PROJET DE CODE DE BONNES PRATIQUES POUR LA

Transcription

PROJET DE CODE DE BONNES PRATIQUES POUR LA
PROJET DE CODE DE BONNES PRATIQUES POUR LA
PREVENTION DE LA VIOLENCE
ET DES ABUS A L’EGARD DES PERSONNES AUTISTES
Décembre 1998
1
L’initiative européenne DAPHNE, adoptée en 1997, a pour objectif d’appuyer les
activités des organisations non gouvernementales (ONG) qui visent à lutter contre la
violence exercée contre les enfants, les adolescents et les femmes. Nous
accueillons avec intérêt la proposition de la Commission européenne de mettre en
œuvre un programme d’action de quatre à cinq ans pour assurer le suivi de la
première initiative. Un tel programme est en effet indispensable pour répondre aux
besoins cruciaux identifiés lors de la première phase et pour promouvoir une
meilleure coordination des actions de prévention à l’échelle européenne.
(Septembre 1998)
2
Remerciements
Au nom d’Autisme-Europe et de toutes les personnes autistes et de leurs familles, j’aimerais remercier
ici tout particulièrement Yvette Dijkxhoorn de l’Université de Leiden (NL), André Foubert, directeur
d’une Maison d’Accueil Spécialisée (F), Dr Paula Freitas, pédopsychiatre de l’APPDA de Porto (P), Bill
Meldrum de la Scottish Society for Autistic Children (GB), Dr Donata Vivanti, Présidente d’ANGSA
Lombardia (I) et Dr Christopher Williams de l’Université de Londres (GB) qui ont accepté de rédiger
bénévolement ce Code de Bonnes Pratiques et de nous faire ainsi profiter de leur expérience. La
tâche qui leur a été confiée était à la mesure des attentes exprimées par de très nombreux parents :
ardue et délicate. Malgré des délais très courts, le groupe d’experts a mené à bien sa mission avec le
soutien d’Anne-Sophie Parent, Directeur Administratif d’Autisme-Europe et coordonatrice du projet.
Je tiens à les remercier de tout cœur pour leur enthousiasme et leur soutien à notre projet de Code de
Bonnes Pratiques.
Je tiens également à remercier les intervenants au séminaire organisé en septembre 1998 qui, par
leur présentation, ont apporté une dimension plus vaste à notre projet de Code, notamment le Dr
Joaquim Fuentes, psychiatre pour enfants et adolescents de l’hôpital de San Sebastian (E), le
Professeur Ernesto Caffo, Président de l’association italienne de lutte contre la violence à l’égard des
enfants Telefono Azuro, Dr Theo Peeters, Directeur du Opleiding Centrum Autisme à Anvers (B), Dr
Rita Jordan, de l’Université de Birmingham (GB), ainsi que le consortium qui travaille au projet sur les
procédures inacceptables : Pat Matthews, Vice-President Autisme-Europe et Directeur de l’Irish
Society for Autism (IR), Isabel Cottinelli-Telmo, Vice-Présidente d’Autisme-Europe et Présidente de
l’Associacio Portuguesa para Protecao aos Deficientes Autistas (P), Dr Paul Shattock, Secrétaire
honoraire Autisme-Europe, Université de Sunderland (GB) et Gloria Laxer, spécialiste en Sciences de
l’Education et Communication (F). Un tout grand merci aussi à Gunilla Gerland, personne autiste se
représentant elle-même, qui a accepté de partager avec nous son point de vue sur les dangers de la
psychanalyse. Merci également à tous les participants au séminaire dont les commentaires et
contributions vont grandement aider à faire avancer ce projet de Code. J’aimerais aussi remercier ici
Phil Scott pour le merveilleux travail de traduction qu’il a fait pour certains passages de ce document.
J’aimerais aussi remercier tout particulièrement les nombreuses personnes et associations qui nous
ont envoyé des témoignages et des documents très utiles à notre travail et sans qui ce projet n’aurait
pas vu le jour. C’est pour eux et leurs enfants que nous nous sommes lancés dans cette tâche
délicate et pour répondre à la demande pressante de très nombreux parents qui veulent que les
mauvaises pratiques cessent et que les bases nécessaires soient définies pour garantir à toutes les
personnes autistes un avenir digne. Nous sommes tout à fait conscients que ce Code de Bonnes
Pratiques n’est qu’une étape vers une meilleure reconnaissance des droits des personnes autistes.
Ce document n’a pas la prétention d’établir une fois pour toutes des grands principes immuables, mais
j’espère qu’il servira à jeter les premières bases d’une coopération européenne qui aura pour objectif
d’améliorer la vie des personnes particulièrement vulnérables que sont les personnes autistes et de
leur éviter des souffrances inutiles. Ce Code de Bonnes Pratiques s’inscrit à la suite de la Charte des
e
Droits des Personnes autistes présentée en mai 1992 lors du 4 Congrès d’Autisme-Europe et de la
Déclaration écrite du Parlement européen adoptée le 9 mai 1996. Chaque étape de notre action nous
mène un peu plus loin vers un meilleur respect des droits des personnes autistes.
Enfin, j’aimerais remercier le Parlement européen et M. Monfils en particulier pour l’intérêt qu’ils
portent à l’une préoccupation majeure de nombreux citoyens européens, c.-à-d. la violence à l’égard
des personnes vulnérables. Un grand merci aussi à l’initiative DAPHNE de la Commission
européenne pour son soutien à notre projet et tout particulièrement M. Anthony Simpson et son
équipe de la « Task Force Cooperation on Justice and Home Affairs » pour leur aide précieuse et
leurs conseils amicaux.
Gilbert Huyberechts
Président Autisme-Europe
3
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION .................................................................................................................................. 5
CHAPITRE 1: APERCU GENERAL
Christopher Williams.............................................................................................................................. 7
CHAPITRE 2 : PARTICULARITES DE L’AUTISME
Yvette Dijkxhoorn.................................................................................................................................. 17
CHAPITRE 3 : FACTEURS DE RISQUE DE MALTRAITANCE DANS LE MILIEU FAMILIAL
Dr Donata Vivanti
CHAPITRE 4: IL EST BIEN TEMPS ! L’AUTISME ET LA PSYCHANALYSE
Gunilla Gerland
CHAPITRE 5 : FACTEURS DE RISQUE INHERENTS AU PERSONNEL ET AUX
STRUCTURES DES INSTITUTIONS
André Foubert ...................................................................................................................................... 36
CHAPITRE 6 : PREVENTION DE LA VIOLENCE / INTERVENTION SUR LA PERSONNE
ATTEINTE D’AUTISME
Dr Paula Pinto de Freitas .................................................................................................................... 48
CHAPITRE 7 : PREVENTION DE LA MALTRAITANCE EN FAMILLE
Dr Donata Vivanti ................................................................................................................................ 56
CHAPITRE 8 : PREVENTION AU SEIN DES SERVICES ET ETABLISSEMENTS
Bill Meldrum......................................................................................................................................... 63
CHAPITRE 9 : L’IMPORTANCE DE LA FORMATION DANS LA PREVENTION DE LA
VIOLENCE ET DES ABUS ENVERS LES PERSONNES AUTISTES
Theo Peeters & Rita Jordan................................................................................................................. 69
CHAPITRE 10 : UN CODE DEONTOLOGIQUE POUR UNE UTILISATION ADEQUATE DES
MEDICAMENTS ADMINISTRES AUX PERSONNES AUTISTES
Paul Shattock........................................................................................................................................ 89
CHAPITRE 11 : DIMENSION EUROPÉENNE
Dr Christopher Williams ...................................................................................................................... 97
CHAPITRE 12 : LES POSSIBILITES DE CHANGEMENT - ETUDE DU CAS DE LA GRANDEBRETAGNE
Dr Christopher Williams .................................................................................................................... 108
CHAPITRE 13 : CONCLUSIONS ET RECOMMENDATIONS
4
INTRODUCTION
Depuis quelques années, les préjudices subis par les personnes handicapées suscitent une
inquiétude accrue. 1 Le style de vie engendre fréquemment des vulnérabilités particulières et
dans certains cas, les difficultés intellectuelles ne facilitent pas la révélation au grand jour et
la présentation de preuves formelles.
Mais ces souffrances restent habituellement
‘imperceptibles’ aux yeux du grand public, des décideurs et des politiciens. 2
La documentation actuellement disponible revêt un caractère national car le droit constitue
un élément central et la majeure partie de la législation applicable relève du niveau national. 1
Jusqu’à présent la perspective européenne a fait défaut. En outre, la plupart des recherches
englobent toutes les personnes handicapées mentales en un même groupe et la spécificité
éventuelle des personnes autistes n’a pas encore été prise en considération.
C’est donc
pour remédier à ces lacunes qu’Autisme-Europe a décidé d’entreprendre ce travail avec le
soutien de l’initiative européenne DAPHNE.
Ce projet de Code a été rédigé dans le cadre des principes directeurs de la Charte des
Droits d’Autisme-Europe par une équipe internationale d’experts composée de : Yvette
Dijkxhoorn de l’Université de Leiden (NL), André Foubert, directeur d’une Maison d’Accueil
Spécialisée (F), Dr Paula Freitas, pédopsychiatre de l’APPDA de Porto (P), Bill Meldrum de
la Scottish Society for Autistic Children (GB), Dr Donata Vivanti, Présidente d’ANGSA
Lombardia (I) et le Dr Christopher Williams de l’Université de Londres (GB). Une personne
autiste se représentant elle-même, Gunilla Gerland, a contribué son point de vue sur la
psychanalyse et ses dangers pour les personnes autistes. Des experts indépendants ont
également participé au travail : Dr Rita Jordan, University of Birmingham (GB), Dr Theo
Peeters, Opleiding Centrum Autisme (B) et Paul Shattock, University of Sunderland (GB). Le
projet a été coordonné par Anne-Sophie Parent, Directeur Administratif d’Autisme-Europe.
11
Sobsey, D. (1994) Violence and abuse in the lives of people with disabilities - the end of silent
acceptance, Paul H. Brookes Publishing: Baltimore.
2
Williams, C. (1995) Invisible victims: crime and abuse against people with learning disabilities,
Jessica Kingsley: London.
5
L’objectif de ce Code est d’établir les bases pour une action coordonnée visant à prévenir la
violence et les abus à l’égard des personnes autistes. Le Chapitre Un ébauche le problème
en termes généraux. Les chapitres suivants identifient les facteurs de risque spécifiques à
l’autisme, des mesures de prévention et des recommandations en terme de bonnes
pratiques. Finalement, les chapitres de conclusion donnent un aperçu des domaines où une
approche d’envergure européenne serait susceptible d’ajouter une nouvelle dimension et
analysent un exemple de proposition de loi tenant compte des besoins spécifiques des
personnes vulnérables. Le Code conclut en résumant les mesures de prévention destinées
à divers groupes : personnes autistes, parents et personnel, associations de parents,
institutions, législateurs nationaux et institutions européennes.
1
For example: Brown,H. Stein, J. & Turk, V. (1995) ‘Report of a second two-year incidence survey on
the reported sexual abuse of adults with learning disabilities: 1991-1992,’ Mental Handicap
Research, 8, 1.
6
CHAPITRE 1: APERCU GENERAL
Christopher Williams
Institut de Pédagogie, Université de Londres (GB)
1
PREJUDICES ET SOUFFRANCES - UNE PERSPECTIVE EUROPEENNE
Envisager, sous l’angle européen, un problème généralement étudié en termes de législation
nationale n’est pas aisé. Des actes qualifiés d’illégaux dans un pays peuvent s’avérer licites
dans un autre. Des termes tels que ‘violence’ sont largement compris, mais omettent des
formes significatives de préjudices imputables à la négligence. Le terme ‘abus’ est
fréquemment usité, mais son utilisation peut dénaturer la perception d’actes graves qui
devraient être qualifiés d’illégaux. Qualifier un viol ‘d’abus sexuel’, une agression ‘d’abus
physique’ ou un vol ‘d’abus financier’ édulcore la perception de la souffrance et dissimule le
fait que ces agissements enfreignent la loi. Lorsqu’un acte dommageable perpétré contre
une personne handicapée s’avère illégal, il est vital de le dénommer clairement, à l’instar de
ce qui se ferait si ce préjudice frappait n’importe qui d’autre. Pour simplifier, l’objet de cet
article est de traiter des circonstances dans lesquelles
des individus subissent un préjudice en raison des actes ou omissions d’autrui.
Des actes spécifiques ou des omissions peuvent s’avérer illégaux ou non selon les différents
pays, mais dans le cadre de cette définition, il est possible d’identifier des catégories de
préjudices et de souffrances qui sont généralement d’application à travers toute l’Europe.
1.1 Infraction.
Une infraction peut résulter d’un acte (ex. une personne en frappe une autre) ou, moins
fréquemment, d’une omission, à savoir le non-respect d’une obligation qui débouche sur un
préjudice (ex. un directeur d’une usine qui ne s’assure pas de la sécurité des machines).
Les infractions peuvent être le fruit d’un acte délibéré ou d’une omission (ex. un coup de
poing), voire parfois d’un comportement téméraire (ex. conduire un véhicule de manière
imprudente). Techniquement, l’infraction est commise contre l’Etat et non contre la victime.
Par conséquent, la justice entamera des poursuites sans se référer aux souhaits de la
victime. S’il est déclaré coupable, l’auteur de l’infraction est puni par le tribunal au nom de
l’Etat : il est rare qu’un dédommagement soit octroyé à la victime.
Exemples des infractions dont sont victimes les personnes présentant des troubles du
développement:
Homicide, meurtre, décès suite au non-respect de l’obligation de prudence.
Enlèvement – être emmené, sans son consentement, de force ou sous la menace, sans la
moindre excuse légitime d’agir de la sorte.
7
Agression – techniquement toute forme d’attouchement non désiré constitue une
agression ; de même, certains actes qui n’impliquent aucun contact, comme par exemple
des coups de téléphone menaçants, peuvent également être assimilés à une agression.
Empoisonnement – la souffrance ou le décès causé par une substance nocive, y compris
des médicaments administrés sans consentement.
Abus sexuels - être victime d’attouchements sexuels sans consentement.
Menaces verbales susceptibles d’engendrer la crainte de violences.
Séquestration – être maintenu à un endroit de force ou sous la menace, excepté si un motif
légal le justifie ou en cas d’urgence afin d’éviter de porter préjudice à un individu ou à autrui.
Atteinte à la propriété – ravir illégalement des biens avec l’intention d’en priver
définitivement le propriétaire - vol, cambriolage.
Escroquerie – emporter de l’argent ou des biens sans que le propriétaire le comprenne
parfaitement et sans son accord quant à l’affectation - ‘abus de confiance’, fraude.
Dommage – destruction et dégradation de biens personnels.
Incitation – être amené ou incité à faire quelque chose de mal, comme par exemple briser la
vitrine d’un magasin.
(NB: De légères différences se présenteront selon les pays.)
1.2 Infractions d’ordre civil.
Certaines infractions relèvent du civil et non du pénal (ex. la diffamation); d’autres relèvent
tant du civil que du pénal (ex. l’agression). Techniquement les infractions d’ordre civil sont
perpétrées contre des individus qui ont subi un préjudice personnel, et non contre l’Etat.
Ainsi, l’Etat n’entamera pas une procédure au nom de la victime et, généralement, le tribunal
ne punit pas l’auteur de l’infraction. Une procédure civile peut généralement être intentée
lorsque la victime a subi une forme de préjudice en raison des agissements ou de l’omission
d’une autre personne ou d’une organisation et que la victime cherche à obtenir le paiement
d’un dédommagement en guise de réparation. Le préjudice peut être de nature financière,
avoir trait à la santé (physique ou mentale), voire entraîner des conséquences futures (ex.
aptitude à obtenir un emploi). Le préjudice s’avère parfois être uniquement symbolique et un
dédommagement symbolique est accordé ; cette procédure reconnaît le caractère injustifié,
mais mineur de l’acte en question. Le niveau de preuve requis pour gagner une procédure
civile est généralement moindre par comparaison à une procédure pénale de sorte que les
tribunaux civils sont fréquemment saisis lorsqu’une affaire est ardue à prouver ou si le
procès intenté au pénal s’est soldé par un échec. Les procédures civiles peuvent avoir trait à
un acte ou, plus fréquemment, à une omission, particulièrement en matière de non-respect
de l’obligation de prudence.
Exemples des infractions d’ordre civil subies par les personnes présentant des troubles du
développement:
Non-respect de l’obligation de soin, un membre du personnel d’une institution ne fournit
pas de médicaments ou de denrées alimentaires par exemple.
Erreurs évitables qui induisent préjudices et souffrances.
Erreurs administratives. Ex. : non-paiement d’une allocation de l’Etat à laquelle un individu
a droit.
Diffamation – y compris des accusations non fondées selon lesquelles une personne a
commis une infraction, par exemple dans le cas d’un membre du personnel qui affirme
8
fallacieusement que “Jean a frappé Marie”. Un journal britannique a été poursuivi avec
succès pour avoir traité de ‘pire gosse d’Angleterre’ un enfant de 6 ans qui présentait des
problèmes comportementaux des suites d’une méningite.
1.3 Mauvaises pratiques.
La plupart des souffrances endurées par les personnes présentant des troubles du
développement ne relèvent ni de l’infraction pénale, ni de l’infraction civile, mais n’en restent
pas moins absolument inacceptables. De nombreux établissements et la plupart des
professions disposent de codes déontologiques formels qui définissent des normes (ex. Le
code déontologique de la British Psychological Society 1 ). Si un acte ou une omission
enfreint un code (national ou international), ou ne concorde pas avec les normes de
comportement professionnel que l’on est raisonnablement en droit d’attendre d’un
professionnel formé (qui constituerait un modèle typique), il existe généralement des
procédures susceptibles de déboucher sur une action disciplinaire, sanctionnée par le
licenciement, des amendes légères ou la résiliation comme membre d’une association
professionnelle. Certaines formes de mauvaises pratiques n’enfreignent pas les codes
déontologiques, mais sont contraires aux déclarations des droits de l’homme 2 ou aux normes
de comportement admises, comme par exemple l’expérimentation clinique pratiquée sur un
patient sans son consentement.
Exemples de mauvaises pratiques endurées par les personnes présentant des troubles du
développement:
Non respect de la dignité humaine. Ex. : laisser une personne sortir faire des courses
vêtue d’un pyjama, attacher la personne à son lit (en particulier des enfants), laisser une
personne nue toute la journée pour éviter d’avoir à la changer.
Non-évaluation des besoins, éducatifs ou médicaux, par exemple.
Défaut d’assurer les examens et traitements médicaux adéquats - dentiste, opticien,
hygiène féminine.
Abus pharmacologique – utilisation incorrecte ou non appropriée de médicaments.
Défaut de prise en charge par l’Etat qui conduit à l’abandon d’enfants handicapés car les
parents ne peuvent faire face.
Expérimentation – recherche clinique, psychologique ou pédagogique menée sans
consentement. En 1994, des révélations ont indiqué que dans des institutions américaines,
des personnes présentant une déficience intellectuelle avaient été utilisées pour des
recherches sur les effets des radiations qui comprenaient des injections de plutonium.
Non-identification et non-diagnostic de l’autisme et autres déficiences qui conduit à une
prise en charge inadéquate, voire même dans certains cas, à la détention abusive de
personnes dont le comportement “antisocial” est mal interprété.
1.4 Harcèlement.
Les personnes handicapées mentales subissent couramment le comportement non
approprié et déplaisant de leurs pairs et autres non-professionnels. Cet état de fait est
source de tourment et d’affliction. Ces agissements ne relèvent pas des ‘mauvaises
pratiques’ car, en l’espèce, ils ne sont pas couverts par des codes déontologiques.
1
BPS (1985) Code of Conduct for psychologists, British Psychological Society: London.
Gunn, M.J. (1986) ‘Human rights and people with mental handicaps’ Mental Handicap, 14,
September, pp116-120
2
9
D’ordinaire, le harcèlement n’est pas contraire à la loi, mais s’avère clairement dérangeant,
en particulier s’il se produit de manière récurrente et inéluctable. (Néanmoins, si le
harcèlement inclut une menace de violence, il est vraisemblablement illégal.) Dans certains
pays, des groupes extrémistes harcèlent les personnes handicapées comme ils le font avec
des personnes issues de groupes ethniques minoritaires ; parfois, ils se fondent sur des
convictions néo-fascistes. Le harcèlement sur base de l’appartenance raciale est illégal
dans de nombreux pays, mais ce n’est pas le cas pour le harcèlement fondé sur le handicap.
Le principe directeur de riposte au harcèlement est la réciprocité - “comportez-vous envers
autrui comme vous souhaiteriez qu’il se comporte envers vous”.
Exemples de harcèlements subis par les personnes présentant des troubles du
développement:
Injures - “stupide”, “imbécile” “crétin”, “débile”, “idiot”.
Taquineries – remarques déplaisantes au sujet de l’aspect physique ou des habitudes
personnelles.
Commentaires raciaux – remarques déplaisantes inhérentes à l’appartenance raciale ou
ethnique d’une personne.
Commentaires à caractère sexuel – commentaires déplaisants ou non désirés sur le sexe
d’une personne.
Aliénation – être contraint de quitter le groupe principal.
Harcèlement sur le lieu de travail, qui a souvent pour conséquence le départ de la
personne concernée ou la perte de son emploi.
