sang et metabolisme - Faculté de Médecine et de Maïeutique Lyon

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sang et metabolisme - Faculté de Médecine et de Maïeutique Lyon
« SANG ET METABOLISME »
Avec la participation des :
Docteurs Anne-Sophie MICHALLET, Franck NICOLINI, Philippe
RENAUDIER, Emmanuelle TAVERNIER, Xavier THOMAS et Danièle
TREILLE RITOUET
Et des Professeurs Bertrand COIFFIER, Mauricette MICHALLET,
Gilles SALLES et Eric WATTEL
Service d’Hématologie
Groupement Hospitalier Edouard Herriot
Place d’Arsonval
69437 LYON Cedex 03
Service d’Hématologie
Centre Hospitalier Lyon-Sud
69495 PIERRE BENITE
SOMMAIRE
Agranulocytose..........................................................................................Page 3
Anémie .......................................................................................................Page 9
Anémie par Carence Martiale....................................................................Page 14
Anémie Hémolytique Auto-Immune .........................................................Page 19
Conduite à tenir devant une Adénopathie ...............................................Page 26
Conduite à tenir devant une Exposition Accidentelle au Sang ............Page 29
Conduite à tenir devant une Hyperéosinophilie......................................Page 36
Conduite à tenir devant une Neutropénie Fébrile ..................................Page 37
Diagnostic d’une Splénomégalie..............................................................Page 44
Hémogramme ............................................................................................Page 50
Leucémie Aiguë Lymphoblastique...........................................................Page 72
Leucémie Aiguë Myéloblastique .............................................................Page 79
Leucémie Lymphoïde Chronique .............................................................Page 93
Leucémie Myéloïde Chronique .................................................................Page 103
Lymphomes................................................................................................Page 109
Maladie de Hodgkin ...................................................................................Page 121
Maladie de Vaquez.....................................................................................Page 131
Myélome Multiple des Os (Maladie de Kahler) ........................................Page 136
Purpura .......................................................................................................Page 147
Syndrome Mononucléosique ...................................................................Page 150
Syndromes Myélodysplasiques ..............................................................Page 164
Thalassémie – Drépanocytose .................................................................Page 176
Thrombopénie ...........................................................................................Page 183
Transfusion Sanguine ...............................................................................Page 187
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AGRANULOCYTOSE
RESUME DES POINTS FORTS
-
Agranulocytose : PNN < 0.5 G/l
Risque infectieux
Etiologies le plus souvent médicamenteuses
AUTEUR : Docteur Emmanuelle Tavernier – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
L'agranulocytose, accident hématologique aigu, se définit théoriquement comme l'absence
de polynucléaires circulants ; on y rattache les neutropénies extrêmes, inférieures à 0.5 x
109/l (500 éléments par microlitre), de mêmes conséquences cliniques. Les causes sont le
plus souvent iatrogènes, principalement médicamenteuses.
I - PHYSIOPATHOLOGIE ET ETIOLOGIES
Le mécanisme physiopathologique est soit toxique, soit immunoallergique.
Il est parfois difficile d'imputer la responsabilité d'une agranulocytose à un médicament :
¾ Le début des troubles n'est pas évident comme le serait une éruption cutanée
¾ Les patients sont souvent polymédicamentés
¾ Il n'existe pas de tests biologiques permettant de prouver la responsabilité du produit
¾ La réintroduction du médicament est totalement contre-indiquée
Il faudrait donc distinguer les médicaments d'imputabilité certaine et les médicaments
d'imputabilité probable. Nous donnons ici la liste des médicaments les plus souvent
incriminés, ou pour lesquels existent, dans la littérature, des arguments forts d'imputabilité
dans des accidents d'agranulocytose, ou au moins de leucopénie. Ne figurent pas ici les
antimitotiques, dont les effets sur les lignées sanguines sont bien connus. Les noms de
spécialité ne sont donnés qu'à titre indicatif et sans exhaustivité.
A – ANTALGIQUES :
¾ L'amidopyrine souvent incriminée, n'entre plus dans la composition des antalgiques
¾ Noramidopyrine (métamizole sodique): Pyréthane à la noramidopyrine®, Avafortan à la
noramidopyrine® , Céfaline pyrazolé®, Optalidon à la noramidopyrine® , Salgydal à la
noramidopyrine® , Viscéralgine forte à la noramidopyrine®
B - ANTI-INFLAMMATOIRES :
1 – AINS :
¾ Indoliques : indométhacine (Ainscrid®, Chrono-inocid®, Indocid® , sulindac
(Athrocine®)
¾ Dérivés oxicam: piroxicam (Brexin®, Cycladol®, Feldène®, Inflaced®, Olcam®,
piroxicam®)
¾ Propioniques : ibuprofène (Brufen®, Nureflex®), flurbiprofène (Antadys®, Cebutide®),
kétoprofène (Profénid®, Ketum®, Proféna®), fenbufène (Cinopal®)
¾ Pyrazolés : phénylbutazone (Butazolidine®)
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¾ Acides arylcarboxyliques: acide tiaprofénique (Surgam®), diclofénac: Voldal®,
Voltarène®, Xenid®)
¾ Fénamates (Nifluril®)
D'autres AINS on été incriminés, mais ils ont été retirés du marché.
2 - Colchicine (Colchimax®)
3 - Sels d'Or (Allochrysine®)
4 - D. Penicillamine (Trolovol®)
C – SULFAMIDES :
1 - Hypoglycémiants
Glibénèse®, Glucidoral®)
(Daonil®, Diabinèse®, Diamicron®, Dolipol®, Euglucan®,
2 - Antibactériens : Sulfadiazine(Adiazine®), salazopyrine®, triméthoprim-sulfaméthoxazole
(Bactrim®, Eusaprim®).
3 - Diurétiques (Esidrex®, Fludex®, Hygroton®, Tenstaten®)
D - ANTIBIOTIQUES ET ANTI-INFECTIEUX :
¾ Phénicolés (Thiophénicol®)
¾ Beta lactamines : pénicillines, amoxicilline , oxacilline, methicilline, carbénicilline,
ticarcilline, céphalosporines
¾ Ciprofloxacine (Ciflox®)
¾ Clindamycine, doxycycline, vancomycine, nitrofurantoïne
¾ Flucytosine (Ancotil®), métronidazole (Flagyl®), griseofulvine
E – ANTIVIRAUX :
¾Zidovudine (Retrovir®), gancyclovir (Cymevan®), acyclovir (Zovirax®)
F - ANTITHYROÏDIENS DE SYNTHESE :
¾ Carbimazole ( Néo-mercazole®), benzylthiouracile (Basdène®)
G – ANTITHROMBOTIQUES :
¾ Antivitamines K : phénindione (Pindione®)
¾ Antiagrégants plaquettaires : ticlopidine (Ticlid®)
H – ANTIARYTHMIQUES :
¾Natisédine®), procaïnamide (Pronestyl®).
I - PSYCHOTROPES ET MEDICAMENTS NEUROLOGIQUES :
¾ Anticonvulsivants : Carbamazépine (Tegretol®), phenytoïne (Dihydan®), éthosuximide
(Zarontin®)
¾ Phénothiazines: chlorpromazine (Largactil®), lévoméprazine (Nozinan®)
¾ Antidépresseurs tricycliques : imipramine (Tofranil®), clomipramine (Anafranil®)
¾ Anxiolytiques : Benzodiazépines (Valium®), méprobamate (Equanil®)
¾ Clozapine (Leponex®)
¾ Lévodopa
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J – ANTIHYPERTENSEURS :
¾ Captopril (Captolane®, Lopril®), diazoxyde (Hyperstat®)
¾ Bêta-bloquants: propranolol (Avlocardyl®)
¾ Nifépidine (Adalate®, Ténordate®)
¾ Diurétiques: acétazolamide (Diamox®), hydrochlorothiazide (Modurétic®),
spironolactone, acide éthacrinique
K – ANTIULCÉREUX :
¾ Cimétidine (Tagamet®), ranitidine (Azantac®, Raniplex®)
¾ Méprazole (Mopral®, Zoltum®)
L – AUTRES :
¾ Allopurinol (Zyloric®), benzafibrate
¾ Antipaludéens:quinine, pyriméthamine (Fansidar®), amiodaquine (Flavoquine®),
hydrochloroquine (Plaquénil®)
¾ Isotrétinoïne (Isotrex®, Roaccutane®)
¾ Lévamisole (Solaskil®)
II - DIAGNOSTIC
A - DIAGNOSTIC POSITIF :
1 - Circonstances de découverte : *
¾ L'agranulocytose aiguë est parfois asymptomatique et de découverte fortuite
¾ Un épisode infectieux sévère amène le plus souvent à consulter: sa survenue est le
plus souvent brutale, 8 à 15 jours après le début du traitement ou immédiatement après
une réadministration
¾ Les signes révélateurs peuvent être :
- Une fièvre, isolée ou associée à un tableau septicémique avec choc toxi-infectieux
et frissons
- Des manifestations bucco-pharyngées très importantes à reconnaître: il s'agit
d'ulcérations aphtoïdes. A l'examen, elles apparaissent parfois recouvertes d'une
membrane jaune sale ou grise; il n'existe habituellement pas de grosse réaction
inflammatoire locale. Les localisations les plus fréquentes sont les amygdales
(angines ulcéro-nécrotiques, parfois érythémateuses simples), les lèvres, les
gencives et la muqueuse buccale (stomatite ulcéro-nécrotique).
- Des manifestations broncho-pulmonaires, et surtout redoutables pneumopathies,
de sémiologie fruste en l'absence de polynucléaire : petite toux sans expectoration,
sans râle aux bases, sans foyer radiologique, celui-ci apparaissant à la restauration
de la polynucléose.
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¾ Autres localisations possibles pouvant être révélatrices
- Cutanées: cellulites non suppuratives proches d'un orifice d'entrée, d'extension
foudroyante
- Urinaires
- Fistules anales, pouvant être responsables de septicémies ; ici aussi, les signes
sont minimes : simples douleurs anales, avec ébauche de rougeur précédant la
fistulisation d'un volumineux abcès lors de la réparation de l'agranulocytose, ou très
discrète symptomatologie d'infection urinaire. Des ulcérations vaginales ou même
utérines sont possibles.
¾ Certaines manifestations sont trompeuses : neuro-psychiatriques ; urgences pseudochirurgicales : cholécystite, appendicite.
¾ On peut exceptionnellement voir des signes allergiques : éruptions diverses,
oedème de Quincke, crise d'asthme.
2 - Diagnostic d'agranulocytose :
Il est fait par l'hémogramme :
¾ Neutropénie extrême, toujours inférieure à 0,5 G/1.
¾ Lymphocytes prédominants, mais ils peuvent eux aussi être abaissés en valeur absolue
¾ Numération plaquettaire et érythrocytaire souvent normale
¾ Une thrombopénie associée est en fait possible (consommation?), ainsi qu'une anémie
3 – Myélogramme :
Il montre soit une disparition totale des éléments granuleux, soit un aspect de "blocage de
maturation", le plus souvent au niveau promyélocytaire, parfois plus tardif: myélocytaire,
voire métamyélocytaire, avec absence d'éléments plus matures. Une réaction lymphoplasmocytaire peut se voir. L'aspect du myélogramme permet d'éliminer un envahissement
et évoque le blocage toxique, incitant à entreprendre un bilan étiologique.
Evolution : la régression clinique est marquée par l'apyrexie, 24 à 48 heures avant la
réapparition des polynucléaires sanguins, et est annoncée par une monocytose médullosanguine, avec parfois phase transitoire d'hyperleucocytose avec myélémie.
B - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL :
1 - Bicytopénies et pancytopénies :
Elles posent un problème parfois difficile : les agranulocytoses médicamenteuses peuvent
être associées à une anémie ou une thrombopénie. L'atteinte granuleuse est ici
prépondérante, souvent initiale et les autres lignées ne sont que très inconstamment et
moins profondément touchées.
2 - Devant l'aspect médullaire de blocage promyélocytaire :
Il faut éliminer une leucémie aiguë myéloblastique de type promyélocytaire (LAM 3). Cette
leucémie se caractérise par des troubles de coagulation, une habituelle tendance
pancytopénique, et des promyélocytes cytologiquement anormaux : corps d'Auer,
granulations primaires pathologiques
3 - Neutropénies infectieuses :
Elles peuvent réaliser de véritables agranulocytoses aiguës. Il s'agit surtout d'infections
bactériennes sévères, septicémiques. Le myélogramme peut montrer un aspect de blocage
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de maturation granuleuse. L'existence d'une myélémie importante constitue le meilleur
argument biologique de distinction
4 - Agranulocytose non iatrogène :
Toxiques chimiques ou industriels, chez des professions exposées
5 - La persistance de l'agranulocytose à distance de l'arrêt des toxiques supposés
responsables incite à remettre en cause l'origine médicamenteuse. On discutera alors les
diverses neutropénies chroniques susceptibles de réaliser un tableau d'agranulocytose :
¾ Neutropénies auto-immunes: LED, thyroïdite de Hashimoto
¾ Syndrome de Felty : Polyarthrite rhumatoïde avec neutropénie et splénomégalie
¾ Neutropénie cyclique familiale : rechute 3 semaines plus tard, après correction
spontanée, en l'absence de prise médicamenteuse.
6 - Chez l'enfant : les neutropénies constitutionnelles, dont la très rare agranulocytose
génétique infantile de Kostmann.
7 - Enfin, il existe de véritables agranulocytoses aiguës toxiques non iatrogènes,
liées au benzène et à ses dérivés, aux insecticides.
8 - Chez le nouveau-né : agranulocytoses d'allo-immunisation foeto-maternelle.
C - DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE :
L'argument évolutif, avec réparation de l'agranulocytose à l'arrêt des médicaments est le
meilleur indice étiologique
Certaines explorations biologiques ont été proposées: recherche d'anticorps leucoagglutinants, tests de granulo-cytotoxicité, techniques utilisant la cytométrie en flux ; les
explorations nécessitant culture de moelle in-vitro sont réservées à quelques centres. Elles
ne donnent en fait pas de résultats utilisables en clinique
Certaines causes iatrogènes ne sont cependant pas médicamenteuses et devront être
évoquées :
1 - Radiations ionisantes :
Rayons X et substances radioactives, en particulier chez les radiologues et manipulateurs
radio, les laborantins
2 - Agranulocytose aiguë transitoire par activation complémentaire et margination :
¾ Hémodialyse : rôle possible de la membrane
¾ Post-transfusionnelle, accident d'allo immunisation leucocytaire habituellement antiHLA : séquestration intra-pulmonaire et syndrome d'OAP sans surcharge,
On le voit, ces deux types d'étiologies surviennent chez des catégories de malades et de
personnel très définies, facilitant le diagnostic
III - EVOLUTION, PRONOSTIC ET COMPLICATIONS
L'évolution est variable en fonction de l'étiologie.
Le taux de mortalité est non nul et d'origine infectieuse.
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IV - TRAITEMENT
A - MESURES SYMPTOMATIQUES :
1 - Arrêt de tout médicament non strictement indispensable ou irremplaçable.
Les médicaments suspects doivent être arrêtés lorsque cela est possible, et sinon
remplacés par des produits ayant fait la preuve de leur innocuité.
2 - Hospitalisation et isolement en milieu spécialisé, le plus souvent en secteur protégé.
Le respect strict de l'asepsie est primordial :
¾ Limitation des visites et des contacts avec le malade,
¾ Matériel d'examen médical spécifique à usage unique ou individuel,
¾ Désinfection des plis, des ongles, lavages de bouche
Ces précautions pourront être assouplies entre 500 et 1000 polynucléaires par mm3
3 - Prélèvements bactériologiques :
¾ Série d'hémocultures aéro-anaéorobies si fièvre
¾ Prélèvements au niveau de tout foyer infectieux ou suspect
¾ Uroculture voire coproculture
4 - En cas de fièvre, sans attendre ces résultats bactériologiques, une antibiothérapie
bactéricide, par voie veineuse est instaurée. On choisit tout d'abord une association
synergique empirique, qui pourra être adaptée ultérieurement au résultat de
l'antibiogramme, en vérifiant le pouvoir bactéricide du sérum
5 - Certains pratiquent une décontamination digestive bactérienne systématique associée à
une alimentation stérile.
B - TRAITEMENT DE LA NEUTROPENIE :
Les facteurs de croissance: G-CSF et GM-CSF accélèrent la récupération hématologique.
Ces traitements sont donc fréquemment proposés, mais ils ne semblent influer sur la
mortalité qui reste non négligeable
C - PREVENTION DES RECIDIVES :
Elle est capitale :
¾ Eviction définitive du médicament incriminé et des autres médicaments de la même
classe thérapeutique
¾ Donner au patient une liste de médicaments potentiellement myélotoxiques devant être
évités au maximum chez lui.
POUR APPROFONDIR
1. Varet B. Le livre de l'interne : Hématologie. Edition Médecins-Sciences, Flammarion.
2. Collection Impact Internat
3. Collection Medline
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ANEMIE
RESUME DES POINTS FORTS
-
Taux d’hémoglobine
Volume globulaire moyen – Fer – Vitamine B12 – Acide folique
Taux des réticulocytes origine centrale / origine périphérique
Autres lignées
AUTEUR : Professeur Mauricette Michallet – Service d’Hématologie Clinique –
Hôpital Edouard Herriot
I – PHYSIOPATHOLOGIE
L'anémie est définie par la diminution de la masse totale d'hémoglobine intra-érythrocytaire
circulante. Les paramètres érythrocytaires ne permettent donc ni de définir, ni même de
diagnostiquer avec certitude l'état d'anémie. En effet, ils ne donnent que des valeurs
relatives, rapportées à un certain volume de sang. Leurs variations, en plus ou en moins
peuvent être liées à des modifications de la masse érythrocytaire totale, ou de la volémie
plasmatique.
Pour le diagnostic positif d'anémie, ces paramètres peuvent être en défaut dans plusieurs
circonstances :
¾ Lors d'une hémorragie aiguë, la perte simultanée de plasma et de globules rouges crée
un retard dans la baisse des paramètres érythrocytaires : l'hémoglobine et l'hématocrite
ne s'abaisseront que lorsque l'organisme compensera l'hypovolémie sanguine par une
augmentation du volume plasmatique.
¾ Lors des états d'hémodilution (grossesse, splénomégalies volumineuses,
gammapathies monoclonales), la baisse parfois notable de l'hématocrite et de
l'hémoglobine ne correspond pas à une diminution de la masse érythrocytaire.
Nous envisagerons ici les anémies en dehors des anémies aiguës hémorragiques.
II - DIAGNOSTIC POSITIF
A - LE SYNDROME ANEMIQUE :
L'anémie peut être suspectée sur les éléments cliniques du syndrome anémique : pâleur
cutanéo-muqueuse, dyspnée d'effort, hypotension, tachycardie.
En situation aiguë (hémorragie, hémolyse intra-vasculaire), ce syndrome permet à lui seul
de poser le diagnostic d'anémie. Les paramètres cliniques : pression artérielle, fréquence
cardiaque, diurèse donneront des critères de gravité guidant la réanimation.
En situation chronique, par contre, les éléments du syndrome anémique peuvent être
dissociés, voir absents en raison de l'adaptation de l'organisme à l'état d'anémie. Dans ce
cas, les paramètres biologiques permettront le diagnostic d'anémie et en apprécieront la
gravité.
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B - LE DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE D'ANEMIE :
Les 2 paramètres essentiels pour poser le diagnostic d'anémie sont le taux d'hémoglobine
et l'hématocrite. On parlera d'anémie pour :
¾ Un taux d'hémoglobine inférieur à 13 g/dl chez l'homme
¾ Un taux d'hémoglobine inférieur à 11,5 g/dl chez la femme
Pour l'hématocrite, on peut retenir : 0,40 chez l'homme et 0,37 chez la femme
C - DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE :
Le diagnostic étiologique est guidé par un paramètre essentiel : le Volume Globulaire
Moyen (VGM) :
¾ VGM inférieur à 80 fl : anémies microcytaires
¾ VGM entre 80 et 100 fl : anémies normocytaires
¾ VGM supérieur à 100 fl : anémies macrocytaires
1 - Anémie microcytaire : état des réserves en fer ?
La cause principale d'anémie microcytaire est la carence martiale. L'appréciation des
réserves en fer est donc la première étape diagnostique des anémies microcytaires :
¾ Ferritine basse (ou fer sérique bas + transferrine élevée) = carence martiale : Le
myélogramme est inutile. Il ne montrerait que l'absence de fer dans les érythroblastes et les
macrophages. La suite du bilan devra chercher la cause de la carence martiale. Par
argument de fréquence : hémorragies chronique (causes gynécologiques chez la femme,
sinon, pratiquement toujours digestives)
¾ Ferritine normale ou élevée = maladie de l'hémoglobine ou syndrome inflammatoire : une
anémie microcytaire avec ferritine normale doit évoquer une thalassémie. Il existe souvent,
dans ce cas une pseudopolyglobulie. L'examen à faire est une électrophorèse de
l'hémoglobine. Certaines anémies inflammatoires sont microcytaires. Il faut donc penser à
rechercher un syndrome inflammatoire (VS, CRP) devant une anémie microcytaire à
ferritine normale ou élevée (la ferritine est aussi une protéine inflammatoire).
¾ Causes rares : devant une anémie microcytaire sans carence martiale, ni syndrome
inflammatoire ni anomalie électrophorétique de l'hémoglobine, il faut envisager certaines
causes rares :
- Alpha thalassémies : diagnostic par biologie moléculaire
- Dysérythropoïèses congénitales ou acquises: anémies sidéroblastiques, saturnisme. Le
diagnostic repose sur le myélogramme.
2 – Anémie normocytaire : régénératives ?
Les globules rouges ont un aspect normal. La question est de savoir s'ils sont fabriqués en
quantité suffisantes et détruits ou perdus trop vite (hyperhémolyse ou hémorragie) ou si la
production médullaire est insuffisante. Un paramètre répond en général à cette question : le
taux des réticulocytes :
- Réticulocytes > 140 x 109/l = anémie régénérative (pas de myélogramme)
- Réticulocytes normaux (40 à 140 x 109/l), hémoglobine basse = anémie non régénérative
(myélogramme)
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¾ Anémie normocytaire non régénérative : la moelle est incapable de répondre aux besoins
de production érythrocytaire. Il sera donc nécessaire de l'examiner pour connaître la cause
de cette anémie centrale. Toutes les pathologies médullaires sont possibles. On pourra, de
façon schématique, trouver :
- Un myélogramme riche, mais pathologique : leucémie, lymphome, cancer,
myélodysplasie...
- Un myélogramme pauvre, nécessitant le recours à la biopsie médullaire pour
différencier les aplasies médullaires et les myélofibroses.
¾ Anémie normocytaire régénérative : La moelle répond normalement à une demande
d'augmentation de production érythrocytaire. Celle-ci peut-être due à :
- Une hémorragie aiguë récente : l'hémorragie importante ayant le plus de risque d'avoir
été méconnue par le patient est le melaena. La notion d'hémorragie digestive récente doit
donc être cherchée en priorité par un interrogatoire précis. D'autres hémorragies aiguës
peuvent avoir été méconnues, dans des contextes cliniques particuliers : hémorragies
rétro ou intra-péritonéales, intra-pleurale.
- Une hyperhémolyse : l'hémolyse est le processus physiologique de destruction
érythrocytaire. Les anémies hémolytiques résultent de l'exagération pathologique de ce
processus, dépassant les capacités de régénération médullaire.
La démarche diagnostique vise tout d'abord à mettre en évidence le processus
d'hyperhémolyse. La triade pâleur, ictère, splénomégalie peut orienter vers ce mécanisme.
- Hémolyse aiguë intra-vasculaire avec hémoglobinémie plasmatique et hémoglobinurie.
- Hémolyse chronique avec hyperbilirubinémie (libre) et baisse de l'haptoglobine.
Une fois affirmée l'hyperhémolyse, il est nécessaire d'en identifier la cause. Celle-ci est
souvent trouvée grâce à des examens simples : examen attentif des frottis érythrocytaires,
électrophorèse de l'hémoglobine et test de Coombs.
Ainsi pourront être reconnues :
- Les anémies hémolytiques d'origine corpusculaire, habituellement congénitales :
Æ Maladies membranaires : Minkowski-Chauffard, acanthocytoses...
Æ Maladies de l'hémoglobine : hémoglobinoses S, C, D, E, thalassémies
Æ Maladies enzymatiques : déficit G6PD, pyruvate kinase
- Les anémies hémolytiques extra-corpusculaire, habituellement acquises :
Æ Anémies hémolytiques auto-immunes
Æ Allo et iso-immunisations
Æ Anémies par fragmentation : syndromes hémolytique et urémique, CIVD,
fragmentation sur valves.
Æ Anémies toxiques, infectieuses.
3 - Anémie macrocytaire non régénérative : carentielle?
Avant d'envisager le diagnostic étiologique d'une anémie macrocytaire, il faut s'assurer qu'il
ne s'agit pas d'une fausse macrocytose induite par une hyper-réticulocytose. La
constatation d'une hyper-réticulocytose doit amener à raisonner comme s'il s'agissait d'une
anémie normocytaire régénérative.
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La macrocytose témoigne habituellement d'une dysérythropoïèse. Dans certains cas, cette
dysérythropoïèse a des caractères cytologiques particuliers regroupés sous le nom de
mégaloblastose.
La mégaloblastose se caractérise dans le sang par la présence de gros globules rouges
avec quelques anomalies qualitatives (corps de Jolly, anneaux de Cabot), de polynucléaires
dits hypersegmentés et parfois de plaquettes géantes. Elle est surtout caractéristique au
niveau de la moelle osseuse : métamyélocytes géants, éléments érythroblastiques très
nombreux, de grande taille avec asynchronisme de maturation nucléo-cytoplasmique,
chromatine perlée, et présence parfois d'anomalies mégacaryocytaire, moins spécifiques.
C'est la raison pour laquelle un myélogramme est souvent l'examen pratiqué en premier
devant une macrocytose inexpliquée. Il doit être fait avant toute transfusion ou avant toute
prise médicamenteuse.
¾ Moelle mégaloblastique : Vitamine B12, folates, médicaments ?
Les principales étiologies des mégaloblastoses sont :
- Les carences en vitamine B12, dont les étiologies principales sont la maladie de Biermer
à rechercher par un test de Schilling, les gastrectomies ou résections iléales non
supplémentées en B12, et certaines maladies iléales.
- Les carences en folates : il est nécessaire de doser les folates sériques et les folates
intra-érythrocytaires. La cause principale est la carence d'apport (vieillard, femme
enceinte), plus rarement les malabsorptions digestives.
- Les médicaments : antifoliques, certains antiépileptiques.
¾ Moelle non mégaloblastique : alcool, médicaments, hémopathie ?
Les macrocytoses sans mégaloblastose peuvent se voir dans les étiologies précédentes
lorsqu'un traitement ou une transfusion ont été mis en place avant le myélogramme
("mégaloblastose décapitée").
Sinon, les étiologies à envisager sont :
- L'alcool, sachant que la macrocytose est fréquente, mais l'anémie rare du moins en
l'absence d'autre cause d'anémie.
- Les médicaments : antimitotiques, sulfamides, antirétroviraux.
- Les hémopathies : le myélogramme en fait le diagnostic. La plupart des hémopathies
peuvent donner une anémie macrocytaire. Ce sont principalement :
- Les myélodysplasies : anémie sidéroblastique, anémie réfractaire avec excès de blastes,
anémie réfractaire pure, syndrome myélomonocytaire.
- Les hypoplasies médullaires
- La splénectomie
- Les insuffisances thyroïdiennes ou antéhypophysaires.
III - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Ils on été envisagés dans l'introduction. Les paramètres biologiques sont un bon reflet de
l'anémie sauf :
¾ En situation aiguë : l'hémoglobine et l'hématocrite sous la quantité réelle d'hémoglobine
fonctionnelle circulante.
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¾ Lors des états d'hémodilution: grossesse, splénomégalies, gammapathies, insuffisance
rénale. Dans ces cas au contraire, l'anémie est surestimée voire créée par les variations
plasmatiques ("fausse anémie par hémodilution").
¾ Lors des états d'hémoconcentration (déshydratation, diurétiques), l'anémie peut au
contraire être masquée ou sous-estimée.
POUR APPROFONDIR
Varet B. Le livre de l’Interne : Hématologie : cf. Algorythmes page 59 figure 3.1, page 61
figure 3.2, page 64 figure 3.3, page 69 figure 3.5, page 72 figure 3.6, page 76 figure 3.7.
Edition Médecine-Sciences, Flammarion.
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ANEMIE PAR CARENCE MARTIALE
RESUME DES POINTS FORTS
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Volume globulaire moyen : microcytaire
Taux d’hémoglobine abaissé
Fer sérique et ferritine effondrés
Recherche étiologique
Traitement substitutif : 200 mg F /24 heures pendant 4 à 6 mois
AUTEUR : Professeur Mauricette Michallet – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
I – PHYSIOPATHOLOGIE / ETIOLOGIE
Anémie microcytaire, hypochrome
A – REPARTITITION DE FER DANS L’ORGANISME : 3 COMPARTIMENTS
¾ Fonctionnel : fer héminique : Hb contient 2/3 du fer
¾ Transport : transferrine = sidérophiline, sidérémie, CSS : 30-35%, CTF : 300-350 µg/dl
¾ Réserve : ferritine et hémosidérine dans érythroblastes, macrophages, hépatocytes,
ferritinémie
B – METABOLISME : CERCLE CLOS
¾ FS capté par érythroblastes de moelle osseuse : destruction GR→fer héminique libéré
→ transferrine
¾ Fer alimentaire : compensation des pertes : abs° : duodénum et jéjunum/ rendement =
10%
¾ Entrées + sorties : 1mg/j
Besoins :
10 mg/j
homme
20 mg/j
femme allaitement X 2
Pertes :
1 mg/j
homme
2 mg/j
femme
1 l de sang = 500 mg de fer
grossesse X 3
II - DIAGNOSTIC POSITIF : SYNDROME ANEMIQUE
Constitution très progressive → Bonne tolérance
A - SIGNES CLINIQUES D’ANEMIE :
¾ Asthénie, dyspnée, tachycardie, palpitations, lipothymies
¾ Céphalées, vertiges
¾ Angor d’effort, IDM
¾ Pâleur cutanéo-muqueuse
¾ Discrète SPM (10%) chez enfant
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B - SIGNES CLINIQUES D’HYPOSIDEREMIE :
¾ Peau sèche, prurigineuse
¾ Cheveux secs, cassants
¾ Ongles aplatis, koïlonichie
¾ Perlèche commissurale
¾ Glossite, gastrite atrophique
¾ Atrophie muquo-oesophagienne : PLUMMER-WINSON (KELLY-PATTERSON)
¾ Atrophie prurigineuse vulvaire
¾ Céphalées, HIC (exc)
Signes régressifs après correction de la carence
C - DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE :
¾ Hémogramme :
- Anémie : <13g/dl chez l’homme, 11.5g/dl chez la femme
- Hypochrome : TCHM<27pg
- Microcytaire : VGM<80fl
- Arégénérative : réticulocytes peu ou pas augmentés
- +/- leuconeutropénie, hyperplaquettose
¾ Frottis : GR petits, pâles, en cible
¾ Dosages :
- FS effondré<15µmol/l
- Ferritinémie effondrée<20µg/l
- CTF sidérophiline augmentée>70µmol/l (>360µg/dl)
- CSS effondré<20%
Myélogramme inutile
III - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
A - ANEMIE HYPOCHROME, HYPOSIDEREMIQUE :
¾ Anémie inflammatoire :
- Déviation du métabolisme du fer→syst.macrophagique→hyposidérémie
- Contexte
- Anémie microcytaire, hypochrome plus modérée
- FS diminué modérément
- CTS et CSS nx ou peu diminués
- Ferritinémie augmentée
¾ Anémies mixtes : ferritinémie apprécie la carence martiale
¾ Atransferrinémie congénitale : rares, transmission autosomique dominante : anémie +
surcharge hépatique en fer
B - ANEMIES HYPOCHROMES, HYPERSIDEREMIQUES :
¾ Anémies sidéroblastiques : trouble de l’utilisation du fer : anomalie se synthèse de l’Hb
ou de l’incorporation du fer
- Anémies constitutionnelles :
Æ Syndromes thalassémiques :
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Æ Érythropoïèse inefficace et hémolyse périphérique
Anémie microcytaire, hypochrome, régénérative, hémolyse
FS et CSS augmentés
Ferritinémie augmentée
Histoire familiale, ethnie
Électrophorèse Hb
Æ Anémie sidéro-achrestique (rare)
Transmission : liée à l’X
Même tableau que thalassémie sans hémolyse
Electrophorèse Hb normale
- Anémies sidéroblastiques acquises :
Æ Saturnisme
Æ Intoxications médicamenteuses : rimifon, chloramphénicol
¾ Anémie par défaut de pénétration du fer dans les érythroblastes (rare)
- Constitutionnelles, syndrome myélodysplasiques
- Dysfonctionnement au niveau des récepteurs des érythroblastes pour la transferrine
- Hémochromatose
IV – ETIOLOGIE
A – ENFANTS :
¾ Carence martiale primitive : prématurité, gémellité, régime lactofarrineux>6mois ;
malposition cardiotubérositaire, maladie coeliaque, RGO ; intolérance au gluten aggrave
la carence : apparition au cours du 2° trimestre : pâleur, arrêt croissance, troubles
digestifs, HPM, SPM
NB : hypochromie et microcytose physiologiques NRS→2 ans, Hb = 11g/dl
¾ Prises de sang multiples
B - GRAND ENFANT :
Diverticule de Meckel, hémosidérose pulmonaire idiopathique (hémoptysies récidivantes),
hématuries répétées, hémolyse intravasculaire mécanique, hémoglobinurie paroxystique
nocturne
C – ADULTE :
¾ Hémorragie :
- Gynécologique :
Æ Interrogatoire / règles
Æ Ménorragie de 35 à 50 ans : fibromes utérins
Æ Jeune fille : insuffisance lutéale
Æ Cancer col ou endomètre
- Digestif :
Æ Interrogatoire
Æ TR
Æ Hémoculture valeur si +
Æ Fibroscopie oeso-gastro-duodénale + biopsies
Æ Coloscopie
Æ Transit du grêle
Æ UGD, gastrite médicamenteuse, varices oesophagiennes, HH, oesophagite
Æ Cancer colique : surtout droit
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Æ Diverticulose, polypes
Æ RCH
Æ Angiodysplasie, maladie de RENDU-OSLER
Æ Parasitoses : anguillulose, ankylostomiase
- Autres :
Æ Epistaxis répétées (RENDU-OSLER)
Æ Hémosidérinuries dans les hémolyses mécaniques sur prothèses valvulaires
Æ Dons du sang répétés
- Troubles de l’hémostase :
Æ Congénitaux : hémophilie, Willebrand
Æ Acquis
- Bilan négatif :
Æ Syndrome de LASTHENIE de FERJOL
¾ Carence d’apport : exceptionnelle chez l’adulte en France :
- Femme enceinte : 3° trimestre
- Diminution Hb par hémodilution sans microcytose ni hypochromie
- Vieillard
- Tiers-monde
¾ Défaut d’absorption :
- Gastrectomie
- Malabsorption du grêle : résection intestinale, Crohn, Whipple, maladie coeliaque
- Géophagie (Afrique du Nord)
IV - TRAITEMENT
A - ETIOLOGIQUE
B – SUPPLEMENTATION :
¾ Sels ferreux solubles :
- Sulfate de fer : TARDYFERON, FERROGRAD (constipation)
- Fumarate : FUMAFER (diarrhée)
- Gluconate : HELIOFER suspension chez enfant (pas de sulfate ferreux)
- 100-200mg/j de fer adulte
100mg/j enfant
- Coloration noire des selles
- Vitamine C
¾ Parentérale : exceptionnelle
- JECTOFER, FER LUCIEN : 50-100mg/2j IM strict
- Tatouage, hémochromatose, sarcome, choc anaphylactique en IV
- Indications : malabsorption importante
- Intolérance digestive absolue
- Non-prise ?
- Jamais plus de 2 g/cure
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C – SURVEILLANCE :
¾ Crise réticulocytaire : 7-10°jour
- Hb augmente de 2g/dl toutes les 3 semaines
¾ Durée : si cause corrigée : 4 à 6 mois
- CTS normale
- Si étiologie non traitée : 2 à 3 mois tous les 6 mois
¾ Echecs :
- Saignements persistants
- Mauvaise compliance
- Erreurs diagnostiques (thalassémie)
- Carence mixte
D – PROPHYLAXIE :
La carence martiale doit être traitée même sans anémie
Supplémentation 3° trimestre de la grossesse et allaitement
POUR APPROFONDIR
Varet B. Le livre de l'interne : Hématologie. Edition Médecins-Sciences, Flammarion.
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ANEMIE HEMOLYTIQUE AUTO-IMMUNE
RESUME DES POINTS FORTS
-
Pâleur, ictère et splénomégalie
Anémie normocytaire avec hyper-réticulocytose
Test de Coombs positif
Auto-Anticorps chauds, Agglutinines froides
Idiopathique ou secondaire : infection, prise médicamenteuse, lymphopathie,
maladie auto-immune
Traiter la cause ou traitement par corticothérapie, splénectomie,
Immunosuppresseurs
AUTEUR : Professeur Mauricette Michallet – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
I – PHYSIOPATHOLOGIE
Les anémies hémolytiques auto-immunes comportent le développement d'auto-anticorps
anti-érythrocytaires, responsables hyperhémolyse. L'hémolyse est le processus
physiologique de destruction des globules rouges, qui survient en moyenne au bout de 120
jours. Elle est extra-vasculaire: les globules rouges sont détruits par le système des
phagocytes mononucléés de la moelle osseuse, et plus accessoirement de la rate et du
foie. L'hyperhémolyse est au contraire pathologique, induisant un raccourcissement de la
durée de vie moyenne des globules rouges. L'anémie apparaît lorsque les capacités de
régénération médullaire ne suffisent plus à compenser l'hyperhémolyse. L'hémolyse peut
donc rester longtemps compensée et ne se révéler qu'à la faveur d'une affection ou
complication intercurrente.
La démarche diagnostique consistera à prouver l'hyperhémolyse, puis la présence
d'anticorps anti-érythrocytaire, puis à démontrer que ces anticorps sont bien des autoanticorps.
Ces maladies se caractérisent, surtout chez l'adulte par le passage fréquent à la chronicité
induisant une cortico-dépendance.
A - CARACTERISTIQUES DES AUTO-ANTICORPS ANTI-ERYTHROCYTAIRES :
¾ Ce sont habituellement des auto-anticorps incomplets, c'est à dire qu'ils sont incapables
d'agglutiner les globules rouges en milieu salin. C'est la raison pour laquelle leur mise en
évidence nécessite l'utilisation d'un anti-sérum, appelé sérum de Coombs, qui comporte des
anticorps anti-immunoglobulines humaines. Le sérum de Coombs non spécifique utilise un
anti IgG associé à un anti IgM, à un anti IgA et à un anti-complément. Une réaction de
Coombs directe positive signe la présence, à la surface des GR du patient d'anticorps antiérythrocytaires. La réaction trouvée étant une agglutination, on parle d'anticorps de type
agglutinine. L'utilisation d'antisérums spécifiques anti IgG, ou anti IgA, ou anti IgM ou anticomplément permet de définir la spécificité des anticorps fixés sur les GR: exemple:
Coombs direct positif de type IgG + complément, ou de type IgG seul, ou de type
complément.
¾ Suivant leur température optimale d'activité, on parlera d'agglutinines "chaudes" (actives
à 37°C) qui sont le plus souvent des IgG ou d'agglutinines "froides" (actives à 4°C), qui sont
habituellement des IgM. En fait toutes les amplitudes thermiques sont possibles entre 0 et
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37°C. Exceptionnellement on est en présence d'anticorps biphasiques qui sont d'ailleurs des
hémolysines.
¾ Les anticorps sont habituellement polyclonaux. Il existe des AHAI à anticorps
monoclonaux.
¾ La réaction de Coombs directe permet de mettre en évidence la présence d'anticorps
fixés à la surface des globules rouges.
B - SPECIFICITE DES ANTICORPS :
Les anticorps anti-érythrocytaires sont dirigés contre des antigènes présents à la surface de
GR. Ces antigènes sont très nombreux, et définissent les groupes érythrocytaires. Les autoanticorps ont en fait des cibles peu nombreuses: il s'agit essentiellement de spécificités
contre des déterminants rhésus, ou contre les antigènes des groupes I/i, ou plus rarement
anti P. Théoriquement, pour démontrer que les anticorps sont des auto-anticorps, il faut
démontrer qu'ils ont été synthétisés par le sujet et sont dirigés contre des antigènes propres
au sujet (antigènes du soi). En pratique, cette démonstration biologique d'une autoimmunisation n'est pas toujours faite. Le contexte clinique des AHAI est en fait très différent
des autres hémolyses immunes, ce qui permet d'en poser le diagnostic
C - MODE D'ACTION DES ANTICORPS :
Les anticorps anti-érythrocytaires ne sont habituellement pas hémolytiques. Lorsqu'ils ne
fixent pas le complément, l'hémolyse ne peut se produire dans les vaisseaux: les GR
sensibilisés (opsonisés) sont captés par la rate, et l'hémolyse est extra-vasculaire. Par
contre, les anticorps fixant le complément peuvent déclencher une hémolyse intravasculaire à condition que l'activation du complément soit rapide. Une activation lente du
complément aboutit aussi à une hémolyse extra-vasculaire, les fractions du complément fixé
à la surface des globules rouges étant reconnues par des récepteurs à la surface des
phagocytes spléniques.
II – DIAGNOSTIC POSITIF
A - DIAGNOSTIC POSITIF D'UNE AHAI :
1 - La clinique peut prendre des aspects très divers :
a - Tableau d'anémie aiguë :
¾ Fièvre, frissons, diarrhée, vomissements ; pâleur, tachycardie, hypotension voire état de
choc
¾ Ce tableau peut se compliquer de signes d'hémolyse intra-vasculaire (douleurs
lombaires et hémoglobinurie).
b - Tableau classique d'anémie hémolytique chronique :
¾ Plus souvent, le début est plus insidieux, avec l'installation plus ou moins rapide d'un
syndrome anémique et constitution de la triade hémolytique: pâleur, ictère, splénomégalie
¾ Ce syndrome peut être dissocié: simple dyspnée d'effort, ou subictère ou découverte
fortuite d'une splénomégalie modérée.
¾ On retrouve parfois une exposition au froid comme facteur favorisant, le tableau de
déglobulisation sévère se manifestant quelques heures plus tard, au chaud : il s'agit de la
classique mais rarissime hémoglobinurie paroxystique a frigore.
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2 - La biologie fait typiquement le diagnostic en 3 temps :
a - C'est une anémie régénérative :
Anémie habituellement normocytaire avec hyper-réticulocytose (souvent supérieure à 300 x
10 9/l). Cette hyper-réticulocytose peut donner des aspects de fausse macrocytose (cf.
question 313). Il peut s'y associer une petite myélémie : jusqu'à 10 % de myélocytes et
métamyélocytes avec hyperleucocytose et une érythroblastose. La numération plaquettaire
est normale, mais il peut exister aussi soit une thrombocytose, surtout dans les formes
chroniques, soit une thrombopénie dans les formes graves. Le myélogramme est inutile. Il
ne ferait que confirmer la régénération médullaire : érythroblastose sans dysérythropoïèse.
Il est exceptionnel qu'il faille recourir aux techniques isotopiques pour affirmer l'hémolyse.
b - C'est une anémie hémolytique :
Il peut exister des signes d'hémolyse intra-vasculaire :
¾ Présence d'une hémoglobinémie donnant une couleur rosée voire rouge au sérum ;
cette hémoglobinémie peut être quantifiée
¾ Associée à une hémoglobinurie lorsque l'hémoglobinémie dépasse 150 mg/ml : urines
noires, couleur porto ;
Sinon, l'hémolyse est affirmée par l'augmentation de bilirubine libre plasmatique associée à
une baisse des systèmes tampons: haptoglobine basse voire effondrée, et hémopexine
basse...
Les autres paramètres sont de moindre intérêt: augmentation de la LDH, du fer sérique et
du coefficient de saturation de la sidérophiline
Il peut s'y ajouter, dans les formes chroniques anciennes une hyper-ferritinémie voire une
hémosidérinurie
c - C'est une hémolyse immune :
¾ Le test de Coombs direct est positif. Il permettra de caractériser l'hémolyse en fonction
du type de positivité (IgG, IgM, complément) et de l'amplitude thermique.
¾ Le test de Coombs indirect et les autres méthodes de caractérisation des anticorps antiérythrocytaires (recherche et caractérisation d'agglutinines irrégulières) permettent de
déterminer la cible antigénique des anticorps: antigènes du système rhésus, du groupe I/i,
du système P
d - C'est une hémolyse auto-immune :
Le caractère auto-immun des anticorps peut-être affirmé si la détermination de leur
spécificité permet de montrer qu'ils sont dirigés contre un antigène que porte le sujet. En
fait, les autres anémies hémolytiques d'origine immune se voient dans des contextes
particulier: néo-natal ou post transfusionnel. En pratique, le contexte clinique est suffisant
pour déterminer qu'il s'agit bien d'une AHAI.
B - DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE :
1 - Selon les caractères de l'anticorps, on distingue :
a - Les anémies hémolytiques auto-immunes à anticorps chauds :
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¾ Test de Coombs direct positif à 37°C, habituellement à lgG ou IgG + complément;
anticorps incomplets chauds.
¾ Spécificité la plus fréquente: antigène associés au système rhésus.
¾ Tableaux cliniques très variables ; toutes les intensités d'anémie sont possibles, de
l'hémolyse chronique à la grande hémolyse intra-vasculaire
Ces anémies hémolytiques peuvent être idiopathiques, ou secondaires à une collagénose,
une hémopathie lymphoïde ou une tumeur
b - Anémie hémolytique auto-immune à auto-anticorps froids :
Hémolyse activée par les températures d'ordinaire inférieures à 30°C (anémies
hémolytiques auto-immunes "cryopathiques"). La réaction de Coombs directe est positive à
4°C, de type IgM + complément ou parfois de type IgG + complément. La spécificité est
alors anti I/i (cas des IgM) ou parfois anti P (cas des IgG biphasiques); l'hémolyse est
souvent intra-vasculaire.
Ces anémies hémolytiques sont soit aiguës, post-infectieuses,
idiopathiques ou secondaires à une hémopathie lymphoïde.
soit
chroniques,
¾ Hémoglobinurie paroxystique a frigore :
- A tout âge
- Complication d’une infection virale, syphilis, vaccination anti-rougeole
- Crise hémolytique aiguë, brutale après exposition au froid
- Diagnostic :
Æ Présence d’une hémolysine biphasique de Donath Landsteiner
Æ Coombs direct : complément isolé ou avec IgG
Æ Sérum : présence d’hémolysine biphasique de type IgG
- Bon pronostic, après réchauffement
¾ AHAI à agglutinines froides élevées :
- Pneumonie à mycoplasme
- Infections virale : MNI, CMV
- Listériose
- Hémolyse brutale, IV
- Auto-agglutination des GR constante
- Titrage des agglutinines froides + : IgM
- Bon pronostic, chaleur, éventuellement corticothérapie courte
¾ Formes chroniques secondaires :
- LLC, LMNH
- IR en dialyse
- Cirrhose hépatique
2 - Selon le contexte nosologique :
Les anémies hémolytiques auto-immunes peuvent être soit idiopathiques, soit secondaires.
La découverte d'une AHAI implique donc un bilan étiologique à la recherche :
¾ D'une infection aiguë récente: mononucléose infectieuse, infection à cytomégalovirus,
hépatite virale, infection rhino-pharyngée virale de l'enfant, infection à mycoplasme,
infection VIH
¾ D'une prise médicamenteuse: alpha méthyl dopa, lévodopa
¾ D'une hémopathie maligne: leucémie lymphoïde chronique, maladie de Waldenström,
lymphome malin non hodgkinien, maladie de Hodgkin : c'est dans ces hémopathies
lymphoïdes que se rencontrent le plus souvent les AHAI par composant monoclonal
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¾ D'une maladie dysimmunitaire: lupus érythémateux disséminé, sclérodermie, rectocolite
ulcéro-hémorragique
¾ D'un purpura thrombopénique idiopathique réalisant le syndrome d'Evans
¾ D'une tumeur de l'ovaire (tératome).
III - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
A - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DES ANEMIES REGENERATIVES :
¾ Il est rappelé qu'elles peuvent être normocytaires ou macrocytaires. Le comptage des
réticulocytes permet de les classer dans le groupe des anémies régénératives qui évoquent
trois diagnostics :
- Les hémorragies aiguës récentes, à rechercher par l'interrogatoire, recherche de
méléna en particulier
- Les anémies carentielles traitées: sidéropénique avec traitement martial,
mégaloblastiques avec traitement vitaminique ou folique
- Les hémolyses, à confirmer par l'augmentation du taux de bilirubine libre, la chute de
l'haptoglobine et la découverte éventuelle d'une cause d'hémolyse.
¾ Parfois (anémies complexes), le caractère régénératif est masqué par un autre
mécanisme: syndrome inflammatoire associé ou carence martiale associée, bloquant la
réticulocytose. Les signes d'hyperdestruction érythrocytaire: hyper-bilirubinémie libre et
chute de l'haptoglobine font le diagnostic d'hémolyse. Il faudra attacher de l'importance, en
cas de syndrome inflammatoire majeur à une haptoglobine modérément abaissée, voire
normale: l'haptoglobine est une protéine inflammatoire. En cas d'inflammation la baisse
induite par l'hémolyse peut donc être masquée par l'élévation de ce marqueur
inflammatoire. La normalité de l'haptoglobine dans un contexte inflammatoire est évocatrice
d'une hémolyse. La pratique des profils protéiques permet de bien mettre en évidence ce
phénomène.
¾ Une autre cause d'erreur pour l'haptoglobine est l'anhaptoglobinémie, qui peut être
congénitale ou acquise dans les grandes fuites protéiques. Les autres paramètres
hémolytiques prennent leur valeur.
¾ De même, l'élévation de la bilirubine libre peut être due à une anomalie enzymatique
congénitale: maladie de Gilbert. Les autres éléments du syndrome biologique d'hémolyse
font alors défaut.
¾ Enfin il peut arriver que l'anémie hémolytique se révèle brutalement par une anémie non
régénérative: cas d'un enfant porteur d'une anémie hémolytique chronique méconnue,
développant une érythroblastopénie par parvovirus B19. Le diagnostic repose sur la
découverte de stigmates d'hémolyse et la positivité de la sérologie du parvovirus B19 ou de
la PCR spécifique.
B - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DES AUTRES CAUSES D'HEMOLYSE :
1 - Anémies hémolytiques congénitales :
Ce sont habituellement des hémolyses d'origine corpusculaires, diagnostiquées par des
tests explorant les érythrocytes :
¾ Maladies membranaires: Minkowski Chauffard
¾ Maladies de l'hémoglobine: hémoglobinoses S, C, D, E; bêta thalassémies majeures
¾ Maladies enzymatiques: déficits G6PD, pyruvate kinase
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2 - Anémies hémolytiques acquises :
¾ A test de Coombs direct positif : un test de Coombs positif signe la présence d'anticorps
fixés sur les érythrocytes. Il peut donc aussi s'agir d'allo-anticorps: allo-immunisation posttransfusionnelle, allo-immunisation materno-foetale. Le contexte et les caractérisations
des agglutinines irrégulières font le diagnostic.
¾ A test de Coombs direct négatif :
- Elles représentent 5% des AHAI authentiques
- Le diagnostic parfois rattrapé par la mise en évidence d'agglutinines irrégulières
sériques : test de Coombs indirect, gel tests et autres techniques spécialisées.
3 - Anémie hémolytiques immuno-allergiques médicamenteuses :
Elles sont à classer en fait avec les anémies hémolytiques auto-immunes. Le test de
Coombs est habituellement positif. La responsabilité du médicament, suspectée sur
l'interrogatoire est en fait prouvée par la disparition des signes d'hémolyse à l'arrêt du
médicament. Le plus classique est l'alpha méthyl dopa.
IV - EVOLUTION ET TRAITEMENT
A – EVOLUTION :
¾ L'évolution des AHAI secondaires, ou associées à une autre pathologie est liée à celle de
cette pathologie :
- Les AHAI secondaires aux infections curables régressent spontanément avec la
guérison de l'infection, virale ou mycoplasmique
- Les AHAI médicamenteuses régressent avec l'arrêt du médicament, mais il est
fréquent que le test de Coombs reste positif.
- Par contre, les AHAI associées aux hémopathies lymphoïdes sont peu ou pas
influencées par l'évolution de l'hémopathie: elles peuvent persister alors que la
maladie est en rémission
¾ Les AHAI primitives sont assez souvent chroniques voire rebelles :
- La maladie chronique des agglutinines froides évolue par poussées parfois très
sévères, avec hémolyse intra-vasculaire. Elle répond assez mal au traitement
- Les AHAI idiopathiques peuvent avoir des évolutions très diverses: certaines sont
curables et guérissent spontanément ou sous corticothérapie; d'autres régressent
sous corticothérapie à dose plus ou moins élevées. Parmi celles-ci, il n'est pas rare
que s'installe une cortico-dépendance
B - TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE DE L'ANEMIE :
Les transfusions doivent être évitées au maximum: la spécificité de l'anticorps rend
rarement possible une transfusion compatible. La plupart des transfusions seront au mieux
inefficaces, au pire dangereuses, pouvant exposer à un risque vital.
L'indication de transfusion ne pourra se discuter que si le pronostic vital est en jeu:
insuffisance coronaire sévère, insuffisance cérébrale vasculaire, défaillance viscérale grave.
Il faut alors transfuser des quantités minimes, à faible débit (2ml/mn), de culots globulaires
déleucocytés, déplaquettés. Le recours à des GR autologues congelés a pu être proposé
- 24 -
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chez des patients ayant une maladie évoluant par poussées entrecoupées de rémission
pendant lesquelles les GR peuvent être prélevés.
Dans certains cas, il est possible de disposer de GR compatibilisés, ne possédant pas
l'antigène reconnu par l'anticorps responsable de la maladie. La transfusion doit, dans ces
cas rester extrêmement prudente et relève de services spécialisés.
C - TRAITEMENT CURATIF :
Il faut essayer de réduire l'hémolyse :
1 - Agglutinines froides :
Réchauffer, protéger du froid
2 - Cause identifiée :
Traiter la cause: arrêt d'un médicament, traitement d'une maladie associée
3 – Corticoïdes :
Ils constituent le traitement de la plupart des AHAI. Les doses d'attaque sont habituellement
de 1 à 1,5 mg/kg de prednisone ou équivalent. La réponse est rarement immédiate: 1 à 2
semaines sont nécessaires avant de voir régresser les signes d'hémolyse, puis remonter le
taux d'hémoglobine. On peut considérer qu'il y a échec de ce traitement si à 1 mois voire 1
mois et demi, aucune amélioration biologique n'est constatée. Lorsque le taux
d'hémoglobine est revenu à la normale, il faut réduire lentement les doses de corticoïdes
(paliers de 10 mg au départ, puis de 5 mg), en surveillant le taux des réticulocytes et
l'hémoglobine. En cas de réapparition de la réticulocytose, ou de l'anémie, il faut remonter
à la dose la plus basse ayant permis de maintenir la rémission, puis tenter éventuellement
secondairement, après un palier de diminuer à nouveau les doses.
Dans les meilleurs cas, il est possible, après un délai plus ou moins long d'arrêter le
traitement. Sinon, il faudra rechercher la plus petite dose efficace possible
4 – Splénectomie :
A réserver aux cas d'échec des corticoïdes, de contre-indication à la corticothérapie, ou de
cortico-dépendance pour des doses élevées de corticoïdes. Une étude isotopique préalable
de la demi-vie des GR et du site de destruction ou séquestration érythrocytaire est souvent
pratiquée avant la splénectomie. Elle ne permet pas toujours de prévoir l'efficacité.
5 - Autre thérapeutiques possibles :
¾ Dans l'urgence, les plasmaphérèses peuvent permettre de passer un cap critique.
Quelque soit la nature de l'anticorps, elles sont possibles. Le sang ou le substitut réinjecté
sera réchauffé à 37°C avant réinjection s'il s'agit d'anticorps froids.
¾ Immunosuppresseurs : cyclophosphamide, 6 mercaptopurine, azathioprine, melphalan,
ont pu être proposés. Les indications sont du ressort de services spécialisés. Les
immunoglobulines intra-veineuses à forte dose paraissent peu efficaces dans cette
indication.
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2005
CONDUITE A TENIR DEVANT UNE ADENOPATHIE
RESUME DES POINTS FORTS
- Le diagnostic étiologique d’une adénopathie nécessite un interrogatoire minutieux
et un examen clinique soigneux pour préciser le contexte car certaines affections
générales peuvent s’accompagner d’adénopathies; il faut également rechercher
attentivement les causes locales, réactionnelles, infectieuses ou néoplasiques.
- Si une cause locale ou générale ne peut être retenue, un premier bilan de
débrouillage simple comprend hémogramme avec formule leucocytaire, protéine C
réactive ou VS, sérologies VIH, EBV et toxoplasmose, cliché thoracique (si ADP susdiaphragmatique).
- Toute adénopathie qui ne fait pas sa preuve et qui persiste pendant plus d’un mois
doit faire l’objet d’une biopsie en milieu spécialisé.
AUTEUR : Professeur Gilles Salles – Service d’Hématologie Clinique – Centre
Hospitalier LYON SUD
I - EXAMEN CLINIQUE
A – CONCERNANT L’ADENOPATHIE :
¾ Quelle en est la topographie précise ?
- d'où les dg différentiels
Cervical .....
Axillaire.....
Inguinal ....
glandes salivaires ?
nodule thyroïdien ?
lipome, fibrome ?
anévrisme, t. du glomus ?
Kyste du tractus thyréoglosse
kyste sébacé ?
hernie ?
anévrisme, lymphangiome ?
ectopie testiculaire ?
¾ Bilan des territoires atteints - sites particuliers : thoraciques, occipital, épitrochléen
¾ S'agit-il d'une lésion unique, d'adénopathie(s) isolée(s),
ou de paquet(s) d'adénopathie(s) ?
ou d’adénopathies généralisées ?
¾ Taille (mesurer +++), consistance, aspect inflammatoire, aspect de la peau ?
B - EXAMEN GENERAL :
¾ En fonction du siège
- Cervical : lèvres, VADS, thyroïde, ne pas oublier le cuir chevelu
- Axillaire : sein, membre sup, paroi thoracique
- Tronc : lésion profonde
- Inguinales : - Examen gynécologique chez la femme
- Testicule chez l'homme
- Examen ano-rectal et touchers pelviens,
¾ Hépato- ou splénomégalie ?
- 26 -
2005
¾ Examen ORL
II – INTERROGATOIRE
¾ Antécédents (néoplasiques ?)
¾ BCG ? Vaccinations récentes ?
¾ Facteurs de risque de certains cancers ?
¾ Traitements pris (récemment ou de manière chronique) ?
¾ Infections récentes, piqûres d'insectes, animaux ?
¾ Etat général = présence de signes généraux ?
¾ Signes fonctionnels ?
III - LES GRANDES ETIOLOGIES
A – INFECTIONS :
¾ Infectieux bactérien
* satellite dans le territoire de drainage d'une infection connue ou non (amygdales...)
+++
* satellites de lésions cutanées +++
* tuberculose (mycobactéries atypiques ou tuberculosis)
* syphilis, chancre mou (Nicolas Favre)
* maladie des griffes du chat (rochalimaea henselae)
* lèpre, brucellose, tularémie (pasteurellose), ricketsioses
* scarlatine, diphtérie
¾ Infectieux viral
* chez l'enfant : rubéole, rougeole, oreillons, adénovirus ...
