A propos des points de report IFR - Aéro

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A propos des points de report IFR - Aéro
A PROPOS DES POINTS DE REPORT IFR
Je ne sais pas vous, mais en ce qui me concerne, la consultation des cartes aéronautiques a
toujours été une source d’inspiration et plus particulièrement la lecture des noms des
intersections et autres points de report IFR, qu’ils soient situés dans notre hexagone ou partout
ailleurs dans le monde. Je parcours les routiers aéronautiques (Jeppesen en publie d’ailleurs
un excellent utilisé par nombre de pilotes de ligne) comme d’autres feuillettent les cartes
Michelin.
Il m’arrive de sourire à la vision des noms de certains points de report et il m’arrive aussi plus
souvent qu’à l’habitude de m’inventer des histoires à leur sujet, la plupart d’entre eux ayant
des appellations évocatrices. Au fur et à mesure de mes voyages par procuration, il m’est
apparu qu’un certain nombre de tendances pouvait se dessiner au sein des dénominations
utilisées par les différents états pour caractériser leurs points de compte-rendu, et c’est le sujet
que nous aborderons aujourd’hui.
Bien qu’il n’y ait pas de convention mondialement reconnue par tous les pays, la grande
majorité d’entre eux définit ces points à l’aide d’un indicatif à cinq lettres et deux syllabes (la
navigation aérienne a d’ailleurs fait entre autres émules le Réseau Express Régional d’Ile de
France, qui utilise le même principe pour baptiser ses rames de train).
Dans la catégorie mauvais élèves qui ne respectent pas la règle précitée, la palme semble
revenir à l’Islande, qui n’utilise que des indicatifs à quatre lettres; ils ne se sont d’ailleurs pas
foulés et ont repris tout simplement les lettres de l’alphabet aéronautique dotées de quatre
caractères (ECHO, GOLF, KILO…) !
Ils se disputent le rôle de vilain petit canard avec l’ex URSS qui utilise des indicatifs allant de
4 à 11 lettres (bonjour le temps perdu pour sélectionner le WPT dans la base de données du
GPS, à condition d’ailleurs qu’il accepte autant de caractères). On peut ainsi trouver parmi
leurs points à 4 lettres un point VODY, un point SUKHUMI parmi ceux à 7 lettres et un
point MINERALNYVE à 11 lettres. En revanche, pas de point nommé SOVKOZ ou
KOLKOZ, bizarre vous ne trouvez pas ? En contrepartie, le culte des grands hommes vous
fera découvrir chez eux un VOR nommé GAGARIN, alors que LENIN ou STALIN sont
curieusement passés sous silence.
La Nouvelle-Zélande et le Japon ont également l’habitude de donner des indicatifs autres qu’à
5 lettres, trois semblant être un chiffre assez fréquent (ex : AKA, ASA, ABH ou BTH…).
Cela se comprend pour la Nouvelle-Zélande qui possède relativement peu de VOR qui ne
risquent pas d’entrer en concurrence avec un quelconque point de compte-rendu (et aussi
parce que la fameuse danse des rugbymen néo-zélandais s’appelle justement le aka), mais se
comprend moins pour le Japon doté d’une vaste infrastructure radioélectrique.
L'
état français, bon élève, continue à faire travailler la géographie à ses pilotes après leur mise
en ligne, et la plupart des points de report se réfèrent au nom de la localité qu'
ils avoisinent ou
à une particularité géographique de la région: si vous allez par exemple de Pau à Biarritz en
IFR, vous survolerez ORTEZ puis SAUVET (pour Sauveterre de Béarn et non le VOR SAU)
et enfin BIDAC (pour Bidache). En partance vers l'
Est, vous sortirez par AUCHE et pour
traverser les Pyrénées, vous avez le choix entre ASPET (même pas besoin de trafiquer le nom
du patelin), PERDU (pour le Monte Perdido, attention de ne pas vous y égarer) ou ANETO.
Verticale AFRIC, vous n'
avez pas changé de continent, vous êtes juste à proximité de SaintAffrique.
A PROPOS DES POINTS DE REPORT IFR
Le point RHONE est quant à lui localisé à son delta; on peut s'
en étonner car vu la longueur
du fleuve, ça ne renseigne pas vraiment un équipage étranger quant à sa position (il en serait
d'
ailleurs de même pour des points dénommés SEINE ou LOIRE).