1.5 Abus de pouvoir
En connaissance de cause ou non, des organisations et services sociaux font fréquemment
subir des préjudices et des souffrances aux personnes handicapées en raison du
déséquilibre des relations de pouvoir. Ce phénomène n’est généralement pas reconnu car
les victimes sont rarement capables de réagir en protestant publiquement. La souffrance
peut découler du harcèlement, de la mauvaise gestion ou des systèmes administratifs qui
sont conçus pour répondre aux besoins de la majorité de la population, mais ne tiennent pas
compte des spécificités des personnes handicapées.
Exemples d’abus de pouvoir endurés par les personnes présentant des troubles du
comportement:
Internement dans des institutions fermées - hôpitaux, établissements scolaires, “homes”,
prisons alors que des dispositions de prise en charge au sein de la communauté
s’avéreraient plus appropriées. (Cette situation survient fréquemment car les professionnels
désirent préserver leurs “empires” édifiés dans le sillage de l’institution.)
Pratiques inhumaines et dégradantes dans les institutions, notamment faire porter,
durant la journée, des pyjamas à des personnes qui ne séjournent pas pour raison clinique,
les punitions pour les infractions aux règles de l’institution, à savoir être privé de repas ou de
télévision, être envoyé au lit, l’interdiction de visite des proches, etc.
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Comportement inopportun de la police – les personnes handicapées mentales sont
fréquemment détenues de façon inopportune, simplement en raison d’une plainte émanant
d’un membre du public.
Harcèlement par l’administration publique, à titre d’exemple, les personnes qui ne
disposent pas d’un téléviseur (peut-être parce qu’elles sont aveugles), sont invitées, par les
services de délivrance des licences, comme par exemple la BBC, à signer des déclarations
stipulant qu’elles n’ont pas de téléviseur ; mauvaise administration par les fonctionnaires de
la sécurité sociale qui débouche sur le sous-paiement des allocations.
Abus au sein de la justice, par exemple, les formes d’interrogatoire au tribunal ou le
classement d’une affaire : des pratiques qui ne seraient pas tolérées si le témoin n’était pas
handicapé.
Manipulation – certaines personnes présentant des troubles du développement peuvent
aisément être persuadées de faire ou dire des choses qu’elles ne comprennent pas, ce qui
est susceptible de leur causer à elles ou à autrui des préjudices. A titre d’exemple, un
thérapeute peut inviter une jeune femme à dire qu’elle a été sexuellement agressée par un
beau-parent. Dans certaines circonstances, un tribunal peut reconnaître que la manipulation
constitue une incitation, mais en règle générale, la manipulation n’est pas couverte par la loi
car la loi est rarement conçue pour répondre à la situation unique des personnes
mentalement vulnérables.
11
Un film relate l’existence des
‘malchanceux’
Kamal Ahmed
Le programme Innocents Lost présente un catalogue de plaintes au sujet
des institutions établies par les autorités grecques dans les années 60 afin
de prendre en charge des enfants exclus de leurs familles en raison d’un
hypothétique handicap mental ou physique.
Utilisant une camérra cachée, Brain Woods et Kate Blewett
montrent des enfants et des adultes qui ont passé leur vie attachés à leur
lit et étaient alimentés de force avec du lait et du pain. Les enfants jugés
inguérissables sont envoyés dans des institutions car de nombreuses
familles grecques craignent que le fait d’avoir un enfant handicapé ne
soit une source de malchance pour elles. Ces institutions dénommées
Kepeps sont connues localement comme les instituts pour les
malchanceux.
Souvent, les enfants ne reçoivent aucun soin spécialisé durant le
restant de leur vie. Dans un institut à Sarrai, ils ont trouvé des enfants
cloîtrés dans de grand lits fermés par des barreaux. Un enfant âgé de 10
ans portait un lange, les autres étaient nus.
Une jeune femme prénommée Anastastia, a vécu dans le même
lit durant 15 ans et ce depuis l’âge de 10 ans. Bien qu’elle puisse
communiquer, le personnel a toujours ignoré ses implorations pour
obtenir une chaise roulante.
Un autre patient, Stelios, a été attaché à un lit dans l’unité pour
enfants durant pratiquement ses 35 années d’existence.
Aucun
spécialiste ne l’a vu depuis son admission alors qu’il était enfant.
La Grèce, signataire de la Convention des Nations Unies sur
les Droits de l’Enfant, a très largement bénéficié de l’aide européenne,
mais la requête des institutions pour obtenir des kinésithérapeutes a été
rejetée.
(The Guardian, 4 décembre, 1997 p.14.)
12
1.6 Autres formes de préjudices
Outre ces catégories, deux autres formes significatives de souffrances doivent être
reconnues, bien que ce chapitre n’ait pas pour objectif d’aborder les stratégies spécifiques
en matière de prévention et de réparation.
Les causes du handicap découlent souvent d’actes illégaux ou inopportuns, voire encore
d’omissions. Les agressions ou un piètre suivi médical lors de la grossesse peuvent
engendrer des déficiences chez l’enfant à naître. Au civil, dans certains pays européens, les
réparations liées à des négligences médicales peuvent aboutir à l’octroi d’indemnités
substantielles, mais pas dans d’autres. Un traumatisme crânien acquis résulte souvent de
soins inadéquats prodigués à l’enfant (chute sur la tête). L’environnement cause de plus en
plus fréquemment des déficiences intellectuelles (par exemple, pollutions liées au plomb, au
mercure, aux PCB, aux radiations). Il est rare que l’on obtienne réparation car les lois sur
l’environnement ne protègent pas les êtres humains. De plus, dans la plupart des pays
européens, il est difficile de déterminer si les enfants à naître, qui sont généralement les plus
vulnérables aux influences environnementales, jouissent ou non du statut légal de victime.
La Violence politique (guerre, conflit civil, terrorisme) est également une cause significative
de handicap et de souffrances accrues pour les personnes handicapées. Il est notoire que le
traumatisme et l’absence de soins de santé endurés par les femmes enceintes dans les
zones de conflit des Balkans ont accru le nombre de naissances de bébés handicapés.
Depuis la fin de la Guerre Froide, les conditions inhumaines en vigueur dans les orphelinats
d’Etat des pays d’Europe centrale et de l’Est ont été étalées au grand jour. Lors des conflits
dans les Balkans, les personnes internées dans des institutions ont souffert davantage que
d’autres car l’instinct de survie du ‘chacun pour soi’ en cas de conflit place le plus faible de
la communauté en position de vulnérabilité exceptionnelle.
13
Des enfants cherchent refuge
pour fuir une ville qui a
sombré dans la folie
Alfonso Rojo à Sarajevo
Chaque soir, ils réclamaient leurs parents. Lorsque les
obus ont commencé à tomber, plus de 40 enfants se sont
pressés autour de Vasilija Veljkovic dans un abri situé en
plein cœur de Sarajevo. Les enfants n’ont pas quitté leur
refuge souterrain durant 25 jours.
Avant le début des combats, ils vivaient dans un
centre éducatif pour enfants présentant un retard mental.
“Lorsque les combats ont commencé, nous avons
téléphoné aux parents et leur avons demandé de venir
récupérer leur enfant.” “Certains des parents se sont
présentés, quarante-quatre enfants sont restés”. “Nous
avons réuni tous les enfants dans la cave. Toutes les cinq
secondes, il y avait des tirs de mortier et tout tremblait...”
“Il ne restait rien du centre. J’ai assisté à de nombreux
spectacles douloureux dans ma vie, mais le plus triste fut
sans aucun doute le regard de désolation affiché sur les
visages des 44 enfants lorsqu’ils ont découvert que leur
maison avait été rasée.”
Actuellement, les enfants résident dans un abri
nucléaire construit à l’époque du Maréchal Tito. Il
comporte deux grandes pièces aux murs de béton nus et
trois petites salles de bain ruisselantes d’humidité. Le seul
mobilier se compose de quelques étagères métalliques.
Stipo, est un grand gaillard qui semble être âgé de
13 ans et qui doit fermer les yeux et entortiller sa langue
pour prononcer quelques mots. “Pourquoi êtes-vous ici?”
“Parce qu’ils nous tirent dessus.” répondit-il. Je demandai
s’il savait pourquoi ils tiraient. Stipo nous a regardés avec
ses grands yeux bleus et a déclaré très sérieusement: “Il
n’y a pas de raison. Ils sont devenus fous.” (The
Guardian, 5 juin, 1992, p1)
14
1.7
Un aspect unique - la “réaction en chaîne”
Les corrélations entre les types de préjudices subis dépendent fréquemment des spécificités
propres aux personnes handicapées. Pour appréhender le problème dans son ensemble, il
s’avère crucial de percer à jour ces connexions et l’accumulation de l’effet de “réaction en
chaîne” (à savoir comment une forme de préjudice en engendre une autre, puis une autre,
etc.)
Le point de départ de cet effet de réaction en chaîne réside souvent dans le non-diagnostic
de l’autisme et des autres troubles du développement. Cette carence est susceptible
d’induire une prise en charge inadéquate et, éventuellement, un comportement asocial chez
l’individu. En guise de résultat, l’individu en question peut être condamné pour une infraction
pénale et être incarcéré. En prison, il est susceptible d’endurer de graves persécutions et
intimidations qui susciteront ou amplifieront son agressivité. A sa libération, cet individu
pourra éventuellement récidiver et le cercle vicieux recommencera à nouveau.
L’injustice alimente l’agressivité chez tous les êtres humains. Un thérapeute britannique qui
travaille avec des victimes handicapées mentales conclut “La justice constitue la meilleure
forme de thérapie.” Si une personne présentant un trouble du développement est
constamment victimisée sans jamais obtenir réparation, il en découlera éventuellement un
comportement agressif envers autrui susceptible d’être sanctionné, voire d’aboutir à
l’incarcération ou à l’internement dans un hôpital, mesures qui exacerberont le sentiment de
victimisation. Cette situation peut survenir, même si la victimisation initiale se situe à un
moindre niveau. Un jeune homme qui avait cassé la vitrine d’un magasin a imputé son geste
aux taquineries des enfants dont il était victime. Il a déclaré “Je ne pouvais pas me venger
en frappant les enfants, n’est-ce pas ? Alors, à la place, j’ai brisé la vitrine du magasin.”
Lorsque les familles expérimentent la victimisation d’un proche handicapé et qu’il s’avère
ardu d’obtenir justice, elles volent souvent en éclat. La longue bataille menée pour
convaincre les professionnels, la police, le ministère public et les tribunaux que de graves
atteintes aux droits ont été commises engendre souvent des dissensions et des disputes
généralement entre ceux qui désirent se battre et ceux qui ne le souhaitent pas. VOICE, une
organisation britannique de parents pour les victimes handicapées mentales a déclaré que
dans presque toutes les familles qu’elle accompagnait, cette expérience se soldait par une
séparation ou par un divorce.
Dans un registre nettement plus grave, il est apparu que des parents ont tué leur enfant
handicapé car le soutien inadéquat prodigué par les services publics avait engendré une
situation désespérée apparemment sans issue. Cet accompagnement inadapté peut se
traduire par la non-prévention de la victimisation par ses pairs d’un enfant handicapé. Au RU, des parents se sont suicidés après avoir mis fin aux jours de leur fille en reliant le pot
d’échappement à un tuyau relié à l’intérieur. Cette issue fatale mettait un terme à vingt
années de plaintes au sujet des services dont ils bénéficiaient. Les parents ont laissé une
note qui déclarait : “Nous avons tenu aussi longtemps que nous pouvions, mais les
médecins et les assistants sociaux...s’en fichaient complètement ... et finalement nous avons
renoncé.” Lors de l’enquête, de nombreux exemples de mauvaises pratiques ont été étalés
au grand jour. La mère avait confié à un psychiatre qu’elle mettrait fin aux jours de sa fille,
mais il n’a pris aucune disposition. Les parents s’étaient également plaints auprès des
services sociaux d’une agression dont leur fille avait été victime. La jeune fille présentait
notamment une ecchymose de 10 centimètres de diamètre. Le personnel soignant a déclaré
qu’elle se l’était infligée elle-même alors que l’hématome en question était situé sur la partie
supérieure de son bras et était manifestement le résultat d’une morsure. L’assistant social
qui supervisait l’enquête dans le cadre de cette affaire a déclaré publiquement : “Je sais que
ce type de chose est inacceptable pour les personnes handicapées, mais cela se produit tout
le temps.”
15
Une des principales tâches des professionnels est de détecter et de prévenir l’accumulation
ainsi que l’aggravation des effets de réaction en chaîne suscités par les préjudices ou les
souffrances.
16
CHAPITRE 2 : PARTICULARITES DE L’AUTISME
Yvette Dijkxhoorn
Université de Leiden (NL)
2.
INTRODUCTION
Les troubles du spectre autistique sont des troubles du développement d’origine
neurobiologique dont la cause spécifique est encore inconnue. Ces troubles se manifestent dès
la plus tendre enfance et sont incurables. Le trouble autistique est relativement rare, son taux
de prévalence est de 4 sur 10.000 naissances. Le taux de prévalence pour le groupe dans sa
totalité, officiellement dénommé Troubles pervasifs du développement, est néanmoins estimé 6
à 7 fois supérieur . Ces données signifient que parmi la population de la Communauté
européenne estimée à 375.000.000, environ 1.000.000 de personnes présentent un trouble
pervasif du développement. La prévalence chez les garçons est 4 fois supérieure à celle
enregistrée chez les filles. Les troubles affectent tous les niveaux d’intelligence. Cependant, 7580%, se situent à un niveau intellectuel et d’adaptabilité significativement inférieur. D’autres
problèmes connexes comprennent, par exemple, l’épilepsie présente chez plus de 30% des
personnes atteintes d’un trouble pervasif du développement (Berckelaer-Onnes & Engeland,
1986).
Les descriptions des syndromes portent sur les niveaux biologiques (le cerveau), psychologique
(l’esprit) et comportemental. Un consensus général prévaut quant aux symptômes
comportementaux sur lesquels la classification du syndrome repose. Les descriptions
comportementales des deux principaux systèmes de classification, la
Classification
Internationale des Maladies (OMS, 1977, 1992) et le Manuel Diagnostique et Statistique des
Troubles Mentaux (APA, 1980, 1987, 1994), se révèlent pratiquement identiques. Elles sont
approximativement fondées sur la 'triade de déficiences’ formulée par Lorna Wing (1993). Les
théories sur les niveaux biologique et psychologique relèvent encore de l’hypothétique. En
revanche, les résultats des recherches sur les liens génétiques sont sur le point d’être
confirmés.
Dans le chapitre suivant, nous proposerons une description des syndromes et examinerons les
implications qu’ils engendrent pour une personne tout au long de son existence.
2.1
Vision historique de l’autisme
Les premières descriptions sont attribuées à Leo Kanner (1943) ; elles avaient trait à onze
enfants qui présentaient une maladie qui 'diffère de manière flagrante et exceptionnelle de tout
ce qui a été signalé jusqu’à présent; chaque cas mérite, et bénéficiera, je l’espère, d’un examen
détaillé de ses spécificités pour le moins fascinantes' (p. 217). Il pensait que le repli social
constituait la principale caractéristique, d’où son choix du terme 'autisme' (tiré du terme grec
autos =soi).
En Europe, Asperger (1944), publia un article similaire qui resta inconnu jusque dans les
années 80. Il décrivait également un groupe de garçons présentant des problèmes sociaux
spécifiques.
Bien que ces descriptions soient à présent considérées comme les premiers articles officiels,
des rapports anecdotiques ont été rédigés bien avant les années 40. A titre d’exemple, Victor,
l’enfant sauvage de l’Aveyron, est actuellement considéré comme un enfant autiste abandonné
par ses parents (Brauner & Brauner, 1978).
17
Grâce aux travaux de Creak (1961), Rutter (1978) et Wing (1979; 1993) des critères de
diagnostic clairs existent de nos jours. Les deux systèmes de classification s’accordent plus ou
moins sur les caractéristiques de diagnostic fondamentales. Ils comptent tous deux une
catégorie intitulée 'Troubles pervasifs du développement', qui répertorie cinq diagnostics
(trouble autistique, syndrome d’Asperger, syndrome de Rett, Childhood Disintegrative Disorder
et trouble pervasif du développement qui n’est pas autrement spécifié ou autisme atypique,
dans la ICD 10). Dans l’Annexe I figure une liste de ces diagnostics.
Le terme 'Troubles pervasifs du développement' se révèle assez vague et dénué de
signification. La plupart des praticiens et des associations de parents lui préfèrent le terme de
'troubles du spectre autistique’ (Wing, 1993).
2.2
La Triade de déficiences
Lorna Wing (1993) a formulé une 'triade de déficiences'. Les personnes atteintes d’un trouble
du spectre autistique présentent des déficiences en matière d’interaction sociale, de
communication et d’imagination. En raison de ces déficiences, elles démontrent un type de
comportement rigide, y compris une insistance sur les similitudes, des mouvements stéréotypés
et des centres d’intérêt limités etc.
2.3
Déficiences de l’interaction sociale
Kanner (1943) et Asperger (1944) ont été frappés par les déficiences sociales des enfants qu’ils
décrivaient. Les problèmes d’interaction des personnes présentant un trouble du spectre
autistique constituent les principaux critères de diagnostic. Parfois, pratiquement aucune
interaction n’est possible, parfois l’interaction existe, mais la réciprocité fait défaut. Wing (1996)
a répertorié 4 sous-groupes en ce qui concerne l’interaction sociale.
- le groupe « distant » n’établit pas et ne réagit pas à l’interaction sociale;
- le groupe « passif » répond à l’interaction sociale, mais n’établit pas le contact;
- le groupe « actif mais bizarre » établit le contact, mais la réciprocité fait défaut. L’interaction
peut être qualifiée d’interaction à sens unique;
- le groupe « guindé » établit et maintient le contact, mais il se révèle fréquemment formel et
rigide.
Ces sous-groupes sont utiles pour décrire le fonctionnement social de l’individu. Au cours de
son développement, la personne autiste peut passer d’un groupe à l’autre, par exemple du
sous-groupe « actif mais bizarre » au sous-groupe « passif » chez les personnes autistes de
haut niveau après la puberté. Ces catégories démontrent également qu’en dépit d’une
appartenance à une même classification, le profil de la déficience sociale peut receler des
différences colossales.
En raison des disparités inhérentes au parcours de développement, en particulier le
développement social, les personnes présentant un trouble du spectre autistique ne
parviennent généralement pas à comprendre pleinement leurs émotions, n’ont pas la capacité à
l’âge adulte de s’engager dans des relations réciproques et ne réussissent pas davantage à
développer intégralement la conscience.
2.4
Déficiences de la communication
Les problèmes de communication des personnes présentant un trouble du spectre autistique se
manifestent tant au niveau des composantes verbales que non verbales de la communication.
Etre capable d’utiliser la communication constitue à quelque niveau que ce soit une condition
essentielle pour pouvoir fonctionner dans la société.
18
Communication pré/non verbale
Les problèmes de communication surgissent dès la plus tendre enfance. Les enfants
présentant un trouble du spectre autistique éprouvent d’énormes difficultés à acquérir des
comportements d’attention réciproque. Il s’agit, entre autres, de demander un objet en le
désignant du doigt, de montrer et donner des objets à d’autres personnes et de partager des
centres d’intérêts. Les personnes présentant un trouble du spectre autistique établissent
rarement des interactions sociales (Lord & Magill, 1989). Les personnes qui n’ont pas recours à
la communication verbale n’élaborent pas spontanément des alternatives. Il s’avère dès lors
nécessaire de leur enseigner une méthode de communication augmentative.
Communication verbale
En dépit de légères différences de pourcentages, on estime qu’environ 50% des personnes
présentant un trouble du spectre autistique ne développent jamais un langage efficace. D’un
point de vue fonctionnel, elles sont muettes. Le groupe qui développe un langage démontre un
large éventail de caractéristiques inhabituelles, à savoir écholalie, inversion du pronom,
néologismes, langage métaphorique, utilisation littérale du langage. Elles éprouvent également
des problèmes avec les systèmes de langage: forme de la langue (phonétique, prosodie,
syntaxe) ainsi qu’en matière de sémantique et de pragmatique. Même les personnes autistes
de haut niveau éprouvent des problèmes de langage, en particulier en ce qui concerne les
aspects pragmatiques (Fay & Schuler, 1980; Tager-Flusberg, 1989).
Apprendre aux personnes autistes à communiquer, avec quelque moyen que ce soit, permet de
réduire les comportements difficiles (Van Berckelaer-Onnes, Dijkxhoorn & v.d. Ploeg, 1996).
2.5
Déficiences de l’imagination
Les enfants présentant un trouble du spectre autistique ne développent pas spontanément le
jeu imaginaire. Leur jeu se révèle répétitif et le principal objectif a fréquemment trait à
l’autostimulation, ex. faire tourner des objets, cacher deux objets ensemble etc. (Van
Berckelaer-Onnes, 1994). Le manque d’imagination induit un type de comportement rigide et un
manque de compréhension d’autrui (carence d’une théorie de l’esprit). Bien que cette déficience
soit davantage frappante chez les enfants, elle subsiste tout au long de l’existence.
Comme Lorna Wing (1996, p. 99) l’a déclaré: 'La valeur de la véritable imagination et de la
créativité réside dans l’association des expériences passées et présentes. Faire des projets
pour l’avenir va du banal que faire demain aux projets grandioses pour l’existence entière'.