* chez l'adulte : EBV, HIV, CMV, herpès,
* habituel dans un contexte d’infection oropharyngée
* plus rarement hépatites
¾ Infectieux parasitaire
* toxoplasmose
* kala-azar
* mycoses plus rares (histoplasmose, coccidioidomycoses...)
* satellites d’helminthiases, de filarioses...
B - ATTEINTES DU SYSTEME IMMUNITAIRE OU MALADIES GENERALES :
¾ Sarcoïdose,
¾ Polyarthrite rhumatoïde
¾ Syndrome de Gougerot - Sjögren
¾ Collagénoses diverses...
¾ Affections dermatologiques avec prurit...
¾ Maladie sérique et maladie du greffon contre l’hôte
¾ Réactions médicamenteuses : hydantoïnes, carbamazepine, sels d’or, AINS...
¾ Réaction aux silicones...
C - AFFECTIONS NEOPLASIQUES :
¾ Tumeur non hématologique, connue ou non
Se méfier
* des VADS (primitif parfois méconnu), du cavum ...
- 27 -
2005
* des mélanomes (peuvent passer inaperçus, voire exceptionnellement
régresser)
* des ganglions de sièges inguinaux (anus, OGE chez l’homme et la femme)
* des adénopathies révélatrices de carcinomes métastatiques à point de
départ inconnu...
¾ Hématologiques :
** lymphomes non-hodgkiniens et maladie de Hodgkin
** Lymphadénopathie angio-immunoblastique (LAI)
** Maladie de Castelman
** leucémie lymphoïde chronique, rarement LAL, ....
** rarement LMC, LAM, ...
D - AUTRES DESORDRES ET DIVERS :
¾ Réactionnelle d'origine X (hystiocytose sinusale, infection inconnue, dysimmunitaire, etc..)
¾ Maladies de surcharge ...
IV - LE PREMIER BILAN A DISCUTER AU CAS PAR CAS, ET EN FONCTION DU SIEGE
NFP, VS ou CRP
Sérologie : toxoplasmose, EBV et VIH
éventuellement électrophorèse ...
éventuellement CMV, syphilis
Radio pulmonaire
Examen ORL,
éventuellement IDR tuberculine
éventuellement
examens spécialisés génitaux, digestifs
ou pulmonaires ?
Les échographies des ADP superficielles sont le plus souvent inutiles !!!
V - LA PONCTION ET/OU LA BIOPSIE PERMETTENT D'ETABLIR LE DIAGNOSTIC
¾ La ponction permet souvent un diagnostic d'orientation, à condition de savoir la faire et de
disposer d'un excellent laboratoire pour la lire :
* dans les hémopathies lymphoïdes au diagnostic, elle ne remplace pas la biopsie
* dans les cancers, elle permet parfois de l'éviter
* dans les infections, à éviter dans certaines phases aiguës; mais permet parfois
d’éviter d’avoir recours à une biopsie
¾ La biopsie est indispensable pour typer une hémopathie (laboratoire spécialisé,
congélation, examens immunologiques, cytogénétiques et moléculaires ...)
¾ La biopsie est indispensable si il s'agit d'une lésion néoplasique isolée inconnue
¾ La biopsie est indispensable dans la tuberculose (antibiogramme)
POUR APPROFONDIR
Recroiser ce cours avec les cours de pédiatrie, d’ORL et de pathologie infectieuse.
- 28 -
2005
CONDUITE A TENIR
DEVANT UNE EXPOSITION ACCIDENTELLE AU SANG
AUTEUR : Docteur Philippe Renaudier – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
I – CADRE GENERAL DES ACCIDENTS D’EXPOSITION AU SANG (AES)
Il est posé par une Circulaire ministérielle (n°98-228 du 9 avril 1998) relative aux
recommandations de mise en oeuvre d’un traitement antirétroviral après exposition au
risque de transmission du VIH.
Son annexe 2 (« processus
épidémiologiques :
d’appréciation
du
risque »)
définit
trois
cadres
¾ Les accidents (AES = « exposition accidentelle à du sang ou à un liquide biologique
contenant du sang »).
¾ Les « expositions sexuelles ».
¾ Les toxicomanies IV (« exposition par partage de matériel de prise de drogue »).
Ne sont envisagés ici que les AES.
A - DEFINITION :
« Une exposition accidentelle, qu’elle ait lieu au cours d’un exercice professionnel ou non,
est définie par un contact avec du sang ou un liquide contenant du sang lors d’une piqûre
avec une aiguille, d’une coupure avec un objet tranchant ou par un contact avec du sang ou
du liquide contaminé sur une plaie, une peau non intacte ou une muqueuse ».
La notion d’accident est aussi définie par la Circulaire : « les expositions accidentelles
peuvent survenir dans un cadre professionnel chez un soignant, un cadre professionnel
hors champ du soin ou hors cadre professionnel (soin à un patient par son entourage,
piqûre par une seringue abandonnée sur la voie publique par exemple ».
B - ANALYSE DE CETTE DEFINITION :
Cette définition provient d’une Circulaire ministérielle, c’est-à-dire d’un texte réglementaire
officiel. Cette circulaire a pour but :
¾ D’’organiser le recueil de données épidémiologiques, nécessaire pour évaluer le
système et le faire évoluer ;
¾ De normaliser la conduite à tenir dans un but contentieux.
La classification épidémiologique nécessite l’individualisation de trois cadres de
transmission accidentelle, qui correspondent à trois populations différentes : les AES, les
expositions sexuelles et les toxicomanies IV. Si le problème médical est le même, il est clair
que les actions de prévention primaires ou secondaires sont sensiblement différentes.
Le problème contentieux est très réel. Les risques de contamination, à la suite d’un AES
sont objectivement très faibles. Mais il est établi qu’un risque est d’autant plus inacceptable
socialement qu’il est plus rare.
Enfin, on notera qu’un AES implique :
- 29 -
2005
¾ Un CONTACT avec un liquide contenant du sang ; s’il n’en contient pas (salive par
exemple), ce n’est pas un AES (au sens épidémiologique, répétons le).
¾ Et :
-
Soit une effraction cutanée (piqûre, coupure, morsure)
Soit une projection muqueuse (œil) ou sur peau lésée.
II – LE CHAMP DES AGENTS TRANSMISSIBLES
A - NATURE DES AGENTS TRANSMISSIBLES :
Tous les agents présents dans le sang d’un sujet-source peuvent être transmis au sujet –
cible dans le cadre d’un AES. Ce risque est connu de longue date, et le costume des
médecins du XVIIème siècle lors des épidémies de peste, que l’on peut voir au musée des
HCL à l’Hôtel Dieu, est une tentative de prévention, à comparer avec l’ « équipement »
masque /lunettes / surblouse / gants ! (Tableau II).
Cette transmission se fait presque exclusivement dans le sens soigné soignant. La
transmission soignant soigné est exceptionnelle (quelques cas décrits dans le monde),
mais médiatisée à l’extrême. Le troisième mode de transmission est soigné soigné.
En marge de la transmission d’agents infectieux, on a décrit quelques observations de
« transplantation » d’un cancer par AES.
* Gouttelettes de Pfluge
- Tuberculose
- Grippe
- CMV – VZV – EBV
* Sang
- VIH – VHB – VHC
- Syphilis
- Fièvres hémorragiques virales
- Paludisme
* Selles
- Typhoïde
- Hépatites A et E.
* Morsures
- Anaérobies.
Tableau II – Principaux agents transmissibles par contact inter-humain voie sexuelle exclue
B - RISQUES DE TRANSMISSION :
1 - Sens soigné soignant :
Les risques moyens de contracter un virus donné lors d’un AES sont (à savoir) :
VHB = 30%
VHC = 3%
VIH = 0,3%
Ces risques sont modulés de la manière suivante :
¾ Ils sont moindres après exposition cutanéo-muqueuse ou transcutanée.
- 30 -
2005
¾ Ils augmentent parallèlement à la charge virale du sujet-source ; pour le VHB, ils sont
supérieurs en cas de portage de l’Ag HBe ;
¾ Ils augmentent parallèlement à la quantité de sang inoculée ; les aiguilles creuses sont
donc plus à risque que les aiguilles de suture, et les risques sont supérieurs après injection
IV chez le malade qu’après IM ou SC ;
¾ Pour le VHB, le risque est annulable par la vaccination ou l’administration
d’immunoglobulines anti-VHB. Il existe aussi une hiérarchie des risques selon le geste
(Tableau III).
Chambre implantable
1)
2)
3)
4)
5)
6)
7)
Activité chirurgicale
Hémoculture
Pose et dépose de perfusion
Prélèvement intraveineux
Injection
Prélèvement intra-tubulaire
Prélèvement capillaire
Tableau III – Hiérarchie des risques d’AES selon le GERES (Groupe d’Etudes sur le Risque d’Exposition
au Sang. Il s’agit d’un réseau de surveillance mis en place dans certains hôpitaux français)
2 - Sens soignant soigné :
Ce risque est estimé entre 2,4.10-5 et 10-7 pour le VIH, entre 2,4.10-3 et 10-4 pour le VHB et
n’est pas connu pour le VHC.
Il ne s’agit donc pas d’un problème de santé publique, mais d’un problème contentieux. La
position de l’Ordre des Médecins vis-à-vis des tests pratiqués chez les chirurgiens a changé
dans les dernières années, et il n’est pas exclu qu’elle évolue encore sous la pression
médiatique (1).
3 - Sens soigné soigné :
Ce risque recouvre deux situations :
¾ Les infections nosocomiales, les soignants interviennent ici comme « agents vecteurs » ;
¾ Les relations sexuelles entre patients.
III – CONDUITE À TENIR
Elle est définie réglementairement par la Circulaire ministérielle du 9 avril 1998, actualisée
le 2 avril 2003.
(1) A la suite du rappel de 926 patients qui ont été en contact avec un soignant séropositif
dans un établissement de Massy, le Pr Jean Langlois (actuel président de l’Ordre des
Médecins) a déclaré le 18 novembre 2002 à l’AFP que les chirurgiens « doivent connaître
leur statut sérologique vis-à-vis du SIDA et le vérifier périodiquement. Si la loi ne les oblige
pas à faire un test, il est important que les individus fassent leur auto-régulation ; cela
engage leur responsabilité morale et est susceptible d’engager à l’avenir leur responsabilité
civile ou celle de l’établissement de soins dont ils dépendent ». Aussi, l’Ordre des Médecins
déconseille aux chirurgiens et à certains praticiens de poursuivre leur activité s’ils sont
porteurs du virus du SIDA. Source = Bulletin de l’Ordre des Médecins du 11/1/03.
A - SUR LE LIEU DE L’ACCIDENT :
- 31 -
2005
1 - Coupure ou piqûre :
¾ Lavage immédiat à l’eau et au savon antiseptique (Bétadine scrub® = rouge ou Hibiscrub®
¾ Trempage dans un antiseptique pendant au moins 5 minutes (Bétadine dermique® =
jaune ou Dakin stabilisé ou Javel diluée).
2 - Protection oculaire :
¾ Rinçage immédiat à l’eau courante pendant au moins 5 minutes
¾ Puis consultation ophtalmologique
B - EN MEDECINE DU TRAVAIL :
Dès lors qu’un soignant est victime d’un AES, il change de statut et devient lui-même
patient. Il est important de respecter ce point et d’imposer au soignant une consultation en
médecine du travail afin :
¾ De préserver ses droits
¾ De préserver la confidentialité (ne pas négliger la possibilité de découverte inattendue
d’une séropositivité du soignant …)
Cette consultation peut être immédiate aux heures d’ouverture, ou différée. Le soignant est
alors orienté vers le service référent de l’hôpital (en général le service d’urgences).
En médecine du travail est réalisé :
¾ La mise à jour vaccinale, avec injection éventuelle de gammaglobulines anti-HBs ;
¾ La déclaration administrative de l’AES dans les 48 heures (public) ou 24 heures (privé) ;
¾ Le suivi sérologique de l’accidenté. La première sérologie doit être pratiquée dans les 7
jours suivant l’accident. Le suivi ultérieur est ensuite adapté au risque infectieux (en général
suivi à 1-3-6 mois). Les sérologies peuvent être réalisées en médecine du travail ou en ville.
C - DECISION INFECTIOLOGIQUE :
Elle est prise par le médecin référent de l’établissement, ou en cas d’absence par le service
des urgences de l’hôpital.
1 - Documentation du dossier :
Il convient tout d’abord de savoir si l’AES est d’origine connue ou inconnue, c’est-à-dire si le
malade-source est ou non identifié. Dans le premier cas, si les résultats des sérologies
(VIH, VHC et Ag HBs) figurent dans le dossier, on a à la disposition les éléments objectifs
permettant de décider s’il convient ou non de traiter le soignant. Si le statut sérologique du
malade-source est inconnu, il convient de faire pratiquer en urgence et avec son accord la
sérologie VIH et un antigène HBs : (Figure 1).
- 32 -
2005
Origine AES
connue
sérologies dans le dossier
inconnue
pas de sérologies
sérologies en urgence
accord malade
refus malade
Figure 1 – Organigramme de la documentation du dossier d’un AES
2 - Malade-source VIH positif :
Le traitement standardisé dans la Circulaire du 2/4/03 comporte :
¾
¾
COMBIVIR® 1/0/1 associé à
Soit KALETRA® 3/0/3
Soit VIRACEPT® 5/0/5
Il est à prendre le plus tôt possible après l’AES : si possible dans les 4 heures avec un délai
maximum de 48 heures, et pendant 1 mois.
Les indications de ce traitement sont fonction des circonstances de l’AES (Tableau IV).
CIRCONSTANCE
TRAITEMENT
Piqûre avec aiguille après geste en IV ou IA
Recommandé
- Piqûre avec aiguille à suture ou après IM ou SC
- Coupure par bistouri
Recommandé
Exposition cutanéo-muqueuse massive
Recommande
Si exposition > 15 minutes
- Morsure, griffure
- Sang sur peau malade
- Exposition cutanéo-muqueux minimum
- Autre liquide biologique
Non recommandé
Tableau IV – Indication thérapeutique pour le VIH en fonction des circonstances de l’AES
dans la Circulaire du 2 avril 2003.
- 33 -
2005
Si le malade-source est VIH positif et traité par anti-rétroviraux ou en interruption
thérapeutique :
¾ Si sa charge virale reste détectable, il faut remplacer le traitement standardisé par
l’association thérapeutique à déterminer en fonction du profil des résistances ;
¾ Si sa charge virale est indétectable, il faut remplacer le traitement standardisé par le
traitement du malade-source.
Si le malade-source est inconnu, ou si son traitement est inconnu, il convient d’utiliser le
traitement standardisé.
3 - Malade-source VHC positif :
Dans cette situation, aucun traitement préventif n’est actuellement validé.
Le suivi de l’accidenté est ici fondamental pour dépister une séroconversion, situation où le
traitement par Interféron + Ribavirine est alors validé.
4 - Malade-source VHB positif :
La conduite à tenir dépend du taux d’anti-HBs chez l’accidenté.
Si ce taux est inférieur à 10 mUI/ml (insuffisamment protecteur) faire dans les 6 heures :
¾ Une ampoule IM (500 UI) d’immunoglobulines anti-HBs(2)
¾ Une injection de vaccin contre l’hépatite B (ENGERIX B®, GENHEVAC B®, HBVAXPRO®)
si l’accidenté a reçu moins de 6 injections au préalable.
Si ce taux est supérieur à 10 mUI/ml, il n’y a aucun traitement particulier à instaurer.
5 - Sérologies du malade-source négatives :
Il n’y a alors pas d’obligation légale de poursuivre le suivi sérologique de l’accidenté lorsque
le malade-source n’est ni toxicomane, ni ancien transfusé, et qu’il ne présente aucun signe
clinique pouvant évoquer une primo-infection par le VIH.
IV – PREVENTION DES AES
Les mesures de prévention à respecter lors de la manipulation de sang et de liquide
biologique sont fondées sur le principe selon lequel tout sang ou liquide biologique est
potentiellement infectant.
Elles consistent notamment à se laver les mains, à manipuler avec soin les objets
tranchants et piquants et à les jeter immédiatement après usage dans un conteneur, à ne
pas recapuchonner les aiguilles, à désinfecter ou stériliser convenablement les instruments
ou à les jeter après utilisation selon le cas et à porter un équipement de protection
personnel adapté aux diverses situations (gants, masque, blouse, tablier, lunettes).
Il est du rôle réglementaire de l’employeur d’assurer la formation des personnels en matière
d’hygiène hospitalière, de précautions à prendre pour éviter l’exposition au risque de
contamination par les agents infectieux et de procédures à
(2) Il s’agit de la forme intra-musculaire. On rappelle que la forme intra-veineuse
(IVHEBEX®) n’est utilisée que pour la prévention de la récidive de l’hépatite après
transplantation hépatique. Voir la question 178 : transfusion sanguine.
- 34 -
2005
Son rôle est aussi de fournir des moyens de protection individuelle et de mettre à disposition
des matériels de sécurité.
- 35 -
2005
CONDUITE A TENIR DEVANT UNE HYPEREOSINOPHILIE
AUTEUR : Docteur Emmanuelle Tavernier – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
I – DEFINITION
Augmentation du nombre de polynucléaires éosinophiles circulants au dessus de 0.5. 109 /l
(500/mm3) vérifiée sur plusieurs numérations consécutives.
II - PRINCIPALES ETIOLOGIES
¾ Allergies :
- Terrain atopique : eczéma constitutionnel, asthme, rhinite et conjonctivite
allergique
- Urticaire
- Allergies médicamenteuses : pneumopathies à éosinophiles (sels d’or), néphrites
interstitielles immuno-allergiques (ampicilline, rifampicine, AINS)
¾ Parasitoses de type helminthiases :
- Sujet n’ayant pas quitté la métropole : oxyurose, trichocéphalose, ascaridiase,
taeniase, trichinose, hydatidose, distomatose, Toxocara canis (larva migrans)
- Helminthiases exotiques : anguillulose, ankylostomiase, ascaridiase, bilharziose,
filariose lymphatique, loase, onchocercose..
¾ Maladies de système et vascularites :
- Péri-artérite noueuse
- Syndrome de Churg et Strauss
- Lupus érythémateux disséminé
- Polyarthrite rhumatoïde
- Sarcoïdose
¾ Dermatoses bulleuses
¾ Hémopathies et cancers :
- Leucémie myéloïde chronique
- Maladie de Hodgkin
¾ Syndrome hyperéosinophilique idiopathique (rare) :
- Souvent observé chez le sujet jeune, associé à une splénomégalie
- Hyperéosinophilie considérable le plus souvent
- Manifestations cliniques en rapport avec les lésions tissulaires engendrées par les
éosinophiles :
• Lésions endothéliales avec fibrose endomyocardique, lésions des valves et
des cordages, embolies artérielles
• Multinévrites sensitivo-motrices
• Atteintes viscérales multiples
- Pronostic sombre
Si l’hyperéosinophilie s’accompagne d’un syndrome inflammatoire (VS accélérée), il faut
s’acharner à retrouver une cause.
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2005
CONDUITE A TENIR DEVANT UNE NEUTROPENIE FEBRILE
RESUME DES POINTS FORTS
- Urgence de prise en charge
- Mesure de prévention des infections
- Importance du bilan biologique à la recherche d’une infection
- Antibiothérapie empirique à large spectre bactéricide avec une toxicité acceptable
- Importance de la stratégie si température persistante et des critères d’arrêt de
l’antibiothérapie
AUTEUR : Professeur Mauricette Michallet – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
I - PHYSIOPATHOLOGIE
La neutropénie est une conséquence fréquente d’une infiltration médullaire massive ou
d’une aplasie médullaire primitive ou secondaire à une chimiothérapie antinéoplasique, sa
profondeur, sa durée et son délai d’apparition dépendent du type de médicaments utilisés,
de leur dose et des associations éventuelles. Une radiothérapie associée peut aggraver la
durée et la profondeur de la neutropénie.
La fièvre est très fréquemment rencontrée chez le patient cancéreux et 60 à 80% des
épisodes fébriles en période de neutropénie sont rapportés à une infection. Dans certains
cas, la fièvre peut être liée à la maladie cancéreuse sous-jacente, à la chimiothérapie, aux
transfusions de dérivés sanguins.
L’antibiothérapie empirique c’est-à-dire prescrite avant l’obtention de toute documentation
clinique et/ou microbiologique, de façon probabiliste est la pierre angulaire de la prise en
charge initiale de la neutropénie fébrile. Si le traitement empirique n’est pas débuté
immédiatement, la mortalité approche les 40%. La prise en charge secondaire dépend de la
profondeur, de la durée de la neutropénie, de l’évolution clinique et des éventuelles
documentations microbiologiques.
II – DIAGNOSTIC POSITIF
A – DEFINITIONS :
¾ Neutropénie :
Æ Polynucléaires neutrophiles circulants < 1.5 G/L
ÆNeutropénie profonde : polynucléaires neutrophiles circulants < 0.5 G/L
¾ Durée :
Æ Neutropénie courte ≤ 7 jours
Æ Neutropénie longue : > 7 jours
¾ Fièvre :
Æ T° centrale > 38° à 2 reprises à 4H d’intervalle ou
Æ T° centrale > 38°5
¾ Différents types d’infections :
Æ Infections cliniquement documentées (30%) : Présence d’un foyer infectieux
clinique sans documentation microbiologique. Les foyers principaux sont les poumons,
la peau et les tissus mous et le tube digestif
- 37 -
2005
Æ Infections microbiologiquement documentées (30%) : Bactériémies mono ou
polymicrobiennes, fongémies, virémies.
Æ Infections d’origine indéterminées (40%) : Fièvre isolée : sans documentation
clinique ni microbiologique
Toute fièvre survenant chez un patient neutropénique doit être considérée comme d’origine
infectieuse.
B - FACTEURS DE RISQUE ASSOCIES :
¾ Neutropathie
¾ Hypogammaglobulinémie
¾ Déficit de l’immunité cellulaire
¾ Réaction du greffon contre l’hôte
¾ Altération de la barrière muqueuse post-chimio / radiothérapie
¾ Dénutrition
¾ Cathéters centraux et autre matériel étranger
¾ Corticothérapie
¾ Traitements immunosuppresseurs
C - EPIDEMIOLOGIE MICROBIENNE :
Actuellement, on retient :
¾ La prépondérance des infections à bactéries Gram positif
¾ La persistance d’infections à bactéries Gram négatif avec une diminution de l’incidence
de Pseudomonas aeruginosa
¾ L’émergence et la sélection de Candida species.
¾ L’émergence d’aspergillus
III – EVOLUTION ET TRAITEMENT
A – NEUTROPENIES DDE COURTE DUREE :
1 – Mesures d’ordre général :
¾ Information du patient et du médecin traitant : L’information est capitale, elle doit
comporter la notion de risque infectieux lui-même et des mesures à prendre.
¾ Surveillance :
- Température : elle est recommandée en prise axillaire si le patient se sent fébrile ou de
façon systématique en cas de difficultés particulières. L’existence d’une fièvre impose
un contact immédiat avec le médecin généraliste ou l’équipe d’hémato-oncologie.
- Les numérations formules plaquettes : il n’existe pas de consensus sur l’intérêt, le
rythme de cette surveillance. Le rythme est fonction du risque attendu selon le protocole
de chimiothérapie et peut varier d’1 à 7 NFP / semaine.
¾ Mesures de prévention des infections :
- Prévention grâce à l’utilisation des chambres à flux laminaire
- Prévention du risque infectieux exogène
- Mesures simples d’hygiène :
ª Alimentation bien cuite interdiction des fromage à pâte non cuite, des charcuteries
crues, des pâtisseries industrielles et des fruits de mer.
ª Hygiène bucco-pharyngée stricte (brossage avec brosse souple, bains de bouche
- 38 -
2005
ª Hygiène corporelle soigneuse
ª Limiter les contacts inter-humains multiples (éviter les lieux publics, piscines…)
ª Eviter les contacts avec les animaux domestiques et les plantes
ª Eviter les travaux domestiques générateurs de poussières.
Soins des cathéters+++
Lavage des mains+++
L’infection manuportée est la source la plus importante de contamination exogène.
Prévention du risque infectieux endogène
Antibioprophylaxie : Il n’y a pas de preuve de son efficacité dans les neutropénies de courte
durée.
Prophylaxie antivirale par acyclovir ne se justifie que chez les patients présentant une
mucite sévère (grade 3 et 4 de l’OMS) pour diminuer l’incidence des infections à Herpes
simplex.
Prophylaxie antifongique :
- Bains de bouche associant une solution bicarbonatées à de l’amphotéricine B en cas de
mucite de grade 1 et 2
- Antifongique per os en cas de colonisation fongique du tube digestif
2 – Prise en charge initiale : c’est une urgence
Bilan diagnostique et pré-thérapeutique :
Bilan clinique :
Interrogatoire à la recherche un point d’appel infectieux
¾ Voies respiratoires inférieures
¾ Sphère oro-pharyngée et bucco-dentaire
¾ Digestif, en particulier diarrhée
¾ Urinaire et génital
Recherche d’épisodes infectieux antérieurs connus
Traitements antibiotiques récemment administrés
Examen clinique complet :
¾ Recherche de signe de gravité : collapsus, choc septique, marbrures, hypothermie,
oligoanurie
¾ Recherche de signes clinique d’infection : voie veineuse centrale, génito-anale, mucite,
infection cutanéo-muqueuse, pulmonaire, neurologique…
Bilan biologique :
¾ Hémocultures sur voie veineuse centrale et en périphérie
¾ Prélèvement bactériologique de tout site suspect d’infection
¾ ECBU, coproculture
¾ NFP, ionogramme, enzymes hépatiques, glycémie, créatininémie
¾ CRP éventuellement
¾ Autres en fonctions des points d’appel cliniques
RP de face systématique en raison de la pauvreté des signes cliniques et des symptômes
chez les patients neutropéniques
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2005
Antibiothérapie empirique = URGENCE
A large spectre, en priorité active sur les bacilles gram négatifs
Rapidement bactéricide
Limiter l’émergence de résistances
Tenir compte de la toxicité potentielle des antibiotiques
Tenir compte de l’écosystème bactérien de l’hôpital et/ou du service
4 options sont discutées :
¾ Association β-lactamine à large spectre et aminoglycosides
¾ Double association de β-lactamine
¾ Monothérapie par β-lactamine à large spectre
¾ Association β-lactamine à large spectre et glycopeptide d’emblée
Le traitement de référence est l’association β-lactamine à large spectre et aminoglycoside
par voie intraveineuse bien que la monothérapie par β-lactamine à large spectre soit de
plus en plus souvent utilisée en l’absence de signes de gravité.
3 – Surveillance de l’évolution :
Surveillance clinique :
¾ Examen clinique complet quotidien
¾ Surveillance de la température 2 à 3X/jour
Surveillance biologique :
¾ NFP + ionogramme quotidien
¾ Examens bactériologique si persistance de la fièvre ou reprise fébrile ou si résultats
initiaux positifs pour objectiver leur négativation
¾ Mesure des taux sériques des antibiotiques (en particulier aminosides et glycopeptides)
pour adaptation des posologies et éviter les surdosages.
Surveillance des effets indésirables de l’antibiothérapie
4 – Modification de l’antibiothérapie initiale :
Si aggravation clinique avant la 72é heure et/ou preuve microbiologique d’un germe
résistant au traitement initial :
¾ Prise en charge thérapeutique globale adaptée au tableau clinique
Si persistance de la fièvre isolée : ajout éventuel d’un glycopeptide.
5 – Durée de l’antibiothérapie :
¾ Fièvre non documentée : prolonger l’antibiothérapie chez le patient apyrétique jusqu’à
la sortie d’aplasie (PNN > 0.5 G/l)
¾ Fièvre cliniquement et/ou microbiologiquement documentée : prolongation de
l’antibiothérapie au delà de la récupération des PNN (> 0.5 G/l)
ª Selon le foyer primitif ou les localisations secondaires éventuelles
ª Selon le germe en cause, en particulier si isolement de Staphyloccoccus aureus ou
Pseudomonas aeruginosa
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ª Selon l’évolution clinique observée
6 – Prise en charge à domicile des neutropénies fébriles de courte durée :
Actuellement, la seule attitude légitime est une prise en charge hospitalière au moment de
l’apparition du syndrome fébrile et l’absence d’antibioprophylaxie. La prise en charge à
domicile est une pratique de plus en plus observée pour des raisons de qualité de vie des
patients et de coûts.
En l’état actuel des connaissances, cette pratique reste à évaluer dans le cadre de
protocoles prospectifs et ne peut s’envisager qu’après la définition claire des facteurs de
risque et l’obtention de moyens humains et techniques adaptés à une telle prise en charge.
B - NEUTROPENIES LONGUES :
Une grande partie des informations données dans le § « neutropénies courtes » sont
transposables ici. Nous ne soulignerons donc que les divergences ou particularités.
Les patients présentant une neutropénie longue sont hospitalisés dans les services
d’hématologie. La prise en charge des tels patients n’est actuellement pas envisagée en
routine à domicile.
1 – Mesures générales :
¾ Surveillance :
- Température : elle est systématique en prise axillaire toutes les 4 heures pendant toute
la durée de l’aplasie.
- Les numérations formules plaquettes sont quotidiennes
¾ Mesures de prévention des infections : Prévention du risque infectieux exogène
Mesures strictes d’hygiène :
Æ Hospitalisation en secteur protégé avec dispositif de contrôle de l’aérobiocontamination
(chambre à flux laminaire ou à surpression avec filtration de l’air HEPA)
Æ Alimentation « stérile »
Æ Hygiène bucco-pharyngée stricte (brossage avec brosse souple, bains de bouche
Æ Hygiène corporelle soigneuse
Æ Limiter les contacts inter-humains
Æ Limitation du nombre de visites.
Soins des cathéters+++
Lavage des mains+++ systématique avant toute entrée dans la chambre
Port de tenues adéquates variables selon les services (charlottes, sarrau, masque, gants
par le personnel soignant)
Prévention du risque infectieux endogène
Antibioprophylaxie systémique : Il n’y a pas de preuve de son efficacité dans les
neutropénies de courte durée.
Décontamination digestive bactérienne : elle est habituelle en France bien que n’ayant
jamais été réellement prouvée efficace.
Prophylaxie antivirale par acyclovir chez les patients recevant une chimiothérapie à fort
risque de mucite sévère (grade 3 et 4 de l’OMS)
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Prophylaxie antifongique :
Æ Bains de bouche associant une solution bicarbonatées à de l’amphotéricine B en cas
de mucite de grade 1 et 2
Æ Antifongique per os
Répartition des différents types d’infections :
Æ Fièvre microbiologiquement documentées : 30 à 40%
Æ Fièvre cliniquement documentée : 10%
Æ Fièvre d’origine indéterminée : 50 à 60%
Epidémiologie microbienne : Comparable à celle rencontrée dans les neutropénies fébriles
de courtes durée pour ce qui concerne le premier épisodes fébrile, avec 2 remarques :
Æ Les données épidémiologiques ne sont établies que sur les épisodes documentés soit
30 à 40% des patients
Æ En raison de l’antibiothérapie empirique administrée dès le premier épisode fébrile, la
littérature est peu abondante sur les germes isolés au delà du premier épisode.
Æ Certains germes sont cependant retrouvés plus fréquemment tardivement dans
l’aplasie : les entérocoques, les Pseudomonas aeruginosa et l’ensemble des souches
hospitalières
2 – Stratégie de prise en charge :
La mise en route de l’antibiothérapie probabiliste est une urgence
Les prélèvements microbiologiques (hémocultures, foyers potentiellement accessibles) ne
doivent pas retarder l’initialisation du traitement ;
L’antibiothérapie doit :
¾ Etre à large spectre
¾ Avoir une activité bactéricide sur les principaux germes rencontrés
¾ Avoir une toxicité acceptable
¾ Avoir un pouvoir de sélection des mutants résistants aussi faible que possible
3 options sont discutées :
¾ Association β-lactamine à large spectre et aminoglycosides
¾ Monothérapie par β-lactamine à large spectre si et seulement si la β-lactamine est
fortement bactéricide
¾ Association β-lactamine à large spectre et glycopeptide d’emblée
Evaluation de l’efficacité et de la tolérance selon les même procédures que le §
« neutropénies courtes ».
Il est recommandé de poursuivre une antibiothérapie de large spectre jusqu’à la sortie
d’aplasie quelle que soit la durée de la neutropénie, même après documentation
microbiologique et de conserver une activité contre les BGN. Si la température est au-delà
de 72 heures, il faut ajouter un antifungique ou discuter de l’ajout d’un glycopeptide. En cas
de cellulite grave ou d’infection grave autre, on peut discuter de l’adjonction de globules
blancs prélevés chez un donneur sain.
Persistance de la fièvre après la sortie d’aplasie :
Les principaux diagnostics à évoquer sont :
¾ Une fièvre liée aux voies veineuses (cathéter infecté, tunnélite)
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2005
¾ Une mycose profonde : candidose hépatosplénique ou aspergillose invasive d’où la
réalisation d’un scanner thoraco-abdominal, rapide à faire pour documenter
éventuellement la persistance de la température
¾ Une pneumopathie interstitielle, en particulier à Pneumocystis carinii
¾ Une thrombose profonde
¾ Une infection virale
Place des facteurs de croissance hématopoïétiques
Les essais thérapeutiques ont démontré leur efficacité en réduisant de manière
significative :
¾ Le nombre d’épisodes fébriles
¾ La durée médiane de la neutropénie
¾ Le nombre de jours d’hospitalisation
¾ Le nombre de jours d’antibiothérapie
Mais il n’a jamais été observé de modification de la mortalité infectieuse ni de la survie
médiane.
Les recommandations actuelles récusent donc l’utilisation systématique des facteurs de
croissance et proposent de les réserver aux patients présentant des critères de gravité
(infections tissulaires, fongiques, choc).
POUR APPROFONDIR
Hugues WT, Armstrong D, Bodey GP et al. 2002 Guidelines for the use of antimicrobial
agents in neutropenic patients with cancer. Clinical Infectious Disease 34:730-751, 2002.
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DIAGNOSTIC D’UNE SPLENOMEGALIE
RESUME DES POINTS FORTS
-
Savoir reconnaître une splénomégalie à l’examen clinique.
Énumérer les principales étiologies des splénomégalies.
Connaître les conséquences cliniques et biologiques d'une splénomégalie.
Prévention et prise en charge des problèmes infectieux chez les splénectomisés.
AUTEUR : Professeur Bertrand Coiffier – Service d’Hématologie Clinique – Centre
Hospitalier LYON SUD
I - DEFINITION : HYPERTROPHIE DE LA RATE
Les progrès de l'imagerie en coupes ont renouvelé l'intérêt de cette question permettant la
découverte de splénomégalie infracliniques. Le contexte clinique et d'examen, le bilan
biologique et radiologique orientent le diagnostic.
Toute rate palpable est pathologique sauf chez l’enfant car la rate est normalement non
palpable.
Quand la rate augmente de volume, elle déborde du rebord inférieur costal gauche vers la
ligne médiane et la fosse iliaque droite. Le patient est allongé en décubitus dorsal, la tête à
l’horizontal. Elle est palpée avec la main droite posée à plat en oblique, le patient respirant
profondément. Le bord inférieur, recherché de la fosse iliaque gauche en remontant vers le
rebord costal, vient toucher la pulpe des doigts. Une matité splénique en percutant le 9e
espace intercostal en avant de la ligne axillaire antérieure justifie une palpation plus
approfondie.
Une rate volumineuse peut “ envahir ” tout l’abdomen et la fosse iliaque droite.
La rate augmentée de volume est facilement distinguée d’une hypertrophie du rein gauche
(contact lombaire).
II - PHYSIOPATHOLOGIE
La rate est un organe lymphoïde très vascularisé de 200 g, riche en macrophages fixes, et
drainé dans le système veineux porte. Son rôle dans l'hématopoïèse finit à la naissance et
n'est effectif à titre compensateur chez l'adulte que dans les hémolyses chroniques. 20%
des polynucléaires neutrophiles et 30% des plaquettes y sont stockés en permanence.
Ses principaux rôles sont :
¾ La synthèse rapide des anticorps, notamment les immunoglobulines M
¾ La phagocytose de particules étrangères et des hématies anormales. Par contre, les
hématies vieillissantes sont peu concernées.
¾ L'élimination de débris cellulaires contenant du fer (corps de Jolly, corps de Heinz), qui
sont alors retrouvés dans le sang après splénectomie
Plusieurs mécanismes sont impliqués dans le développement d'une splénomégalie :
¾ L'hyperplasie splénique résulte de l'augmentation de la cellularité et de la vascularisation,
¾ L'augmentation de pression dans le système porte ou la veine splénique entraîne une
congestion splénique secondaire,
¾ La séquestration splénique d'hématies,
- 44 -
2005
¾ La métaplasie myéloïde de la rate, primitive ou secondaire alors compensatrice
¾ La prolifération cellulaire bénigne ou maligne,
¾ La surcharge lors de certaines maladies métaboliques.
Les conséquences sont :
¾ L'hypersplénisme: cytopénies modérées par séquestration variable des 3 lignées avec
hyperdestruction, avec une moelle normale et corrigées par la splénectomie.
¾ L'hémodilution: l'inflation plasmatique est proportionnelle au volume de la rate. Elle
contribue à majorer l'anémie de l'hypersplénisme et à décompenser une éventuelle
insuffisance cardiaque.
¾ L'hypertension portale d'apport: elle peut s'accompagner de varices oesophagiennes et
cède avec la splénectomie.
Conséquences cliniques et biologiques d'une splénomégalie :
Une splénomégalie est définie par une augmentation de volume de la rate cliniquement
palpable. Le volume et la structure de la rate peuvent être précisés par l'imagerie
abdominale : échographie et scanner, qui peuvent également préciser certaines causes.
Cliniquement la splénomégalie peut se traduire par des signes fonctionnels : gêne et
pesanteur de l'hypocondre gauche, voire par une douleur brutale en cas d’infarctus
splénique.
Une splénomégalie peut expliquer à elle seule une cytopénie par séquestration
(neutropénie, thrombopénie). L’anémie, lorsqu’elle survient, est liée à l’hémodilution.
III - CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE
A – TYPIQUES :
La splénomégalie est le plus souvent une découverte
d'examen effectué en contexte évocateur où elle
apporte un argument diagnostique supplémentaire.
Le plus souvent, l'examen clinique patient en décubitus
dorsal ou décubitus latéral droit retrouve facilement la
splénomégalie: masse de l'hypochondre gauche
s'abaissant à l'inspiration ce qui permet d'accrocher le pôle
inférieur.
B – AYPIQUES : PAR UN EXAMEN COMPLEMENTAIRE
La numération formule peut montrer des cytopénies compatibles avec le diagnostic
d'hypersplénisme, sinon, il s'agit d'une découverte d'imagerie.
C – RARES : LA RATE SYMPTOMATIQUE
Ce peut être des symptômes qui attirent l'attention sur l'hypochondre gauche :
¾ Pesanteur voire troubles digestifs
¾ Infarctus et hématomes spléniques, douloureux et secondairement fébriles, avec
possibilité de surinfection ou de rupture en 2 temps.
- 45 -
2005
IV - DIAGNOSTIC POSITIF
A – CLINIQUE ET INTERROGATOIRE :
L'examen fait facilement le diagnostic de splénomégalie tout en éliminant les autres masses
de l'hypochondre gauche: angle colique, queue du pancréas et gros rein.
On recherche systématiquement des adénopathies périphériques, une hépatomégalie, de
même que des signes cutanéo-muqueux et infectieux qui peuvent donner rapidement le
diagnostic.
L'interrogatoire doit préciser :
¾ L'âge, l'origine ethnique et les différents lieux de séjour,
¾ L'existence d'un éthylisme chronique,
¾ L'existence de signes infectieux suggère une étiologie bactérienne, virale ou parasitaire,
mais ne doit pas éliminer les autres causes.
B – EXAMENS BIOLOGIQUES :
¾ La numération formule oriente fortement le diagnostic, pouvant montrer une
polyglobulie, une hyperleucocytose avec ou sans myélémie, une hyperlymphocytose, une
blastose, une éosinophilie, des anomalies morphologiques... Une augmentation des
réticulocytes évoque une anémie hémolytique chronique.
¾* En dehors de la possibilité d'un syndrome inflammatoire biologique (CRP élevée),
l'électrophorèse des protéines peut révéler un bloc béta-gamma, une
hypogammaglobulinémie, un pic monoclonal...
C – IMAGERIE :
1 – Echographie abdominale :
Elle permet de préciser les caractères homogène ou non du parenchyme, l'aspect liquidien
ou solide d'une masse intra-splénique, la rupture capsulaire. La découverte d'une
hypertension portale ou d'adénopathie oriente grandement le
diagnostic.
2 – Scanner :
La structure de la rate est mieux visualisée par l'apport de
l'injection permettant une approche diagnostic, mais dans les
rates peu augmentées elle est moins précise pour l'appréciation
de la taille.
D – INVESTIGATIONS COMPLEMENTAIRES DIAGNOSTIC :
En fonction des résultats de cette investigation, on peut demander :
¾ Un test de Coombs ou une électrophorèse de l'hémoglobine en cas d'hémolyse
¾ Un myélogramme voire une biopsie médullaire
¾ Une biopsie ganglionnaire
¾ Une ponction biopsie hépatique (PBH)
¾ Des sérologies diverses...
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2005
En l'absence d'orientation diagnostic et après avoir éliminé une maladie de surcharge
comme la maladie de Gaucher, on doit s'orienter vers une splénectomie diagnostique.
Celle-ci est privilégiée quand l'état du patient nécessite un certitude diagnostic rapide:
patient jeune, altération de l'état général, CRP augmentée, rate inhomogène... L'intervention
comprend un inventaire complet de la cavité abdominale et une biopsie hépatique de
principe.
L'étude histologique classique est éventuellement complétée si besoin par une étude
immunohistologique et cytogénétique. La recherche de mycobactérie est systématique.
V - PRINCIPALES ETIOLOGIES DES SPLENOMEGALIES
A – MALADIES INFECTIEUSES :
1 – Infections bactériennes septicémiques :
Splénomégalie modérée, fièvre et frissons, porte d'entrée ± localisations viscérales.
Diagnostic par hémocultures et sérologies. Germes pyogènes, brucellose ou typhoïde,
endocardite infectieuse, mycose systémique de l'immuno-déprimé ou du toxicomane.
2 – Tuberculose des organes hématopoïétiques :
Syndrome infectieux sévère et cachexie, hépato-splénomégalie, pancytopénie avec ou sans
miliaire. Myélogramme et ponction biopsie hépatique, pour essai d'isolement du bacille
tuberculeux.
3 – Infections virales : fréquence de la cytolyse hépatique
¾ Mononucléose infectieuse : Angine et adénopathie cervicales postérieures,
splénomégalie dans la moitié des cas, syndrome mononucléosique. Sérologie du virus
Epstein
Barr.
¾ Hépatite virale, infections à cytomégalovirus, rubéole
¾ Infection VIH
4 - Infections parasitaires :
¾ Paludisme : La splénomégalie est modérée dans les premiers accès palustres,
volumineuse dans le paludisme chronique.
¾ Leishmaniose viscérale : Triade classique pâleur/fièvre désarticulée/splénomégalie et
parfois
adénopathie
¾ Bilharziose : Précocement et selon l'espèce, l'éosinophilie est un argument diagnostique
majeur. Plus tard, il s'agit de l'hypertension portale présinusoïdale de Shistosoma mansoni
et Shistosoma japonicum.
¾ Trypanosomiase: tableau spléno-ganglionnaire fébrile et manifestations neurologiques
¾ Kyste hydatique splénique et splénomégalie de la toxoplasmose rares
B – MALADIES HEMATOLOGIQUES :
1 - Anémie hémolytiques:
Rate inconstante dont l'ablation n'a pas toujours d'effet bénéfique
¾ Congénitales :
- Maladie de Minkowski Chauffard: microsphérocytose, diminution de la résistance
osmotique. Traitement : splénectomie
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- Déficit en G6PD: hémolyse intravasculaire déclenchée par la prise médicamenteuse et
l'ingestion de fèves
- Déficit en pyruvate kinase
- Thalassémie (alpha ou ß): Diagnostic sur l'électrophorèse de l'hémoglobine
- Drépanocytose homozygote
¾ Acquises
- anémies hémolytiques auto-immunes essentiellement: test de Coombs positif, doit
faire rechercher un syndrome lymphoprolifératif sous-jacent
2 - Syndrome lymphoprolifératifs :
¾ Leucémie lymphoïde chronique : polyadénopathie, hyperlymphocytose sanguine.
¾ Maladie de Waldenström : pic monoclonal d'immunoglobuline M, infiltration
lymphoplasmocytaire médullaire.
¾ Leucémie à tricholeucocytes : pancytopénie.
¾ Lymphomes malins non hodgkiniens et maladie de Hodgkin. Parfois lymphome splénique
isolé.
3 - Syndromes myéloprolifératifs :
¾ LMC : hyperleucocytose avec myélémie et basophilie.
¾ Polyglobulie de Vaquez
¾ Splénomégalie myéloïde : Hyperleucocytose modérée avec érythromyélémie, anomalie
morphologique des hématies.
¾ Thrombocytémie essentielle : plaquettes souvent >1 000G/l.
¾ Leucémie myélomonocytaire chronique : monocytose, dysmyélopoïèse.
4 - Leucémie aiguë : hyperleucocytose :
Le myélogramme est l'examen du diagnostic.
C – HYPERTENSION PORTALE :
Toute hypertension portale peut s'accompagner d'une splénomégalie. Les arguments
d'hypertension portale sont présence de varices oesophagiennes ou cardiotubérositaires.
D – SPLENOMEGALIE INFLAMMATOIRE :
¾ Syndrome de Felty : Polyarthrite rhumatoide, splénomégalie, neutropénie et infections
fréquentes.
¾ Lupus érythémateux disséminé
¾ Maladie périodique: accès fébriles avec douleurs articulaires et/ou abdominales.
¾ Sarcoïdose
E – SPLENOMEGALIE DE SURCHARGE :
¾ Surcharge lipidique
* Maladie de Gaucher
* Maladie de Nieman-Pick
* Maladie des histiocytes bleus: exceptionnelle
¾ Autres surcharges : Amylose, Hémochromatose
F – TUMEURS PRIMITIVES DE LA RATE BENIGNES OU MALIGNES
VI – LES INDICATIONS DE LA SPLENECTOMIE
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¾ A visée diagnostique
¾ A visée thérapeutique : Minkowski-Chauffart, maladie de Gaucher, après échec des
autres traitements (anémies hémolytiques, lymphome)
¾Dans l'hypersplénisme, rarement.
A - CONSEQUENCES DE LA SPLENECTOMIE :
¾ Conséquences immédiates: hyperleucocytose et hyperplaquettose
¾ Conséquences à distance : présence de corps de Jolly et de Heinz normalement<1%
dont l'absence fait suspecter une rate accessoire
B – PREVENTION ET PRISE EN CHARGE DU PROBLEME INFECTIEUX DES
SPLENECTOMISES
La splénectomie expose à des infections sévères et parfois foudroyantes (septicémies),
liées en particulier à pneumocoque, méningocoque et haemophilus influenzae.
1 - La prophylaxie :
Vaccination antipneumococcique (ne couvre pas tous les sérotypes) avant la splénectomie
si possible, et anti-haemophilus influenzae chez l’enfant ou le patient immunodéprimé.
Chimioprophylaxie par pénicilline orale discutée, éducation du patient en cas de fièvre
(information sur une carte).
2 - Traitement de la fièvre du patient splénectomisé :
Céphalosporine de 3e génération à dose adaptée (risque de pneumocoque à sensibilité
diminuée à la pénicilline). Adaptation de l’antibiotique dès le germe identifié.
POUR APPROFONDIR
1. Thieblemont C, Felman P, Callet-Bauchu E, et al. Splenic marginal-zone lymphoma: a
distinct clinical and pathological entity. Lancet Oncol 4(2):95-103, 2003.
2. Ansell SM, Armitage J. Non-Hodgkin lymphoma: diagnosis and treatment. Mayo Clin Proc
80(8):1087-97, 2005.
3. Wilkins BS. The spleen. British Journal of Haematology 117(2):265-74, 2002.
- 49 -
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HEMOGRAMME
AUTEUR : Docteur Danielle Treille Ritouet – Laboratoire de Cytologie – Hôpital
Edouard Herriot
I - LES GLOBULES ROUGES (ERYTHROCYTES)
A - MESURES AUTOMATISEES :
Quel que soit le principe de mesure utilisé, les automates actuels sont très performants et
fiables. Il en existe un choix qui s'adapte aux différents profils de laboratoire.
1 - Les globules rouges sont comptés :
Les globules rouges sont comptés selon des technologies diverses : Impédance et
diffraction laser. Ces procédés sont parfois combinés à la focalisation hydrodynamique pour
améliorer le positionnement en file indienne des cellules devant la zone de comptage.
¾ Impédance : Les globules rouges, en suspension dans un liquide conducteur, passent
l'un après l'autre à travers un micro-orifice séparant deux chambres munies d'électrodes. Le
passage de chaque cellule induit une modification de résistance électrique ou variation
d'impédance, produisant une impulsion. Le comptage des impulsions renseigne sur le
nombre de globules rouges. La hauteur des impulsions renseigne sur le volume cellulaire.
¾ Diffraction laser : Les globules rouges passent devant le faisceau laser d'un cytomètre
en flux. La diffraction de la lumière induite par chaque cellule est mesurée sous un ou
plusieurs angles.
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¾ Focalisation hydrodynamique : La suspension de globules rouges est acheminée par un
flux de liquide de gainage vers la zone de comptage. Le débit du liquide de gainage oblige
les cellules à former une file au niveau de cette zone. Les cellules se positionnent ainsi l'une
derrière l'autre et sont analysées individuellement.
¾ Résultats :
Numération érythrocytaire : c'est le nombre de globules rouges circulant dans un volume
donné de sang. Les valeurs normales sont :
- Chez l'homme : 5,0 + 0,5 x 1012/L (tera/L)
- Chez la femme : 4,5 + 0,5 x 1012/L (tera/L)
2 - L'hémoglobine est dosée :
Le taux d'hémoglobine est généralement mesuré par spectrophotométrie selon la méthode
classique de Drabkin (méthode de référence) : après lyse des globules rouges,
l'hémoglobine libérée est transformée en cyanmethémoglobine, pigment coloré stable, que
l'on photomètre à 540 nm. Cependant, les réactifs à base de cyanure sont peu à peu
délaissés dans certains automates au profit de sels d'ammonium, moins toxiques pour
l'environnement.
Résultats : Le taux normal d'hémoglobine est :
- Chez l'homme : 130 à 170 g/L
- Chez la femme : 115 à 150 g/L
La baisse du taux d'hémoglobine définit l'anémie
3 - Le volume érythrocytaire est mesuré :
Le volume des globules rouges ou V.G.M. (volume globulaire moyen) est mesuré lors du
comptage des cellules par impédance, à partir de l'amplitude des impulsions électriques
générées, ou par diffraction laser. Le traitement statistique des données permet de définir
l'indice de distribution des globules rouges ou IDR qui correspond au coefficient de variation
de la distribution.
L'I.D.R. est calculé par la formule : SD X 100 / V.G.M. avec SD : déviation standard
déterminée par l'étude statistique des distributions cellulaires
¾ Résultats :
- Volume globulaire moyen (V.G.M.) : C'est le volume moyen de chaque hématie,
exprimé en femtolitres
Normal : 90 + 5 fl (10-15 l), les hématies sont normocytaires
Diminué si < 80 fl, les hématies sont microcytaires. (microcytose)
Augmenté si > 100 fl, les hématies sont macrocytaires (macrocytose)
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- Indice de distribution des érythrocytes (I.D.R.) :
Valeur normale : 10 à 16 % (variations suivant l’automate utilisé).
4 - D'autres paramètres sont calculés :
A partir des données mesurées, l'automate calcule des paramètres dont la signification est
importante en clinique.
¾ L'hématocrite (Ht) : L'hématocrite correspond au volume occupé par les globules rouges
par rapport au volume du sang total (globules rouges + plasma). Il peut aussi être déterminé
après centrifugation du sang.
Le taux normal est :
- Chez l'homme : 47 + 7 % ou 0,47 + 0,07 l/l
- Chez la femme : 42 + 5 % ou 0,42 + 0,05 l/l
L'hématocrite peut être exprimé sans unité (exemple : 0,47)
¾ Le T.C.M.H. : Le taux corpusculaire moyen en hémoglobine, en abrégé T.C.M.H. (ou
T.G.M.H. pour teneur globulaire moyenne en hémoglobine) (ou H.C.M. pour hémoglobine
corpusculaire moyenne)
C'est le poids moyen d'hémoglobine par globule rouge, exprimé en picogrammes (pg). Il est
obtenu par le calcul : taux d'hémoglobine / nombre de globules rouges
Valeur normale : 30 + 2 pg (10-12 g)
¾ La C.C.M.H. : La concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (C.C.M.H.)
(ou C.H.C.M. pour concentration hémoglobinique corpusculaire moyenne). C'est la
saturation du globule rouge en hémoglobine. Elle est obtenue par le rapport :
taux
d'hémoglobine / hématocrite.
Valeur normale : 33 à 36% ou 330 à 360 g/L
5 - Les réticulocytes peuvent être comptés :
Les réticulocytes sont des érythrocytes jeunes qui contiennent encore quelques ribosomes
et mitochondries (non détectables par les techniques de base) leur permettant de
poursuivre pendant 24 à 48 heures une faible synthèse d'hémoglobine. La numération des
réticulocytes ne fait pas partie de l'hémogramme systématique. Elle est effectuée en
complément sur prescription :
- Soit du clinicien dans le cas d'un diagnostic ou de la surveillance d'une anémie ;
- Soit du biologiste.
Le nombre de réticulocytes reflète l’activité de l'érythropoïèse médullaire et donc le
renouvellement érythrocytaire.
¾ Numération des réticulocytes : Les réticulocytes sont comptés de façon automatique par
cytométrie en flux, technique fiable et précise, après mise en évidence de leur contenu en
ARN par marquage spécifique (conjugué fluorescent ou agent précipitant). Ils peuvent être
comptés manuellement au microscope sur étalement coloré par la coloration vitale au Bleu
de Unna, mais cette technique est moins précise et fastidieuse.
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¾ Valeurs normales : Le nombre de réticulocytes est exprimé en pourcentage et en valeur
absolue.
Valeur normale : 0,5 à 1,5 % des globules rouges, soit 20 à 80 x 109/L (giga/L)
B – LES DONNEES LES PLUS INFORMATIVES :
1 - Taux d'hémoglobine :
La baisse du taux d'hémoglobine définit l'ANEMIE. Ainsi, on parle d'anémie si ce taux est :
< 130 g/L chez l'homme
< 115 g/L chez la femme
< 110 g/l chez la femme enceinte
2 - V.G.M. et T.C.M.H. :
Le V.G.M. (volume globulaire moyen) et le T.C.M.H. (taux corpusculaire moyen en
hémoglobine), toujours corrélés, permettent de classifier l'anémie.
Selon leurs valeurs respectives, on peut définir des groupes d'anémies bien individualisés
sur le plan physiopathogénique, ce qui oriente le diagnostic étiologique et permet l'approche
thérapeutique.
¾ V.G.M. et T.C.M.H. normaux : ANEMIE NORMOCYTAIRE NORMOCHROME
VOLUME NORMAL)
(ou A
¾ V.G.M. et T.C.M.H. abaissés : ANEMIE MICROCYTAIRE HYPOCHROME
L'hypochromie est définie par une diminution du T.C.M.H. < 27 pg. La C.C.M.H. est un
indice moins intéressant car moins sensible du fait du mode de calcul utilisé par les
automates actuels. Il reste souvent normal alors que le T.C.M.H. est déjà nettement
abaissé. La diminution du T.C.M.H. précède toujours celle du V.G.M., ceci explique qu'une
hypochromie ne s'accompagne pas toujours d'une microcytose.
¾ V.G.M. et T.C.M.H. élevés : ANEMIE MACROCYTAIRE NORMOCHROME
3 - Nombre de réticulocytes :
Le nombre de réticulocytes permet de préciser si l'anémie est régénérative (nombre
augmenté) ou arégénérative (ou non régénérative) (nombre normal ou abaissé).
Seul le résultat en valeur absolue doit être interprété en tenant compte du taux
d'hémoglobine.
C – LES CAS PARTICULIERS :
1 - Le nouveau-né :
A la naissance : le taux d'hémoglobine normal est compris entre 135 et 195 g/L, le nombre
de globules rouges est entre 4 et 6 x 1012/L, l' hématocrite entre 44 et 64 %. Ceci constitue
la polyglobulie physiologique du nouveau-né. Le V.G.M. est aussi élevé, en moyenne à 106
fl, et l'I.D.R. entre 13 à 18 %. Ces valeurs diminuent ensuite progressivement entre 3 et 6
semaines pour atteindre des valeurs stables.
- 53 -
2005
2 - La polyglobulie :
Un taux d'hémoglobine > 180 g/L chez l'homme (> 160 g/L chez la femme), généralement
associé à un nombre de globules rouges > 6 x 1012/L et à un hématocrite > 55% oriente
vers une polyglobulie. Une polyglobulie ne peut être affirmée qu'après avoir éliminé une
fausse polyglobulie par hémoconcentration (déshydratation le plus souvent). Seule la
mesure du volume sanguin total ou volume globulaire total (V.G.T.) au chrome 51 permet le
diagnostic de certitude des polyglobulies vraies qu'elles soient primitives (maladie de
Vaquez) ou secondaires.
3 - La macrocytose sans anémie :
¾ Ethylisme : Une augmentation modérée du V.G.M., sans anémie, a le plus souvent pour
cause un éthylisme chronique et disparaît 3 mois environ après sevrage. Le V.G.M. est
actuellement un des paramètres retenus pour le dépistage de l'éthylisme chronique en cas
d'infraction routière.
¾ Autres causes :
- Hyper réticulocytose (réticulocytes > 120 x 109/L) après une hémolyse, le volume
des réticulocytes étant légèrement supérieur à celui des globules rouges.
- Traitements médicamenteux : antiviraux (zidovudine) ; anticancéreux (hydroxyurée,
agents alkylants) ; méthotrexate …
- Hypothyroïdie
- Certaines hépatopathies
- Macrocytoses congénitales (rares)
D – LES PIEGES A EVITER :
Résultats incohérents : Le laboratoire doit toujours fournir un résultat cohérent !
La C.C.M.H. correspond à la saturation du globule rouge en hémoglobine au cours de la
maturation érythroblastique ; lorsque la saturation est atteinte, la synthèse d'hémoglobine
s'arrête. La C.C.M.H. n'est donc jamais supérieure à 360 g/L.
En pratique, on observe parfois des valeurs de C.C.M.H. supérieures à 360 g/L. Ces valeurs
doivent toujours être considérées comme aberrantes (= erreurs) et sont dues à la présence
dans le prélèvement soit d'intralipides, soit d'agglutinines froides.
Les intralipides ou produits apparentés entrent dans la composition de toute nutrition
parentérale.
Leur perfusion modifie l'aspect du plasma qui devient lactescent et fausse le dosage de
l'hémoglobine. L'hémogramme doit être refait sur un nouvel échantillon de sang prélevé en
dehors du site de la perfusion (voies centrales notamment) et au moins 2 heures après
celle-ci.
