Copie France - Next INpact
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Copie France - Next INpact
TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS1 3ème chambre 3ème section JUGEMENT rendu le 8 avril 2016 N° RG : 13/00374 N° MINUTE : Assignation du : 20 Décembre 2012 DEMANDERESSE Société de droit néerland IMATION EUROPE BV Siriusdreef 46-52 2132 WT - HOOFDDORP NORTH HOLLAND - PAYS-BAS représentée par Maître Julien BLANCHARD de la SELARL SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0265, Maître Cyril CHABERT de l’AARPI CHAIN, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0462 DÉFENDERESSE Société POUR LA REMUNERATION DE LA COPIE PRIVE AUDIOVISUELLE ET SONORE,DITE COPIE FRANCE 11bis rue Ballu 75009 PARIS représentée par Maître Olivier CHATEL de l’AARPI ASSOCIATION D’AVOCATS CHATEL - BLUZAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R039 COMPOSITION DU TRIBUNAL Arnaud DESGRANGES, Vice-Président Carine GILLET, Vice-Président Florence BUTIN,Vice-Président assisté de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier DEBATS A l’audience du 08 Décembre 2015 tenue en audience publique Expéditions exécutoires délivrées le : Page 1 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Le code de la propriété intellectuelle organise la protection des droits des auteurs ainsi que de ceux des interprètes et des éditeurs ou producteurs, posant, notamment dans son article L.122-4, le principe d'une interdiction de la reproduction des œuvres sans le consentement de leur auteur, mais cette interdiction générale est tempérée dans le cadre de l'exception dite de « copie privée », puisque l'article L.122-5 dispose que «Lorsque l’œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : 1° Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans le cercle de famille ; 2° Les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective (…) », mais que dans ce cas, suivant les dispositions des articles L.311-3 et L. 311-4, le titulaire des droits de propriété intellectuelle est indemnisé par une rémunération acquittée par le fabricant, l’importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires de “supports d’enregistrement utilisable pour la reproduction à usage privé d’oeuvres” lors de leurs mise en circulation en France. La société néerlandaise IMATION EUROPE BV, spécialisée dans les produits de stockage optique, vient au droit de la société IMATION FRANCE qui a commercialisé en France notamment des CD et DVD et se trouve à ce titre assujettie au paiement de la rémunération pour copie privée. La SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE AUDIOVISUELLE SONORE (désignée ci-après COPIE FRANCE) est une société civile créée par les ayants- droit de la copie privée en application de la loi du 3 juillet 1985, qui exerce pour le compte de ceux-ci la perception de la redevance pour copie privée et la répartit entre eux. La société SORECOP créée pour la rémunération de la copie privée sonore, COPIE FRANCE étant compétente à l’origine uniquement pour la copie privée audiovisuelle, a fait l’objet d’une fusion absorption avec cette dernière à effet du 28 juin 2011. COPIE FRANCE est désormais chargée de percevoir et de répartir l’ensemble des rémunérations pour copie privée tant sonore qu’audiovisuelle. Pour organiser cette rémunération (droit à compensation équitable selon la terminologie de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001), le législateur a institué une commission (désignée ci-après, la Commission de la copie privée )qui détermine les types de support, les taux de rémunérations et les modalités de versement de celles-ci. Page 2 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 L’article L. 311.5 du code de la propriété intellectuelle prévoit que cette commission présidée par un représentant de l’Etat, est pour moitié composée des personnes désignées par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération (la société COPIE FRANCE dispose ainsi de 10 voies délibératives sur 25), pour un quart de personnes désignées par les organisations représentant les fabricants ou importateurs de supports et pour le dernier quart, de personnes désignées par les organisations représentant les consommateurs. La Commission de la copie privée a adopté au fil du temps une série de décisions. Le Conseil d’Etat a, par arrêt du 11 juillet 2008 SIMAVELEC, annulé la décision n°7 du 20 juillet 2006 au motif que la rémunération qui y était prévue compensait des copies de sources illicites en violation des dispositions du code de la propriété intellectuelle. Mais il a exclu la rétroactivité de la nullité et a différé ses effets jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois passé la notification de la décision au Ministre de la culture soit en pratique jusqu’au 11 janvier 2009. Par trois arrêts en date du 17 décembre 2010, cette juridiction a également, pour le même motif, annulé les décisions n° 8 du 9 juillet 2007, n°9 du 11 décembre 2007 et n°10 du 27 février 2008 de la Commission de la copie privée (adoptées antérieurement à l’arrêt susvisé du 11 juillet 2008), tout en précisant là encore que l’annulation prononcée n’était pas rétroactive et qu’elle ne prendrait effet qu’à compter du 1er janvier 2009, date d’entrée en application de la décision n°11 qui s’y substituait. La décision n°11 du 17 décembre 2008 a fixé une nouvelle tarification applicable à compter du 1er janvier 2009 excluant toutes copie de sources illicites de l’assiette de la rémunération pour copie privée et remplaçant pour les supports vierges d’enregistrement les barèmes édictés par les décisions 7, 8, 9 et 10. Par ailleurs, la Cour de Justice de l’Union européenne, a été conduite à se prononcer sur l’interprétation de l’article 5.2 b) de la directive 2001/29/CE du parlement européen et du conseil du 22 mai 2001 sur “l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information” qui édicte la faculté pour les Etats de prévoir “des exceptions ou limitations au droit de reproduction lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l’application ou la non-application des mesures techniques visées à l’article 6 aux oeuvres ou objets concernés” Dans l’arrêt PADAWAN du 21 octobre 2010, elle a dit pour droit que “L’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’un lien est nécessaire entre l’application de la redevance destinée à financer la compensation équitable à l’égard des équipements, des appareils ainsi que des supports de reproduction Page 3 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 numérique et l’usage présumé de ces derniers à des fins de reproduction privée. En conséquence, l’application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l’égard d’équipements, d’appareils ainsi que de supports de reproduction numérique non mis à la disposition d’utilisateurs privés et manifestement réservés à des usages autres que la réalisation de copies à usage privé, ne s’avère pas conforme à la directive 2001/29 » Prenant en compte cette décision, le Conseil d’Etat a par arrêt du 17 juin 2011 annulé la décision n°11 de la Commission de la copie privée motif pris que les barèmes arrêtés par cette décision soumettaient à la rémunération pour copie privée l’ensemble des supports concernés sans possibilité d’exclure les supports à usage professionnel. Comme pour l’annulation de la décision n° 7, il a prévu que l’annulation ne serait effective qu’à compter de l’expiration d’un délai de six mois à compter de sa notification, délai venant ainsi à expiration le 22 décembre 2011. La loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée entrée en application le 23 décembre 2011 prenant en compte les arrêts de la Cour de Justice et du Conseil d’Etat a modifié les dispositions du code de la propriété intellectuelle pour notamment prévoir que seules les copies réalisées à partir d’une source licite ouvrent droit à rémunération au profit des titulaires de droits et a modifié les conditions d’assujettissement à la rémunération pour copie privée en précisant que celle-ci « n’est pas due pour les supports d’enregistrement acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée », qu’« une convention constatant l’exonération et en fixant les modalités peut être conclue » entre les personnes bénéficiaires de l’exonération et les sociétés de perception et de redistribution des droits percevant la rémunération pour copie privée, soit à l’heure actuelle, COPIE FRANCE, laquelle est tenue de motiver un éventuel refus, et enfin qu’en l’absence de convention, les personnes non assujetties « ont droit au remboursement de la rémunération sur production de justificatifs déterminés par les ministres chargés de la culture et de l’économie». Enfin la loi a prévu que jusqu’à la prochaine décision de la Commission de la copie privée, et au plus tard jusqu’à un an après la promulgation, sont applicables à la rémunération pour copie privée les règles, telles qu’issues de la décision n° 11 dans sa rédaction issue des décisions n°12 et n°13 qui l’ont complétée et modifiée. Ultérieurement le Conseil d’Etat, pour le même motif que l’annulation de la décision n°11, a