2.6
La cognition chez les personnes présentant un trouble du spectre autistique
Depuis les travaux de pionniers accomplis par Hermelin et O'Connor (1970), il a été
généralement admis que les personnes présentant un trouble du spectre autistique souffrent
d’un déficit cognitif spécifique. Comme préalablement indiqué, 75-80% présentent également
un handicap mental, mais les personnes dotées d’une intelligence normale sont également
atteintes de déficits spécifiques. Trois théories ont été formulées quant à la recherche de ces
déficits spécifiques.
La première est la Théorie de l’Esprit (Baron-Cohen, Leslie & Frith 1985). La théorie de l’esprit
est la capacité de la personne à s’attribuer à elle-même et à autrui des états mentaux. Les
mesures de la théorie de l’esprit portent sur les tests de fausses croyances, les tâches
apparence/réalité et les tâches relatives aux séquences d’une histoire. Il est manifeste que les
personnes présentant un trouble du spectre autistique souffrent d’une déficience de la théorie
de l’esprit, mais il n’est pas pour autant évident que cette théorie puisse expliquer l’autisme. La
théorie de l’esprit ne survient pas chez un enfant normal avant l’âge de quatre ans et l’autisme
est clairement visible avant cet âge.
La seconde théorie émane d’Ozonoff (1995), elle implique que les personnes présentant un
trouble du spectre autistique aient une fonction d’exécution déficiente. La fonction d’exécution
19
fait référence à l’aptitude de libérer l’esprit de la situation immédiate et du contexte pour guider
les comportements par le biais de modèles mentaux ou de représentations internes. En
essence, il s’agit de l’aptitude à planifier. Il est flagrant que les personnes présentant un trouble
du spectre autistique échouent souvent lors de l’accomplissement de tâches liées à la fonction
d’exécution, mais cette caractéristique n’est pas exclusive à l’autisme.
La troisième est la théorie de la cohérence centrale (Frith, 1989). Selon Frith, les personnes
autistes ne disposent pas de 'formes innées pour donner une cohérence au plus large éventail
de stimuli possible et généraliser dans le plus large éventail possible de contextes'. Les
personnes présentant un trouble du spectre autistique expérimentent le monde par fragments et
ne sont pas capables d’entrevoir les fragments en relation à un ensemble. Ces problèmes
d’intégration affectent tous les sens. Pour certaines personnes autistes, le toucher est une
sensation douloureuse, d’autres, en revanche, resteront complètement indifférentes à des
stimuli extrêmes (ex. chaleur, son, douleur).
La théorie de la cohérence centrale est à l’heure actuelle l’explication la plus plausible aux
comportements observés chez ces personnes.
2.7
Récits du vécu personnel
Certaines personnes présentant un trouble du spectre autistique sont capables de (et désirent)
partager leur vécu personnel et de relater leur cohabitation avec les problèmes spécifiques
décrits ci-avant. Leurs récits constituent probablement la plus importante source de
connaissances susceptible de nous permettre de comprendre ces troubles.
Le plus frappant dans ces récits est la façon dont elles décrivent leur perception. Donna
Williams a écrit dans son ouvrage ‘Autism and Sensing’ (1998): 'Jusqu’à l’âge de quatre ans,
ma perception reposait sur des schémas et sur leur modification. Mon aptitude à interpréter ce
que je voyais était déficiente car je prenais chaque fragment sans comprendre sa signification
dans le contexte de son environnement'. Je voyais les narines, mais le concept du nez me
faisait défaut ..'.
Kees Momma (1996) décrit les difficultés éprouvées lorsqu’il rencontre de nouvelles personnes:
'Bien qu’une personne paraisse aimable ou intéressée au premier regard, son caractère
m’apparaît imprévisible'.
Toutes ces personnes relatent les taquineries, les préjudices subis en raison de
l’incompréhension de leurs comportements et de leur propre incompréhension des règles
sociales et de la communication du monde dans lequel elles vivent. Lors d’un entretien avec
Oliver Sacks (1993), Temple Grandin a déclaré ne pas pouvoir comprendre 'les émotions
simples, fortes, universelles' , mais se sentait embarrassée face aux émotions plus complexes
et aux jeux auxquels les gens s’adonnaient. Elle se sent souvent perplexe et comme elle l’a
déclaré 'La plupart du temps, je me sens comme un anthropologue sur Mars'.
2.8
L’étiologie des troubles du spectre autistique
Les troubles du spectre autistique sont réputés d’origine neurobiologique. A l’heure actuelle,
des études génétiques sont effectuées dans le monde entier. Les premières suggestions selon
lesquelles les influences génétiques jouent un rôle dans la pathogénèse de l’autisme ont été
émises dans une étude sur les jumeaux réalisée par Rimland (1964), un pionnier en la matière.
Le facteur héréditaire est important, mais n’est pas exclusif.
Certains troubles génétiques, à savoir le X fragile et la sclérose tubéreuse, comprennent
également un pourcentage élevé d’autisme.
Un autre domaine de recherche se concentre sur la découverte de dysfonctionnements
cérébraux spécifiques. Une série de dysfonctionnements sont répertoriés dans différentes
régions et systèmes cérébraux. Dawson (1996) a indiqué l’existence de quasi-certitudes quant
20
au rôle joué par différentes déficiences neuropsychologiques dans un large éventail de
domaines car l’autisme implique des dysfonctionnements localisés dans de multiples régions
cérébrales et non confinés à une seule.
En conclusion, il convient d’admettre que les personnes présentant un trouble du spectre
autistique souffrent à vie d’un trouble handicapant caractérisé par des déficiences de la
socialisation, de la communication et de l’imagination. Bien qu’aucune cause spécifique n’ait
encore été découverte, un consensus s’est dégagé quant à la classification des troubles.
2.9
Prise en charge les personnes présentant un trouble du spectre autistique
La 'triade de déficiences' préalablement mentionnée et le déficit cognitif sous-jacent peuvent
provoquer, s’ils ne sont pas compris, des comportements difficiles. Leurs déficiences requièrent
une prise en charge spécifique. Malheureusement, la plupart des personnes présentant un
trouble du spectre autistique nécessitent un accompagnement tout au long de leur existence.
Kok, un pédagogue néerlandais, a élaboré un modèle de traitement (1972, 1978) qui s’est
avéré très utile dans le domaine des troubles du spectre autistique.
Il a réparti les interventions dans trois groupes:
- La stratégie du premier niveau porte sur les conditions de vie. Les conditions de vie doivent
être adaptées aux besoins de la personne pour obtenir un développement optimal.
- La stratégie du second niveau se décline sous forme de thérapies individualisées.
- La stratégie du troisième niveau intègre des variantes personnalisées à la première et à la
seconde stratégie.
Rutter (1985) a mis au point quatre stratégies générales de traitement: une à l’intention de la
famille et trois destinées à l’individu présentant un trouble du spectre autistique. Les objectifs se
déclinent comme suit:
- soulager le stress familial (par le biais d’un accompagnement pratique et psychologique et
grâce à la formation) ;
- promouvoir le développement normal (à savoir, socialisation, communication, jeu, aptitudes
moteur, aptitudes cognitives etc.) ;
- réduire les problèmes spécifiques à l’autisme (à savoir, rigidité/comportements stéréotypés) ;
- éliminer les comportements non spécifiques inadaptés (à savoir crises de colère, problèmes
de sommeil et d’alimentation).
Ces objectifs peuvent être essentiellement atteints lors de la stratégie du premier degré. Les
personnes présentant un trouble du spectre autistique ont besoin d’un environnement structuré
où elles peuvent atteindre leur épanouissement optimal. Les objectifs doivent être fonctionnels,
fondés sur leur fonctionnement dans la vie quotidienne. Les thérapies individuelles (second
degré), par exemple, orthophonie, formation au jeu, thérapie liée à l’intégration sensorielle
peuvent constituer d’excellents suppléments, mais doivent toujours être incorporées à un plan
global.
La stratégie du troisième degré est la plus importante. Chaque personne présentant un trouble
du spectre autistique est un individu unique ; il en va de même pour son environnement. Les
nuances individuelles doivent être en adéquation avec l’individualité.
Dans ce cadre, un plan d’accompagnement individuel peut être concocté et s’appliquer à tous
les âges et tous les niveaux de fonctionnement tant dans les situations survenant à la maison
que dans des centres (semi) résidentiels.
Vulnérabilité des personnes présentant un trouble du spectre autistique
La triade de déficiences préalablement décrite implique une vulnérabilité extrême des
personnes autistes à toutes les formes d’abus. En raison des problèmes afférents à
l’interaction sociale, elles éprouvent des difficultés en matière de relations amicales et il leur est
21
d’autant plus difficile de comprendre ce que n’est pas un ami. Pour cette raison, elles sont
fréquemment exploitées (Howlin, 1997).
Elles ne parviennent pas à comprendre les émotions et sentiments d’autrui, y compris les
mauvaises intentions de tierces personnes. Les femmes présentant un trouble du spectre
autistique sont extrêmement vulnérables aux abus sexuels en raison de leur incapacité à
déchiffrer les signaux sociaux .
Dans l’ensemble, il convient de conclure à l’existence chez les personnes présentant un trouble
du spectre autistique d’un handicap colossal en matière de communication; la plupart d’entre
elles sont incapables de faire part de leurs sentiments, leurs émotions, leurs craintes, voire
même la douleur physique. Un des problèmes les plus frappants est l’utilisation fréquente d’un
langage caractérisé par l’écholalie. Cette ‘aptitude’ à répéter ce qui a été dit a suscité une
exploitation flagrante. Un exemple a été signalé en France où des personnes non handicapées
ont été invitées à répéter des mots clés suggérés par des professionnels afin de mettre en
exergue l’origine psychogénique de l’autisme ou pour dissimuler des négligences ou des abus,
voire pour exercer un chantage sur des parents considérés comme gênants.
En raison de leurs problèmes de communication, les personnes autistes ne sont pas capables
de partager leurs sentiments, ni leurs expériences de sorte que si elles subissent des
préjudices, elles sont peu susceptibles d’en faire part à autrui. Cela ne signifie absolument pas
qu’elles ne peuvent pas être blessées! Au contraire.
Les personnes présentant un trouble du spectre autistique n’acquièrent probablement jamais
l’aptitude à tromper. Howlin (1997, p.74) affirme que 'la notion d’innocence peut avoir ses
attraits, mais dans un monde qui est loin d’être innocent, la vulnérabilité et l’honnêteté des
personnes autistes peut trop aisément être exploitée ou abusée'. Bien que les personnes
autistes éprouvent des problèmes à tenir le coup devant un tribunal, elles sont très peu
susceptibles de mentir.
Peu de preuves étayent une propension éventuellement accrue des personnes autistes à avoir
un comportement criminel, néanmoins certains rapports anecdotiques existent (Howlin, 1997).
Le manque de compréhension sociale, les intérêts obsessionnels et les conséquences de leurs
comportements peuvent conduire à des infractions.
Howlin (1997) suggère que la principale stratégie d’intervention afin d’aider les personnes
autistes à communiquer est de former les non-autistes à communiquer avec elles. Une tâche
titanesque se profile à l’horizon, à savoir former le personnel du secteur de la santé/de la prise
en charge, les professeurs, les agents de police et les juges!
Réferences
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24
CHAPITRE 3 : FACTEURS DE RISQUE DE MALTRAITANCE
DANS LE MILIEU FAMILIAL
Dr Donata Vivanti
Présidente ANGSA LOMBARDIA
Mère de jumeaux autistes
J’aimerais tout particulièrement remercier les parents qui,
non seulement par lettre, mais également au cours de
conversations que nous avons eues pendant toutes ces années,
m’ont confié leurs problèmes et leurs chagrins et qui sont les
vrais auteurs du texte que j’ai rédigé.
3.
INTRODUCTION
On ne répétera jamais assez que la famille n’a aucune responsabilité dans l’autisme de son
enfant. De même, aucun parent ne peut malheureusement lui éviter d’être atteint d’autisme.
Cela dit, l’enfant autiste n’est évidemment pas à l’abri des maltraitances dans le milieu
familial.
Au contraire les caractéristiques mêmes de l’autisme représentent un facteur de
risque de maltraitance dans le milieu familial, en constituant dès les premiers mois de
vie un facteur de stress supplémentaire pour les parents.
La beauté physique des enfants autistes est plus un mythe qu’une règle: en effet, même si la
plupart des enfants autistes présentent un aspect physique non particulier, certains enfants
cumulent l’autisme avec un ou plusieurs autres handicaps et en présentent les
caractéristiques physiques.
Si le handicap même est un facteur aggravant de la violence - l’enfant court d’autant plus de
risque que l’écart entre ce qu’il est et ce que ses parents espéraient est grand – l’absence
de caractéristiques physiques chez l’enfant autiste peut créer chez les parents des
attentes bien supérieures aux possibilités réelles de l’enfant, et entraîner un risque
accru de maltraitance.
En effet, il est d’autant plus dramatique pour les parents de faire le deuil de l’enfant imaginé,
que l’enfant autiste est beau malgré sa différence et ne présente pas toujours de
caractéristiques physiques visibles comme c’est le cas avec la plupart des handicaps.
Un autre facteur de risque est la difficulté qu’a l’entourage d’identifier les signes d’abus chez
un enfant autiste, à cause de ses problèmes de communication, des comportements bizarres
et des épisodes d’automutilation très fréquents.
C’est pourquoi il est d’autant plus important d’agir sur la prévention des abus en diminuant
les facteurs de stress que l’enfant autiste représente pour sa famille .
25
La famille est le premier environnement social dans lequel la vie de n’importe quel enfant se
déroule: l’intégration dans le milieu familial doit donc être le premier objectif éducatif à l’égard
de l’enfant autiste.
Aider l’enfant autiste à développer ses capacités sociales et ses intérêts dans
l’environnement familial doit constituer le premier pas vers sa réhabilitation et avoir pour
objectif une meilleure qualité de vie: le bien-être de l’enfant et de sa famille sont
indissociables.
3.1
FACTEURS DE STRESS DANS LE MILIEU FAMILIAL
3.1.1 TROUBLES DE L’INTERACTION SOCIALE
Témoignage :
Au début, nous ne savions pas que notre fils était autiste. Il était si mignon, si vif, si
dégourdi ; il semblait tout comprendre, du moins quand cela l’arrangeait car s’il ne voulait
pas, il faisait la sourde oreille. Nous devions alors crier pour qu’il écoute. Quand mon mari
ou moi nous nous fâchions, il daignait faire attention. Nous le pensions paresseux et têtu,
nous ignorions qu’il était autiste. (témoignage oral de parents d’un jeune enfant autiste).
L’indifférence de l’enfant autiste, qu’elle soit vraie ou apparente, à l’égard des parents qui ont
déjà placé leur amour et leur dévouement dans ce petit être apparemment parfait, constitue
une véritable tragédie affective pour les parents qui se sentent refusés par cet enfant qui ne
répond pas à leurs sentiments, mais qu’ils ne peuvent ni veulent abandonner.
Certains enfants autistes peuvent montrer beaucoup d’attachement pour leurs parents; mais
même dans ce cas, le sentiment de responsabilité à l’égard d’un être qu’ils sentent sans
défense face au monde et dont ils comprennent bientôt les souffrances les pousse à
chercher à l’aider de toute façon, sans réussir à traduire l’attachement de l’enfant en
participation émotive à la vie de la famille ou en apprentissage.
Parfois, dans le but louable de l’aider et de le stimuler, les parents peuvent en arriver à lui
imposer une promiscuité sociale excessive, sans se rendre compte que son
incompréhension de l’environnement et de la complexité des règles implicites dans nos
relations l’exposent à la souffrance, à l’humiliation et au sentiment d’inadéquation.
Ces échecs ne représentent pas seulement une violence psychologique, mais aussi un
facteur de risque de maltraitance physique: l’enfant, qui ne répond pas aux soins et aux
essais éducatifs de ses parents peut être considéré paresseux et têtu, et devenir victime de
punitions injustifiées.
3.1.2 TROUBLES DE LA COMMUNICATION
Dès les premiers mois de vie, la relation du nourrisson avec ses parents se développe par
une communication non verbale, et tout le monde connaît la correspondance profonde qui
s’établit spontanément dès le début entre la mère et son enfant tout simplement sur la base
de regards, de gazouillements, de petits gestes encore maladroits. De même, le
développement du langage chez l’enfant, qui est lié à une aptitude innée, s’effectue de façon
spontanée au contact de son entourage lui permettant de devenir vraiment une personne
entre ses semblables. L’acquisition du langage par les tout-petits a ainsi quelque chose d’
extraordinaire.
26
Mais voilà un enfant qui, dès la naissance, est privé de la possibilité de recevoir et de rendre
les messages d’amour, de faire part de ses besoins et de ses sentiments. Voilà un être naïf
et sans défense dont la vie est marquée dès le début par la solitude: l’enfant autiste.
Les parents s’aperçoivent bientôt des problèmes de communication de leur enfant, mais
souvent ils cherchent à apaiser leur angoisse en s’accrochant comme à une planche de salut
aux mots de consolation des amis, voire à l’incompréhension des professionnels
incompétents (“Chaque enfant à son propre rythme de croissance...Il n’a rien, c’est vous qui
devriez soigner votre anxiété...).
L’échec de leur tâche éducative les énerve et empoisonne les relations familiales, et le
manque apparent de collaboration de la part de l’enfant, mal interprété, expose l’enfant au
risque accru de punition pour désobéissance, ce dont il n’est pas du tout responsable. En un
mot, il est puni à cause de son handicap.
Les enfants autistes verbaux ne sont pas plus à l’abri des malentendus, à cause des
phénomènes d’écholalie très fréquents et parce que pour comprendre un message, il faut
non seulement être capable de décoder des mots et des phrases, mais aussi de les placer
dans un contexte présent et passé. Ce que l’enfant autiste même verbal ne parvient pas
toujours à faire. Il a du mal à s’imaginer ce que nous comprenons et la présence du langage
verbal l’expose au contraire au risque accru de maltraitance que peuvent représenter les
attentes excessives de ses parents à son égard.
3.1.3 PROBLEMES DE COMPORTEMENT
La vie familiale est bientôt bouleversée par les problèmes de comportement de l’enfant
autiste, surtout si l’enfant développe une attitude agressive ou d’automutilation: rien n’est
plus douloureux pour les parents qu’assister impuissants au drame de son enfant qui se bat,
se griffe, ou se frappe la tête contre les murs, ou bien qui, accompagné, le coeur plein
d’espoir, au milieu d’enfants du même âge, les repousse à coups de pieds et de morsures.
Même des manifestations moins graves - cris, éclats de rire ou pleurs sans motif apparent,
lancement d’objets ou n’importe quelle activité stéréotypée - peuvent parfois pousser les
parents exaspérés à avoir recours aux punitions. Là encore, l’enfant sera puni à cause de
son handicap.
Les problèmes de comportement représentent donc un risque accru d’abandon éducatif ou
d’abus de moyens de correction. Ce qui est communément considéré comme une violence
à l’égard d’un adulte – le fait de le bloquer ou de le punir physiquement à cause de ses
comportements troublants - peut être considéré comme un moyen éducatif ou une
intervention nécessaire lorsqu’il s’agit d’un enfant, bien qu’il soit plus faible et sans défense.
3.1.4 USURE DE LA FAMILLE
La vie avec un enfant autiste est très dure: souvent l’hyperactivité et les problèmes de
sommeil ou d’alimentation s’ajoutent aux problèmes de comportement, déjà si difficiles à
gérer.
L’enfant hyperactif, inconscient des dangers, ne laisse aucun répit, et la maison ressemble
plus à une prison nue qu’à un foyer: portes et fenêtres barricadées, bibelots cachés, produits
dangereux placés hors de portée, tout cela ne suffit pas: il vous reste encore à surveiller les
robinets, les fourneaux, les provisions, les boissons, et ainsi de suite.
Sortir de chez soi n’apporte aucun soulagement: une promenade au parc peut vite tourner
en poursuite essoufflante, un instant de distraction peut être fatal.
Même les parents d’un enfant tranquille bien qu’autiste ne sont pas à l’abri de l’usure:
l’isolement de leur enfant, ces heures passées à se regarder les mains ou à jouer avec une
27
ficelle les angoissent et les poussent à chercher à l’impliquer dans n’importe quelle activité,
même si, en général, leurs efforts ne se solderont que par plus de frustration.
Les vacances n’existent pas, tomber malade est un luxe, se reposer impossible: la fatigue
est écrasante, les rapports familiaux sont bientôt compromis, les frères et soeurs forcement
négligés; le stress de la famille devient chronique et le risque de maltraitance en est
grandement accru.
3.2
FACTEURS DE RISQUE LIES A L’ENVIRONNEMENT
3.2.1 FAUSSES CROYANCES SUR L’AUTISME
La croyance selon laquelle l’autisme serait imputable à une mauvaise relation entre la mère
et l’enfant représente un facteur de stress supplémentaire: même dans la famille la plus
avertie et compétente, le doute s’insinue. On remâche le passé, et le sens de culpabilité use
le couple et détériore fatalement le rapport déjà problématique avec l’enfant parce qu’il est
difficile, pour des parents disqualifiés dans leur rôle, de garder la sérénité indispensable pour
aborder un problème tellement lourd.