Agglutinines froides : elles provoquent une agglutination des globules rouges quand la
température du prélèvement devient inférieure à 30°C. Le V.G.M. s'en trouve donc
anormalement élevé et le nombre de globules rouges très diminué. Le phénomène disparaît
en préchauffant l'échantillon de sang à 37°C.
- 54 -
2005
E – LES DONNEES MICROSCOPIQUES :
Les données microscopiques complètent les données de l'automate. Elles permettent le
dépistage éventuel d'anomalies morphologiques des globules rouges orientant le diagnostic
étiologique des anémies.
On les obtient en examinant au microscope la lame de sang après coloration au MayGrünwald Giemsa (la plus utilisée en Europe) ou après coloration de Wright (très utilisée
aux USA).
Le May-Grünwald Giemsa (M.G.G.), coloration de base en hématologie, comporte deux
colorants successifs : le May-Grünwald en solution dans du méthanol et le Giemsa. Le MayGrünwald fixe l'étalement et colore le cytoplasme des cellules ; le Giemsa colore le noyau
en violet et les différentes granulations. C'est la méthode des automates « étaleurscolorateurs ».
Le colorant de Wright est un mélange de bleu de méthylène et d'éosine. Il est utilisé dans
les colorateurs automatiques de type HEMATEK.
1 - La population érythrocytaire normale :
La population érythrocytaire normale est homogène, ceci s'apprécie sur 3 critères : la forme,
la taille et la coloration des globules rouges.
¾ Forme : Les globules rouges sont des disques biconcaves se présentant sur les
étalements sur leur face arrondie.
¾ Taille : La taille normale observée sur lame correspond au diamètre moyen de 7
m
¾ Coloration : La coloration des globules rouges est liée à leur contenu en hémoglobine.
Elle peut éventuellement varier d'une lame à l'autre, mais sur une même lame tous les
globules rouges doivent avoir la même coloration avec une petite dépression centrale
correspondant à la partie moins épaisse (concave) de la cellule.
Toute population érythrocytaire qui ne correspond pas à ces 3 critères est pathologique et
les anomalies seront classées selon ces critères.
- 55 -
2005
2 - Les anomalies :
¾ Anomalies de forme : Les anomalies de forme peuvent être très variées, spécifiques ou
non de certains types d'anémies.
- Spécifiques : Les anomalies spécifiques de certains types d'anémies sont : les
drépanocytes, les sphérocytes, les ovalocytes ou elliptocytes et les cellules cibles.
Drépanocytes : Les drépanocytes sont les hématies falciformes que l'on observe
dans l'hémoglobinose S ou drépanocytose.
Sphérocytes : ce sont des globules rouges de petit diamètre, bien sphériques, et très
colorés. Ils définissent la sphérocytose qui se voit essentiellement au cours de
certaines anémies hémolytiques (maladie de Minkowski-Chauffard en particulier).
Ovalocytes ou elliptocytes : Les ovalocytes ou elliptocytes sont des hématies
allongées, trouvées en forte proportion au cours de l'elliptocytose héréditaire.
- 56 -
2005
Cellules cibles : Les cellules cibles, si elles sont majoritaires et constituent la seule
anomalie, orientent vers une thalassémie.
- Non spécifiques : les poïkilocytes, les schizocytes, les cellules cibles
acanthocytes.
et les
Poïkilocytes : Correspondent à un mélange d'hématies de formes variées,
aberrantes. Ils définissent la poïkilocytose.
Schizocytes : Ce schizocytes sont des fragments d'hématies, d'aspect polymorphe.
La schizocytose caractérise des formes rares d'anémie par hémolyse mécanique.
Cellules cibles : Elles peuvent être observées en dehors des thalassémies. Dans ce
cas, elles sont en faible proportion et associées à d'autres anomalies.
Acanthocytes : Ce sont des hématies hérissées de spicules, ayant la morphologie de
feuilles d'acanthe. L'acanthocytose est rare. Elle peut être congénitale, liée à une
- 57 -
2005
abétalipoprotéinémie, ou acquise au cours de certaines cirrhoses hépatiques. A
différencier des échinocytes qui sont une anomalie liée aux conditions de prélèvement
et d’étalement.
En plus sur cette
photo : hypochromie,
poïkilocytose, cellules
cibles
¾ Anomalies de taille : Les anomalies de taille sont appelées anisocytose.
Anisocytose : L'anisocytose correspond à la présence sur la même lame, de
globules rouges de tailles différentes. Elle n'est pas spécifique d'un type d'anémie.
Ici avec
Microcytose : La microcytose définit des hématies de diamètre et de volume
diminués. Inversement, lorsque ces paramètres sont augmentés, on parle de
macrocytose.
¾ Anomalies de coloration : Les anomalies de coloration des globules rouges les plus
fréquentes sont : l'hypochromie et la polychromasie (ou hématies polychromatophiles) :
Hypochromie : C'est la présence de globules rouges clairs, pauvres en hémoglobine,
souvent microcytaires. Elle est toujours liée à une carence en fer.
-
Ici avec
anisocytose
58
-
2005
Polychromasie : C’est la présence d'hématies plus grisâtres, en faible proportion.
Ces hématies correspondent à des globules rouges immatures (donc à des
réticulocytes) mais ne sont repérables que si elles se trouvent en nombre plus élevé
que la normale.
¾ Inclusions intra-érythrocytaires : Les plus fréquemment observées sont : les corps de
Jolly et les granulations (ou ponctuations) basophiles
Les corps de Jolly (appelés aussi corps de Howell-Jolly, terme moins usité) sont des
restes nucléaires dans le globule rouge. Ils apparaissent sous forme d'un granule
arrondi, en général unique, coloré en violet noir. On les observe surtout au cours des
dysérythropoïèses et après splénectomie.
Les hématies à granulations basophiles ou hématies ponctuées sont des globules
rouges qui contiennent des petits points épars, irréguliers, bleutés, de taille variable,
correspondant à des agrégats de ribosomes. On les rencontre dans les
dysérythropoïèses et au cours de l'intoxication par le plomb (saturnisme).
¾ Anomalies de répartition : Normalement sur les lames de sang, les globules rouges sont
répartis en couche mono-cellulaire dans la zone de lecture, sans chevauchement excessif si
l'étalement est de bonne qualité. Deux types d'anomalies de répartition peuvent cependant
être observées : la rouleau-formation et les agglutinats.
Rouleau-formation : Les globules rouges se disposent en rouleaux ou s'empilent
dans la zone de lecture. Ce phénomène est souvent observé en présence d'une
immunoglobuline monoclonale ou en cas d'élévation importante du fibrinogène. Il est
lié à une modification de la viscosité sanguine. Attention : une rouleau-formation ne
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2005
peut être recherchée que dans la zone correcte de lecture de l'étalement pour éviter
les artefacts !
Agglutinats : En présence d'agglutinines froides, les globules rouges peuvent former
des agglutinats plus ou moins volumineux visibles au faible grossissement.
3 - En pratique …
En pratique, l'aspect morphologique des globules rouges doit être cohérent avec les
données numériques. La morphologie des érythrocytes doit être précisée dès qu'une
anomalie est décelée dans l'hémogramme. Si elle ne l'est pas, c'est qu'elle est normale !
Les anomalies observées doivent être quantifiées, mais elles ne sont pas décomptées par
un pourcentage précis. L'évaluation se fait ainsi :
+ un peu
++ beaucoup
+++très nombreux
II - LES GLOBULES BLANCS (LEUCOCYTES) :
Dans l'hémogramme, les globules blancs sont analysés de 2 manières complémentaires : la
numération et la formule leucocytaires
- 60 -
2005
A - LA NUMERATION LEUCOCYTAIRE :
La numération leucocytaire est le décompte des globules blancs (G.B.) circulant dans un
volume donné de sang. Elle est effectuée à l’aide d’un automate par association de diverses
techniques. (cf. paragraphe « automate »)
¾ Résultats :
Le nombre normal de globules blancs chez l'adulte est de 4 à 10 x 109/L (giga/L). Il est plus
élevé chez l'enfant de moins de 6 ans et chez la femme enceinte.
B - LA FORMULE LEUCOCYTAIRE :
Contrairement aux globules rouges, la population leucocytaire est très hétérogène,
rassemblant des cellules fonctionnellement et morphologiquement très différentes. La
formule leucocytaire détaille ces différentes sous-populations cellulaires. La formule est
réalisée soit par l'automate, soit sur lame au microscope. Elle nécessite l'identification de
chaque cellule.
¾ Automate : L'identification de chaque cellule par l'automate repose sur la mesure de son
volume et l'analyse de son contenu (taille et densité du noyau, granulations du cytoplasme
…). Les méthodes utilisées sont : lmpédance, radiofréquence, mesure de l'absorbance
lumineuse, de la diffraction lumineuse, cytochimie, et/ou lyse différentielle …). Les
automates ne peuvent identifier que des éléments normaux. Dès que des éléments
anormaux sont détectés, l'automate génère des alarmes spécifiques du type d'anomalie.
¾ Alarmes : Les alarmes sont des messages signalant la présence d'anomalies gênant
l'automate pour identifier les cellules. Dans ce cas, un étalement de sang sur lame doit être
fait (manuellement ou avec l'étaleur de l'automate) et coloré pour établir la formule
leucocytaire au microscope
¾ Microscope : L'identification des leucocytes au microscope repose sur la compétence du
cytologiste.
1 - Les cellules observées :
Polynucléaires neutrophiles
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2005
Polynucléaires éosinophiles
Polynucléaires basophiles
Lymphocytes
- 62 -
2005
Monocytes
2 - Valeurs usuelles :
Les résultats de la formule leucocytaire sont exprimés en pourcentage et en valeur absolue
de cellules circulantes par unité de volume. Ces valeurs sont obtenues en multipliant le
pourcentage de chaque catégorie leucocytaire par la numération leucocytaire.
La formule varie selon l'âge chez l'enfant de moins de 6 ans.
Age
Nouveauné
1 mois
1 mois à 1
an
3 à 6 ans
Adulte
G.B. x109/l
18 9-30
Poly
neutro %
x109/l
60
11
Poly
éosino %
x109/l
2
0,4
10 5-20
11 6-17
35
30
4
3
3
3
0,3
0,3
9 5-15
7 4-10
50
60
4
2à
3
0,2
1-2
0,04
à 0,7
7,5
- 63 -
Poly baso
% x109/l
1
0,1
Lympho %
x109/l
Mono %
x109/l
30
5,5
6
1
55
60
6
7
7
5
0,7
0,6
45
4
25-35
1,5
à4
5 0,4
3 à 8 0,2
à1
2005
Modification du taux des populations normales
Cellules
GB
Variations
Appellation
Hyperleucocytose
> 10x1O9/l
Causes les plus fréquentes
Il est indispensable dans ce cas de
connaître la ou les catégorie(s)
cellulaire(s) impliquée(s)
Il est indispensable dans ce cas de
connaître la ou les catégorie(s)
cellulaire(s) impliquée(s)
Infections bactériennes à germes
pyogènes
GB
Leucopénie
<4x109/l
PN
Polynucléose
>8x109/l
PN
Neutropénie
<1,5x109/l
Origine centrale ou périphérique
PN
Agranulocytose
< 0,5 G/l
Origine centrale ou périphérique
PE
Eosinophilie (ou
hyperéosinophilie)
> 0,7 G/l
Parasitoses ou allergies
LY
Lymphocytose (ou
hyperlymphocytose)
> 4 G/l
Infections virales et autres…
LY
Lymphopénie
< 1,5 G/l
Déficits immunitaires
MO
Monocytose
> 1 G/l
Réactionnelle
3 – Interprétation :
En pratique, pour l'interprétation de la formule leucocytaire, on ne tient compte que des
résultats exprimés en valeur absolue pour éviter tout contresens. Les pourcentages n'ont
pas d'intérêt clinique !
¾ Modifications du taux des populations normales : On ne tient pas compte d'une éventuelle
baisse des polynucléaires éosinophiles, basophiles, ou des monocytes, ces populations se
trouvant toutes en faible proportion à l'état normal.
¾ Pièges à éviter :
- PN : 30 %, Ly : 65 %, avec G.B = 3 G/L
Ce n'est pas une lymphocytose !
Il s'agit en fait d'une neutropénie (PN = 0,9 G/L, Ly = 1,9 G/L)
- PN : 3 %, Ly : 97 %, avec G.B = 100 G/L
C'est une hyperlymphocytose avec polynucléaires neutrophiles normaux (3 G/L)
¾ Présence de cellules normales, non tumorales : normalement absentes du sang
périphérique
- Lymphocytes transformés (ou stimulés ou activés) : sont différents des lymphocytes
normaux, et facilement reconnaissables par l'hyperbasophilie (couleur bleue intense) de leur
cytoplasme. Ils sont parfois associés à des plasmocytes (cellules B matures, sécrétant des
anticorps). En grand nombre sur les étalements, les lymphocytes stimulés témoignent d'une
- 64 -
2005
stimulation antigénique (souvent virale, parfois parasitaire) et définissent les syndromes
mononucléosiques
Plasmocytes
Le syndrome mononucléosique (SMN) est une donnée purement cytologique. C'est la
présence dans le sang périphérique de lymphocytes transformés hyperbasophiles, avec
tous les aspects intermédiaires entre le lymphocyte banal et l'immunoblaste. C'est le même
aspect morphologique que l'on peut voir dans les tests in vitro de "transformation
lymphoblastique".
La plupart des cellules sont des lymphocytes T, CD8 en majorité, avec parfois quelques
lymphocytes B.
Les syndromes mononucléosiques sont le plus souvent observés dans la mononucléose
infectieuse,
Et aussi dans les infections à CMV, la toxoplasmose, la rubéole, l'infection par le VIH.
- Mononucléose infectieuse (MNI) : Forme la plus typique des syndromes
mononucléosiques. Elle correspond à l'expression clinique d'une phase de primoinfection par le virus d'Epstein-Barr (EBV). L'infection par le virus EBV est très
fréquente (50 à 80% des sujets de plus de 15 ans ont des anticorps anti-EBV) mais le
plus souvent inapparente, ne se traduisant que par la séroconversion. La
mononucléose infectieuse "maladie" est donc une manifestation rare et inhabituelle
d'une primo-infection plus tardive, que l'on voit plutôt dans les pays à développement
socio-économique élevé.
- 65 -
2005
- Cytomegalovirus (CMV) : Virus du groupe Herpès dont la primo-infection est le plus
souvent inapparente avec une séroconversion chez environ 60% des sujets de plus
de 20 ans en France.
- Toxoplasmose acquise : Due à un protozoaire, le Toxoplasma Gondii, la
toxoplasmose est une affection très répandue (60 à 90% de sérologies résiduelles
positives chez le sujet adulte). La contamination se fait essentiellement par les chats,
hôtes privilégiés du parasite, mais peut être liée aussi à l'ingestion de viandes mal
cuites. Elle est le plus souvent inapparente, se traduisant seulement par une
séroconversion. Chez la femme enceinte, le parasite peut passer la barrière
placentaire et contaminer le fœtus et provoquer des anomalies graves. La gravité de
l'atteinte foetale varie en fonction du stade de la grossesse, il est maximal au tout
début de celle-ci et diminue progressivement à mesure que le terme approche, (risque
de microcalcifications, hydrocéphalie, chorio-rétinite).
- VIH : La phase de multiplication virale suivant la primo-infection par le virus de
l'immunodéficience humaine se traduit parfois par un syndrome mononucléosique
classique. A ce stade, la réaction anticorps n'est pas encore exprimée puisqu'elle ne
commence qu'après la 3ème semaine du contage et qu'elle peut être retardée jusqu'à
plusieurs mois. Les signes cliniques sont variés et diversement associés chez les
patients mais ne diffèrent pas des tableaux habituels des maladies virales : fièvre,
adénopathies, myalgies, asthénie ... Dans le sang périphérique, on note une
hyperlymphocytose à cellules basophiles avec surtout des lymphocytes CD8, l'atteinte
des CD4 n'étant pas patente à ce stade.
- Myélémie : La myélémie est la présence de précurseurs normalement uniquement
médullaires. Ils sont d'origine :
- Granuleuse : myéloblastes, promyélocytes, et plus souvent myélocytes et
métamyélocytes.
- Erythroblastique
S'il n'y a que des érythroblastes, on parle alors d'érythroblastose sanguine.Les
érythroblastes sont toujours comptés « en plus » des leucocytes et sont exprimés pour 100
leucocytes.
La myélémie peut correspondre à :
- Une pathologie réactionnelle : Myélémie accompagnant une polynucléose au cours
d'une infection sévère, ou apparaissant pendant la phase de réparation d'une
agranulocytose.
Erythroblastose dans les anémies hémolytiques, ou associée à quelques myélocytes
dans une réparation post hémorragique.
- 66 -
2005
- Un syndrome myéloprolifératif, de type leucémie myéloïde chronique par exemple.
Dans ce cas le taux de GB est très élevé et la myélémie plus importante. Cf. photo au
faible grossissement.
¾ Présence de cellules tumorales :
- Blastes des leucémies aiguës : blastose sanguine
- Cellules lymphomateuses :
- 67 -
2005
C – CONCLUSION :
La numération des GB et la formule leucocytaire sont des paramètres importants dans
l’hémogramme. La formule leucocytaire est le plus souvent réalisée par des automates,
dont la réponse doit être considérée comme fiable, tant que les cellules sont normales. En
cas de pathologie, l’étude des cellules au microscope par un cytologiste expérimenté est
indispensable pour un diagnostic valable.
III – LES PLAQUETTES (THROMBOCYTES)
A – LA NUMERATION PLAQUETTAIRE :
La numération plaquettaire est l'examen essentiel pour explorer les plaquettes. C'est le
décompte des plaquettes dans le sang circulant. Les plaquettes sont comptées par
impédance combinée à la focalisation hydrodynamique.
B – RESULTATS :
¾ Valeur normale : 150 à 400 x 109/l (giga/l)
¾ Diminuée si < 150 x 109/l : thrombopénie
¾ Augmentée si > 500 x 109/l : thrombocytose ou hyperplaquettose.
C – PIEGES A EVITER :
Attention aux fausses thrombopénies !
Les plaquettes forment dans certains cas des agrégats qui faussent le comptage (nombre
de plaquettes sous estimé). En présence d'une thrombopénie non connue, un contrôle au
microscope sur lame colorée est indispensable pour dépister les éventuels agrégats
plaquettaires
Les agrégats plaquettaires sont le plus souvent liés à des micro-caillots présents (plus ou
moins visibles) dans le tube, qui se sont constitués lors du prélèvement.
De façon plus exceptionnelle, ils peuvent être dus à une agrégation plaquettaire spontanée
et aberrante avec l'EDTA. Dans ce cas, on demande un prélèvement sur un autre
anticoagulant (citrate) pour compter les plaquettes.
- 68 -
2005
D – ASPECT MORPHOLOGIQUE :
Normalement les plaquettes sont isolées et réparties régulièrement sur l'étalement lorsque
le prélèvement est fait sur anticoagulant (EDTA).
L'examen au microscope peut parfois détecter des anomalies plaquettaires, rares,
nécessitant l'étude des fonctions plaquettaires.
En pratique, les anomalies quantitatives des plaquettes sont de loin les plus fréquentes.
- 69 -
2005
LEXIQUE
(En italique : caractéristiques visibles sur lame)
Acanthocytes : hématies au bord « crénelé » qu’on peut observer dans certaines
pathologies. Cf. aussi Echinocytes.
Agranulocytose : diminution très importante du taux de polynucléaires neutrophiles.
Anémie : baisse du taux d’hémoglobine.
Anisocytose : mélange d’hématies de tailles différentes.
Blastes (blastose sanguine) : présence de blastes dans les leucémies aiguës.
Cellules cibles : hématies présentant une partie centrale plus épaisse, de coloration plus
dense, donnant l’aspect d’une cible.
Cellules lymphomateuses : peuvent parfois disséminer dans le sang.
Concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH ou CCHM) :
concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine, saturation du globule rouge en
hémoglobine, Hb/Ht.
Corps de Jolly (restes nucléaires dans le G.R) : inclusion ronde violette dans une
hématie.
Dosage de l'hémoglobine (Hb) : par spectrophotométrie sur automate.
Drépanocytes : hématies en forme de faucille, par polymérisation de l’hémoglobine S dans
la drépanocytose.
Echinocytes : Hématies à la surface garnie de nombreux spicules, anomalie qui se voit
dans certaines conditions de prélèvement et d’étalement. Cf. aussi Acanthocytes..
Elliptocytes ou Ovalocytes : Hématies de forme allongée, avec des extrémités arrondies.
Erythroblastose sanguine : présence
médullaires des globules rouges).
dans
le
sang
d’érythroblastes
(précurseurs
Hématies à granulations basophiles : nombreuses ponctuations bleu foncé très fines,
signe de dysérythropoïèse.
Hématocrite (Ht) : volume des globules rouges par rapport au volume du sang total soit
calculé par l’automate (nombre de globules rouges X volume globulaire moyen) soit mesuré
après centrifugation du sang).
Hyperéosinophilie ou éosinophilie sanguine : augmentation du taux de polynucléaires
éosinophiles.
Hyperleucocytose : augmentation du taux de globules blancs.
Hyperlymphocytose ou lymphocytose sanguine : augmentation du taux de lymphocytes.
Hypochromie : Globules rouges de couleur plus claire, pauvres en hémoglobine, souvent
microcytaires.
- 70 -
2005
IDR=indice de distribution des globules rouges (RDW) : indice exprimant la répartition
du volume des globules rouges
Leucocytose : taux de globules blancs (109/l ou G/l).
Leucopénie : diminution du taux de globules blancs.
Lymphocytes transformés ou stimulés ou activés : leur présence définit les syndromes
mononucléosiques.
Lymphopénie : diminution du taux de lymphocytes.
Macrocytose : hématies de taille augmentée (anémies macrocytaires).
Microcytose : hématies de taille diminuée (anémies microcytaires, souvent par carence en
fer).
Monocytose : augmentation du taux de monocytes.
Myélémie : présence de précurseurs granuleux d’origine médullaire, normalement absents
du sang.
Neutropénie : diminution du taux de polynucléaires neutrophiles.
Numération érythrocytaire : nombre de globules rouges, comptés par des automates
suivant diverses techniques.
Ovalocytes ou Elliptocytes : Hématies de forme allongée, avec des extrémités arrondies.
Poïkilocytes : mélange d'hématies de formes variées, aberrantes.
Polychromasie : présence d'hématies plus grisâtres (G.R immatures).
Polyglobulie : hémoglobine supérieure à 180 g/l chez l’homme, 160 g/l chez la femme.
Polynucléose : augmentation du taux de polynucléaires neutrophiles.
Réticulocytes : ultime stade de la lignée érythroblastique avant les hématies, leur taux
reflète la production médullaire de l'érythropoïèse et donc le renouvellement érythrocytaire.
Schizocytes : fragments d'hématies caractérisant des formes rares d'anémie par hémolyse
mécanique.
Sphérocytes : globules rouges de petit diamètre, de forme sphérique, très colorés sur lame
(Minkowski-Chauffard).
Taux corpusculaire moyen en hémoglobine (TCMH ou TGMH ou HCM=hémoglobine
corpusulaire moyenne) : poids moyen d’hémoglobine par globule rouge en picogrammes
(Hb/GR).
Thrombocytes : plaquettes sanguines (109/l ou G/l).
Volume globulaire moyen (VGM) : volume de chaque globule rouge en femtolitres.
- 71 -
2005
LEUCEMIE AIGUË LYMPHOBLASTIQUE
RESUME DES POINTS FORTS
-
-
Le diagnostic positif de leucémie aiguë repose sur l’examen morphologique de
la moelle osseuse (myélogramme).
Avant la réalisation d’un myélogramme, un hémogramme complet (avec
formule leucocytaire et frottis) doit être obligatoirement réalisé et interprété
par un cytologiste.
Le diagnostic de leucémie aiguë (myéloïde ou lymphoïde) peut requérir des
examens complémentaires : la détection de la myélopéroxydase (MPO), un
phénotypage et un caryotype sont toujours indispensables pour le diagnostic
du sous-type de la leucémie et l’évaluation de critères pronostiques.
La prise en charge, avant de débuter le traitement d’un patient présentant une
leucémie aiguë, comportera un examen clinique complet, un bilan biologique,
ainsi qu’un bilan minimum reposant sur des examens complémentaires.
Le diagnostic de leucémie aiguë doit aboutir à l’information du patient
concernant le diagnostic de sa maladie et les grandes lignes du schéma
thérapeutique.
Le schéma thérapeutique proposé dépendra des facteurs pronostiques de la
maladie.
AUTEUR : Docteur Xavier Thomas - Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
La leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) est une affection hématologique maligne
correspondant à une prolifération médullaire clonale de progéniteurs lymphoïdes malins
transformés.
I - DIAGNOSTIC
A – EPIDEMIOLOGIE :
Les LAL représentent 80 % des leucémies aiguës chez l’enfant et 20 % des leucémies
aiguës chez l’adulte. La fréquence est de l’ordre de 1 à 3 cas pour 100 000
personnes/année. C’est le plus fréquent des cancers chez l’enfant avec un pic d’incidence
survenant entre 3 et 4 ans. Chez l’adulte il s’agit plus souvent d’un homme que d’une
femme. La fréquence augmente avec l’âge qui est un critère de gravité.
B - FACTEURS ETIOLOGIQUES :
Les phénomènes intervenant dans le développement des LAL sont mal connus. Néanmoins,
certains facteurs ont été incriminés :
¾ Des facteurs génétiques supportés par l’association entre anomalies chromosomiques
constitutionnelles (Trisomie 21) et LAL de l’enfant et par l’existence de cas familiaux de
leucémie.
¾ Des facteurs immunologiques (syndrome de Wiskott-Aldrich).
¾ Des facteurs toxiques chimiques (Benzène, solvant organique....)
¾ L’effet des radiations (étude sur les survivants des explosions atomiques)
¾ Des facteurs viraux, bien qu’il n’y ait pas de preuve du rôle des infections virales dans la
pathogénie des LAL de l’enfant. L’implication du virus d’Epstein Barr a été démontrée dans
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2005
les leucémies de type Burkitt, de même que l’implication des virus HTLV1 et HTLV2 chez
les adultes porteurs de leucémie à cellules T.
C - PRESENTATION CLINIQUE :
Le diagnostic repose essentiellement sur le myélogramme qui met en évidence une
infiltration blastique médullaire. La présentation clinique associe de façon plus ou mois
marquée un syndrome d’insuffisance médullaire, un syndrome tumoral et des signes
métaboliques.
1 - Le syndrome d’insuffisance médullaire n’est pas spécifique :
L’anémie est de règle mais son degré et sa tolérance varient. Les complications infectieuses
surviennent lorsque la granulopénie est profonde avec des localisations préférentielles ORL,
respiratoire ou cutanée. Une grande majorité des fièvres restent d’origine inconnue et sont
en fait tumorale. Le syndrome hémorragique va du simple purpura par thrombopénie
centrale aux hémorragies viscérales si la thrombopénie est extrême. Il peut être associé à
une coagulopathie de type coagulation intravasculaire disséminée.
2 - Le syndrome tumoral :
C’est un indice en faveur du caractère lymphoblastique de la leucémie aiguë. Il est marqué
par une hyperleucocytose qui peut être à plus de 100 G/l. Les sites les plus fréquents de
localisation leucémique extra-médullaire sont le système nerveux central, les testicules, le
foie, la rate, les ganglions et les reins. Des signes neurologiques méningés ou centraux tels
qu’une paralysie des nerfs crâniens ou une compression médullaire peuvent être observés.
Les adénopathies périphériques ou profondes, une hépatomégalie et/ou une splénomégalie
sont présentes trois fois sur quatre. L’infiltration testiculaire et les douleurs osseuses
épiphysaires sont plutôt l’apanage des formes de l’enfant. Les masses tumorales
médiastinales antérieures sont présentes dans la moitié des cas de LAL de la lignée T et
peuvent être à l’origine d’un syndrome de compression de la veine cave supérieure.
3 - Le syndrome de lyse cellulaire :
Il s’agit d’une acidose métabolique avec ″trou anionique″ supérieur à 17 mmol/l, observée
dans les formes très proliférantes et favorisée par le début de la chimiothérapie. Il peut s’y
associer une anurie avec hyperuraturie, déshydratation par hypercalcémie, trouble du
rythme par hyperkaliémie. Les taux de lactate déshydrogénase (LDH), d’enzymes
hépatiques et d’acide urique sont souvent anormaux au diagnostic traduisant l’importance
de la masse tumorale et l’infiltration des organes hématopoïétiques secondaires. Ce
syndrome de lyse cellulaire doit être traité mais surtout prévenu dans toutes les formes
hyperleucocytaires avant l’induction thérapeutique par l’instauration d’une hyperdiurèse
alcaline sans apport de potassium. Une leucaphérèse peut aussi parfois être utile de même
qu’une dialyse rénale.
D - CLASSIFICATION MORPHOLOGIQUE :
La classification du groupe FAB (French-American-Britisch Cooperative group) définie trois
catégories de lymphoblastes : Les lymphoblastes L1 se voient dans 85 % des LAL et
représentent la forme prédominante chez l’enfant. Les lymphoblastes L2 se voient dans 14
% des cas et prédominent chez l’adulte. Les lymphoblastes L3 (LAL de type Burkitt ) avec
des immunoglobulines de surface sont retrouvés dans 1 à 2% des LAL de l’enfant comme
de l’adulte. Cette classification n’est pas corrélée avec les marqueurs immunologiques de
surface sauf pour les LAL3 qui présentent toujours des marqueurs de prolifération B.
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2005
E - PHENOTYPE IMMUNOLOGIQUE :
LAL1
. Prolifération cellulaire homogène
. Blastes de 15 à 25 µm de diamètre
. Rapport nucléo-cytoplasmique augmenté (> 80%)
. Noyau arrondi avec 1 ou 2 petites encoches
. Chromatine fine
. Petit nucléole
. Cytoplasme basophile réduit à une fine couronne périnucléaire
. Pas de corrélation entre morphologie et immunologie
LAL2
. Prolifération cellulaire hétérogène
. Blastes de 20 à 30 µm de diamètre
. Rapport nucléo-cytoplasmique variable (<80%)
. Noyau à contour régulier
. Chromatine fine parfois réticulée
. 1 à 2 nucléoles bien visibles
. Cytoplasme basophile avec parfois de fines granulations
péroxydases négatives
. Pas de corrélation entre morphologie et immunologie
. Prolifération cellulaire hétérogène
. Blastes de 20 à 30 µm de diamètre
. Noyau arrondi
. Chromatine fine parfois perlée
. 1 à 2 nucléoles bien visibles
. Cytoplasme abondant très basophile souvent criblé de vacuoles
. Marqueurs immunologiques des proliférations
LAL3
Les LAL sont classées en fonction de la cellule d’origine et de son stade de différenciation.
80 à 85% des LAL de l’enfant surviennent à partir d’une prolifération monoclonale de
précurseurs de la lignée B alors que les 15 à 20% restants résultent d’une prolifération
monoclonale de précurseurs de la lignée T. Chez l’adulte les LAL de la lignée B et les LAL
de la lignée T représentent respectivement 75% et 25% des LAL. Pour les LAL de la lignée
B, quatre stades successifs de différenciation sont reconnus : les cellules souches
lymphoïdes, les cellules pré pré-B (LAL commune), les cellules pré-B et les cellules B
précoces (LAL3 de type Burkitt). Pour les LAL de la lignée T, différents stades successifs de
différenciation intra-thymique ont été établis: prothymocytes, thymocytes immatures,
thymocytes communs, thymocytes matures et cellules T matures. Certains marqueurs sont
indépendants des lignées B et T. C’est à la cas du CD10 ou antigène CALLA (Common
Acute Lymphoblastic Leukemia Antigen) qui est exprimé à la fois sur des cellules
leucémiques des lignées B et T. Les leucémies bi-phénotypiques se présentent sous forme
de cellules leucémiques possédant à la fois des caractéristiques lymphoïdes et myéloïdes.
La coexpression de marqueurs lymphoïdes et myéloïdes dans les LAL se voit dans 15% des
cas.
LAL de la lignée B :
B1
B2
B3
HLA-DR +, CD19 +, CD10 -, CD20 HLA-DR +, CD19 +, CD10 +, CD20 HLA-DR +, CD19 +, CD10 +, CD20 +
LAL de la lignée T :
T1
T2
T3
CD7 +, CD5 +/-, CD2 +/-, CD1 -, CD4 -, CD8 -, CD3 CD7 +, CD5 +, CD2 +, CD1 +, CD4 +/-, CD8 +/-, CD3 CD7 +, CD5 +, CD2 +, CD1 -, CD4 +/-, CD8 +/-, CD3 +
F - CYTOCHIMIE ET BIOCHIMIE :
Ces examens, réalisés sur les blastes sanguins et/ou médullaires, n’ont d’intérêt que pour
confirmer l’origine non granuleuse des blastes: noir soudan et myélopéroxydase négatifs.
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2005
G – CYTOGENETIQUE :
Les anomalies chromosomiques sont détectées dans 90% des LAL. Ces anomalies
comprennent des changements dans le nombre de chromosomes et/ou des modifications de
la structure chromosomique. Les LAL sont classées en 5 sous-types selon le nombre de
chromosomes: les formes hyperdiploïdes de 47 à 50
chromosomes, les formes
hyperdiploïdes de plus de 50 chromosomes, les formes pseudodiploïdes avec 46
chromosomes et des anomalies de structure ou de nombre, les formes diploïdes avec 46
chromosomes normaux et les formes hypodiploïdes de moins de 46 chromosomes. Les LAL
de l’adulte se caractérisent par une fréquence élevée de LAL avec translocation (9;22)
(chromosome Philadelphie ou Ph+). Ces LAL correspondent généralement à des LAL de la
lignée B. L’incidence globale des LAL Ph+ chez l’adulte est de 29% et seulement 3% chez
l’enfant. La fréquence de la translocation (4;11) et des réarrangements portants sur la région
chromosomique 11q23 ont la même fréquence chez l’adulte que chez l’enfant. La
translocation (1;19) se voit plus souvent chez l’adulte jeune. L’évolution de toutes ces LAL
est catastrophique avec les traitements de chimiothérapie habituels.
Les études en biologie moléculaire permettent de retrouver les réarrangements géniques :
¾ Aux anomalies chromosomiques comme le transcrit BCR ABL par exemple
¾ A la translocation [9 ;22].
Ces examens permettent de suivre la maladie résiduelle.
II - PRONOSTIC
Plusieurs éléments cliniques et biologiques sont connus pour influencer le résultat du
traitement des LAL. La conjugaison de ces différents facteurs pronostiques permet de
distinguer les leucémies à risques standard et des leucémies à hauts risques de rechute.
A – LEUCOCYTOSE :
L’hyperleucocytose est un facteur de mauvais pronostic. Un chiffre de 30 G/l définit une
limite importante. Un taux de globules blancs supérieur ou égal à 100 G/l est généralement
considéré comme un facteur de mauvais pronostic.
B – AGE :
Les enfants âgés 2 à 10 ans au moment du diagnostic ont un meilleur pronostic. Les
nouveau-nés jusqu’à l’âge de un an ont le plus mauvais pronostic. Les leucémies
congénitales ont une évolution invariablement fatale. Chez l’adulte, l’âge est une variable
pronostique continue avec des paliers à 35 ans, à 55 ans, puis au delà de 70 ans.
C - ANOMALIES CHROMOSOMIQUES :
Les leucémies hyperdiploïdes ont le meilleur pronostic. Certaines translocations comme la
translocation (9;22) , la translocation (4;11) et la translocation (1;19) confèrent un mauvais
pronostic.
D - PHENOTYPE IMMUNOLOGIQUE :
Les LAL de la lignée T de l’enfant sont associées à un mauvais pronostic mais de façon
indépendante au chiffre initial de leucocytes. L’expression du CD10 semble conférer un
meilleur résultat dans les LAL T. L’influence pronostique du phénotype T est diminuée voire
perdue dans les protocoles utilisant une chimiothérapie agressive combinant certains
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2005
agents. Chez l’adulte, ceci a transformé le pronostic de ces LAL qui aujourd’hui répondent
mieux que les LAL B. Pour les LAL de la lignée B, la négativité de CD10 est de mauvais
pronostic. La coexpression d’antigènes myéloïdes a une valeur diagnostique incertaine. Le
pronostic des LAL3 était classiquement très péjoratif mais l’instauration de protocoles de
chimiothérapie intensive et brève avec notamment de fortes doses de methotrexate a
entraîné un changement de pronostic avec amélioration des chances de guérison.
E - REPONSE INITIALE AU TRAITEMENT :
La rapidité de réponse au traitement est considérée comme un facteur de bon pronostic. La
réponse des lymphoblastes au traitement par les corticoïdes est considérée comme une
valeur de bon pronostic.
III - EVOLUTION ET PRINCIPES DU TRAITEMENT
A - TRAITEMENT INITIAL :
Deux phases caractérisent l’évolution sous traitement: Une phase visible nécessitant un
traitement d’induction dont le but est la destruction massive des cellules leucémiques pour
permettre une remise en activité des cellules souches normales à l’origine de la reprise de
l’hématopoïèse et conduisant à l’obtention d’une rémission complète, et une phase dite
invisible où de rémission complète. Les cellules leucémiques non détectables par des
méthodes cytologiques habituelles peuvent être mises en évidence par des techniques plus
précises immunologiques, cytogénétiques et surtout moléculaire. Cette phase comporte un
traitement prophylactique pour éradiquer une maladie occulte au niveau du système nerveux
central et un traitement de continuation (traitement de consolidation et traitement d’entretien)
pour éradiquer et/ou contenir les cellules leucémiques résiduelles. Ces principes
thérapeutiques ont conduit à l’établissement de protocoles de chimiothérapie permettant
d’obtenir de longues survies dans approximativement 50% des LAL de l’enfant et 30 % des
LAL de l’adulte.
1 - Traitement d’induction :
La chimiothérapie d’induction est basée sur l’administration de plusieurs produits de façon
séquentielle sur 4 à 8 semaines. La triple association vincristine, corticoïdes et anthracycline
reste la base du traitement à laquelle peut s’associer la L-asparaginase, la cytarabine et/ou
le cyclophosphamide. L’intensité de l’aplasie médullaire induite par la chimiothérapie
dépend du schéma thérapeutique et des doses utilisées. L’utilisation de facteurs de
croissance du type G-CSF (granulocyte colony-stimulating factor) ou GM-CSF (granulocytemacrophage colony-stimulating factor) pendant la période d’aplasie a permis la diminution
du pourcentage de décès en diminuant les risques infectieux. En l’absence de rémission
complète à l’issue du traitement d’induction, une deuxième phase thérapeutique dite de
rattrapage peut être appliquée. A l’issue de cette deuxième phase le taux global de
rémission complète est de l’ordre de 75 à 80%.
2 - Traitement de continuation :
Il comprend généralement trois phases: un traitement d’intensification ou de consolidation,
une prophylaxie neuro-méningée, et un traitement d’entretien.
¾ Traitement d’intensification ou de consolidation : Il a pour but de réduire la masse de
cellules leucémiques latentes avant qu’une résistance aux produits de chimiothérapie
puisse s’établir.
¾ Traitement neuro-méningé : Il peut être curatif en cas de localisation neuro-méningée (7
% des cas) définie par la présence de cellules leucémiques dans le liquide céphalorachidien lors d’une première ponction lombaire ou par l’existence de signes neurologiques
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2005
au moment du diagnostic. Ce traitement comprendra des injections intrathécales associant
corticoïdes, methotrexate et cytarabine, et une irradiation neuro-méningée (24 grays sur
deux à trois semaines) incluant l’encéphale, et la base du crâne jusqu’à C2. Un traitement
prophylactique est systématique en l’absence de localisation initiale neuro-méningée. Il
combine chez l’adulte une irradiation encéphalique (15 à 24 grays), une chimiothérapie
intrathécale, et/ou une chimiothérapie systémique par de fortes doses de methotrexate et/ou
de cytarabine.
¾ Traitement d’entretien : La base du traitement d’entretien est assurée par l’administration
per os quotidienne de 6-mercaptopurine associé à du methotrexate hebdomadaire auxquels
peuvent s’associer des cures de chimiothérapie intermittentes. La tendance actuelle est de
privilégier les traitements d’entretien de longueur variant entre 18 et 30 mois.
3 - Alternative thérapeutique :
La principale alternative thérapeutique est la greffe de cellules souches hématopoïétiques
allogénique ou autologue, d’origine médullaire ou sanguine.
¾ Allogreffe de CSH : La greffe de moelle allogénique est actuellement réalisée chez
l’adulte en première rémission complète s’il existe dans la fratrie un donneur HLA identique.
Elle permet des guérisons définitives grâce au double effet du conditionnement
cytoréducteur et de l’immunothérapie active (effet antileucémique du greffon). La maladie du
greffon reste cependant une des plus sérieuse complication de l’allogreffe. Chez l’enfant la
chimiothérapie offre plus d’espoir que la greffe et cette dernière n’est pas proposée en
première rémission. La place de l’allogreffe à partir d’un donneur HLA identique non
apparenté issue d’une banque de volontaires reste à déterminer. Elle peut être indiquée en
seconde rémission complète chez le sujet jeune.
¾ Autogreffe de CSH : Le problème des greffes autologues reste celui de la contamination
du greffon. Le greffon peut être injecté tel quel ou après purge ex-vivo par des méthodes
physiques, immunologiques ou pharmacologiques visant à éliminer les cellules leucémiques
restantes. Chez l’adulte, l’autogreffe est en cours d’évaluation pour les malades sans
donneur familial HLA compatible, atteints de LAL à haut risque en première rémission
complète ou pour les LAL à risque standard en seconde rémission complète. Moins toxique
que l’allogreffe, cette méthode ne bénéfice pas de l’effet antileucémique du greffon.
B – RECHUTE :
Les principaux sites de rechute sont la moelle osseuse et le système nerveux central. Les
rechutes sont généralement du même type cytologique que la phase initiale. Les rechutes
méningées peuvent être isolées, diagnostiquées par une ponction lombaire systématique ou
annoncées par des céphalées, des troubles visuels ou de conscience. Les rechutes
testiculaires sont souvent tardives et se voient surtout chez l’enfant. La stratégie
thérapeutique pour les rechutes est beaucoup moins codifiée que pour les LAL
nouvellement diagnostiquées. Une rémission complète n’est obtenue que dans 20 à 50 %
des cas.
C - EFFETS TARDIFS DES TRAITEMENTS :
Ils se rencontrent principalement dans le cadre des LAL traitées dans l’enfance. Au niveau
du système nerveux central, les séquelles peuvent être sous forme d’une baisse moyenne
dans l’échelle du QI. Au niveau du système endocrinien, il peut être observé un
retentissement sur la croissance avec souvent une petite taille. Sur la fonction gonadique, il
peut exister des pubertés précoces et de troubles de la reproduction. Sur la fonction
cardiaque, le risque est celui du développement d’une insuffisance cardiaque aiguë ou
chronique en relation avec les doses cumulées d’anthracycline. Le risque de développement
d’un cancer secondaire dans les quinze années qui suivent le diagnostic est estimé à 2,5 %.
Les cancers du système nerveux central (gliomes de haut grade de malignité) sont les
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2005
tumeurs les plus fréquentes chez l’enfant ayant reçu une irradiation prophylactique. Les
protocoles intensifs utilisant plusieurs agents thérapeutiques dont les épidophylotoxines sont
associés à une augmentation de l’incidence des leucémies aiguës myéloïdes secondaires
souvent avec des anomalies structurales de la région chromosomique 11q23.
En cas d’allogreffe avec irradiation corporelle totale, les effets tardifs sont : stérilité, risque
de cataracte, problèmes thyroïdiens et myocardiopathie possibles.
POUR APPROFONDIR
1. Thomas X. Emerging drugs for adult acute lymphoblastic leukaemia. Expert Opinion
Emerging Drugs 10(3):591-617, 2005.
2. Thomas X, Le QH. Prognostic factors in adult acute lymphoblastic leukemia. Hematology
8(4):233-242, 2003.
3. Thomas X, Saad H, Fière D. Pronostic et traitement des leucémies aiguës
lymphoblastiques de l’adulte. Encycl Med Chir, Hematologie 13-018-G-40, p 10, 2000.
- 78 -
2005
LEUCEMIE AIGUË MYELOBLASTIQUE
RESUME DES POINTS FORTS
-
-
Le diagnostic positif de leucémie aiguë repose sur l’examen morphologique de
la moelle osseuse (myélogramme).
Avant la réalisation d’un myélogramme, un hémogramme complet (avec
formule leucocytaire et frottis) doit être obligatoirement réalisé et interprété
par un cytologiste.
Le diagnostic de leucémie aiguë (myéloïde ou lymphoïde) peut requérir des
examens complémentaires : la détection de la myélopéroxydase (MPO), un
phénotypage et un caryotype sont toujours indispensables pour le diagnostic
du sous-type de la leucémie et l’évaluation de critères pronostiques.
La prise en charge, avant de débuter le traitement d’un patient présentant une
leucémie aiguë, comportera un examen clinique complet, un bilan biologique,
ainsi qu’un bilan minimum reposant sur des examens complémentaires.
Le diagnostic de leucémie aiguë doit aboutir à l’information du patient
concernant le diagnostic de sa maladie et les grandes lignes du schéma
thérapeutique.
Le schéma thérapeutique proposé dépendra des facteurs pronostiques de la
maladie.
AUTEUR : Docteur Xavier Thomas - Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
Les leucémies aiguës myéloblastiques (ou myéloïdes) sont des hémopathies aiguës
caractérisées par un blocage de maturation des lignées médullaires myéloïdes normales
avec envahissement progressif de la moelle, du sang, des organes hématopoïétiques, et
éventuellement des organes non hématopoïétiques par des éléments jeunes anormaux
appelés myéloblastes. Ces éléments vont inhiber la croissance des lignées myéloïdes
normales d’où la coexistence d’un syndrome tumoral dû à la prolifération myéloblastique et
d’un syndrome d’insuffisance médullaire.
I - CIRCONSTANCES ETIOLOGIQUES DU DIAGNOSTIC
A - AGE ET SEXE :
La fréquence des leucémies myéloblastiques est d’autant plus importante que l’âge est plus
avancé. La médiane d’âge se situe entre 60 et 65 ans. L’incidence annuelle est d’environ 4
pour 100 000 après 60 ans. Les deux sexes sont atteints de manière sensiblement égale.
B - CIRCONSTANCES FAVORISANTES :
Elles sont retrouvées dans environ 15 % des cas. Leurs présences aggravent le pronostic.
1 - Circonstances professionnelles :
La leucémie doit faire l’objet d’une déclaration en tant que maladie professionnelle lorsque
les expositions suivantes sont retrouvées :
¾ Radiations ionisantes : rayons X ou gamma
¾ Benzène et ses dérivés
- 79 -
2005
2 - Agents chimiothérapiques :
On observe une fréquence de 3 à 6 % des leucémies aiguës secondaires après un cancer
curable par chimiothérapie. Les agents principalement en causes sont les alkylants et les
nitroso-urées. Le délai médian entre le début de la chimiothérapie et l’apparition de la
leucémie aiguë myélobastique secondaire est de 5 ans.
¾ Etats pré-leucémiques : On groupe sous ce terme un ensemble de dysfonctionnement
hématopoïétique appelé également myélodysplasie. Ces affections sont marquées par des
anomalies morphologiques des lignées érythroblastiques, granuleuses, et/ou
mégacaryocytaire au myélogramme avec ou sans excès de blastes. Elles se traduisent le
plus souvent par des cytopénies périphériques. Le risque de transformation en leucémie
aiguë myéloblastique est d’autant plus grand que l’excès de blastes initial est important.
¾ Maladies congénitales : La trisomie 21 s’accompagne d’une fréquence de leucémie aiguë
myéloblastique 20 fois supérieure à la normale.
II - DIAGNOSTIC POSITIF
A - SIGNES CLINIQUES :
La leucémie aiguë myéloblastique peut être découverte lors d’un hémogramme
systématique, mais elle est le plus souvent découverte devant l’apparition sur quelques
jours à quelques semaines de signes cliniques d’insuffisance médullaire et/ou un syndrome
tumoral réalisant parfois un tableau dramatique d’emblée.
1 - Syndrome d’insuffisance médullaire :
¾ Signes fonctionnels d’anémie: Essoufflement, palpitation, lipothymie, céphalées, pâleur,
dyspnée d’effort.
¾ Infections: Elles sont liées à la neutropénie et attirent souvent l’attention. Elles sont
fréquentes en particulier au niveau de la sphère ORL. La fièvre peut aussi être
spécifiquement leucémique.
¾ Hémorragies: Elles sont liées à la thrombopénie et éventuellement à une coagulopathie.
Elles se manifestent en général uniquement par des pétéchies cutanées, des gingivorragies
lors du brossage des dents et des épistaxis. Des hémorragies plus graves peuvent
cependant être révélatrices: hémorragies digestives, hémorragies cérébro-méningées.
2 - Syndrome tumoral :
Il est surtout retrouvé dans les formes avec un composant monoblastique :
¾ Hépatosplénomégalie
¾ Adénopathies superficielles
¾ Gingivite hypertrophique
¾ Localisations cutanées : elles réalisent en général des papules rougeâtres appelées
leucémides.
¾ Envahissement méningé: rare.
¾ Douleurs osseuses intenses.
3 - Syndrome de leucostase :
Ce syndrome est lié à l’hyperviscosité sanguine observée en cas d’hyperleucocytose
considérable (supérieure à 100 G/l). Sur le plan clinique, ce syndrome peut s’extérioriser par
une dyspnée alors que la radio pulmonaire montre peu d’anomalies (opacités diffuses
bilatérales), des céphalées et une obnubilation traduisant la mauvaise circulation au niveau
des capillaires pulmonaires et cérébraux.
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2005
B – BIOLOGIE :
1 - Syndrome Hématologique :
L’étude cytologique permet de confirmer le diagnostic.
¾ Hémogramme : Le syndrome d’insuffisance médullaire est marqué par une pancytopénie
avec : une anémie normochrome, normocytaire avec réticulocytes bas; une thrombopénie
entraînant un risque immédiat d’hémorragie si elle est inférieure à 20 G/l; une neutropénie
d’importante variable, le chiffre de neutrophiles étant souvent inversement proportionnel à
celui des leucoblastes.
La leucoblastose est variable et peut être inexistante au niveau du sang périphérique. Elle
est parfois considérable et entraîne un risque vital immédiat si elle est supérieure à 100 G/l.
La leucocytose globale est surtout fonction de la leucoblastose.
¾ Myélogramme : Il est l’examen fondamental pour le diagnostic. Il permet de classer
cytologiquement la leucémie ainsi que des études complémentaires cytochimiques,
cytogénétiques, immunologiques et moléculaires. On retrouve à ce niveau le syndrome
d’insuffisance médullaire et la leucoblastose. Le syndrome d’insuffisance médullaire se
traduit par une diminution de tous les éléments myéloïdes normaux en particulier les plus
matures. La leucoblastose est définie par la présence de leucoblastes: cellules jeunes au
noyau volumineux et nucléolé. La leucoblastose doit être supérieure à 30 % des éléments
médullaires pour permettre le diagnostic de leucémie aiguë. Parfois l’envahissement
leucoblastique est massif et le myélogramme présente alors un aspect monomorphe
caractéristique contrastant avec l’aspect polymorphe d’une moelle normale. L’analyse
morphologique des blastes après coloration par le May-Grünwald-Giemsa va permettre
d’affirmer la différenciation myéloblastique de la leucémie du fait de la présence de
granulations azurophiles cytoplasmiques prenant parfois un aspect en bâtonnets (corps
d’Auer).
La présence dans les cellules leucémiques de myélopéroxydases (MPO) mise en évidence
par coloration cytochimique permet de confirmer la nature myéloïde de la leucémie. La
lignée granuleuse est également positive pour le Noir-Soudan. La positivité est forte pour
les M1 à M3, et plus faible pour les cellules monocytaires.
L’aspect morphologique des cellules leucémiques permet de classer les leucémies aiguës
myéloblastiques dans la classification FAB (French-American-British Cooperative Group) :
♦ M0 : indifférenciée avec des blastes de grande taille sans granulation, MPO - et NoirSoudan -. L’étude immunologique est en faveur de l’origine myéloïde.
♦ M1 : myéloblastique indifférenciée (15% des cas). Les blastes représentent au moins
90% des cellules non érythroïdes. Il n’y a pas de maturation et peu de granulations.
♦ M2 : myéloblastique avec maturation myéloïde partielle des éléments (20% des cas).
Les blastes représentent 30 à 89% des cellules non érythroïdes avec persistance
d’une maturation jusqu’au promyélocyte. Les cellules sont généralement nucléolées
avec des granulations azurophiles et des bâtonnets d’Auer.
♦ M3 : promyélocytaire (8% des cas) où les granulations péroxydases positives sont
extrêmement nombreuses pouvant couvrir le noyau des leucoblastes. Les corps
d’Auer peuvent parfois se grouper en amas ou fagots. Il existe un sous-type variant
(M3v) correspondant à une forme hypogranulocytaire. L’abondance des granulations
riches en activateurs de la coagulation est responsable de la coagulopathie observée
de manière pratiquement constante dans cette forme. La forme promyélocytaire
touche surtout les sujets jeunes. Il existe souvent une pancytopénie périphérique.
♦ M4 : myélo-monoblastique (25% des cas) avec coexistence de myéloblastes et de
monoblastes reconnus par leur noyau volontiers plus contourné contenant de
nombreux nucléoles et la présence à leur niveau d’estérases inhibées par le chlorure
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de sodium. Il existe parfois des éosinophiles anormaux (> 5%) ou des basophiles
anormaux.
♦ M5 : monoblastique (25% des cas), avec présence uniquement de monoblastes. Il
existe 2 sous-types: une forme peu différenciée (M5a) et une forme différenciée (M5b).
La leucoblastose périphérique peut être importante. Il existe souvent des localisations
extra-médullaires en particulier gingivales et cutanées.
♦ M6 : érythroblastique (8% des cas) avec érythroblastose supérieure à 50% des
éléments médullaires et un contingent blastique souvent plus modéré.
♦ M7 : mégacaryoblastique (1% des cas) reconnue par la présence d’excroissances
cellulaires en périphérie du cytoplasme des cellules leucémiques évoquant une
plaquetopoïèse anormale. Surtout la microscopie électronique montre les péroxydases
plaquettaires et permet d’en faire un diagnostic de certitude.
2 - Examens hématologiques complémentaires :
¾ Dosage du lysozyme sanguin et urinaire : Plus guère demandé, il est élevé dans les
formes à participation monoblastique (M4, M5).
¾ Etude des marqueurs de surfaces des leucoblastes : Les anticorps monoclonaux
permettent la détection d’antigènes de différenciation myéloïde à la surface des cellules
leucémiques (CD13, CD15, CD33). Cette technique est utile lorsque la cytologie ne permet
pas d’affirmer la différenciation myéloïde ou lymphoïde d’une leucémie aiguë de
morphologie très indifférenciée.
¾ Caryotype des leucoblastes : Il est surtout utile pour apprécier le pronostic de la maladie.
Les anomalies associées à un bon pronostic sont la translocation (15;17), spécifique des
leucémies aiguës promyélocytaires, à l’origine d’un remaniement du récepteur de l’acide
rétinoïque; la translocation (8;21) présente dans les leucémies aiguës myéloblastiques de
type M2; les anomalies du chromosome 16 (inversion ou délétion) présentent dans les M4 à
éosinophiles. Les anomalies de pronostic intermédiaire comprennent la translocation (9;11)
observée dans les M4 et les M5, les caryotypes normaux. Les anomalies de mauvais
pronostic comprennent les délétions complètes ou partielles des chromosomes 5 et 7, la
trisomie 8, les anomalies du chromosome 3, observées dans les leucémies aiguës
myéloblastiques faisant suite à un syndrome myélodysplasique ou à une exposition toxique.
¾ Biopsie ostéo-médullaire : Elle n’est pas systématique, mais permet d’apprécier la
richesse cellulaire et d’affirmer l’envahissement leucémique lorsqu’il existe une fibrose
médullaire importante.
3 - Autres investigations :
Le diagnostic de leucémie aiguë myéloblastique doit faire demander certains examens en
urgence:
¾ Bilan d’hémostase : On recherche une coagulopathie (coagulation intra-vasculaire
disséminée) provoquée par la libération d’activateurs de la coagulation présents dans des
granules des myéloblastes particulièrement fréquents dans le type M3 promyélocytaire. Elle
s’accompagne souvent d’hémorragies diffuses, notamment aux points de ponction et se
traduit sur le bilan de coagulation par une baisse du facteur V et du fibrinogène. On note
également une augmentation de la consommation plaquettaire responsable de chiffres
plaquettaires souvent inférieurs à 10 G/l. Parallèlement, il existe une élévation des produits
de dégradation de la fibrine.
¾ Bilan métabolique : Un ionogramme sanguin, la créatinémie, et l’uricémie doivent être
demandés systématiquement. L’hyperuricémie est pratiquement constante au diagnostic.
Elle est liée à la lyse blastique entraînant un catabolisme protéique intense. Elle peut être
responsable d’insuffisance rénale amplifiée par la possibilité de précipitation intra-tubulaire
du lysozyme. Cette hyperuricémie justifie la mise en route précoce d’une hyperdiurèse
alcaline en particulier chez les patients hyperleucocytaires.
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2005
¾ Groupage sanguin avec recherche d’agglutinines irrégulières en vue de transfusions qui
seront nécessaires au cours du traitement.
¾ Groupage HLA :
ª Classe I pour éventuellement transfusions de plaquettes
ª Classe II pour la stratégie d’allogreffe éventuelle
¾ Prélèvements bactériologiques : On réalise des coprocultures et des prélèvements de
gorge systématiquement afin d’analyser la flore endogène du patient avant de débuter une
thérapeutique aplasiante et, bien entendu, des prélèvements de tout foyer infectieux
éventuel.
Suivant la présentation clinique, on pourra aussi réaliser :
¾ Ponction lombaire : En cas d’atteinte méningée, elle montre une hypercytose avec
blastose. La protéinorachie est souvent augmentée, les chlorures et les sucres peuvent être
diminués.
¾ Gaz du sang : L’hypoxie peut être due à une complication pulmonaire (infection,
leucostase). Elle peut n’être qu’un simple artéfact lié à la consommation in vitro.
III - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
A - AFFECTION NON MALIGNE :
1 - Agranulocytose en voie de récupération :
La moelle est riche en éléments myéloïdes jeunes, mais restent assez polymorphe sans
atteinte des autres lignées, l’évolution se fait rapidement vers la normalisation
2 - Déficit vitaminique :
Ils peuvent entraîner une pancytopénie à moelle riche avec troubles de maturation mais il
existe une mégaloblastose.
B - AUTRES HEMOPATHIES MALIGNES :
1 - Leucémie aiguë lymphoblastique :
Elle pose un problème de diagnostic uniquement dans les formes indifférenciées.
L’immunologie a montré qu’environ 10 % des leucémies aiguës étaient en fait des formes
frontières à différentiation mixte myéloïde et lymphoïde et associée à un pronostic
particulièrement sombre.
2 - Myélodysplasies en cours de transformation :
Il s’agit là surtout de problèmes nosologiques et par définition, dans ces cas, le pourcentage
des blastes médullaires est inférieur à 30 %.
IV - FORMES CLINIQUES
Les formes granuleuses (M1, M2, M6) sont souvent peu tumorales. Rarement on rencontre
des tumeurs localisées. Dans les formes hyperleucocytaires, il peut exister une leucostase
surtout pulmonaire et une coagulopathie.
Les formes promyélocytaires (M3) sont généralement non tumorales et peu
hyperleucocytaires. Les complications hémorragiques liées à la coagulopathie sont
fréquentes. Dans la forme variante (M3v), le taux de globules blancs est souvent très élevé.