également annulé par arrêt du 25 juin 2014 la décision n°13 du 12 janvier 2011 qui a instauré une rémunération sur les mémoires ou disques durs dédiés à la lecture d’oeuvres sonores intégrés à un autoradio et/ou un système de navigation (GPS) destinés à un véhicule et sur les tablettes tactiles multimédias avec fonction baladeur et adapté les barèmes applicables aux clés USB, cartes mémoires et disques durs externes standards qui avaient été en dernier lieu fixés par la décision n°11, pour tenir compte de l’évolution des capacités nominales d’enregistrement de ces différentes catégories de supports. Page 4 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 Sous le régime de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011, la commission a adopté le 14 décembre 2012 la décision n° 15 entrant en vigueur le 1er janvier 2013 qui fixe les rémunérations applicables à la quasi totalité des supports assujettis. Par arrêt du 19 novembre 2014, le Conseil d’Etat a rejeté le recours en excès de pouvoir formé contre cette décision. Par ailleurs dans un arrêt STICHTING DE THUISKOPIE du 16 juin 2011, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que “La directive 2001/29, en particulier son article 5, paragraphes 2, sous b), et 5, doit être interprétée en ce sens qu’il incombe à l’Etat membre qui a institué un système de redevance pour copie privée à la charge du fabricant ou de l’importateur de supports de reproduction d’oeuvres protégées, et sur le territoire duquel se produit le préjudice causé aux auteurs par l’utilisation à des fins privées de leurs oeuvres par des acheteurs qui y résident, de garantir que ces auteurs reçoivent effectivement la compensation équitable destinée à les indemniser de ce préjudice. A cet égard, la seule circonstance que le vendeur professionnel d’équipements, d’appareils ou de supports de reproduction est établi dans un Etat membre autre que celui dans lequel résident les acheteurs demeure sans incidence sur cette obligation de résultat. Il appartient à la juridiction nationale, en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la compensation équitable auprès des acheteurs, d’interpréter le droit national afin de permettre la perception de cette compensation auprès d’un débiteur agissant en qualité de commerçant. » Cet arrêt impose ainsi aux Etats de prévoir la perception de rémunération pour copie privée y compris pour les achats de matériels ou de supports assujettis effectués par internet auprès de distributeur situé dans un autre pays, alors que jusqu’alors ce marché, couramment dénommé “marché gris” ne donnait quasiment pas lieu, et en tout cas pas systématiquement, à perception de rémunération pour copie privée. La société IMATION EUROPE considère que le régime français tant avant la loi du 20 décembre 2011, que tel que prévu par celle-ci et les textes réglementaires d’application, seraient contraire à la directive 2001/29/CE du parlement européen et du conseil du 22 mai 2001 sur “l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information”. A compter de février 2011, motif pris de l’arrêt PADAWAN de la CJUE et de l’irrégularité du système de paiement indistinct selon que l’utilisateur fait ou non un usage de copie privée, elle a suspendu le versement des montants appelés par COPIE FRANCE, tout en continuant à effectuer les déclarations -excepté pendant une brève période- “pour information”. Elle entend effectuer elle-même une compensation entre d’une part les montants de rémunération pour copie privée « appelés » par la société COPIE FRANCE en raison des ventes qu’elle effectue au titre de son « canal consommateur » - c’est à dire concernant des produits qu’elle vend à des revendeurs qui directement ou après cession à un autre revendeur, ont pour clientèle finale les particuliers - pour lesquels elle Page 5 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 admet que la rémunération pour copie privée n’est pas discutée et, d’autre part, les montants qu’elle prétend avoir indûment versés à la société COPIE FRANCE au titre de son « canal commercial », c’est à dire des ventes destinées à une clientèle professionnelle constituée par des personnes morales, pour lequel il n’y a pas d’usage aux fins de copie privée, et ce depuis le 23 décembre 2002 (date butoir de transposition de la Directive du 2001/29/CE du 22 mai 2001). Contestant cette argumentation, COPIE FRANCE a par acte du 14 novembre 2011 fait assigner IMATION EUROPE en référé pour obtenir le versement d’une provision de 3.361.397, 53 euros correspondant aux rémunérations dues, tous canaux confondus, par la société IMATION pour la période comprise entre février et novembre 2011. Par ordonnance du 15 juin 2012 confirmée par la cour d’appel le 19 novembre 2013, la demande a été rejetée au motif qu’il existait des contestations sérieuses devant être jugées au fond. C’est dans ces conditions, que par acte d’huissier du 20 décembre 2012, la société IMATION EUROPE a fait assigner devant ce tribunal, la société COPIE FRANCE sur le fondement de la responsabilité délictuelle des sociétés de perception COPIE FRANCE et SORECOP et de la répétition des sommes selon elle indûment versées depuis le 22 décembre 2002. Elle a également fait citer COPIE FRANCE devant le tribunal correctionnel de Paris pour “recel de rémunération” pour copie privée. Par jugement du 2 juillet 2014 le tribunal correctionnel a relaxé COPIE FRANCE et condamné la société IMATION à lui verser une somme de 100.000 euros pour abus de constitution de partie civile. La décision sur intérêts civils a été frappée d’appel. Par acte du 11 mars 2015, COPIE FRANCE a de nouveau fait assigner la société IMATION devant le juge des référés pour obtenir le paiement par provision d’une somme de 8.117.217,34 euros correspondant à la rémunération pour copie privée afférente aux supports commercialisés, tous canaux confondus, par la société IMATION au cours de sa période d’activité allant du mois de décembre 2011 au mois de septembre 2014 sur le fondement des dispositions de l’article 6-I de la loi du 20 décembre 2011 et de la décision n°15 de la Commission de la copie privée. La société IMATION a contesté la compétence du juge des référés. COPIE FRANCE s’est désistée de sa demande en référé et a reporté l’intégralité de ses demandes dans les demandes reconventionnelles qu’elle forme dans la présente procédure. Dans ses dernières écritures signifiées le 20 octobre 2015 par voie électronique, la société IMATION EUROPE, après avoir réfuté les arguments de la défenderesse, présente les demandes suivantes : VU la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001; VU les articles 1235, 1376 et suivants du code civil, VU l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne, VU les pièces communiquées au débat, -DÉCLARER la société Imation Europe recevable et bien fondée en son action, Page 6 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 Au principal, 1/ Sur les demandes fondées sur la responsabilité civile, CONSTATER les différents manquements de la société Copie France (notamment en ce qu’elle succède aux droits et obligations de SORECOP) : 1 - à sa responsabilité de droit commun, qui consiste à exécuter l’objet social de perception homogène pour lequel elles ont été créées, 2 - manquement à sa responsabilité « particulière » découlant du monopole confié et qui l’invitait à s’abstenir par son comportement d’éliminer, de restreindre ou de fausser la concurrence, Cette responsabilité particulière lui rend notamment imputable l’absence d’initiative pour traiter les distorsions sur le marché ou d’avoir assuré une action efficace sur l’information du public français. - CONDAMNER la société Copie France à payer à la société Imation Europe la somme de 13.500.255,00 euros, sauf à parfaire, au titre des préjudices commerciaux, financiers et d’image subis, A défaut, si le Tribunal estimait le quantum difficile à établir, désigner un expert dans le cadre d’un arrêt(sic) avant dire droit, aux frais avancés de Copie France, pour estimer le montants des dommages-intérêts dus par la société Copie France au titre des préjudices commerciaux, financiers et d’image subis par Imation Europe, ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, qui s’avère nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, 2/ Sur les demandes en répétition de l’indu, In limine litis pour le cas où le tribunal l’estimerait nécessaire, SAISIR la Cour de justice de l’Union Européenne des questions préjudicielles suivantes : 1°. « Un Etat membre peut-il prévoir une obligation de paiement de l’indemnisation de copie privée au sens de l’article 5-2 b) de la directive n°2001/29, fût-ce à titre provisoire, de la part d’un acquéreur final personne morale, non intermédiaire ? » 2°. « Un système qui n’exonère pas le « canal commercial direct » et qui conditionne le droit au remboursement d’un acquéreur personne morale professionnel à la réunion préalable de 5 éléments documentaires, - dont un acte de règlement intérieur non imposé par la loi et un document comptable tardivement entré en vigueur - et qui, de surcroît, n’impose aucun délai de restitution à l’organisme percepteur de l’avance, est-il compatible avec la directive et son système de remboursement effectif et ne rendant pas excessivement difficile l’exercice dudit droit au remboursement qu’il proclame ? ». 