Même lorsque les parents ne sont pas explicitement culpabilisés, la conception
psychogénétique de l’autisme peut avoir pour conséquence d’augmenter les attentes à
l’égard de l’ enfant: en encourageant la croyance que l’enfant refuse lui même de s’épanouir
et qu’il suffit de trouver la clef de son refus pour qu’il devienne un enfant “normal”, mais
également en poussant les parents à renoncer à leur tache éducative de peur d’intervenir
négativement dans cet improbable processus de guérison. Le même risque est évidemment
entraîné par la fausse croyance que les enfants autistes sont tous très intelligents. C’est
oublier que 3 personnes autistes sur quatre présentent également une déficience
intellectuelle.
3.2.2 INCOMPREHENSION SOCIALE
Il arrive très souvent que les comportements bizarres des enfants autistes soient considérés
dans le milieu social comme des manifestations d’impolitesse dont la famille est
responsable: des phrases telles que “Si c’était mon enfant, moi je saurais bien comment
l’éduquer...” sont bien connues de presque tous les parents d’enfants autistes.
Même la famille la plus unie et la plus compétente doit ainsi faire face non seulement aux
difficultés liées à la vie avec un enfant tellement difficile, mais aussi au jugement, aux
critiques et à l’intolérance des voisins, des amis et des parents, alors qu’ils ont au contraire
énormément besoin de leur solidarité.
3.2.3 INCERTITUDE POUR L’AVENIR
“Qu’arrivera-t-il à mon enfant quand nous ne serons plus là pour nous en occuper, pour
l’aimer?”
Cette question, liée à l’attente normale de vie, accompagne comme un cauchemar toute
l’existence des parents de personne autiste.
On peut bien avoir dépassé le désespoir, avoir compris le handicap de son enfant, avoir
appris comment se comporter avec lui; la peur pour son avenir est là tous les matins, à
chaque instant des jours qui s’écoulent inexorablement.
28
Témoignage :
J’aimerais apporter mon triste témoignage. En 1994, j’ai préféré mettre un terme aux
souffrances de ma fille (autiste) plutôt que de lui faire revivre les horreurs de l’hôpital
psychiatrique de Montpellier ou de nombreux hôpitaux, sans doute, car en France on ne
propose rien aux adultes en crise d’angoisse aiguë sauf la camisole chimique et l’internement
à temps complet dans une pièce ne comportant qu’un matelas par terre. Après mon terrible
geste le 7 août 1994, je me suis livrée à la police ; je suis passée aux Assises. J’ai fait six
semaines de prison au moment du drame et j’ai été condamnée à 5 ans de prison avec sursis.
Moi j’ai été jugée et condamnée ; l’hôpital n’a pas été jugé pour non-assistance à personne en
danger.
(M-J Prefaut a écrit un livre «Maman, pas l’hôpital » publié aux Editions Laffont en juin
97).
La famille n’est pas seulement rongée par l’incertitude concernant l’avenir de solitude qui
attend la personne autiste lorsque ses parents seront trop âgés, malades ou morts, mais
aussi par l’incertitude concernant l’avenir proche, ce qui se passera le lendemain ou dans
quelques instants: même quand tout semble se passer bien, on sait qu’un nouveau problème
peut surgir à tout instant.
Le manque de solution adaptée et digne pour la vie à l’âge adulte de son enfant peut bientôt
transformer le stress en désespoir, et il n’existe pas un parent de personne autiste qui n’ait
souhaité survivre à son enfant, de ne devoir jamais l’abandonner à la solitude et à la
marginalisation.
Ces sentiments ne font qu’accroître le sentiment de culpabilité et d’impuissance des parents
qui peuvent parfois, en conditions extrêmes d’abandon par les services, représenter un
risque réel pour la vie de la personne autiste: il est en effet déjà arrivé que certains parents
aient préféré mettre fin à la vie de leur enfant que de l’abandonner à son triste sort.
3.2.4 ISOLEMENT
La peur et l’angoisse engendrées par les comportements bizarres et incompréhensibles de
la personne autiste, la honte d’être considérés comme des parents incapables, le sentiment
d’inadéquation peuvent pousser les parents à s’enfermer à la maison avec leur enfant et à
renoncer à leur tâche éducative, plongeant l’enfant dans le chaos et la famille dans
l’isolement social.
Les conséquences de l’incompréhension sociale sont encore plus dévastatrices lorsque
l’enfant est refusé par les institutions à cause de ses problèmes ou en raison du manque de
services spécialisés ou de personnel formé et motivé: en effet le droit qu’a chaque enfant de
développer ses potentialités est refusé à la plupart des enfants autistes. Les parents doivent
souvent implorer comme une faveur ce qui, pour les autres, est un droit acquis. Il leur faut
parfois même s’excuser du handicap de leur enfant. C’est pourquoi ils se sentent eux
mêmes refusés et repoussés vers l’isolement, seuls contre tout le monde.
Souvent la mère, par manque d’aides adaptées, est obligée de renoncer à son travail et se
trouve peu à peu emprisonnée avec son enfant autiste dans une relation exclusive qui la
détache de tout autre intérêt, de tout loisir, l’isole du reste du monde qui ne comprend pas
ses problèmes.
Existe-t-il un seul parent d’enfant autiste qui n’ait pas songé, après le choc du diagnostic,
« s’il y a une seule chance qu’un enfant soit guéri de l’autisme, ce sera mon enfant ? ». Y-at-il une seule mère qui, déçue par l’échec et l’incompréhension de professionnels, n’ait
jamais été tentée de déclarer la guerre à l’autisme seule et de toutes ses forces; une guerre
29
qui risque vite de tourner en guerre contre son enfant ? L’amour et les soins des parents les
plus affectueux ne suffisent pas et ne leur donnent pas le droit de priver leur enfant de soins
adéquats à l’extérieur.
Je voulais tellement être une bonne mère et je pensais pouvoir m’occuper de mon fils seule.
J’ai essayé si fort que j’en suis tombée malade et j’ai dû reconnaître que je n’étais pas cette
« maman infaillible » que je pensais être. J’ai eu du mal au début à admettre que je devais
chercher de l’aide, mais je l’ai fait pour le bien de mon fils. (Témoignage d’une mère au
séminaire Daphné, septembre 1998).
30
CHAPITRE 4:
IL EST BIEN TEMPS ! L’AUTISME
ET LA PSYCHANALYSE
Gunilla Gerland
Personne autiste se représentant elle-même
4.
L’AUTISME ET LA PSYCHANALYSE
Jusque il y a peu, l’autisme était considéré comme un handicap mystérieux, enseveli sous
les mythes et les idées erronées. Néanmoins, ceux d’entre nous qui présentent cette
affection ne la jugent pas spécialement mystérieuse. Problématique, certes, voire parfois
difficile, mais à peine mystérieuse.
Nous avons été assimilés à des enfants enfermés dans des « bulles de verre », « beaux,
mais inaccessibles » qui ont dû endurer une kyrielle d’expériences horribles pour devenir si
visiblement indifférents au monde qui nous entoure, comme c’est le cas de nombre d’entre
nous. Nous avons titillé l’imagination des gens et inspiré un grand nombre de théories
plausibles ou non à notre sujet. Je ne connais aucun handicap, à part le mien, à propos
duquel tant de gens prétendent détenir autant de « connaissances » et se sentent habilités à
formuler autant d’opinions bien qu’étant si mal informés. Cette situation est extrêmement
frustrante et de plus, a l’origine d’une diffusion très répandue d’un mode erroné de traitement
des personnes autistes, particulièrement des personnes autistes de haut niveau. Parfois,
cela aboutit même à la prescription du mauvais traitement.
J’ai rencontré un nombre incalculable de psychologues et psychothérapeutes qui
prétendaient connaître les problèmes liés à l’autisme, mais une fois mis à l’épreuve, il
s’avérait qu’ils n’avaient rien lu depuis Bettelheim et avaient rencontré quelques enfants
autistes dans les années 1960 et 1970. Cette tournure des choses est sans doute
compréhensible, précisément parce que l’autisme est un handicap qui a semblé si
incompréhensible aux personnes soi-disant normales. Néanmoins, ce qui est à la fois
incompréhensible et impardonnable, c’est la façon dont le système délaisse les personnes
autistes aujourd’hui. Cet échec consiste en un détournement du regard par les gens formés
à la méthode psychodynamique et à la psychanalyse, qui choisissent de ne pas voir ou de
ne pas entendre quand on leur présente les connaissances actuelles sur l’autisme.
4.2
LES CAUSES DE L’AUTISME SONT UNIQUEMENT BIOLOGIQUES
Au fur et à mesure que la société reconnaissait et diagnostiquait mieux l’autisme et le
syndrome d’Asperger (une forme d’autisme), de plus en plus de jeunes et d’adultes ont
fourni des récits autobiographiques de leur handicap. Des ouvrages et des articles ont été
publiés et des conférences ont été organisées. Nous avons décrit ce que c’était que d’être
incompris, ce que c’était que de vivre avec un système nerveux qui ne fonctionne pas
normalement ou ce que ce que c’était que d’être différent. Pour nous tous, il est manifeste
que les causes de l’autisme sont biologiques. Néanmoins, à l’instar du reste de la population,
les personnes autistes sont issues de différentes familles. Certains d’entre nous ont des
parents merveilleux et évoluent dans un environnement social propice ; d’autres n’ont pas eu
cette chance. Cet état de fait est susceptible d’avoir affecté notre personnalité de diverses
manières, mais n’a rien à voir avec notre handicap.
Une personne autiste, comme une personne atteinte de trisomie 21, peut naître dans
n’importe quelle famille. En conséquence, il est vain et vexant de traiter les symptômes
31
associés à ce handicap au moyen de thérapies centrées sur la situation familiale ou
d’interpréter ces symptômes comme des éléments quelque chose d’autre qu’une indication
d’un trouble du système nerveux/cérébral d’origine génétique et acquis au début de
l’existence. Nombre d’entre nous qui sont autistes de haut niveau ont été analysés en vertu
du modèle psychodynamique/psychanalytique, souvent par des thérapeutes bien
intentionnés, mais la plupart d’entre nous n’en a retiré aucune aide, beaucoup se sont sentis
dégradés, et certains en ont été blessés.
Naturellement, nous pouvons présenter des problèmes « en plus de » notre handicap, mais
comme notre mode de fonctionnement est si fondamentalement différents, toute personne
désireuse de nous aider doit impérativement se familiariser avec le psychisme de l’autisme.
Afin d’acquérir ce type de savoir, il faut mettre de côté toutes les théories relevant de la
psychologie développementale et tenter d’atteindre à une compréhension de la façon de
penser et de ressentir des personnes autistes. La meilleure méthode d’y arriver consiste bien
évidemment à écouter et lire des récits de jeunes gens et d'adultes ayant ce handicap.
4.3
NOTRE REALITE EST NIEE
L’échec auquel je me réfère est vraisemblablement en train de se produire ici et maintenant,
à ce stade de rédaction de mon article. Je viens de mettre sous vos yeux cette information,
mais certains d’entre vous décident de ne pas ôter leurs ‘lunettes psychodynamiques’ parce
qu’elles sont collées à leur nez. C’est à cet instant précis que j’ai le sentiment que vous niez
notre réalité, que vous nous ignorez, que nous ne sommes autorisés à exister que si nous
sommes conformes à votre théorie.
Par le passé, j’ai comparé les théories psychodynamiques au conte de Cendrillon. J’ai écrit :
« La théorie psychodynamique offre une forme d’espoir qui semble être vitale à des adeptes
convaincus ; la promesse d’un conte de fées pour adultes où on donne au thérapeute le rôle
de la bonne fée. Mais si le patient présente un trouble autistique qui, pour l’essentiel, résulte
d’un dommage du système nerveux, cette personne n’ira jamais au bal et ne rencontrera pas
son prince. Ainsi, le thérapeute ne peut disparaître sur le coup de minuit en ayant le
sentiment d’avoir rempli avec succès sa mission de bonne fée. J’imagine que « la bonne
fée » aura du mal à gérer cet état de fait et par conséquent tout simplement ne reconnaîtra
pas notre réalité ».
A présent, je voudrai franchir une étape supplémentaire dans cette comparaison en affirmant
que les psychologues/psychothérapeutes se donnent souvent le rôle de la « méchante bellemère ». Ils préfèrent couper le talon ou le doigt de pied de leur patient afin qu’il entre dans la
chaussure (à savoir leur théorie). Telle est l’ardeur du thérapeute à transformer son patient
en « princesse » afin de lui permettre d’être aidé/soigné/sauvé grâce à l’approche que le
thérapeute a été formé à suivre.
Je suis intéressée par la psychologie, je connais assez bien les théories psychodynamiques
et j’en sais bien plus sur l’autisme que la plupart d’entre vous qui lisez ceci. En premier lieu,
j’ai moi-même cette affection et, deuxièmement, je connais de nombreux enfants et adultes
autistes, certains de haut niveau, d’autres présentant des troubles du développement.
J’espère que vous voudrez bien me faire confiance sur le fait que je sais de quoi je parle,
ôter les lunettes fournies par votre formation théorique et recommencer du début. Lisez à
nouveau cet article et peut-être oserez-vous envisager de nouvelles pensées, des pensées
que vous n’aviez jamais eues auparavant.
4.3
UN DEVELOPPEMENT DIFFERENT
Il existe encore des cas où les causes de l’autisme sont inconnues, mais, dans le monde
entier, les chercheurs s’accordent à reconnaître leur origine génétique à concurrence de
32
90% et que pour les 10% attribués à des facteurs environnementaux, ils n’impliquent pas de
causes psychosociales, mais bien plutôt des lésions survenues à la naissance, etc. Si un
enfant naît avec une lésion cérébrale ou souffre d’une telle lésion au début de son existence
en raison d’une infection, ce qui veut dire que la structure de son cerveau est différente et
qu’il devra utiliser des zones du cerveau pour des activités pour lesquelles elles ne sont pas
conçues, il ne passera pas par les mêmes phases de développement que les autres enfants.
Je pense, que jusque là, la plupart des gens seront d’accord avec moi. Néanmoins, l’erreur
commise à ce stade par de nombreuses personnes dotées d’un bagage
psychodynamique/psychanalytique est de penser que l’enfant développe des « déficiences »
dans ces domaines et que, vraisemblablement, il lui serait bénéfique de « retourner en
arrière » et de les corriger. Il est également erroné de croire que les êtres doivent se
développer psychologiquement selon un certain ordre, notamment en matière de relations.
Ceux qui en sont convaincus n’ont pas compris le développement normal ni que le
développement psychologique de l’individu doté d’un psychisme fondamentalement différent
peut être complètement parallèle et ne jamais opérer d’intersection.
Certains d’entre vous peuvent tressaillir à cette évocation. Mais pourquoi cette pensée estelle si horrible? Probablement parce que si ce principe est corroboré, vous ne comprenez
plus, cela ne correspond plus à votre vision actuelle du monde. Cependant, vous savez que
c’est lorsque vous osez aller au-delà du carcan de vos propres idées que vous grandissez et
apprenez de nouvelles choses. Alors, quel est le problème? Peut-être ce que d’aucuns ont
exprimé, l’impression d’avoir trompé les gens par le passé, de les avoir mal compris et
interprété. Il s’agit d’une impression inconfortable dont l’impact ne doit pas être sous-estimé,
bien que de nombreuses personnes puissent être si rompues à l’utilisation des thérapies et
du soutien socio-psychologique estiment pouvoir la gérer.
A de nombreux égards, les théories psychodynamiques font office de ‘mentor’, un système
où votre thérapeute devient votre professeur et par conséquent le représentant d’une
certaine école de pensée et où donc vous choisissez votre conseiller en fonction de cette
théorie. En conséquence, accepter et comprendre ce que j’exprime dans cet article peut
impliquer d’avoir à se démarquer de cette ‘famille’ et risquer de perdre une partie de votre
sentiment d’appartenance. Cette attitude requiert du courage.
4.4
LA THEORIE DE LA RELATION A L’OBJET N’EST PAS PERTINENTE
En ce qui concerne la théorie de la relation à l’objet, à titre d’illustration, il faut réaliser qu’elle
n’est applicable qu’aux personnes qui ne présentent pas de troubles envahissants des
fonctions cérébrales, comme par exemple l’autisme ou le syndrome d’Asperger. Le fait que
je n’ai intégré aucune représentation de l’objet n’a en aucun cas induit les problèmes que
cette situation engendrerait chez d’autres individus. Je n’ai jamais ressenti leur besoin
fondamental de proximité envers d’autres individus, ou du moins, pas dans la même mesure.
Le fait que je n’ai intégré aucune représentation de l’objet ne signifie pas nécessairement
que mes représentations sont désintégrées! Au même titre que l’on pourrait dire que je n’ai
aucune représentation de l’objet quelle qu’elle soit, on pourrait dire que mes représentations
de l’objet sont extrêmement bien intégrées et ces deux déclarations seraient également
vraies ou fausses. Pour me comprendre, il faut dépasser la théorie de la relation à l’objet. Je
ne suis pas née du tout avec cette structure, pas plus que je n’en n’ai besoin. Cela ne
signifie pas nécessairement que mon existence n’est pas tout autant remplie, mais qu’elle
est tout simplement différente. J’apprécie différentes choses dans la vie et, à l’instar d’autres
individus autistes, je veux être respectée et considérée pour ce que je suis.
Lorsque vous essayez d’appliquer sur moi ou d’autres personnes qui présentent le même
handicap des théories psychodynamiques, je trouve cela aussi offensant que lorsqu’il y a
cent ans, les gens regardaient un garçon présentant de légers troubles du développement et
33
qu’ils croyaient que son état était imputable à des masturbations excessives. Dans la foulée,
ils pensaient que les personnes épileptiques étaient névrotiques. La perception de la société
envers les individus et comportements anormaux semble parfois évoluer lentement, parfois
extrêmement rapidement. Les attitudes que nous considérons comme obsolètes peuvent
avoir prévalu jusque il y a peu. Par exemple, dans les années 70, l’homosexualité était
toujours considérée comme une maladie psychologique et même dans les années 80 des
individus sourds dont le handicap sous-jacent n’avait pas été découvert étaient enfermés
dans des unités psychiatriques.
C’est à vous qu’il incombe de changer la façon dont l’autisme est perçu.
Pourquoi les théories dites psychodynamiques ne doivent pas être utilisées lors de
thérapies avec des clients présentant un trouble du spectre autistique
-
-
-
-
Le thérapeute peut (va) perdre le contrôle d’outils thérapeutiques tels que
transfert/contre-transfert en raison de la manière radicalement différente dont les
personnes autistes interagissent. Cette situation se produit généralement sans que le
thérapeute comprenne qu’il/elle a perdu le contrôle. (L’effet se traduit parfois par ce que
le thérapeute assimile à un contre-transfert difficile, ex. des sentiments de dégoût envers
le client).
Dans le cadre des paradigmes où ces théories sont utilisées, la connaissance du
mouvement de défense des personnes handicapées se révèle médiocre.
La
sensibilisation à l’importance de développer une identité positive du handicap fait défaut,
par exemple le fait d’avoir comme modèles de rôle positifs des personnes autistes plus
âgées. On note également une absence de discussion éthique afin de déterminer si la
façon utilisée par une majorité pour nouer des relations, doit être perçue comme étant la
« meilleure ».
Il ya de nombreux rapports émanant de personnes autistes de haut niveau victimes de
mauvais traitements et de préjudices ou ayant l’impression de na pas être écoutées ni
comprises lors de traitements psychodynamiques. Dans la pratique, tous les cas faisant
état de « succès » sont fondés sur des rapports de présentant uniquement le point de
vue subjectif du thérapeute.
Les théories psychodynamiques n’ont pas été élaborées pour des personnes présentant
des psychismes radicalement différents pas plus que les outils fondés sur ces théories
n’ont été conçus à cette fin. Cela signifie que la théorie de la relation à l’objet,
extrêmement populaire en Suède par exemple, ne sera pas applicable. Le même
principe prévaut pour les interprétations symboliques ou l’utilisation de théories sur la
projection et les mécanismes de défense. Certains psychothérapeutes ne reconnaissent
néanmoins pas ce point de vue et estiment savoir ce qui se produit, comme cela
transparaît dans les nombreux récits officiels ou non de personnes autistes et de leurs
parents, alors qu’en fait ils n’en n’ont pas la moindre idée !
Veuillez noter que ceci ne signifie pas que la vie intime des personnes autistes est
insignifiante ni qu’elles ne peuvent tirer profit (si elles disposent du niveau de
fonctionnement approprié/QI) d’un soutien socio-psychologique. Cela signifie tout
simplement que le conseiller doit faire fi des outils et théories psychodynamiques
susmentionnés et se concentrer en lieu et place sur les sentiments, les pensées et les
actions à un niveau plus concret. Cela implique également que le thérapeute dispose
d’un niveau de connaissance de l’autisme (et des handicaps, plutôt que des maladies)
approprié, mis à jour et détaillé. Il est également important de reconnaître que ce n’est
pas et ne doit pas être l’autisme même qui est traité par le counseling (assistance sociopsychologique), mais les syndromes secondaires ou le fait de vivre avec l’autisme. Cela
peut être comparé au soutien des personnes sourdes ou aveugles ; vous ne pouvez vous
attendre à ce qu’elles entendent ou voient mieux des suites de leur traitement, mais
34
devez veiller à ce qu’elles puissent faire face à l’existence, une existence qui intègre un
handicap présent à vie.
Gunilla Gerland.