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2005
Les formes monoblastiques (M4 et surtout M5) sont souvent hyperleucocytaires et
tumorales. On y note des localisations cutanées et gingivales. L’envahissement méningé y
est plus fréquent que dans les autres types de LAM.
V - EVOLUTION ET TRAITEMENT
L’évolution de la leucémie aiguë myéloblastique non traitée est mortelle en quelques
semaines. Son diagnostic impose l’hospitalisation dans un service spécialisé pour mettre en
route un traitement.
A - INDUCTION DE LA REMISSION COMPLETE :
Le principe de la chimiothérapie d’induction est d’abaisser le plus rapidement possible la
masse de cellules leucémiques au prix d’une aplasie médullaire de 2 à 4 semaines après la
fin du cycle d’induction lui-même de 5 à 10 jours. La rémission complète est définie par une
numération formule normale et un myélogramme contenant moins de 5% de myéloblastes.
1 – Chimiothérapie :
Il s’agit d’une polychimiothérapie associant le plus souvent deux types de produits :
¾ Les anthracyclines et leurs dérivés (daunorubicine, idarubicine, mitoxantrone) sont des
agents intercalants à toxicité hématologique, digestive, sur le système pileux, et cardiaque à
doses cumulatives justifiant la pratique systématique d’un électrocardiogramme et
éventuellement d’une échographie ou d’une scintigraphie cardiaque avant traitement. Leur
utilisation est contre-indiquée en cas de cardiopathie décompensée.
¾ La cytosine arabinoside est un analogue structural des bases puriques à toxicité
hématologique, digestive, et sur le système pileux. A très fortes doses, on peut observer
également une toxicité cérébelleuse.
2 - Traitements adjuvants :
La chimiothérapie d’induction entraîne une aplasie d’une durée moyenne de deux à trois
semaines. Les traitements adjuvants mis en jeu pour lutter contre les complications de
l’aplasie justifient l’hospitalisation des patients en milieu spécialisé.
¾ Infections : Leur prophylaxie est réalisée par l’hospitalisation en chambre isolée
éventuellement à flux laminaire d’air stérile. Le patient est alors abordé avec des vêtements
stériles et reçoit une nourriture stérilisée. Par ailleurs, 70% des infections survenant chez les
patients aplasiques et provenant de germes saprophytes initialement présents dans
l’organisme, on utilise systématiquement une décontamination buccale par des bains de
bouche antiseptiques et une décontamination intestinale par une antibiothérapie orale
dirigée à la fois contre les bactéries et les levures (amphotéricyne B). L’efficacité de cette
décontamination est vérifiée par des coprocultures, des urocultures et des prélèvements de
bouche systématiques plusieurs fois par semaine. Sur le plan curatif, la gravité des
infections chez l’aplasique impose, dès que la température dépasse 38°C à 38°5C, la
réalisation d’hémocultures et la prescription d’une antibiothérapie antibactérienne à large
spectre sans attendre le résultat de celles-ci. L’inefficacité de l’antibiothérapie après deux à
trois jours, impose le recours aux antifongiques à titre également empirique.
¾ Hémorragies : Leur prophylaxie est réalisée par des transfusions plaquettaires de
manière à maintenir un taux de plaquettes supérieur à 10 G/l. La durée de vie des
plaquettes étant courte, les transfusions sont en général nécessaires tous les deux à trois
jours. Parallèlement, la correction des troubles hémorragiques liés à la coagulopathie est
également nécessaire. Elle se réalise par l’administration de plasma frais congelé et de
fibrinogène, par des transfusions de plaquettes journalières, et parfois par l’utilisation
d’héparine à la dose de 100 unités/Kg/jour en perfusion continue afin de bloquer la
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coagulation anormalement activée. Sur le plan curatif les hémorragies qui surviennent en
cours d’aplasie imposent des transfusions plaquettaires pluri-quotidiennes jusqu’à la
sédation.
¾ Anémie : Les patients aplasiques sont transfusés par des culots de globules rouges pour
maintenir le taux d’hémoglobine au dessus de 80 g/l (90 g/l chez les sujets âgés afin de
prévenir les complications cardiaques de l’aplasie).
B - MAINTIEN DE LA REMISSION COMPLETE :
A l’issue de l’aplasie consécutive à l’induction de la rémission, un myélogramme va être
réalisé et si celui-ci affirme la rémission complète, une thérapeutique sera envisagée pour
éviter les rechutes.
1 - Chimiothérapie avec ou sans autogreffe de cellules souches hématopoïétiques :
On peut employer soit des cures de chimiothérapie intensives et aplasiantes nécessitant de
nouvelles hospitalisations (chimiothérapies de consolidation), soit des cures non aplasiantes
réalisables en ambulatoire (cures d’entretien). Chez les sujets de moins de 60 ans, une
chimiothérapie de consolidation comportant deux à trois cures aplasiantes étalées sur une
période de quatre à six mois est optimale pour prévenir la rechute. Les chimiothérapies
hyperintensives accompagnées ou non d’irradiation corporelle totale et suivies de greffe de
cellules souches hématopoïétiques autologues semblent donner des résultats égaux ou
légèrement supérieurs à ceux de la chimiothérapie de consolidation. En cas d’impossibilité
de réaliser une chimiothérapie intensive du fait de sa toxicité, un traitement d’entretien sur
une période de 12 à 18 mois est généralement réalisé.
2 - Allogreffe de CSH :
Elle représente le traitement de post-induction le plus efficace pour prévenir la rechute. Elle
n’est réalisable que chez les sujets jeunes (moins de 50 ans) à partir d’un frère ou d’une
soeur HLA identique. Ces deux conditions font que ce traitement est actuellement pratiqué
chez moins de 10% des patients atteints de leucémie aiguë myéloblastique. Actuellement,
de nouvelles méthodes d’allogreffe utilisant un traitement immunosuppresseur, une greffe
de cellules souches hématopoïétiques sanguines et une immunothérapie cellulaire (injection
de lymphocytes de donneur) secondaires sont en cours d’évaluation.
C – PRONOSTIC :
Les facteurs suivants correspondent généralement à un pronostic plus défavorable:
antécédents de maladie hématologique, leucémies secondaires, âge supérieur à 65 ans,
état général précaire lors du diagnostic, hyperleucocytose initiale, M5, difficultés d’obtention
de la rémission.
La chimiothérapie permet d’obtenir une rémission complète dans 70 à 80% des cas chez les
sujets jeunes. Ce pourcentage diminue à 50% au delà de 60 ans. La survie à 5 ans des
patients chez qui une rémission complète est obtenue peut être évaluée entre 25 et 50%
après consolidation chimiothérapique ou autogreffe. Le taux de rechute atteint 50 à 70%. La
survie à 5 ans après greffe de moelle allogénique est de 50 à 70% avec un taux de rechute
de 15 à 20%. Chez les sujets de plus de 60 ans chez qui seule une chimiothérapie
d’entretien peut être entreprise la survie à 5 ans n’excède pas 15 à 20%.
D - ESPOIRS THERAPEUTIQUES :
Différentes approches peuvent être envisagées pour améliorer les résultats thérapeutiques.
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1 - Chimiothérapies plus fortes :
Dans les circonstances actuelles, elle n’est guère possible mais l’emploi de facteurs de
croissance pour limiter la durée d’aplasie pourrait permettre d’améliorer les résultats de la
chimiothérapie. Le problème principal reste alors la toxicité digestive qui dans des
conditions actuelles est souvent le facteur limitant après une cure d’aplasie.
2 - Inducteurs de la différentiation :
Cette stratégie thérapeutique vise à induire la différentiation complète en cellules matures
des cellules blastiques et non la lyse brutale de ces cellules. Les essais initiaux ont été
pratiqués avec des traitements par cytosine arabinoside à faibles doses donnée en souscutané et sur une période de deux à trois semaines. De tels traitements permettent d’obtenir
15 à 20% de rémission complète mais sont grevés d’une toxicité non négligeable en
particulier hématologique. Il est très difficile d’affirmer que les rémissions complètes
obtenues sont dues à la différentiation effective des cellules leucémiques. Elles pourraient
être simplement liées à la lyse de celle-ci.
L’acide tout-trans rétinoïque donne actuellement de grands espoirs mais ses indications
sont limitées au traitement des leucémies aiguës promyélocytaires où il parait capable à lui
seul d’induire une rémission complète. Le maintien de la rémission complète doit cependant
toujours être réalisé par la chimiothérapie.
3 - Anticorps monoclonaux :
L’utilisation d’anticorps spécifiques antileucémiques, AntiCD33 sont également en cours
d’évaluation.
4 - Registre de donneurs de moelle non apparentés :
Dans les circonstances actuelles, la greffe de moelle est possible chez moins de 10% des
patients atteints de leucémie aiguë soit le tiers des patients âgés de moins de 45 ans dont
l’âge autoriserait la réalisation d’une telle greffe. Un registre de donneur volontaire de
moelle a été constitué en France. Les limitations d’une telle approche sont d’une part son
coût et d’autre part, le fait que les allogreffes à partir de donneurs non apparentés donnent
des résultats moins bons que les allogreffes réalisées à partir de donneur de la fratrie, en
particulier à cause d’une fréquence et d’une gravité accrue des réactions de greffon contre
l’hôte.
5 – Les allogreffes à partir d’un donneur HLA compatible après un conditionnement
non myélo-ablatif (« mini-allogreffe ») :
Elles permettent d’envisager une allogreffe au-delà de 50 ans. L’efficacité de ce type de
greffe n’est pas ou peu liée à l’éradication des cellules malignes par le conditionnement,
mais à l’élimination des cellules leucémiques par l’effet du greffon contre la leucémie (effet
GVL).
POUR APPROFONDIR
1. Stone RM, O’Donnell MR, Sekeres MA. Acute myeloid leukemia. Hematology (Am. Soc.
Hematol. Educ. Program) 98 :117, 2004.
2. Thomas X, Belhabri A. Acute myeloid leukemia in the elderly : a review. Bull Cancer
88(2) :143-154, 2001.
3. Castaigne S, Cordonnier C, Fenaux P et al. Recommandations pour le diagnostic et le
traitement des leucémies aiguës myéloblastiques. Hématologie 10 :80-96, 2004.
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LAM type 3 : translocation 15 ;17
LAM 3 : aspect avec bâtonnets d’Auer
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LAM type 5 : leucémides
LAM : mucite
LAM : purpura
LAM : gingivite
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Prélèvement médullaire en vue d’une greffe
LAM : classification FAB
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LAM 4 à éosinophiles : Inversion du chromosome 16
T(8 ;21) en FISH
Translocation 8 ;21
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LAL : Incidence des principales anomalies chromosomiques
LAL : Principales anomalies chromosomiques
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LAL du type Burkitt (LAL3) : aspect morphologique
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LEUCEMIE LYMPHOÏDE CHRONIQUE
RESUME DES POINTS FORTS
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Néoplasie B mature
Diagnostic sur immunophénotype sur sang
Stades cliniques
Nouveaux facteurs pronostiques
Orientations thérapeutiques
AUTEUR : Docteur Anne-Sophie Michallet – Service d’Hématologie Clinique – Centre
Hospitalier LYON SUD
I - PHYSIOPATHOLOGIE
La LLC est la leucémie la plus fréquente en Europe. Il s’agit d’une hémopathie lymphoïde,
correspondant à la prolifération et l'accumulation de petits lymphocytes matures de la lignée
B dans la moelle osseuse, le sang et les organes lymphoïdes. Il s’agit de la prolifération
d’un clone malin caractérisé sur le plan phénotypique par l’expression quasi constante de
marqueurs CD5, CD23, CD19, CD20, CD79b et d’immunoglobulines de surface (IgM ou D).
La LLC est considérée comme une maladie indolente : les patients sont initialement
asymptomatiques et les symptômes apparaissent avec l’évolution de la maladie. La
prévalence de la maladie augmente avec l’âge avec une médiane d’âge de 65 ans (moins
de 10% des patients ont moins de 40 ans) au moment du diagnostic ; néanmoins 20% des
nouveaux diagnostics à l’heure actuelle ont moins de 55 ans avec une médiane de survie
inférieure à 5 ans.
Trois éléments la caractérisent
¾ Un syndrome tumoral : infiltration lymphoïde des ganglions, de la rate, du sang et de la
moelle osseuse.
¾ Un syndrome dysimmunitaire associant déficit immunitaire, et manifestations autoimmunes
¾ Une évolution progressive vers une insuffisance médullaire : évolution "naturelle" de la
leucémie lymphoïde chronique
L'évolution est chronique, les formes les plus graves sont celles qui se présentent avec une
cytopénie. Le diagnostic de leucémie lymphoïde chronique repose sur la mise en évidence
chez un adulte, d'une augmentation permanente des lymphocytes B CD5 positifs dans le
sang et la moelle. Le choix d’un traitement continue à prendre en considération dans un
premier temps la classification clinique de la maladie répondant aux critères de Rai (5
stades de 0 à 4) ou aux critères de Binet (3 stades : A, B ou C) qui ont permis de définir des
groupes pronostiques de patients avec une médiane de survie variant de 69 mois à 10 ans.
Cette maladie est reconnue par son hétérogénéité clinique mais également pronostique
révélée récemment grâce aux avancées significatives dans le domaine de sa connaissance
biologique (étude des séquences génomiques des parties variables des chaînes lourdes
des immunoglobulines (IgVh) ; expression du CD38 et de ZAP70 et la présence ou non
d’anomalies cytogénétiques).
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2005
II - DIAGNOSTIC
A - CIRCONSTANCES DU DIAGNOSTIC :
¾ Découverte d'une ou plusieurs adénopathies,
¾ Constatation d'une lymphocytose sanguine sur un hémogramme "systématique" ou fait
à l'occasion d'épisodes infectieux.
B - L'EXAMEN CLINIQUE PEUT TROUVER :
¾ Des éléments du syndrome tumoral avec :
ª Des adénopathies superficielles, symétriques, non douloureuses et généralement
non compressives
ª Une splénomégalie, associée éventuellement à une hépatomégalie, une
hyperplasie amygdalienne.
¾ Des signes d’insuffisance médullaire rare au diagnostic : syndrome anémique,
hémorragique ou infectieux.
C - LES EXAMENS BIOLOGIQUES FONT LE DIAGNOSTIC :
1 - Le sang : NFS
¾ La lymphocytose monomorphe (>5 G/l) est l'élément caractéristique, avec le plus
souvent 15 à 50 x 109/l, mais pouvant atteindre 100 à 200 x 109/l. Il s’agit de petits
lymphocytes d'aspect normal, à chromatine dense, sans nucléole et au cytoplasme très
réduit. Parfois, on trouve aussi un contingent plus ou moins important de lymphocytes de
grande taille, à cytoplasme plus abondant, chromatine lâche, parfois nucléolé
(prolymphocytes).
¾ La leucocytose est variable, elle peut même être normale avec lymphocytose seule.
¾ Les lignées érythrocytaires et plaquettaires sont normales au début.
2 - L'étude des marqueurs de surface lymphocytaire par cytométrie en flux fait le
diagnostic :
Dans le sang prédominent des cellules B, exprimant les marqueurs B lymphocytaires:
CD19, CD20, CD23, CD24 et CD79b et HLA classe II, mais aussi un antigène T : le CD5
(score de Matutes). Le caractère monoclonal est affirmé par l'expression de faible intensité
à la surface des lymphocytes d'une seule chaîne légère (κ ou λ) et d'une chaîne lourde
habituellement µ éventuellement associée à une chaîne δ.
3 - Etude de la moelle osseuse :
¾ Myélogramme : il n'est pas indispensable au diagnostic si les immuno-marquages ont
mis en évidence la prolifération sanguine B lymphocytaire CD5+. Il permet de quantifier
l'infiltration médullaire dans les formes habituelles, l'infiltrat lymphocytaire dépasse 30 %
des éléments médullaires.
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¾ La biopsie ostéo-médullaire n'est pas nécessaire au diagnostic. Elle donne une idée
plus précise de l'infiltrat médullaire. Les 4 aspects possibles de l'infiltrat sont : interstitiel,
nodulaire, mixte (nodulaire et interstitiel), et diffus. Cette dernière forme serait de plus
mauvais pronostic. La myélofibrose associée est très rare.
4 - Les autres examens :
Ils peuvent éventuellement amener des éléments pronostiques :
¾ Bilan immunologique : les perturbations des protéines sériques sont fréquentes, hypo
ou hypergammaglobulinémie à l'électrophorèse, et parfois présence d'une
immunoglobuline monoclonale qui peut être typée en immuno-fixation.
¾ Le test de Coombs direct peut être positif. La recherche d'agglutinines irrégulières peut
aussi être positive.
¾ Biopsie ganglionnaire : elle ne s'impose que lorsqu'il existe un doute diagnostique sur
une adénopathie ou lorsque l'on recherche une évolution lymphomateuse. Dans la forme
typique, l'architecture ganglionnaire est détruite, le ganglion est homogénéisé par une
prolifération de petits lymphocytes comblant les sinus.
¾ La radiographie thoracique ou la tomodensitométrie corporelle totale peuvent objectiver
des adénopathies profondes
Les décisions thérapeutiques dans la LLC peuvent être appréhendées selon la règle des
trois tiers : un tiers des patients n’a jamais besoin de traitement et meurt d’une autre
cause, un autre tiers progresse après une phase paisible ne nécessitant pas de traitement
et décède de la maladie, le dernier tiers a une maladie d’emblée agressive nécessitant un
traitement rapide avec parfois un état réfractaire au traitement, des complications
infectieuses et ou auto-immunes et décède de la maladie.
L’intérêt de la connaissance et de l’utilisation des facteurs pronostiques permet de ne pas
sur traiter des patients ayant un bon pronostique en particulier les stades A “paisibles”
mais également de ne pas sous traiter d’autres stades A qui vont évoluer rapidement.
Pour les LLC plus agressives, les nouveaux facteurs pronostiques permettront de définir
des sous-populations de patients devant être traités lourdement (intensification
thérapeutique) de ceux qui pourront bénéficier d’une chimiothérapie conventionnelle.
Dans les années 1980, les facteurs pronostiques rapportés comprenaient essentiellement
le stade clinique, la lymphocytose sanguine, la morphologie des lymphocytes et surtout le
temps de doublement des lymphocytes sanguins. Le stade clinique peut être défini soit
selon la classification de Rai, stade 0 avec une durée de vie médiane supérieure à 10 ans
et de 1 an et demi pour le stade IV ou selon la classification de Binet. Dans la
classification de Binet, la maladie est séparée en 3 stades cliniques essentiels : le stade A
(bon pronostique) 63% des patients avec une survie médiane supérieure à 10 ans, le
stade B (pronostic intermédiaire) 30% des patients avec une survie de 5 ans et enfin le
stade C (mauvais pronostic) 7% des patients avec une survie médiane de 2 ans (Etude du
protocole LLC 76 par le groupe coopératif français de la LLC). Le temps de doublement
des lymphocytes permet de définir deux populations pronostiques : les patients ayant un
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temps de doublement inférieur ou égal à 12 mois avec une survie médiane de 5 ans et les
patients dont le temps de doublement est supérieure à 12 mois qui ont une survie
médiane supérieure à 10 ans.
Puis sont apparus les marqueurs sériques tels que la valeur pronostique du taux de
CD20 et CD23 solubles, la thymidine kinase sérique comme marqueur de prolifération
cellulaire au sein même de la population des stades A, le taux de LDH, la β2
microglobuline et enfin p27 KIP1(P27 est un inhibiteur des kinases des cyclines D et E) dont
le taux élevé d’expression à une valeur péjorative sur la survie.
Depuis les années 2000, sont apparus de nouveaux facteurs pronostics tels que les
anomalies cytogénétiques, le profil mutationnel des gènes des Ig, l’expression de CD38 et
de ZAP 70.
¾ Le profil mutationnel des gènes des Ig a clairement un impact pronostique majeur,
les formes non mutées étant plus graves que les formes mutées (médiane de
survie dans le stade A respectivement de 95 et 293 mois). Il est par ailleurs à noter
une stabilité du caractère muté ou non muté au cours de l’évolution. Il a été par
ailleurs rapporté une liaison significative des anomalies cytogénétiques
défavorables (11q- et 17p-) avec l’état non muté des séquences des Ig et à
l’opposé une liaison de 13q- avec le caractère muté. Finalement, les facteurs
pronostiques les plus prédictifs d’une progression rapide et d’un pronostic péjoratif
sont le caractère non muté et l’existence d’une délétion p53/17p-. Par ailleurs, il
semble également exister une corrélation entre le caractère mutationnel et
l’expression de CD38. Récemment ont été étudiés l’expression de ZAP70 et ses
conséquences biologiques sur le pronostic et l’évolutivité de la maladie. Cette
protéine kinase impliquée dans la transduction du signal du récepteur T où elle est
associée à la chaîne ζ est exprimée normalement dans les cellules T et NK (les
mutations de ZAP 70 sont associées à un syndrome de déficit immunitaire
combiné sévère) et inhabituellement dans les lymphocytes de la LLC B. ZAP 70
permet la phosphorylation des protéines cytosoliques après stimulation du BCR et
est exprimé dans les lymphocytes B des LLC non mutées. L’intérêt de ce
marqueur provient des résultats d’études d’expression du transcriptome au cours
de la LLC qui montrent une très bonne corrélation entre l’expression de ZAP 70 et
l’absence de mutation somatique des gènes IgVh. Une différence hautement
significative est documentée en terme de survie entre 2 populations : les patients
ayant une forte expression de ZAP70 (ZAP 70+) avec une durée médiane de
survie de 9,3 ans et les patients sans expression ou à faible expression de ZAP70
(ZAP70-) avec une survie médiane de 24,4 ans. Il faut enfin souligner que ZAP70
a été identifié comme un marqueur corrélé au statut mutationnel et qu’à ce jour,
des études permettant d’identifier en eux mêmes les gènes pronostiques n’ont pas
été publiés.
Certaines techniques sont difficiles, très lourdes et consommatrices de temps et
d’autres ont un problème de fidélité et de reproductibilité nécessitant de poursuivre
les études dans ce domaine d’exploration.
¾ Les anomalies chromosomiques sont fréquentes dans la LLC mais nécessitent de
nouvelles techniques de cytogénétique (FISH sur cellules interphasiques) qui
permettent de détecter ces anomalies dans plus de 80% des patients testés. Sur 325
patients (170 stades A, 102 stades B et 53 stades C, 268 (82%) patients présentent
des anomalies clonales (165 une seule anomalie, 67 deux anomalies et 26 plus de 2
anomalies) et seulement 18% des patients ont un caryotype normal. Les anomalies
chromosomiques les plus fréquentes sont représentés dans ce groupe de patients
par la délétion 13q (55% avec 36% d’entre eux qui ne présente que cette seule
anomalie), la délétion 11q (où est localisé ATM oncogène ou gène suppresseur de
T ?, 18%), la trisomie 12 (16%), la délétion 17p (délétion p53, 7%). Il a été mise en
évidence une corrélation entre ces anomalies chromosomiques et la survie :
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meilleure survie pour les patients porteurs d’une délétion 13q (mise en évidence
dans 43% des stades A étudiés) même en les comparant aux patients porteurs d’un
caryotype normal et survie très courte pour les patients porteurs de la délétion 17p.
De plus, la délétion 17p semble être prédictive d’un état réfractaire aux agents
alkylants et ou aux analogues des purines et la délétion 11p parait associée à une
rapide progression de la maladie dont la valeur pronostique défavorable n’est pas
effacée par l’intensification thérapeutique. Ces anomalies peuvent être acquises au
cours de l’évolution de la maladie caractérisant la progression clonale et le caractère
pronostique très péjoratif à court terme. Le profil mutationnel des gènes des Ig a
clairement un impact pronostique majeur, les formes non mutées étant plus graves
que les formes mutées (médiane de survie dans le stade A respectivement de 95 et
293 mois). Il est par ailleurs à noter une stabilité du caractère muté ou non muté au
cours de l’évolution. Il a été par ailleurs rapporté une liaison significative des
anomalies cytogénétiques défavorables (11q- et 17p-) avec l’état non muté des
séquences des Ig et à l’opposer une liaison de 13q- avec le caractère muté.
III - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Le problème diagnostique le plus fréquent est celui d'une lymphocytose chez un adulte.
A - LYMPHOCYTOSES TRANSITOIRES, POLYCLONALES :
D'origine infectieuse : coqueluche, mononucléose infectieuse, cytomégalovirus,
toxoplasmose. Le contexte clinique et les examens sérologiques orientent le diagnostic. Les
immuno-marquages permettent de différencier ces lymphocytoses polyclonales d’une
lymphocytose monoclonale au cours de la LLC.
B - AUTRES PROLIFERATIONS LYMPHOÏDES B NON LYMPHOMATEUSE :
¾ La maladie de Waldenström : proche de la leucémie lymphoïde chronique, elle s'en
distingue par l'aspect cytologique de l’infiltration de la moelle osseuse (infiltrat lymphoplasmocytaire et la présence d'un pic monoclonal d'lgM sérique).
¾ La leucémie prolymphocytaire : elle associe une splénomégalie, une insuffisance
médullaire et un infiltrat médullo-sanguin, de grandes cellules lymphoïdes à cytoplasme
abondant, et noyau de grande taille nucléolé. En cytométrie, les Ig de surface sont très
positives.
¾ La leucémie à tricholeucocytes : caractérisée par la présence de cellules lymphoïdes
de grande taille à cytoplasme irrégulier, émettant des expansions (aspect chevelu). En
cytochimie, les tricholeucocytes ont une phosphatase acide résistant à l'acide tartrique. En
cytométrie, ils sont positifs pour CD11c, CD25 et CD103. La Biopsie ostéo-médullaire
trouve une myélofibrose.
C – LYMPHOMES :
Les lymphomes spléniques à lymphocytes villeux et les lymphomes à petites cellules
posent parfois des problèmes diagnostiques, voire nosologiques difficiles. La négativité du
marqueur CD5 les distingue des LLC classiques. Les rares LLC CD5 négatifs constituent en
fait des formes frontières avec les autres hémopathies lymphoïdes.
IV - EVOLUTION
La leucémie lymphoïde chronique est une maladie maligne d'évolution lente. Les
complications qui émaillent son évolution sont liées aux 3 éléments qui la composent.
- 97 -
2005
A- LE SYNDROME TUMORAL :
¾ Possibilité de localisations extra-ganglionnaires : pulmonaires avec infiltrat interstitiel,
pleurales avec épanchement, digestives avec diarrhée voire malabsorption, hépatiques
responsables de syndrome rétentionnel biologique voire d'ictère.
¾ Les adénopathies sont rarement compressives. La modification de leur caractère
clinique : taille importante, consistance plus dense, résistance au traitement, doit faire
évoquer, et chercher par une biopsie, un syndrome de Richter c'est-à-dire la
transformation en LMNH.
¾ Possibilité de transformation lymphoblastique avec tableau d’une leucémie aiguë
lymphoblastique avec cytopénie.
B - LES PERTURBATIONS IMMUNITAIRES :
1 - Le déficit immunitaire :
Il est constant, dès le début de l'affection, le sujet est incapable de s'immuniser contre
certains antigènes. Les infections broncho-pulmonaires, urinaires et cutanées sont ainsi
fréquentes. Elles constituent la principale cause de décès. Elles sont de tous types :
bactériennes, virales, mycosiques et parasitaires du fait des perturbations de l’immunité
humorale et cellulaire. Les vaccins à virus vivant sont contre-indiqués.
2 - Des manifestations auto-immunes :
Elles sont fréquentes : anémie hémolytique à Coombs positif ou simple positivité du test de
Coombs voire seulement présence d'agglutinines irrégulières ; des thrombopénies
immunologiques sont possibles, dont l'origine immunologique est toujours difficile à affirmer.
3 - Une fréquence accrue de cancers épithéliaux sur leucémie lymphoïde chronique a
été fréquemment avancée. En fait les données épidémiologiques de qualité confirmant cette
fréquence accrue manquent. Les plus souvent cités sont les cancers digestifs, bronchopulmonaires et cutanés.
C – L’INSUFFISANCE MEDULLAIRE :
Plusieurs mécanismes concourent à l'apparition de cytopénie, qu'il s'agisse d'anémie ou de
thrombopénie :
¾ Hypersplénisme,
¾ Processus auto-immuns, pratiquement toujours sous-tendus par une insuffisance
médullaire, qui reste de mauvais pronostic.
IV - PRONOSTIC
A- LES STADES ANATOMO-CLINIQUES :
Des diverses classifications proposées, on retiendra la classification de Binet, en Stade A,
B, C
¾ Stade A : moins de 3 aires ganglionnaires atteintes cliniquement (5 aires au total :
cervicale, axillaire, inguinale, splénique, hépatique).
¾ Stade B : 3 aires ou plus, médiane de survie : 5 ans.
¾ Stade C : anémie inférieure à 11 g/dl ou thrombopénie inférieure à 100 x 109.
- 98 -
2005
< Une autre classification : la classification de RAI
¾ Stade 0 : formes médullo-sanguines pures
¾ Stade I : stade 0 avec adénopathies
¾ Stade II : stade 0 ou I avec splénomégalie ou hépatomégalie
¾ Stade III : stade 0, I ou II avec anémie inférieure à 10 g/dl
¾ Stade IV : stade 0, 1, II ou III avec thrombopénie inférieure à 100 x 109/l.
Les stades 0 et I ont une survie supérieure à 120 mois, le stade II à 70 mois, les
stades III et IV à 19 mois.
B - AUTRES ELEMENTS PRONOSTIQUES :
Certains éléments évolutifs échappent aux classifications anatomo-cliniques, ou peuvent les
compléter :
1 - les formes anciennement à infiltrat diffus dense à la biopsie ostéo-médullaire et les
formes CD23 négatif sont de mauvais pronostic. De même un temps de doublement rapide
de la lymphocytose, un taux élevé de cellules prolymphocytaires circulantes sont plutôt de
mauvais pronostic. Actuellement, de nouveaux marqueurs ont permis de montrer une
différence considérable en terme de pronostic et de démembrer les stades A : il s’agit des
anomalies chromosomiques, du marqueur CD38, l’étude mutationnelle du gène VH et
l’expression de ZAP 70. Il existe une excellent corrélation entre ces indices pronostiques
(ZAP 70 et mutation du gène VH).
2 - les cancers, les lymphomes (Richter) peuvent par contre apparaître quel que soit le
stade.
3 - la non réponse au traitement cytostatique est elle aussi péjorative.
V - TRAITEMENTS
A - MOYENS THERAPEUTIQUES :
La splénectomie et la radiothérapie n'ont pratiquement plus de place dans la LLC. La
splénectomie peut se discuter dans les formes à très grosse rate isolée ou en traitement
des complications auto-immunes: anémies hémolytiques auto-immune, thrombopénies.
La chimiothérapie est le traitement de choix.
On dispose des possibilités suivantes :
1 – Monochimiothérapies :
¾ Chlorambucil (Chloraminophène®), en traitement continu (0,1 mg/kg/j) ou en cures
discontinues et associé à la prednisone.
¾ Fludarabine (Fludara®) en cures discontinues intra-veineuses ou per os à 25 mg/m², 5
jours par mois est extrêmement efficace mais très immunosuppressive
¾ Pentostatine et 2 chlorodéoxy-adénosine sont également utilisées, seules ou en
association
2 – Polychimiothérapies :
La plus ancienne est dérivée du protocole CHOP, associant: cyclophosphamide
(Endoxan®) à 300 mg/m², doxorubicine (Adriblastine®) à 25 mg/m², vincristine (Oncovin®)
à 1mg/m², prednisone à 1mg/kg, en cures mensuelles .
- 99 -
2005
Les associations : FC et RFC thérapeutique standard de première ligne ?
Des études in vitro ont montré l’activité synergique de l’association fludarabine et
cyclophosphamide (FC) qui pourrait devenir pour un certain nombre d’équipes la
thérapeutique standard de première ligne de la LLC. Différentes études ont été menées
mais portent généralement sur un petit nombre de patients et comportent des stratégies
thérapeutiques variables (séquentielle ou escalade de dose). Elles montrent néanmoins un
taux de réponse global de l’ordre de 90% avec 35% de réponse complète. Il est par ailleurs
suggéré que les rémissions complètes avec cette association sont de meilleure qualité et
plus durable grâce à une diminution de la maladie résiduelle. Les effets indésirables graves
de cette association sont essentiellement liés à la myélosuppression : infections à germes
opportunistes et herpes virus nécessitant la mise en place dés l’initiation du traitement d’une
prophylaxie adéquate.
3 - Autres possibilités :
Innovations: les anticorps monoclonaux associés ou non à la chimiothérapie
Il a été montré dans le lymphome folliculaire mais surtout dans le lymphome agressif que
l’anticorps anti CD20 (rituximab) potentialise l’effet de la chimiothérapie et augmente la
survie. Dans la LLC, les premières associations comportaient rituximab et fludarabine puis
l’association rituximab, fludarabine et cyclophosphamide (RFC). Une première étude.
Compte tenu de l’efficacité potentielle de cette association, les essais de RFC se sont
multipliés. Sur 135 patients, en première ligne, 66% reçoivent effectivement les 6 cycles de
l’association RFC. Le taux de réponse globale est de 95% (75/79 patients évaluables), 66%
sont mis en RC et 4% ne répondent pas (1 décès précoce). La réponse moléculaire étudiée
par PCR a été documentée dans 59% des patients étudiés. Avec un suivi médian de 2 ans,
94% des patients sont en vie. Vingt pourcent des patients ont développé une neutropénie
grade 4 et 4% une thrombopénie grade 3 et 4. L’étude la plus avancée actuellement montre
des réponses impressionnantes chez 79 patients non antérieurement traités recevant
l’association RFC avec 66% de RC, 14% de RP et seulement 4% de maladie stable ou
progressive sous traitement. Parmi les patients en réponse complète, 59% n’ont plus de
signal de clonalité avec persistance à plus d’un an de cette réponse moléculaire. La toxicité
est considérée comme acceptable sans que l’on puisse réellement savoir si cette
association modifie réellement la possibilité de mobiliser des cellules souches
hématopoïétiques en cas de rechutes ultérieures.
Alemtuzumab (Campath®) et LLC
Le Campath® (Anticorps monoclonal anti-CD52) est plus largement utilisé chez les patients
âgés qui présentent une maladie résistante. Ce traitement est classiquement administré par
voie intraveineuse et nécessite une hospitalisation compte tenu d’effets secondaires
fréquents. La voie sous cutanée est par ailleurs très attrayante car elle permet une prise en
charge ambulatoire d’autant plus que la qualité des réponses, leur durée et la tolérance sont
comparables aux résultats antérieurs du même traitement par voie intraveineuse.
L’efficacité du Campath® est majeure sur la lymphocytose sanguine avec des réponses
dans plus de 90% en une à 2 semaines ce qui contraste avec les réponses médiocres pour
les formes tumorales ganglionnaires.
Les traitements intensifs myeloablatifs suivis d’autogreffe ou d’allogreffe de cellules
souches hématopoïétiques (CSH) ont été longtemps les seuls traitements à permettre
l’obtention de rémissions moléculaires. Plus de 4000 greffes (autologue et allogénique) sont
actuellement rapportées en Europe avec une augmentation au cours des années 2000 à
2004. Une étude rétrospective a porté sur 691 patients issus du registre de l’EBMT
(European Blood and Marrow Transplant Group) greffés depuis 1994 avec 482 autogreffes
et 209 allogreffes. Le taux de rémission complète est de 78% pour les 2 types de greffe
avec une survie globale à 3 ans respectivement de 79% après autogreffe et de 55% après
allogreffe. La mortalité liée à la greffe étant largement supérieure après l’allogreffe
- 100 -
2005
conventionnelle (40%) comparée à l’autogreffe (11%). Toutefois, le risque de rechute
persiste après autogreffe passant de 20% à 20 mois à 60% à 60 mois alors qu’il n’existe
pas d’augmentation du risque de rechute avec le temps pour les allogreffes avec un plateau
constaté au-delà de 24 mois. La survie à long terme après allogreffe pour la LLC peut
amener à la notion de curabilité grâce à l’effet allogénique. le problème essentiel étant celui
de la mortalité liée à la greffe. Après autogreffe de CSH , il a été nettement démontré que la
persistance d’une maladie résiduelle détectable après greffe était étroitement associée à un
risque de reprise évolutive de la maladie. l’exploitation de l’effet GVL est donc une nécessité
mais jusqu'alors la greffe allogénique conventionnelle reste confrontée à une toxicité
majeure inacceptable dans cette maladie indolente. C’est pourquoi, de nouvelles
orientations stratégiques dans le domaine de l’allogreffe se sont développées comportant
les allogreffes après conditionnement à intensité réduite. L’étude de l’EBMT a repris 77
patients (âge médian de 54 ans), ayant reçu une médiane de 3 lignes de chimiothérapie (0
à 8) et 13% de ces patients une autogreffe. L’actualisation de l’étude retrouve mortalité liée
à la greffe de 18% après 12 mois, une survie globale à 2 ans de 72% et une EFS à 56%.
L’exploitation de l’effet GVL tout en minimisant la toxicité de l’allogreffe est donc tentante
dans cette maladie « allogénique » ? ce d’autant plus qu’il est possible de potentialiser
l’effet anti-leucémique par l’adjonction des anticorps monoclonaux (Rituximab® et
Campath®) dans le conditionnement.
B – INDICATIONS :
Le traitement des leucémies lymphoïdes chroniques semble pouvoir améliorer le pronostic,
mais les indications doivent être soigneusement posées. Le dogme ancien, ne pas traiter
les stades A, traiter les stades B et C, est actuellement discuté compte tendu de nouveaux
marqueurs pronostiques, qui ont démontré l’existence de stade A de mauvais pronostic et
de stade B de bon pronostic.
1 - Néanmoins, dans la plupart des stades A, l’abstention thérapeutique est de règle.
2 - Dans les stades C, les protocoles polychimiothérapiques (type CHOP à faible dose de
doxorubicine), le RITUXIMAB, les greffes de CSH, la FLUDARABINE et le CAMPATH 1H
peuvent être discutés
3 - Dans les stades B, le problème est plus difficile. La question n’est pas tranchée entre
traitement modéré et traitement intensif. Les marqueurs actuels prennent toute leur
importance pour déterminer la meilleure stratégie thérapeutique.
POUR APPROFONDIR
1. Actualités thérapeutiques de la leucémie lymphoide chronique. Bulletin
du Cancer 92:249-56, 2005.
2. Varet B. Le livre de l'interne : Hématologie. Edition Médecins-Sciences, Flammarion. La
Leucémie Lymphoide Chronique (page 117).
- 101 -
2005
TABLE 1 – Classification de RAI
Critères de Définition
Bon
Stade 0pronostic
(0)
Pronostic
Stade Iintermédiaire
(I+II)
Stade II-
Mauvais
pronostic
(III + IV)
Lymphocytose exclusive
Lymphocytose + adénopathies
Lymphocytose + hépato ou
splénomégalie, les adénopathies
peuvent être ou ne pas être
présentes
Stade III- Lymphocytose + Hb <110 g/L, les
organomégalies peuvent être ou
ne pas êtres présentes
Stade IV- Lymphocytose + plaquettes <
100x2% 109/L, les
organomégalies peuvent être ou
ne pas être présentes
% des
Survie médiane
patients
(années)
31 %
>10
Médiane à 10 ans
59 %
35 %
9
26 %
5
6%
2
2%
2
TABLE 2 – Classification de BINET
Critères de Définition
Stade A
Bon pronostic
Stade B
Pronostic
intermédiaire
Stade C
Lymphocytose, Hb ≥ 100 g/L et
plaquettes ≥ 100x109/L
< 3 aires lymphoïdes atteintes (1)
Lymphocytose, Hb ≥ 100 g/L et
plaquettes ≥ 100x109/L ; atteinte d’au
moins 3 aires lymphoïdes
Lymphocytose, Hb<100 g/L et/ou
plaquettes >100x109/L, quel que soit le
nombre d’aires lymphoïdes atteintes
% des
LLC
63 %
30 %
Survie médiane
(années)
>10
survie à 10 ans
51 %
5
7%
2
SOUS-CLASSIFICATION DES STADES A
A’
Stade A avec lymphocytose <30x109/L
et/ou Hb<120 g/L
49 %
A’’
Stade A avec lymphocytose >30x109/L
et/ou Hb<120 g/L
14 %
>10
survie à 10 ans
56 %
7
survie à 10 ans
38 %
Les aires lymphoïdes considérées sont cervicales, axillaires et inguinales (qu’elles soient
unilatérales ou bilatérales), la rate et le foie.
- 102 -
2005
LEUCEMIE MYELOÏDE CHRONIQUE
DIAGNOSTIC, EVOLUTION ET TRAITEMENT
RESUME DES POINTS FORTS
- La Leucémie Myéloïde Chronique (LMC) est un syndrome myéloprolifératif acquis
de l’adulte jeune évoluant en 3 phases standardisées : chronique (42 mois),
accélérée (12-14 mois), aiguë (3-12 mois).
- La présence du chromosome Philadelphie affirme le diagnostic.
- Le chromosome Philadelphie peut se voir dans d’autres hémopathies.
- Un traitement inhibiteur ciblé sur la tyrosine kinase dérivée du chromosome
Philadelphie permet de stabiliser la maladie pendant de nombreuses années.
- Seule l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques peut guérir la maladie.
AUTEUR : Docteur Franck Nicolini – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
I – GENERALITES ET PHYSIOPATHOLOGIE
La Leucémie Myéloïde Chronique (LMC) est un syndrome myéloprolifératif chronique rare
(1-2 pour 100 000 habitants/an) de prédominance masculine (sex ratio : 1,4) et de l’adulte
jeune (Âge médian du diagnostic : 54 ans). La lésion moléculaire se situe au niveau d’un
progéniteur multipotent résultant d’une expansion clonale myéloïde dont toutes les cellules
dérivées portent le marqueur chromosomique de la maladie la translocation t(9 ;22)
(q34.1q11.2), ou chromosome Philadelphie dont la description initiale remonte à 1960
(Nowell & Hungerford). C’est une translocation réciproque qui juxtapose le gène ABL (Chr
9) et le gène BCR (Chr 22) sur le chromosome 22. L’ARN messager chimérique BCR-ABL
donne naissance à la protéine chimérique du même nom (tyrosine kinase intracelllulaire) qui
est responsable de l’oncogénicité induisant des altérations de la prolifération, de l’adhésion
et de l’apoptose des cellules myéloïdes. Toutes les cellules sanguines sont porteuses du
chromosome Philadelphie. En phase chronique, différenciation et fonctionnalité des cellules
produites sont conservées, expliquant l’absence prolongée de signes cliniques faisant le
drame de cette maladie.
II – DIAGNOSTIC POSITIF DE LA LMC
A – PHASE CHRONIQUE :
1 – Circonstances de découverte :
Dans 50% des cas en France, la LMC est diagnostiquée sur une NFS systématique. Quand
il y a des symptômes, ceux ci sont peu spécifiques : Altération de l’état général (asthénie,
anorexie, sueurs), douleurs de l’hypochondre gauche, sensation de plénitude gastrique.
Beaucoup plus rarement : crise de goutte, colique néphrétique, infarctus splénique,
priapisme, thrombose des vaisseaux rétiniens, syndrome de Budd-Chiari, inauguraux.
Quatre-vingt dix-sept % des cas de LMC en France sont découverts en phase chronique.
- 103 -
2005
2 – Examen clinique :
Pâleur, teint cireux, splénomégalie dure (à mesurer en cm de débord costal) pouvant être
monstrueuse (>25 cm), mais qui n’est pas obligatoire. Douleur osseuse élective à la
pression sternale (signe de Craver). Parfois hépatomégalie (5 cm) associée modérée.
3 - Examens biologiques :
¾ NFS : Hyperleucocytose (souvent >25 109/l parfois considérable >700 109/l) avec 9095% de cellules granuleuses: Polynucléose neutrophile (30-40%), éosinophilie (5-10%),
basophilie (3-10%), et surtout myélémie (10-30%) de répartition harmonieuse (telle
qu’on la trouve dans la moelle osseuse normale) avec myéloblastes (1-5%),
promyélocytes (2-10%), myélocytes (10-20%), métamyélocytes (2-5%). Les monocytes
sont augmentés, mais de façon modérée. L’hémoglobine est souvent basse (90 g/l) en
rapport avec une anémie par hémodilution (du fait de la splénomégalie) et d’une anémie
vraie. Hyperplaquettose (souvent > 500 109/l, parfois considérable > 2000 109/l).
¾ Myélogramme : Moelle très riche, avec hyperplasie granuleuse (90-95% des éléments
nucléés), hyperplasie mégacaryocytaire avec micro-mégacaryocytes, hypoplasie
érythroblastique marquée. Il existe donc une conservation de la maturation
hématopoïétique sans accumulation myéloblastique.
¾ Caryotype médullaire : Met en évidence la t(9 ;22)(q34q11) dans 95% des cas de
LMC. Dans 5% des cas il existe un chromosome Philadelphie « variant » impliquant le
chr 22 et un autre chromosome que le 9. Il peut exister des anomalies clonales
additionnelles. Parfois (5% des cas), le caryotype est normal, mais l’examen
cytogénétique en FISH à l’aide de sondes fluorescentes complémentaires du gène
BCR-ABL est positif dans toutes les cellules, il s’agit d’un chromosome Philadelphie
« masqué ». Le chromosome Philadelphie peut se voir dans les leucémies aiguës
lymphoblastiques B et parfois dans les leucémies aiguës myéloïdes.
¾ RT-PCR quantitative pour BCR-ABL (RQ-PCR) : Pratiquée dans le sang, elle met en
évidence l’ARN messager BCR-ABL et son type et le quantifie (ce qui sert de point de
départ pour évaluer l’efficacité du traitement), mais ne met pas en évidence les
anomalies chromosomiques additionnelles éventuelles qui peuvent avoir une valeur
pronostique.
¾ Echographie abdominale : Elle met en évidence la splénomégalie dans les cas
difficiles (obésité) où celle-ci n’est pas accessible à l’examen clinique. Une
hépatomégalie modérée peut être associée.
¾ Biopsie médullaire : Effectuée en cas de myélofibrose associée rendant impossible
l’aspiration médullaire, elle n’est plus recommandée d’emblée actuellement. Elle met en
évidence l’hyperplasie myéloïde harmonieuse, l’effacement des adipocytes, l’hypoplasie
érythroblastique et l’existence d’une myélofibrose associée.
¾ Au niveau métabolique : Hyperuricémie, hyperphosphorémie, élévation des LDH,
Hypervitaminémie B12.
B – LMC EN PHASE D’ACCELERATION D’EMBLEE :
1 – Sur le plan clinique :
¾ Signes généraux marqués avec notamment fièvre spécifique, sueurs abondantes,
parfois douleurs osseuses. Splénomégalie importante. Eventuel syndrome hémorragique.
2 – Sur le plan biologique :
¾ NFS : Basophiles >20%, blastes + promyélocytes >20%, blastes >15%, thrombopénie
<100 109/l ou > 1000 109/l. Hémoglobine < 80 g/l, normocytaire arégénérative (1 seul
signe suffit).
- 104 -
2005
¾ Caryotype : Duplication du chromosome Philadelphie. Anomalies chromosomiques
associées (Trisomie 8 +++).
¾ Myélogramme : Blastes >15% mais <30%. Basophilie importante. Raréfaction des
mégacaryocytes.
C – LMC EN PHASE AIGUË ( : ACUTISATION) D’EMBLEE :
1 – Sur le plan clinique :
¾ Les signes sont ceux rencontrés dans les leucémies aiguës associant signes de
pancytopénie + syndrome tumoral. Signes généraux marqués. Splénomégalie souvent
monstrueuse (>20 cm). Leucostase si acutisation myéloïde. Adénopathies superficielles si
acutisation lymphoïde. Localisations extra-médullaires possibles ( : Chloromes).
2 – Sur le plan biologique :
¾ NFS : Blastes >30%. thrombopénie <20 109/l. Hémoglobine < 80 g/l.
¾ Caryotype : t(9 ;22) associée à de multiples autres anomalies chromosomiques.
¾ Myélogramme : Moelle hypercellulaire avec blastes >30%.
¾ Biopsie médullaire : Souvent indispensable car la myélofibrose intense est de règle.
Moelle hypercellulaire massivement envahie par des cellules blastiques, avec perte de
toute différenciation.
¾ Bilan d’hémostase : CIVD fréquente en cas d’acutisation myéloïde.
¾ Imunophénotype sanguin ou médullaire : Fait le typage de l’hémopathie aiguë : 2/3 des
cas acutisation myéloïde CD13+, CD34+, MPO+, 1/3 des cas acutisation lymphoïde B
CD19+, CD34+ CD10+.
III - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
A – DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DE LA LMC PHASE CHRONIQUE :
1 – Myélémies réactionnelles :
¾ Des myélémies importantes (myélocytes + métamyélocytes) peuvent se voir en cas de
suppurations profondes sévères, parfois associées à une thrombocytose par syndrome
inflammatoire associé. Il n’y a pas de splénomégalie et les paramètres leucocytaires et
thrombocytaires se normalisent à la guérison de l’infection.
¾ Des myélémies importantes (myélocytes + métamyélocytes) peuvent se voir lors de
traitements corticoïdes à doses importantes.
2 – Autres symdromes myéloprolifératifs :
¾ Polyglobulie de Vaquez :
- La présence d’une polyglobulie est exceptionnelle dans les LMC phase chronique.
- L’hyperleucocytose est souvent bien plus prononcée dans la LMC
- La splénomégalie est souvent plus importante dans la LMC phase chronique
- Absence de chromosome Philadelphie.
¾ Thrombocythémie essentielle (TE) :
- L’âge de survenue est différent (TE > 70 ans)
- La splénomégalie est souvent absente.
- L’hyperleucocytose est modeste (< 15 109/l) et la myélémie faible (5%).
- Absence de chromosome Philadelphie.
- 105 -
2005
¾ Splénomégalie myéloïde avec myélofibrose :
- La splénomégalie est volumineuse et très dure.
- L’aspiration médullaire est impossible (os pierreux).
- La myélémie est souvent modeste (10%) avec présence d’érythroblastes circulants
et d’anomalies de la morphologie érythrocytaires (hématies en poires).
- Absence de chromosome Philadelphie.
3 – Leucémie myélo-monocytaire chronique (LMMC) :
¾ Hémopathie chronique du sujet âgé (>70 ans).
¾ Splénomégalie en règle modérée.
¾ Myélémie modeste ou absente avec nette prédominance de la monocytose (> 2 109/l).
¾ Monocytose importante au myélogramme (10-30% des cellules médullaires).
¾ Absence de chromosome Philadelphie.
¾ Transformation aiguë dans l’année qui suit le diagnostic dans 70% des cas.
B – DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DE LA LMC PHASE AIGUË D’EMBLEE :
1 – Leucémies aiguës de novo :
La présence d’une volumineuse splénomégalie, d’une myélémie associée à la blastose
sanguine >30% doit faire suspecter une LMC en transformation aiguë d’emblée. Il faut
rechercher une hyerleucocytose préexistante passée inaperçue, sur les NFS antérieures
que le patient a pu avoir. Le caryotype médullaire fait la part des choses.
IV – EVOLUTION, PRONOSTIC ET COMPLICATIONS
A – LMC PHASE CHRONIQUE :
Dure 4 ans en moyenne en l’absence de traitement spécifique. Elle évolue inéluctablement
vers la phase d’accélération puis d’acutisation et le décès, ce qui fait toute la gravité de
cette maladie de l’adulte jeune.
B – LMC PHASE ACCELEREE :
Dure 1 à 2 ans en moyenne et débouche vers la phase de transformation aiguë. Marquée
par une réapparition de la splénomégalie sous traitement, d’une thrombopénie, d’une
basophilie.
C – LMC PHASE AIGUË :
Dure 6 mois (acutisation myéloïde) à 2 ans (acutisation lymphoïde). L’association
chimiothérapie conventionnelle + imatinib a récemment sensiblement amélioré la survie de
plusieurs mois.
V – TRAITEMENT
A – LMC PHASE CHRONIQUE :
L’objectif du traitement est d’éliminer le chromosome Philadelphie qui témoignera de la
guérison de la maladie.
- 106 -
2005
1 – Hydroxy-urée (Hydréa®) :
C’est un inhibiteur de la synthèse de l’ADN. L’action est rapide, mais courte dans le temps.
Elle entraîne dans 95% des cas une rémission hématologique complète (RCH :
normalisation de l’examen clinique et de la NFS), mais n’a aucune activité sur le
chromosome Philadelphie et n’influe donc pas sur l’évolution naturelle de la maladie.
Utilisée en cas d’hyperleucocytose symptomatique avant de démarrer un traitement
spécifique [10-20 mg/kg/jour (4 à 6 gélules à 500 mg/jour)].
2 – Imatinib mésylate (Glivec®) :
Commercialisé en France depuis 2003, c’est un inhibiteur quasi-spécifique de la tyrosine
kinase BCR-ABL et donc des cellules tumorales, administré par voie orale (400 mg/j). Il
induit une RCH dans 95% des cas, et une rémission cytogénétique complète (RCC) dans
90% des cas, mais dans >95% des cas, la RQ-PCR reste positive indéfiniment. La maladie
persiste donc, mais ce traitement est très bien supporté et compatible avec une vie normale.
Le problème reste sont coût élevé(>3000,00 Euros/mois).
Ce traitement est actuellement LE traitement de première intention des LMC phase
chronique. Le suivi doit être régulier en milieu spécialisé car 5 % des LMC de diagnostic
récent et >30% des LMC pré-traitées par le passé par interféron, évoluent vers une
résistance à ce traitement, essentiellement par des mécanismes de mutation de la protéine
BCR-ABL qui devient inaccessible à l’imatinib. Les résultats à long terme restent inconnus.
3 – Interféron-
(IntronA® ou Roféron®) :
Seul traitement efficace sur le chromosome Philadelphie en l’absence de donneur, avant
l’ère de l’imatinib. Administré à des doses de 5 Millions d’ui/m2 par voie sous-cutanée, il est
responsable d’effets indésirables importants (syndrome grippal après chaque injection,
amigrissement, asthénie importante, syndrome dépressif…) et ce traitement est
actuellement réservé aux patients sans donneur en échec d’imatinib (mutation BCR-ABL).
4 – Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques :
Reste la seule manière d’éradiquer définitivement la maladie. Possible dans 30% des cas
(nécessité d’un donneur HLA-compatible), elle n’est proposée qu’en deuxième intention en
cas de mauvaise réponse à l’imatinib (absence de RCH à 3 mois, de RCC à 1 an, apparition
d’une résistance, accélération ou acutisation de la maladie sous imatinib). EN première
phase chronique, chez le sujet jeune, les résultats sont très bons ave 80% de survie sans
progression à 5 ans. L’âge du receveur doit être <45 ans. Des techniques d’allogreffe à
conditionnement atténué (possibles jusqu’à 65 ans) sont en cours de déceloppement.
B – LMC PHASE ACCELEREE :
¾ D’emblée : L’imatinib est proposé en première intention à doses élevées (600 mg/j)
d’emblée et rechercher un donneur HLA-compatible familial ou non. En cas de bonne
réponse : poursuite de l’imatinib 400 mg/j, en cas de mauvaise réponse, indication
d’allogreffe si donneur présent. Sinon proposer un essai thérapeutique avec des
inhibiteurs de tyrosine kinase de deuxième génération en cours d’évaluation.
¾ Secondaire : Sous imatinib : Rechercher une mutation BCR-ABL. En cas de mutation
T315I, interrompre immédiatement l’imatinib et proposer soit interféron soit une allogreffe
si donneur identifié. En cas d’autres mutations, essai d’augmentation de dose et
rechercher un donneur HLA-compatible, ou proposer un essai thérapeutique avec des
inhibiteurs de tyrosine kinase de deuxième génération.
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2005
C – LMC PHASE AIGUË :
¾ D’emblée : Le traitement par imatinib doit être associé à une chimiothérapie
conventionnelle (de type LAM en cas de transformation myéloïde de type LAL en cas de
transformation lymphoïde). Après obtention d’une rémission complète une intensification
est indispensable (allogreffe si donneur identifié, autogreffe à défaut) car sinon TOUS les
patients rechutent.
¾ Secondaire : Sous imatinib : Rechercher une mutation BCR-ABL. En cas de mutation,
interrompre l’imatinib et chimiothérapie conventionnelle de type LA, Si absence de
mutation, imatinib + chimiothérapie conventionnelle de type LA. En cas de rémission
complète, une intensification est indispensable. Sinon, il est licite de proposer des soins
palliatifs (Chimiothérapie palliative + transfusions).
POUR APPROFONDIR
1. Mahon FX et al. Leucémie Myéloïde Chronique. EMC 13011B-10, p 1-12, 2002.
2. Varet B. Le livre de l'interne : Hématologie. Edition Médecins-Sciences, Flammarion.
LMC : page 188-192.
3. Bories D. et al. Stratégies thérapeutiques et recommandations pour la prise en charge
des patients atteints de leucémie myéloïde chronique. Hématologie 9:497-512, 2004.
- 108 -
2005
LYMPHOMES MALINS, HODGKINIENS ET NON HODGKINIENS
RESUME DES POINTS FORTS
- Cancer dont la fréquence augmente mais pas de cause connue à cette
augmentation.
- Les signes cliniques d’appels sont très variés : adénopathie isolée ou multiples,
superficielle ou profonde (symptomatologie aspécifique = diagnostic plus tardif),
associée ou non à signes généraux ; symptômes cliniques divers en relation avec
une infiltration d’un organe (estomac, peau, poumon, cerveau…).
- Le diagnostic repose sur une biopsie tumorale (ganglion ou organe atteint), qui doit
être réalisée dans les meilleures conditions possibles car des examens
complémentaires (immunologie, cytogénétique, biologie moléculaire) doivent être
réalisés pour préciser ce diagnostic.
- Il existe de nombreuses formes anatomo-pathologiques de lymphomes et on
distingue très schématiquement :
- Les lymphomes B dits agressifs (lymphome diffus à grandes cellules B),
- Les lymphomes B dites « indolents » (dont le plus fréquent est le lymphome
folliculaire),
- Les lymphomes T, pour la plupart agressifs.
- Le bilan d’extension va comporter au minimum un examen clinique soigneux, un
examen tomodensitométrique étendu, un bilan biologique avec hémogramme,
fonctions rénale et hépatique, dosage de la LDH et de la b2-microglobuline, une
biopsie médullaire et une ponction lombaire (lymphomes agressifs et lymphomes T).
- Le pronostic dépend de plusieurs critères clinique et biologiques, parmi lesquels la
classification en stade d’Ann Arbor, l’âge, le taux de LDH sériques, l’état général
(index d’activité) et les sites extra-ganglionnaires atteints. Dans les lymphomes B
indolents, le noimbre d’aires ganglionnaires atteintes, la présence de symptômes B,
d’une anémie et la beta2-microglobuline interviennent également.
- Le traitement repose essentiellement sur la chimiothérapie associée à
l’immunothérapie (anticorps anti-CD20) pour les lymphomes B. Les traitements
doivent permettre d’obtenir une réponse complète (évaluation par TEP au 18-FDG)
qui :
- Pourra déboucher sur des rémissions prolongées (synonymes de guérison)
dans les lymphomes agressifs B ou T (la proportion de patients en survivants à 5 ans
dépendant des critères pronostiques initiaux),
- Ou aura pour but d’allonger l’intervalle sans maladie et la durée des survie
dans les lymphomes indolents lorsqu’un traitement est indiqué du fait de la masse
tumorale ou des symptômes liés à la maladie (mais des réponses durables avec
guérison sont très rares dans ces cas).