3°. « Un système qui ne prévoit pas distinctement le droit au remboursement d’un acquéreur personne physique n’effectuant pas d’usage de copie privée est-il compatible avec le droit au remboursement proclamé dans la directive ? ». 4°. « Le droit de l’Union autorise-t-il une juridiction nationale à limiter la portée d’un constat de violation du droit de l’Union aux seules situations acquises à l’expiration d’un délai de six mois à compter de sa notification, et ce alors même que la violation est constatée sur le fondement d’une interprétation donnée par la Cour de justice ellemême dans un arrêt dont elle n’a pas limité la portée ? Notamment, les critères dégagés par la Cour de justice dans l’arrêt Inter-Environnement Wallonie (C-41/11) trouvent-ils à s’appliquer dans un cas où (i) la non-rétroactivité était justifiée par des raisons économiques, à savoir la volonté de limiter les recours indemnitaires; (ii) était en cause non pas la protection de l’environnement mais la Page 7 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 propriété intellectuelle; (iii) l’acte national litigieux constituait une transposition incorrecte de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001; et (iv) l’annulation de l’acte national litigieux n’aurait pas laissé de vide juridique quant à la transposition de la directive ? ». 5°. « Est-il conforme aux limites propres au principe d’autonomie procédurale des États membres, et en particulier au principe d’effectivité du droit européen, qu’un justiciable soit empêché d’invoquer la contrariété d’un texte de droit national avec le droit de l’Union par voie d’exception, cet empêchement étant supposé découler d’une décision d’un autre ordre de juridiction qui, bien qu’il ait reconnu sans ambiguïté l’illégalité de la décision, a néanmoins décidé, à titre tout à fait exceptionnel et sans fondement textuel, de limiter la portée de sa décision d’un point de vue temporel et personnel ?». 6°. « L’article 5-2 (b) de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 peutil être invoqué par une personne privée contre un organisme de gestion de droits d’auteur redevances de copie privée, alors que (i) le principe de la redevance a été prévu par le législateur, (ii) ledit organisme dispose d’un monopole pour percevoir la redevance et la répartir ; (iii) il perçoit et répartit cette redevance entre les ayants droit selon des clés de répartition fixées par la loi; (iv) il est soumis au contrôle et à la surveillance du ministre de la culture, du Parlement et d’une commission permanente entièrement composée de représentants de l'Etat, (v) le non-paiement des redevances à l’organisme en cause est pénalement sanctionné, et (vi) les agents assermentés de cet organisme ont le pouvoir de dresser des constats permettant d’établir la matérialité d’une infraction tenant au non-paiement de la redevance ? ». EN CONSÉQUENCE, surseoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne, Si le Tribunal ne l’estime pas nécessaire, A titre principal, - CONSTATER le caractère indu des paiements exigés de la société Imation pour ses ventes de supports vierges à des personnes morales depuis le 22 décembre 2002 ; - CONDAMNER la société Copie France à rembourser la somme de 40.279.837,00 € indûment versée par Imation Europe (venant aux droits d’Imation France) et autoriser Imation Europe à récupérer auprès de Copie France, mandataire des bénéficiaires, sur les montants à répartir. En toute hypothèse, - ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, qui s’avère nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, - CONDAMNER la société Copie France à verser la somme de 140.000 euros à la société Imation Europe au titre de l'article 700 du CPC, - CONDAMNER la société Copie France en tous les dépens, dont distraction au profit de Chain Association d’avocats, représentée par Maître Cyril Chabert, en application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 octobre 2015, la société COPIE FRANCE demande en ces termes au tribunal de : 1/ Sur les demandes fondées sur la responsabilité civile : - Déclarer la société IMATION EUROPE BV irrecevable et mal fondée en ses prétentions, Page 8 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 En conséquence : - Débouter la société IMATION EUROPE BV de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, 2 / Sur la répétition de l’indu : - Déclarer la société IMATION EUROPE BV irrecevable et mal fondée en son action en répétition de l’indu, - Débouter la société IMATION EUROPE BV de sa demande de remboursement et plus généralement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, 3/ Sur la demande reconventionnelle de la société COPIE FRANCE : - Recevoir la société COPIE FRANCE en sa demande reconventionnelle et la déclarer bien fondée, en conséquence : - Condamner la société IMATION EUROPE BV à payer à la société COPIE FRANCE la somme de 3.527.586,81 euros HT, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal, correspondant à la rémunération pour copie privée éludée à son préjudice pour sa période d’activité allant du mois février 2011 au mois de novembre 2011, - Donner acte à la société COPIE FRANCE qu’elle réserve l’ensemble de ses droits au titre des rémunérations pour copie privée dues par la société IMATION EUROPE BV pour la période allant du mois de février 2011 au mois de novembre 2011 sur le fondement de la décision n°13 annulée par le Conseil d’Etat selon arrêt du 25 juin 2014, - Condamner la société IMATION EUROPE BV à payer à la société COPIE FRANCE la somme de 10.582.813,77 euros HT, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal, correspondant à la rémunération pour copie privée éludée à son préjudice pour sa période d’activité allant du mois de décembre 2011 au mois de juin 2015, - Condamner la société IMATION EUROPE BV à payer à la société COPIE FRANCE la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, - Ordonner l’exécution provisoire du Jugement à intervenir, - Condamner la société IMATION EUROPE BV aux entiers dépens. La clôture a été prononcée lors de l’audience de plaidoirie tenue le 8 décembre 2015. MOTIFS Sur la responsabilité délictuelle de COPIE FRANCE La société IMATION forme des griefs contre le dispositif de rémunération pour copie privée tel qu’il est conçu et mis en oeuvre en France, que ce soit en application des décisions de la Commission de la copie privée annulées ou suivant le régime issu de l’annulation de la décision n°11 et 13 prononcée par le Conseil d’Etat ou encore suivant le dispositif prévue par la loi du n° 2011-1898 du 20 décembre 2011, sans toutefois en tirer de conséquences juridiques directes évidentes pour caractériser la responsabilité civile de COPIE FRANCE. Elle reproche à ce dispositif de ne pas être conforme à la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, laquelle serait d’effet impératif depuis le 22 décembre 2002 date d’expiration du délai de transposition et Page 9 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 d’aboutir à un montant de la rémunération pour copie privée plus élevé en France, en décalage par rapport à celui en moyenne des autres pays européens. Elle soutient que COPIE FRANCE détiendrait avec ces dix membres sur 25 un poids décisif parmi les membres de la commission et ce d’autant plus que ses intérêts sont conjoints avec ceux de l’Etat dont le représentant préside la commission avec voix prépondérante en ce que la rémunération pour copie privée est à 75 % redistribuée aux ayants droits qu’elle représente et à 25 % aux actions de financement culturels et de la création permettant au Ministère de la culture de se décharger d’une partie de sa mission de financement grâce à cette source. Selon elle, ce poids prépondérant aurait pesé sur les décisions de la commission dans un sens favorable aux ayants droit, en maintenant une logique de rémunération de ceux-ci alors qu’il résulte de la directive et des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne qu’il s’agit d’une compensation équitable fondée sur la logique consistant à indemniser les ayants-droit du préjudice qu’ils subissent par l’exception de copie privée à leur droit de reproduction . Le résultat en serait d’après elle un niveau de rémunération plus élevé en France que dans la plupart des pays de l’Union européenne. En outre, selon elle l’arrêt PADAWAN du 21 octobre 2010 de la Cour de Justice et les arrêts ultérieurs SAGE et COPYDAN du 5 mars 2015 rappellent que la directive exclurait les personnes morales de l’assujettissement à la compensation équitable, la redevance n’étant redevable que par les personnes physiques. Ainsi la personnes morale acquéreur final non revendeur doit être exonéré de tout paiement. La personne physique peut avoir à acquitter un paiement de la redevance à condition de pouvoir obtenir un remboursement si elle démontre qu’il n’y a pas d’usage privé mais professionnel. Au delà de ces griefs portés contre le