© 1998 Gunilla Gerland
Cet article peut être photocopié ou diffusé dans son intégralité pour autant qu’aucun ajout ou
omission ne soit opéré.
35
CHAPITRE 5 : FACTEURS DE RISQUE INHERENTS AU
PERSONNEL ET AUX STRUCTURES DES
INSTITUTIONS
André Foubert
Directeur de Maison d’Accueil Spécialisée (F)
5.
INTRODUCTION
Au delà du handicap de l’autisme, nos sociétés découvrent avec effroi les statistiques de
violence, y compris sexuelles, à l’intérieur même des familles et des institutions établies
(entre autres les écoles, les paroisses ou les mouvements de jeunesse). Des faits divers
sordides réveillent en nos populations des sentiments confus d’horreur mêlés d’incrédulité.
En effet, certaines situations d’extrême pauvreté et de misère ne sont pas, comme
beaucoup le pensait, les seules à générer ces comportements déviants. Un cadre de loi
destiné à sanctionner les coupables existe, mais la menace de la punition ne paraît pas
suffisamment ferme pour prévenir et empêcher les passages à l’acte.
N’est-il pas paradoxal de constater que des milieux dont le rôle est de soigner ou d’éduquer
génèrent des actes de violence ponctuels ou structurels ?
Une réflexion sur les facteurs de risque de violence et de maltraitance au sein des milieux
institutionnels doit témoigner de la volonté de nos sociétés dites civilisées d’améliorer le sort de
chacun, y compris des plus faibles. C’est le cas des personnes autistes dont l’accueil pose
question au sein d’institutions traditionnelles. Bien des professionnels reconnaissent leur
impuissance et leur découragement face à ce handicap si déroutant. La tendance à l’isolement,
le repli, l’apparente indifférence aux autres et aux choses, l’intolérance au changement sont
autant d’obstacles à une vie communautaire harmonieuse. La méconnaissance de ces
difficultés propres à l’autisme entraîne souvent de la part des adultes intervenants, parents ou
professionnels, des réponses inadaptées. Celles-ci renforcent les problèmes de comportement
et ouvrent la voie à des formes diverses de maltraitance que nous allons tenter de définir.
De nombreux témoignages relatent de pratiques inacceptables à l’encontre des personnes
autistes accueillies dans des institutions, qu’elles soient hospitalières ou médico-sociales. En
effet, comme nous le verrons, si les personnes autistes ne sont pas hélas les seules victimes de
maltraitance au sein des milieux institutionnels, elles présentent un risque de plus grande
vulnérabilité compte tenu de leurs difficultés voire de leur impossibilité à communiquer leur
vécu et leur ressenti.
C’est donc en relation avec la condition de la personne autiste qu’il nous faudra identifier, à
l’intérieur des structures de nos organisations, les situations qui peuvent induire cette violence.
5.1. LES FORMES DE MALTRAITANCE DANS LES INSTITUTIONS
Les mauvais traitements font bien souvent référence aux brutalités, absences de soins et
négligences qui entraînent des troubles graves de l’état général ou des lésions physiques. Il
nous faudra notamment parler du risque d’abus et d’agression sexuelles que certaines
situations peuvent engendrer. La maltraitance concerne toutefois bien d’autres pratiques
souvent plus insidieuses et de ce fait, tout aussi préoccupantes.
36
Malgré nos préoccupations et contre notre gré, notre fille a été mise sous traitement
médicamenteux très lourd par le médecin responsable de son centre. On lui a donné des doses
très lourdes de neuroleptiques malgré le fait qu’ils la paralysaient dangereusement. De
retour à la maison, elle tombait dangereusement en avant, nous devions marcher devant elle
pour lui éviter les chocs, lèvres fendues, genoux blessés, mains abîmées, elle tombait bloquée.
Un jour elle a failli se noyer à la piscine. Quand je me suis plainte que les médicaments
l’abrutissaient complètement, le médecin m’a répondu : “ C’est pour se faire accueillir dans
vos bras qu’elle tombe ” !. Et les éducatrices de lui faire les gros yeux et de la gronder devant
moi pour qu’elle marche droit et ne bave plus. Pourquoi personne ne fait quoi que se soit pour
protéger ces innocentes victimes de leurs bourreaux ?
A présent et depuis trois ans, elle est avec nous et vit sans médicament. Nous avons fini par
trouver un neuropsychiatre qui comprend réellement ses problèmes. Nous avons enfin à
nouveau une vie de famille heureuse. (L.P.)
En 1994, Eliane Corbet définit les violences en institution comme “ tout ce qui contredit et
contrevient aux lois du développement (le développement est ici entendu dans ses différentes
dimensions psychoaffective, cognitive, physique, sociale), tout ce qui donne prééminence aux
intérêts de l’institution sur les intérêts de l’enfant ”. L’auteur énumère les pratiques suivantes :
37
• violences psychiques :(qui portent préjudice à l’équilibre psychique futur),
• langage disqualifiant (propos insultants, injurieux, humiliations), qui portent atteinte à l’estime
de soi ou de la famille),
• menaces (qui planent sur la continuité de la relation, de la prise en charge) parfois mises à
exécution,
• chantage à l’efficacité,
• contrôle minutieux jusque dans l’intimité qui dénote une volonté d’emprise sur la personne.
• soustraction de l’enfant ou de l’adolescent à sa famille arbitraire ou excès d’interdits,
• violences “ par omission ”, inconséquence, par “oubli ” de l’enfant, laissé à l’écart.
Nous ajouterons à cette liste les abus suivants trop souvent rencontrés dans la prise en charge
des personnes autistes :
• prescriptions médicales non appropriées données davantage pour le confort du personnel
que dans le bien de la personne,
• non prise en compte de problèmes de santé physiques (entre autres des douleurs dentaires
ou intestinales qui expliquent de nombreux problèmes de comportement)
• négligences dans les tâches d’hygiène (dans l’attente du désir de la personne de prendre
soin d’elle même),
• Ignorance des intérêts de la personne et de ses préférences alimentaires (entre autres
l’imposition de menus sans égard pour ses goûts personnels),
• activités inexistantes ou répétitives, non adaptées aux difficultés et aux compétences de la
personne,
• temps d’attente injustifiés (source d’anxiété et par suite, d’agitation) liés au bon vouloir du
personnel.
Pour Stanislaw Tomkiewicz et Pascal Vivet (1991), il n’y a pas de typologie particulière des
victimes. “ On peut donc dire qu’aucune catégorie des enfants institutionnels n’a le triste
monopole de violences institutionnelles ni que, à l’inverse, elle en est à l’abri ; ce sont les
formes prédominantes de violence qui changent avec la catégorie des enfants : les
polyhandicapés incitent plutôt au désintérêt, à la négligence et à l’absence de soins, les
déficients mentaux à l’abus de techniques de conditionnement, les cas sociaux à la discipline
exagérée, à la répression et aux abus sexuels”.
Témoignage :
Un soir de retour de l’hôpital de jour, et comme d’habitude, nous lui faisons prendre son bain.
Au moment de le déshabiller, nous nous rendons compte qu’il a des blessures profondes sur tout
le dos, hématomes au cou sur les épaules, les bras… Nous faisons appel immédiatement au
médecin de famille qui constate et certifie l’état dans lequel C. se trouvait après la journée
passée à l’établissement. Nous décidons donc de l’accompagner le lendemain matin. L’équipe
n’était pas contente de nous voir car nous ne l’avions pas avertie de notre venue. Nous
insistons pour être reçus par la Surveillante-chef. Nous estimions avoir droit à des explications.
Nous finissons par obtenir une audience auprès d’elle. Nous lui remettons le certificat médical.
Elle s’étonne des faits et dit : “ Ce n’est pas ici que cela s’est passé ”. Nous répondons que ce
n’est pas à la maison non plus et ajoutons que rien ne s’est passé dans le véhicule de
ramassage… Le chauffeur nous en aurait parlé, car en fait, il était la seule personne avec qui
nous pouvions échanger sur le comportement de notre enfant. La fin de prise en charge de C.
nous a été annoncée par le médecin psychiatre de l’hôpital de jour le tout dernier jour sans la
moindre préparation ni ménagement et surtout sans la moindre perspective de prise ne charge
38
future hormis l’internement en CHS que nous avons refusé. Prenant conscience de notre
impuissance à lutter seuls contre ce type de malveillance nous décidâmes de ne plus confier C. en
telles mains et de le garder à la maison. Aujourd’hui, avec un recul de cinq ans, nous sommes
convaincus que c’était encore la meilleure des solutions. Mais pour cela mon épouse a dû
interrompre ses activités professionnelles et demander sa retraite de la fonction publique. (M.
A.)
Les faits de mauvais traitement y compris sexuels ne sont malheureusement pas isolés et le
recensement de ces abus amène bien des réflexions sur nos impuissances non seulement à
les prévenir mais également à les dénoncer. Certains textes de loi obligent les professionnels à
les signaler mais d’autres textes protègent les droits des salariés qui peuvent parfois en abuser
dans des procédures compliquées qui découragent les employeurs. Le plus souvent le réflexe
corporatif de défense de la profession joue en défaveur des victimes. La crainte de la mauvaise
réputation engendrée par de telles publicités et de tels débats entraîne le plus souvent une
occultation des faits qui réduisent les victimes et leur famille à encore plus d’injustice.
Toutefois, comme nous l’avons vu, la maltraitance à l’encontre de “ clients ” institutionnels ne se
situe pas forcément dans le passage à l’acte du geste de violence. Elle peut bien plus souvent
être banalement insidieuse. Afin d’illustrer notre propos nous citerons l’exemple de
l’envahissement par les professionnels des lieux de vie sans égard pour les personnes (deux
professionnels s’interpellent par exemple bruyamment pendant de longues minutes au milieu du
salon dans lequel plusieurs personnes handicapées regardent une émission de télévision, deux
autres échangent d’un étage à l’autre à propos de l’état de santé d’une résidente étalant à
autrui des détails intimes sur la vie et la santé de cette personne).
Incapables d’émettre la moindre protestation, les personnes autistes se trouvent
particulièrement démunies et constituent pour cette raison et pour d’autres que nous allons
aborder une population particulièrement vulnérable.
La vulnérabilité particulière des personnes autistes
Peut-être devrions-nous accepter que la première violence faite à la personne autiste est celle
d’être née autiste. La première injustice n’est-elle pas d’être enfermée dans ce handicap dont la
science nous apprend aujourd’hui que l’on ne guérit pas ?
Le moindre détail à pour elle son importance, l’absence inopinée d’un éducateur, la modification
d’un programme d’activité, le manque de prévisibilité dans les emplois du temps,... autant de
situations concrètes qui peuvent prendre pour un individu autiste des proportions considérables.
La difficulté à initier et à organiser une action, les problèmes de généralisation, le manque
d’expression verbale ou l’utilisation non appropriée du langage compliquent encore la relation
entre la personne autiste et son entourage.
Les manifestations de l’autisme mal prises en compte accentuent la solitude et la détresse de la
personne. Placées souvent brutalement sans préparation particulière dans un milieu
institutionnel dont la plupart des règles lui échappe, la personne autiste réagit le plus souvent
par une recrudescence des problèmes de comportement qui compromettent ainsi son
acceptation par l’entourage, y compris professionnel.
La seconde violence est celle que connaît la famille placée dans une situation de grand
désarroi. Faute de soutien dès l’apparition des troubles, elle se voit parfois contrainte à la
discorde et au désespoir qui dans certains cas conduit à la maltraitance (voir un exemple plus
loin).
39
Certains praticiens prônaient il y a peu le salut et la guérison de la personne autiste en dehors
des liens naturels et de l’affection de sa famille. Cette violence de la rupture condamnait la
personne autiste à une exclusion sociale et familiale que rien ne justifiait. Montrés du doigt et en
même temps démunis de réels conseils devant leur permettre d’accepter ou d’accompagner
leur enfant, les parents vivaient une situation de violence que les approches actualisées de
l’autisme devraient aujourd’hui nous permettre d’éviter.
Certains milieux thérapeutiques refusent pourtant encore toute collaboration avec les parents,
considérés comme “ difficiles ” ou “ pathologiques ”. Ils véhiculent les informations médicales
sous plis cachetés et confidentiels sans que ni la personne autiste ni ses parents, premiers
concernés, puissent y avoir accès. Mais surtout, ils refusent à la personne autiste le soutien
affectif que seuls ses parents et ses proches sont à même de lui donner.
5.2. LES FACTEURS DE RISQUE : LES SITUATIONS QUI INDUISENT LA VIOLENCE
5.1.
Un manque de structures adaptées
Les enfants et adolescents autistes sont pour la plupart exclus du monde de l’éducation, même
spécialisée. En France, il apparaît que plus d’un tiers des enfants autistes restent sans solution
et sont pris en charge tant bien que mal par leur famille. Avec l’adolescence et l’âge adulte, le
manque de structures d’accueil se fait encore plus cruellement sentir.
Pour certains, le placement dans un milieu hospitalier à vie demeure une solution fatale où des
pratiques de contention physique ou par chimiothérapie entraînent la personne dans des
régressions intolérables. L’hôpital, lieu de soin, tremplin de guérison, se métamorphose en lieu
de sclérose et d’ennui. Ce terrible constat, qui ne peut mettre en cause la qualité
professionnelle des soignants, doit être dénoncé.
Témoignage :
Mon enfant, D., âgée de 20 ans est accueillie à l’hôpital psychiatrique de V. faute de place
dans une Maison d’accueil spécialisée. Je ne peux pas dire qu’elle souffre de maltraitance,
mais de manque de soins et de prise en charge. Suite à des problèmes de manque d’effectifs et
d’eau chaude, D. a connu des périodes de bains à raison de deux fois par semaine alors
qu’elle est incontinente urinaire.
Egalement par manque d’effectifs, D. est très souvent attachée à sa poussette pendant la
journée et attachée à son lit à l’aide de liens aux poignets et aux chevilles pour la nuit.
Comment voulez-vous qu’un être humain puisse se sentir bien dans ces conditions de vie ?
Heureusement, j’ai encore la santé pour l’accueillir une fois par semaine. Elle peut alors être
baignée, promenée et bénéficier de nombreux câlins dont elle a besoin énormément. Cette
journée là, je la surveille constamment, mais au moins elle est libre de ses mouvements. Pour
moi c’est très dur, mais que deviendra D ; le jour où je ne pourrais plus assurer sa prise en
charge. Parents de laissez pas tomber vos enfants, le peu que vous leur apportez, cela les
aide à vivre. (M.F.)
40
Un article du journal Le Monde du 23 mai 1998 rapporte, dans un établissement hospitalier
spécialisé, les pratiques de contention physique à l’égard de personnes autistes manifestant
des comportements d’automutilation ; ces pratiques étant, selon le Médecin psychiatre
responsable du service : “ un choix cruel mais bien souvent le seul moyen de protéger les gens
contre eux-mêmes ”.
Il y a quelques années, en France, une maman mettait fin à la vie de son enfant à qui elle
refusait un tel avenir alors qu’elle même et son entourage étaient à bout de ressource pour lui
apporter aide et assistance. Cet acte de violence, mais aussi de désespoir ultime, n’a fait l’objet
que d’une peine de prison avec sursis; comme si notre société reconnaissait ne pas avoir
apporté à cette jeune fille et à sa famille les soutiens qui auraient pu éviter un tel drame.
Même lorsque de jeunes enfants ou adolescents ont bénéficié d’aides éducatives ou
thérapeutiques correctes pendant plusieurs années, à l’âge adulte, leurs parents assistent
impuissants à la détérioration de leur état physique et mental faute de lieux d’accueil adaptés.
Cette carence dans les dispositifs de prise en charge constituent à nos yeux une nouvelle
violence à l’égard des personnes autistes et de leur famille. De même que le manque de
contrôle des pouvoirs publics dans les dispositifs de recrutement des établissements privés.
Des dérives quant aux décisions d’orientation et d’accueil sont ainsi notées. Les cas dits
“ lourds ” dans les familles aux revenus modestes seront les plus souvent laissés pour compte;
la tentation des équipes étant de recruter des personnes d’un niveau d’autonomie plus
important et de sélectionner les admissions en vue de la constitution de groupes de personnes
posant moins de problèmes de comportements.
41
5.2.2. Un manque de formation des professionnels.
Témoignage :
Il n’y avait aucun dialogue avec les parents. Le diagnostic d’autisme qui nous avait été
confirmé par notre médecin traitant avait toujours été nié lorsque nous l’évoquions. Au bout
de quelques mois, G. a été privé de piscine à notre grand étonnement car il avait toujours adoré
l’eau. “ Cela lui donnait trop de plaisir et pouvait nuire au développement de la
communication ! ” (sic). La méthode de communication par l’image proposée par le centre de C.
donnait des résultats très positifs, mais l’hôpital de jour a refusé catégoriquement de l’utiliser.
“ Il devait se sortir lui-même de son état ”. “ On n’est pas là pour éduquer ” ! Dans la vie
courante, l’enfant était livré à lui-même, les éducateurs ne sachant pas où il se trouvait à la
sortie de 16 heures. Il nous était rendu sale, sans ceinture au pantalon, lacets défaits, sentant
le tabac. Les enfants vivaient dans une tabagie constante, les éducateurs passant leur journée
à fumer près du radiateur l’hiver et au soleil l’été. Notre fils est rentré plusieurs fois avec des
traces de coups, agressé par un autre enfant. Le manque de surveillance favorisait bien sûr cet
état de fait. Un accident qui aurait pu être tragique s’est produit un jour à la sortie de 16
heures : la porte extérieure étant ouverte sans la présence physique et vigilante d’un éducateur,
notre fils s’est échappé et a traversé sous mes yeux la route nationale. Miraculeusement, à ce
moment il n’est passé qu’un vélo ! J’en tremble encore aujourd’hui. A douze ans, nous avions
un enfant qui n’était plus propre, ni le jour ni la nuit, mangeant avec ses mains, révolté,
violent, barbouillant les murs de sa chambre avec ses excréments, cassant les carreaux…
Enfin en 1991, G. a été accepté dans un centre spécialisé pour sourds-aveugles à P.
Professionnellement nous avons tout quitté, nous avons déménagé. Au bout d’un mois nous
avons retrouvé un enfant calme, détendu (sans traitement médicamenteux). En quelques mois
il est redevenu propre, a appris à se tenir à table…Le centre a repris avec lui une
communication par l’image et en gestuel. Ce centre fait avant tout un travail éducatif :
apprentissage de l’autonomie, de la vie sociale. Il existe aussi un gros travail d’échange avec
les familles (week-ends Parents, concertation dans l’éducation). Depuis sept ans, G. a
progressé, il est heureux et nous avons retrouvé une vie presque normale : partir en vacances,
aller au restaurant, etc. Il est bien sûr très handicapé et aura toujours besoin d’une vie
protégée, mais l’essentiel est qu’il s’épanouisse à son niveau et c’est le cas.
Que dire des années perdues quand on sait que les apprentissages se font dans l’enfance.
Quel gâchis pour ces enfants et leurs familles. C’est arrivé il n’y a pas longtemps. Plus
jamais ça ! (M. B.)
Tout particulièrement en matière d’autisme, définir la violence en institution comme étant “ tout
ce qui contredit et contrevient aux lois du développement ” (E. Corbet,1994), nous oblige à un
devoir de réévaluation de nos connaissances.
Comme tout être humain, la personne autiste est avide d’apprendre et d’agir, mais elle ne peut
le faire que dans un cadre adapté à son niveau développemental. En 1983, Alfred et Françoise
Brauner avaient, au travers de “ progressions éducatives ” clairement explicitées, pris le pari de
la confiance en donnant notamment à ces “ enfants des confins ” les possibilités de dévoiler
leurs potentialités et aux intervenants les moyens de les y aider.
42
Les travaux menés en Caroline du Nord (USA) par et autour de l’équipe du Pr. Eric Schopler,
ont montrés que le dépistage et l’aide éducative précoce peut apporter à l’enfant autiste et à sa
famille l’espoir d’une meilleure insertion sociale. Nous devons pour ce faire mettre en oeuvre
des démarches éducatives bien comprises, orientées sur les seules réussites ou émergences
de la personne et bannissant toute idée de répression ou de punition, absolument inadaptées.
Les accompagnants ont donc aujourd’hui les moyens de comprendre les particularités
essentielles de l’autisme et notamment les désordres sensoriels de mieux en mieux cernés.
Des outils méthodologiques appropriés permettent aux professionnels d’appréhender avec plus
de justesse les compétences et les difficultés de chacun, d’évaluer la compréhension et de
mettre en place des modes de communication adaptés, source d’échange et d’action entre la
personne autiste et sa famille ou les intervenants.
Les témoignages récents d’autistes dits de haut niveau ne peuvent que nous encourager à
développer ces relations d’aide active à l’égard des personnes autistes et de leur famille.
Les formations traditionnelles ne préparent toujours pas les futurs praticiens ou, plus grave, les
préparent mal à être confronté à des personnes atteintes de trouble envahissant du
développement. Comme c’est le cas dans l’opinion, l’autisme reste perçu pour beaucoup de
professionnels comme la manifestation de comportements bizarres ou agressifs ; ces
comportements faisant l’objet d’interprétations sans lien avec les difficultés inhérentes au
handicap.
Les recherches récentes sur l’autisme obligent donc les professionnels déjà en fonction à un
devoir de formation permanente, à une nécessaire “ révolution culturelle ” afin de mieux
comprendre les difficultés des personnes autistes qui leur sont confiées.