AUTEUR : Professeur Gilles Salles – Service d’Hématologie Clinique – Centre
Hospitalier LYON SUD
I - INTRODUCTION
Les lymphomes malins constituent un groupe de cancers du tissu lymphoïde, ganglionnaire
ou extra ganglionnaire, liés à la transformation néoplasique d'une cellule lymphocytaire. Cet
ensemble constitue le plus grand groupe des hémopathies malignes, les plus fréquentes et
environ 5 % des cancers rencontrés chez l'adulte. On y distingue classiquement la Maladie
de Hodgkin (MDH) et les Lymphomes Non Hodgkiniens (LNH). Ces pathologies ont
fortement bénéficié des avancés récentes de la chimiothérapie et de l’immunothérapie sous
la forme d’anticorps monoclonaux.
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2005
I - ÉPIDÉMIOLOGIE
A – FREQUENCE :
Les lymphomes malins représentent 3 à 5 % de tous les cancers de l'adulte. L'incidence
annuelle globale peut être estimée à 10 nouveaux cas pour 100 000 habitants. Il s'agit d'une
pathologie plus fréquente chez l'homme (60 %) que chez la femme (40%). C’est le 6ème
cancer en terme d’incidence chez l’homme comme chez la femme en France
La fréquence des lymphomes a considérablement augmenté ces dernières années, avec
une incidence multipliée environ par 2 en 20-25 ans.
Chez l'enfant, les lymphomes non hodgkiniens sont beaucoup plus fréquents que la maladie
de Hodgkin, et on rencontre essentiellement des lymphomes de haut grade de malignité. La
plupart des types de lymphome se rencontrent à tous âges, même si certains lymphomes
de faible évolutivité (faible grade de malignité ou indolents) semblent être rencontrés plus
souvent chez les sujets âgés.
1 - Caractéristiques épidémiologiques et géographiques particulières :
¾ Le lymphome de Burkitt : Ce lymphome agressif, surtout rencontré chez l'enfant, est
volontiers rencontré dans les pays africains, où il a été décrit pour la première fois en 195O
par un chirurgien anglais D. BURKITT. Dans ces pays, il existe une relation épidémiologique
très étroite entre la survenue de LNH et l'infection par le virus d'Epstein Barr (EBV). Si ce
virus est capable in vitro d'immortaliser des lymphocytes B, son rôle précis dans la
transformation lymphocytaire reste imparfaitement compris. Il est probable que d'autres
facteurs doivent être associés pour voir apparaître un lymphome de Burkitt: paludisme,
immunosuppression,...
¾ Lymphome et infection par le virus HIV : La fréquence des lymphomes malins non
hodgkiniens, particulièrement de type agressif (lymphome immunoblastique et lymphome de
Burkitt) est fortement augmentée chez les sujets infectés par le virus HIV. Les causes de
cette augmentation sont au moins en partie liées au déficit immunitaire.
¾ Lymphome et traitements immunosuppresseurs : Les sujets recevant un traitement
immunosuppresseur au long cours (greffés d’organe notamment, anticorps anti-TNF dans
les maladies inflammatoires chroniques) ou les sujets traités plusieurs années auparavant
pour une maladie de Hodgkin présentent une augmentation du risque de survenue des
lymphomes malins non hodgkinien.
¾ Lymphome T de l'adulte associé au virus HTLV 1 : Il existe au Japon et aux Caraïbes une
forme particulière de lymphome T, d'évolution agressive, touchant volontiers la rate et la
peau, appelée ATL (adulte T lymphoma-leukemia) qui est étroitement associée à l'infection
par le rétrovirus HTLV 1.
¾ Lymphomes et pathologie auto-immune :
Un certain nombre d'affections autoimmunes représentent un terrain favorisant pour le développement des lymphomes malins
non hodgkiniens : le syndrome de Gougerot-Sjögren, l'infiltrat lymphoïde cutané non
spécifique, la maladie coeliaque...
¾ Lymphomes des muqueuses et infections bactériennes : Les lymphomes développées
dans certaines muqueuses (estomac, peau, annexes de l’œil) semblent parfois se
développer après la présence d’une infection bactérienne chronique (helicobacter pylori
pour l’estomac, borrelia burgdoferi pour la peau, chlamydiae psittaci pour la conjonctive
oculaire). Ceci est particulièrement vrai pour les lymphomes de l’estomac à petites cellules
de type MALT qui peuvent être traités dans 2/3 des cas environ avec succès par les
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antibiotiques spécifiques contre ces bactéries. L’incidence précise de l’infection bactérienne
et l’activité des traitements dans les autres formes est moins bien connue.
¾ Conclusions : Si certaines de ces associations permettent de développer la recherche
fondamentale sur les mécanismes de la cancérogenèse des cellules lymphoïdes et de
formuler des hypothèses physiopathologiques, il faut bien reconnaître que tous ces cas ne
représentent qu'une minorité des patients atteints de lymphomes malins. Chez la grande
majorité des patients, aucun terrain favorisant et aucune étiologie particulière ne sont
retrouvés.
Le rôle de facteurs environnementaux est suspecté (pesticides, composés chimiques
divers) mais de nombreuses études épidémiologiques restent à faire. Il est possible de
concevoir à partir des modèles ci-dessus sur certains terrains génétiques que des stimuli
antigéniques répétés (antigènes microbiens, viraux ou chimiques) viennent provoquer une
expansion prolongée des cellules immunitaires favorisant leur transformation en cellules
malignes, peut-être sur des terrains de susceptibilité génétique particuliers.
Les formes familiales vraies, si elles existent, sont exceptionnelles, mais on estime qu’in
existe une augmentation du risque faible mais significative dans la famille directe d’un
individu atteint de lymphome.
III - ETUDE CLINIQUE DES LNH
A - DECOUVERTE PAR UNE PRESENTATION GANGLIONNAIRE :
La révélation des lymphomes malins sous la forme d'une masse ganglionnaire est la
circonstance de diagnostic la plus fréquente.
Dans un tiers des cas, les adénopathies sont superficielles, uniques ou multiples. Tous les
territoires ganglionnaires peuvent être atteints, la taille et la consistance des adénopathies
sont variables.
Il peut aussi s'agir d'adénopathies profondes, médiastinales ou abdominales. Lorsque ces
adénopathies profondes sont volumineuses, elles peuvent être révélées par la présence de
symptômes divers et aspécifiques : toux, douleurs pleurales, syndrome compressif,
douleurs abdominales, troubles du transit... Une radiographie thoracique ou une
échographie abdominale, selon le cas, permettent de mettre en évidence ces adénopathies.
Certaines formes histologiques ont des présentations cliniques classiques, qu'il faut
connaître :
¾ Lymphome lymphoblastique du sujet jeune révélé par des masses médiastinales
de développement rapide, occasionnant un syndrome cave et parfois une dyspnée;
¾ Lymphome de Burkitt révélé par une volumineuse masse abdominale ou une
tumeur gingivale (tumeur de la joue des enfants africains);
¾ Adénopathies chroniques peu évolutives avec parfois des régressions spontanées
dans certains lymphomes folliculaires de bas grade.
B - ATTEINTE DES AUTRES ORGANES HEMATOPOÏETIQUES :
La révélation d'un lymphome malin ou d'une maladie de Hodgkin sous la forme d'une
splénomégalie isolée est rare. Une hépatomégalie peut aussi être une circonstance de
diagnostic, encore moins fréquente (souvent associée à une splénomégalie). Les atteintes
médullaires isolées révélées par une anémie ou une pancytopénie sont également rares.
- 111 -
2005
Les atteintes sanguines avec cellules lymphomateuses circulantes) sont rencontrées surtout
dans les lymphomes indolents.
C - LOCALISATIONS VISCERALES :
Particulièrement dans les lymphomes non hodgkiniens, les atteintes viscérales peuvent
révéler la maladie :
¾ Atteinte ORL, avec hypertrophie des amygdales, obstruction du cavum...
¾ Atteinte digestive, avec douleurs épigastriques, troubles du transit... Les
endoscopies avec biopsies sont alors indispensables,
¾ Les atteintes viscérales peuvent également être cutanées, cérébrales, osseuses,
gonadiques, pulmonaires...
D - REVELATION PAR UNE BAISSE DE L'ETAT GENERAL :
Les lymphomes malins peuvent être révélés par une baisse de l'état général avec
amaigrissement et asthénie, une fièvre au long cours, un syndrome inflammatoire
inexpliqué. Il s'agit alors volontiers de formes étendues, avec atteinte médullaire, ou
hépatosplénique.
E – DIAGNOSTIC POSITIF :
Le diagnostic des lymphomes malins non hodgkiniens doit constamment reposer sur une
étude histologique des ganglions ou du tissu tumoral atteint. Une biopsie chirurgicale est
nécessaire, pour obtenir un fragment ganglionnaire de bonne taille qui permettra :
¾ Une étude histologique standard et des techniques immunologiques
¾ Une étude cytologique après apposition ganglionnaire sur lame,
¾ La congélation de fragments pour des études immuno-histochimiques plus
complètes, voire pour la biologie moléculaire,
¾ Eventuellement une étude cytogénétique.
Aussi, les prélèvements ganglionnaires doivent-ils parvenir rapidement et intacts après
exérèse dans les laboratoires spécialisés.
Si la ponction cytologie des ganglions permet souvent une orientation diagnostique, elle ne
permet généralement pas de réaliser toutes ces études, ne constitue qu'un élément
d'orientation et la biopsie pour étude histologique reste dans tous les cas possibles
indispensables. En effet, seuls les examens histologiques et immunologiques permettent
une classification correcte susceptible d'obtenir un pronostic et de fournir les indications
nécessaires au traitement adapté du patient.
F - DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS :
1 - Problèmes cliniques :
Devant des adénopathies superficielles, plusieurs diagnostics peuvent être évoqués :
lymphome malin, métastases d'autres types de cancer (à inventorier selon les localisations),
mais aussi bien sur diverses pathologies non malignes :
¾ Infectieuses, virales (mononucléose infectieuse, poly-adénopathie liée au virus
HIV, au CMV, rubéole,...) ou non (tuberculose, toxoplasmose, chlamydiose, réaction
inflammatoire à un proche foyer cutané à germes banaux..).
¾ Maladies "de système", sarcoïdose ...
- 112 -
2005
Un bilan biologique simple (VS, NFP, sérologies...) et radiographique peut parfois aider à en
préciser le diagnostic.
En pratique, lorsque les ganglions sont d'un diamètre supérieur à un centimètre, lorsqu'il
existe une atteinte de plusieurs territoires, un contexte de baisse de l'état général, une
absence de contexte infectieux franc ou de contage, il faut rapidement recourir à la biopsie.
2 - Problèmes anatomopathologiques :
Les diagnostics différentiels soulevés par l'anatomopathologie peuvent être envisagés dans
plusieurs cas :
¾ Diagnostic différentiel entre certains lymphomes d'architecture folliculaire et les
hyperplasies des follicules germinatifs rencontrées dans des pathologies
réactionnelles ganglionnaires bénignes; ces diagnostics parfois difficiles soulignent
l'intérêt des études immunologiques et par biologie moléculaire;
¾ Diagnostic différentiel entre certains carcinomes indifférenciés et les lymphomes
anaplasiques à grandes cellules : l'étude immuno-histologique permet alors de
rattacher la prolifération maligne à une pathologie lymphomateuse, et de mettre en
route un traitement efficace;
¾ Diagnostic différentiel entre lymphome lymphoblastique ou lymphome de Burkitt
avec envahissement médullaire et leucémie lymphoblastique ou LAL 3 avec masses
ganglionnaires; la présence d'une pancytopénie, de cellules lymphoblastiques dans
le sang ou en grande quantité dans la moelle (> à 30%) conduisent généralement à
traiter ces patients comme des leucoses aiguës lymphoblastiques.
IV - BILAN D'EXTENSION ET BILAN PRE-THERAPEUTIQUE
Un bilan d'extension est toujours nécessaire dans les lymphomes malins. Il doit permettre
de réunir les principaux éléments pronostiques pour choisir un traitement adapté au cas du
malade. Il ne doit cependant pas retarder trop longtemps et inutilement le traitement.
A - EXTENSION CLINIQUE :
L'examen clinique permet d'apprécier le nombre de territoires ganglionnaires atteints, et la
recherche de certaines localisations viscérales (ORL). Il faut d'autre part préciser par
l'interrogatoire la présence ou l'absence de signes généraux (amaigrissement supérieur ou
égal à 10 % du poids du corps, présence d'une fièvre inexpliquée depuis 15 jours, sueurs
nocturnes obligeant le patient à se changer la nuit).
Enfin, l'âge et l'état général du patient constituent des éléments pronostiques importants.
B - EXAMENS RADIOLOGIQUES :
La réalisation d'une radio pulmonaire est dans tous les cas indispensable.
Le scanner thoracique permet de renseigner sur l'existence d'une atteinte médiastinale ou
pleurale. Le scanner abdominal et pelvien ainsi que l'échographie recherchent la présence
d'adénopathies lombo-aortiques et iliaques, des hiles spléniques et hépatiques, ou de
masses viscérales.
D'autres explorations radiologiques peuvent être envisagées en fonction de certaines
localisations spécifiques : scanner cérébral, scanner ORL, IRM, radios osseuses...
- 113 -
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Plus récemment, l’imagerie fonctionnelle (tomographie par émission de positons ou PET)
est apparue avec les scintigraphies au 18-fluoro-deoxyglucose (18FDG). Ce traceur se fixe
sur des cellules métaboliquement actives dont la captation de glucose est augmentée, ce
qui est le cas des cellules lymphoïdes tumorales. Malgré la présence de faux positifs
possibles (infections, cicatrice récente, hyperthyroïdie, …), cet examen PET au 18FDG
permet de déceler des localisations ganglionnaires et viscérales de la maladie infra-clinique,
ou de préciser la spécificité d’images mises en évidence par d’autres examens (scanner,
echo, etc …). L’utilisation de cet examen n’est actuellement pas systématique au
diagnostique, mais elle le devient pour le suivi de la réponse au traitement.
C - EXAMENS BIOLOGIQUES :
On réalisera une numération formule qui précisera l'éventuelle existence d'une anémie ou
d'autre cytopénie et sur laquelle on recherchera attentivement la présence d’un
envahissement sanguin éventuel. Le ionogramme sanguin recherchera l'éventuelle
présence d'une élévation de la créatinine et de l'acide urique, particulièrement rencontrée
dans les lymphomes très agressifs (syndrome de lyse tumorale). Un bilan biologique
hépatique permettra de suspecter un envahissement de cet organe. Enfin, un examen
immuno-électrophorétique recherchera la présence d'un composant monoclonal sanguin et
urinaire.
Certains éléments biologiques ont une importance pronostique fondamentale dans les
lymphomes malins non hodgkiniens : LDH sérique et béta-2 microglobuline dont l'élévation
constitue des facteurs pronostiques péjoratifs important; taux d'albumine, dont la baisse
significative constitue également un facteur pronostique péjoratif
D - EXTENSION A LA MOELLE ET AU SNC :
La réalisation d'un myélogramme et surtout d'une biopsie de moelle est indispensable dans
tous les lymphomes malins (60-80% d'envahissement médullaire dans les LNH de bas
grade, 25% dans les LNH agressifs).
La réalisation d'une ponction lombaire est également indispensable dans les lymphomes
malins agressifs (5% d'envahissement, surtout dans lymphoblastiques et Burkitt).
E - CLASSIFICATION EN STADES :
La classification en stade est importante pour établir le pronostic et le traitement des
lymphomes et l’on a recours à la classification d'Ann Arbor :
¾ Les stades I correspondent à une atteinte d'un seul territoire ganglionnaire,
quelque soit le coté du diaphragme. On distingue les stades IE qui correspondent à
des atteintes d'un territoire ganglionnaire avec une atteinte extra ganglionnaire
contiguë ou à une atteinte extra-ganglionnaire isolée.
¾ Les stades II correspondent à l'atteinte de deux ou de plusieurs territoires
ganglionnaires du même coté du diaphragme ;
¾ Les stades III correspondent à des atteintes sus- et sous- diaphragmatiques, la
rate étant considérée comme un ganglion lorsqu'il existe une atteinte susdiaphragmatique (récemment, plusieurs classifications classifient les atteintes
spléniques comme des stades IV) ;
¾ Les stades IV correspondent à une atteinte disséminée avec extension viscérale
(hépatique, médullaire, autres organes...).
Rappelons que les atteintes extra ganglionnaires de contiguïté ne font pas passer en stade
4, mais font rajouter la lettre E derrière le stade considéré (1 E, 2 E) pour les stades I et II
mais pas les stades III.
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A cette stadification, on associe les lettres A ou B suivant l'existence ou non de signes
généraux : amaigrissement, fièvre, sueurs nocturnes. Le patient est considéré A s'il n'existe
aucun de ces signes, B s'il existe au moins un des signes d'évolutivité.
V - FACTEURS PRONOSTIQUES
Les facteurs pronostiques permettent de regrouper les malades ayant des pronostics
voisins, et d'adapter les traitements aux risques encourus par le malade.
Une première distinction pronostique doit être établie selon les types histologiques de
lymphomes (lymphomes dits de faible grade ou indolents) et les lymphomes dits agressifs.
Les indications thérapeutiques dans ces différents groupes sont assez distinctes.
Cependant, les lymphomes agressifs sont généralement curables, à l’inverse des
lymphomes indolents.
Dans ces lymphomes, les principaux critères pronostiques sont :
¾ Le taux de LDH,
¾ L'état général du patient (échelle de performance status ou index d’activité),
¾ Un stade III ou IV,
¾ Un âge supérieur à 60 ans
¾ La présence de plus d'une localisation extra-ganglionnaire,
Ces différents facteurs peuvent être regroupés en Index Pronostique (présence de 0 à 5
facteurs) permettant de définir des groupes de patients à pronostic “homogène”.
D’autres facteurs pronostiques identifiés sont notamment :
¾ L’existence d’une anémie
¾ L’élévation de la béta2-microglobuline
¾ La baisse de l’albumine ou de l’hémoglobine
¾ La présence d'une masse tumorale supérieure à 10 centimètres,
¾ Le nombre d’aires ganglionnaires atteintes
¾ La présence d'une atteinte médullaire.
VI - ANATOMIE PATHOLOGIE DES LYMPHOMES NON HODGKINIENS
A - CLASSIFICATIONS :
Le démembrement des lymphomes non hodgkiniens est complexe, et a fait l'objet de
nombreuses classifications anatomopathologiques différentes. Les classifications actuelles
reposent sur :
¾ L’aspect morphologique du ganglion envahi (prolifération diffuse ou nodulaire)
¾ L’aspect cytologique des cellules tumorales (grandes ou petites, noyau,
cytoplasme...)
¾ Le phénotype immunologique des cellules tumorales (B ou T, marqueurs
associés)
¾ Les données complémentaires issues des études cytogénétiques ou génétiques.
L'immunologie (recherche d'immunoglobulines monoclonales intra-cytoplasmiques ou
membranaires, recherche de marqueurs spécifiques des cellules B ou des cellules T) et la
biologie
moléculaire
(étude
des
réarrangements
génomiques
des
gênes
d'immunoglobulines, ou des réarrangements des gênes du récepteur des cellules T) ont
- 115 -
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permis de rattacher les différentes formes histologiques à un phénotype immunologique
lymphocytaire B ou T.
On distingue ainsi plusieurs catégories de lymphomes non hodgkiniens qui ont été
récemment caractérisées dans les classifications internationales comme celle dite “REAL”
(pour Revised European American Lymphoma classification) ou celle de l’OMS. A chaque
entité est souvent associée une présentation clinique particulière et une certaine évolutivité
(lymphomes indolents, lymphomes agressifs...).
B - LES LNH DE PHENOTYPE B (85- 90% DES LNH) :
Les lymphomes B agressifs (35 - 40% des LNH) :
¾ Les lymphomes diffus à grandes cellules (centroblastes, immunoblastes), qui sont
les plus fréquents des lymphomes (environ 35% des cas du total). Ils peuvent se
présenter comme des maladies ganglionnaires ou extra-ganglionnaires, localisées
ou disséminées, chez des patients de tout âge. Des variétés particulières (médiastin
par exemple) sont décrites.
¾ Les lymphomes de type Burkitt, à petites cellules non clivées sont rares chez
l’adulte (1% des cas environ) mais très proliférant. La prise en charge et le
traitement sont des urgences thérapeutiques. Les cellules présentent une
translocation chromosomique intéressant toujours le chromosome 8 (oncogène cmyc) et une région codant pour les gènes d’immunoglobulines (le plus souvent avec
le chromosome 14, t(8;14)(q24;q32), où se situe le locus des gènes codant pour la
chaîne lourde des Ig. Le traitement repose une chimiothérapie intensive et environ
un patient sur 2 va être définitivement guéri.
Les lymphomes folliculaires (20 - 25% des LNH) : La prolifération envahit le ganglion sous
forme de follicules tumoraux. La présentation est essentiellement ganglionnaire, et
l’évolution est volontiers lente pendant plusieurs années. Le pronostic initial est favorable,
mais la guérison définitive est difficile à obtenir. Ils sont caractérisés par la translocation
t(14;18)(q32;q21) qui réarrange le gène bcl-2 (inhibe l’apoptose) à proximité des gènes
d’immunoglobulines. La détection après traitement de rares cellules lymphomateuses
porteuses de cette translocation par des techniques sensibles de PCR pourrait permettre de
mieux adapter les traitements.
Les autres lymphomes B à petites cellules (20 à 30% des LNH) :
¾ Les lymphomes du MALT (5 - 10%): ce sont des lymphomes à petits lymphocytes B se
développant aux dépens du tissu lymphoïde associé aux muqueuses (MALT en anglais). Il
touchent préférentiellement le tube digestif (estomac), le poumon, la thyroïde, l’orbite, la
peau, ... (presque tous les épithéliums ont un tissu lymphoïde associé). Pour ce qui
concerne les lymphomes de MALT de l’estomac, l’infection chronique par Helicobacter
Pylori est associée à plus de 90% des cas et semble jouer un rôle déterminant dans la
genèse du lymphome. Les différents traitements (chimiothérapie, parfois chirurgie ou
radiothérapie) permettent souvent de contrôler la maladie durant de très nombreuses
années, même si des rechutes dans le même organe (ou à distance dans un autre organe
avec MALT) surviennent assez fréquemment mais restent accessibles à un traitement.
¾ Les lymphomes lymphocytiques (5 - 10%) correspondent à la présence de petits
lymphocytes dans les ganglions, semblables à ceux que l'on rencontre dans le sang et la
moelle de sujets atteints de leucémie lymphoïde chronique. Il s'agit de la forme
ganglionnaire exclusive ou prédominante (envahissement sanguin et splénique possible) de
cette maladie.
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¾ Les lymphomes de la zone marginale et les lymphomes à cellules du manteau
correspondent à d’autres entités ganglionnaires, avec parfois atteinte sanguine et
médullaire, splénique. Le pronostic des lymphomes du manteau est particulièrement
sombre malgré une présentation initiale souvent peu inquiétante.
Les modalités de traitement de ces trois dernières entités sont à adapter aux facteurs
pronostiques présents au diagnostic.
C -LES LYMPHOMES DE PHENOTYPE T (10% ENVIRON) :
Les formes classiques ont une présentation essentiellement ganglionnaire, avec
présentation clinique souvent “bruyante” (fièvre, altération de l’état général, manifestations
d’allure auto-immune dans la lymphadénopathie angio-immunoblastique). Le pronostic est
plus sévère (évolutivité rapide, rechutes, etc...). Il s’agit aussi de lymphomes agressifs mais
les patients peuvent en être guéris.
Formes plus rares :
¾ Les lymphomes à grandes cellules anaplasiques, posant des problèmes de diagnostic
différentiel avec les carcinomes indifférenciés. Ces lymphomes expriment l'antigène
leucocytaire CD30 (Ki-1). Ils s’accompagnent souvent de localisations extra-ganglionnaires
(peau, os, poumon...). Leur pronostic est plus favorable.
¾ Les lymphomes T épidermotropes, où les cellules lymphocytaires ont un tropisme très
particulier pour l'épiderme : le plus fréquent est le mycosis fongoïde; la forme leucémique
(rarement au diagnostic, mais plus fréquent au cours de l’évolution) porte le nom de
lymphome à cellules de Sézary.
De nombreuses autres entités de lymphomes T rares sont décrites (hépato-splénique,
lymphome nasal, lymphome du grêle associé à la maladie coeliaque...).
VII - LE TRAITEMENT DES LYMPHOMES
Dans les lymphomes malins comme dans l'ensemble des pathologies hématologiques
malignes, le principe du traitement repose sur la mise en route d'une thérapeutique
permettant d'obtenir rapidement une rémission complète, seule garante d'une survie
prolongée voire d’une guérison. Les thérapeutiques sont différentes dans la maladie de
Hodgkin et dans les lymphomes non hodgkiniens.
A - LYMPHOMES DE BAS GRADE OU INDOLENTS :
Le pronostic des lymphomes de bas grade est assez particulier : longue survie des patients
atteints de cette pathologie, avec 60 à 70% de survivants à 10 ans, mais absence de
plateau (traduisant une guérison) dans les courbes de survie. Ceci rend compte de la
progression de la pathologie presque constante chez ces patients. Les indications
thérapeutiques schématiques sont alors :
¾ La radiothérapie exclusive localisée ou l’abstention avec surveillance rapprochée
dans les formes très localisées (stade I et II),
¾ L’abstention thérapeutique ou les monochimiothérapies (Endoxan,
Chloraminophène, Fludarabine) dans les formes sans facteurs pronostiques
défavorables, plus récemment les anticorps monoclonaux utilisés seuls ;
¾ Des polychimiothérapies, toujours associées aux anticorps monoclonaux, de type
CVP (Endoxan, Vincristine, Prednisone), mini CHOP (CVP avec adjonction
- 117 -
2005
d'Adriamycine à faible dose) ou CHOP chez les patients avec une forte masse
tumorale.
Des progrès thérapeutiques restent à accomplir dans cette pathologie surtout dans deux
situations:
¾ Lorsqu'elle touche des sujets jeunes mais avec des facteurs pronostiques
défavorables : des intensifications avec autogreffe ont été proposées et présentent
un certain intérêt ; l’allogreffe pourrait apporter une rémission définitive mais est
rarement réalisée du fait de sa toxicité alors que l’espérance de vie de ces patients
au diagnostic est bonne ;
¾ Lors de leur évolution, ces lymphomes "de bas grade" peuvent présenter une
"transformation histologique", c'est à dire progresser sous la forme d'une histologie
beaucoup plus agressive (augmentation du nombre de grandes cellules, passage à
un caractère diffus). Cliniquement, l'évolution est rapidement défavorable malgré des
chimiothérapies plus intensives.
B - LES LYMPHOMES AGRESSIFS :
Cette pathologie a vu son pronostic amélioré dans les 20 dernières années par l'utilisation
des chimiothérapies intensives, puis récemment avec les anticorps monoclonaux. Les
protocoles actuels comprennent toujours une anthracycline (Adriamycine ou dérivés) avec
plus ou moins d'Endoxan, de Bléomycine, de Methotrexate, un alcaloïde (vincristine ou
vindésine), des corticoïdes... L'obtention d'une rémission complète doit être rapide, et
d'autres produits peuvent être utilisés en consolidation. La durée actuelle du traitement ne
dépasse généralement pas 6 mois.
Dans les lymphomes B, une immunothérapie
systématiquement associée actuellement (cf. infra).
par
anticorps
monoclonaux
est
Ces traitements comportent une toxicité importante, notamment hématologique, ce qui
nécessite leur réalisation dans des services habitués à la réanimation hématologique
(antibiothérapie notamment).
Dans les formes à haut risque méningé, la réalisation d'une chimiothérapie intra-thécale par
injections répétées de Methotrexate est également adjointe.
Dans les formes très prolifératives (LNH de haut grade, compressions ...), la chimiothérapie
doit être débuté très rapidement en associant une hyperhydratation avec alcalinisation ainsi
ques inhibiteurs de la synthèse de l’acide arique (allopurinol) et ou urico-éliminateurs
(rasburicase pour prévenir et traiter un syndrome de lyse : élévation de l'acide urique, du
phosphore, de la créatinine, pouvant aboutir à une insuffisance rénale grave).
Les protocoles chimiothérapiques permettent d'obtenir un taux de rémission complète
compris entre 70 et 80 % et un taux de survie à 5 ans voisin de 60 %.
Des progrès thérapeutiques sont encore à accomplir chez les patients ayant des facteurs
pronostiques défavorables : age avancé, masse tumorale importante. Chez les sujets
jeunes à mauvais pronostic, la réalisation d'une chimiothérapie intensive suivie d'une
consolidation par autogreffe constitue une approche intéressante, lors de la première
rémission complète ou des rechutes.
La poursuite de l'amélioration des résultats obtenus depuis 10 ans nécessite le traitement
de ces patients par des protocoles adaptés au stade et au pronostic, dans des essais
coopératifs multicentriques.
- 118 -
2005
C - LES NOUVEAUX OUTILS :
Les intensifications avec greffe de cellules souches hématopoïétiques : chez les patients
jeunes n’ayant pas obtenu une rémission complète ou en rechute
L’immunothérapie non spécifique (interféron-alpha) a été utilisée dans certains lymphomes
indolents.
Les anticorps monoclonaux utilisés seuls (effet cytotoxique direct ou médié par les cellules
immunitaires ou le complément) ou radiomarqués (couplés à un isotope).
Ces nouvelles stratégies doivent être évaluées pour établir leur bénéfice (survie, coût,
qualité de vie, etc...).
D - L’APPORT DES ANTICORPS MONOCLONAUX ANTI-B AU DEBUT DES ANNEES
2000 :
Depuis 5 ans, l’utilisation d’un anticorps monoclonal dirigé contre l’antigène CD20, qui est
exprimé à la surface des cellules B normales et lymphomateuses a été évaluée dans
plusieurs essais thérapeutiques, dans les lymphomes B.
Cet anticorps (rituximab ou Mabthera®) produit par biotechnologie est une molécule hybride
des portions constantes d’une IgG3 humaine et des portions variables/hypervariables des
immunoglobulines obtenues chez la souris. Après reconnaissance de la cible (Ag CD20 sur
les cellules), il peut activer différents éléments du système immunitaire (en particulier la
cytotoxicité dépendante d’anticorps et la lyse médiée par la cascade du complément). Il
peut aussi induire directement la mort cellulaire des cellules B tumorales par apoptose, avec
une synergie probable avec les molécules de chimiothérapie classiques.
Les effets secondaires sont essentiellement représentés par des réactions (fièvre, frissons,
parfois bronchospasmes ou autres réactions allergiques) lors de la première perfusion,
réactions qui peuvent être contrôlées par la diminution du rythme d’administration de la
perfusion et des corticoïdes. Ces effets sont majorés et peuvent se révéler dangereux chez
les patients qui ont de nombreuses cellules lymphomateuses circulantes. Des neutropénies
tardives de mécanisme immunologique ainsi que des réactions cutanées ont été rapportées.
Ces effets secondaires modérés permettent l’association simple de ces traitements aux
chimiothérapies classiques.
Utilisé seul (monothérapie), cet anticorps s’est révélé actif dans les lymphomes indolents où
il fait partie des armes thérapeutiques à certains stades de la maladie. Des traitements
d’entretien sont à l’étude.
En combinaison avec la chimiothérapie dans les lymphomes agressifs, le rituximab
augmente le pourcentage de réponse complète à la fin du traitement et surtout la survie
globale des patients, avec 10 à 20% de patients supplémentaires guéris (selon l’âge et la
gravite de la maladie).
Dans les lymphomes indolents, le rituximab associé à la chimiothérapie augmente aussi la
qualité de la réponse au traitement et la durée sans maladie, mais il semble apporter aussi
un bénéfice en terme d’allongement de la survie, même si il n’est pas possible actuellement
d’affirmer qu’il permet de guérir certains patients compte tenu du caractère chronique de
cette maladie.
Ce type de traitement a ouvert une nouvelle ère dans la prise en charge des lymphomes et
plus globalement dans l’utilisation des anticorps monoclonaux en cancérologie. De
nouvelles molécules similaires sont en cours de développement. Il faudra précisément
- 119 -
2005
évaluer si de nouveaux bénéfices peuvent être obtenus à court et à long terme dans cette
pathologie grâce à ces nouveaux outils thérapeutiques.
POUR APPROFONDIR
1. Monographie de la revue du praticien N°52, 2002.
2. Les lymphomes malins non hodgkiniens (ouvrage dirigé par F Reyes), Collection FMC de
la revue Hématologie, John Libbey Eurotext 2001.
- 120 -
2005
MALADIE DE HODGKIN
RESUME DES POINTS FORTS
- La maladie de Hodgkin fait partie des cancers du système lymphatique comme les
autres lymphomes mais ses caractéristiques histologiques, évolutives et
thérapeutiques sont particulières.
- Le diagnostic histologique est porté sur la présence de cellules de Reed-Sternberg
dans une architecture ganglionnaire particulière.
- La diffusion de la maladie se fait de proche en proche par les territoires
ganglionnaires et elle va être précisée par le bilan d’extension soigneux.
- La classification en stades dites de “Ann Arbor” est un élément de pronostique
indispensable à laquelle viennent s’ajouter d’autres caractéristiques notamment
l’age, la vitesse de sédimentation et le rapport médiastino-thoracique en cas
d’atteinte médiastinale.
- C’est en fonction de ces éléments pronostiques que les modalités thérapeutiques
seront précisées, faisant appel généralement à une association de chimiothérapie et
de radiothérapie (traitements combinés).
AUTEUR : Professeur Gilles Salles – Service d’Hématologie Clinique – Centre
Hospitalier LYON SUD
I - DIAGNOSTIC
A – DEFINITION :
La maladie de Hodgkin est aujourd’hui considérée comme un lymphome B d’un type
particulier, caractérisée par la prolifération de grandes cellules appelées cellules de ReedSternberg au sein d’un tissu lymphoïde réactionnel d’architecture caractéristique.
B - NOTIONS D’EPIDEMIOLOGIE ET D’ETIOLOGIE :
La maladie de Hodgkin est plus fréquente chez l’homme (2 à 5 cas pour 100 000 habitants
par an) que chez la femme (1 à 2 cas pour 100 000 habitants par an). Son incidence parait
globalement stable ou en légère diminution dans les 20 dernières années. Elle peut être
observée à tous les âges de la vie, mais avec un pic de survenue pendant la 3ème
décennie, et une incidence à nouveau en augmentation chez les personnes de plus de 70
ans.
L’origine de la cellule tumorale dans la maladie de Hodgkin a été longuement débattue,
mais plusieurs travaux récents indiquent qu’un certain nombre de maladies de Hodgkin se
développent à partir de lymphocytes de la lignée B. Le virus d’Epstein Barr (EBV) peut être
détecté dans les cellules de Reed-Sternberg, dans une proportion très variable de cas et il
n’y a aucune preuve de son rôle dans la survenue de la maladie.
C - CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE :
La maladie de Hodgkin est révélée dans près de 4 cas sur 5 par une adénopathie
périphérique indolore de siège cervical ou sus-claviculaire. Dans environ 10% des cas, elle
est découverte devant des adénopathies médiastinales mises en évidence sur un cliché
thoracique (Figure 1) réalisé de manière fortuite ou à l’occasion de signes de compression
(toux, dyspnée, douleurs). Enfin, dans 10 à 20% des cas, la maladie est révélée par la
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2005
présence de signes généraux, tels que la fièvre, un amaigrissement, des sueurs nocturnes
et plus rarement d’un prurit.
D - DIAGNOSTIC POSITIF DE LA MALADIE DE HODGKIN :
Le diagnostic de la maladie de Hodgkin doit être établi sur un examen anatomopathologique d’une biopsie ganglionnaire. Si la cytoponction permet parfois de mettre en
évidence des cellules de Reed-Sternberg, elle n’est pas suffisante à établir le diagnostic car
cette cellule n’est pas pathognomonique de la maladie. Enfin, dans les très rares formes
hématologiques sans atteinte ganglionnaire, le diagnostic peut être porté sur la biopsie
médullaire ou la pièce de splénectomie.
La cellule de Reed-Sternberg est une cellule géante, d’environ 40 μm de diamètre, à noyau
clair, mono ou parfois polylobée avec un aspect en miroir, pluri-nucléolé. Les variantes
cytologiques de la cellule de Reed Sternberg peuvent aussi être rencontrées (cellules
lacunaires, cellules de Hodgkin, cellules tumorales géantes). Le phénotype habituel des
cellules de Sternberg dans la maladie de Hodgkin classique est caractérisé par l’expression
de la molécule de surface CD30, éventuellement des antigènes CD15 parfois CD20.
Quatre sous types histologiques étaient habituellement distingués selon la classification de
Lukes-Rye (tableau I) :
¾ La maladie de Hodgkin avec une organisation sclérosante et nodulaire (forme scléronodulaire de type 2) est la forme la plus classique de maladie de Hodgkin, retrouvée dans
80% des cas, touchant préférentiellement les sujets jeunes et les ganglions susdiaphragmatiques;
¾ La forme à cellularité mixte (type 3) représente 15 à 20% des cas et s’observe plus
volontiers chez les sujets âgés, avec des signes généraux d’évolutivité ou chez les sujets
porteurs du virus VIH atteints de maladie de Hodgkin.
¾A côté de ces 2 formes classiques :
- La forme à déplétion lymphocytaire (type 4) est rare, souvent associée à un
pronostic défavorable, et certains cas constituent une pathologie frontière avec les
lymphomes anaplasiques.
- Enfin, la forme à prédominance lymphocytaire (type 1) et d’architecture diffuse
n’est aujourd’hui plus considérée comme une maladie de Hodgkin mais comme un
lymphome, tandis que la forme nodulaire est individualisée sous le nom de paragranulome nodulaire de Poppema dont les caractéristiques et l’évolution sont
distinctes des maladies de Hodgkin classiques.
L’analyse immuno-histochimique de la biopsie ganglionnaire est nécessaire lorsque le
diagnostic n’est pas évident dans les 2 formes classiques (types 2 et 3), ou lorsqu’une des
formes atypiques est suspectée compte-tenu des frontières de ces formes avec certains
lymphomes non hodgkiniens.
E - LE DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL :
Le tableau clinique de maladie de Hodgkin révélé par une adénopathie superficielle fait
discuter les autres causes d’adénopathies superficielles, en particulier les autres
lymphomes, les métastases ganglionnaires de cancer, les infections virales ou bactériennes
(tuberculose) s’accompagnant d’adénomégalie, les maladies systémiques.
Après biopsie ganglionnaire, seules posent problème les formes frontières entre maladie de
Hodgkin et lymphome dans les sous types 1 et 4 de la classification de Lukes Rye.
- 122 -
2005
II - CLASSIFICATION INTERNATIONALE A VISÉE PRONOSTIQUE
La maladie de Hodgkin est un des premiers cancers à avoir été guéri d’abord par la
radiothérapie utilisée seule à large champ, puis par la chimiothérapie, utilisée seule ou en
association à la radiothérapie. Cependant, il est clairement apparu que ces traitements
exposaient à des complications immédiates et à long terme, et devaient faire l’objet d’une
utilisation optimale. C’est pourquoi le traitement des maladies de Hodgkin est aujourd’hui
fondé sur une stadification très précise des patients atteints de cette pathologie afin d’utiliser
au mieux ces différentes armes thérapeutiques.
A - BILAN D’EXTENSION :
Le bilan d’extension de la maladie de Hodgkin commence par un interrogatoire à la
recherche de signes généraux : fièvre à plus de 38° pendant plus de 8 jours,
amaigrissement de plus de 10% du poids du corps pendant les 6 derniers mois, sueurs
nocturnes abondantes. L’examen clinique s’attache à explorer toutes les aires
ganglionnaires, à détecter une splénomégalie ou une hépatomégalie. La présence de
localisations extra-ganglionnaires de la maladie de Hodgkin est relativement rare mais les
atteintes osseuses révélées par des douleurs focales ne sont pas exceptionnelles dans les
formes étendues de la maladie.
Le cliché thoracique est nécessaire pour l’identification éventuelle d’une masse médiastinale
volumineuse, celle-ci étant considérée comme significative lorsque le plus grand diamètre
tumoral mesuré au niveau de D5-D6 est supérieur ou égal au tiers du diamètre transverse
thoracique mesuré au même niveau (exemple Figure 1). L’examen tomo-densitométrique du
thorax complète la recherche d’adénopathies médiastinales et hilaires, l’existence ou non
d’un épanchement pleural ou péricardique dont la spécificité doit être si possible
documentée.
Concernant l’extension sous diaphragmatique, l’exploration de l’abdomen et du pelvis est
actuellement réalisée par un examen tomo-densitométrique (abdomen + pelvis) qui a
supplanté la lymphographie. L’échographie abdominale permet de s’assurer de
l’homogénéité du parenchyme splénique, de préciser éventuellement la présence de lésions
hépatiques. La laparotomie exploratrice n’a plus sa place dans le bilan d’extension standard
des maladies de Hodgkin. L’examen par TEP au 18-FDG permet de mettre en évidence
d’autres localisations ganglionnaires (ou non) occultes ou de préciser la spécificité de
lésions mises en évidence en imagerie traditionnelle.
Ce bilan minimum doit être complété par un examen ORL en cas d’atteinte ganglionnaire
cervicale, et par la réalisation d’une biopsie médullaire qui ne peut être omise que pour les
stades limités ayant des caractéristiques favorables (cf infra).
Le bilan biologique nécessaire comprend :
¾ Un hémogramme complet
¾ Une vitesse de sédimentation
¾ Un bilan hépatique à la recherche notamment d’une cholestase ou d’une cytolyse
qui pourraient orienter vers une atteinte du parenchyme hépatique
¾ Une sérologie pour le virus VIH
¾ La réalisation d’une électrophorèse des protéines, d’un dosage de la lactate
déshydrogénase (LDH), de la β2-microglobuline, du fibrinogène et de la ferritine
peuvent être réalisés, leurs perturbations étant associées à un plus mauvais pronostic
de la maladie.
Enfin, en fonction de l’interprétation des examens précédents et des points d’appel clinique,
une ponction biopsie hépatique peut être réalisée, ainsi qu’une scintigraphie osseuse, une
- 123 -
2005
IRM, ou tout autre examen servant à documenter une atteinte spécifique de la maladie de
Hodgkin.
B - FACTEURS PRONOSTIQUES CLASSIQUES :
Pour adapter la stratégie thérapeutique, les patients sont d’abord stratifiés à l’aide de la
classification d’Ann Arbor (tableau II) qui résulte de l’interprétation des constatations du
bilan d’extension ci-dessus. Dans les différents sous groupes identifiés à l’aide de cette
classification, d’autres facteurs pronostiques sont parfois nécessaires pour les décisions
thérapeutiques. Au terme de cette classification, les patients vont être schématiquement
regroupés ainsi :
¾ Les stades limités (I et II) sus diaphragmatiques
¾ Les stades limités (I et II) sous diaphragmatiques
¾ Les stades IIIA
¾ Les stades IIIB - IV
En ce qui concerne les stades I et II sus diaphragmatiques, plusieurs études internationales
ont identifié certains facteurs pronostiques indépendants (age, présence de signes
généraux, élévation de la vitesse de sédimentation, masse et extension tumorale) servant à
séparer 2 groupes pronostiques, l’un d’évolution favorable, l’autre d’évolution défavorable
(Tableau III). Ces 2 groupes bénéficient habituellement de stratégies thérapeutiques
différentes (protocoles thérapeutiques de l’Organisation Européenne de Recherche et
Traitements des cancers, OERTC).
De nombreux autres facteurs pronostiques ont été décrits, qu’il s’agisse d’un pronostic
péjoratif associé à une histologie de type cellularité mixte (versus scléronodulaire), du sexe
masculin et de nombreux autres signes biologiques (élévation des LDH, de la β2microglobuline, baisse de l’albumine, hyperleucocytose, sidéropénie...). Ils ne sont guère
utilisés dans la décision thérapeutique qui repose sur les critères exposés ci-dessus.
III - EVOLUTION
A - EVOLUTION SOUS TRAITEMENT :
L’objectif thérapeutique essentiel est l’obtention d’une rémission complète dès le premier
traitement, cette rémission conditionne l’obtention d’un résultat thérapeutique favorable à
long terme. Dès la mise en route d’un traitement adapté (chimiothérapie ou radiothérapie),
les signes cliniques (fièvre, sueurs) de la maladie de Hodgkin disparaissent rapidement en
quelques jours. Les adénopathies superficielles ou de taille modérée régressent en
quelques semaines. L’évaluation de la réponse thérapeutique chez les patients ayant une
masse ganglionnaire volumineuse, notamment dans le médiastin est plus difficile. En effet,
certaines de ces lésions diminuent initialement sous traitement, mais persistent sur les
radiographies simples ou l’examen tomo-densitométrique. Il s’agit dans un certain nombre
de cas de simples résidus fibro-nécrotiques non évolutifs. La réalisation d’un TEP au 18FDG permet de préciser leur évolutivité.
B - EVOLUTION APRES RECHUTE :
Les patients qui rechutent après un 1er traitement peuvent encore bénéficier d’un traitement
efficace. On distingue :
¾ Les rechutes survenant après radiothérapie exclusive qui peuvent être rattrapées dans
une proportion importante de cas par une chimiothérapie exclusive simple ;
- 124 -
2005
¾ Les rechutes tardives dont certaines peuvent être traitées avec succès pendant plusieurs
années, ce d’autant qu’elles surviennent avec un délai long par rapport à la poussée initiale
;
¾ Les rechutes précoces survenant moins d’un an après la fin du traitement initial qui sont
de très mauvais pronostic et qui sont traités par des chimiothérapies intensives avec
éventuellement greffe de moelle.
Si l’évolution de la maladie n’est pas contrôlée, la maladie de Hodgkin prend volontiers une
forme fébrile et cachéctisante aboutissant au décès du patient.
C - FORMES CLINIQUES PARTICULIERES :
Certains sujets âgés présentent des formes disséminées avec signes généraux dont
l’évolution est sévère. La survenue d’une maladie de Hodgkin pendant la grossesse est
possible et pose des problèmes thérapeutiques particuliers.
D - SEQUELLES DES TRAITEMENTS ET COMPLICATIONS A LONG TERME :
1 - La maladie de Hodgkin est une maladie du système immunitaire, au cours de laquelle
une altération de l’immunité cellulaire liée à la maladie est observée. Les différentes
thérapeutiques mises en oeuvre aggravent cette immuno-suppression, et les patients
présentent fréquemment des complications infectieuses pendant leur traitement ou au
décours de celui-ci. En particulier, il faut souligner la fréquence des infections à germes
Gram+ chez les patients splénectomisés (ou ayant reçu une irradiation sur l’aire splénique),
ainsi que la survenue d’infections à virus herpétique (zona plusieurs mois après la fin du
traitement).
2 - La survenue de complications cardio-vasculaires est également fréquemment rapportée
chez les patients traités pour maladie de Hodgkin, qu’il s’agisse d’insuffisance cardiaque, de
péricardite ou surtout de pathologies coronariennes. L’irradiation médiastinale et les
drogues cardiotoxiques (doxorubicine) jouent un rôle important dans la survenue de ces
complications. Malheureusement, celles-ci sont à l’origine d’un excès de décès de cause
cardiaque chez les patients traités par maladie de Hodgkin.
Les complications pulmonaires liées à l’irradiation et à l’utilisation de la bléomycine ont
également été rapportées.
Les complications digestives liées aux irradiations sous diaphragmatiques sont rares sauf si
les patients ont eu une laparotomie exploratrice auparavant.
Les complications endocriniennes sont représentées d’une part par l’insuffisance
thyroïdienne liée essentiellement à l’irradiation et d’autre part aux anomalies de la fonction
de reproduction des patients. Celles-ci sont surtout liées à l’utilisation des agents alkylants
(cyclophosphamide, procarbazine) ou de la moutarde azotée (caryolysine). Ainsi, la stérilité
masculine est quasiment constante chez les patients ayant reçu plus de 6 cures de MOPP
(cf infra) ; le risque de voir survenir une ménopause précoce avec le même traitement
s’accroît de 10% à 100% avec l’âge de la patiente. Ceci amène à considérer des protocoles
de chimiothérapie moins toxiques sur la lignée gonadique.
Il n’y a pas de donnée établie concernant un risque accru de second cancer ou anomalies
génétiques chez les enfants de patients traités pour une maladie de Hodgkin.
3 - La survenue des seconds cancers est préoccupante chez les patients traités pour une
maladie de Hodgkin.
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2005
¾ Les leucémies aigues myéloblastiques et les myélodysplasies secondaires sont liées à
l’utilisation d’une chimiothérapie comportant des alkylants ou aux traitements combinés
surtout lors des rechutes et leur incidence peut atteindre 1 à 10 % à 10 ans.
¾ Les lymphomes non hodgkiniens ont également un risque de développement accru, avec
une incidence cumulée à 10 ans de 1 à 5 %. Les facteurs étiologiques contribuant à leur
survenue restent cependant imprécis (immuno-suppression, 2ème cancer véritable ,
rechute de maladie de Hodgkin sous une forme différente ?).
¾ Enfin, plus récemment, l’attention a été attirée sur les tumeurs solides survenant
tardivement (10 à 20 ans) chez les patients traités par maladie de Hodgkin, notamment
dans les territoires irradiés. Cette augmentation porte à la fois sur les cancers cutanés, les
cancers du poumon, les cancers du sein, et les cancers de divers organes lorsqu’il
s’agissait d’enfants traités. Ceci conduit actuellement à limiter les doses et les champs
d’irradiation lors du traitement initial de la maladie.
IV - PRINCIPES DU TRAITEMENT
A - LA RADIOTHERAPIE :
La radiothérapie a été la 1ère arme thérapeutique utilisée avec succès dans le traitement de
la maladie de Hodgkin. Les patients doivent aujourd’hui bénéficier des techniques
d’irradiation les plus modernes (photons de haute énergie).
Les grands champs d’irradiation classiques sont définis en sus diaphragmatique par
l’irradiation en mantelet (les 2 régions sus claviculaires, axillaires, médiastin et hile
pulmonaire) et en sous-diaphragmatique par le Y inversé )comprenant la région latéroaortique, les chaînes ganglionnaires iliaques primitives externes droites et gauches, les
régions inguinales bilatérales) avec barre splénique. Ces grands champs ne sont
pratiquement plus utilisés.
La tendance actuelle (où la radiothérapie devient très peu utilisée dans les stades
disséminés) est l’utilisation de champs réduits sur une ou plusieurs aires ganglionnaires
initialement atteinte, voire sur le seul volume ganglionnaire envahi initialement.
Une dose de 36 à 40 grays est délivrée sur les territoires initialement envahis, et une dose
de 30 à 36 grays sur les territoires irradiés de manière prophylactique. Des essais avec des
doses plus faibles (20 Gy) – pour limiter le risque de séquelles - semblent donner des
résultats intéressants.
B - LA POLYCHIMIOTHERAPIE :
Le premier protocole de polychimiothérapie développé a été le MOPP (caryolysine,
vincristine, procarbazine, prednisone) et ses variantes mais il n’est plus utilisé.
Le protocole ABVD (doxorubicine, bléomycine, vinblastine, dacarbazine), introduit dans les
années 70, reste la référence qui a permis l’obtention de meilleurs résultats tant en ce qui
concerne le contrôle de la maladie que dans le faible taux de complications à long terme.
Des protocoles hebdomadaires avec d’autres médicaments (etoposide par exemple) ont été
développés plus récemment avec une efficacité peut-être supérieure mais avec une toxicité
plus élevée. Il faudra attendre les résultats à long terme de la comparaison de ces
protocoles avec l’ABVD pour établir définitivement leur place.
C - LES INDICATIONS THERAPEUTIQUES :
Celles-ci doivent être posées en fonction des critères pronostiques définis ci-dessus.
- 126 -
2005
Il ne faut pas omettre de proposer avant traitement un cryoconservation de sperme pour les
patients de sexe masculin; une contraception orale est proposée aux femmes en age de
procréer ; enfin si une irradiation sous-diaphragamatique est envisagée chez une patiente,
une ovariopexie (déplacement des ovaires dans la cavité abdominale) peut être envisagée
pour préserver la fertilité.
Dans les stades localisés sus diaphragmatique, les patients ayant une maladie avec des
caractéristiques favorables (tableau III) vont pouvoir être traités par de 3 ou 4 cures de
chimiothérapie (ABVD) suivies d’une irradiation limitée aux aires envahies. La tendance
actuelle est la réduction des doses d’irradiation et l’utilisation d’une chimiothérapie isolée est
à l’essai chez ces patients lorsque les examens d’imagerie métabolique (TEP scanner au 18FDG glucose) montrent une rémission complète à l’issue des 2 premières cures.
Dans les formes de pronostic défavorable, c’est la réalisation de 4 cures de chimiothérapie
de type ABVD suivies d’une irradiation focalisée sur les territoires initialement atteints qui
constituent les protocoles de référence. Une rémission complète est obtenue dans 85 à
100% des cas.
Dans les formes favorables, plus de 90% des patients sont survivants à 10 ans alors que
dans les formes défavorables, la survie à 10 ans est de 70 à 90%.
Dans les formes étendues de la maladie de Hodgkin (stades IIIB et IV), les patients peuvent
être traités par 6 cures de chimiothérapie permettant l’obtention d’une rémission complète,
résultat thérapeutique consolidé par la délivrance de 2 cures de chimiothérapie
supplémentaires. L’irradiation complémentaire localisée ou étendue n’est plus utilisée chez
ces patients en rémission complète car elle accroît le risque de second cancer. Les
protocoles en cours d’investigation reposent sur l’utilisation de doses de chimiothérapie plus
intensives et rapprochées.
Une rémission complète est obtenue chez la majorité de patients (75 % environ) mais les
rechutes restent fréquentes avec une survie à long terme de 40 à 65%.
Dans les autres présentations de la maladie de Hodgkin (I et II sous-diaphragmatique et
stade IIIA) le traitement comprend généralement l’utilisation d’une chimiothérapie (4 à 6
cures) isolée (4 à 6 cures d’ABVD).
Ainsi si les progrès thérapeutiques importants ont été obtenus dans la maladie de Hodgkin
par l’utilisation de traitements combinés (chimiothérapie- radiothérapie), la tendance actuelle
est à optimiser les traitements en fonction des caractéristiques évolutives de chaque sous
groupe de patients, afin de limiter la probabilité de complications à long terme, qui restent
malheureusement responsables d’une surmortalité par toxicité des patients traités pour
maladie de Hodgkin. Le souci de cette surmortalité doit faire préférer l’utilisation de
protocoles de chimiothérapie validés, et discuter des indications thérapeutiques avec des
équipes spécialisées. Des modifications par rapport à ces standards ne peuvent se faire
que dans le cadre d’essais thérapeutiques soumis à une évaluation rigoureuse des résultats
à court et long terme.
POUR APPROFONDIR
1. Fermé C. Maladie de Hodgkin. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Hématologie, 13-016-A05, 1997, 12p. Mise à jour récente et complète.
2. Solal-Celigny Ph, Brousse N, Fermé C, Gisselbrecht Ch, Reyes F, Coiffier B. Lymphomes
: Lymphomes non hodgkiniens - Maladie de Hodgkin. Frison Roche, Paris, 1997. Ouvrage
spécialisé, avec de nombreuses données détaillées sur l’épidémiologie, la biologie, le
traitement.
- 127 -
2005
3. Standards, options et recommandations pour la prise en charge des patients adultes
atteints de maladie de Hodgkin. Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le
Cancer & Groupe d’Etude des Lymphomes de l’Adulte. 1998.
- 128 -
2005
Tableau 1 : Classification histologique de la Maladie de Hodgkin de Lukes-Rye
Type 1 :
Prédominance lymphocytaire (ou lympho-histiocytaire)
Type 2 :
Forme sclérosante nodulaire
Type 3 :
Forme à cellularité mixte
Type 4 :
Forme à déplétion lymphocytaire
Actuellement les types 2 et 3 sont considérées commes des formes typiques les plus
fréquentes (respectivement 80% et 15-20%) des maladies de Hodgkin.
Tableau : Stade d’extension clinique selon la classification d’Ann Arbor
Stade
Définition
I
Atteinte d’une seule aire ganglionnaire ( I ) ou d’une seule structure
lymphoïde (rate, thymus,anneau de Waldeyer) ou d’une seule localisation
dans un territoire extra-ganglionnaire ( IE ) contigu.
II
Atteinte de deux aires ganglionnaires ou plus du même côté du diaphragme (
II ),
éventuellement associée à une atteinte extra-ganglionnaire de
contiguïté ( IIE )
III
IV
A/B
E
X
Atteinte ganglionnaire située de part et d’autre du diaphragme ( III ),
accompagnées éventuellement d’une atteinte splénique ( IIIS ) (cf note infra)
Atteinte d’une ou plusieurs localisations extra-ganglionnaires, avec ou sans
atteinte ganglionnaire
Absence (A) ou la présence d’au moins un (B) signe général
- fièvre (au moins 38 C pendant 8 jours consécutifs sans infection
documentée )
- sueurs nocturnes
- perte de poids inexlpiquée d’au moins 10% du poids au cours des 6 mois
précédents
Envahissement d’une structure extralymphatique correspondant
- soit à la seule atteinte de la maladie (IE)
- soit à une extension de contiguité d’une atteinte ganglionnaire (IIE ou IIIE)
désigne la présence d’une masse tumorale importante (ganglion de diamètre
de plus 10cm ou rapport médastino-thoracique supérieur à un tiers).
Note : Les stades III sont séparés en :
- Stade III 1 : Atteinte sous-diaphragmatique limitée à la rate, aux ganglions du hile
splénique, aux ganglions coeliaques ou du tronc porte.
- Stade III 2 : Atteinte des ganglions latéro-aortiques, iliaques, mésentériques s’associant ou
non à l’atteinte du stade III 1.
129
2005
Tableau 3 : Classification pronostique des stades localisés sus- diaphragmatiques (I
et II)
Stades
sus-diaphragmatiques
favorables
Stades cliniques I ou II
et age < 50 ans
et A + VS < 50 mm ou B + VS < 30 mm
et atteinte de moins de 4 sites ganglionnaires
et rapport M/T < 0.35
Stades
sus-diaphragmatiques
défavorables
Stade cliniques I ou II et
ou age > 50 ans
ou A + VS > 50 mm ou B + VS > 30 mm
ou atteinte de 4 (ou plus) sites ganglionnaires
ou rapport M/T > 0.35
Note : A et B désignent l’absence ou la présence de signes généraux, VS la vitesse de
sédimentation à la première heure, M/T le rapport médiastino-thoracique.
- 130 -
2005
MALADIE DE VAQUEZ
DIAGNOSTIC, EVOLUTION ET TRAITEMENT
RESUME DES POINTS FORTS
- Toute élévation des paramètres érythrocytaires à l’hémogramme ne correspond pas
forcément à une polyglobulie.
- Seul le volume sanguin isotopique peut affirmer le diagnostic de polyglobulie.
- Toute polyglobulie n’est pas une maladie de Vaquez.
- La maladie de Vaquez expose à 3 types de risques :
- Immédiats : Thromboses artérielles ou veineuses.
- Secondaires :
. Transformation en leucémie aiguë (myéloïde).
. Myélofibrose secondaire responsable d’une pancytopénie.
Suspicion de Polyglobulie
Volume sanguin isotopique
Fausse Polyglobulie
Polyglobulie Vraie
Polyglobulies secondaires
Polyglobulie Primitive (= Vaquez)
AUTEUR : Docteur Franck Nicolini - Service d’Hématologie Clinique – Hôpital Edouard
Herriot
I – GENERALITES ET PHYSIOPATHOLOGIE
La maladie de Vaquez est un syndrome myéloprolifératif chronique rare (0,7 pour 100 000
habitants/an) de prédominance masculine, secondaire à une expansion clonale myéloïde
préférentiellement érythroblastique.