régime français de la redevance pour copie privée, la société IMATION soutient plus précisément que COPIE FRANCE aurait commis une faute en ne remplissant pas son objet social de perception. Il est en particulier reproché à COPIE FRANCE d’avoir laissé s’installer un marché gris, en n’agissant pas pour percevoir la rémunération pour copie privée auprès des sociétés qui procèdent à des ventes par le moyen des sites internet basés à l’étranger et livrent ainsi aux consommateurs français des supports sans s’acquitter de la redevance pour copie privée, ce qui leur permet de pratiquer des prix nettement inférieurs induisant de ce fait une rupture de l’équilibre concurrentiel avec les intervenants sur le marché qui paient cette redevance. L’inaction de COPIE FRANCE qui n’ aurait pas sérieusement tenté de percevoir la rémunération pour copie privée due par ces sociétés aurait ainsi abouti au déséquilibre du marché. Elle constituerait une faute du fait que COPIE FRANCE n’aurait ainsi pas rempli son objet social de perception, ni les obligations particulières qui lui incombent en tant que titulaire d’un monopole pour la perception de la redevance pour copie privée et qui consisteraient selon la société IMATION EUROPE en Page 10 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 invoquant à ce sujet la jurisprudence de la Cour de Justice sur l’abus de position dominante, à s’abstenir de toute décision ou tout comportement de nature à éliminer, restreindre ou fausser la concurrence que se livrent des entreprises sur un marché, à assurer l’effectivité de l’objet social qui leur a été confié à titre de monopole, et à ne pas fausser une régulation effective du marché sur lequel elle intervient. La faute serait d’autant plus évidente selon elle que par l’arrêt STICHTING DE THUISKOPIE du 16 juin 2011 la Cour de Justice de l’Union Européenne a dit pour droit que la directive 2001/29/CE, devenue obligatoire depuis le 23 décembre 2002, impose aux Etats ayant choisi un système de redevance pour copie privée, une obligation de résultat de garantir que les auteurs d’oeuvres reçoivent effectivement la compensation équitable pour le préjudice résultant de la reproduction de leur oeuvre à usage privé, y compris si le vendeur de professionnel d’équipement, d’appareils ou de supports de reproduction est établi dans un autre Etat membre que les acheteurs. COPIE FRANCE n’aurait selon la demanderesse, mené aucune action sérieuse pour percevoir la rémunération pour copie privée auprès des distributeurs de ce canal d’approvisionnement en supports vierges DVD et CD, laissant ainsi perdurer un déséquilibre des coûts de revient au profit du “marché gris”. La société IMATION EUROPE soutient qu’avant la décision précitée de la CJUE, les tentatives de recouvrement auprès de ces sociétés étaient inexistantes, et que même depuis cette jurisprudence et depuis qu’elle a délivré des assignations sur ce fondement, les actions menées invoquées par COPIE FRANCE sont restées limitées, et sans résultat effectif significatif, les sommes recouvrées demeurant dérisoires. A l’inverse, elle soutient que de nombreux sites de ventes intégrés au “market place” du site AMAZON, ont continué à proposer à la vente en France des CD et DVD à des prix démontrant qu’ils n’acquittaient pas la rémunération pour copie privée. COPIE FRANCE oppose principalement qu’elle est une société civile et n’a pas pour objet la régulation du marché des supports d’enregistrement mais la perception pour le compte des organisations d’ayants-droit de la rémunération pour copie privée. Du reste, elle ne disposerait d’aucun moyens exorbitant du droit commun, et en particulier n’est investie contrairement aux autorités de régulation d’aucun pouvoir réglementaire ni disciplinaire à l’égard des acteurs du marché. Le code de la propriété intellectuelle prévoit dans son article L. 311-6 que la rémunération pour copie privée est perçue par une ou plusieurs sociétés de perception et de répartition des droits mentionnées au titre II , énonce ainsi le principe d’une perception collective mais sans investir spécifiquement COPIE FRANCE, qui n’est du reste pas mentionnée, de cette mission. Le fait qu’une seule société de perception et de répartition des droits soit finalement, après la fusion-absorption de la société SORECOP, investie par les sociétés de perception et de répartition des droits des Page 11 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 différentes catégories d’ayants-droit, auteurs, artistes-interprètes, et producteurs, n’implique pas que COPIE FRANCE se soit vue assigner pour mission la surveillance et la régulation du marché. Suivant l’article 5 de ses statuts COPIE FRANCE a pour objet : “1) De maintenir et développer l’union et la solidarité des auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de leurs ayants droit à l’occasion de la reproduction des phonogrammes et des vidéogrammes réservée à l’usage privé ; 2) De percevoir le droit à rémunération à l’occasion de la reproduction des phonogrammes et des vidéogrammes réservée à l’usage privé, pour le compte de ses associés dont elle reçoit délégation à cet effet à titre exclusif du simple fait de leur adhésion et pour la durée de cette dernière, étant précisé que chaque associé pourra mettre un terme à ladite délégation à l’expiration de chaque période de 24 mois à compter de la date d’adhésion aux présents statuts, sous réserve d’en avoir informé la société un an à l’avance 3) De répartir cette rémunération entre chaque collège conformément aux dispositions de l’article L 311-7 du Code de la propriété intellectuelle ; 4’) L’exercice de tout autre mandat particulier qui pourrait lui être confié par l’ensemble des associés ou par tout organisme ou société représentative d’ayants droit de la rémunération pour copie privée 5’) D’assurer la défense des intérêts matériels et moraux des auteurs, compositeurs, éditeurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, ou de leur ayants droit, à l’occasion de la reproduction des phonogrammes ou des vidéogrammes réservée à l’usage privé ; 6’) Et plus généralement toute opération de quelque nature qu’elle soit, se rattachant directement à l’objet sus-indiqué de nature à favoriser le but poursuivi par la société” L’objet ainsi défini de COPIE FRANCE ne comporte aucune mission de régulation du marché mais uniquement des actions en faveur des intérêts des ayants-droit au premier rang desquels la perception et la répartition des rémunérations pour copie privée. De surcroît le fait qu’elle soit désormais la seule société de perception et de répartition de droits à opérer, ne permet pas de la caractériser comme une société en position dominante sur un marché et de lui appliquer les principes de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur l’abus de position dominante et les obligations de ne pas fausser le marché qui incombent à des sociétés dans cette situation, dans la mesure où COPIE FRANCE, ne peut être considérée comme un intervenant sur le marché des supports d’enregistrements, puisqu’il n’y prend pas part en qualité d’acteur de l’offre ou de la demande de produit. L’insuffisance d’action pour percevoir la rémunération pour copie privée qui lui est reprochée, à la supposer établie, ne constituerait une faute qu’à l’égard de ses mandants, c’est à dire les ayants-droit, du fait de la perte de revenus qui leur serait causée. En revanche, n’ayant aucune obligation d’assurer l’équilibre des conditions entre les acteurs du marché, COPIE FRANCE ne peut se voir reprocher une faute Page 12 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 commise à l’encontre de ceux-ci consistant à avoir déséquilibré ce marché et faussé le jeu de la concurrence. De même il lui est reproché un défaut d’information du consommateur français sur le fait qu’ en cas d’achat à l’étranger, il est redevable de la rémunération pour copie privée. En effet, la jurisprudence française a considéré jusqu’à l’arrêt STICHTING DE THUISKOPIE du 16 juin 2011 la Cour de Justice de l’Union européenne que les sociétés situées à l’étranger ne pouvaient être assujetties à la rémunération pour copie privée mais que dans ce cas le consommateur final devait être informé qu’il était redevable de la rémunération pour copie privée en contrepartie de l’autorisation de la copie privée instaurée par exception au régime général de l’interdiction de reproduction des oeuvres sans l’autorisation des ayants-droit. Toutefois, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier la suffisance ou non de l’information délivrée sur ce sujet par COPIE FRANCE, il y a lieu de constater qu’ à défaut de système de collecte efficace et contraignant de la rémunération pour copie privée auprès des particuliers concernés, il n’est nullement établi que l’information même correctement délivrée aurait permis de rétablir un équilibre du prix de revient des supports d’enregistrements entre d’une part ceux achetés en France auprès d’un vendeur assujetti à la rémunération pour copie privée et d’autre part ceux acquis auprès des vendeurs situés à l’étranger non assujettis. En effet, il n’est pas démontré que