Pour traverser la Manche, vous pourrez éventuellement survoler le mémorial Nungesser et
Coli à ETRAT (Etretat) ou tout simplement passer par VEULE (pour Veule les Roses).
Un petit coup d’aile en plus et vous débarquerez en Angleterre (à moins que ça ne se soit fait
dans l’autre sens, je ne me rappelle plus) où nos voisins grand-bretons , dans le style
localisation de type géographique, ne font pas mieux que nous et restent dans les généralités
telles CLIFF (ça n’engage pas trop vu que les côtes anglaises sont bourrées de falaises !) ou
SANDY (si vous voyez du sable en dessous, c’est bon ! Non, en fait, c’est tout simplement le
diminutif de la ville de Sandgate). Il y a même, toujours dans le Channel, un point baptisé
KONAN, juste pour nous rappeler que dans le passé, ils ont été envahis par des barbares
venus du Nord.
Beaucoup plus loin à l’Est de notre planète se trouve le point AFGAN (des fois que les
pilotes ne sachent pas quels pays ils sont en train de survoler, surtout qu’en plus il est situé à
la frontière de l’Ouzbekistan et du Tadjekistan, à moins que ce ne soit celles de l’Azerbaïdjan
et du Turkmenistan !). Ce point vous ouvrira les portes de l’Orient et de ses appellations
parfois incompréhensibles et imprononçables par le commun des navigants (essayez un peu
de répéter trois fois de suite que vous êtes verticale ABTBD (Pakistan) ou BWGEA
(Australie) !).
Les Etats-Unis ont quant à eux l’habitude de puiser dans le vocabulaire courant pour désigner
leurs « reporting points », et cinq caractères étant parfois restrictif, ils vont jusqu’à utiliser des
mots habituellement composés de six lettres auxquelles ils en ôtent une (généralement dans la
terminaison) afin de respecter la règle dont ils sont eux-mêmes à l’origine, mais cela ne
change rien à la prononciation (ils font d’ailleurs de même avec le langage texto sur leurs
téléphones portables). Ainsi, PEPPR continuera à se prononcer pepper (poivre), BULLT
bullit (balle de fusil) et OYSTR huître, pardon oyster !
Une catégorie de points fréquemment rencontrée est celle que je qualifierai de publicitaire, et
où les compagnies pétrolières occupent une place de choix (peut-être dans l’espoir que le
kérosène soit vendu moins cher en contrepartie) avec EXXON en Australie, MOBIL à
Taiwan ou SHELL aux Etats-Unis. Plus près de chez nous, nous avons le point ANTAR en
Méditerranée. ELF, quant à lui, n’a même pas les honneurs d’un VOR alors que BP possède
une balise moyenne fréquence à son nom à Bangui (Rép. Centrafricaine). Si vous souhaitez
vous approvisionner en SUPER (Taïwan) auprès d’un fournisseur générique, choisissez
plutôt les environs de KARBU (Corée du Sud).
Dans un autre registre mais toujours dans la publicité, ROLEX s’est exporté hors de son pays
d’origine puisqu’il est situé sur le territoire français entre Luxeuil et Rollampont. Dans la
même région et pour les malades, il tombe une pluie de pastilles au point VALDA (certains
ingénieurs de la navigation aérienne devaient sûrement avoir des extinctions de voix !).
Certains points de report ont la double casquette publicitaire / alimentaire, comme OLIDA
par exemple, situé en Grèce ; et puisqu’on aborde le domaine gastronomique, les équipages
désireux de se sustenter n’auront que l’embarras du choix pour la composition de leur FPL
MENU : Jambon à AOSTA (Italie) ou BACON à Taiwan (qui a dit que les anglais avaient
l’esprit colonialiste ?), ils pourront ensuite survoler KEBAB en Australie et terminer par une
PEACH au Japon pour faire passer le goût du SAMOS avalé en passant la Thaïlande. Et ne
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parlons pas des équipages qui pourront déguster des crevettes verticale GAMBA (Cap Vert)
ou PRAWN (Hong-Kong).