Quatre vingt pour cent des maladies de Vaquez sont liées à la présence d’une mutation
récurrente du gène de JAK2 (protéine de transduction du signal activée par la fixation de
l’érythropoïétine par son récepteur) qui induit sa phosphorylation permanente responsable
de la prolifération dérégulée des précurseurs érythroblastiques. Néanmoins cette mutation
est aussi rencontrée dans 30 % des thrombocytémies essentielles, et n’est donc pas une
signature moléculaire absolue de la maladie de Vaquez.
II – DIAGNOSTIC POSITIF
A – CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE :
¾ Typiquement : Homme de 50-60 ans, apparition récente de céphalées, de vertiges, de
paresthésies, d'acouphènes, de scotomes, de somnolence, palpitations, témoignant de
l’hyperviscosité. Erythrose faciale et palmo-plantaire.
¾ Plus rarement : érythromélalgies (accès douloureux avec gonflement et érythème des
extrémités); prurit déclenché par l'eau (bain, douche).
¾ Encore plus rarement : Complications d’emblée : thrombose artérielle (artère centrale de
la rétine, coronaires…) ou veineuse, manifestations ischémiques, hémorragies.
- 131 -
2005
B - EXAMEN CLINIQUE :
Souvent pauvre, il met en évidence une érythrose facio-tronculaire, conjonctivale, palmoplantaire, des lésions de grattage des mains notamment (prurit à l’eau), une splénomégalie
typiquement mousse de 5 cm, rarement une hépatomégalie 2 cm.
C - EXAMENS BIOLOGIQUES :
-
-
-
-
-
NFS : Augmentation parallèle des GR (>6 1012/l), de l’Hémoglobine (>160 g/l chez
la femme, 170 g/l chez l’homme), de l’hématocrite (>45% chez la femme, >50%
chez l’homme). Le VGM doit être normal. Il existe souvent une hyperleucocytose
modérée (10 à 20 G/l) avec polynucléose neutrophile (8 à 12 G/l) et parfais
myélémie modérée (<5%). Une thrombocytose (Plaquettes >400 G/l) associée est
fréquente.
Volume globulaire isotopique : Examen indispensable qui SEUL peut
AFFIRMER la nature vraie de la polyglobulie. Il est nécessaire de corriger un pool
martial normal avant de le réaliser. La polyglobulie est vraie si le volume
globulaire total est :
o Supérieur à 32 ml/kg chez la femme.
o Supérieur à 36 ml/kg chez l'homme
Et si le volume plasmatique est normal.
Myélogramme : De peu d’intérêt du fait d’une myélofibrose habituelle au
diagnostic de la maladie (impossibilité d’aspirer de la moelle).
Biopsie ostéo-médullaire : Elément clé du diagnostic affirmant la nature
PRIMITIVE (= médullaire) de la polyglobulie : Hyperplasie myéloïde tripartite avec
effacement des vésicules adipeuses, prédominant sur la lignée érythroblastique. Il
existe très souvent, d’emblée une densification des fibres de réticuline.
Caryotype médullaire (quand il est possible) : 20q-, trisomie 8, duplication 1q,
del(13q), trisomie 21, perte du chromosome Y. Aucune de ces anomalies ne peut
être considérée comme spécifique.
En cas de doute diagnostique :
o Culture de progéniteurs érythroblastiques en milieu semi-solide : Colonie
formation spontanée des progéniteurs érythroblastiques (BFU-E, CFU-E),
sans addition d'érythropoïétine dans le milieu de culture.
o Recherche de la mutation JAK2 par PCR-SSCP et séquençage.
Uricémie : Augmentée.
Vitaminémie B12 augmentée.
Phosphatases alcalines leucocytaires : Normales ou augmentées.
Erythropoïétine sérique : normale ou effondrée.
VS basse (< 2 mm à la première heure).
Eléments du diagnostic différentiel : Gaz du sang normaux, Explorations
fonctionnelles respiratoires normales, Echographie abdominale et rénale normale
(en dehors de la splénomégalie), affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène
normale, PCR pour Bcr-Abl négative.
D – EN PRATIQUE :
Le diagnostic positif de maladie de Vaquez repose sur un faisceau d'arguments. Les
critères proposés par le PVSG (Polycythemia Vera Study Group) sont proposés pour affirmer
le diagnostic.
¾ Critères Majeurs :
- VGlobulaire Total >36 ml/kg chez l'homme, >32 ml/kg chez la femme,
- SaO2 supérieure ou égale à 92 %,
- Splénomégalie.
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2005
¾ Critères Mineurs :
- Plaquettes >400 x 109/l
- Leucocytes >12 x 1012/l en absence d'infection.
- Phosphatases Alcalines Leucocytaires >100 en-dehors d'une infection,
- Vitamine B12 sérique > 900 pg/ml.
Le diagnostic de Vaquez est retenu si tous les critères majeurs sont présents ou s’il existe
les deux premiers critères majeurs + deux critères mineurs.
III – DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Il faut éliminer les polyglobulies secondaires qui sont des réactions médullaires adaptées à
une stimulation pathologique (sécrétion appropriée ou non d’érythropoïétine ou
d’érythropoïétine tronquée). Malheureusement, le dosage sérique d’érythropoïétine ne
permet pas toujours d’étayer le diagnostic.
A – POLYGLOBULIES VRAIES :
1 – Hypersécrétion appropriée d’érythropoïétine par hypoxie tissulaire :
¾ Hypoxie d'origine respiratoire : Souvent évidente à l’interrogatoire et/ou à l’examen
clinique. Confirmée par les gaz du sang: BPCO, fibrose pulmonaire, insuffisance
respiratoire d'autre étiologie, syndrome des apnées du sommeil.
¾ Hypoxie d'origine cardiaque : Le plus souvent diagnostic pédiatrique : Shunt droitgauche
¾ Hypoxie d'altitude: Séjours prolongés en très haute altitude (Indiens des Andes).
¾ Hypoxie par anomalie de l'hémoglobine:
Acquises : Intoxication chronique au CO, méthémoglobinémies d’origine
médicamenteuses.
Congénitales: Hémoglobines à affinité augmentée pour l'oxygène. Diagnostic par
étude de d'affinité de l'hémoglobine pour l'oxygène et par électrophorèse de l’Hb
couplée à l'iso-électrofocalisation, chromatographie liquide, biologie moléculaire.
2 - Sécrétion inappropriée d’érythropoïétine :
¾ Tumeurs malignes sécrètant de l'érythropoïétine: Adénocarcinome rénal, parfois
hépatocarcinomes, hémangioblastome cérébelleux.
¾ Plus rarement, tumeurs bénignes ou malformations: Polykystose hépato-rénale,
myofibrome utérin.
3 – Autres causes rares :
Hypersécrétions ou administrations non avouées (dopage) d'androgènes ou
d’érythropoïétine peuvent induire une augmentation du nombre de GR, qui habituellement
n'atteint pas le seuil des polyglobulies.
4.- Autres syndromes myéloprolifératifs avec polyglobulie associée.
¾ Leucémie myéloïde chronique à forme polyglobulique :
- Hyperleucocytose très importante avec myélémie harmonieuse.
- Les formes frontières sont possibles
- Le diagnostic de LMC sera fait sur l’effondrement des phosphatases alcalines
leucocytaires et surtout sur la découverte de la translocation (9;22) au caryotype
médullaire ou du transcrit Bcr-Abl en PCR.
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2005
¾ Splénomégalie myéloïde avec myélofibrose primitive
- Splénomégalie importante (>10 cm), dure
- Présence de schizocytes, d’hématies en poire, et de signes de dysgranulopoïèse
- Le diagnostic différentiel est fait par la biopsie médullaire.
B - PSEUDO-POLYGLOBULIES ET FAUSSES POLYGLOBULIES :
1 - Pseudo-polyglobulies microcytaires :
Seul le nombre de GR est augmenté et les GR sont de petite taille. Tous les
paramètres érythrocytaires sont donc importants à prendre en compte ! Ces pseudopolyglobulies se voient lors des -thalassémies hétérozygotes et des carences martiales
2 - Fausses polyglobulies :
¾ Hémoconcentration (patient sous diurétique, déshydratation aiguë),
¾ Stress,
Elles sont fréquentes chez l'hypertendu, aggravées par les diurétiques. Le nombre de GR
peut-être élevé, ainsi que l'hémoglobine (17 à 20 g/dl) et l'hématocrite. Le VGT est en
général normal ou modérément élevé, le VPlasmatique Total est diminué.
IV - EVOLUTION, PRONOSTIC ET COMPLICATIONS
A - COMPLICATIONS VASCULAIRES : LES THROMBOSES
Plus fréquentes au diagnostic, lorsque la maladie est mal contrôlée.
¾ Accident thrombotique : artériel ou veineux. Atteinte préférentielle des vaisseaux
cérébraux (artère centrale de la rétine) et des membres inférieurs. Thromboses coronaires
plus rares. Autres localisations exceptionnelles: artère mésentérique, veines sushépatiques (syndrome de Budd-Chiari), vaisseaux spléniques, pyléphlébite.
¾ Facteurs favorisants : Hhématocrite >50 %, HTA, diabète, lésions athéromateuses
associées et âge avancé.
B - ACCIDENTS HEMORRAGIQUES :
Il s'agit plutôt d'une tendance hémorragique avec ecchymoses spontanées, gingivorragies,
saignements prolongés, mais des accidents plus graves ont été décrits (hémorragie cérébroméningée ou digestive).
C - COMPLICATIONS METABOLIQUES :
En l'absence de traitement, crises de goutte ou des lithiases uriques ;
D - EVOLUTION HEMATOLOGIQUE :
1 – Myélofibrose :
Principale complication, annoncée par une augmentation de taille de la rate et surtout des
modifications de l'hémogramme : Disparition de la polyglobulie, malgré l’interruption du
traitement d'entretien, leucopénie, thrombopénie. Parfois, anémie normocytaire
arégénérative avec schizocytes. Biopsie médullaire : Moelle désertifiée par fibrose.
- 134 -
2005
2 - Leucémie aiguë myéloïde :
Fréquence est augmentée si utilisation du phosphore 32 ou d’Alkylants pendant une période
prolongée. La chimiothérapie de type leucémie aiguë est généralement inefficace.
V - TRAITEMENT
A – SAIGNEES :
Traitement de choix en traitement d'attaque (ex : 300 ml/jour pendant 3 jours, puis 1
fois/semaine le 1er mois), pour réduire rapidement le volume globulaire total afin de diminuer
le risque vasculaire. Elles sont surtout intéressantes lorsque l'on souhaite une normalisation
rapide de l'hémoglobine (urgence : risque vasculaire).
C’est aussi un traitement d'entretien, leur mode d'action étant de maintenir un état de
carence martiale qui freine l'érythropoïèse. Il est actuellement abandonnée car responsable
d’une augmentation de la fréquence des thromboses et des myélofibroses.
B - PHOSPHORE 32 :
Traitement de choix chez le sujet très âgé (>80 ans) à la dose de 0,1 millicurie pour 10 kg de
poids, il entraîne une rémission lente (en 2 à 3 mois). L’effet leucémogène est quasi constant
(apparaissant au delà de 10 ans).
C – CHIMIOTHERAPIE :
Traitement de choix en 2005 : Hydroxyurée (Hydréa®) à 10-20 mg/kg/jour (4 à 6 gélules à
500 mg/jour). C’est un traitement continu adapté à la surveillance sanguine (maintien de
l’hématocrite < 45%). La polyglobulie disparaît en 1 mois et demi. Effet leucémogène quasi
nul. Coût faible.
Autres produits possibles : Pipobroman (Vercyte® 1 à 3 mg/kg/jour).
Inhibiteurs de la tyrosine kinase JAK2 : en cours de développement.
POUR APPROFONDIR
1. Varet B. Le livre de l'interne : Hématologie. Edition Médecins-Sciences, Flammarion.
Polyglobulies : page 192-195.
2. C. James et al.. A unique clonal JAK2 mutation leading to constitutive signalling causes
polycythemia vera. Nature 434:1144-1148, 2005.
- 135 -
2005
MYELOME MULTIPLE DES OS (MALADIE DE KAHLER)
RESUME DES POINTS FORTS
-
Prolifération plasmocytaire maligne
Immunoglobuline monoclonale
Douleurs osseuses – Syndrome ostéolytique (lacunes osseuses)
Classification de Durie et Salmon
Nouveaux facteurs pronostiques
Importance de l’intensification thérapeutique suivie d’autogreffe de cellules
souches hématopoïétiques
AUTEUR : Professeur Mauricette Michallet – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
Décrit par Mc Intyre en 1850, le myélome multiple des os porte aussi le nom de maladie de
Kahler, lequel a contribué à sa description en 1889.
La maladie est caractérisée par une prolifération plasmocytaire maligne diffuse mais à
localisation initiale préférentielle dans la moelle osseuse. Les plasmocytes tumoraux
excrètent habituellement une immunoglobuline (dite monoclonale) décelable dans le sang
et/ou les urines.
I - PHYSIOPATHOLOGIE
La maladie semble avoir pour origine le compartiment de cellules B mémoires, localisé dans
les tissus lymphoïdes périphériques. Les cellules B mémoires transformées migreraient dans
la moelle osseuse où des interactions avec les cellules stromales productrices de cytokines
induiraient leur différenciation en cellules plasmocytaires sécrétantes. Une stimulation
antigénique chronique pourrait intervenir dans le développement d'un clone plasmocytaire
qui, après une phase d'expansion verrait survenir un événement oncogène. A la suite
d'altérations chromosomiques dont aucune n'est spécifique, pourraient survenir une
surexpression de certains oncogènes (c-myc) et une mutation d'oncogènes importants N-ras,
K-Ras, et/ou de l'anti-oncogène p53, aboutissant au phénotype malin des précurseurs
plasmocytaires. Le rôle des cytokines est alors déterminant, la plus importante étant
l'interleukine 6 (IL-6): produite par l'environnement tumoral, mais aussi par les cellules
myélomateuses elles-mêmes (autocrinie), elle constitue le facteur de différenciation des
précurseurs B. La transduction du signal IL-6 passe par une protéine trans-membranaire, la
gp130, qui est dimérisée par l'IL-6 mais aussi par un récepteur soluble de l'IL-6 (sIL-6R),
synthétisée par les cellules myélomateuses.
L'interleukine 6 est un facteur majeur de la différenciation des cellules B en cellules
plasmocytaires, de la prolifération des cellules plasmocytaires jeunes, dont elle inhibe
l'apoptose, et de leur différenciation en cellules plasmocytaires matures produisant les
anticorps. Les plasmocytes générés gardent donc leur capacité de synthèse
d'immunoglobulines.
La présentation clinique et biologique de l'affection sera donc la résultante :
- 136 -
2005
¾ D'une "tumeur" plasmocytaire, le plus souvent diffuse siégeant dans la moelle osseuse,
sécrétant avec son micro-environnement différentes cytokines: IL-6 surtout, mais aussi IL1β et TNFα.
¾ D'une sécrétion excessive d'immunoglobulines dites monoclonales
Les deux composantes vont expliquer les signes et complications de la maladie, mais en
permettre aussi le diagnostic, une évaluation pronostique et la surveillance thérapeutique.
A - L'INFILTRAT PLASMOCYTAIRE MEDULLAIRE ET SON ENVIRONNEMENT :
Par les cytokines sécrétées sont expliquées ses douleurs osseuses, les lacunes
radiologiques et l'hypercalcémie ainsi que les modifications histo-morphométriques :
résorption ostéoclastique, augmentation des surfaces de résorption ostéocytaire,
augmentation des volumes et des surfaces ostéoïdes.
¾ L'approche qualitative et quantitative de l'infiltrat, par myélogramme ou la biopsie
médullaire, constitue un argument diagnostique du myélome.
¾ La détermination quantitative de la masse tumorale par des méthodes que l'on reverra
est un des grands éléments pronostique ; les signes de myélome apparaissent le plus
souvent pour une masse de 1010 à 1011 cellules/m². La survie est rarement compatible
avec une masse avoisinant 1013 cellules/m². Cette faible marge peut correspondre à une
durée d'évolution plus ou moins longue du fait du ralentissement spontané (tendance au
plateau) de la croissance tumorale observée dans le myélome (courbe Gompertzienne).
B - L'IMMUNOGLOBULINE MONOCLONALE :
Elle est sécrétée et peut être mise en évidence dans le sérum et les urines. Il s'agira soit d'lg
complète, lgG (60-80 % des cas), lgA (10-20 %) voire lgD ou exceptionnellement lgE, soit de
chaînes légères seules (10 % des cas) de type Kappa ou Lambda.
Elle est responsable de l'hypersédimentation globulaire, de l'aspect du tracé
électrophorétique ("pic monoclonal"), de l'hyperviscosité sanguine, des complications
rénales, ou d'autres anomalies cliniques et biologiques : thrombopathies, neuropathies voire
complications liées à l'activité biologique de l'anticorps (cas de myélomes multiples avec
hyperlipidémie, anticoagulant circulant ...).
Cette lg sérique est un bon marqueur tumoral, à valeur diagnostique et pronostique et sera
utile au suivi thérapeutique.
Il faut néanmoins apporter des restrictions à la valeur de ce paramètre :
1 - Le taux d'lg n'est que le reflet de la masse tumorale sécrétant l'Ig :
Ce critère d'appréciation n'est donc pas adapté à certaines situations : myélomes à chaîne
légère, myélomes non sécrétants. D'autres critères peuvent être utilisés comme reflets de la
masse tumorale : la Bêta 2 microglobuline qui doit être corrigée en cas d'insuffisance rénale,
reflet elle aussi de la masse tumorale, la calcémie et le taux d'hémoglobine. Ces derniers
éléments sont pris en compte dans la classification de Durie et Salmon
2 - Données cinétiques :
Tous ces éléments donnent une approche ponctuelle et non pas évolutive. Or, il est connu
que dans les gammapathies monoclonales dites "bénignes" (ou plutôt de signification
indéterminée : MGUS), le taux de composant monoclonal et donc la masse plasmocytaire
- 137 -
2005
peuvent être élevés sans qu'il y ait "myélome" : l'élément pronostique le plus important est la
masse plasmocytaire proliférante, dont la détermination fait appel à d'autres paramètres :
¾ Morphologique : une activité phosphatase acide plasmocytaire élevée en cytochimie, un
index mitotique élevé, un rapport cluster/colonie bas sur culture en agar sont plutôt le fait
des myélomes à forte croissance tumorale.
¾ Métabolique : des taux élevés de polyamines, un contenu cellulaire élevé en DNA, un
index de marquage par la thymidine tritiée élevé en autoradiographie constituent aussi des
paramètres de croissance tumorale élevée.
3 - Approche spécifique de l'interaction tumeur-hôte :
Le dosage d'IL-6 et de son récepteur soluble permet d'approcher ce paramètre pronostique
important. Une approche plus simple peut être faite par le dosage de CRP qui est un très
bon reflet de la synthèse d'IL-6.
Ces éléments peuvent constituer tout à la fois des arguments de diagnostic différentiel et des
critères pronostiques.
L’incidence du myélome multiple varie selon les pays. En France, elle est de 2.9 pour 100
000 habitants. Les hommes sont plus souvent atteints que les femmes (sex ratio de 1.1 à
1.6).
II – DIAGNOSTIC POSITIF
A - CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE :
1 - Symptômes cliniques :
¾ Les douleurs osseuses sont présentes dans deux tiers des cas au moment du
diagnostic :
Æ Intenses, permanentes, avec recrudescence nocturne et résistantes aux antalgiques
mineurs.
Æ Rapidement intolérables exigeant le recours aux opiacés.
Æ Affectent essentiellement le rachis.
Æ Parfois à l’origine d’une impotence fonctionnelle, parfois majeure.
¾ Les douleurs radiculaires se voient dans un quart des cas (région dorsale ou cervicale) :
Æ Un caractère mécanique ou plus souvent inflammatoire avec recrudescence
nocturne.
Æ Font rechercher systématiquement une compression médullaire compliquant un
envahissement épidural.
Æ Peuvent se manifester par une sciatique ou une cruralgie et sont parfois
responsables d’un syndrome de la queue de cheval.
¾ Les tumeurs sont beaucoup plus rares.
¾ Les manifestations articulaires sont exceptionnellement révélatrices. Il peut s’agir d’un
syndrome du canal carpien ou d’une arthropathie secondaire à une amylose de type AL
¾ Les autres signes révélateurs peuvent être une pâleur importante ou une asthénie.
2 - Symptômes biologiques : mode de révélation fréquent :
¾ VS élevée, ou anomalie de l'électrophorèse (pic dysglobulinémique)
¾ Insuffisance rénale ou protéinurie
¾ Hypercalcémie
3 - Parfois enfin, ce sont les lésions radiologiques qui conduisent au diagnostic
- 138 -
2005
B - ELEMENTS D'ORIENTATION :
L'examen clinique est souvent pauvre en dehors de signes liés à une complication :
neurologique (compression médullaire nécessitant un traitement d'urgence, neuropathie
périphérique), osseuse (fracture, tumeur plasmocytaire).
Mais certains éléments orientent souvent d'emblée vers le myélome : association de
douleurs osseuses rebelles, pâleur, asthénie, VS très élevée, constatation d'hématies en
rouleaux à la NFS, anomalies radiologiques.
C - BILAN DIAGNOSTIQUE :
Il est orienté dans 3 directions : osseux, sanguin et médullaire.
1 - bilan osseux :
¾ Les lésions osseuses classiques en géodes sont lytiques :
- Lacunes multiples, rondes ou ovalaires
- A l’emporte-pièce sans ostéo-condensation périphérique.
- Parfois la seule anomalie est une radio-transparence
diffuse.
- Au niveau du rachis les lésions osseuses affectent
beaucoup plus souvent l’arc antérieur que l’arc postérieur.
Les tassements sont fréquents. Les vertèbres peuvent être
le siège d’une radio-transparence diffuse (myélomatose
décalcifiante diffuse).
¾ Les fractures sont possibles sur les os longs, parfois de
. caractère spontané. Parfois, on fait appel à une exploration par
IRM particulièrement du rachis où cet examen est très
performant pour déceler d’éventuelles lésions spécifiques de la
maladie
¾ Le plasmocytome solitaire est une prolifération plasmocytaire unique osseuse ou
extra-osseuse, plus exceptionnelle avec ou sans immunoglobuline monoclonale
circulante. L’évolution vers le myélome est possible. :
2 - bilan sanguin :
¾ La NFS montre :
- Une anémie normochrome normocytaire, non régénérative.
- La présence de rouleaux d’hématies sur les frottis sanguins est fréquente.
- Plus rarement, on note une thrombopénie ou une leuco-neutropénie.
- L’association de l’anémie à une augmentation très importante de la vitesse de
sédimentation (VS supérieure à 100) est un élément évocateur de myélome.
¾ Le myélogramme montre typiquement un infiltrat plasmocytaire important. Les éléments
plasmocytaires représentent plus de 10% des éléments nucléés. A côté des plasmocytes
matures, parfois vacuolisés ("corps de Russell"), peuvent être mis en évidence des
plasmoblastes à grand noyau central, chromatine fine et plusieurs nucléoles, et de cellules
intermédiaires parfois dénommées pro-plasmocytes.
- 139 -
2005
Dans certains cas, l'infiltrat plasmocytaire reste numériquement modéré du fait de son
caractère hétérogène. La biopsie médullaire permet de retrouver cet infiltrat, diffus ou
nodulaire.
Le myélogramme permet également de réaliser un caryotype sur moelle à la recherche d'une
délétion 13 (facteur pronostic majeur).
3 - bilan protidique :
¾ La VS est souvent très élevée, souvent supérieure à 100 mm à la première heure. Elle
peut aussi être normale (myélome non sécrétant). La CRP est souvent élevée.
¾ L'électrophorèse des protéines sériques montre souvent une hyperprotidémie, avec un
pic étroit, migrant en gamma ou entre Bêta et gamma, en Bêta, voire plus rarement en
alpha 2. Elle peut aussi être normale ou ne montrer qu'une hypogammaglobulinémie qui
doit attirer l'attention.
¾ L’immuno-fixation a remplacé progressivement l'immuno-électrophorèse des protides
sériques. Elle confirme la présence d'une immunoglobuline monoclonale dont elle précise
le type :
- Les formes de myélome à IgG sont les plus fréquentes (65%)
- Les formes à IgA (25%)
- Les formes à IgD (1 à 2%).
Les myélomes à IgA sont exceptionnels ainsi que les vraies proliférations plasmocytaires à
IgM.
Les myélomes à chaînes légères représentent 8 à 10 % des cas. Dans l’ensemble les
immunoglobulines de type Kappa sont deux fois plus fréquentes que les immunoglobulines
de type lambda. Elle sera couplée au dosage pondéral des immunoglobulines qui quantifie
le composant monoclonal et montre la diminution des immunoglobulines normales.
Ces deux examens : électrophorèse et immuno-fixation doivent aussi être effectués dans
les urines à la recherche d’une protéinurie de Bence Jones : excepté au niveau des
chaînes légères de l’Ig monoclonale, couplés à un dosage de la protéinurie des 24 heures.
¾ En outre, ces examens devront être complétés par une recherche de cryoglobuline, une
recherche d'hyperviscosité plasmatique et un dosage de bêta 2 microglobuline et de la
calcémie.
D - DEPISTAGE DES COMPLICATIONS OU SIGNES D'EVOLUTIVITE :
1 - Etude de la fonction rénale :
Créatinine et sa clearance, recherche de tubulopathie proximale. L’insuffisance rénale
secondaire à une protéinurie très importante peut être majorée par divers facteurs:
déshydratation, hypercalcémie, hyperuricémie ou infection.
2 - Bilan phosphocalcique :
L'hypercalcémie est fréquente et de mauvais pronostic.
Elle est évoquée devant :
- 140 -
2005
- Une polydipsie
- Une polyurie
- Une constipation
- Des troubles de conscience.
3 - Bilan d'hémostase:
Les troubles de l’hémostase sont généralement tardifs et inconstants (15% des cas)
marqués par un syndrome hémorragique principalement cutanéo-muqueux (épistaxis),
rarement plus préoccupant (hémorragies digestives ou urinaires, ou méningées).
III - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
A - EN L'ABSENCE DE GAMMAPATHIE MONOCLONALE SERIQUE :
¾ L'lg monoclonale peut n'être retrouvée que dans les urines,
¾ L'lg peut être absente dans les urines, mais on trouve dans le sang, ou au moins dans
les urines, des chaînes légères. La plasmocytose médullaire et les lésions osseuses
gardent leur valeur diagnostique.
¾ Ailleurs enfin, il n'y a ni lg, ni chaîne légère dans le sang ou les urines. Au dosage
pondéral, les lgG, A et M sont abaissées ou, rarement, normales :
Æ Soit il existe un infiltrat médullaire plasmocytaire significatif, il s'agit d'un myélome
non sécrétant ; les immuno-marquages peuvent confirmer la monoclonalité.
Æ Soit il n'existe pas d'infiltrat médullaire, mais la radio décèle une lyse ou tumeur
localisée : l'examen anatomo-pathologique fait le diagnostic.
B . LES AUTRES GAMMAPATHIES MONOCLONALES :
¾ Il s'agit d'une lgM : le myélome à lgM est exceptionnel. Le diagnostic à envisager est
celui de Maladie de Waldenström ou de lymphome (ou LLC) avec gammapathie
monoclonale. Le myélogramme ou la biopsie ganglionnaire trouve dans ces affections un
infiltrat lymphoïde ou lympho-plasmocytaire.
¾ Dans les autres cas, le diagnostic à évoquer lorsque les critères du myélome ne sont
pas réunis, est celui de gammapathie monoclonale bénigne ou plutôt de M.G.U.S.
(gammapathie monoclonale de signification indéterminée).
Une surveillance biologique et clinique est importante dans ce cas de figure.
IV – EVOLUTION, PRONOSTIC ET COMPLICATIONS
A . COMPLICATIONS AU COURS DE L’EVOLUTION DU MYELOME SONT :
1 - Osseuses :
¾ Fractures notamment des os, souvent spontanées ou à l’occasion de traumatisme
minime
¾ Tassements vertébraux multiples
2 - Rénales :
L'insuffisance rénale est une des grandes complications du myélome. Plusieurs facteurs y
concourent :
- 141 -
2005
¾ La précipitation intra-tubulaire de l'immunoglobuline, et en particulier des chaînes
légères.
¾ Les infections, l'hypercalcémie, l'hyperuricémie (surtout lors du traitement).
¾ L'amylose, surtout responsable de syndrome néphrotique.
¾ La déshydratation qui peut déclencher une anurie.
Rappelons ici le danger des UIV intempestives qui, sauf précautions particulières, ne doivent
pas être réalisées chez ces patients.
3 - Infectieuses :
Les infections se succèdent souvent tout au long de la maladie. Tous les germes peuvent
être impliqués avec prédominance des pneumocoques et de l’hémophilus influenzae durant
la phase initiale, tandis que les infections à bacilles gram négatif et les infections
nosocomiales sont plus habituelles en phase avancées. Les infections fongiques, virales,
mycobactériennes ou à pneumocystis carinii sont plus rares et tardives. Globalement les
infections sont responsables de 20 à 50 % des décès.
4 - Neurologiques :
¾ Paraplégies par compression médullaire et syndromes de la queue de cheval.
¾ Polyradiculonévrites parfois associées à des dépôts d’immunoglobuline ou à une
amylose.
¾ Manifestations cérébrales pouvant révéler une hypercalcémie
5 - Hématologiques :
¾ La leucémie à plasmocytes est une évolution rare du myélome.
¾ Syndrome hémorragique: les causes en sont multiples :
- Thrombopénie d’origine centrale ou auto-immune.
- Thrombopathie avec allongement du temps de saignement
- Diminution de l’adhésion des plaquettes ou présence d’un anticoagulant circulant avec
allongement du temps de céphaline activée ou du temps de thrombine
- Syndrome hémorragique secondaire à un syndrome d’hyperviscosité d’une amylose
avec fragilité capillaire ou cryoglobulinémie.
6 - Métaboliques :
¾ Hypercalcémie, qui requiert un traitement rapide.
¾ Hyperviscosité qui est liée aux taux très élevé d'immunoglobuline monoclonale. Les
signes neurologiques qui la révèlent parfois constituent une urgence thérapeutique.
¾ Hyperuricémie.
¾ Amylose: elle se rencontre surtout dans les formes à immunoglobulines D ou à chaînes
légères Lambda. Les dépôts peuvent être localisés au niveau du coeur, de la langue, du
tube digestif, de la peau, des articulations (syndrome du canal carpien) ou des reins. Le
diagnostic repose sur la biopsie.
B - EVOLUTION SOUS TRAITEMENT :
1 - Formes habituelles :
L’évolution est marquée par des poussées successives plus ou moins bien contrôlées par le
traitement. Sont qualifiés de bon répondeurs, les myélomes au cours desquels on observe la
régression des signes fonctionnels, la diminution d’au moins 50 % du taux du composant
- 142 -
2005
monoclonal, et la disparition d’une hypercalcémie, la réparation de l’anémie, l’absence de
nouvelle localisation osseuse.
2 - Autres formes évolutives :
¾ Les myélomes à croissance lente sont caractérisés par un tableau initial limité à une
immunoglobuline monoclonale associée à une infiltration plasmocytaire faible (10 à 30%).
¾ La leucémie à plasmocytes avec passage dans le sang d’une grande quantité de
cellules plasmocytaires survenant généralement après plusieurs années d’évolution d’un
myélome multiple typique et responsable d’une infiltration tissulaire extra-osseuse diffuse.
Cette transformation annonce la phase terminale. Elle peut être néanmoins rarement le
mode d’expression initiale de la maladie.
C – PRONOSTIC :
Permet une première appréciation pronostique de la maladie.
Stade I (masse tumorale < 0.6 cellules x 1012/m2)
. Tous les critères suivants:
Hémoglobine > 10 g/l
Calcémie < 120 mg/l
IgG < 50 g/l ou IgA < 30 g/l
Bence Jones < 4 g/24h dans les urines
os : normal ou une seule atteinte
Stade II (masse tumorale entre 0.6 et 1.2 cellules x 1012/m2)
. ni stade I ni stade III
Stade III (masse tumorale > 1.2 cellules x 1012/m2)
. Au moins un des critères suivants:
Hémoglobine < 8.5 g/l
Calcémie > 120 mg/l
IgG > 70 g/l, IgA > 50 g/l
Bence Jones > 12 g/24h dans les urines
Atteinte osseuse diffuse
En outre, le stade A correspond à une créatinine inférieure à 20 mg/l, le stade B à une α
créatinine supérieure à 20 mg/l. L'insuffisance rénale est un élément de mauvais pronostic.
D’autres critères sont également importants :
¾La nature du composant monoclonal est importante : le type d’immunoglobuline excrété
par le clone plasmocytaire a aussi une valeur pronostique. Les myélomes à IgA sont de
plus mauvais pronostic que ceux à IgG et les myélomes à chaînes légères lambda sont de
plus mauvais pronostic que les myélomes à isotopes kappa. Mais ce sont surtout les
myélomes à IgD et ceux caractérisés par la seule excrétion de la chaîne légère qui sont de
plus mauvais pronostic.
¾ Paramètres biologiques corrélés aux caractéristiques tumorales : sont considérés
comme de mauvais pronostic :
- Les facteurs reflétant une prolifération importante: incorporation de thymidine tritiée
élevée au labeling index, phénotype de multi-résistance aux drogues (MDR),
morphologie immature des plasmocytes au myélogramme (taux élevé de
plasmoblastes)
- 143 -
2005
- Des anomalies chromosomiques telles que la délétion complète ou partielle du
chromosome 13, les anomalies du chromosome 17, les mutations en 11q, et les
anomalies 22q11
- Les facteurs reflétant une masse tumorale élevée: bêta 2 microglobuline élevée,
score de Durie Salmon élevé
- Certains facteurs reflétant l'interaction hôte-tumeur: taux élevé de CRP, taux élevé
d'IL-6 ou de récepteur soluble d'IL-6 (sIL-6R), taux élevé d'IL-2, taux élevé de cellules
CD38+
¾ Critères évolutifs :
- L'absence de réponse au traitement est de pronostic fâcheux
- Mais une réponse trop rapide laisse présager une rechute rapide.
V - TRAITEMENT
A - MOYENS :
1 - Traitements symptomatiques :
Ils s'adressent surtout aux situations d'urgence :
¾ Intervention chirurgicale sur fracture pathologique,
¾ Laminectomie en urgence éventuellement complétée par une irradiation locale,
¾ Antibiothérapie non néphrotoxique et hydratation en cas d'infection,
¾ Plasmaphérèse en cas d'hyperviscosité,
¾ Traitement de l’'hyperuricémie,
¾ L'hypercalcémie doit être traitée par calcitonine ou diphosphonates et chimiothérapie
rapide,
¾ L'insuffisance rénale aiguë nécessite une épuration extra-rénale.
2 - Chimiothérapies :
Les agents efficaces sont :
¾ Les alkylants : melphalan, cyclophosphamide voire chlorambucil,
¾ Les poisons du fuseau : vincristine, vindésine
¾ Les anthracyclines : doxorubicine
¾ Les nitroso-urées : BCNU (carmustine)- CCNU
¾ Les antimétabolites : méthotrexate, cytarabine
¾ Sels de platine
¾ La prednisone et la dexaméthasone
Ces produits sont utilisés dans divers protocoles :
¾ MP: Melphalan - prednisone
¾ VAD: vincristine - doxorubicine - dexaméthasone
¾ VMCP: vincristine - melphalan - cyclophosphamide - prednisone
¾ VBAP: vincristine - carmustine - doxorubicine - prednisone
3 - Greffe de cellules souches hématopoïétiques :
¾ La greffe autologue a permis de doubler la médiane de survie des myélomes agressifs.
Elle fait donc partie de l'arsenal thérapeutique des myélomes.
¾ L’allogreffe peut être proposée à des sujets très jeunes et dans les formes très sévères
compte tenu de la persistance dans cette stratégie d’une mortalité encore élevée. De
- 144 -
2005
nouvelles techniques de greffe sont en cours
conditionnement à intensité réduite (mini-allogreffe).
d’évaluation :
allogreffe
après
4 – Autres :
¾ La radiothérapie reste un élément thérapeutique important
¾ L'interféron alpha a été utilisé en phase de plateau
¾ L'immunothérapie par anti IL-6 a permis d'obtenir des résultats intéressants
¾ Plus récemment, des agents antiangiogéniques, tels la thalidomide ou son analogue, et
les inhibiteurs du protéasome, comme le Bortezomil ou le Velcade, donnent des résultats
très intéressants et encourageants. Ces molécules peuvent être utilisées séparément ou
en association et peuvent être également associées à la Dexamethasone.
B . MODALITES ET INDICATIONS :
1 - Stade I :
Les myélomes peu évolutifs, stade 1A, à cinétique lente peuvent ne pas être traités et
simplement surveillés, surtout chez le sujet âgé.
Les myélomes localisés sont une bonne indication de radiothérapie.
2 - Stade II et stade III :
En première ligne de traitement : Le traitement standard actuel, pour les malades jusque là
non traités et âgés de moins de 65 ans, combine une induction par mono ou
polychimiothérapie, suivie de chimiothérapie intensive, avec ou sans radiothérapie, et d’une
autogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Chez les sujets plus âgés, la
chimiothérapie ou la Thalidomide (avec ou sans Dexamethasone) sont proposées.
En deuxième ligne de traitement, sont proposés la Thalidomide , le Velcade avec ou sans
Dexamethasone.
Les traitements des manifestations secondaires à la plasmocytose tumorale :
¾ Le traitement de l’atteinte osseuse repose sur un traitement spécifique et un traitement
des douleurs osseuses. Des essais de traitement par les biphosphonates ont été proposés
compte tenu de leurs effets inhibants sur l’action des ostéoclastes et ainsi sur la résorption
osseuse. De plus, les biphosphonates pourraient interférer avec le développement des
plasmocytes malins.
¾ L’hypercalcémie est traitée par chimiothérapie et le traitement de l’hypercalcémie
proprement dit, qui repose d’abord sur la réhydratation par solutés salés, avec
hyperdiurèse, corticothérapie et biphosphonates.
C - DIRECTIONS FUTURES :
L'intensification thérapeutique, suivie de greffe de CSH a fait ses preuves dans cette
maladie. De nouvelles approches thérapeutiques sont à considérées :
¾ La double autogreffe après réduction de la masse tumorale (avec une chimiothérapie
conventionnelle de type 3 cures de VAD) ou bien l'association autogreffe suivi de miniallogreffe chez les patients présentant une maladie agressive semblent encourageants
avec une toxicité réduite.
¾ L'immunothérapie existe également dans cette pathologie avec, par exemple,
vaccination anti-tumorale utilisant l'administration de CD (cellules dendritiques) autologues
- 145 -
2005
pulsées ou chargées avec une Ig (immunoglobuline monoclonale tumorale) chez les
patients présentant une maladie résiduelle détectable.
POUR APPROFONDIR
1. Facon T. Myélome multiple. Revue du Praticien 52:63-68, 2002.
2. Facon T . Myélome multiple : espoirs thérapeutiques. Revue du Praticien Médecine
Générale 17:609, 2003.
3. Facon T, Yakoub Agha I, Leleu X. Myélome multiple. EMC d’hématologie 13014E-10,
2003.
- 146 -
2005
PURPURA
RESUME DES POINTS FORTS
-
Hémorragies capillaires qui ne s’effacent pas à la vitro-pression
Importance de la clinique : description et extension du syndrome hémorragique
Importance de l’exploration biologique :
- Thrombopénique périphérique ou centrale
- Non thrombopénique = thrombopathies / purpuras vasculaires
AUTEUR : Professeur Mauricette Michallet – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
Le purpura est une hémorragie capillaire, cutanée et muqueuse, qui apparait spontanément
ou à la suite d’un traumatisme minime.
I - DIAGNOSTIC POSITIF
A - L'INTERROGATOIRE S'ATTACHERA À DÉTERMINER :
¾ L'ancienneté des troubles par la recherche d'un syndrome hémorragique minime dans
les antécédents : gingivorragies, saignements prolongés, ménométrorragies, parfois
retrouvés chez d'autres membres de la famille.
¾ L'existence d'un facteur déclenchant ou favorisant : prise médicamenteuse surtout, mais
aussi épisode infectieux récent, contexte obstétrical, intervention chirurgicale, maladie
auto-immune connue.
B - LE DIAGNOSTIC POSITIF DE PURPURA EST CLINIQUE :
Le purpura est constitué de taches rouges qui ne s'effacent ni à la vitro-pression, ni à la
traction des téguments. On distingue suivant la forme des lésions :
¾ Les pétéchies : petites macules rouges nombreuses, de taille punctiforme à lenticulaire
siégeant préférentiellement dans les zones déclives (membres inférieurs, région lombaire
chez un malade alité) ou de surpression (visage, thorax après l'effort, avant-bras après
pose d'un garrot) ; ils peuvent aussi siéger dans la bouche,
¾ Les ecchymoses : de plus grande taille, de couleur bleue ou violette, évocatrices
lorsqu'elles sont multiples. Leur couleur évolue suivant les teintes de la biligénie locale.
¾ Les vibices : aspect linéaire pris par les extravasations au niveau des plis.
Le caractère extensif du purpura cutané, l'existence de bulles hémorragiques endo-buccales,
ou d'hémorragies au fond d'oeil constituent des signes cliniques de gravité. Le fond d'oeil
doit donc être systématique devant un purpura.
- 147 -
2005
C - L'EXAMEN CLINIQUE, COMPLET, RECHERCHE SURTOUT :
¾ Une splénomégalie
¾ Des adénopathies
¾ Des signes d'hépatopathie : hépatomégalie, angiomes stellaires, signes d'hypertension
portale
¾ Un état infectieux.
D - EXPLORATIONS BIOLOGIQUES :
1 - Le purpura thrombopénique : (cf. question sur thrombopénie)
2 – Les purpuras non thrombopéniques :
¾ Purpura d’origine plasmatique ou plaquettaire :
- Anomalies plasmatiques :
Æ Maladie de Willebrand avec temps de saignement allongé, TCa allongé, baisse
modérée du facteur VIIIc et baisse du facteur Willebrand, mesuré par méthode
antigénique vWFAg et par son activité cofacteur de la Ristocétine vWFRCo
Æ Hypo ou afibrinogénémie, voire dysfibrinogénémie.
- Anomalies plaquettaires constitutionnelles : Thrombopathies congénitales. Leur
diagnostic nécessite une étude des fonctions plaquettaires in vitro : test d'agrégométrie.
Æ Maladie de Glanzman, appelée aussi thrombasthénie, affection héréditaire
autosomique récessive, avec caillot irrétractable, absence d'agrégation plaquettaire in
vitro, quel que soit l'agoniste employé.
Æ Dystrophie thrombocytaire hémorragipare appelée aussi maladie de BernardSoulier, elle aussi héréditaire avec dysmorphie plaquettaire (plaquettes géantes) et
absence d'agrégation in vitro en présence de Ristocétine.
Æ Maladie du Pool vide : absence de granules denses, anomalie de libération de l'ADP
- Anomalies plaquettaires acquises : thrombopathies acquises. D'origine
médicamenteuse surtout : Aspirine, anti-inflammatoires, antibiotiques, mais aussi lors
des hémopathies : LMC, et autres syndromes myéloprolifératifs, dysglobulinémies,
insuffisances rénales.
¾ Purpuras Vasculaires : Ils ont parfois quelques caractéristiques cliniques qui permettent de
les suspecter, mais leur diagnostic est suspecté sur l'association d'un purpura cutané à un
bilan d'hémostase tout à fait normal. On distingue là :
- 148 -
2005
- Le purpura rhumatoïde : Il est souvent caractéristique cliniquement, associant en
général chez un enfant : un purpura des membres inférieurs sans ecchymose, évoluant
par poussées, favorisées par l'orthostatisme, fréquemment des arthralgies, des douleurs
abdominales voire des signes d'atteinte rénale (protéinurie, hématurie).
- Les purpuras vasculaires avec anomalies des immunoglobulines : Ils sont associés à
une hvperglobulinémie polyclonale, parfois à une cryoglobuline.
- Les purpuras infectieux : De nombreuses infections peuvent s'accompagner d'un
purpura vasculaire, en particulier les infections à méningocoques, dont la forme majeure
est le purpura fulminans, la maladie d'Osler, les septicémies gram + et gram -, les
viroses.
- Les purpuras immuno-allergiques : L'histologie montre une angéite, leucocytoclasique.
Ils peuvent être dus à des médicaments : sulfamide, pénicilline par exemple
- Les purpuras dits dermatologiques : Purpura sénile, dermite ocre, maladies du tissu
conjonctif, corticothérapie, fragilité capillaire constitutionnelle.
II – DIAGNOSTIC DIFFENTIEL
Les caractères de ces lésions : spontanées, multiples, persistant à la vitro-pression et
évolutives permettent facilement d'éliminer : les érythèmes vasomoteurs, les taches rubis,
les télangiectasies, les angiomes, ainsi que les ecchymoses post-traumatiques.
III - EVOLUTION ET TRAITEMENT
Dépendent de l’étiologie :
¾ Purpura thrombopénique : cf. question sur thrombopénie.
¾ Purpura non thrombopénique : l’évolution et le traitement sont corrélés à l’étiologie en
sachant que le traitement des purpuras vasculaires reste pauvre et décevant.
POUR APPROFONDIR
1. George JN, Woolf SH, Warier I. Idiopathic thrombocytopenic purpura : a practice guideline
developed by explicit methods for the American Society of Hematology. Blood 88(1):3-40,
1996.
2. Renuzzi G, Ruggeresti P. The hemolytic-uremic syndrome. Kidney Int 48 :2-19, 1995.
- 149 -
2005
SYNDROME MONONUCLEOSIQUE
RESUME DES POINTS FORTS
L’orientation du bilan diagnostique se fait selon les circonstances de découverte.
Quelques données sont importantes pour conduire raisonnablement l’inventaire des
moyens nécessaires au diagnostic et ne pas lancer au hasard des demandes
d'examens qui seraient tout à fait inutiles.
* Dans certains contextes de pathologie infectieuse, viroses bénignes, maladies
éruptives infantiles, une réaction immunologique avec expression hématologique à
type de syndrome MNI est habituelle. Il faut donc y penser et se passer de bilan
sérologique si le diagnostic clinique est évident.
* Chez l’adulte devant un tableau avec adénopathies, sans orientation particulière, le
bilan sérologique comportera EBV, toxoplasmose, CMV.
* Chez l’adolescent et l’adulte jeune, un syndrome MNI avec adénopathies fait
rechercher avant tout la MNI vraie, et si le contexte s'y prête, la primo-infection VIH
en l’orientant sur l’antigène p24 mais pas sur la sérologie non encore concernée à
cette étape de la maladie.
* Chez les greffés, les déficits immunitaires, en particulier VIH +, les opérés récents
avec consommation transfusionnelle, il faut penser d'abord au CMV.
Les priorités du bilan pourront s'organiser en fonction de la scène clinique elle-même.
- Si le tableau est bruyant, avec angine, fièvre, signes généraux parfois inquiétants, il
faut penser à la mononucléose infectieuse, qui est une pathologie bénigne, dont la
guérison est spontanée, laissant une très bonne immunité.
- Devant des adénopathies isolées, surtout à localisation cervicale postérieure,
chercher d’abord une toxoplasmose ;
- Chez la femme enceinte, il faut savoir penser au risque majeur de la toxoplasmose
pour les mères séronégatives et ne jamais négliger des adénopathies, même
apparemment banales, ni une réaction sanguine MNI minime et vérifier en urgence les
sérologies toxoplasmiques et CMV.
AUTEUR : Docteur Danielle Treille Ritouet – Laboratoire de Cytologie – Hôpital
Edouard Herriot
La définition des syndromes mononucléosiques est une donnée cytologique. Elle correspond
à la présence dans le sang périphérique de lymphocytes transformés hyperbasophiles, avec
tous les aspects intermédiaires entre le lymphocyte banal et l'immunoblaste, comparables à
ce qu'on peut voir dans les tests in vitro de "transformation lymphoblastique", et s'inscrivant
donc dans un contexte lymphocytaire, par définition, très polymorphe.
- 150 -
2005
I - DIAGNOSTIC CYTOLOGIQUE
L’HEMOGRAMME, base du diagnostic :
C'est l'examen de la lame de sang pour l'établissement de la formule leucocytaire qui met en
évidence une population lymphocytaire particulière dont le caractère activé se traduit par
l'accentuation de la basophilie cytoplasmique liée à une synthèse d'ARN, une grande taille
cellulaire, une faible condensation chromatinienne, pouvant aller jusqu'à de très grands
immunoblastes fortement nucléolés et s'associer aussi à des éléments plasmocytaires. La
lymphocytose est très hétérogène avec tous les intermédiaires entre les lymphocytes
d'aspect banal et les immunoblastes, l'hétérogénéité portant sur la taille, la structure et la
forme du noyau, alors que les éléments restent apparentés par la forte basophilie
cytoplasmique particulièrement visible avec une coloration adaptée. L’étude
immunophénotypique montre que ces cellules sont pour la plupart des cellules T, avec une
prédominance de CD8, mais avec une participation de lymphocytes B dont peuvent
témoigner les éléments plasmocytaires lorsqu'ils existent.
On observe : - Une hyperleucocytose (10 à 20 G/l)
- Une hyperlymphocytose (5 à 15 G/l)
- Pas d’anémie ni thrombopénie
- Pas de neutropénie
sauf dans de rares cas de MNI
Il faut bien identifier ce tableau caractéristique et le différencier des :
¾Pathologies lymphoprolifératives où l’infiltration lymphoïde est très homogène,
monomorphe. Seuls les lymphomes malins lymphoplasmocytaires riches en blastes
(immunocytomes polymorphes) peuvent avoir une dissémination sanguine hétérogène
susceptible de poser un réel problème diagnostique, mais ils sont rares.
¾Monocytoses vraies à composante immature
¾Leucémies aiguës : c'est une grave erreur diagnostique qui peut être faite devant un
syndrome mononucléosique cliniquement et hématologiquement sévère pris à tort pour une
leucémie aiguë. Elle doit être évitée par une observation attentive au laboratoire.
L'absence de signes d'insuffisance médullaire (anémie/neutropénie/thrombopénie) doit aussi
mettre en garde contre ce diagnostic erroné.
Le laboratoire saura réaliser ce diagnostic différentiel sur les critères cytologiques, et le
résultat sera exprimé en % de lymphocytes « stimulés » ou « activés » ou « transformés ».
En cas de difficulté d’interprétation cytologique (forte lymphocytose à lymphocytes très
activés) le diagnostic différentiel pourra être complété par un phénotype immunologique qui
mettra en évidence la nature T de ces lymphocytes, avec augmentation des T8.
Examens complémentaires hématocytologiques
¾ Myélogramme : il n'a pas d'indication réelle dans le bilan diagnostique mais il est
quelquefois pratiqué dans les formes cliniques inquiétantes faisant redouter une leucémie
aiguë et dans les rares formes avec thrombopénie et/ou anémie. Il peut montrer une
participation importante de grandes cellules lymphoïdes activées, à ne pas confondre avec
des blastes de leucémie aiguë, parfois même une très forte plasmocytose, alors que
l'hématopoièse reste bien représentée et de bonne qualité dans les 3 lignées myéloïdes.
¾ Adénogramme : il peut aider au diagnostic des formes ganglionnaires en montrant des
signes d'adénite inflammatoire dont l'expression est variable selon l'étiologie, ce qui peut
aider à cadrer le bilan.
- 151 -
2005
II - DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
La présence d'un syndrome mononucléosique traduit l'existence d'une réaction immunitaire
dont l’antigène stimulant est le plus souvent viral mais peut être tout autre, ce qui explique la
très grande diversité des étiologies parmi lesquelles s'isolent quelques tableaux plus
caractéristiques qu’il faut savoir identifier, l’enquête initiale pouvant souvent s'orienter en
fonction des circonstances de découverte.
DOSSIER :
Un garçon de 11 ans est vu en consultation avec fièvre (entre 38 et 39°C), angine,
polyadénopathies douloureuses. Splénomégalie.
L’hémogramme montre :
Globules blancs
Globules rouges
Hémoglobine
VGM
Hématocrite
HCM
CCHM
Plaquettes
14.5 G/l
4.33 T/l
128 g/l
87.3 fl
37.8 %
29.5 pg
338 g/l
203 G/l
Formule leucocytaire
Polynucléaires neutrophiles
44
Lymphocytes
46
Monocytes
4
Lymphoplasmocytes
4
Plasmocytes
2
La plupart des lymphocytes sont activés (cf photos).
Devant ce tableau, des sérologies virales sont demandées.
La positivité des IgM anti VCA traduit une infection récente par le virus EBV et conduit donc
au diagnostic de mononucléose infectieuse.
Lymphocytose polymorphe
Présence de nombreux lymphocytes
« activés »
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A - LA MONONUCLEOSE INFECTIEUSE (MNI) :
Elle représente la forme la plus typique des syndromes mononucléosiques, correspondant à
l'expression clinique d'une phase de primo-infection par le virus d'Epstein-Barr (EBV).
L'infection par le virus est très fréquente (50 à 80% des sujets de plus de 15 ans ont des
anticorps EBV) mais le plus souvent inapparente ne se traduisant que par la séroconversion.
La mononucléose infectieuse "maladie" est donc une manifestation rare et inhabituelle d'une
primo-infection plus tardive, que l’on voit plutôt dans les pays à développement socioéconomique élevé, chez l’adulte jeune, accompagnée de manifestations cliniques.
1 - Manifestations cliniques :
¾ MNI typique :
Asthénie +++, fièvre à 38°C, puis angine (érythémateuse) avec œdème de la luette,
pétéchies du voile du palais
Adénopathies, splénomégalie (50%)
Guérison spontanée en 3-4 semaines
¾ Autres formes cliniques :
Angine pseudomembraneuse
Rupture de rate (rare)
Atteintes hématologiques : anémie hémolytique à Coombs +, purpura
thrombopénique
Atteintes neurologiques : encéphalite, polyradiculonévrite, syndrome cérébelleux,
paralysie faciale, méningite lymphocytaire
Myocardite, pleurésie …
2 – Physiopathologie :
¾ Le virus EBV :
Virus de la famille des Herpes viridae
Transmission salivaire (= maladie du baiser) + transfusions sanguines (rare)
Primo-infection inapparente le plus souvent
Infecte les cellules épithéliales de l’oropharynx
Latence dans les Lymphocytes B
Responsable de la MNI, il est aussi impliqué dans certains lymphomes
Le virus se fixe sur le récepteur EBV-spécifique des lymphocytes B au niveau de
l'amygdale. Cette infection lymphocytaire suivie d'une endocytose virale entraîne
l’activation directe de ces cellules B. Dans une deuxième phase, les cellules T
réagissent contre les cellules B infectées par le virus. Cette réaction immunitaire se
traduit dans le sang périphérique par la présence des cellules "activées" qui sont
presque toutes T (moins de 5% de cellules B). Elle entraîne une immunité spécifique
contre l’EBV, à la fois humorale/anticorps et cellulaire dont le rôle est certainement
très important puisque l’on peut observer des mononucléoses d'évolution sévère
chez des sujets atteints de déficit immunitaire concernant la synthèse des anticorps
ou les fonctions des cellules T.
3 - Circonstances de découverte :
C'est une maladie de l'adolescent et de l'adulte jeune (pic de fréquence entre 15 et 20 ans),
très rare après 40 ans et avant 4 ans. Des cas exceptionnels de MNI peuvent se voir
cependant chez le sujet âgé ou chez de très jeunes enfants avec une présentation clinique
comparable à celle des adolescents. La forme classique est très évocatrice associant
angine, polyadénopathies et petite splénomégalie dans un contexte fébrile avec asthénie,
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l'ensemble étant parfois très impressionnant. Plus rarement, la présentation peut se faire
sous des formes cliniques particulières, hépatite cytolytique, atteinte neurologique ou
cardiaque, ou se compliquer d'une pathologie auto-immune responsable alors des rares
anémies ou thrombopénies associées.
4 - Aspects hématologiques :
¾ L'hémogramme est le plus souvent très caractéristique avec un syndrome
mononucléosique très évident, hyperleucocytaire (10 à 20 G/L - exceptionnellement > 50
G/L). La lymphocytose concerne 60 à 80% des éléments de la formule, comportant de
nombreuses cellules hyperbasophiles parfois de grande taille et quelques éléments
plasmocytaires. Il n'y a pas de vraie neutropénie, pas d'anémie ni thrombopénie sauf dans
les rares formes avec autoanticorps. Ces cytopénies, quand elles existent, sont transitoires
mais peuvent soulever le problème diagnostique d'une leucémie aiguë
¾ L'adénogramme est peu pratiqué, les adénopathies n'ayant pas de caractère clinique
tumoral même si elles sont assez disséminées. Il correspond à une adénite inflammatoire, le
plus souvent à type d'hyperplasie immunoblastique, rarement de type folliculaire.
¾ Le myélogramme est quelquefois réalisé dans les formes cliniques inquiétantes ou les
erreurs d'interprétation de l'hémogramme évoquant une leucémie aiguë. L'hématopoièse
myéloïde est normale, même en cas de cytopénie, mais il y a le plus souvent une importante
participation de grandes cellules lymphoïdes activées, souvent associées à des précurseurs
monocytaires eux aussi très basophiles ce qui, pour un observateur non expérimenté,
aggrave les difficultés du diagnostic différentiel avec les leucémies aiguës. Parfois il s'agit
d'une forte plasmocytose qui doit bien être identifiée comme non tumorale.
5 - Le diagnostic positif repose sur l'identification sérologique :
¾ Les anticorps hétérophiles sont des agglutinines IgM antiérythrocytaires (GR de boeuf,
cheval ou mouton) présentes dans le sérum des malades atteints de MNI, sauf chez le jeune
enfant où elles sont rarement retrouvées
GR hétérologues +
Tests d’agglutination
IgM
Deux tests peuvent être utilisés pour les mettre en évidence:
MNI-test = agglutination sur lame d'hématies de cheval par le plasma du malade
Sensibilité : 98 % mais négativation rapide
Faux positifs :10 %
Réaction de Paul-Bunnell-Davidsohn (RPBD)
=agglutination en tube de GR de mouton par le sérum du malade
Sensibilité : 80 à 90 %
Plus spécifique de la MNI
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MNI TEST
Les malades atteints de MNI possèdent dans leur sérum des anticorps
hétérophiles réagissant sur des globules rouges de différentes espèces. Ces
anticorps hétérophiles peuvent également se trouver chez des sujets normaux
et chez des personnes ayant reçu des injections de sérum de cheval. Un test
différentiel permet de distinguer les anticorps associés à la MNI des autres
anticorps hétérophiles. Des tests rapides d’agglutination sur lames (dépistage
et absorption différentielle) sont une aide au diagnostic de la mononucléose
infectieuse.
Principe :
Le test est constitué d’hématies de cheval, d’hématies de bœuf, et de cellules
de rein de cobaye (contenant des antigènes Forssman).
Le test de dépistage (Hoff et Bauer) permet la recherche d’une agglutination
des hématies de cheval par les anticorps hétérophiles associés à la MNI mais
aussi par les anticorps de type Forssman non spécifiques).
En cas de positivité du test de dépistage, le test d’absorption différentiel de
Davidsohn permet de distinguer les anticorps associés à la MNI, les anticorps
de type Forssman non spécifique.