l’information du consommateur aurait suffi, soit à lui faire payer la redevance en annulant l’avantage prix, soit à le détourner des achats à l’étranger. En conséquence, il ne saurait lui être reproché d’avoir par une information insuffisante abouti à fausser la concurrence. Ainsi, aucune faute de COPIE FRANCE n’est démontrée. Les demandes indemnitaires au titre la responsabilité civile seront rejetées. Sur la répétition de l’indu La société IMATION EUROPE soutient au visa de l’article 1235 du code civil que la partie des sommes qu’elle a versée au titre de l’indemnisation pour copie privée qui se rapporte à des ventes à des professionnels non destinées à une clientèle de personnes physiques (qu’elle appelle canal commercial direct) est en réalité indue du fait que depuis le 22 décembre 2002, date d’effet impératif de la directive 2001/29/CE, les demandes de paiement indistinct étaient illicites au regard de celle-ci. Elle réclame la répétition des sommes ainsi selon elle indûment versées depuis le 22 décembre 2011 au titre des décisions numéro 1, 2, 5, 7, 11 et 15 de la Commission de la copie privée. Elle invoque à l’appui de sa demande de répétition de l’indu, par voie d’exception, les vices d’illicéité de ces décisions. Elle fait en effet valoir qu’il résulterait tant de la lettre de la directive qui énonce en son article 5 2)b que : “Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction prévu à l'article 2 dans les cas suivants: Page 13 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 b) lorsqu'il s'agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l'application ou la non application des mesures techniques visées à l'article 6 aux oeuvres ou objets concernés », que des décisions d’interprétation de la directive rendues par la Cour de Justice (arrêt PADAWAN du 21 octobre 2010, confirmé et précisé par l’arrêt COPYDAN du 5 mars 2015), que la redevance pour copie privée ne s’appliquerait qu’à la fourniture des équipements et supports de reproduction aux personnes physiques pour un usage privé, et qu’à l’inverse la fourniture de ces matériels à des personnes autres que des personnes physiques à des fins manifestement étrangère à celle de réalisation de copie privée serait exonérée de plein droit de redevance. En conséquence, l’appel des sommes qui s’appuient sur une exigence de paiement indistinct, c’est à dire ne différenciant pas la fourniture à des utilisateurs privés pour usage privé de la fourniture à d’autres personnes que des personnes physiques à des fins manifestement étrangères à celle de copie privée, serait contraire à la norme européenne. Le dispositif prévu par la décision n°11 de la commission pour copie privée ainsi que celui issu des précédentes décisions qui prévoit cette perception indistincte serait ainsi contraire à la directive, ce qu’a du reste jugé le conseil d’Etat dans l’arrêt du 17 juin 2011. Elle souligne qu’à la suite de l’arrêt COPYDAN de la Cour de justice, l’interprétation par la cour de l’article 5 2 b) de la directive prévoit clairement que : - la fourniture de matériel ou support numérique concernés directement à une personne morale acheteur final pour une utilisation qui n’est pas privée est exonérée de redevance, ce qui correspond selon elle à la situation de son circuit de commercialisation direct à des personnes morales non revendeurs qui a été identifié par deux rapports établis à sa demande du cabinet d’audit PRICEWATERHOUSE COOPER , - la fourniture à une personne morale (grossiste, intermédiaire) qui ellemême revend à une personne morale acquéreur final peut donner lieu à demande de paiement provisionnel de la redevance à condition qu’existe un droit de remboursement effectif ; - la vente a été faite à une personne physique acquéreur final en mesure de démontrer une utilisation étrangère à la copie privée (profession libérale effectuant des copies de documents professionnels), dans ce cas le paiement de la redevance provisionnelle est encore admise toujours sous la réserve d’un droit à remboursement effectif. Or elle prétend que les dispositions de la loi n°2011-1989 du 20 décembre 2011 complétées par l’arrêté du Ministre de la culture du même jour serait contraire à la directive ainsi interprétée car elles maintiennent une obligation de paiement indistinct tout en prévoyant le remboursement des sommes versées s’il est démontré un usage exclusivement professionnel des produits et matériels concernés, mais en assortissant ce droit de tant de contraintes au niveau de la formalisation de la demande et des pièces à fournir, qu’il ne peut Page 14 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 s’exercer aisément. La demanderesse considère ainsi que le droit de remboursement n’est pas effectif comme le montrerait l’important décalage entre le montant des remboursements estimés par l’étude d’impact de la loi du 20 décembre 2011 - 58.000.000 euros- et le montant des remboursements effectivement versés au 5 mars 2014 selon l’attestation du secrétaire général de COPIE FRANCE - 375 805 euros. Le nombre de conventions d’exonération - autre option du dispositif pour exonérer certains acteurs du marché du paiement indistinct de la redevance, soit 1548 à la même date du 5 mars 2014 serait, d’après la demanderesse, négligeable si on le rapporte au nombre total de personnes morales en France. Elle soutient que le principe de primauté de la norme européenne posé dans l’arrêt SIMMENTHAL du 9 mars 1978 de la Cour de Justice impose aux juridictions comme aux autorités nationales d’écarter l’application des dispositions nationales lorsqu’elles sont contraires à la norme européenne même quand elles sont issues de lois postérieures à celle-ci. Elle fait valoir que l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 juin 2011 annulant la décision n°11 de la Commission pour copie privée comme étant contraire à la disposition 5 2 b) de la directive 2001/29/CE telle qu’interprétée par la Cour de justice dans l’arrêt PADAWAN, mais différant les effets de l’annulation et l’arrêt du 19 novembre 2014 validant les décisions n°14 et 15 de la commission pour copie privée, lui serait inopposable en ce qu’il serait contraire à l’interprétation de la directive par la Cour de Justice notamment parce que l’arrêt du 17 juin 2011 en modulant les effets dans le temps de l’annulation implique de différer les effets de l’interprétation de la Cour de Justice, alors que cette dernière n’a pas utilisé la faculté qu’elle s’accorde dans certains cas exceptionnels de prévoir que son interprétation ne rétroagirait pas, contrairement au principe général selon lequel la norme doit s’interpréter dès son origine conformément à sa décision. Elle fait valoir en outre qu’en modulant ainsi dans le temps les effets de la décision, le Conseil d’Etat rendrait impossible l’exercice des droits qu’elle tire du droit de l’Union en l’occurrence de la directive 2001/29/CE ce qui constituerait une violation du droit à un recours juridictionnel effectif prévu par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 6 de la CEDH. Par ailleurs, selon elle, si la Cour de Justice a dit dans un arrêt InterEnvironnement Wallonie, que la juridiction belge qui la saisissait pouvait prévoir de ne pas faire rétroagir l’annulation d’un arrêté contraire au droit de l’Union, cette jurisprudence destiné à prévenir les effets néfastes de l’effet rétroactif sur la protection de l’environnement laquelle est définie par la Cour de Justice comme “un objectif essentiel de l’Union ayant un caractère tant transversal que fondamental” n’est pas transposable à des décisions contraires à la directive 2001/29/CE qui contribue à la protection de la propriété intellectuelle, laquelle aussi importante soit-elle ne présente pas toutes ces caractéristiques. Enfin, elle énonce qu’en dehors de ces cas exceptionnels auquel ne correspond pas l’annulation des décisions de la Commission de la copie privée, le juge national ne pourrait moduler les effets dans le temps Page 15 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 d’une annulation qu’après avoir sollicité l’avis de la cour de Justice par une renvoi préjudiciel en interprétation, ceci afin de préserver l’unité d’interprétation et d’application du droit de l’union. Elle en déduit que les décisions de la Commission pour copie privée doivent être écartées par le tribunal par la voie de l’exception d’illégalité, le juge judiciaire ayant le pouvoir d’écarter l’application d’un acte administratif contraire au droit de l’Union. L’arrêt du Conseil d’Etat du 17 juin 2011 en ce qu’il diffère les effets de l’annulation de la décision n°11 ne lui serait pas opposable car les décisions du conseil d’Etat n’ont que par exception un effet erga omnes uniquement en cas d’annulation d’un acte administratif et seulement pour ce qui concerne la décision d’annulation proprement et ne pourrait pas être étendu à la mesure prévoyant de différer l’effet de l’annulation. En outre la décision statuant sur la demande de nullité de la décision de la commission de la copie privée ne serait selon elle pas revêtue de l’autorité de la chose jugée à l’égard de la présente instance qui