5.2.3. Un faisceau de paramètres psychologiques et sociaux.
Dans un mémoire présenté en 1988 à la faculté de Médecine de Créteil (Université de Paris Val
de Marne), le Docteur Michel Preel propose une “ réflexion sur l’agression des éducateurs d’un
Institut Médico-éducatif sur des enfants déficients intellectuels ”. Il s’agit d’une étude des
motivations d’actes moralement mais pas pénalement répréhensibles dont le caractère gênant
et déviant apparaît à leurs auteurs. Celle-ci est complétée d’une approche neurologique, d’une
analyse comparative avec l’éthologie animale et d’études sociologiques.
Certaines conclusions de Dr Preel peuvent nous aider dans notre travail de réflexion :
“- De la neurobiologie, nous avons appris que le comportement d’agression ne peut être perçu
comme une entité isolée mais qu’il s’inclut dans l’ensemble des comportements.
- L’éthologie animale nous fait concevoir l’agression comme un phénomène normal présent
dans toutes les structures groupales. Elle assure la cohésion de la communauté et permet le
respect des individualités. Ainsi, l’agression pour l’éducateur représente une défense contre
l’envahissement de son territoire ou contre l’impression d’être dominé par l’enfant dont il a la
charge.
- Des études sociologiques, nous apprenons que l’environnement peut être responsable d’une
exacerbation de l’agression ou d’un contrôle de celle-ci. ...
- Des études spécialisées sur la relation thérapeutique, nous dégageons la notion de
mécanismes de défense. Il semblerait que la relation avec l’enfant déficient intellectuel, d’autant
qu’il souffre de carence affective et de troubles de la personnalité, crée chez chacun des
éducateurs, un sentiment d’angoisse... ”.
43
Ainsi, “ l’agression apparaît bien souvent comme le paradigme de l’échec de tous les espoirs
portés sur lui (l’enfant) ”.
La conclusion générale de l’étude du Dr Preel débouche sur une impasse. En effet, les
motivations de tels comportements d’agression dépendent d’un faisceau de paramètres. Il s’agit
donc le plus souvent d’examiner les phénomènes qui déclenchent les actes d’agression.
C’est ce qu’ont tenté de faire Stanislaw Tomkiewicz et Pascal Vivet (1991), Ces auteurs
illustrent par des exemples concrets des situations avérées de maltraitance institutionnelles et
présentent quelques caractéristiques des institutions propres à favoriser les violences. Ils
relèvent ainsi :
L’application à outrance d’une idéologie :
“ lorsqu’elle est considérée comme transcendante, et ses intérêts comme supérieurs à ceux
des usagers ; peu importe qu’elle soit comportementaliste, psychanalytique, marxiste ou
catholique ”. “ Partout où l’on attache plus de valeur et d’importance à la théorie qu’aux enfants
et aux adolescents, la violence risque un jour d’apparaître ”
L’absence de personnel qualifié :
“ La qualité des éducateurs semble capitale. En effet, le manque de qualification rend le
personnel fragile, lui enlevant toute sécurité d’emploi et le mettant à la merci de la direction
dans la perspective économique actuelle ”.
La toute puissance du directeur :
le plus souvent obnubilé par une idéologie, mais aussi à contrario “ une institution soumise à
une dictature syndicale est à risque de maltraitance par négligence et abandon des enfants ”.
le discours institutionnel :
“ commun à la direction et à ceux qui lui sont dévoués, il a comme but implicite de glorifier plutôt
que de justifier, la méthode de l’institution et de prévenir toute remise en cause et surtout toutes
accusations de violence ”.
Témoignage :
FRUSTRATION : Le Médecin-chef et son équipe avaient tenté de nous convaincre sans succès
que leur pratique qui consistait à infliger continuellement des contrariétés aux autistes était en
fait “ une méthode thérapeutique visant à évaluer leur résistance et leur réaction à la
frustration ”. Il y avait là une grande incohérence car sitôt qu’un enfant réagissait à la
frustration, il était immédiatement conditionné par l’administration de neuroleptiques !
CONVOCATION : de C. et de ses parents devant un “prétoire ” présidé par le MédecinChef assisté de Mme la Surveillante-chef. Lors de ce prétoire, notre fils était mis en
accusation avec obligation pour les parents de porter remède à la situation.
EXCLUSION : allant de 24 heures à 3 jours sans se soucier nullement du problème posé par
la garde puisque la mère travaille.
Tout cela faisant partie de la thérapie, disaient-ils (M. A., France)
44
5.3.
LA PREVENTION DES RISQUES DE MALTRAITANCE
Les professionnels doivent toujours se situer dans des pratiques respectueuses de l’intégrité
physique et morale de la personne.
Même si nous sommes conscients que le rassemblement de personnes contraintes de par leur
condition de personne handicapée de vivre ensemble au sein de collectivités ne représente pas
des conditions de vie naturelles auxquelles chacun de nous aspire, il importe de toujours bien
mesurer le niveau de contrainte et d’acceptation du placement institutionnel. Les acquis et les
succès ne peuvent s’obtenir que par la collaboration et la compréhension.
La personne handicapée ne peut être privée de la liberté de développer en toute autonomie son
projet de vie, et l’humanisation des lieux de vie doit passer par la réalisation d’objectifs prenant
en compte cette aspiration, éventuellement de façon symbolique. Quelque soit son handicap et
quelque soit son niveau de compréhension, elle doit avoir la possibilité de percevoir ce qui se
passe pour elle, pourquoi elle ne vit plus avec ses parents, pourquoi elle doit assumer sa vie
d’adulte. Des activités adaptées doivent donner sens à sa vie et développer ses compétences
et ses centres d’intérêt. Des moyens appropriés doivent lui permettre d’exprimer des choix
quant à son travail ou à ses loisirs.
En matière d’autisme, les enjeux se traduisent en terme de formation mais aussi d’observation
et surtout d’action et d’imagination créatrice pour pallier aux troubles de la personne.
En terme de prévention, il nous appartiendra d’entamer une réflexion sur les critères de
recrutement des personnels dans les établissements et de déterminer les moyens
d’encadrement et de supervision du travail au travers des protocoles d’intervention précis et
avérés évitant les confusions et les équivoques.
Pour faire face au phénomène de maltraitance dont l’ampleur est de plus en plus évidente dans
nos sociétés, l’accent est désormais mis sur des mesures de prévention nouvelles et originales
: l’information précoce aux enfants, lieux de parole, associations d’accueil aux victimes, numéro
téléphonique d’appel de détresse, etc. Il doit en être ainsi en matière d’autisme.
5.4
CONCLUSION
Nous affirmons, et l’expérience nous renforce dans cette conviction, que l’accumulation des
difficultés résultant du tableau complexe de l’autisme entraîne cette catégorie de handicapés
dans une vulnérabilité accrue.
La caractéristique rigide de la personnalité autistique tend à renforcer en nous cette violence,
ultime recours face à l’incompréhension, le découragement ou l’usure.
De plus, chez beaucoup de personnes autistes, la dimension du handicap mental est
difficilement mesurable. Bien des troubles du comportement peuvent de prime abord être
faussement interprétés comme résultant d’une pathologie caractérielle. La tentation est grande
d’interpréter les comportements comme du refus ou de la provocation entraînant une escalade
de répression et de sanction.
Nous attendons des chercheurs et des scientifiques qu’ils multiplient les travaux et les
expériences pour mieux mettre en lumière la nature des nombreux déficits de la personne
autiste et nous éclairent notamment sur les problèmes sensoriels encore mal connus.
45
L’espoir est de voir s’arrêter la spirale de la violence dans laquelle ni la famille ni le
professionnel, ni la personne autiste, ne se reconnaît ni ne se complaît.
Pour cela, nous devons :
•
convenir que la seule thérapie bien intentionnée est de chercher à mieux décrire la réalité et
le fonctionnement particulier de la personne autiste si différent de nos codes et de nos
normes,
• nous entraîner à une approche active en déterminant de façon concrète les niveaux d’aide à
mettre en place pour atteindre des objectifs parfois bien modestes mais dont le réalisme
même sera le gage de la réussite,
• être à l’écoute des difficultés de la famille et considérer comme objectif prioritaire tout ce qui
peut améliorer l’organisation du jeune au sein de la cellule familiale,
• travailler en partenariat étroit avec les familles pour profiter des observations judicieuses
qu’elles apportent sur leurs enfants et échanger sans réserve les informations et les
résultats obtenus,
• savoir qu’accompagner la personne autiste peut parfois aussi être accompagner l’échec,
mais qu’il faut pouvoir s’émerveiller devant le plus petit progrès.
REFERENCES
Ouvrages :
Brauner, A. & F. (1976) Les enfants des confins. Grasset
Brauner, A. (1983) Progressions éducatives pour handicapés mentaux. Paris, PUF
Schopler, E. & Mesibov, G.B. (eds) (1984) Autism in adolescent and adults. New York,
Plenum Publishing corporation.
Schopler, E., Lansing, M., Wauters, L. (1993) Activités d’enseignement pour enfants
autistes.
Paris, Masson.
Tomkiewicz, S. et Vivet, P. (1991) Aimer mal, châtier bien. Paris, Seuil.
Articles :
Corbet, E. (1994) Violence en institution. A la recherche d’outils de prévention.
Handicaps et
Inadaptations - Les cahiers du CNTERHI n° 61
Rosenczveig, J.P. (1997) Les problèmes liés à l’obligation de signalement. Association
Nationale des Communautés Educatives, Paris.
Preel, M. (1988) Réflexion sur l’agression des éducateurs d’un Institut Médico-Educatif
sur
des enfants déficients intellectuels. Mémoire pour l’obtention du CES de
Psychiatrie, Faculté de Médecine de Créteil, Université de Paris Val-de-Marne
Actes de colloques :
Prévention de la maltraitance et des abus en milieu institutionnel accueillant des
personnes handicapées (1995). Département de la prévoyance sociale et des
assurances., Actes du colloque du 21 avril 1995, Lausanne.
Soin de la violence, violence du soin (1997).
46
Commission “ Maltraitance et Handicap ”, Département de la prévoyance
sociale et
des assurances, Actes du colloque du 16 avril 1997, Lausanne.
Numéros spéciaux de revues :
La maltraitance de l’enfance (1997) Réalités familiales. Revue de l’Union Nationale des
Associations Familiales. N° 45
47
CHAPITRE 6 : PREVENTION DE LA VIOLENCE /
INTERVENTION SUR LA PERSONNE
ATTEINTE D’AUTISME
Dr Paula Pinto de Freitas
Université de Porto (P)
APPDA
6.
INTRODUCTION
Nous croyons que l’enfant, l’adolescent ou l’adulte atteints d’autisme constituent, du fait de
leurs handicaps, un « groupe à risques » et peuvent faire l’objet de négligences ou subir de
mauvais traitements.
Pour prévenir la violence, il faut tout d’abord la reconnaître et la définir, et dans le cas des
personnes autistes la définir par rapport à la personne autiste. Violence active (maltraitance)
et passive (négligence, abandon) - corporelle/physique, psychologique ou sociale.
6.1
VULNERABILITE
La triade de perturbations au niveau de la communication, des interactions sociales et de
l’imagination qui caractérisent l’autisme, les altérations comportementales, particulièrement
les comportements d’auto et hétéro-agressivité, la déficience mentale qui y est associée
dans 75-80 % des cas, le non-développement du langage (50 % des cas) ou leurs difficultés
dans l’utilisation du langage pour communiquer avec les autres (langage fonctionnel), leur
hypersélectivité de certains stimuli sensoriels qui leur fait percevoir certains stimuli (par
exemple sonores) comme très agressifs, rendent les personnes autistes particulièrement
vulnérables aux mauvais traitements et en font un groupe à risques.
Les déficiences cognitives des personnes atteintes d’autisme, particulièrement leurs
difficultés à développer une « théorie de l’esprit » (theory of mind), font qu’on les considère
comme aveugles du point de vue social (mindblindness). Elles ont une grande difficulté à
lire les émotions, les intentions ou les pensées des autres. Uta Frith les appelle des
« behaviourists » parce que le sens qui se cache derrière les comportements leur échappe
souvent et à cause de cela, seul le comportement manifeste prend à leurs yeux de
l’importance. Du fait de leurs difficultés à comprendre le sens caché des actes des autres
personnes, les personnes autistes font souvent preuve d’une grande ingénuité. Ce qui fait
d’elles des personnes à haut risques susceptibles d’être victimes d’abus.
Les autres aspects qui doivent être pris en considération sont les difficultés qu’elles ont à
donner un sens général aux perceptions (a weak drive for central coherence). comme par
exemple la valorisation d’une attitude ou d’un comportement particulier dans des contextes
différents. A notre avis, elles sont, de ce fait, encore plus vulnérables. De plus, une
intervention pédagogique pour leur enseigner ce que sont les comportements abusifs, en
particulier ceux qui peuvent être nuancés selon le contexte relationnel et social devient
d'autant plus difficile.
Les perturbations au niveau des fonctions d’exécution concernent les capacités nécessaires
à définir des stratégies pour résoudre des problèmes. Ces capacités incluent la possiblité de
: désengagement du contexte externe, inhibition des réponses impropres, planification des
48
séquences d’actions désirées, contrôle de l’exécution et utilisation du feedback, flexibilité de
l’attention.
Ces perturbations peuvent nous aider à comprendre les difficultés qu’ont les personnes
autistes à évaluer les comportements des autres personnes dans différents contextes
sociaux et en particulier les comportements abusifs, et à donner les réponses adaptées, qui
leur permettent ainsi de se défendre contre les abus.
6.2
PREVENTION
Nous croyons qu’un des aspects à faire prévaloir dans la prévention de la violence est
justement la promotion d’une croissance et d’un développement harmonieux chez les
personnes autistes, en les élevant dans l'environnement le moins restrictif possible.
On peut parvenir à ces objectifs en respectant les Droits des Personnes Autistes.
A - Le droit pour les personnes autistes à d’un diagnostic et à une évaluation clinique
précise, accessible et sans parti pris (Droit n°2 de la Charte des Droits des Personnes
Autistes)
Ce diagnostic devra être fait le plus tôt possible.
C’est difficile de faire un diagnostic d’autisme avant les trois premières années, et il faut être
prudent avec les programmes de diagnostic précoce parce qu’il y a un risque de faux
diagnostic (positif et négatif). Mais, de toutes façons, il est possible d’identifier des enfants
perturbés au niveau de la communication, de la relation et de l’imagination dès 18 mois. La
Checklist for Autism in Todlers (CHAT) de Baron-Cohen entre autres, est un instrument utile
à un diagnostic précoce. Les enfants qui ont des troubles touchant deux ou plusieurs aires
développementales déjà évaluées (jeu du « comme si » (pretend play), attention partagée,
montrer du doigt, intérêt social et jeux sociaux) constituent un groupe à haut risque pour un
futur diagnostic d’autisme.
Les enfants atteints d’autisme devront toujours bénéficier d'une évaluation médicale
permettant le diagnostic des maladies organiques associées (35 % des enfants atteints
d’autisme ont une maladie organique qui peut être diagnostiquée - C. Gillberg et M. Coleman
- 1992). L’évaluation neuropsychiatrique proposée par Gillberg (1992) peut être un guide
utile.
L’importance d’un diagnostic précoce n’est pas tant le diagnostic en lui-même que le fait qu’il
permette la définition d’un plan de prise en charge et une intervention précoce.
B - Le droit de recevoir une éducation appropriée, accessible à tous, en toute liberté
(Droit n°3 de la Charte des Droits des Personnes Autistes)
L’autisme est un trouble envahissant du développement, ce qui veut dire que plusieurs
domaines (communication, compréhension sociale, imagination) sont touchés par les
« troubles qualitatifs » du développement. La plupart des personnes atteintes d’autisme
auront donc besoin d’une prise en charge et d’une éducation spécialisée durant toute leur
vie.
L’enfant atteint d’autisme a droit à une éducation individualisée, planifiée, incluant une
participation active de sa famille, et considérant la spécificité, les besoins et les potentialités
de chaque enfant, qui aura auparavant bénéficié d'une évaluation individualisée.
49
Un programme personnalisé devrait être établi afin de répondre aux besoins de la personne.
Celui-ci pourrait inclure une intégration aux systèmes scolaires « normaux » avec
éventuellement des programmes spéciaux.
Dans tous les cas, les enseignants devront être conscients des besoins particuliers de la
personne et de la famille. L’éventail d’options disponibles devrait inclure la possiblité de
classes spéciales ou d’écoles pour personnes atteintes d’autisme.
Les parents et les autres membres de la famille devraient être des partenaires activement
impliqués dans le programme éducatif ; l’expérience montre qu’une telle participation est
particulièrement bénéfique.
Toute prise en charge éducative devra être planifiée, devra expliciter ses raisons d'être, les
progrès envisagés, les moyens de les obtenir et devra être soumise à des évaluations
périodiques.
Les facilités d'éducation adéquate ne devraient pas être un fardeau financier pour les
familles des personnes atteintes d’autisme, qui devront jouir des mêmes droits à
l’enseignement que les familles ayant des enfants sans handicap.
Objectifs du traitement éducatif :
Favoriser le développement de la communication verbale et non-verbale, de la
compréhension sociale, des compétences sociales, des interactions sociales et des
compétences cognitives.
Favoriser l’acquisition de compétences fonctionnelles, qui peuvent être utilisées dans
différents contextes.
Maintenir une approche normative, écologique, qui assure aux personnes autistes un style
de vie le plus proche possible des personnes non handicapées du même âge. Le choix des
activités scolaires, des activités de loisirs et même le fonctionnement des institutions
spécialisés doivent refléter cet état d'esprit.
A l’âge pré-scolaire : promotion du développement global
A l’âge scolaire : adoption d’un curriculum scolaire adapté
A l’adolescence : envisager l’avenir, la vie sociale et communautaire et la transition vers
l’âge adulte.
On recommande, tout particulièrement dans le domaine de la prévention de la violence, la
recherche et le développement de programmes éducatifs de prévention de la violence qui
peuvent aider les personnes atteintes d’autisme à développer des compétences et stratégies
pour se protéger de la violence.
C- Le droit d'être élevé dans un environnement le moins restrictif possible, d'avoir
accès à la culture, aux loisirs, aux activités récréatives et sportives et d’en jouir
pleinement (Droit n°12 de la Charte des Droits des Personnes Autistes).
La lutte contre le repli des personnes autistes sur elles-mêmes, contre l’isolement au sein de
la famille ou de l’institution est un des moyens de prévenir les mauvais traitements (dans un
environnement ouvert, les mauvais traitements seront plus visibles et par conséquence
auront moins de chance de se produire et seront plus faciles à dénoncer/contrôler).
50
D - Le droit de profiter et d’utiliser tous les équipements, services et activités mis à la
disposition du reste de la communauté (Droit n°13 de la Charte des Droits des
Personnes Autistes).
Pour la grande majorité des personnes atteintes d’autisme, un soutien sera nécessaire afin
de les encourager à être indépendants, de les aider à imposer leurs droits et à prendre leurs
responsabilité dans ces domaines.
Bien que cela ne soit pas toujours évident, la personne atteinte d’autisme se soucie de son
apparence, de ses réalisations, de ses aptitudes et de son indépendance, de la même façon
que la personne non handicapée. En développant tous ces domaines, la personne atteinte
d’autisme acquiert plus de confiance et plus de dignité en elle-même.
E - Le droit pour les personnes atteintes d’autisme à ne recevoir aucune thérapeutique
pharmacologique non appropriée et/ou excessive (Droit n°18 de la Charte des Droits
des Personnes Autistes)
Il n’y a pas des thérapeutiques pharmacologiques spécifiques pour l’autisme, les
pharmacologies sont utilisées pour contrôler des symptômes (par exemple : instabilité,
stéréotypies, irritabilité, comportements d’auto et hétéro-agressivité, dépression, isolement..).
il y a aussi des maladies associées à l’autisme qui ont besoin de thérapeutique
pharmacologique spécifique (par exemple, l’épilepsie).
Mais toute médication doit être soumise à une évaluation rigoureuse et continue de ses
effets (désirables et secondaires). En effet, seule une évaluation rigoureuse et continue
permet de prendre la décision de maintenir (et à quelle dose) ou de suspendre une
thérapeutique.
LES 10 PRINCIPES DE PHARMAUTISME DE J. FUENTES (1998)
1 . Non, il n’existe pas de médicaments pour soigner l’Autisme. On a essayé beaucoup de
médicaments mais aucun n’a réglé les problèmes fondamentaux que nous appelons
Autisme.
2 . Oui, il existe des médicaments qui peuvent être efficaces pour traiter les troubles
psychiatriques ou certains comportements des personnes atteintes d’autisme.
3 . Non, on ne doit pas avoir recours aux médicaments lorsque nous ne sommes pas
capables d’obtenir avec d’autres méthodes les progrès souhaités chez la personne
atteinte d’autisme. Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de traitement pour l’autisme et les
médicaments peuvent compliquer encore plus la situation.
4 .Oui, les médicaments peuvent être un complément à un programme de traitement
multimodal et rendre plus efficaces d’autres interventions.
5. Non, il ne faut pas utiliser les médicaments comme substituts d’autres traitements sociaux
et éducatifs, ni pour pallier des carences structurelles comme par exemple un manque de
personnel qualifié.