Absorption des anticorps de type Forssman par l’antigène rein de cobaye
Absorption des anticorps associés à la mononucléose par l’antigène de bœuf
Limite du test :
La détection des anticorps hétérophiles est négative dans 20 à 30 % des
primo-infections à EBV, ce pourcentage augmentant lors d’infection survenant
avant 5 ans ou après 40 ans.
Un résultat négatif n’exclut pas une infection à EBV. Les anticorps spécifiques
anti EBV doivent alors être recherchés.
¾ Sérologie EBV, la seule qui soit réellement spécifique. Elle signe la phase aiguë de la
primo-infection EBV, donc la réalité d'une MNI, quand elle associe un taux élevé (> 1/160)
d'anticorps IgM anti-VCA (viral capsid antigen), une élévation dans 70% des cas des
anticorps anti-EA (early antigen) et l'absence d'anticorps anti-EBNA (Epstein-Barr nuclear
antigen). L'apparition de ces anticorps est très précoce, dès les premiers signes de la
maladie. Dans l'évolution, les anticorps anti-VCA diminuent rapidement pour se stabiliser à
un taux faible qui persiste comme stigmate de cette primo-infection, les IgG prenant le relais
des IgM. Les anticorps anti-EA restent à un taux faible ou disparaissent et les anti-EBNA
apparaissent très progressivement (plusieurs semaines ou plusieurs mois), car ils
témoignent de l'efficacité d'une immunité cellulaire dirigée contre les lymphocytes B infectés
par le virus. Ce n'est, en effet, qu'après la destruction de ces cellules par les lymphocytes T
activés que l'antigène nucléaire devient accessible à la réponse humorale. Le taux stabilisé
de ces anticorps EBNA permet de signer l'ancienneté de l'infection.
En pratique diagnostique, ce sont des techniques d'immunofluorescence indirecte (IFI) ou
des tests Elisa (EIA) qui sont utilisés pour les mettre en évidence.
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Primo-infection à EBV =
• IgM-anti-VCA
• et absence d’anticorps
*
anti-EBNA
¾ Apport de la PCR pour la recherche du virus dans le diagnostic d’une infection à EBV :
Inutile normalement pour le diagnostic de MNI, mais utilisé à l’hôpital pour le suivi de patients
présentant un risque élevé de maladies tumorales induites par l'EBV (greffés…)
¾ D’autres manifestations immunologiques peuvent se voir au cours d'une MNI :
- Auto-anticorps érythrocytaires rarement responsables d'une hémolyse
- Auto-anticorps plaquettaires pouvant entraîner une thrombopénie
- Très rarement neutropénie auto-immune
- Autres auto-anticorps (antinucléaires, anti-muscle lisse, positivité du test au latex ou
de la réaction de Waaler-Rose)
6 - Evolution et traitement :
C'est une maladie bénigne dont les manifestations aiguës (angine, fièvre et localisations
cliniques particulières) disparaissent rapidement, mais l'asthénie est parfois très durable.
Dans quelques cas, l'évolution peut se prolonger, réalisant les rares formes chroniques de la
maladie qui se voient plutôt chez des sujets plus âgés que la moyenne des cas habituels. La
guérison est spontanée correspondant à une immunité de très bonne qualité.
Quelques complications peuvent se voir dont les classiques ruptures spontanées d'une rate
inflammatoire ou les atteintes viscérales diverses, responsables parfois d'une gravité
particulière, neuroméningée, encéphalique parfois mortelle, hépatique, myocardique mais
aussi pulmonaire, oculaire, digestive ou rénale.
Quelques cas, très rares, considérés comme des mononucléoses infectieuses malignes
avec une évolution d'emblée mortelle, posent des problèmes diagnostiques avec des
lymphomes malins à cellules T périphériques et correspondent probablement à un état
immunitaire préalablement déficitaire.
Les formes courantes de la maladie ne doivent pas être traitées (se méfier en particulier des
ampicillines : rash cutané). La corticothérapie peut être prescrite dans les formes bruyantes
ou compliquées dont elle raccourcit l'évolution avec un effet rapide sur les signes cliniques et
un impact bénéfique sur l'asthénie. Les médicaments antiviraux ne sont indiqués que chez
les sujets porteurs d'un déficit immunitaire.
B - INFECTION A CYTOMEGALOVIRUS (CMV) :
Il s'agit d'un virus du groupe Herpes dont la primo-infection est le plus souvent inapparente
avec une séroconversion qui concerne environ 60% des sujets de plus de 20 ans en France.
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Le virus persiste ensuite dans l’organisme, une réactivation pouvant se voir s'il y a un
affaiblissement des défenses immunitaires. La contamination est toujours interhumaine, le
virus étant présent dans la salive, les secrétions cervicovaginales et le sperme (maladie
sexuellement transmissible, ce mode d’infection expliquant les pics d'anticorps entre 15 et 39
ans et la fréquence des contaminations en cas de partenaires multiples), les urines et le
sang des sujets infectés. Des contaminations néo-natales sont possibles si la mère est
infectée, mais il peut y avoir aussi des transmissions transplacentaires in utero.
Le profil de la maladie est très différent selon qu'il s'agit de l’atteinte d'un adulte sain, d'une
forme néonatale ou des formes fréquentes et sévères de la maladie chez les sujets
immunodéprimés.
1 - Contexte de découverte :
¾ Infections à CMV chez le sujet sain : L'infection à CMV représente le groupe le plus
fréquent des syndromes mononucléosiques à Paul-Bunnell-Davidsohn négatif (40%) et 70%
des syndromes MNI post-transfusionnels. La contamination virale peut se faire par
transmission sexuelle ou transfusionnelle, le risque d'être infecté étant alors plus grand s'il
s'agit de transfusions massives, en particulier chirurgicales, et de sang complet non
déleucocyté Les formes "spontanées" survenant chez l’adolescent et le jeune adulte ont la
même symptomatologie que les formes post-transfusionnelles.
En général inapparente, la primo-infection peut se présenter comme un syndrome
mononucléosique fébrile (fièvre élevée et le plus souvent prolongée au delà de 15 jours)
avec diverses manifestations plus ou moins associées: myalgies, pharyngite, éruption,
adénopathies cervicales ou axillaires, splénomégalie et hépatite cytolytique presque toujours
retrouvée mais le plus souvent discrète sans ictère. Les autres atteintes sont très rares,
neurologiques (dont des syndromes de Guillain-Barré), pulmonaires ou oculaires.
A l'hémogramme les lymphocytes hyperbasophiles signent le conflit immunologique, le plus
souvent sans hyperleucocytose, avec une neutropénie parfois limite. Une thrombopénie ou
une anémie par auto-anticorps peuvent se voir mais sont exceptionnellement sévères.
L'évolution est spontanément bénigne, sans indication de traitement dans les formes
simples.
Autres modes d’infection à CMV, ne donnant pas de façon caractéristique un syndrome
mononucléosique :
¾ Infection congénitale : Elle réalise dans sa forme grave la classique maladie des inclusions
cytomégaliques, ce contexte particulier ne concernant pas vraiment le "diagnostic d'un
syndrome mononucléosique" constaté sur un hémogramme de première intention ...
Deux modes d'infection doivent être distingués :
- La contamination in utero, fréquente, est prouvée par l’existence d'une excrétion
virale chez 0.3 à 2% des nouveaux-nés, l’infection maternelle étant elle-même évaluée
à 1% des femmes enceintes. Les manifestations cliniques sont très diverses, allant des
formes gravissimes septicémiques ou encéphaliques, aux formes frustres et même, le
plus souvent, totalement asymptomatiques.
- La contamination péri ou post-natale est encore plus fréquente et concerne 3 à 10%
des naissances. Les symptômes en sont similaires à ceux des primo-infections des
sujets sains mais il faut connaître la gravité particulière de l’atteinte du prématuré qui
peut même être mortelle, surtout si la réanimation a nécessité une transfusion
aggravant la contamination.
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L'utilisation des transfusions à partir de donneurs séronégatifs est impérative car elle
constitue le seul moyen préventif de ces formes aggravées.
¾ Infection des sujets immunodéprimés : Qu'il s'agisse d'une primo-infection ou d’une
réactivation endogène (ou exogène par une transfusion contaminée ou un nouveau contage
infectant), les patients transplantés (greffes rénales ou cardiaques mais surtout médullaires)
sont particulièrement touchés par l’infection à CMV. La manifestation la plus grave en est la
pneumopathie interstitielle, mortelle dans 50 à 85% des cas, surtout fréquente dans les
allogreffes de moelle osseuse avec un risque aggravé en cas de GVH caractérisée. Le rôle
du CMV dans la pathologie pulmonaire associée au SIDA est moins évident sauf en tant que
facteur aggravant des pneumocystoses, mais ce sont les localisations digestives et oculaires
du CMV qui sont particulièrement redoutables dans cette pathologie.
Même si l’attention est surtout ciblée sur les formes graves, l’infection à CMV - qu'il s'agisse
d'une primo-infection ou d’une réactivation - peut aussi être inapparente ou correspondre à
une forme banale comparable à celle des sujets sains. La présentation clinique est
superposable, dominée par une hyperthermie prolongée, mais l’expression hématologique
est plutôt leucopénique, souvent sans syndrome mononucléosique évident, l’absence de
réactivité lymphoïde caractérisée s'expliquant par l’état dépressif du système immunitaire.
2 - Diagnostic virologique des infections à CMV :
Il se fait par deux approches complémentaires :
¾ Le sérodiagnostic, recherchant la présence d'anticorps IgM qui signent une infection
active, est suffisant pour le diagnostic des primo-infections chez le sujet sain connu jusque là
comme séronégatif, mais de tels anticorps IgM peuvent accompagner aussi une réponse de
type secondaire correspondant à une pathologie de réactivation ou réinfection. Pour
l’interprétation des résultats il faut aussi connaître l’existence possible de faux positifs en cas
de présence de facteur rhumatoïde. La recherche peut se faire par la réaction de fixation du
complément, l’immunofluorescence indirecte et les méthodes immunoenzymatiques type
Elisa.
L'évaluation d'anticorps IgG résiduels est importante, elle aussi, en particulier dans les bilans
pré-greffes, pour mesurer les risques d'une possible réactivation si le sujet est séropositif.
La nomenclature prévoit l’obligation de rechercher IgG + IgM.
Cas particulier : en cas de PMA, on stoppe toute stimulation et FIV tant qu’il y a des IgM.
¾ La mise en évidence du virus peut être effectuée chez le nouveau-né et le sujet
immunodéprimé à partir de prélèvements divers.
Un diagnostic direct est aussi possible en recherchant la présence d'antigènes viraux
dans le noyau des cellules infectées, à l’aide d'anticorps monoclonaux ou par la mise
en évidence du génome viral par les méthodes de biologie moléculaire dont
l’hybridation in situ.
La détection de l’ADN du CMV dans le LCR par PCR est utilisée pour le diagnostic
des encéphalites ou des polyradiculonévrites chez les sujets immunodéprimés.
Ces méthodes sont peu utilisées en diagnostic courant.
C - TOXOPLASMOSE ACQUISE :
Due à un protozoaire, Toxoplasma Gondii, c'est une affection très répandue dont témoignent
60 à 90% de sérologies résiduelles positives chez le sujet adulte. La contamination est due
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essentiellement aux chats, hôtes privilégiés du parasite, mais peut être liée aussi à
l’ingestion de viandes mal cuites. Elle est le plus souvent inapparente se traduisant
seulement par une séroconversion.
La maladie peut avoir une expression hématologique à type de syndrome mononucléosique
plus ou moins discret, mais se traduit surtout par des adénopathies souvent chroniques,
justifiant parfois une consultation spécialisée. Il est important de savoir détecter les formes
invasives ou évolutives en raison du risque grave que représente la contamination chez la
femme enceinte, le passage transplacentaire du parasite pouvant entraîner des foetopathies
sévères, en particulier neurologiques.
1 - Circonstances de découverte :
¾ Chez l'individu sain, l’infection aiguë est rarement patente. Elle survient 1 à 2 semaines
après le contage. Les signes en sont discrets, passant le plus souvent inaperçus : fébricule,
myalgies et douleurs articulaires, exceptionnellement localisations hépatospléniques,
oculaires ou neurologiques. Les adénopathies sont le signe le plus net, cervicales surtout,
volontiers postérieures, rétromastoïdiennes ou trapéziennes. Ces adénopathies persistent et
c'est généralement leur chronicité qui inquiète et entraîne la consultation.
¾ Les toxoplasmoses congénitales sont responsables de lésions neurologiques, oculaires en
particulier. Elles représentent un des risques majeurs de la maladie qu'il faut prévenir par
une surveillance clinique et sérologique attentive des femmes enceintes à sérologie négative
au début de la grossesse.
¾ Les sujets immunodéprimés (greffés sous traitement immunosuppresseur et surtout
infection VIH) représentent un autre domaine de gravité, avec des formes très sévères de
toxoplasmose, en particulier neurologiques, débordant en fait le secteur d'intérêt
hématologique.
2 - Bilan hématologique :
¾ L'hémogramme est parfois perturbé lors de la phase aiguë invasive, mais cela ne
concerne que les leucocytes et se résume souvent à une formule inversée avec présence de
lymphocytes activés en quantité variable, sans hyperleucocytose.
¾ L'exploration des adénopathies est plus informative : bien qu'elle n'ait pas de réelle
indication, la biopsie est parfois pratiquée et montre des lésions d'hyperplasie folliculaire non
spécifique. L'adénogramme par cytoponction est suffisant, souvent très caractéristique
lorsqu'il associe une nette hyperplasie folliculaire, avec activation centroblastique centrée par
de nombreuses cellules dendritiques, quelques immunoblastes, rares mais parfois très
grands, la présence de quelques cellules épithélioïdes et de polynucléaires éosinophiles,
très rares mais toujours retrouvés. L'adénite toxoplasmique réalise le tableau cytologique le
plus typique et le plus fréquent d'hyperplasie folliculaire exploré en laboratoire spécialisé
d'hématologie.
3 - Diagnostic sérologique :
C'est la mise en évidence d'un taux élevé d'anticorps antitoxoplasme, associant des IgM à
un taux élevé d'IgG (ou une ascension du titre d'IgG sur 2 prélèvements successifs espacés
de 3 semaines) qui permet le diagnostic formel d'une toxoplasmose récente, évolutive. En
l’absence d'IgM il n'est pas possible de distinguer une immunité récente d'une réactivation
sérologique s'il n'y avait pas d'analyse antérieure servant de repère, d'où l’intérêt de
contrôles sérologiques systématiques.
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Ces anticorps sont recherchés par méthode ELISA (sur automates) et leur titre est exprimé
en unités internationales. Au cours de l'évolution, les IgM disparaissent dans un délai de 3 à
6 mois et les IgG se stabilisent après 2 à 3 mois en un plateau qui persiste 6 à 12 mois, puis
régressent à un taux faible mais qui persiste définitivement, témoignant ainsi de l’antériorité
de la maladie et d’une immunité acquise de bonne qualité.
Mais parfois les IgM peuvent persister beaucoup plus longtemps. On devra alors utiliser le
test d’avidité pour les IgG. Si l’indice d’avidité est bas, ce sera en faveur d’une infection
actuelle.
Test pour les IgG spécifiques anti-toxoplasma
IgG négatives : Pas d’infection
IgG positives : statut postinfection
A refaire après 2 semaines si on suspecte une
infection actuelle
Chercher la présence d’IgM dans le sérum pour dater l’infection
IgG positives. IgM négatives :
Infection de plus d’une année
IgG positives, IgM négatives :
Infection datant de moins de 2 ans ou
réaction aspécifiques des IgM.
Faire un test d’avidité pour les IgG
Indice d’avidité élevé :
Infection de plus de 12 semaines
Indice d’avidité bas :
Infection actuelle possible
Demander un deuxième prélèvement après 3 semaines et
tester en parallèle les deux échantillons
4 – Evolution :
Elle est le plus souvent très bénigne et bien supportée dès qu'est levée l’inquiétude que
soulevaient les adénopathies. Un traitement spécifique n’est pas nécessaire chez le sujet
immunocompétent. Pendant la grossesse, le risque majeur en cas de contamination foetale
impose un traitement prolongé avec une surveillance sérologique rapprochée.
Le traitement antibiotique comprend :
¾ Spiramycine (Rovamycine®), bien supporté mais qui ne pénètre pas le LCR :
• En cas de toxoplasmose subaiguë (traitement de1 mois)
• En cas de séroconversion d'une femme enceinte
• Traitement post-natal du nouveau-né si sérodiagnostic négatif pour les IgM.
• Inconvénient : risque de perturbation de l’évolution sérologique.
¾ Association de: Pyriméthamine (Malocide®). Déconseillé en début de grossesse, entraîne
une carence en acide folique et une anémie
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Chez les sujets immunodéprimés, en particulier dans le cadre du SIDA, la maladie est très
sévère correspondant à des formes d’emblée disséminées avec en particulier des atteintes
neurologiques gravissimes, échappant bien souvent au traitement.
D - INFECTION VIH ET SYNDROME MONONUCLEOSIQUE :
C'est la phase de multiplication virale suivant la primo-infection qui se traduit par un
syndrome mononucléosique de présentation très classique, mais passé longtemps inaperçu
en raison du contexte habituel des contaminations. Il reflète le conflit immunitaire entre le
système lymphoïde T et les cellules infectées par le virus, en particulier à la phase de
dissémination ganglionnaire qui concerne surtout les cellules dendritiques des zones B
centrofolliculaires. A ce stade, la réaction anticorps n'est pas encore exprimée puisqu'elle ne
commence qu'après la 3ème semaine du contage et qu'elle peut être très retardée, jusqu'à
plusieurs mois.
¾ Les signes cliniques sont variés et diversement associés chez les patients mais ne
diffèrent pas des tableaux habituels des maladies virales : fièvre, adénopathies, myalgies,
asthénie ...
¾ La présentation hématologique se limite à une hyperlymphocytose à cellules basophiles
qui sont surtout des lymphocytes CD 8, l’atteinte des CD 4 n'étant pas patente à ce stade .
¾ Etant donné les informations physiopathogéniques concernant cette étape de la maladie, il
faut bien noter que si l’on suspecte une étiologie VIH devant un syndrome mononucléosique,
ce n'est pas le bilan sérologique anticorps qui doit être prescrit mais la recherche
antigénique, protéine p24 en particulier, et la sérologie spécifique 6 à 8 semaines après la
primo-infection. On dispose actuellement de recherches ELISA couplées Ac et Agp24 de
grande sensibilité, ermettant d’atteindre des taux très bas.
E - LES AUTRES ETIOLOGIES :
Les 4 cadres étiologiques ci-dessus étudiés ne résument pas l’ensemble des syndromes
mononucléosiques qui peuvent relever de causes très diverses. En particulier, certaines
pathologies bénignes s'accompagnent fréquemment d'un syndrome mononucléosique qu'il
faut situer dans son contexte en s'interdisant alors tout bilan extensif concernant les
domaines étiologiques précédents.
1- Affections virales :
Toutes sont susceptibles d’induire un syndrome mononucléosique hématologique plus ou
moins caractérisé : zona, varicelle, infections à adénovirus, et aussi les viroses banales
saisonnières et la grippe vraie. Parmi les maladies éruptives de l’enfance, la rubéole se
caractérise par l'importance de la composante plasmocytaire au niveau de l'hémogramme,
pouvant atteindre 5 à 10% des éléments de la formule. Le SMN de l’hépatite virale comporte
surtout des plasmocytes.
2 - Affections bactériennes :
Elles sont dans l’ensemble moins concernées, mais un syndrome MNI est classique dans les
brucelloses (plutôt leucopénique), les rickettsioses, et peut aussi accompagner une
coqueluche (plutôt associée classiquement à une hyperlymphocytose sans caractère
« activé» ou « stimulé »).
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3 - Autres affections :
La réaction immune accompagnant les intolérances médicamenteuses peut se traduire par
la diffusion sanguine de lymphocytes transformés. Il en est de même pour tout un ensemble
de pathologies immunitaires, alloimmunisation ou pathologies diverses autoimmunes.
Malgré ce long inventaire, il faut savoir qu'un certain nombre de syndromes
mononucléosiques bien caractérisés restent sans étiologie identifiée, ce qui s'explique peutêtre en partie par le caractère non encore documenté de certaines pathologies virales et
surtout l’inutilité de bilans très extensifs dans une pathologie qui s'avère cliniquement
anodine.
Pour approfondir
1. Sébahoun G. Hématologie clinique et biologique (Arnette)
2. Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales (CMIT) 19e édition
http://arachosia.univ-lille2.fr/labos/parasito/Internat/courspar/toxopl.html
http://www.cnrs.fr/SDV/Dept/toxoplasmose.pdf
http://perso.wanadoo.fr/college-gyneco.cvl/2002/Toxoplasmose.html
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Annexe : cotation CNAM
Actes biologiques côté en B : B = 0.27
euros
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SYNDROMES MYELODYSPLASIQUES (SMD) :
PROPOSITIONS POUR UN CONSENSUS FRANÇAIS
RESUME DES POINTS FORTS
-
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Hémopathies malignes survenant principalement chez le sujet âgé.
Constituent un groupe hétérogène d’affections issues de lésion d’un
progéniteur myéloïde multipotent et aboutissant à une hyperapoptose des
précurseurs myéloïdes.
Se traduisent par la coexistence d’une moelle osseuse riche associée à des
cytopénies périphériques.
Environ un tir des SMD évolue en leucémie aiguë myéloïde de mauvais
pronostic.
Le diagnostic de SMD repose sur l’étude de la moelle osseuse qui met en
évidence des signes de dysmyélopoïèse plus ou moins associés à un excès de
cellules blastiques. La coloration de Perls permet de rechercher des
sidéroblastes en couronnes.
La classification Franco Américano Britannique (FAB) et la classification
internationale sont nécessaire à connaître pour la prise en charge des patients.
Les principaux facteurs pronostiques des SMD sont le pourcentage de blastes
médullaires, le nombre de cytopénies et les anomalies cytogénétiques
médullaires.
Le traitement des SMD dépend de la gravité de l’affection. Il va de l’allogreffe de
cellules souches hématopoïétique à l’abstention thérapeutique. De nouvelle
approche basée sur des combinaisons de facteur de croissance ou l’utilisation
d’agents déméthylants semblent prometteuses
AUTEUR : Professeur Eric Wattel – Service d’Hématologie – Hôpital Edouard Herriot
Les SMD sont des affections clonales des cellules souches pluripotentes ou myéloïdes,
caractérisées par une hématopoïèse inefficace, responsable de cytopénies sanguines qui
contrastent avec une moelle généralement riche. De plus, les SMD évoluent fréquemment
en leucémie aiguë myéloïde (LAM) et constituent les plus fréquents des états préleucémiques chez l’adulte.
Les SMD prédominent chez le sujet âgé, avec une médiane d’âge au diagnostic de l’ordre de
70 ans. Leur incidence est globalement de 4 à 5 pour 100.000 personnes et par an. Leur
étiologie est le plus souvent inconnue. Dans 15 à 20 % des cas, les SMD sont secondaires à
l’utilisation d’une chimiothérapie et/ou d’une radiothérapie pour une maladie préalable,
généralement un cancer. Plus rarement, ils peuvent être secondaires à une exposition au
benzène ou à d’autres hydrocarbures aromatiques, ou éventuellement à des produits utilisés
dans l’agriculture (pesticides, herbicides, engrais, etc.).
Ce texte s’efforce d’être un consensus entre hématologistes cliniciens et biologistes français
sur le sujet, concernant les examens à effectuer devant un syndrome myélodysplasique
suspecté ou confirmé, les classifications à appliquer, tant sur le plan diagnostique que
pronostique, et enfin le traitement qui peut être proposé.
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I - BILAN DIAGNOSTIQUE
A - ASPECTS CLINIQUES :
L’interrogatoire et l’examen clinique évalueront avant tout le retentissement des cytopénies :
¾ Retentissement clinique de l’anémie, notamment par rapport au taux d’Hb du patient,
tenant compte également de son âge et des comorbidités fréquentes à cet âge (atteinte
vasculaire, insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire principalement).
¾ Antécédents infectieux et leur gravité
¾ Antécédents et signes hémorragiques
Ils rechercheront également :
¾ L’ancienneté des cytopénies, permettant d’apprécier l’évolutivité du SMD
¾ Des agents étiologiques (radiothérapie, chimiothérapie, immunosuppresseurs, exposition
professionnelle notamment au benzène ou à ses dérivés, cette dernière pouvant faire l’objet
d’une déclaration comme maladie professionnelle ouvrant droit à indemnisation)
¾ Des signes de pathologie dysimmunitaire associés, particulièrement fréquents dans les
SMD (arthropathie, vascularite, polychondrite, voire colite inflammatoire etc.)
¾ Des tuméfactions des OHP superficiels
¾ Les médicaments concomitants
B - EXAMENS BIOLOGIQUES (tableau 1) :
1 - Niveau 1 : examens considérés comme obligatoires :
¾ L’hémogramme, l’analyse manuelle du frottis sanguin et le myélogramme avec décompte
du pourcentage de blastes, évaluation de la dysmyélopoïèse et coloration de Perls pour
déterminer le pourcentage de sidéroblastes en couronne, sont bien entendu indispensables
au diagnostic. Par contre, contrairement aux recommandations faites aux Etats Unis et dans
de nombreux pays européens, il existe un assez large consensus français sur le fait que la
biopsie ostéo-médullaire (BOM) n’est pas nécessaire au diagnostic de SMD, sauf en cas
d’hypocellularité rendant le diagnostic différentiel difficile avec une aplasie médullaire ou une
myélofibrose et ce même si la dysmyélopoïèse, notamment la dysmégacaryopoïèse, est
souvent mieux décrite avec la BOM.
¾ Le caryotype médullaire doit être systématique. En cas d’échec complet (inférieur à 10
mitoses) ou d’échec partiel (inférieur à 20 mitoses), il peut être utile de renouveler le
prélèvement si ceci a des implications diagnostiques ou thérapeutiques pour le patient.
Après deux échecs consécutifs, il est important d’avoir recours à la FISH interphasique, ici
encore si cela peut avoir des implications diagnostiques ou thérapeutiques pour le patient.
Le recours à la FISH nous semble également nécessaire devant une pancytopénie à
caryotype normal, chez un sujet jeune présentant un caryotype normal, pour éliminer une
monosomie 7 qui représente un facteur de mauvais pronostic indépendant. (Il est obligatoire
d’utiliser une sonde centromérique du chromosome 7. Par contre, l’utilisation d’une sonde
commerciale telle que D7S522 pour détecter une délétion du bras long du chromosome 7
n’est pas recommandée car aucune d’entre elles ne couvre l’ensemble des quatre régions
potentiellement délétées. Pour ce qui est des autres sondes (en particulier pour détecter la
délétion 5q, la trisomie 8, la délétion 20q et la part du chromosome Y ou la délétion 17p),
nous les plaçons pas dans ces examens à caractère obligatoire, dans la mesure où, par
rapport au caryotype conventionnel et aux autres éléments pronostiques, elles apportent très
rarement une information pronostique supplémentaire).
¾ Devant des signes d’évolutivité (aggravation des cytopénies, apparition de nouvelles
cytopénies, d’une petite blastose circulante ou d’une myélémie), il est indispensable de
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refaire un myélogramme et un caryotype médullaire si celui-ci peut avoir une conséquence
pronostique et thérapeutique pour le patient. En cas d’échec de cette cytogénétique, il est
fortement recommandé de rechercher une monosomie 7 en FISH.
2 - Examens biochimiques :
Doivent être systématiques :
¾ Dosage sérique d’EPO dans les SMD de faible risque ou intermédiaire I car il s’agit d’un
facteur pronostique important pour la réponse au traitement par EPO recombinante.
¾ Ferritinémie avant la mise en place d’un support transfusionnel, qui reste en routine le
meilleur paramètre d’évaluation et de suivi de l’hémosidérose transfusionnelle.
¾ Examens nécessaires à visée de diagnostic différentiel ou à éliminer une cause
supplémentaire d’anémie : dosage de sidérémie et de transferrinémie, folates sériques (et
aussi érythrocytaires), vitamine B 12 sérique, bilan biologique hépatique, recherche d’un
syndrome inflammatoire, sérologies VIH, hépatites A, B et C. Par ailleurs dans les SMD
traités par EPO, il est indispensable de vérifier périodiquement l’absence de carence en fer
et en folates liée à la stimulation de l’érythropoïèse.
3 - Autres recommendations :
Le typage HLA du patient et de sa fratrie doit ètre systématique s’il a 65 ans ou moins, une
allogreffe (classique ou à conditionnement atténué) pouvant toujours ètre une option
thérapeutique à un moment ou un autre de l’évolution des SMD.
4 - Niveau 2 : examens recommandés :
¾ Dosage fonctionnel de la PGP pour la prise en charge thérapeutique, si une
chimiothérapie intensive est envisagée. Le dosage fonctionnel de la PGP est recommandé
par les techniques d’étude de rhodamine 123 en présence ou en l’absence d’agents
réversants (vérapamil et quinine).
¾ Immunophénotypage du sang et de la moelle pour le diagnostic de LAM secondaire à un
SMD (CD34) (en cours d’évaluation pour le diagnostic des SMD primitifs).
¾ Tumorothèque: la constitution d’une tumorothèque au diagnostic des signes d’évolutivité
est recommandée. Ceci implique de faire signer au préalable au patient un consentement
informé qui, dans l’état actuel de la législation, est « général », autorisant que des
prélèvements soient conservés « à des fins d’examens ultérieurs, notamment pour la
recherche » . Cette tumorothèque comportera :
- Cellulothèque +++
- DMSO
- Frottis congelés non fixés à –20°
- Culots cytogénétiques (ADN, ARN)
- Sérothèque.
Il est par ailleurs recommandé d’inclure les patients français au registre national des SMD
(utilisation par internet) pour les études épidémiologiques les données clinico-biologiques.
4 - Niveau 3 : à évaluer :
Les examens de niveau 3 sont le souvent réalisés au cours de protocoles de recherche
clinico-biologiques. Cependant, certains pourraient être conseillés pour la prise en charge
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des patients, notamment les patients jeunes, car apportant une information diagnostique ou
pronostique qui peut modifier la prise en charge.
Biologie moléculaire :
a. Genotypage : La détection des mutations activatrices de N-ras est
recommandée chez le sujet âgé de moins de 65 ans qui n’ont pas de facteur
pronostique défavorable évident (IPSS faible ou int1), car leur découverte
semble traduire un risque évolutif défavorable. Il est nécessaire d’utiliser des
techniques de détection sensibles du fait de l’aspect chimérique des moelles
telles que DGGE (électrophorèse en gradient dénaturant) et dHPLC (high
performance liquid chromatography en conditions dénaturantes).
b. Les autres mutations (p53, FLT3-ITD) sont soit corrélées à d’autres facteurs
de mauvais pronostic (p53), soit rares (FLT3-ITD) et leur recherche
systématique n’est donc pas recommandée.
c. La détection des polymorphismes des gènes codant des enzymes de
détoxification telles que GSTT1, GSTM1, CYP1A1, CYP2C19, SULT1A1,
NQO1 est en cours d’évaluation en termes de valeur pronostique pour la
réponse au traitement.
d. L’utilisation récente des agents déméthylants conduit à l’évaluation de l’intérêt
de l’étude de la méthylation de promoteurs de gènes tels que le gène codant
l’inhibiteur p15 et la cadherine E.
e. De même doivent être évaluées la valeur pronostique de l’expression de WT1 pour le suivi de la maladie résiduelle et la valeur pronostique de l’expression
du transcrit hTERT en RT-PCR quantitative.
5 - Examens non recommandés :
Le recours à la BOM systématique est déconseillé sauf si hypocellularité médullaire et
suspicion de fibrose médullaire.
La culture des progéniteurs hématopoïétiques ne peut être recommandée pour le diagnostic
des SMD primitifs en l’absence de définition de critères diagnostiques et de standardisation
des techniques.
6 - Répartition des examens, dans le cadre du projet RuBIH 2004 :
Une enquête rapide auprès de 36 centres parmi les 40 centres répertoriés au sein du
Groupe Français des Myélodysplasies nous a permis de constater que nous disposons dans
toutes les régions de centres capables de prendre en charge les examens de niveau 1 et 2.
NIVEAU 1 : Diffusion à tous les centres
Frottis sanguins, myélogramme, caryotype et FISH devront être disponibles dans tous les
centres.
Pour la FISH, deux niveaux de recommandation d’utilisation existent : obligatoire (CEP7
pour détecter une monosomie 7), et optionnel à évaluer [CEP8, EGR1/D5S23/72 pour
détecter la trisomie 8 et la délétion (5q)].
NIVEAU 2 : Régionalisation
Certains centres régionaux seront sollicités pour la réalisation du dosage fonctionnel de
la PGP et pour l’immunophénotypage du sang et de la moelle.
NIVEAU 3 : Oligocentralisation
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La biologie moléculaire spécialisée sera réalisée de manière oligocentrique. )
II - CLASSIFICATIONS DIAGNOSTIQUES, PRONOSTIQUES ET CRITERES DE
REPONSE
A - CLASSIFICATIONS DIAGNOSTIQUES :
Il est recommandé de classer les patients à la fois selon la classification FAB et la
classification OMS (tableaux 2 et 3) qui sont complémentaires. De plus, dans les protocoles
thérapeutiques actuels, est utilisée l’une ou l’autre ou les deux selon les cas.
L’utilisation des 2 classifications a notamment comme intérêt de faire une place à part aux
AREB-T et aux LMMC, qui restent incluses dans les SMD dans de nombreux essais
thérapeutiques, et de faire rechercher une dysplasie multilignée, qui semble avoir une valeur
pronostique.
¾ Concernant les patients ayant une AREB-T selon les critères FAB, il convient d’effectuer
une confrontation entre les données hématologiques, cytogénétiques, l’ancienneté des
cytopénies, d’autres signes comme une dysplasie multilignée, pour déterminer si le patient
est plus porteur d’une forme à évolution rapide proche d’une LAM ou s’il s’agit plutôt de
l’évolution relativement lente d’un syndrome myélodysplasique ancien. Ce n’est qu’à partir
de cette confrontation clinico-biologique que peuvent être valablement discutées les
indications thérapeutiques.
¾ De même, les LMMC dont les leucocytes ne dépassent pas 12 ou 13000 sont proches des
autres SMD, à ceci près qu’ existe une monocytose circulante, et sont encore généralement
incluses dans des protocoles de SMD. Les formes plus hyperleucocytaires et franchement
prolifératives avec splénomégalie, par contre, sont plus proches des SMP d’un point de vue
clinique.
B - CLASSIFICATIONS PRONOSTIQUES :
¾ Il est indispensable de classer les patients selon la classification IPSS en risque faible
intermédiaire I, intermédiaire II et élevé (tableau 4). Il est classique de regrouper les risques
faible et intermédiaire I entre «faible risque» et les risques intermédiaire II et élevé en « haut
risque », cette séparation étant souvent utilisée pour les approches thérapeutiques.
Pour les patients classés intermédiaire II ou haut risque, il peut ètre utile de distinguer ceux
qui sont dans ces catégories en raison principalement d’un caryotype complexe et ceux qui
le sont en raison d’une blastose médullaire supérieure à 10 % car ces sous types pourraient
avoir des réponses différentes aux différentes approches thérapeutiques dont nous
disposons.
¾ En plus de la classification IPSS, d’autres paramètres pourraient avoir une valeur
pronostique indépendante mais qui est à confirmer :
- Principalement l’existence d’une dysplasie multilignée (ce qui justifie de l’analyser
selon les critères OMS)
- L’expression ou les anomalies de certains gènes, comme l’expression de la PGP, les
mutations de RAS ou d’autres gènes
C - CRITERES DE REPONSE :
Il est fortement conseillé d’utiliser ceux de l’IWG qui définissent, à côté des notions
classiques de rémission complète et partielle (y compris cytogénétique), « l’amélioration
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hématologique » (hematological improvement), mineure ou majeure, sur chacune des
lignées myéloïdes (tableau 5), et qui peut prendre aussi en considération l’amélioration de la
qualité de vie, mesurée par des tests maintenant couramment développés (FACT-AN,
QLQC30…)
A noter quelques discordances dans les critères de rémission partielle entre la classification
IWG pour les SMD et les critères de réponse récemment modifiés pour les LAM, rappelés
dans le tableau 6, ce qui peut poser des problèmes dans l’interprétation des résultats pour
les formes frontières, comme les AREB-T.
III - APPROCHES THERAPEUTIQUES
Il existe un consensus sur le fait que cette attitude thérapeutique doit guidée par quelques
éléments :
¾ Seule l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques est à ce jour potentiellement
curative dans les SMD. Tout doit donc être mis en œuvre pour qu’elle puisse être envisagée,
en fonction de l’age du patient et de l’existence d’un donneur, apparenté ou non
¾ En dehors de l’allogreffe, il existe un consensus pour séparer, même si cela est
quelquefois un peu schématique, les patients en « haut risque », qui comprennent les
patients ayant un score IPSS élevé et intermédiaire II, et « faible risque » associant les
patients à risque faible et intermédiaire de l’IPSS. Lorsque aucun caryotype n’a pu être
obtenu après deux tentatives (et si possible un examen par FISH), on peut schématiquement
séparer les patients ayant plus de 10 % de blastes en haut risque et ceux ayant moins de 10
% de blastes en faible risque. Cependant, pour ces derniers, cette approximation comporte
un risque de sous évaluer la gravité, d’où l’intérêt d’une analyse FISH notamment pour le
chromosome 7
¾ Le traitement symptomatique, principalement les transfusions globulaires et le traitement
rapide des infections en cas de neutropénie, par une antibiothérapie à large spectre reste
fondamental dans la plupart des SMD.
Les principales propositions thérapeutiques du consensus figurent sur les tableaux 7, 8 et 9.
On peut insister ici sur certains éléments :
A - PATIENTS ALLOGREFFABLES (TABLEAU 7) :
Si elle reste le seul traitement potentiellement curatif à l’heure actuel des SMD, l’allogreffe
comporte certaines incertitudes :
1 - Faut-il effectuer une allogreffe à conditionnement classique ou atténué ?
Comme pour les autres hémopathies, l’âge est bien entendu un facteur déterminant, en
sachant que la majorité des SMD allogreffables ont plus de 50 ans. Par ailleurs, le recul dont
on dispose avec les allogreffes non myéloablatives dans les SMD reste beaucoup plus faible
que pour les allogreffes classiques
Le stade de la maladie au moment de l’allogreffe peut influer le choix : si un excès de blastes
médullaires au moment de l’allogreffe accroît le risque de rechute après allogreffe classique,
ce risque devient semble-t-il très élevé dès que cette blastose dépasse 5% après allogreffe
non myéloablative
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2 - Quel conditionnement effectuer pour l’allogreffe ?
Tant pour l’allogreffe classique que l’allogreffe à conditionnement atténué, aucun
conditionnement ne semble avoir fait la preuve d’une supériorité par rapport aux autres.
3 - Faut-il faire précéder l’allogreffe d’un traitement et en particulier d’une
chimiothérapie intensive ?
Il n’existe pas de consensus. On peut se baser sur quelques éléments :
¾ Lorsqu’il existe un excès de blastes médullaires au moment de l’allogreffe
(shématiquement, > 10 % dans les allogreffes classiques, et > 5 % dans les allogreffes à
conditionnement atténué), le risque de rechute post-greffe est très élevé (ce qui amène à
vouloir réduire cette blastose avant la greffe)
¾ Les patients en échec de chimiothérapie intensive ont de très mauvais résultats après
l’allogreffe (à la fois en raison d’une toxicité importante et d’un risque élevé de rechute post
allogreffe)
¾ La chimiothérapie intensive est peu efficace en cas d’anomalies cytogénétiques
complexes, mais paraît au contraire assez efficace (taux de RC de 50% et plus) dans les
formes avec net excès de blastes et caryotype normal (AREB 2 selon la classification OMS,
AREB >10% et AREB-T selon la classification FAB).
4 - Quand faut-il réaliser l’allogreffe ?
Même si elle est rétrospective, une analyse conjointe de l’IBMTR et de l’équipe de Seattle,
(Blood, 2004) suggère que les patients ayant un IPSS intermédiaire 2 ou élevé bénéficient
(en terme « d’années de vie gagnées », même si cette notion peut être critiquée) d’une
allogreffe rapide (précédée ou non de chimiothérapie). Par contre, chez les patients en score
IPSS faible, le risque de l’allogreffe initiale dépasse statistiquement le bénéfice, les données
étant moins tranchées pour les patients de risque intermédiaire 1. Les conclusions de cette
étude paraissent actuellement assez largement appliquées en France.
B - TRAITEMENT DES SMD DE « HAUT RISQUE » (IPSS ELEVE OU INTERMEDIAIRE II)
EN DEHORS DE L’ALLOGREFFE (TABLEAU 8) :
1 - Chimiothérapie intensive :
Il existe un consensus sur les éléments suivants :
¾ Elle donne 40 à 60 % de RC, mais une médiane de durée de RC courte de 10 à 12 mois
et moins de 10 % de rémissions très prolongées (ces rémissions très prolongées
correspondent le plus souvent à des AREB-T à caryotype normal, maintenant classées en
LAM par l’OMS).
¾ Ces résultats assez favorables ne sont observés qu’en dessous de 60 à 65 ans. Chez les
sujets plus âgés, ce traitement a une forte toxicité, liée aux cytopénies plus prolongées qu’il
entraîne dans les SMD (par rapport aux LAM de novo) , et ont une durée de RC très courte.
¾ Aucune association ne paraît supérieure à l’association anthracyclines-Ara C, cette
dernière à dose plutôt intermédiaire ou élevée.
¾ Les anomalies cytogénétiques, en particulier complexes, sont associées à une réponse
très défavorable.
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¾ Il n’existe pas de consensus sur le moment où décider d’une chimiothérapie chez le sujet
jeune : faut-il le faire rapidement, faut-il attendre que les cytopénies deviennent
préoccupantes ou que la transformation en LAM soit survenue ?
2 - Cytarabine à faible dose (20 mg/m²/jour en une ou deux fois, deux semaines par
mois) :
¾ Ce traitement induit environ 20 % de RC et 20 % de RP, durant 3 à 18 mois en général
(très courtes pour les RP)
¾ Les cytopénies qu’il induit sont compatibles avec une prise en charge généralement
ambulatoire.
¾ Le taux de réponse est très faible en cas d’anomalies cytogénétiques, surtout d’anomalies
complexes.
¾ L’addition de facteur de croissance granulocytaire ne semble pas apporter de bénéfice.
¾ Il n’est actuellement pas possible de dire si la Cytarabine à faible dose donne de meilleurs
ou de moins bons résultats que les agents déméthylants.
¾ Ce traitement paraît particulièrement indiqué entre 60-65 ans et 75 ans et plus, en fonction
de l’état général.
3 - Agents démethylants :
Il s’agit de la 5-azacytidine et de la decitabine.
¾ Les taux de réponse avec les agents démethylants semblent proches de ceux obtenus
avec Cytarabine à faible dose. Deux études randomisées récentes ont montré que la 5azacytidine d’une part et la decitabine d’autre part entraînaient un bénéfice significatif en
terme de transformation en LAM et de survie dans les SMD de risque intermédiaire 2 ou
élevé par rapport à un traitement symptomatique. Une étude randomisée plus ancienne,
avec la cytarabine, n’avait pas conclu à un bénéfice de cette dernière en terme de survie
dans les SMD en général par rapport au traitement symptomatique Il nous paraît cependant
trop tôt pour conclure de la supériorité d’une de ces drogues par rapport aux autres. Une
étude actuelle qui randomise, entre autres, la 5 azacytidine et la cytarabine à faibles doses
dans les SMD de risque intermédiaire 2 ou élevé devrait nous aider à répondre à cette
question.
¾ Des données préliminaires, portant sur un certain nombre de patients traités avec les
agents déméthylants, particulièrement la décitabine, suggèrent que ces drogues pourraient
donner des taux de réponse intéressants en cas d’anomalies cytogénétiques, notamment
d’anomalies cytogénétiques complexes .Si ces données étaient confirmées elles seraient
importantes, car on sait que la cytarabine à faibles doses est peu efficace dans ce cas
¾ La toxicité des agents déméthylants, en particulier la survenue de cytopénies, est
suffisamment modérée pour permettre une prise en charge généralement ambulatoire (en
dehors des périodes d’injection pour la décitabine, qui nécessitent une hospitalisation car
elles sont effectuées en IV prolongée ; la 5 azacytidine est injectée ,elle, par voie SC).
¾ Il s’agit donc d’un traitement particulièrement adapté aux patients de 60-65 ans à 75 ans
et plus en fonction de l’état général.
¾ l a 5-azacytidine ne peut actuellement (août 2005) être obtenue que dans l’essai de phase
III international en cours (randomisé entre la chimiothérapie intensive ou la cytarabine à
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faible dose) ou en ATU nominative. La décitabine ne peut pas, à l’heure actuelle, être
obtenue en France que dans d’un protocole EORTC en cours.
4 - Traitements en cours d’essai :
Il s’agit actuellement :
¾ Des inhibiteurs de farnesyl transférase (Tipifarnib, Lonafarnib).
¾ De trioxyde d’arsenic
¾ Du bortezomib
¾ D’agents inhibiteurs d’histone deacetylase, comme l’acide valproïque
¾ D’ associations de ces agents avec de la cytarabine à faible dose ou des agents
hypométhylants.
Aucun de ces traitements ne peut être recommandé à l’heure actuelle en dehors d’essais
thérapeutiques.
C - TRAITEMENTS DES SMD DE FAIBLE GRADE (TABLEAU 9) :
¾ Ils visent avant tout à corriger les cytopénies, principalement l’anémie. On propose donc
généralement l’abstention thérapeutique quand les cytopénies sont modérées ou
asymptomatiques.
¾ Lorsque l’anémie est symptomatique, on préfère de plus en plus tenter un traitement
susceptible de prévenir les transfusions, et de maintenir en permanence un taux d’Hb > 1011 g, par rapport à un traitement transfusionnel simple où par définition le taux d’Hb est une
grande partie du temps en dessous de 10 g d’Hb, ce qui est généralement associé à un
retentissement clinique (fatigue, baisse de la qualité de vie, etc…)
1 - Traitement de l’anémie
¾ EPO recombinante :
Si un traitement autre que purement transfusionnel de l’anémie est envisagé (et il l’est
maintenant par la majorité des spécialistes) on recommande de mettre en route un
traitement par EPO recombinante chez les patients ayant moins de 9 à 10 g d’Hb et une
mauvaise tolérance clinique à cette anémie, même s’ils ne sont pas transfusés, à condition
d’un taux d’EPO sérique < 500 U/l (le taux de réponse est faible au delà de ce taux) et en
l’absence de del 5q au caryotype (ces derniers patients relevant du lénalidomide, voir plus
bas). Les doses efficaces sont généralement, pour l’ EPO alpha ou béta de 30000 à 60000
U/semaine en une à trois fois, et pour la Darbepoiétine alpha de 150 à 300 µg/semaine en
une fois. L’addition de G-CSF (en 2 à 3 injections/semaine, avec une dose permettant de
maintenir les GB entre 5000 et 10000/mm3) améliore l’effet des EPO alpha et béta, mais
aurait moins d’intérêt avec la Darbépoietine alpha. Certains cliniciens préfèrent
(« désescalade ») commencer le traitement par EPO à forte dose (60000U /semaine ou 300
ug) + G-CSF, quitte, en cas de réponse, à essayer de diminuer l’EPO et/ou arrêter le G-CSF.
D’autres préfèrent (« escalade ») commencer par l’ EPO seule à faible dose (30000
U/semaine), quitte à augmenter puis ajouter du G-CSF en cas de non réponse. Les
réponses sont à évaluer au bout de 12 semaines pour chaque posologie ou association. En
cas de réponse, le traitement doit ètre ajusté de façon à maintenir le taux d’Hb entre 11 g et
12 g selon les recommandations de l’AFSSAPS. Rappelons enfin que les EPO et la
Darbepoietine alpha n’ont actuellement pas l’AMM pour les SMD en France
¾ Lénalidomide :
L’anémie des patients porteurs d’un SMD avec del 5q et un score IPSS faible ou
intermédiaire 1, répond dans 65% des cas environ au lénalidomide (CC 5013, Revlimid) , un
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dérivé de la thalidomide. Actuellement (août 2005), ce produit ne peut être utilisé que dans le
cadre d’un essai multicentrique européen. Le lénalidomide est susceptible d’induire, chez
ces patients, une neutropénie et /ou une thrombopénie importantes, justifiant une
surveillance étroite de la numération. Par contre, il n’a pas les effets secondaires de la
thalidomide (somnolence, constipation, neuropathie périphérique). Le taux de réponse sur
l’anémie, dans les SMD avec del 5q mais IPSS intermédiaire 2 ou élevé n’ est pas connu.
Celui de l’anémie des SMD sans del 5q avec IPSS faible ou int 1 semble être de l’ordre de
30%. Dans ces 2 dernières indications, toutefois, le produit n’est pas (août 2005) disponible
en Europe.
¾ Thalidomide :
Ce traitement est efficace sur l’anémie dans 30% des cas environ, essentiellement en
l’absence de blastose médullaire excessive. Il est peu efficace sur la neutropénie et la
thrombopénie. Au delà de 150 à 200 mg/jour (voire moins) il est souvent mal tolérée dans
cette population généralement très âgée (somnolence, constipation, neuropathie
périphérique). La thalidomide peut actuellement être utilisée en France dans le cadre d’un
essai du GFM (à très faible dose, 50 à 100 mg/j) ou, en cas de critère de non inclusion à cet
essai, sous forme d’ ATU nominative. On peut proposer ce traitement aux patients ayant une
anémie (Hb < 10 g/d)l, un taux d’EPO supérieur à 500 U/l ou résistants aux EPO
recombinantes, une blastose médullaire<5%, et à faible dose (50 à 200 mg/jour )
2 - Traitement de la neutropénie :
La place du G- CSF n’est pas démontrée. S’il est capable de corriger la neutropénie dans
2/3 des cas environ, l’effet sur le risque infectieux et sur la survie n’est pas démontré.
L’utilisation de G-CSF n’est donc pas, d’une façon générale, recommandée.
On pourrait, le cas échéant proposer le G CSF dans des cas très ciblés :
¾ Soit pour des courtes durées, en cas d’épisodes infectieux graves chez des patients très
neutropéniques.
¾ Voire au long cours, à faible dose, chez les patients neutropéniques faisant des infections
répétées.
3 - Traitement de la thrombopénie :
Il n’existe actuellement pas de facteur thrombopoïétique disponible dans des essais
thérapeutiques dans les SMD.
Les androgènes, notamment le Danazol à la dose de 400 à 600 mg/jour donnent environ 30
% de réponses, certaines d’entre elles pouvant être durables et associées à une
androgénodépendance.
D - TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES :
Leur rôle dans les SMD reste fondamental
1 - Transfusions érythrocytaires :
Elles ne comportent pas de particularité par rapport aux autres hémopathies, sinon le fait
qu’elles sont à envisager sur le long terme, et qu’il s’agit généralement de sujets âgés chez
qui la tolérance à l’anémie est médiocre.
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Il est recommandé de transfuser dès que le taux d’Hb est inférieur à 8 ou plus selon la
tolérance clinique et les comorbidités (particulièrement fréquentes chez ces sujets
généralement âgés).
Lorsqu’une série transfusionnelle est décidée, on doit transfuser un nombre suffisant de
concentrés érythrocytaires (le cas échéant sur 2 à 3 jours pour éviter les OAP de surcharge
fréquents à cet âge), de façon à remonter le taux d’Hb au dessus de 11 g environ, pour
éviter que le patient ait en permanence un syndrome anémique.
La transfusion de seulement 2 concentrés érythrocytaires par série sur une seule journée,
décidée lorsque le taux d’Hb devient inférieur à 8g/dl (et souvent mise en œuvre plus près de
7g) et qui maintient le plus souvent les patients au dessous de 10g d’Hb n’est pas un
traitement transfusionnel optimal
2 - Transfusions plaquettaires :
Compte tenu de la nécessité d’envisager ce traitement au long terme avec les risques
d’inefficacité rapide par allo-immunistation, il faut en réduire les indications en dehors bien
entendu des traitements myélosuppresseurs ou lors d’un geste opératoire, ou chez les
patients ayant un syndrome hémorragique ou moins de 10000 plaquettes.
3 - Traitement des infections :
Il est identique à celui des infections survenant plus généralement chez les patients
neutropéniques. A la neutropénie se surajoute cependant souvent dans les SMD un déficit
fonctionnel des polys neutros (peu exploré en pratique) qui accroit le risque infectieux.
Il est donc recommandé aux patients atteints de SMD avec neutropénie de disposer
d’avance d’antibiotiques à large spectre à débuter au moindre problème infectieux Aucune
association n’a été étudiée de façon prospective. Par analogie, on peut toutefois proposer
d’utiliser la même association que chez les patients ayant une neutropénie liée à une
chimiothérapie (amoxicilline- acide clavulanique 3g/ j + ciprofloxacine 1g/ j)
4 - Traitements chélateurs du fer :
Un consensus s’est dégagé à la suite d’une étude au sein du GFM et d’une réunion
internationale qui s’est tenue lors du Congrès International des SMD à Nagasaki en 2005. Le
consensus porte sur les éléments suivants :
- Bien que cela soit moins clairement démontré que dans les thalassémies et les
hémochromatoses constitutionnelles, il est très probable que la surcharge en fer a un
rôle toxique à terme sur le foie, le cœur et les glandes endocrines. Il est très probable
que le traitement chélateur du fer limite ce risque même si cela n’est pas formellement
démontré dans des études randomisées comme pour les thalassémies.
- La ferritine sérique est un bon moyen d’évaluer la surcharge en fer dans les SMD.
L’IRM hépatique et éventuellement cardiaque méritent d’être plus régulièrement
effectuées dans cette indication, à condition d’utiliser des protocoles d’examen bien
définis. Par contre, la biopsie hépatique est contre indiquée, notamment du fait des
risques de saignement (thrombopénie, thrombopathie…).
- Il est suggéré, chez les patients régulièrement transfusés, de suivre le taux de
ferritinémie tous les trois mois environ et de débuter un traitement chélateur du fer pour
une ferritinémie comprise entre 1000 et 2000 ng/ml, ceci en fonction du rythme
transfusionnel.
- 174 -
2005
- Le traitement est indiqué pour les patients ayant un relativement bon pronostic, c’est à
dire un IPSS faible ou intermédiaire I, ou qui pourront bénéficier d’un traitement actif
comme une allogreffe ou une chimiothérapie.
- Le traitement sera à poursuivre tant que la surcharge en fer persiste sauf si le pronostic
devient défavorable.
Actuellement, le traitement chélateur du fer peut être effectué soit par voie parentérale par la
deferoxamine (Desféral), traitement de référence, soit par voie orale par la deferiprone
(Ferriprox).
¾ Deferoxamine : Celle-ci peut être utilisée :
- Soit par voie sous cutanée continue 3 à 7 jours par semaine, par le biais d’un
perfuseur portable ou d’un infuseur sur une période de 8 à 12 h pendant la nuit. La
dose quotidienne est habituellement de 40 mg/kg/jour, soit environ 3 g/jour.
- Soit par injection sous cutanée directe sur 2 à 3 mn une à deux fois par jour. La dose
injectée ne doit pas excéder 1 à 1,5 g/injection ni le volume 10 ml.
- Soit par voie intra-veineuse par le biais d’un infuseur ou d’une pompe. Cette voie doit
être réservée à une stricte indication médicale avec surveillance étroite du fait du
risque de complications infectieuses.
- Les injections de Desféral doivent être alternées sur différents sites au niveau des
membres supérieurs, des membres inférieurs et de l’abdomen.
L’utilisation de Desféral au long cours implique une recherche régulière de rétinopathie
et de troubles de l’audition. Des réactions d’hypersensibilité aux points d’injection ne
sont pas rares. Exceptionnellement peuvent survenir des chocs anaphylactiques.
¾ Deferiprone : Utilisée à la dose de 75 mg/kg/jour. Son efficacité n’est pas aussi bien
démontrée que celle du Desféral pour réduire la surcharge en fer dans les SMD. Dans l’état
actuel, la proposition est de l’utiliser :
Soit en cas de complications liées au Desféral type choc anaphylactique, rétinopathie,
atteinte auditive
Soit en association avec le Desféral pour réduire le nombre d’injections.
¾ Autres agents chélateurs du fer : L’ICL670 est un chélateur du fer par voie orale
actuellement en cours d’essai, y compris dans les SMD
- 175 -
2005
THALASSEMIE, DREPANOCYTOSE
RESUME DES POINTS FORTS
- Thalassémie : Anémie microcytaire, ferritine élevée
- Drépanocytose : Anémie normocytaire ou macrocytaire
- Electrophorèse de l’hémoglobine
- Falciformation ou crises vaso-occlusives dans la drépanocytose
AUTEUR : Professeur Mauricette Michallet – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
I – PHYSIOPATHOLOGIE
Thalassémie et drépanocytose sont des maladies congénitales du globule rouge, dues à une
anomalie de synthèse des hémoglobines normales. Les signes et le diagnostic s'expliquent
par la structure, le rôle et les fonctions de ces hémoglobines
L'HEMOGLOBINE : STRUCTURE
L'hémoglobine est le principal constituant du contenu érythrocytaire. C'est le pigment rouge
responsable de la coloration du sang. Elle est constituée d'hème et de globine.
L'hémoglobine est responsable du transport de l'oxygène et du gaz carbonique, et des
échanges gazeux au niveau des tissus et du poumon. L'hémoglobine est une protéine de 67
000 daltons. Chaque molécule est un hétéro-tétramère formé de 4 chaînes de globine et de
4 molécules d'hème
A - HEMOGLOBINE NORMALE :
1 - L'hème :
Est une protoporphyrine de type IX. Il comporte un atome de fer divalent Fe+2 (ferreux).
L'une des valences de ce fer se fixe à la globine au niveau d'une histidine. L'autre valence
fixe l'oxygène dans la forme oxygénée (oxyhémoglobine).
2 - La globine :
Est la partie protéique de l'hémoglobine. Chaque molécule d'hémoglobine est formée de 4
chaînes de globine : 2 chaînes de type α, et 2 chaînes de type non-alpha (ou β). La structure
des chaînes de globine α ou non α est très similaire. La structure de la chaîne bêta-globine
qui entre dans la composition de l'hémoglobine adulte majoritaire, l'hémoglobine A0, est, par
exemple, la suivante :
¾ Structure primaire de la chaîne de ß-globine : succession de 146 acides aminés
¾ Structure secondaire: hélicoïdale
¾ Structure tertiaire : globulaire, compacte, ménageant en son centre une cavité : la poche
de l'hème
La structure quaternaire de l'hémoglobine A0 est la suivante : les chaînes alpha et bêta
s'associent entre elles pour former le tétramère de globine. Chaque molécule de globine
porte en son centre une molécule d'hème. Au centre de la molécule d'hémoglobine se trouve
- 176 -
2005
une molécule de 2-3 DPG (2-3 diphosphoglycérate). Cette molécule de liaison assure le
passage de la forme oxygénée à la forme désoxygénée, et donc la libération de l'oxygène.
3 - Evolution des hémoglobines de l'embryon à l'adulte :
La composition de l'hémoglobine n'est pas la même chez l'embryon, le foetus ou le nouveau
né, et l'adulte.
Chez l'adulte : l'hémoglobine majoritaire est l'hémoglobine A0 formée de 2 chaînes alpha et
2 chaînes bêta (α2 β2). Elle représente plus de 97 % de l'hémoglobine totale. Il existe une
fraction minoritaire l'hémoglobine A2 (α2 δ2): 1,5 à 3 %.