concerne d’autres parties et porte sur des demandes tendant à l’indemnisation du préjudice résultant de l’acte illicite. Le société IMATION EUROPE conteste enfin l’argument de COPIE FRANCE selon lequel la directive ne lui serait pas opposable dans une instance horizontale entre personnes privées car elle n’aurait alors pas d’effet direct, aux motifs qu’elle invoque non l’effet direct de la directive mais le principe de primauté du droit européen qui impose au juge national de laisser inappliquée une norme contraire au droit de l’Union. En outre, elle fait valoir qu’au demeurant la Cour de justice, dans l’arrêt FOSTER du 12 juillet 1990 a rappelé que les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d’une directive pouvaient être invoquées à l’encontre d’organisme ou d’entité qui étaient soumis à l’autorité ou au contrôle de l’Etat ou qui disposaient de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers et dit pour droit que tel était le cas “d’un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers”. Or selon elle, COPIE FRANCE est chargée d’accomplir un service d’intérêt public. Elle a des missions d’intérêt général notamment à travers la part de 25% des sommes perçues qui est destiné au “financement d’action d’aide à la création, la diffusion du spectacle vivant et des actions de formation”. Elle dispose de prérogatives exorbitantes du droit commun par les agents assermentés qu’elle désigne dont aux termes de l’article L.331-2 du code de la propriété intellectuelle, les constatations peuvent prouver la matérialité des infractions au dispositions des livre I, II et III du même code, par l’existence d’une infraction pénale prévue par l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle venant sanctionner le non Page 16 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 versement de la redevance pour copie privée. Enfin elle exerce sa mission sous le contrôle de l’Etat puisque la clé de répartition des droits entre les catégories d’ayants-droit est fixé par la loi, que l’utilisation des fonds fait l’objet d’une rapport annuel au Ministre de la culture et aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat et que le ministre de la Culture dispose à son égard de divers moyens d’information et de surveillance. La société IMATION EUROPE soutient ainsi que le tribunal doit invoquer et appliquer directement les dispositions de l’article 5 2 b) de la directive 2001/29/CE à l’encontre de COPIE FRANCE. Au regard de ces dispositions, elle énonce que les sommes appelées et perçues auprès d’elle par COPIE FRANCE depuis le 22 décembre 2002 pour ce qu’elle appelle le canal commercial, c’est à dire la fourniture de supports de reproduction à des personnes morales qui ne revendent pas, n’étaient pas dues puisqu’elles sont fondées sur des décisions illicites, qu’elle s’est appauvrie en versant ces sommes puisqu’il n’est pas démontré qu’elle ait répercuté en aval le montant de ces redevances et enfin que les sommes ainsi perçues ont directement enrichi les défenderesses qui, si elles ont l’obligation de reverser les sommes perçues aux ayants-droit, prélèvent toutefois des frais de gestion et des produits financiers générés par la trésorerie. Les conditions de la répétition de l’indue seraient ainsi remplies. COPIE FRANCE oppose comme cela a déjà été partiellement mentionné, que les conditions de l’action en répétition ne sont pas réunies en ce que : -La société IMATION EUROPE ne démontre pas s’être appauvrie puisque la charge de la rémunération pour copie privée est répercutée dans le prix de vente et qu’à tout le moins, elle n’établit pas ne pas avoir procédé à cette répercussion ; au demeurant si la répercussion au consommateur final ne constitue pas une obligation, elle s’inscrit dans la justification du mécanisme qui impose que la charge de cette rémunération repose sur celui qui bénéficie de l’exception de copie privée ; - COPIE FRANCE ne tire ni bénéfice ni avantage de la perception de la redevance pour copie privée et se borne à percevoir des retenues pour couvrir ses frais de fonctionnement représentant pour les exercices compris entre 2002 et 2013 un pourcentage compris entre 0, 85 et1,15 % des sommes perçues, ainsi que les produits financiers des sommes en instance de répartition qui représentent entre 0,1 à 0,7% des sommes perçues. A titre subsidiaire, elle fait valoir que les demandes doivent être rejetées car il n’y a pas eu de paiements indus. Elle soutient en effet que les décisions de la Commission pour copie privée en vertu desquelles la demanderesse s’est acquittée de la rémunération pour copie privée sont parfaitement applicables pour la période considérée à la société IMATION EUROPE venant aux droits de la société IMATION FRANCE : Page 17 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 - les décisions n°1du 4 janvier 2001et n°2 du 6 décembre au titre des CD data et DVD data mis en circulation sur le territoire français au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2008 pour les CD data et 30 juin 2005 pour les DVD data ; - la décision et n°5 du 6 juin 2005 au titre des DVD data mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 1er juillet 2005 au 30 septembre 2006, Ces trois décisions n’ont pas fait l’objet de recours devant le juge administratif et seraient donc d’après la défenderesse valides et applicables. Le juge judiciaire n’a pas le pouvoir d’examiner la validité de l’acte administratif. COPIE FRANCE soutient en outre que la directive 2001/29/CE n’a pas d’effet direct entre les parties du présent litige puisqu’une directive non transposée ou mal transposée n’a pas d’effet direct dans un litige entre des particuliers et qu’elle ne saurait être invoquée pour écarter une norme nationale contraire. - la décision n°7 au titre des DVD data mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 ; - la décision n°11 au titre de l’ensemble des supports précités mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 janvier 2011. Ces deux décisions ont été annulées, la première par arrêt du Conseil d’Etat du 11 juillet 2008 et la seconde par arrêt du 17 juin 2011 mais ces décisions qui ont différé les effets des nullité, de sorte que la décision n°7 a continué à produire ses effets jusqu’au 31 décembre 2008, veille de l’entrée en vigueur du régime résultant de la décision n°11, laquelle a produit effet jusqu’au 23 décembre 2011 date d’entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2011. Selon COPIE FRANCE, ces arrêts parce qu’ils prononçent une annulation, ont l’autorité de la chose jugée et ont un effet erga omnes y compris en ce qu’ils différent les effets de l’annulation. Cette partie des décisions de la juridiction administrative est de ce fait également opposable à la demanderesse. Toujours selon celle-ci, IMATION EUROPE n’est pas fondée non plus à invoquer le fait qu’elle a été privée du droit à un recours juridictionnel effectif dans la mesure où c’est la tardiveté de son action qui a fermé la possibilité d’un recours. Si elle avait engagé l’instance avant le 11 juillet 2008 pour la décision 7 et avant le 17 juin 2011 pour la décision n°11 le droit d’invoquer la nullité rétroactive des décisions en cause ne lui aurait pas été fermé. Sur ce A lappui de sa demande en répétition de l’indu la société IMATION demande d’écarter l’application des normes de droit interne que sont les décisions de la Commission de la copie privée sur la base desquelles elle a réglé ou aurait dû régler des sommes appelées par COPIE FRANCE au titre de la copie privée, au motif qu’elles seraient contraires à la directive 2001/29/CE. En faisant application directe des principes édictées par la directive en son article 5 2 b) ou à tout le moins en constatant l’absence de base légale des demandes en paiement, elle demande que les paiements soient déclarés indus. Page 18 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 Cependant la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne est constante sur le fait qu’une directive ne peut être invoquée dans une instance à l’encontre d’une norme de transposition insatisfaisante ou en l’absence de transposition que dans un litige dans lequel un particulier l’invoque pour faire valoir ses droits à l’encontre de l’Etat, dans un effet couramment appelé vertical par la doctrine. Dans l’arrêt FOSTER du 12 juillet 1990, la Cour de Justice a étendu cette possibilité à un litige concernant “un organisme, qui quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers” En revanche, la directive ne créant pas directement d’obligations dans le chef des particuliers, qu’il soit personne physique ou une personne morale, elle ne peut être invoquée, dans un effet dit “horizontal”, dans le cadre d’une instance opposant des particuliers entre eux. Par ailleurs le principe de primauté du droit communautaire régulièrement rappelé par la Cour de Justice s’il commande au juge de faire une interprétation des textes nationaux applicables conformes à la directive, ne permet pas au juge dans un litige entre particuliers d’écarter la norme nationale au motif qu’elle serait contraire à la directive. Il résulte de ces