6. Oui, il faut toujours penser que lorsqu’on donne un médicament, on tente un essai sans
être sûr du résultat. Aucun médicament ne doit être, en principe, administré toute la vie.
51
7. Non, on ne doit pas administrer de médicaments psychotropes sans s’être assuré
auparavant que les problèmes de comportement n’ont pas une origine physique, tout
particulièrement lorsqu’il s’agit de petits enfants ou de personnes non verbales (l’agitation
peut être due à un mal de dent, à un mal de tête, à une otite, etc.)
8. Oui, il faut toujours suivre les instructions du personnel médical : ne pas augmenter ou
diminuer la dose sans autorisation ; ne pas raccourcir ou prolonger les traitements sans le
contrôle nécessaire.
9. Non, il ne faut pas espérer que les médicaments psychotropes soient sans effets
secondaires. Presque tous les médicaments ont des effets positifs et négatifs, et en
terme général il faut bien peser le pour et le contre.
10. Oui, les personnes atteintes d’autisme, dans la mesure de leurs possibilités, les familles
et les professionnels concernés doivent être toujours impliqués et informés des limites,
risques et bénéfices potentiels des médicaments. La personne autiste et/ou son tuteur
légal ont le droit de donner un consentement éclairé et c’est au professionnel qui prescrit
les médicaments qu’incombe l’obligation de fournir les données nécessaires pour qu’ils
puissent prendre leur décision en connaissance de cause.
F- Le droit pour les personnes atteintes d’autisme à une formation répondant à leurs
souhaits et à un emploi significatif, sans discrimination ni idées préconçues (Droit
n°10 de la Charte).
La formation et l’emploi devrait tenir compte des capacités et des goûts de la personne.
Les personnes atteintes d’autisme devraient avoir la possibilité d’accomplir une variété de
tâches et de partager une variété d’expériences de travail. Il ne peut y avoir un choix
possible que si une telle variété existe et lorsque les gens en sont conscients. A cause des
difficultés qui leur sont inhérentes, les personnes atteintes d’autisme, pourront nécessiter
une aide considérable dans l’accomplissement des tâches en question. Des efforts devront
être faits pour leur enseigner et les encourager à essayer de nouvelles tâches qui peuvent
parfois, à première vue, apparaître comme un défi et sembler dépasser leurs capacités.
Les activités de chaque individu doivent être reconsidérées régulièrement afin de s’assurer
qu’elles reflètent les aspirations et les capacités de développement de l’individu, et aussi
pour prévenir qu’il devienne victime d’exploitation. Même lorsqu’une personne autiste
semble satisfaite de son travail, il peut être approprié de considérer l’expérience avec une
alternative. La personne peut préférer son premier emploi et la possibilité d’y retourner
devrait exister.
G- Le droit pour les personnes autistes d’avoir des relations sexuelles y compris dans
le mariage, sans y être forcées ou exploitées (Droit n° 14 de la Charte)
Comme tous les citoyens, les personnes autistes ont le droit d’avoir des relations sexuelles
et autres (y compris de se marier) sans y être forcées ni exploitées. Elles ont le droit de ce
fait à recevoir des conseils appropriés, notamment sur les méthodes contraceptives.
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H - Le droit pour la personne atteinte d’autisme aux conseils et aux soins appropriés
pour leur santé mentale et physique et pour leur vie spirituelle (Droit n° 9 de la
Charte).
Ceci signifie que leur soient accessibles des traitements et des médications de qualité et
qu’ils leur soient administrés seulement à bon escient et en prenant toutes les mesures de
précautions nécessaires.
Les personnes atteintes d’autisme sont soumises à la même série de problèmes de santé
que n’importe quelle autre personne. Parce qu’ils sont souvent incapables d’exprimer un
sentiment de malaise, ou l’exprime sous une forme mal adaptée (par exemple, instabilité,
comportements d’auto ou d’hétero-agression), la famille et le personnel d’encadrement
doivent être particulièrement attentifs à tout signe de problème de santé. Des contrôles de
santé réguliers devraient être réalisés et les résultats des examens médicaux (avec
contrôles de la vue, de l’audition, des dents...) devraient être enregistrés. Lorsque les
problèmes sont identifiés, le traitement devra être appliqué avec une attention toute
particulière quant aux effets (désirés ou secondaires).
Les traitements médicaux, en particulier l’avortement et la stérilisation pour raisons autres
que médicales, ne devraient pas être appliqués à une personne autiste sans son
consentement éclairé ou, si elle est incapable de donner son consentement, sans le
consentement de son tuteur légal dans le cadre de la loi. Toutes les mesures nécessaires
doivent être prises pour obtenir son consentement éclairé, y compris des conseils adéquats
et le soutien de la personne autiste et de sa famille ou tuteur.
Les personnes atteintes d’autisme rencontrent les mêmes problèmes que les autres
membres de la société et souvent sous des formes plus graves. Deuils, séparations et
éloignement des personnes et lieux familiers sont stressants pour tous mais, les effets
peuvent être dévastateurs pour ceux dont la compréhension est incomplète. Des conseillers
avec une bonne compréhension de l’autisme devraient être disponibles pour aider, conseiller
et soutenir la personne atteinte d’autisme lorsqu’elle traverse ces périodes difficiles.
I - Le droit de ne pas être soumis à la peur ou à la menace d’un enfermement injustifié
dans un hôpital psychiatrique ou dans toute autre institution fermée Droit n°16 de la
Charte).
La menace d’enfermement est une violence psychologique et l’enfermement injustifié est
une agression et un attentat à la dignité et à la liberté individuelle, droits fondamentaux de la
personne.
L’inexistence de services ou d'institutions adaptées aux besoins des personnes atteintes
d’autisme peut conduire à l’enfermement injustifié.
J - La participation des personnes atteintes d’autisme (ou leurs représentants) à
toutes les décisions qui les concernent doivent être encourager (Droit n° 4 de la
Charte).
Les désirs de l’individu doivent, dans la mesure du possible, être reconnus et respectés.
Aucun effort ne devrait être épargné dans l’explication des options disponibles. Aucune
tentative ne devrait être faite dans le but d’obtenir des réponses particulières par la tromperie
ou par l’omission de détails significatifs.
53
Même les personnes atteintes de formes sévères de handicap et incapables de s’exprimer
verbalement peuvent manifester leurs préférences par leur comportement, humeur, plaisir,
ou dégoût. Ceux qui les connaissent (parents, personnel soignant) sont d’habitude capables
de décoder leurs signes et comprendre leurs préférences.
Il est reconnu qu’il n’est pas toujours dans l’intérêt de la personne autiste que tous ses désirs
soient réalisés, mais lorsque des souhaits, exprimés ou non, sont rejetés, il faudrait fournir
des explications à la personne autiste.
Tous les enregistrements d’accords devraient être soumis à l’approbation de la personne
autiste et/ou de ses représentants.
K - Le droit pour les personnes atteintes d’autisme (ou leurs représentants) d’avoir
accès à leur dossier concernant le domaine médical, psychologique, psychiatrique et
éducatif (Droit n°19 de la Charte).
Les informations personnelles contenues dans de tels registres ne devraient pas être
communiquées à des organismes externes, chercheurs y compris, sans la permission
expresse des personnes ou de leurs représentants.
L - Le droit de ne pas subir de mauvais traitement physique, ni de souffrir de carences
en matière de soins (Droit n°17 de la Charte).
C’est pour mettre en pratique ce droit que nous essayons de définir ce Guide de bonnes
pratiques, mais il faut toujours rappeler que les punitions physiques ne sont jamais
acceptables dans l’éducation de ces enfants.
L’utilisation de la violence conduit à une escalade de violence, la victime d’aujourd’hui peut
devenir l’agresseur de demain.
Le contrôle pharmacologique ou physique des
comportements d’auto ou d’hétero-agressivité qui surgissent dans ce contexte, serait intégré
dans un nouveau cycle de violence.
La carence en matière de soins est un autre aspect que l’on peut prévenir, mais il faut aussi
rappeler que la carence de soins peut aussi induire une altération de comportements qui
amène l’usage de contrôle pharmacologique ou physique et un autre cycle de violence
s’installe.
Il faut interrompre la spirale de violence grâce aux bonnes pratiques.
REFERENCES
Charte Autisme-Europe et appendices
Pharmautisme de J. Fuentes 1998
Autism. Explaining the enigma - Uta Frith, 1993
Autism - an introduction to psychological theory - F. Happé, 1994
Autism and Learning - A guide to good practice - Stuart et Rita Jordan, 1997
L’autisme. De la compréhension à l’intervention - Theo Peeters, 1996
Autism - preparing for adulthood - Patricia Howling, 1997
The biology of the autistic syndrome - C. Gillberg, M. Coleman, 1992
A. Bailey, W. Philips, M. Rutter, 1996 : Autism : towards an integration of clinical, genetic,
neuropsychological, and neurobiological perspectives. J. of Child Psychology and Psychiatry,
37, 89-126
54
Invisible victims - crime and abuse against people with learning difficulities - C. Williams,
1995
55
CHAPITRE 7 :
FAMILLE
PREVENTION DE LA MALTRAITANCE EN
Dr Donata Vivanti
Présidente ANGSA LOMBARDIA
Mère de jumeaux autistes
7.1
ACTION SUR LA FAMILLE
7.1.1 L‘INFORMATION
Pour pouvoir soulager l’angoisse et l’incertitude des parents face à un enfant tellement
différent et réduire ainsi les risques de maltraitance en famille, il faut d’abord que le
diagnostic d’autisme soit accessible et précoce.
Il est indispensable aussi que les parents reçoivent au plus tôt une information correcte sur
l’origine et les caractéristiques du syndrome autistique, dans le but de les aider à mieux
comprendre et à aborder les problèmes spécifiques de leur enfant.
Il est aujourd’hui inacceptable non pas seulement de culpabiliser la mère, mais aussi de taire
un doute que le diagnostic d’autisme même peut entraîner: les professionnels devraient être
très explicites sur ce point et commencer par libérer les parents de tout sentiment de
culpabilité et de tout préjudice.
Pourtant l’idée que son enfant est atteint d’un handicap permanent, et souvent d’un retard
mental, peut être difficile à accepter, alors que l’espoir de pouvoir résoudre tout problème
en changeant soi même est tellement plus séduisant.
Il faudra expliquer que le diagnostic de handicap mental n’est pas une condamnation à vie,
qu’une bonne prise en charge pourra améliorer de manière significative les capacités de
l’enfant qui a, de son côté, droit au respect et à la confiance de tout le monde.
En outre, à cause de l’hétérogénéité des manifestations et des niveaux de développement,
le diagnostic d’autisme n’explique pas encore aux parents assez sur leur enfant: il faut aussi
leur fournir une évaluation individuelle de ses capacités et de ses possibilités pour le
protéger des attentes excessives et des échecs éducatifs de la famille.
7.1.2 LA FORMATION
“Mon enfant ne me regarde pas, il n’obéit pas, il se comporte comme si nous n’existions pas,
il semble se moquer de nous. Comment devons nous nous conduire avec lui?”
Beaucoup de professionnels répondent à cette question: “Soyez tout simplement des
parents”.
Mais être les parents d’un enfant autiste, ça n’est pas simple du tout: il faut connaître la
diversité de l’autisme, les stratégies pour obtenir l’attention et la collaboration de la
personne autiste, les difficultés sous-jacentes aux problèmes de comportement, et
apprendre à se comporter avec lui.
Lorsque les services n’offrent pas assez d’information dès le début, la famille, pour survivre,
est obligée de s’informer elle même, et dans le souci de ne rien négliger qui puisse aider
l’enfant, elle risque de se perdre dans un méandre de messages confus, balancée
continuellement entre espoir et déception: c’est la période de la “thérapie d’un jour”. Les
parents ne devraient pas appliquer de leur propre initiative de nouveaux traitements
médicaux, pharmacologiques et diététiques sans avoir au préalable consulté des
professionnels avisés. Il est souhaitable au contraire que les professionnels, après avoir
informé la famille des caractéristiques de l’autisme et après avoir évaluer les capacités de
l’enfant, prennent en charge la formation de la famille, soit par des cours théoriques dédiés
aux parents ou communs pour parents et professionnels, soit par la collaboration active à
56
des programmes individualisés de prise en charge et de généralisation des compétences à
la maison à l’aide de séances de travail en commun.
7.1.3 L’IMPLICATION DANS LA PRISE EN CHARGE
La famille a un rôle éducatif primordial à l’égard de son enfant, et aucun parent ne peut
accepter d’assister passivement à son développement: un programme d’intervention devrait
être créé en tenant compte de la connaissance profonde que n’importe quelle famille a de
son enfant, de ses priorités et de son style de vie, mais aussi prévoir la participation des
parents en tant que partenaires actifs du plan éducatif.
Malheureusement, il arrive trop souvent que les parents, surtout les mères d’enfants
autistes, perdent aux yeux des professionnels leur identité et leur dignité de personne: tout
ce qu’ils ont fait dans leur vie, leur humanité même ne vaut plus rien , ils se sentent
considérés, en tant que parents d’enfants handicapés, incapables eux mêmes.
L’implication active de la famille dans un programme de prise en charge accroît les chances
de l’enfant de se développer au mieux, et au même temps représente le moyen le plus
efficace pour soulager les parents des sentiments de culpabilité et d’inadéquation, en leur
rendant leur rôle éducatif et la confiance en leurs capacités.
Les parents pourront ainsi comprendre peu à peu que “être mieux” ne signifie pas
nécessairement “être plus normal”, et après les premiers succès ils commenceront bientôt à
aimer et à respecter la spécificité de leur enfant. Les risques de maltraitance
en famille seront ainsi nettement diminués.
7.2
ACTION SUR L’ENVIRONNEMENT
7.2.1
LA PLANIFICATION DE LA PRISE EN CHARGE ET LA COORDINATION DES
SERVICES
Pour prévenir la violence domestique à l’égard des enfants autistes, chaque enfant devrait
être diagnostiqué dès que possible et tous les professionnels impliqués dans les soins à
l’enfance devraient recevoir une formation adéquate sur l’autisme et devraient au moins
avoir les compétences nécessaires pour référer la famille le plus vite possible aux services
spécialisés. Un service de diagnostic n’a pas de sens s’il ne pourvoit pas à une évaluation et
à un programme d’intervention individualisée pour l’enfant, adapté à ses besoins et aux
ressources de son environnement de vie, et supervisé régulièrement.
L’angoisse de la famille en face d’un avenir incertain pourrait ainsi être soulagée par la
programmation précoce de la prise en charge de l’enfant pendant toute la journée et toute la
durée de sa vie.
Cela demande évidemment une collaboration entre services, institutions et familles, dans
une cohérence d’intervention par toute personne impliquée, et un programme politique de
création de lieux de prise en charge adaptés pour les autistes adultes quel que soit leur
niveau : ateliers protégés, lieux de vie, etc.
Il est d’ailleurs logique qu’un trouble envahissant tel que l’autisme, qui atteint plusieurs
domaines, éducatif, psychologique, médical, etc., demande une intervention généralisée; l’
intervenant qui travaille sans collaborer avec les autres personnes impliquées, y compris les
parents, sera responsable de ne pas avoir donné toutes les chances possibles de
développement à la personne autiste.
7.2.2 LE SOUTIEN SOCIAL ET EMOTIF
Il faudrait aider les parents de personne autiste à garder le même style de vie et les mêmes
relations sociales qu’avant la naissance de l’enfant, ce qui implique la disponibilité de
57
services organisés et accessibles et de personnel formé et compétent qui lui permettent de
maintenir leurs emplois et leur cercle d’amis, mais aussi de trouver le temps pour cultiver les
rapports de couple et de s’occuper des autres enfants.
En effet il ne faut pas oublier que la famille de l’enfant autiste n’est pas exempte des
problèmes de tout le monde, difficultés financières, maladies ou les devoirs à l’égard des
parents âgés.
Une chose est sûre : le risque de maltraitance pour l’enfant diminue s’il n’est pas le pivot,
mais tout simplement un membre de la famille présentant un problème supplémentaire.
Des moments de répit, la chance pour les parents et les frères et soeurs de jouir de brèves
périodes de vacances en sachant que leur enfant est confié à des personnes compétentes
dans un milieu adapté, donnent la possibilité de se recharger et de trouver des nouvelles
énergies pour affronter les difficultés de la vie quotidienne.
La solidarité et la compréhension des autres parents d’enfants autistes au sein des
associations représentent aussi un soulagement émotif, mais elles ne devraient pas
remplacer les relations sociales et les intérêts cultivés au dehors de l’autisme, faute de
devenir une nouvelle source de marginalisation.
L’aide concrète des services pour maintenir la vie sociale et relationnelle au sein et en
dehors de la famille, une perspective digne pour l’avenir de l’enfant, la confiance des
professionnels et par conséquent la confiance en soi et dans les possibilités de l’enfant
représentent le soutien émotif le plus efficace, lorsque les professionnels impliqués sont
vraiment motivés et spécialisés dans l’autisme.
7.3
LE ROLE DES ASSOCIATIONS DE PARENTS
7.3.1 INTRODUCTION
En représentant un pont entre les familles et les services; les associations de parents ont un
rôle très important et en même temps très délicat dans la prévention des abus à l’égard des
enfants autistes ; au delà de l’influence que les associations sans but lucratif ont dans
chaque pays, elle sont le porte-parole des parents et peuvent contribuer à prévenir la
maltraitance en collaborant avec les services et les institutions.
L’autisme est pourtant un domaine encore assez peu connu, surtout en ce qui concerne les
causes et en conséquence les stratégies d’intervention. Il n’existe malheureusement pas
encore une solution définitive ou des recettes valables pour tout le monde: ce qui donne aux
associations de parents d’enfants autistes la tâche supplémentaire d’orienter les choix des
parents et des services vers les types de prise en charge les plus adaptés aux
caractéristiques du handicap et de l’enfant et en même temps les plus respectueux des droit
de la personne.
7.3.2 ACTIONS SUR LA FAMILLE
7.3.2.1
Informations sur l’autisme
S’il est souhaitable que l’information aux parents soit d’abord donnée par les services
chargés de la prise en charge de l’enfant , même si les associations peuvent contribuer à
libérer le champ des fausses croyances sur l’autisme par le moyen de publications, diffusion
de matériel de vulgarisation, organisation de congrès ou séminaires dédiés aux parents,
entretiens privés, dans le but d’accroître la compétence des parents et d’améliorer ainsi la
qualité de vie de l’enfant et de la famille.
Lorsque l’environnement social est encore influencé par les théories psychogéniques de
l’autisme, l’information et la solidarité des autres parents seront une aide précieuse pour
libérer les familles du sentiment de culpabilité.
58
Pourtant les parents mêmes peuvent se montrer réticents à abandonner les anciennes
croyances sur l’autisme, surtout quand l’enfant est tout petit et doué: il est très logique que
des personnes qui ont déjà investi tant d’amour dans leur enfant préfèrent au fond accepter
le rôle de coupables que d’abandonner l’espoir d’un épanouissement à la normalité: il sera
plus facile pour eux d’accepter la vérité si elle est exprimée par d’autres parents qui ont déjà
vécu les mêmes angoisses.
Les associations devraient organiser des réunions informelles où les parents auraient la
possibilité de trouver la chaleur de la compréhension et de la solidarité, mais aussi
d’accroître leur compétence par les témoignages des familles plus expertes, de se rassurer
sur leurs capacités, et de se réapproprier le rôle éducatif dans le respect de la diversité de
leur enfant.
L’information sur l’autisme devrait suivre le plus possible la conception actuelle, pour ne pas
risquer de confondre la famille et la plonger dans la période de la “thérapie du jour”; toutefois
il est logique que des parents tellement éprouvés par les difficultés de la vie avec les
problèmes de l’autisme et bouleversés par les souffrances de leur enfant, se tournent vers la
première solution qui s’offre à eux deviennent la proie des marchands d’illusion.
L’association peut aider ces parents en se tenant au courant de toute nouveauté et en
mettant à leur disposition toute information utile, sans préjudices mais sans encourager le
marché des illusions, éventuellement à l’aide d’un comité scientifique de professionnels
compétents, influents et désintéressés.
7.3.2.2
Information sur les droits de l’enfant
Trop souvent les parents des enfants autistes, écrasés par l’intolérance de l’environnement
social, humiliés par les refus des professionnels et des institutions, épuisés par les
problèmes quotidiens, mendient comme une faveur ce qui est un droit acquis pour les
enfants dits “normaux”, trop souvent, ils acceptent une négligence injustifiée.
Ils ont des difficultés à s’orienter dans le labyrinthe de la bureaucratie et des lois, dont
parfois ils ignorent l’existence et qui semblent d’autant plus compliquées qu’elles sont
destinées à protéger les plus faibles.
Une bonne information par l’association et les conseils de parents plus compétents peuvent
aider les familles à ne pas se décourager pas et à mieux défendre les droit de leurs enfants.
7.3.2.3
Informations sur les services
Lorsque les parents ne trouvent pas de services qui acceptent de prendre en charge leurs
enfants, ils peuvent être tenter de chercher des recettes ou confier leur enfant à n’importe
quelle ” méthode” ou n’importe quelle nouveauté promettant le miracle de la guérison.
On sait que, même si l’enfant reste autiste toute sa vie, une prise en charge adaptée peut
améliorer sensiblement son autonomie à l’âge adulte. La déception des parents peut donc
constituer pour l’enfant un risque de négligence et limiter ses chances de développement.
