit observer le sabbat: comme Dieu le Créateur, qui s’est reposé pour reprendre son souffle, l’a montré en s’accommodant à notre nature. Une loi morale perpétuelle La revendication de Jésus en Matthieu 5.17 – «Je suis venu non pour abolir mais pour accomplir [la loi]» – signifie, d’abord, qu’il a parfaitement accompli les exigences radicales de la loi. Cela veut aussi dire que Jésus, en accomplissant la loi, montre son ampleur, son sens profond. Chrysostome dit, dans ses Homélies sur l’Evangile de St Matthieu, que les paroles du Christ ne révoquent pas celles d’autrefois. Au contraire, elles les étoffent et les enrichissent. Ainsi le sabbat hebdomadaire est embelli mais pas aboli par l’œuvre du Christ. Ainsi, dit Calvin, «quand nous entendons que le sabbat a été aboli par la venue du Christ, il faut mettre une distinction entre ce qui appartient au régime perpétuel de la vie humaine, et ce qui convient proprement aux figures anciennes, dont l’usage a été aboli quand la vérité a été accomplie. […] Mais ce qui a été dès le commencement commandé aux hommes, de s’exercer au service de Dieu, c’est à bon droit que cela doit durer jusqu’à la fin du monde.» (Commentaire sur Gn 2.3.) La Confession de foi de Westminster déclare, dans l’article XXI, «Le culte religieux et le jour du sabbat», que la prescription sabbatique est un commandement moral et perpétuel et qualifie le sabbat «sabbat chrétien»: […] Dieu a spécialement désigné, par un commandement positif, moral et perpétuel de sa Parole, liant tous les hommes de tous les temps, un jour sur sept comme sabbat à lui consacrer; depuis le commencement du monde jusqu’à la résurrection du Christ, ce jour fut le dernier de la semaine; à partir de la résurrection du Christ, et pour être continué jusqu’à la fin du monde comme le sabbat chrétien, il est devenu le premier jour de la semaine appelé, dans l’Ecriture, le Jour du Seigneur. Un jour sur sept toujours consacré au culte Ce jour permet le rassemblement du peuple de Dieu pour célébrer ses œuvres et jouir de ses bienfaits. Sanctifier le premier jour de la semaine était la pratique de l’Eglise primitive (Ac 20.7; 1Co 16.2; cf. Ap.1.10). C’est aussi l’exhortation de l’auteur de la lettre aux Hébreux: «N’abandonnons pas notre assemblée, comme certains en ont l’habitude, mais encourageonsnous mutuellement. Faites cela d'autant plus que vous voyez s'approcher le jour » (10.25). 68 De sa manière tranchante, Calvin dit que «le Seigneur n’a pas simplement commandé aux hommes de se reposer chaque septième jour comme s’il prenait plaisir à notre oisiveté, mais pour que, délivrés de toutes autres affaires, nous appliquions plus franchement nos esprits à reconnaître le Créateur du monde». (Commentaire sur Gn 2.3.) Si Dieu a béni et sanctifié ce jour, c’est pour que ce jour soit une source de bénédiction et de sanctification pour l’homme. Bénir, c’est rendre la vie fructueuse, féconde, productive (Gn 1.28). Ce repos comprend donc l’activité qui permet l’épanouissement vrai et véritable de la vie (cf. Ex 12.16; Es 56.1-5, 58.13-14). Ce repos comprend l’activité qui libère l’homme de l’emprise des jours ouvrables. Sanctifier, c’est dégager de la semaine ce jour qui est consacré à ce qui édifie, telles l’écoute de la Parole et la prédication de celle-ci, la prière, la fraction du pain et la communion fraternelle (Ac 2.42). Créés à son image et vivifiés par son souffle, en Christ le croyant a reçu de Dieu le pouvoir de bénir et de sanctifier. Les psalmistes bénissent Dieu pour ses œuvres de création et de rédemption. Ce jour est, d’abord, un jour où on bénit Dieu. Bénir Dieu, c’est le reconnaître comme source de la vie et du salut. C’est le louer, car il gratifie ses créatures de ses dons (Gn 14.20; Rt 4.14; Ps 103.1-5). C’est l’adorer comme Créateur et Rédempteur. On peut bénir quelqu’un d’autre, c’est-à-dire prier Dieu de lui accorder la vie épanouie et le salut (Nb 6.2227; Rt 2.19), ou reconnaître la grâce divine qui est à l’œuvre en lui (Rt 2.20, 3.10; Lc 1.4243). Bénir un frère ou une sœur en Christ, c’est, entre autres, intercéder, exhorter et encourager. Ce sont les paroles et les gestes qui vivifient, qui font croître et rendent fructueuse la vie de l’autre. Bref, la théologie biblique du sabbat est conséquente. Le repos du Dieu créateur au septième jour, après six jours de travail, montre à l’homme l’exemple à suivre pour son propre bien-être physique et spirituel. Le repos sabbatique hebdomadaire, comme cérémonie, préfigurait le repos du salut en Christ. La chose préfigurée est abolie. Mais la réalité demeure. C’est pourquoi il y a encore un jour de repos dans la semaine. C’est le jour où le chrétien est convié par l’exemple de Dieu et convoqué par son commandement à adorer le Créateur et Rédempteur, l’auteur du repos éternel. Comme l’Eternel a fait, comme il le demande à son peuple : sanctifie ce jour de repos! Bénis l’Eternel pour ses œuvres et ses bienfaits, bénis les autres pour son œuvre en eux! 69