éléments que la société IMATION EUROPE ne pourrait invoquer l’incompatibilité des décisions n° 1, 2, 5 et 15 avec la directive 2001/29/CE que si COPIE FRANCE présentait les caractéristiques d’un organisme étatique énoncées dans l’arrêt FOSTER du 12 juillet 1990 de la Cour de Justice, étant précisé que les données de la question sont différentes pour les décisions 7 et 11 qui ont fait l’objet d’une annulation par le Conseil d’Etat. La société IMATION EUROPE relève en ce sens que COPIE FRANCE exerce un service d’intérêt public en ce que le principe de l’indemnisation de la copie privée ainsi que la perception de la rémunération et la répartition aux ayants-droit par des sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur sont prévus par la loi, et que de fait COPIE FRANCE dispose d’un monopole. Elle exercerait selon elle pour partie une mission d’intérêt général par l’utilisation prévue par la loi de 25% des sommes perçues à “des actions d’aide à la création à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes” et que la loi fixe également pour le reste des sommes perçues, les pourcentages de répartition entres les catégories d’ayants droit de sorte que COPIE FRANCE n’est pas libre dans la répartition des sommes perçues. Elle disposerait de prérogatives exorbitantes du droit commun, du fait qu’elle dispose d’agents assermentés et agrées par le ministère de la culture pour établir des constats de non paiement de la redevance pour copie privées et qu’un délit pénal sanctionne le non paiement de la redevance. Page 19 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 Elle exercerait sa mission sous le contrôle de Etat puisqu’un rapport annuel sur le montant et l’utilisation des sommes qui ne sont pas réparties entre les ayants droits fait l’objet d’une rapport annuel certifié par commissaire aux comptes au Ministre de la culture et aux commission compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, que les projets de statuts et de règlements généraux des sociétés de perception sont transmis au Ministre de la culture qui peut en demander l’annulation s’il les estime contraire au droit applicable, de même les comptes annuels lui sont transmis et le Ministre pour demander au tribunal de grande instance de Paris de prononcer la dissolution de la société. Enfin elle est soumise au contrôle de la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits entièrement composée de représentants de l’Etat et qui présente un rapport annuel déposé au parlement , au gouvernement et à son assemblée générale. Toutefois, la société COPIE FRANCE est une société civile dont l’objet principal est de percevoir et répartir la rémunération pour copie privée au profit des auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de leurs ayants droit, de sorte qu’elle est ainsi en charge d’intérêts certes collectifs mais qui demeurent particuliers sans être d’intérêt général ou correspondre à une mission de service public. Elle est constituée par les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs et des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes qui représentent les intérêts des ayants-droit. L’existence d’un cadre légal de la rémunération pour copie privée, avec notamment l’existence d’une sanction pénale en cas de non paiement, comme il en existe pour de nombreuses activités économiques ou sociales ne suffit pas à conférer à COPIE FRANCE qui constitue un acteur de ce régime dont la situation de monopole résulte de la décision des ayants-droit et non de la loi ou d’une décision de l’Etat, un statut assimilable à un organisme étatique ou para-étatique. Par ailleurs la loi prévoit que les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs et des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, sont des sociétés civiles soumises en conséquence à ce régime de droit commun. Si elles font l’objet d’obligations particulières vis à vis de l’Etat pour garantir la transparence et la légalité de leur fonctionnement, elles ne sont pas placées pour autant sous la tutelle de celui-ci. L’Etat ne fait pas partie des associés et n’est pas représenté dans la société, et par conséquent ne participe pas aux décisions. Enfin s’il peut agir contre COPIE FRANCE s’il estime que des illégalités sont commises, ce n’est que par le recours à des actions en justice. La part de 25% des rémunération qui est affectée à “des actions d’aide à la création à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes” s’analyse comme une modalité des compensation de l’exception de copie privée au bénéfice des ayants droits, de sorte que si elle peut rejoindre dans ces buts des actions d’intérêt général mené par l’Etat, elle présente une nature différente et ne s’assimile pas à celles-ci. Au demeurant l’utilisation des ces sommes relèvent des décisions de COPIE FRANCE et non de l’Etat. Page 20 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 Enfin les agents assermentés prévus par l’article L.331-2 du code de la propriété intellectuelle, établissent certes des constat pouvant prouver la matérialité de l’infraction de non paiement de la rémunération pour copie privée mais ne disposent d’aucun pouvoir exorbitant du droit commun pour les établir. Au demeurant COPIE FRANCE ne dispose d’aucun pouvoir dérogatoire pour faire valoir ses droits et est soumise aux dispositions du droit commun pour saisir la justice que ce soit devant les juridictions pénales ou civiles. Ainsi au total, COPIE FRANCE n’exerce pas de mission ou de service d’intérêt général mais agit pour le compte d’intérêts privés regroupés collectivement. Dans sa composition comme dans son fonctionnement, elle est autonome de l’Etat et ne dispose pas de pouvoir significatif exorbitant du droit commun. En conséquence, l’existence d’un contrôle de l’Etat par la voie d’informations obligatoires ou la capacité du Ministre de la culture d’engager des actions judiciaires à son encontre pour faire respecter la légalité des statuts et des décisions, ne suffisent pas à caractériser une emprise de l’Etat telle qu’elle justifierait que COPIE FRANCE soit considérée au sens de la jurisprudence de la Cour de Justice comme un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive européenne. Aussi, la société IMATION EUROPE n’étant pas en droit d’invoquer la directive 2001/29/CE dans le litige l’opposant à COPIE FRANCE, ses demandes de répétition de l’indu fondées sur l’incompatibilités des décisions n°1, 2, 5 et 15 de la Commission de la copie privée avec cette directive seront rejetées. B) les demandes de répétition de l’indu au titre des décisions n° 7 et 11 de la Commission de la copie privée La société IMATION EUROPE soutient que l’annulation des décisions n° 7 et n°11 de la Commission de la copie privée par les deux arrêts Conseil d’Etat respectivement du 11 juillet 2008 du 17 juin 2014, lesquels ont certes annulé les décisions mais en différant les effets de l’annulation, et ont eu pour conséquence de valider leur contenu pour la période antérieure, implique que ces décisions ne leur sont pas opposables de sorte que les sommes à payer au titre de la rémunération de la copie privée par COPIE FRANCE fondées sur ces décisions ne sont pas dues lorsqu’elle portent sur la vente de supports à des sociétés commerciales qui ne revendent pas, et doivent lorsque’elle les a payées lui être restituées sur le fondement de la répétition de l’indu. Elle fait valoir que la mesure reportant l’effet de l’annulation à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la notification de la décision, destinée à permettre d’adopter de nouvelles décision conformes à la directive se substituant à la décision annulée ne pourrait lui être opposée dans la mesure ou elle n’aurait pas d’effet erga omnes. Toutefois il est constant que les décisions du conseil d’Etat prononçant l’annulation d’un acte administratif ont une portée générale. Les modalités des conséquences de l’annulation sont consubstantielles à la décision d’annulation et ne sauraient par conséquent être séparées pour Page 21 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 leur appliquer un régime distinct leur conférant une portée moindre. Ayant autorité de la chose jugée, ces décisions s’imposent au tribunal qui n’ a pas le pouvoir, comme la société IMATION EUROPE le prétend, d’apprécier la conformité de ces décisions au droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour de Justice pour le cas échéant écarter leur application. Il n’apparaît pas en effet que le principe de primauté du droit de l’Union doive prévaloir sur le principe d’autorité de la chose jugée lequel est indispensable à la sécurité juridique et à la confiance des justiciables en celle-ci. En conséquence les arrêts précités s’appliquent à la société IMATION EUROPE y compris en ce qui concerne les effets différés des annulations. Par ailleurs si les arrêts précités prévoient le report des effets de l’annulation sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de l’arrêt contre des actes pris sur le fondement des décisions annulées, la société IMATION EUROPE ne peut se prévaloir de cette réserve puisqu’elle a fait assigner COPIE