Chez le foetus et le nouveau-né on trouve un type particulier d'hémoglobine, l'hémoglobine
foetale (HbF): (α2 γ2). Cette hémoglobine est majoritaire à la naissance (80 % environ). Son
taux décroît au cours de la première année de vie, durant laquelle elle est remplacée par
l'hémoglobine A0. Au delà de la première année elle n'est présente qu'à l'état de trace
(moins de 1 %).
Chez l'embryon il existe des types particuliers d'hémoglobine comportant des chaînes de
globine embryonnaires.
En pathologie : L'hémoglobine foetale peut persister au delà de l'âge d’un an dans
certaines circonstances pathologiques :
¾ La Persistance Héréditaire d'Hémoglobine Foetale (PHHF)
¾ Les thalassémies
4 - Synthèse des chaînes de globine :
Les chaînes de globine sont des protéines. Leur synthèse dépend de gènes. On distingue
deux groupes de gènes de globine qui sont regroupés en famille de gènes : les gènes de
type α situés sur le chromosome 16, et les gènes de type β situés sur le chromosome 11.
Tous les gènes de globine ont une structure très homologue. Ils dérivent d'un gène ancestral
qui s'est dupliqué et a évolué au cours des millénaires.
B - LES HEMOGLOBINES ANORMALES :
Les gènes de globine peuvent être le siège d'anomalies moléculaires. La protéine codée
sera alors anormale. On distingue deux grands groupes d'anomalies: les anomalies
quantitatives de la synthèse des chaînes de globine, ce sont les thalassémies, et les
anomalies qualitatives de l'hémoglobine.
1 - Les thalassémies :
Elles intéressent les chaînes α ou les chaînes β. Certaines ethnies sont plus particulièrement
touchées. On pense que les gènes anormaux ont été sélectionnés par le paludisme car ils
conféraient un avantage sélectif aux hétérozygotes. La transmission de ces affections est
récessive (ou codominante); les hétérozygotes sont le plus souvent des "porteurs sains"
tandis que les homozygotes sont malades.
¾ Bêta thalassémies : Elles sont surtout répandues dans le bassin méditerranéen (Italie,
Grèce ...). Elles sont dues, pour la majorité d'entre elles, à des mutations ponctuelles du
gène de la bêta-globine. Plus d'une centaine de mutations sont décrites à ce jour; certaines
sont extrêmement fréquentes, tandis que d'autres sont retrouvées très rarement.
- 177 -
2005
¾ Alpha thalassémies : Elles sont communes en Asie et au Moyen Orient. Elles sont dues
essentiellement à des délétions des gènes alpha globine (il y a 2 gènes alpha globine par
chromosome 16 donc 4 gènes alpha par génome diploïde).
2 - Les anomalies qualitatives de l'hémoglobine :
Elles résultent de la synthèse d'une hémoglobine anormale l'une de ses chaînes de globine
étant porteuse d'une mutation sur l'un de ses acides aminés.
Elles correspondent à la substitution d'un ou plusieurs acides aminés de la chaîne alpha ou
bêta globine. De très nombreuses mutations sont décrites (plus de 500 pour la chaîne bêta
globine) mais certaines sont très rares.
¾ Hémoglobine S : La plus fréquente des hémoglobinoses,
responsable de la
drépanocytose. Cette affection est très répandue dans la race noire. Elle aurait également
été sélectionnée par le paludisme. L’hémoglobine S est une hémoglobine anormale dont la
solubilité est très diminuée. Elle a tendance à polymériser dès que la pression partielle en
oxygène (PO2) diminue. Elle forme alors de longs polymères qui déforment le globule rouge
en forme de faux: c'est la falciformation. Cette anomalie a deux conséquences : l'obstruction
des vaisseaux sanguins par les globules rouges moins déformables, responsable de
thrombose et d'infarctus, et la mort des globules rouges par hémolyse. La maladie clinique
ne s'exprime que chez les homozygotes qui ont deux gènes β mutés (SS). Les
hétérozygotes (AS) sont cliniquement asymptomatiques.
¾ Autres hémoglobines anormales : Il existe de nombreuses autres hémoglobines
anormales: Hémoglobine C, hémoglobine E, Hémoglobine M , Hémoglobine D. Elles ont des
conséquences cliniques diverses.
3 - Exploration des hémoglobines anormales :
L'exploration des hémoglobinopathies en pratique courante s'effectue à l'aide de nombreux
examens cytologiques, électrophorétiques et chromatographiques.
¾ Electrophorèse de l'hémoglobine : Elle est réalisée à différents pH. L'électrophorèse de
dépistage s'effectue à pH alcalin. Les hémoglobines normales, hémoglobine A0, A2 et F sont
différenciées par cette électrophorèse. L'électrophorèse permet également de différencier les
hémoglobines anormales. Cependant certaines anomalies de l'hémoglobine n'entraînent pas
de modification de la charge électrique et ne peuvent pas être détectées par l'électrophorèse
simple. Parmi les méthodes électrophorétiques l'isofocalisation électrique, qui utilise un
gradient de pH, permet de séparer de manière très fine les hémoglobines.
¾ Techniques cytologiques : Certaines permettent de repérer des hémoglobines normales
ou anormales à l'intérieur des hématies.
Ainsi, le test de Kleihauer met en évidence la présence d'hémoglobine foetale intraérythrocytaire. Il est surtout utilisé dans le cadre de l'immunisation foeto-maternelle Rhésus,
mais également en cas de persistance héréditaire d'hémoglobine foetale à l'âge adulte.
D'autres hémoglobines anormales peuvent être colorées de manière spécifique dans les
hématies.
¾ Chromatographie : Les techniques chromatographiques sont utilisables pour séparer les
hémoglobines. La technique la plus performante est la chromatographie liquide de haute
pression (CLHP). Elle permet d'étudier les fractions d'hémoglobine (A, F etc.) ou bien les
chaînes d'hémoglobine séparées de manière à mettre en évidence certaines anomalies. Il
est possible de quantifier précisément les fractions ainsi identifiées.
- 178 -
2005
¾ Tests permettant le dosage de l'hémoglobine F : Des tests classiques tels que le test
Singer ou étude de la résistance à la dénaturation alcaline permettent de caractériser
l'hémoglobine foetale. Cette hémoglobine est en effet extrêmement résistante aux agents
chimiques, en particulier aux agents alcalins. Cette alcalino-résistance de l'Hb F, permet de
la doser, après avoir élué les hémoglobines A par une solution de soude.
¾ Etudes fonctionnelles de l'hémoglobine :
- Etude de la dénaturation thermique : elle permet de détecter les hémoglobines
anormales dites instables qui précipitent à la chaleur.
- Etude de la fixation de l'oxygène : la courbe de fixation de l'oxygène par l'hémoglobine
permet de déterminer certaines anomalies de la fixation de l'oxygène conduisant à des
hémoglobines hyper ou hypo affines.
¾ Etude de la composition en acides aminés : Cette étude s'effectue après digestion par la
trypsine de la chaîne de globine purifiée, et analyse chromatographique des peptides
digérés. Elle n'est effectuée que dans certains laboratoires spécialisés. Elle permet
d'identifier une hémoglobine anormale présentant une mutation d'un acide aminé.
¾ Etude de l'ADN : Elle permet l'analyse directe de la lésion moléculaire sur les chaînes
alpha ou bêta globines. Elle est utilisée à l'heure actuelle pour le diagnostic positif d'un
certain nombre d'anomalies de l'hémoglobine : thalassémies ou hémoglobinoses dont le
diagnostic est complexe au niveau protéique. C'est le cas par exemple des hémoglobines
instables dont il est difficile d'obtenir des quantités suffisantes pour l'étude protéique
puisqu'elles sont extrêmement labiles. L'étude de l'ADN est également utilisée pour le
diagnostic prénatal des anomalies héréditaires sévères de l'hémoglobine, à partir de cellules
amniotiques ou de trophoblaste.
II - DIAGNOSTIC POSITIF
A – THALASSEMIE :
Nous étudierons ici principalement le diagnostic des β thalassémies
1 - Thalassémie homozygote (maladie de Cooley) :
¾ Circonstances de diagnostic : Le diagnostic est habituellement fait dans la première année
de vie devant un syndrome anémique et des anomalies morphologiques:
aspect
"mongoloïde". Il s'y associe un retard staturo-pondéral et une hépato-splénomégalie.
¾ Hémogramme :
- Anémie sévère, microcytaire. Les réticulocytes sont normaux.
- Sur le frottis : microcytose, poïkilocytose, annulocytose. Il existe des globules rouges
en cible et des ponctuations basophiles.
¾ La ferritine est élevée
¾ Le diagnostic et fait par électrophorèse de l'hémoglobine : élévation importante de
l'hémoglobine F (50 à 95 pour cent) On trouve la présence d'hémoglobine A seulement dans
les formes bêta+ thalassémie
¾ La thalassémie intermédiaire : Elle associe une anémie modérée à une splénomégalie.
L'électrophorèse montre un taux élevé d'hémoglobine F
- 179 -
2005
¾ La forme homozygote de thalassémie alpha : Elle peut se révéler par une anasarque
foeto-placentaire ou une mort foetale in utero
L'anémie est sévère. L'électrophorèse ne montre que des hémoglobines sans chaîne α:
hémoglobine Bart's (γ4) et une hémoglobine H (β4)
2 - Thalassémie hétérozygote :
¾ Circonstances de diagnostic : L'affection est le plus souvent asymptomatique et de
découverte fortuite. L'examen clinique est en général normal. Parfois, il existe une
splénomégalie
¾ Hémogramme : Il montre une microcytose, souvent sans anémie. Il peut même exister une
pseudo-polyglobulie avec augmentation du nombre de globules rouges mais le taux
d'hémoglobine et l'hématocrite sont normaux. Les réticulocytes sont normaux ou peu
augmentés.
¾ Devant cette microcytose, le premier examen à faire est le dosage de la ferritine : dans la
thalassémie mineure non compliqué, la ferritine est normale avoir élevé.
¾ La constatation d'une microcytose associée à une ferritine normale conduit à faire une
électrophorèse de l'hémoglobine: dans les cas atypiques de bêta thalassémie
l'électrophorèse de hémoglobine fait le diagnostic.
Bêta thalassémie : augmentation de l'hémoglobine A2 supérieur à 3,5 %. La
chromatographie liquide permet de doser avec plus de précision cette hémoglobine A2
¾ La "persistance héréditaire de l'hémoglobine foetale" (PHHF) : est rattachée aux
syndromes thalassémiques. Elle ne s'accompagne pas de microcytose. Elle est caractérisée,
à l'électrophorèse par la présence d'hémoglobine F chez un grand enfant ou un adulte.
D'autres hémoglobines sont apparentées au syndrome thalassémique : elles sont
diagnostiquées par électrophorèse éventuellement complétées par les techniques
biochimiques et la biologie moléculaire
¾ Forme particulière: les alpha thalassémies : Elles sont de diagnostic difficile, associant une
microcytose, avec ou sans anémie à une ferritine normale et une électrophorèse de
l'hémoglobine normale. Le diagnostic est fait par biologie moléculaire ou étude des chaînes
de globine
B – DREPANOCYTOSE :
1 - Drépanocytose homozygote :
¾ Circonstances de diagnostic : Il se fait souvent dans la première année de vie, mais
parfois plus tardivement. Les signes révélateurs peuvent être :
- Un syndrome anémique
- Une crise douloureuse abdominale ou osseuse
- Des douleurs thoraciques
- Ou une complication plus sévère: séquestration splénique, accident vasculaire
cérébral
¾ Hémogramme :
- Anémie d'intensité variable, normochrome, normocytaire, parfois macrocytaire et
souvent très régénérative (réticulocytose > 100 x 109/l)
- Sur le frottis: anisocytose, poïkilocytose, corps de Jolly, et parfois érythroblastose
- 180 -
2005
- Une hyperleucocytose est fréquente
¾ Diagnostic positif :
- L'anémie régénérative évoque une hémorragie récente ou une hémolyse. La baisse
de l'haptoglobine et l'augmentation de la bilirubine libre signent l'anémie hémolytique
- Repose sur la mise en évidence de l'hémoglobine S, caractérisée par son profil
électrophorétique et la positivité du test de falciformation
- Dans la forme homozygote, l'électrophorèse montre l'absence d'hémoglobine A, un
taux élevé d'hémoglobine S (75 à 95%) et un taux variable d'hémoglobine F voire A2
¾Diagnostic des complications : L'évolution est marquée par le risque de complications
posent des problèmes diagnostiques difficiles :
- Aggravation de l'anémie : il peut s'agir :
Æ D'une crise de séquestration splénique aiguë (avant l'âge de 4 ans), la rate
n'étant pas encore atrophiée par les infarctus itératifs
Æ D'érythroblastopénies secondaire à une infection par le parvovirus B19
Æ A des carences, en folates en particulier
- Douleurs osseuses : une crise douloureuse osseuse, ou une augmentation de
douleurs osseuse chroniques doivent évoquer :
Æ Une crise vaso-occlusive : infarctus osseux
Æ Un infection: ostéite
- Etat fébrile ou infectieux : les infections sont redoutées chez le drépanocytaire. Les
plus fréquentes sont les pneumopathies, les méningites et les septicémies
- Douleurs abdominales : Elles peuvent se voir lors des crises vaso-occlusives, sans
localisation particulière, et d'intensité variable, parfois très forte
Æ Elles peuvent être dues à un infarctus splénique, mésentérique voire rénal
Æ Les lithiases biliaires pigmentaires sont une complication classique des
anémies hémolytiques chroniques
Æ Penser aussi aux douleurs abdominales trompeuses des affections
thoraciques (pneumopathies)
- Syndrome douloureux thoraciques : causes possibles :
Æ Pneumopathie
Æ Embolie pulmonaire
Æ Infarctus pulmonaire sans embolie
Æ Douleur costale ou sternale (infarctus)
2 - Drépanocytose hétérozygote :
¾ Elles sont habituellement asymptomatiques
¾ Se révèlent parfois par une complication, en particulier un infarctus splénique ou une
crise vaso-occlusive déclenchée par une situation d'hypoxie
¾ Le diagnostic se fait par électrophorèse montrant 40 à 50% d'hémoglobine S, 50 à 60%
d'hémoglobine A et une faible proportion d'hémoglobine S. Le test de falciformation est
positif.
III - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
A – THALASSEMIE :
Il se pose devant une microcytose ou une anémie microcytaire :
¾ Carence martiale: la ferritine est basse et l'électrophorèse de l'hémoglobine est normale. Il
peut exister des états mixtes associant carence martiale à thalassémie. La carence martiale
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2005
pouvant réduire le taux de l'hémoglobine A2, on refera l'électrophorèse de l'hémoglobine
après recharge martiale si la microcytose persiste.
¾ Anémies sidéroblastiques:
myélogramme fait le diagnostic
l'électrophorèse
de
l'hémoglobine
est
normale.
Le
¾ Anémie inflammatoires: la microcytose est inconstante, alors que l'anémie existe.
L'électrophorèse de l'hémoglobine est normale
B – DREPANOCYTOSE :
¾ Drépanocytose hétérozygote: elle est le plus souvent asymptomatique A l'électrophorèse,
on constate la présence d'hémoglobine A et d'hémoglobine S.
¾ Diagnostic par l'électrophorèse. Le tableau clinique est identique
¾ Hémoglobinoses hétérozygotes composites (dites aussi doubles hétérozygotes):
HbS/HbC, surtout, mais aussi HbS/HbE. Le tableau clinique est plus ou moins proche de la
forme hétérozygote. Le diagnostic est fait par électrophorèse.
¾ Association drépanocytose hétérozygote/ βthalassémie hétérozygote: le tableau clinique
est de sévérité variable. A l'électrophorèse, on montre la présence d'HbS, HbF et HbA2 à un
taux relativement élevé. L’hémoglobine A est présente dans les thalassémies β+.
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THROMBOPENIE
RESUME DES POINTS FORTS
-
Chiffre des plaquettes < 150 G/l
Notion de gravité avec risque hémorragique (fonction du chiffre plaquettaire)
Importance de l’interrogatoire (contexte clinique et biologique)
Thrombopénie centrale ou périphérique
AUTEUR : Professeur Mauricette Michallet – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
Les thrombopénies posent trois types de problème: éliminer les fausses thrombopénies,
apprécier la gravité et donc le degré d'urgence et rechercher une étiologie, centrale
(médullaire) ou périphérique.
I - DIAGNOSTIC POSITIF
Le diagnostic positif se fait sur une numération formule plaquette (NFP) : le taux normal des
plaquettes chez l'adulte est de 150 à 400 x 10 9/l. On parlera donc de thrombopénie pour un
chiffre inférieur à 150 x 10 9/l.
Il faut d’emblée préciser le diagnostic de gravité, ce qui permet d’apprécier le risque
hémorragique et le degré d'urgence.
¾ Critères cliniques de gravité : Si le taux plaquettaire constitue un bon paramètre
d'appréciation de la gravité, il peut être en défaut (thrombopathie associée, médicaments).
Certains signes cliniques doivent donc être pris en considération :
- Purpura cutané rapidement extensif
- Bulles hémorragiques endo-buccales
- Hémorragies extériorisées spontanées
- Hémorragies au fond d'oeil, signe le plus grave
¾ Critères biologiques de gravité : On peut considérer que :
- Au dessus de 60 x 109/l plaquettes/mm3, il n'y a pratiquement pas de risque
d'hémorragie spontanée.
- Entre 20 et 60 x 109/l plaquettes/mm3, le risque d'hémorragie spontanée est faible. Il
est surtout lié aux causes associées : traumatismes, thrombopathie associée, en
particulier médicamenteuse (aspirine surtout).
- En dessous de 20 x 109/l plaquettes, le risque hémorragique spontané est important ;
le patient doit être hospitalisé ou au moins suivi par un centre spécialisé.
II - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL : LES FAUSSES THROMBOPENIES
L'introduction des automates en hématologie a permis d'obtenir une grande précision dans le
comptage des plaquettes. Néanmoins, certaines causes d'erreur sont encore possibles,
génératrices de "fausses thrombopénies" (et parfois d'examens inutiles).
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¾ Erreur technique : présence d'un caillot dans le tube. Ici, c'est au laboratoire de ne pas
rendre ce chiffre erroné, sachant que les micro-caillots sont parfois difficiles à objectiver.
¾ Fausse thrombopénie induite par l'EDTA : chez un certain nombre de sujets, l'EDTA,
anticoagulant sur lequel sont prélevés les hémogrammes, induit une agrégation in vitro
responsable de fausses thrombopénies. Il est donc nécessaire, devant toute thrombopénie
de demander un contrôle du comptage sur un autre anticoagulant, type citrate.
III - ETIOLOGIE ET TRAITEMENT
¾ Signes cliniques d'orientation :
- Prise de médicaments
- Thrombopénie isolée, ou associée à des signes évoquant l'atteinte de plusieurs
lignées : syndrome anémique, fièvre, ulcérations buccales
- Recherche de splénomégalie,qui doit être soigneuse.
- Recherche de signes d'hémopathie : adénopathies, infiltrats cutanés ou muqueux.
- Recherche d’un contexte infectieux sévère ou de maladie auto-immune connue, qui
évoquera plutôt une origine périphérique.
- Recherche d’une maladie maligne traitée par chimiothérapie, qui évoquera plutôt une
origine centrale.
¾ Signes biologiques d'orientation :
- La thrombopénie isolée sur l'hémogramme évoque plus une origine périphérique.
- L’existence de formes anormales :
Æ Cellules anormales (blastes), qui orientent vers une origine centrale
Æ Plaquettes dysmorphiques
Æ Signes de dysérythropoïèse, de dysgranulopoïèse
- L’existence d’anomalies de la coagulation associées
Au terme de ce bilan, il arrive que l'on dispose de suffisamment d'éléments pour différer ou
ne pas faire le myélogramme et la démarche diagnostique sera celle liée à ces pathologies.
Sinon, seul le myélogramme permettra de savoir si la thrombopénie est liée à une pathologie
médullaire, ou est périphérique.
A - THROMBOPENIES PERIPHERIQUES : THROMBOPENIES AVEC MYELOGRAMME
NORMAL (MEGACARYOCYTES AUGMENTES OU AU MOINS NORMAUX EN NOMBRE
ET EN QUALITE) :
1 - Thrombopénies par destruction excessive :
¾ Destruction par auto-anticorps : Le purpura thrombopénique idiopathique (PTI) est un
modèle d'auto-immunisation anti-plaquettaire. Le diagnostic est suspecté sur le contexte :
thrombopénie isolée d'apparition brutale chez un enfant ou plus rarement un adulte. Le
myélogramme est normal, avec mégacaryocytes nombreux. La recherche d'anticorps
associés aux plaquettes (faussement appelés anticorps anti-plaquettes) donne de trop
nombreux faux positifs. Seuls des tests spécialisés (type MAIPA) authentifient l'autoimmunisation anti-plaquettaire, mais ils ne sont pas de pratique courante. Ces autoimmunisations peuvent aussi se voir au cours de :
- Pathologies auto-immunes (LED)
- Hémopathies lymphoïdes.
- 184 -
2005
L'association avec une anémie hémolytique auto-immune constitue le syndrome d'Evans.
¾ Destruction par allo-anticorps :
- Post-transfusionnelle à distinguer des thrombopénies après transfusions massives,
- Néonatale : allo-immunisation foeto-maternelle, ou transmission passive au foetus
d'auto-anticorps maternels (mère porteuse d'un PTI, même guérie en apparence), ou
d'un lupus érythémateux disséminé.
- Thrombopénies médicamenteuses : la quinine, la quinidine, les sulfamides et de
nombreux médicaments ont été mis en cause, leur responsabilité est très difficile à
établir.
Il faut citer ici, à part, les thrombopénies induites par les héparines (TIH) pour lesquelles on
dispose maintenant de tests in vitro de plus en plus fiables. Liées à un mécanisme
immunologique, elles s'apparentent en fait aux thrombopénies par consommation.
¾ Thrombopénies infectieuses ou post-infectieuses : Après infection virale en particulier, qu'il
est extrêmement difficile de distinguer du purpura thrombopénique idiopathique. La
thrombopénie est parfois révélatrice d'une infection VIH. La sérologie VIH fait donc partie du
bilan étiologique des thrombopénies.
2 - Thrombopénies par consommation :
¾ La Coagulation intra-vasculaire disséminée (CIVD) peut être affirmée par le bilan
d'hémostase : allongement du temps de Quick et du temps de Céphaline + activateur, chute
du fibrinogène taux élevé de PDF ou de D-Dimères, présence de complexe soluble. Elle
survient en général dans un contexte particulier (sepsis, obstétrique...)
¾ Le purpura thrombotique thrombopénique, plus rare, associe des signes neurologiques, de
la fièvre, une hémolyse par fragmentation avec présence de schizocytes sur le frottis
sanguin et une thrombopénie sévère.
¾ On peut en rapprocher les microangiopathies thrombotiques comme le syndrome
hémolytique et urémique de l'enfant.
¾ On citera enfin les rares thrombopénies liées aux angiomes et tumeurs vasculaires
(syndrome de Kasabach-Meritt).
3 - Thrombopénies par séquestration :
Toute splénomégalie peut être responsable de thrombopénie. Il s'agit d'un diagnostic
clinique. Les thrombopénies sont généralement peu sévères. La splénomégalie affirmée, il
faut en retrouver l'étiologie (l'hypertension portale et la cirrhose, éthylique ou posthépatitique, …).
B - LES THROMBOPENIES CENTRALES :
1 - thrombopénie avec myélogramme riche mais anormal :
Le myélogramme donne ici le diagnostic :
¾ Mégaloblastose
¾ Myélodysplasie : anémies réfractaires, avec ou sans excès de blastes ; les autres
myélodysplasies: anémie sidéroblastique idiopathique acquise et syndrome
myélomonocytaire ne se révèlent habituellement pas par une pancytopénie
- 185 -
2005
¾ Leucémies aiguës, granuleuses ou non granuleuses
¾ Cancers métastatiques médullaires
¾ Envahissement lymphomateux
¾ Rarement : leucémie lymphoïde chronique, myélome, Waldenström avec infiltration
médullaire massive (lymphocytose, plasmocytose ou lymphoplasmocytose)
¾ Citons aussi le syndrome d'activation macrophagique aux étiologies diverses.
2 - thrombopénie avec myélogramme pauvre :
Il faut alors recourir à la biopsie médullaire qui permettra de distinguer :
¾ Les myélofibroses : myélofibroses primitive, ou secondaire à une hémopathie (leucémie à
tricholeucocytes).
¾ Les aplasies médullaire, primitive ou secondaire : toxique, radiothérapique,
médicamenteuse.
¾ Un cas particulier : les thrombopénies centrales par atteinte isolée de la lignée
mégacaryocytaire, qui peuvent être :
- Acquises : après chimiothérapie intensive
- Congénitales : cas de l'exceptionnelle amégacaryocytose congénitale avec aplasie
radiale.
C – TRAITEMENT :
¾ PTI :
- Corticothérapie
- Gammaglobulines
- Splénectomie
- Immunosuppresseurs (fonction de l’âge du patient et de la réponse au traitement
initial)
¾ Thrombopénies secondaires : le traitement dépend naturellement de la cause.
POUR APPROFONDIR
1. George JN, Woolf SH, Warier I. Idiopathic thrombocytopenic purpura : a practice guideline
developed by explicit methods for the American Society of Hematology. Blood 88(1):3-40,
1996.
2. Renuzzi G, Ruggeresti P. The hemolytic-uremic syndrome. Kidney Int 48 :2-19, 1995.
- 186 -
2005
TRANSFUSION SANGUINE ET PRODUITS DERIVES DU SANG
INDICATIONS, COMPLICATIONS ET HEMOVIGILANCE
AUTEUR : Docteur Philippe Renaudier – Service d’Hématologie Clinique – Hôpital
Edouard Herriot
La transfusion sanguine consiste à administrer le sang d'un ou plusieurs sujets sains
(donneurs) ou l'un de ses composants, cellulaire ou plasmatique, à un ou plusieurs sujets
malades (receveurs).
L'intitulé de la question sous-entend la connaissance des chapitres suivants de la
physiologie : immuno-hématologie, hémostase, transport des gaz par le sang, milieu intérieur
et immunologie générale, qu'il convient de réviser au préalable.
I - PHARMACOLOGIE TRANSFUSIONNELLE
A – CLASSIFICATION DES PRODUITS SANGUINS :
Ils sont divisés en :
¾ Produits sanguins labiles (PSL), comportant eux-mêmes :
- Concentrés de Globules Rouges (CGR)
- Concentrés Plaquettaires, qui sont :
- soit des Mélanges de Concentrés Plaquettaires (MCP), préparés à partir de la couche
leuco-plaquettaire (buffy-coat) de 4 à 6 dons de sang total ;
- soit des Concentrés de Plaquettes d'Aphérèse (CPA), monodonneurs ;
- Plasma Frais Congelé (PFC).
¾ Médicaments Dérivés du Sang (MDS), anciennement dénommés produits stables, et
comportant :
- Albumine
- Immunoglobulines
- Facteurs de coagulation.
B - PRODUITS SANGUINS LABILES :
1 – Définition :
Il s'agit de produits caractérisés par une durée de conservation courte et des règles
d'administration basées sur l'immuno-hématologie. Ils sont produits par l'Etablissement
Français du Sang (EFS). Leur système de surveillance est l'Hémovigilance.
2 – Durée de conservation :
¾ CGR = 42 jours à +4°C
¾ MCP/CPA = 5 jours à +20°C sous agitation
¾ PFC = 1 an à -30°C.
- 187 -
2005
3 – Caractéristiques particulières à certains PSL :
Les PSL cellulaires (concentrés érythrocytaires et plaquettaires) peuvent :
¾ Etre secondairement modifiés (= transformation)
¾ Posséder certaines caractéristiques (= qualification)
- Les différentes transformations :
CARACTERISTIQUE
METHODE
BUT
Déleucocytation
Filtration
- ↓ Frissons-hyperthermie
- Prévention transmission CMV
- Systématique actuellement
Déplasmatisation
Lavage au
sérum ϕ
- Allergie aux protéines plasmatiques
- Syndromes frissons-hyperthermie
* si mal tolérés
* et répétés
Irradiation
- Cesium
- 20 à 40 Gγ
- Immunodépression majeure
* greffe de CSH
* prématuré
- Transfusion intra-familiale
Congélation
- Azote liquide
- Cryopréservateur
- Groupes rares
Réduction de volume
Elimination du surnageant
- Restriction hydrique
Préparation pédiatrique
Partition en plusieurs poches
- Enfants en bas âge
- Même donneur
- Les différentes qualifications :
CARACTERISTIQUE
METHODE
BUT
Phénotypage RH-K
Respect des Ag
D-C-c-E-e-K-
- Prévention réactions hémolytiques
- Prévention MHNN (obligatoire pour les
femmes non ménopausées)
Phénotypage étendu
Respect d'autre Ag
- Malade porteur d'ACI
- Hémoglobinopathies (pas systématique)
Compatibilisation
Coombs indirect entre
sérum malade/hématies
des CGR à transfuser
- Malade porteur d'ACI
CMV négatif
Sérologie CMV du
donneur négative
- En transplantation : si donneur et receveur
CMV- Prématurés
- 188 -
2005
C - MEDICAMENTS DERIVES DU SANG :
Il s'agit de produits caractérisés par une durée de conservation longue et pour lesquels il
n'existe pas de contraintes immuno-hématologiques. Ils sont issus du fractionnement
plasmatique, qui est réalisé en France sous l'égide du Laboratoire Français du
Fractionnement et des Biotechnologies (LFB). Ils sont gérés par les pharmacies et leur
système de surveillance est la Pharmacovigilance.
D - EXAMENS COMPLEMENTAIRES :
Les examens complémentaires en transfusion doivent être envisagés sous deux aspects :
¾ Médical et technique développé ici
¾ Réglementaire (Arrêté du 26 avril 2002) développé au chapitre IV.
1 - Principe général :
Les examens complémentaires pratiqués en immuno-hématologie consistent à rechercher
des réactions antigène-anticorps. Elles sont mises en évidence par la réaction
d'agglutination. Il s'agit du pontage des globules rouges par les anticorps, lorsqu'ils
expriment sur leurs membranes l'antigène correspondant. Il se forme alors un réseau,
observable à l'œil nu sous forme d'agglutinats.
Les techniques utilisées au laboratoire sont variées. A l'hôpital, la carte de contrôle prétransfusionnel est un test de Beth-Vincent.
2 - Groupage ABO-RHD :
Il ne nécessite aucune précaution particulière et se pratique à température ambiante. Sa
réalisation ne nécessite que quelques minutes et il est donc disponible en urgence.
Le groupage ABO comporte deux techniques complémentaires :
¾ Le test de BETH-VINCENT, qui consiste à rechercher la présence des antigènes A et B
sur la membrane globulaire, à l'aide d'antisérums de spécificité connue ;
¾ Le test de SIMONIN, qui consiste à rechercher la présence des anticorps naturels anti-A
et anti-B dans le plasma, à l'aide de globules rouges de spécificité connue.
Le groupe RHD ne comporte qu'une technique globulaire dont le principe est celui de BETHVINCENT, puisqu'il n'y a pas d'anticorps naturels dans le système Rhésus.
3 - Phénotypage érythrocytaire :
Dans sa forme habituelle, il consiste à rechercher l'expression sur la membrane
érythrocytaire des antigènes C-c-E-e du système Rhésus et K du système Kell (= les plus
immunogènes). Sa réalisation nécessite une heure, et il n'est donc pas disponible en
urgence.
4 - Recherche d'anticorps irréguliers (RAI) :
Elle consiste à rechercher par un Coombs indirect la présence d'anticorps irréguliers dans le
sérum du malade. Sa réalisation nécessite une heure au minimum. La RAI n'est
réglementairement valable que trois jours (=72 heures), et doit être pratiquée avant toute
transfusion érythrocytaire.
- 189 -
2005
II - CLINIQUE TRANSFUSIONNELLE
A – PRINCIPES GENERAUX :
Ils s'appliquent aux produits sanguins labiles et aux médicaments dérivés du sang.
¾ 1er principe : le sang total n'a plus d'indication.
¾ 2ème principe : on substitue l'élément déficient et lui seul.
¾ 3ème principe : on ne transfuse qu'en cas de nécessité.
B – CONCENTRES DE GLOBULES ROUGES :
1 - Bases physiopathologiques :
On rappelle que c'est la diminution du taux d'hémoglobine qui définit l'anémie. Les anémies
aiguës telles qu'elles sont observées dans les hémorragies importantes comportent une
perte de plasma et d'hémoglobine, donc une baisse de la volémie. C'est elle qui est à
corriger en priorité dans le cadre d'un choc hémorragique. Les anémies chroniques ne
comportent qu'une perte d'hémoglobine.
La seule justification d'une transfusion érythrocytaire repose sur la nécessité d'augmenter le
transport artériel de l'oxygène aux tissus. En effet, l'oxygène n'est en pratique transporté que
par l'hémoglobine. Mais la possibilité de réponse de l'organisme à une anémie est tout aussi
déterminante. C'est le cœur qui en est l'organe-clé, par l'augmentation du débit cardiaque et
la décision transfusionnelle doit de ce fait toujours prendre en compte le versant
cardiologique.
Au total, la décision d'une transfusion érythrocytaire repose sur le taux d'hémoglobine ET sur
le jugement clinique (douleurs angineuses, dyspnée). Au bloc opératoire ou en réanimation,
la saturation en oxygène et le débit cardiaque en sont des paramètres quantifiables.
2 – Indication :
La notion de seuil transfusionnel, validée par l'AFSSAPS, définit le taux d'hémoglobine en
dessous duquel il faut transfuser dans la majorité des cas. Elle n'est valable qu'après l'âge
de 2 ans, et est à moduler en fonction de la clinique.
Dans le cas général, ce seuil est à :
¾ 60g/l (70g/l en cas d'anémie aiguë)
¾ 80g/l en cas d'antécédent cardio-vasculaire
¾ 100g/l en cas de pathologie cardio-pulmonaire patente avec signes d'intolérance à
l'anémie.
Ce seuil doit être remonté à :
¾ 80g/l chez les sujets âgés
¾ 90g/l chez les femmes enceintes
¾ 100g/l en cas d'insuffisance coronarienne aiguë.
3 – Posologie :
Elle est en pratique déterminée empiriquement : 1 CGR fait remonter le taux d'hémoglobine
d'environ 10g/l chez un adulte de 70 kg.
- 190 -
2005
4 - Délai d'utilisation :
Six heures.
C - CONCENTRES PLAQUETTAIRES :
1 – Indications :
L'objectif de la transfusion plaquettaire est d'assurer l'hémostase primaire, lorsque les
plaquettes sont déficientes en nombre (thrombopénie centrale) ou en qualité
(thrombopathie).
Les seuils transfusionnels validés par l'AFSSAPS ne concernent que les thrombopénies
centrales.
En chirurgie, ce seuil est à :
¾ 50G/l dans le cas général
¾ 80G/l pour une péridurale
¾ 100G/l en neurochirurgie et en ophtalmologie pour les interventions sur le segment
postérieur.
En médecine, ce seuil est à :
¾ 10G/l dans le cas général
¾ 20G/l en cas d'hyperthermie, d'hypertension ou de lésion à risque hémorragique
¾ 50G/l en cas de geste invasif (dont la chirurgie, cf plus haut).
2 – Posologie :
La dose théorique à administrer est 0,5 à 0,7.1011 Pq7kg. L'ordonnance doit
réglementairement comporter le poids et la numération plaquettaire ayant motivé la
transfusion.
MCP et CPA ont la même efficacité thérapeutique. Les MCP ont une tolérance clinique un
peu meilleure, et les CPA n'exposent le receveur qu'à un seul donneur.
3 – Délai d'utilisation :
Deux heures.
D - PLASMA FRAIS CONGELE :
1 – Indications :
Pour ce produit, elles sont définies par arrêté ministériel. L'indication doit réglementairement
figurer sur l'ordonnance. Ce sont :
¾ CIVD
¾ Transfusions massives
¾ Cirrhoses
¾ Microangiopathies thrombotiques
- 191 -
2005
2 – Posologie :
Empirique.
3 – Délai d'utilisation :
Immédiat.
E – ALBUMINE :
1 – Bases physiopathologiques :
L'albumine est une protéine à synthèse hépatique.
Ses deux rôles principaux sont :
¾ Assurer la pression oncotique du plasma
¾ Transporter :
- La bilirubine non-conjugée
- Les acides gras
- Les hormones stéroïdiennes
- Certains médicaments (AVK en particulier).
2 – Indications :
L'albumine se présente sous deux formes thérapeutiques dont les indications sont très
différentes.
L'albumine à 4% est un liquide de remplissage. Elle doit être utilisée chez l'adulte lorsque la
posologie maximale des colloïdes de synthèse est atteinte, et systématiquement chez
l'enfant et la femme enceinte.
L'albumine à 20% est une éponge. Son pouvoir d'expansion plasmatique (c'est à dire le
volume d'eau qu'elle est capable d'attirer des espaces extra-vasculaires vers le plasma) est
de 17cc d'eau par gramme d'albumine. Elle est indiquée dans le cadre des hypoprotidémies
avec hyperhydratation intra-cellulaire (voir la question 219).
F – IMMUNOGLOBINES :
1 – Immunoglobulines polyvalentes :
Elles sont indiquées dans deux cadres :
¾ Les déficits immunitaires humoraux, qu'ils soient primitifs (type maladie de Bruton) ou
secondaires à un syndrome lymphoprolifératif (type LLC ou myélome)
¾ L'immunomodulation (type PTI ou Guillain Barré).
Dans tous ces cas rares et particuliers, les indications sont du ressort de l'hématologue ou
du neurologue.
2 – Immunoglobulines spécifiques :
Pour les indications des Ig anti-VHB, voir le cours sur les AES.
Les Ig anti-D sont indiquées :
- 192 -
2005
¾ Dans la prévention de l'allo-immumnisation foeto-maternelle RH-D chez une mère RH
négative, dans les 72 heures suivant l'accouchement d'un enfant RH positif, ou de toute
autre situation exposant à un risque d'immunisation foeto-maternelle
¾ En cas de transfusion de concentrés plaquettaires RH + à un receveur RH-.
Les Ig anti-tétaniques sont utilisées en association avec la vaccination dans la prophylaxie
anti-tétanique selon le schéma ci-dessous, ainsi que dans le traitement du tétanos déclaré.
VACCINATION
- < 5 ans
- 5-10 ans
- > 10 ans
- absente ou douteuse
PLAIE MINIME
PLAIE ETENDUE
0
0
rappel
0
vaccin
vaccin + γ
vaccin + γ
vaccin + γ
G – FACTEURS DE COAGULATION :
Des déficits ont été décrits pour tous les facteurs de la coagulation et pour les inhibiteurs.
Ces déficits peuvent être :
¾ Héréditaires et porter habituellement sur un seul facteur
¾ Acquis et porter habituellement sur plusieurs facteurs.
Les facteurs de coagulation disponibles en thérapeutique ne sont pas tous issus du
fractionnement plasmatique : il existe aussi des produits recombinants.
1 – Déficits en plusieurs facteurs :
Le déficit en vitamine K abaisse les quatre facteurs : II, VII, IX, X. Il s'observe à la suite de
l'administration d'antivitamine K, de malabsorption ou chez le prématuré. Le PPSB
(KASKADIL®) apporte ces quatre facteurs, mais il n'est indiqué que dans les situations
d'urgence, notamment dans les surdosages en AVK (voir question 182). Il est contre-indiqué
chez le prématuré, où il convient en cas de déficit en facteurs vitamine K dépendants
d'utiliser le PFC. Il est aussi contre-indiqué dans les CIVD.
INR
HEMORRAGIE
<5
0
0
>5
ou Mineure
>5
Majeure
CAT
- Supprimer la prochaine prise
- Reprendre l'AVK à dose + faible lorsque INR souhaité est obtenu
- Arrêt AVK
- Vitamine K : 1 mg per os ou IV (1 heure)
- Contrôler l'INR 12 à 24 h + tard et renouveler la vitamine K si nécessaire
- Reprise AVK à dose plus faible lorsque l'INR est obtenu.
- KASDADIL® a renouveler éventuellement selon l'INR 1 heure à la fin de la
perfusion*
- Vit K, 5 mg per os ou IV
- Discuter la reprise de l'AVK selon l'état clinique.
- Rechercher une association médicamenteuse facilitant le saignement :
acide acetyl salicylique, anti-inflammatoire.
L'insuffisance hépato-cellulaire abaisse peu ou prou tous les facteurs de coagulation. C'est le
PFC qu'il convient alors d'utiliser, en particulier parce qu'il apporte du facteur V.
- 193 -
2005
2 – Déficit en un seul facteur :
Il convient de substituer le seul facteur déficient. C'est par exemple le cas de l'hémophilie.
La décision thérapeutique se fonde sur :
¾ L'appréciation clinique du risque hémorragique
¾ Le dosage du facteur
¾ L’impossibilité d'alternative.
La répétition des injections dépend de la demi-vie du facteur. Le choix entre produit
recombinant et plasmatique, lorsque les deux formes existent, est du ressort de
l'hématologue.
H – ALTERNATIVE A LA TRANSFUSION :
L'auto-transfusion comporte deux techniques différentes : la transfusion autologue
programmée (TAP) et la récupération des pertes sanguines per et post-opératoires.
L'érythropoïétine recombinante (EPREX®, NEO-RECORMON®, ARANESP®) permet de
limiter les transfusions après certaines chimiothérapies (lymphome, myélome, ovaire et
testicule notamment). Elle permet aussi d'améliorer la tolérance et l'efficacité des
programmes de transfusion autologue programmée avant chirurgie hémorragique
(orthopédie, chirurgie vasculaire…).
III - COMPLICATIONS DES TRANSFUSIONS
Ces complications peuvent être :
¾ Immunologiques :
- Incompatibilité érythrocytaire
- Incompatibilité leuco-plaquettaire
- Réaction de type allergique
¾ Infectieuses :
- Bactériennes
- Virales
- Parasitaires
¾Par surcharge :
- Volémique
- Hémochromatose secondaire.
A cette classification physiopathologique s'oppose la classification clinique que nous
utiliserons.
Tout incident transfusionnel doit être déclaré au correspondant d'hémovigilance de l'hôpital
qui remplit une fiche d'incident transfusionnel (voir plus loin).
A – COMPLICATIONS IMMEDIATES :
Elles surviennent par convention dans les 24 heures suivant la transfusion. La
symptomatologie débute par l'un des trois signes suivants: frissons-hyperthermie, urticaire,
toux.
- 194 -
2005
La symptomatologie s'en tient habituellement là. Mais le point important est que chacun de
ces signes peut être le premier élément d'un tableau clinique plus grave.
1 – Syndrome frissons-hyperthermie :
En cours ou en fin de la transfusion apparaissent :
¾ Un frisson, qui peut être important
¾ Une hyperthermie, qui peut atteindre 38° à 40°C.
Il n'y a en règle jamais :
¾ De douleurs lombaires.
¾ De collapsus.
Ses étiologies sont :
¾ Classiquement une incompatibilité leuco-plaquettaire (anti-HLA acquis par grossesse ou
antécédents transfusionnels)
¾ Parfois un anticorps anti-érythrocytaire (ACI) ; il y a alors classiquement une hémolyse
intra-tissulaire retardée dans les jours suivants
¾ Pour les concentrés plaquettaires, surtout les CPA, la présence de cytokines (Il-1 et Il-6 en
particulier) relargués durant la conservation.
¾ Mais le plus souvent, l'étiologie est inconnue.
Un syndrome frissons-hyperthermie impose l'arrêt de la transfusion. Il se traite
habituellement soit par le paracétamol (500mg de PERFALGAN® en IV), soit par de petites
doses de corticoïdes (20mg de SOLUMEDROL® en IV).
2 – Incompatibilité érythrocytaire :
Elle peut être due à :
¾ Une erreur ABO (le plus souvent)
¾ Un anticorps irrégulier (parfois)
La sémiologie est différente selon que le malade est conscient ou anesthésié. Chez le
malade conscient, dans les dix premières minutes de la transfusion, apparaît la triade :
¾ Frissons-hyperthermie
¾ Douleurs lombaires
¾ Céphalées.
Ce tableau se complète rapidement par un collapsus et une CIVD.
Chez le malade anesthésié, la triade d'appel manque. L'incompatibilité transfusionnelle est
ici évoquée devant l'association :
¾ Hypotension brutale
¾ Hémorragie en nappe du champ opératoire (CIVD)
¾ Arrêt de la diurèse (si malade sondé).
Au plan physiopathologique, une incompatibilité érythrocytaire résulte toujours de
l'interaction entre :
- 195 -
2005
¾ Un anticorps présent chez le receveur,
¾ Un antigène présent chez le donneur.
L'anticorps se fixe sur les hématies transfusées. Il active alors le complément, ce qui a deux
conséquences :
¾ Génération de C3a et C5a, qui sont des anaphylatoxines responsables d'une vasoplégie
majeure,
¾ Constitution du complexe d'attaque, qui perfore la membrane érythrocytaire.
L'hémoglobine est libérée dans le plasma. Elle se fixe sur l'haptoglobine dont le taux
s'effondre. L'hémoglobine non fixée traverse le filtre rénal et passe dans les urines.
Parallèlement, les fragments de membranes des globules rouges qui ont éclaté sont libérés
dans le sang. Leurs phospholipides activent le système contact, provoquant une CIVD.
3 – Contaminations bactériennes :
Les Gram +, type staphylocoque, proviennent de la peau du donneur et contaminent plus
volontiers les concentrés plaquettaires. Les Gram-, type entérobactéries, correspondent à
des bactériémies et contaminent plutôt les concentrés érythrocytaires (notamment Yersinia
enterolytica, qui pousse à 4°C).
La symptomatologie comporte un syndrome frissons-hyperthermie, qui précède un choc
septique (voir questions 104 et 200).
4 – Réactions de type allergique :
Elles sont fréquentes et habituellement bénignes. Elles se manifestent en règle par un prurit
et/ou une urticaire, parfois associés à une hyperthermie. Très rarement, cette réaction peut
aller jusqu'à un œdème de Quincke ou un choc anaphylactique.
La physiopathologie est double. Dans certains cas, il s'agit d'allergie vraie aux protéines
plasmatiques, notamment chez les sujets porteurs d'un déficit constitutionnel en IgA et d'un
anticorps anti-IgA. Dans d'autres cas, le relargage de cytokines par le sang au contact des
filtres à déleucocyter a été incriminé (voir questions 113 et 211).
5 – Œdème aigu du poumon :
Cela peut s'observer chez les insuffisants cardiaques, les vieillards ou les prématurés.
6 – Syndrome de détresse respiratoire aiguë :
Encore appelé TRALI : "Tranfusion-Related Acute Lung Injury".
Il s'agit d'un œdème pulmonaire lésionnel (sans défaillance cardiaque, donc avec des
pressions de retour basses) par agression des cellules de la membrane alvéolo-capillaire
(rôle des immuns complexes, des anticorps anti-granuleux contenus dans le plasma du
donneur, des cytokines…).
Il se manifeste par une dyspnée et une hypoxie au décours d'une transfusion.
- 196 -
2005
B – COMPLICATIONS RETARDEES :
1 – Inefficacité transfusionnelle :
a) Transfusion érythrocytaire :
Un à cinq jours après une transfusion :
¾ Qui s'était classiquement compliquée d'un syndrome frissons- hyperthermie
¾ Mais qui peut aussi s'être déroulée normalement, et alors que l'anémie s'était initialement
corrigée, on assiste à une baisse progressive du taux d'hémoglobine, liée à une hémolyse
intra-tissulaire.
La symptomatologie complète comporte :
¾ Un sub-ictère avec hyperbilirubinémie libre ou mixte
¾ Des urines foncées
¾ Une anémie.
Le diagnostic positif repose sur la positivité du test de Coombs direct. Le diagnostic
différentiel (de l'anémie) est l'hémorragie, notamment en post-opératoire.
b) Transfusion plaquettaire :
L'inefficacité transfusionnelle plaquettaire se détecte sur la numération pratiquée 24 heures
après la transfusion. En pratique, il s'agit d'une numération plaquettaire qui n'a pas, ou pas
suffisamment, remontée. En théorie, la définition est un rendement transfusionnel
plaquettaire (RTP) inférieur à 0,20 (voir Annexe 2).
Elle est souvent due à la présence d'anticorps anti-HLA.
c) Facteur de coagulation :
Lors des déficits congénitaux en facteur de coagulation, l'administration du facteur peut
donner lieu à la production d'anticorps. Dans le cadre de l'hémophilie, ils sont habituellement
dénommés inhibiteurs (voir question 339).
Il s'agit d'une complication grave, qui compromet l'efficacité des thérapeutiques ultérieures.
Sa prise en charge est du ressort de l'hématologie spécialisée.
2 – Contaminations virales :
Les virus infectant l'homme peuvent être transmis par transfusion seulement s'ils sont
présents dans le sang au moment du don.
Les contaminations virales sont actuellement exceptionnelles en raison :
¾ De la sélection clinique des donneurs
¾ De la qualification biologique du don, qui consiste, sur chaque don, à pratiquer une
batterie de sérologies, à laquelle s'est rajouté depuis peu le dépistage génomique viral
(adaptation de la technique de PCR) pour le VIH et le VHC.
Les principaux agents transmissibles par transfusion sont: VIH, VHB, VHC, HTLV-1, CMV,
parvovirus B19 du virus Nil occidental (West-Nile), paludisme, syphilis, maladie de Chagas.
- 197 -
2005
A l'heure actuelle, la possibilité de transmission transfusionnelle de Creutzfeldt-Jacob n'est
pas retenue.
Les risques résiduels moyens (= probabilité de transmission d'un agent infectieux pour une
unité de produit sanguin labile dûment qualifiée) sont actuellement estimés à :
¾ VIH = 1/2 700 000
¾ VHC = 1/8 300 000
¾ VHB = 1/470 000
En raison des problèmes de santé publiques survenus dans les années 80, les sérologies
pré-transfusionnelles (ALAT, VIH, VHC, VHB facultative) sont réglementairement
obligatoires, de même que la remise à tout patient transfusé d'une ordonnance pour faire
pratiquer des sérologies post-transfusionnelles trois mois après transfusion.
3 – Hémochromatoses secondaires :
Elle est le fait des transfusions érythrocytaires dans les anémies chroniques (voir question
242). Sa prévention et son traitement reposent sur le DESFERAL®, parfois sur le
FERIPROX®.
IV - HEMOVIGILANCE ET REGLEMENTATION
A – HEMOVIGILANCE :
1 – Définition :
L'hémovigilance est le système de surveillance épidémiologique de la chaîne
transfusionnelle, unissant le donneur au receveur. Elle constitue l'un des éléments de la
sécurité transfusionnelle.
Elle a été mise en place par la Loi du 4/1/93, dite "1ère Loi Kouchner" ; Décret d'application
du 24/1/94.
2 – Organisation :
L'Hémovigilance est organisée selon un réseau à trois niveaux :
¾ Niveau local : les correspondants d'hémovigilance (1 à l'Etablissement de Santé, 1 à
l'Etablissement Français du Sang)
¾ Niveau régional : les coordonnateurs régionaux d'Hémovigilance, au niveau de la DRASS
¾ Niveau national : l'unité d'Hémovigilance de l'AFSSAPS.
3 – Correspondant d'Hémovigilance de l'ES :
Ses rôles sont :
¾ Traçabilité des produits sanguins labiles (les médicaments dérivés du sang sont tracés par
la pharmacie)
¾ Déclaration et investigation des incidents transfusionnels
¾ Actions correctives et préventives concernant la transfusion :
- Formation des personnels hospitaliers
- Qualité transfusionnelle et son évaluation
- Recherche clinique et épidémiologique en transfusion
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¾ Animation du Comité de Sécurité Transfusionnelle et d'Hémovigilance (CSTH), qui est
l'une des instances consultatives d'un hôpital.
B – REGLEMENTATION TRANSFUSIONNELLE :
1 – Champ d'application :
Elle couvre l'ensemble de la chaîne transfusionnelle, dont chaque maillon est encadré par
des "bonnes pratiques" opposables (prélèvement, qualification biologique du don,
préparation des PSL, transport, distribution, transfusion). La version actuelle des bonnes
pratiques implique des systèmes informatiques validés et interfacés afin d'éviter les erreurs
liées au recopiage.
2 – Prélèvement pour immuno-hématologie :
La Circulaire du 15 décembre 2003 impose :
¾ La vérification de l'identité du malade portée sur les étiquettes (nom, prénom, date de
naissance, sexe) par l'infirmière et le malade
¾ L'étiquetage des tubes après le prélèvement, et au lit du malade
¾ Un bon de demande d'examen accompagnant les tubes et comportant l'identification du
malade (étiquettes) et du préleveur, ainsi que la mention du type d'examen demandé.
3 – Prescription et distribution :
Une prescription de produits sanguins labiles est une ordonnance au sens de l'Article 37 du
Code de Déontologie Médicale (voir question 167).
L'attribution n'est possible que si l'ordonnance est remplie en bonne et due forme, et est
accompagnée :
¾ D'une carte de groupe sanguin valable (voir tableau ci-dessous), comportant deux
déterminations ABO-RHD avec phénotype Rhésus-Kell, ou des prélèvements permettant de
l'établir ;
¾ D'une RAI datant de moins de 3 jours.
En cas d'urgence vitale, l'ensemble de ces dispositions peut être omis. Les concentrés de
globules rouges attribués sont de groupe O Rh négatif K négatif. Il convient néanmoins de
prélever un tube pour groupage et un tube pour RAI avant la transfusion, afin de pouvoir
transfuser le malade en iso groupe dès que les examens sont réalisés (les réserves de CGR
O-K- sont limitées)
Toute transfusion nécessite au préalable la réalisation des sérologies pré-transfusionnelles.
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TYPE D'EXAMEN
Groupage ABO-RHD
Phénotypage RH-K
Phénotypage étendu
RAI
Test direct à
l'antiglobuline
TECHNIQUE
* 2 prélèvements ≠
* 2 techniques par prélèvement :
- Beth-Vincent
- Simonin
* Ag = C-c-E-e-K
* 2 prélèvements ≠
VALIDITE
A vie
* Ag : au minimum Fya, Fyb, Jka,
Jkb, S, s
* 2 prélèvements ≠
* 1 prélèvement
* Coombs indirect
* 1°étape : détection de
l'anticorps
* 2°étape : identification de
l'anticorps si détection +
A vie
* 1 prélèvement
* Coombs direct
A vie
* 72 h
Quelques
jours
INDICATION
* Contexte pré-transfusionnel avéré ou potentiel
* Prénuptial pré-ou péri-natal
* Idem
* Cet examen est systématiquement pratiqué lors d'une
demande de groupage. Mais le phénotype RH-K ne doit
réglementairement être pris en compte que chez la
femme en période d'activité génitale
* RAI +
* Certains polytransfusés (ex : hémoglobinopathies)
* Prescription exceptionnelle
* Patient susceptible à court terme d'être transfusé
* Pré-ou péri-natal
* Si RAI + (décision du biologiste)
* Bilan incident transfusionnel
* Diagnostic d'une hémolyse
* MHNN
4 – Acte transfusionnel :
Le cadre juridique est le suivant :
¾ La transfusion sanguine est un acte médical.
¾ La réalisation d'une transfusion est un acte thérapeutique délégué sous responsabilité
médicale qui impose une surveillance clinique étroite du patient transfusé.
¾ La transfusion doit être effectuée chaque fois que possible la journée plutôt que la nuit.
¾ Elle aura lieu après avoir vérifié la disponibilité, à proximité, d'un chariot d'urgence.
¾ La transfusion sanguine aura lieu après avoir au minimum recueilli et consigné sur la
feuille de surveillance transfusionnelle la température, le pouls, la tension artérielle et l'état
de conscience du patient transfusé juste avant la transfusion. Ces paramètres serviront de
repère à l'état basal pour l'interprétation de tout éventuel événement ultérieur.
¾ La surveillance du patient doit être continue les 15 premières minutes puis adaptée à l'état
clinique du patient ultérieurement, y compris après arrêt de la transfusion.
¾ Il est recommandé de conserver les poches de produits sanguins labiles au minimum 2
heures après la transfusion, ceci même en l'absence de toute réaction.
La question de la délégation de l'acte transfusionnel aux- infirmières est traitée dans le
Décret du 11/2/02, souvent dénommé "décret de compétences infirmières". Il définit
l'ensemble des actes que peuvent pratiquer les infirmières et le niveau de délégation. La
transfusion est réalisable par l'infirmière sur prescription écrite, et "à condition qu'un médecin
puisse intervenir à tout moment". Les "contrôles d'identité et de compatibilité obligatoires"
sont effectués par l'infirmière, qui doit savoir reconnaître une situation de concordance, mais
qui doit en référer au médecin en cas de non-concordance ou plus généralement de
problème.
Avant la transfusion, il est réglementairement obligatoire :
¾ D'informer le malade
¾ De pratiquer les sérologies pré-transfusionnelles (ALAT, VIH, VHC, VHB facultative)
¾ De vérifier si le malade a une carte de groupage et une RAI valables.
Les vérifications au lit du malade comportent :
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¾ Identité du patient
¾ Concordance numéro de la poche / indication fournie sur le bon de distribution
¾ Concordance groupe poche / groupe mentionné sur la carte de groupage
¾ Carte de contrôle pré-transfusionnel.
La transfusion se pratique avec un "Hémoset" spécial, différent du perfuseur (le filtre est à
200μ pour la transfusion, à 20μ pour les perfusions).
5 – CAT en cas d'incident :
Pour l'infirmière :
¾ Arrêter la transfusion
¾ Garder la voie veineuse
¾ Appeler le médecin prescripteur
¾ Prélever un tube EDTA et un tube sec ± hémoculture
¾ Prévenir l'hémovigilance.
Pour le médecin :
¾ Interroger à la recherche de douleurs lombaires
¾ Vérifier pouls, tension, température
¾ Vérifier concordance groupe poche / groupe carte
¾ Vérifier la carte de contrôle pré-transfusionnel.
6 – Post-transfusion :
Il s'agit de l'ensemble des actions réglementaires qui prennent place lorsque la transfusion
est terminée.
La traçabilité intervient dès que la transfusion a commencé. Elle est réalisée par les
infirmières en général au moyen d'étiquettes codabar figurant sur les poches.
L'information du patient est réglementairement obligatoire :
¾ Pendant la consultation pré-anesthésique et chirurgicale, pour toute intervention
potentiellement hémorragique. C'est dans ce cadre qu'est prise la décision de mise sous
EPO ou d'inclusion dans un programme de transfusion autologue programmée
¾ A la décision transfusionnelle
¾ A la sortie du service. Le patient transfusé doit être informé par écrit, ainsi que son
médecin traitant. Il doit lui être remis une ordonnance pour faire pratiquer des sérologies
post-transfusionnelles trois mois après la transfusion (ALAT, VHC, VIH, hépatite B et RAI
facultatives). Le malade n'a pas l'obligation de les faire réaliser, mais le médecin a
l'obligation de lui remettre l'ordonnance.
Tout incident transfusionnel doit être notifié au correspondant d'hémovigilance dans les six
heures. Il doit alors rédiger une fiche normalisée d'incident transfusionnel (FIT) dans les
quarante huit heures.
L'ensemble des documents relatifs à la transfusion (ordonnances de PSL, traçabilité,
résultats d'immuno-hématologie, sérologies pré et post-transfusionnelles, double de
l'ordonnance des sérologies post-transfusionnelles, déclaration des incidents transfusionnels
éventuels) doit être classé dans le dossier transfusionnel, qui est l'une des composantes du
dossier médical du malade.
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