Et puisqu’une boisson est aussi la bienvenue et que l’apéritif est proscrit dans les cockpits, on
ne trouvera nulle part de point de ravitaillement nommé PERNO ou RICAR. Cela ne vous
empêchera pas de trouver un BAR en Nouvelle Guinée et de l’ALCOL ou du PINAR en
Espagne, du PORTO en Tunisie, du BANGA au Burkina-Faso ou de la WATER en ex
Yougoslavie (pour de l’ACQUA, c’est plus loin puisqu’il faut aller jusqu’au Japon).
Les survols maritimes pour leur part sont propices aux trouvailles écologiques, la France
n’étant d’ailleurs pas en reste avec les points OMARD et MERLU pour le transit vers la
Corse. Je suppose que ces dénominations sont censées faciliter le travail des contrôleurs qui
gèrent à la fois des étendues terrestres et maritimes, en leur permettant d’emblée de situer le
secteur de survol. En méditerranée, on trouve également les points MOUET (gare aux
ingestions de zozios dans les réacteurs), SILUR et BALEN ; en revanche, mieux vaut, entre
les Baléares et la Sardaigne, ne pas avoir à amerrir aux alentours du point REKIN, à moins
d’être un équipage militaire équipé de répulsif.
Toujours dans le domaine animal, les routiers sont un véritable zoo volant hébergeant par
exemple un KOALA (Japon), un EAGLE (Australie) ou un TIGER (Grande-Bretagne).
Pour les plus jeunes, on trouvera BAMBI en Grèce et PLUTO en Australie.
Envie de musique, pas de problème et votre cockpit se transformera aisément en salle de
concert au dessus de BIBOP (France), à moins que vous ne préfériez écouter un MAMBO
(Japon) au son d’un SITAR d’Arabie Saoudite ou d’un BANJO sorti tout droit du BAYOU
(tous deux au Japon).
Il est également des points d’usage particulier : si votre avion est assez rapide, vous serez
certainement autorisé à vous reporter verticale VELOX (Chypre) et tout sera alors BONAR
(aussi en méditerranée), à moins que lors du survol de BASTA (Italie), vous n’ayez été obligé
de faire demi-tour vers TONUS (France) afin de reprendre des forces. Le point PECHU est
réservé aux équipages en forme et EXACT à ceux qui respectent leur slot à la seconde. Quant
à KARMA (au large de Tunis), il est recommandé aux amateurs de religion (je ne savais
d’ailleurs pas qu’il existait des musulmans hindouistes).
Vous désirez offrir des fleurs, no souci, il suffit de faire un détour par TULIP (gagné, ce point
est bien aux Pays-Bas) après avoir opté pour la couleur ROUGE (Japon), BLACK
(Australie) ou SEPIA (Tunisie).
En tant que CDB, vous n’aurez que l’embarras du choix si vous cherchez désespérément un
prénom pour un bébé né en cabine lors d’un vol sous votre commandement ; si vous êtes à
proximité des côtes anglaises, vous pouvez opter pour KATHY, ou alors pour JULIA si vous
survolez l’espace aérien roumain. NORAH (Hongrie) et DIANA (Etats-Unis) sont également
des choix tendance depuis l’avènement de la chanteuse Norah Jones ou le décès accidentel de
Lady Di. Pour un garçon, ROCCO n’étant pas disponible, vous pourrez toujours vous rabattre
sur ERWAN (à mi-chemin entre la Bretagne et Les Asturias), encore qu’il s’agit peut-être du
lieu de naufrage d’un malheureux marin.
Pour terminer ce tour du monde rapide des points de report que vous pourrez compléter à
votre guise, n’oubliez pas de passer à BANCO (Suisse) où ça banque illico ! Mais ne perdez
pas de vue qu’il est des points au dessus desquels il vaut mieux ne jamais passer, tels BUFFY
et ses innombrables vampires ainsi que JUDAS où votre matériel risque de vous trahir ( tous
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deux aux Etats-Unis). Et ne vous dites pas que de tels points n’existent pas chez nous, car
verticale GUIGN (au sud de Rennes), vous pourriez bien finir dans la poisse !
En cas d’erreur de page dans votre plan de vol à destination de RECTO (Japon), vous
risquerez peut-être de finir à VERSO ( au nord de Majorque) et si vous vous dirigez vers
WINDY (Corée du Sud), assurez vous que votre dégagement passe bien par SUNNY et non
RAINY (tous deux en Australie) !
Allez, A12C4 et bons vols à tous.
S. MAYJONADE
Oct 2005