FRANCE le 20 décembre 2012, soit postérieurement aux arrêts précités. La circonstance qu’un syndicat professionnel dont elle est adhérente se soit joint au recours en annulation contre la décision n°11 ne lui permet pas plus d’échapper à l’effet différé de l’annulation dans la mesure où ce syndicat ne défend que les intérêts collectifs des adhérents et non les intérêts particuliers d’IMATION EUROPE. Cette dernière n’est pas plus fondée à invoquer pour faire écarter l’application de ces arrêts, que ceux-ci aboutiraient, en violation du droit de l’Union européenne, à la priver d’un recours juridictionnel effectif pour faire appliquer ce droit, puisque la faculté d’exercer un recours lui était ouverte mais qu’elle l’a exercé tardivement. Il s’ensuit que les décisions n°7 et 11, pour les périodes comprises entre leur entrée en vigueur et jusqu’à la date à laquelle leur annulation porte effet en vertu des décisions du Conseil d’Etat ou la date à laquelle une décision ultérieure leur a été substituée, soit pour la décision n°7 jusqu’au 31 décembre 2008 (la décision n°11 se substituant à compter du 1er janvier 2009) et pour la décision n°11 jusqu’au 22 décembre 2011 (la loi du 21 décembre 2011 entrant en vigueur le 23 décembre 2011), sont applicables et opposables à la société IMATION EUROPE. Dès lors, elle ne peut se prévaloir pour les périodes concernées de la nullité des décisions pour solliciter la répétition des sommes appelées par COPIE FRANCE en application de ces décisions. Aussi, sans qu’il apparaisse utile de saisir la Cour de Justice des questions préjudicielles sollicitées par la demanderesse, il y a lieu de rejeter l’intégralité des demandes au titre de la répétition de l’indu. Page 22 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 Sur la demande reconventionnelle de COPIE FRANCE COPIE FRANCE réclame le paiement des sommes dues selon elle par la société IMATION EUROPE au titre de la rémunération pour copie privée, que cette dernière a volontairement refusé de payer entre février 2011 et février 2015. Pour la période comprise entre février 2011 et novembre 2011, elle réclame une somme de 3.527.586,81 euros H.T. reposant sur les décisions n°1, 4 et 11, de la Commission de la copie privée, étant précisé que les sommes fondées sur la décisions n°4 portent sur les cassettes audios, les cassettes vidéos et les disquettes trois pouces et demi pour un montant de 106.359,92 euros H.T. et que cette décision, comme les décisions n°1, n°2 et n°5 n’ a jamais fait l’objet d’aucune annulation ou invalidation par le Conseil d’Etat. Pour la période entre décembre 2011 et février 2015, durant laquelle la société IMATION a persisté à ne verser aucune rémunération pour copie privée, COPIE FRANCE demande le versement d’une somme 10.582.813,77 euros H.T. ventilée comme suit : - une somme de 643.925,44 euros H.T. fondée sur les décisions n°1 et 4 de la Commission pour copie privée au titre des cassettes audio, cassettes VHS vidéo, mini discs et disquettes MFD mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 1er décembre 2011 au 30 juin 2015 ; - la somme de 3.615.697,19 € HT fondée sur les dispositions de l’article 6-I de la loi du 20 décembre 2011 au titre des CD, DVD, clefs USB, cartes mémoires non dédiées et disques durs externes mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 23 décembre 2011 au 31 décembre 2012 ; - la somme de 6.323.191,14 € HT fondée sur la décision n°15 de la Commission de la copie privée au titre des CD, DVD, clefs USB, cartes mémoires non dédiées et disques durs externes mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2015. La société IMATION EUROPE dans ses dernières conclusions ne s’oppose pas explicitement à la demande reconventionnelle puisqu’aucun développement n’y est consacré alors même que cette demande figure dans les conclusions de la demanderesse depuis le 3 juin 2015 pour la période comprise entre février 2011 et février 2015, la demande ayant été actualisée par la suite pour la période allant jusqu’en juin 2015. Toutefois il résulte implicitement de sa demande au titre de la répétition de l’indu qu’elle s’oppose au moins partiellement à ces demandes pour ce qui concerne les redevances calculées sur les ventes effectuées à des personnes morales qui ne revendent pas et fondées sur les décisions dont elle conteste qu’elles lui soient applicables. Page 23 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 Au demeurant, pour les raisons indiquées précédemment, les décisions de la commission pour copie privée fondées sur les décisions n°1, 4 et 11 ainsi que les dispositions de l’article 6-I de la loi du 20 décembre 2011, lequel a prolongé les effets du contenu de la décision n°11 jusqu’au 31 décembre 2012 en prévoyant que : “Jusqu’à l’entrée en vigueur de la plus proche décision de la commission prévue à l’article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle et au plus tard jusqu’au dernier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi, sont applicables à la rémunération pour copie privée les règles, telles que modifiées par les dispositions de l’article L. 311-8 du même code dans sa rédaction issue de la présente loi, qui sont prévues par la décision n°11 du 17 décembre 2008 de la commission précitée, publiée au Journal officiel du 21 décembre 2008, dans sa rédaction issue des décisions n°12 du 20 septembre 201031, publiée au Journal officiel du 26 octobre 2010, et n°13 du 12 janvier 2011, publiée au journal officiel du 28 janvier 2011 », ne peuvent être écartées par la demanderesse et servent de fondement au calcul de la rémunération pour copie privée due. En conséquence, et en l’absence de la moindre contestation sur le détail des montants en cause, il y a lieu de condamner la société IMATION EUROPE à payer les sommes ainsi réclamées par COPIE FRANCE, avec, conformément à l’article 1154 du code civil, intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement. COPIE FRANCE demande en outre qu’il lui soit donné acte qu’elle réserve l’ensemble de ses droits au titre des rémunérations pour copie privée dues par la société IMATION EUROPE BV pour la période allant du mois de février 2011 au mois de novembre 2011 sur le fondement de la décision n°13 annulée par le Conseil d’Etat selon arrêt du 25 juin 2014, ce qu’il n’appartient pas au tribunal de faire en l’absence de point à trancher. Sur les demandes relatives aux frais du litige et aux conditions d’exécution de la décision La société IMATION EUROPE, partie perdante, sera condamnée aux dépens. En outre elle doit être condamnée à verser à COPIE FRANCE , qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 50.000 euros. Les circonstances de l’espèce ne justifient pas le prononcé de l’exécution provisoire. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort : - REJETTE les demandes de la société IMATION EUROPE BV au titre de la responsabilité civile ; Page 24 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 - DIT n’y avoir lieu à saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne de questions préjudicielles ; -REJETTE en conséquence la demande tendant à surseoir à statuer jusqu’à la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne ; - REJETTE les demandes de la société IMATION EUROPE BV au titre de la répétition de l’indu ; - CONDAMNE la société IMATION EUROPE BV à payer à la SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE AUDIOVISUELLE SONORE au titre de la rémunération pour copie privée : - la somme de 3.527.586,81 euros, fondée sur les décisions n°1, n°4 et n°11 de la commission de la copie privée, pour la période comprise entre février 2011 et novembre 2011 ; - la somme de 643.925,44 euros fondée sur les décisions n°1 et 4 de la Commission pour copie privée au titre des cassettes audio, cassettes VHS vidéo, mini discs et disquettes MFD mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 1er décembre 2011 au 30 juin 2015 ; - la somme de 3.615.697,19 euros fondée sur les dispositions de l’article 6-I de la loi du 20 décembre 2011 au titre des CD, DVD, clefs USB, cartes mémoires non dédiées et disques durs externes mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 23 décembre 2011 au 31 décembre 2012 ; - la somme de 6.323.191,14 euros fondée sur la décision n°15 de la Commission de la copie privée au titre des CD, DVD, clefs USB, cartes mémoires non dédiées et disques durs externes mis en circulation sur le territoire français au cours de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2015 ; soit la somme globale de 14.110.400,58 euros assortie à compter du prononcé du jugement des intérêts au taux légal ; - REJETTE le surplus des demandes ; - CONDAMNE la société IMATION EUROPE BV aux dépens ; - CONDAMNE la société IMATION EUROPE BV à payer une somme de 50.000 euros à la SOCIÉTÉ POUR LA RÉMUNÉRATION DE LA COPIE PRIVÉE AUDIOVISUELLE SONORE au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; - DIT n’y avoir lieu a l’exécution provisoire de la présente décision. Fait à PARIS le 8 avril 2016 LE GREFFIER LE PRÉSIDENT Page 25 Décision du 8 avril 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 13/00374 Page 26