Les associations peuvent représenter pour les familles la source la plus désintéressée
d’adresses de services compétents et efficaces, sur base des témoignages des parents,
mais aussi de contrôles effectués auprès des services spécialisés (voir: “Collaboration avec
les services”).
7.3.2.4
Soutien
Comme on a déjà vu, tout le sentiment de culpabilité que l’incompréhension de l’autisme
risquent d’entraîner des attentes excessives de normalité ou bien de placer la faute du
comportement autistique sur l’enfant et nourrir l’illusion qu’il puisse, mais qu’il ne veule pas,
être comme les autres. L’exaspération qui résulte de sa prétendue attitude d’opposition et du
sentiment d’inadéquation entraîne des punitions tout à fait injustifiées.
Or une vérité cruelle peut être plus facilement acceptée si elle vient d’un autre parent, qui a
déjà parcouru la route douloureuse de la conscience, du désespoir et de l’acceptation, et qui
59
saura écouter avec empathie et trouver le moment et les mots les plus adaptés pour
partager la vérité, pour soulager et pour encourager la confiance en soi et en ces possibilités
de développement de l’enfant.
La solidarité des autres parents de l’association pourra rendre aux parents l’amour-propre et
la force de se battre avec fierté contre l’intolérance à l’égard d’un enfant qui donne à tous
une occasion d’apprentissage et de croissance.
7.3.2.5
Sensibilisation aux responsabilités des parents
Les associations de parents représentent l’institution la plus adaptée pour rappeler aux
parents leurs responsabilités à l’égard de l’enfant autiste sans éveiller le soupçon de
minimiser les difficultés de la famille ou de la culpabiliser .
Il serait toutefois trop simpliste de recommander à des personnes dont la vie est dévastée
par l’autisme de respecter la diversité de leur enfant, de garder la confiance dans ses
possibilités, d’être fière de ses efforts pour s’adapter à un monde incompréhensible, de
défendre ses droits: au contraire, faute d’aide de l’environnement social, cela pourra
augmenter le sentiment de frustration et d’inadéquation, et par conséquent le risque de
maltraitance pour l’enfant.
Les associations peuvent par contre sensibiliser les parents à l’égard des tâches pratiques
qui peuvent aider sensiblement à améliorer la vie de l’enfant et de sa famille et à le protéger
des maltraitances, en donnant les recommandations suivantes:
- ne pas compter seulement sur ses propres forces et ne pas renoncer à une prise en charge
hors de la famille dans le but d’épargner des souffrances à l’enfant. Ne pas penser que l’on
peut prendre soin de l’éducation et du développement de son enfant tout seul: personne ne
peut aborder seul un problème aussi généralisé que l’autisme. De plus l’enfant va bientôt
devenir un adulte avec ses droits et ses exigences de participation à la vie sociale;
- encourager la collaboration des frères et soeurs, mais se poser comme objectif prioritaire
d’apprendre à l’enfant autiste à respecter leurs espaces de vie, éventuellement à l’aide d’un
programme élaboré en collaboration avec les professionnels: il a plus besoin de leur
sympathie que d’une tolérance imposée;
- s’efforcer de ne pas enfermer l’enfant à la maison par peur des critiques, et de réagir avec
calme aux manifestations d’intolérance sans l’humilier, par exemple à l’aide d’une petite et
simple brochure sur l’autisme mise à disposition par l’association et que l’on peut au besoin
offrir accompagnée d’une phrase telle que: ”Malheureusement mon enfant est autiste; est-ce
que vous connaissez l’autisme?”;
- n’avoir pas peur de demander explicitement l’aide même physique des étrangers en cas
de besoin (par exemple lui donner la main pour monter dans un bus ou pour traverser la
rue): il est rare qu’une personne interpellée directement ait le courage de refuser sa
collaboration, et cela peut être l’occasion de la rendre consciente aux problèmes de
l’autisme;
- encourager la collaboration de parents, amis, voisins et bénévoles sincèrement motivés à
aider l’enfant, même s’ils ne sont pas compétents: les personnes moins adaptées vont
s’éloigner bientôt spontanément, mais il arrive qu’on trouve des collaborateurs précieux;
- être prêts à collaborer sans préjugé avec les professionnels et à les rencontrer chaque fois
qu’il faut pour témoigner les difficultés de l’enfant ou pour discuter des objectifs de la famille;
- garder et mettre à disposition des professionnels toute documentation ou évaluation de
l’enfant;
- déterminer dès le début de la prise en charge un système d’échange régulier d’informations
entre la famille et les professionnels, et les rôles réciproques;
- demander un programme qui permettra de généraliser à la maison les compétences
acquises hors de la famille, et s’efforcer de le mettre en oeuvre;
- faire confiance aux professionnels qui font preuve de leur souhait de prendre l’enfant à
coeur et de vouloir collaborer, même si au début ils éprouvent quelques difficultés, mais être
60
prêt à demander un avis extérieur si le service semble manquer d’expérience ou de
compétence;
- prêter attention aux réactions de refus de l’enfant à l’égard des professionnels qui l’ont en
charge et signaler au plus tôt aux responsables des services n’importe quel soupçon de
maltraitance;
- prêter attention à la présence de contritions ou blessures trop fréquentes, même si l’enfant
présente des problèmes d’automutilation: une prise an charge adaptée devrait diminuer les
épisodes d’autoaggressivité.
7.3.3 ACTION SUR L’ENVIRONNEMENT
7.3.3.1
Sensibilisation de l’opinion publique
Le handicap n’est pas une affaire de famille: personne n’a souhaité l’autisme de son enfant,
et, bien que la famille soit la première responsable des choix de vie pour son enfant,
personne ne peut se déclarer à l’abri de ces difficultés.
Il arrive parfois que les familles trouvent une aide précieuse dans leur environnement social:
parents, amis, bénévoles du quartier. Cette situation représente la meilleure chance pour
l’enfant de dépasser l’isolement et de réaliser une vraie participation à la vie sociale, et
devrait être encouragée par une sensibilisation et une vulgarisation des côtés positifs de
l’autisme, tels que la naïveté, l’attitude au travail, etc. .
Par contre, il arrive assez souvent que l’intolérance à l’égard des comportements difficiles de
la personne autiste même à bout de la solidarité, et que tout effort de la famille pour intégrer
son enfant dans le milieu social soit bientôt frustré. En outre, à cause de sa naïveté, l’enfant
peut devenir la victime des plaisanteries de ses camarades “normaux”, et être humilié en
raison de ses bizarreries.
Parfois encore , si son handicap n’est pas bien compris, il peut arriver qu’il ne soit pas assez
protégé, et que les meilleures intentions du monde l’exposent aux dangers ou bien à la
souffrance d’une promiscuité sociale intolérable, d’un environnement chaotique et
incompréhensible: tout le monde connaît le cas d’enfants autistes plongés au milieu d’une
fête bruyante qui, faute d’une préparation adaptée et de points d’orientation, développent
des crises de comportement .
Les associations de parents peuvent améliorer la participation de la personne autiste et son
intégration dans l’environnement en sensibilisant l’opinion publique sur l’autisme et sur ses
caractéristiques, en sollicitant la diffusion de sa compréhension par les média, en organisant
des conférences de vulgarisation et des cours adressés aux camarades et à leurs familles
dans les écoles ou tout autre environnement de vie de l’enfant.
Il faudra expliquer que l’autisme n’est pas contagieux, et qu’il représente pour les autres une
chance de développer son sens de responsabilité et le respect de la diversité, c’est à dire de
devenir des citoyens responsables.
7.3.3.2
Collecte d’informations : un numéro vert pour signaler les abus
Il arrive souvent que les plaintes des parents à l’égard des professionnels ne soient pas
prises au sérieux. Parfois les parents mêmes, bien qu’ils aient connaissance d’un épisode de
maltraitance à l’égard de leur enfant, préfèrent se taire, de peur de perdre l’aide du service,
pour protéger l’enfant des représailles ou par crainte qu’il ne soit enfermer.
De même les professionnels, même les plus diligents, peuvent oublier leur devoir de
protéger avant tout les personnes les plus faibles et confondre complicité tacite et solidarité à
l’égard des collègues ou avec loyauté à l’égard du service, en profitant des difficultés de
communication, c’est à dire du handicap même, des personnes autistes .
Parfois, bien qu’ils soient conscients de leur responsabilité, c’est la peur d’être isolés,
critiqués ou licenciés qui les empêche de dénoncer des épisodes dont ils ont été témoins.
61
Les associations pourraient faire pression auprès des institutions publiques pour obtenir la
création d’un numéro vert qui prête attention à toute plainte en protégeant l’anonymat et en
promouvant sans préjugés la vérification de n’importe quel signalement de maltraitance.
7.3.3.3
Collaboration avec les services
Il est souhaitable que les associations organisent des commissions de parents non
directement impliqués, chargées de superviser les services, de participer à la rédaction des
règlements intérieurs et d’en contrôler l’application.
Les commissions des parents pourraient remplir les tâches suivantes auprès des services:
- aider à garantir une prise en charge compétente et respectueuse des besoins et des droits
de la personne autiste, et à protéger l’enfant de n’importe quel abus physique ou
psychologique;
- contrôler que les médicaments soient administrés dans le but d’améliorer le bien-être de la
personne et non pas pour apaiser les problèmes de comportement dus à une prise en
charge inadaptée;
- contrôler que la famille aie facilement accès à toute documentation qui concerne l’enfant,
et à toute information sur n’importe quelle initiative thérapeutique et de recherche: dans ce
cas, il faudra vérifier qu’il existe une autorisation écrite par les parents;
- encourager la collaboration et une attitude impartiale des professionnels à l’égard de la
famille dans le but d’améliorer la prise en charge et le sentiment d’adéquation des parents;
- éviter que les parents soient interrogés sur leur style de vie: s’ils se sentent soupçonnés,
critiqués, ils risquent de renoncer à la prise en charge de leur enfant;
- aider les services à se doter d’un réseau de professionnels informés sur les difficultés de
l’autisme qui peuvent être consultés par les parents pour tout problème médical:
indispositions, maladies, problèmes de dents, etc., puisque les personnes autistes ne sont
pas immunisées contre les maladies;
- collaborer à la tâche ingrate de gérer la liste d’attente et de décider des priorités
d’admission ;
- collaborer au recrutement du personnel.
7.3.3.4
Soutien aux professionnels
Les professionnels impliqués dans la prise en charge des personnes autistes ont aussi leurs
problèmes, à cause de la difficulté du handicap mais aussi de l’incompréhension des
collègues.
“Tu as de la chance avec un enfant comme cela..”: la mine normale de l’enfant autiste
trompe encore une fois , et le manque de connaissance de la gravité de l’autisme fait le
reste.
Les collègues se moquent parfois des stratégies éducatives bizarres, ou critiquent le
particularité de la prise en charge. Il peut arriver que les directeurs mêmes des services aient
du mal à comprendre qu’un enfant apparemment si normal ait besoin de tant de soins.
Les progrès de l’enfant en outre sont souvent très modestes, et il est fait rarement montre
de gratitude envers son éducateur.
La compréhension des difficultés et l’appréciation par les associations des parents peut alors
encourager et motiver les professionnels compétents et respectueux de la personne autiste.
Les associations peuvent aussi s’engager dans la tâche politique de valoriser les
professionnels et les services compétents auprès des institutions, de réclamer des
financements proportionnés au besoin de formation permanente et à la difficulté de la prise
en charge, et de rassembler les fonds nécessaires; elles peuvent enfin contribuer à la
motivation du personnel en organisant des visites d’échanges ou des projets communs avec
les services spécialisés d’autres pays.
62
CHAPITRE 8 : PREVENTION AU SEIN DES SERVICES ET
ETABLISSEMENTS
Bill Meldrum
Scottich Society for Autistic Children (GB)
8.1
PROBLEMES ORGANISATIONNELS
8.1.1
Les organisations et agences publiques travaillant dans le domaine de l'autisme
devraient disposer d'un Code de Bonne Pratique qui prenne en considération les
difficultés particulières liées à l'autisme.
Chaque organisation/service devrait adopter une brève déclaration de principe sur sa
position quant à la protection du bien-être des enfants et des adultes avec lesquels
elle/il travaille. Cette politique devrait clairement spécifier le rôle de tous les employés
et personnes impliquées dans l'organisation pour prévenir les abus physiques,
sexuels ou psychologiques sur toutes les personnes avec lesquelles ils sont en
contact.
Une telle déclaration devrait être portée à la connaissance de tous les membres du
personnel déjà en fonction et des employés engagés. Ils devraient également être
informés des lignes directrices ou des formations qui leur permettraient de mettre en
pratique cette même déclaration. L’existence de ces déclarations de principe
devraient, en outre, être signalée aux parents et tuteurs.
8.1.2
Le travail de l'organisation devrait être planifié de manière à minimiser le nombre de
situations dans lesquelles des abus peuvent se produire.
Cela inclut les mesures suivantes:
Les activités qui impliquent la présence d'un seul enfant et d'un adulte devraient se
dérouler dans des pièces pourvues de divers moyens d'observation et de contrôle.
Les membres du personnels et les bénévoles ne devraient pas rencontrer des
enfants ou des adultes hors de l'organisation en l'absence d'un parent ou d'un autre
adulte.
Lorsqu'il est nécessaire que des adultes travaillent avec des enfants ou des jeunes
dans des infrastructures non supervisées (ex.: programmes d'assistance aux
personnes autistes), les organisations devraient entreprendre toutes les démarches
possibles pour s'assurer que les personnes occupant des positions à si hauts risques
n'aient aucun précédent d'abus ou ne soient pas des agresseurs potentiels. Cela peut
impliquer des procédures d'engagement beaucoup plus approfondies, l'obtention de
références supplémentaires ainsi qu'une supervision très rapprochée.
8.1.3
Les procédures de protection des adultes/enfants des organisations devaient être
régulièrement analysées et évaluées par des experts indépendants ayant une
connaissance satisfaisante de l'autisme.
63
8.2
PROBLEMES DE PERSONNEL
Deux considérations principales s'imposent :
•
Comment le personnel peut-il participer à la minimisation des risques encourus par les
utilisateurs de services ?
•
Comment minimiser le risque de voir des membres du personnel impliqués dans des
abus sur des utilisateurs de services ?
Le personnel doit comprendre et être conscient des politiques et lignes directrices
importantes ainsi que de leurs implications dans les techniques de travail.
Il est nécessaire de donner au personnel la possibilité de réfléchir aux activités qui pourraient
engendrer des abus sexuels.
Il convient que le personnel sache quelles personnes sont les plus vulnérables et quel
comportement aurait lieu d'être mis en cause et dénoncé au supérieur hiérarchique direct.
Les membres du personnel doivent connaître la procédure à suivre en cas de soupçons, les
limites de la confidentialité lorsque des accusations sont portées à leur connaissance et
prendre conscience de leur devoir d'informer le supérieur hiérarchique direct (ou toute autre
personne appropriée) de telles accusations.
Les employeurs doivent s'assurer que les contrôles de police et la vérification des références
soient effectués et éviter de placer des membres du personnel sur lesquels ils manquent
d'informations dans des situations où il est relativement facile d'abuser des utilisateurs de
services.
Il faudrait, si possible, envisager un équilibre hommes/femmes lors de la préparation des
tours de rotation du personnel.
Les employeurs devraient adopter des politiques claires sur le travail des bénévoles en
matière de procédures de supervision, de formation et de vérification. Des lignes de conduite
claires et individuelles concernant les procédures et les mesures de protection à prendre
quand ils prodiguent des soins personnels intimes devraient être mises à la disposition de
tous les membres du personnel. Il est recommandé que de tels soins soient donnés par des
personnes du même sexe.
8.3
PROBLEMES LIES AUX CLIENTS
8.3.1 Les utilisateurs de service en tant que victimes
Il faut reconnaître que la vulnérabilité peut être accrue lorsque des clients dépendent
d'autres personnes pour leur toilette de base et pour s'habiller, ce qui peut également
affecter leur notion de l'intimité.
Le degré de vulnérabilité augmente également lorsque les clients ont des difficultés de
communication, comme dans le cas de l'autisme, qui ne leur permettent pas de pouvoir
clairement dénoncer les abus en toute facilité. Il est donc d'une importance cruciale de
consentir tous les efforts nécessaires pour comprendre un client que l'on soupçonne d'avoir
été victime d'abus. Il faudrait être particulièrement attentif et surveiller de près les clients qui
ont déjà été victimes d'abus car certains facteurs peuvent avoir fait d'eux des cibles plus
faciles dans le passé.
64
Lorsque le personnel s'inquiète de la vulnérabilité d'un client, il convient de le souligner dans
son programme de prise en charge et l'idéal serait de développer un programme de sécurité
qui lui soit propre. On recommande un tel programme pour tous les clients considérés
comme particulièrement vulnérables. Il pourrait inclure les personnes ayant déjà été victimes
d'abus, celles qui semblent être vulnérables en raison d'un comportement social et sexuel
non approprié ou encore celles qui vivent avec des personnes ayant des précédents en
matière d'abus.
Il est essentiel que les prestataires de services tentent de développer une série d'idées sur la
responsabilisation des clients, pour qu'ils puissent se représenter eux-mêmes, prendre
confiance en eux et, si possible, les encourager à poser des questions et à communiquer
avec les membres du personnel pour faciliter la dénonciation. Ce point revêt une importance
particulière car la plupart des recherches suggèrent que la majorité des dénonciations
susmentionnées émanent des clients plutôt que du personnel ou de leur famille.
8.3.2 Les personnes atteintes d’un handicap mental auteurs d’abus
Le fait que la personne responsable de l'abus n'en comprenne pas complètement la nature
ne change en rien le fait qu'il a été commis et les démarches appropriées doivent être
entreprises. Ignorer l'abus commis par un utilisateur de service n'aide ni le responsable ni la
victime car le comportement abusif peut être renforcé s'il n'est pas mis en cause ou pris au
sérieux. Le personnel devrait savoir que les victimes peuvent à leur tour commettre des abus
et que cet aspect doit être envisagé dans les programmes de sécurité individuels.
Lorsqu'une personne est responsable d'un abus, il conviendrait de le spécifier dans son
programme de prise en charge, pour sa propre protection et celle d’autrui.
8.4
MAXIMISER LES SYSTEMES PERMETTANT DE LIMITER LES ABUS
L'objectif général doit être de garantir que, dans les limites de la confidentialité, les systèmes
de prestation de services soient ouverts plutôt que fermés. Une bonne collaboration entre les
services est impérative. Il s’agit, en corollaire, de bien gérer les dossiers et les
dénonciations, concernant à la fois les responsables et les victimes, et de développer un
système qui garantisse une circulation d'informations entre agences lorsque cela s'avère
nécessaire.
Il convient de revoir régulièrement les cas d'abus survenus au sein des agences pour en
tirer des leçons sur la prévention et savoir si les procédures de dénonciation et d'enquête
sont appropriées. Les prestataires de services doivent créer un climat dans lequel le
personnel, les usagers des services ainsi que leur famille soient encouragés à dénoncer les
abus ou à exprimer leurs préoccupations.
8.4.1 Les services d’accompagnement suite à un incident
Lorsque un abus est perpétré contre une personne autiste, certaines personnes impliquées
requièrent un soutien. Cet accompagnement varie en fonction de la situation de la personne
et peut impliquer différents types d'assistance pratique, voire psychologique.
8.4.2 L'aide aux victimes
La première chose à faire est de s'assurer de la sécurité et du confort de la victime. Il est
crucial pour elle de sentir qu'on la croit. Il faudrait clairement identifier la personne chargée
de soutenir les victimes pour minimiser tout risque de confusion.
65
Il conviendrait de minimiser le nombre de changements pour la victime, même s'il incombe
de prendre les mesures nécessaires pour qu'elle se sente en sécurité. Le soutien doit
répondre aux besoins exprimés par le client, y compris ceux inhérents au comportement.
Il est important que le soutien soit prodigué par une personne techniquement et
psychologiquement habilitée à le faire.
8.4.3 Le soutien au personnel
Les membres du personnel peuvent avoir besoin d'être soutenus lorsqu'ils :
• dénoncent un abus ;
• travaillent dans un établissement où un abus a été commis ;
• ont eux-mêmes été accusés d'abus.
Les membres du personnel qui dénoncent un abus doivent être soutenus par la direction.
Comme certains abus n'ont pu être étalés au grand jour qu'après avoir été dénoncés par des
membres du personnel ayant quitté le service, il conviendrait d'envisager des entretiens
préalablement au départ d'un employé, avec la possibilité qu'il soit mené par une personne
extérieure à l’établissement concerné.
Les prestataires de services devraient être conscients de la nécessité de soutenir le
personnel après un incident, particulièrement s'il a impliqué des membres de l'équipe. Un tel
soutien devrait être pro-actif et ne pas dépendre d’une demande formulée par le personnel.
8.4.5 Le soutien aux autres usagers
Il convient d'être aussi attentif aux autres usagers qu'aux membres du personnel lorsqu'ils
sont touchés par des abus dans leur environnement et accorder une attention particulière
aux modalités d’accompagnement les plus opportunes. Il faudrait reconnaître que lorsqu'un
incident est découvert, les besoins ressentis par les membres du personnel peuvent les
mettre dans l'impossibilité d'apporter le soutien nécessaire aux autres usagers.
En de telles circonstances, il conviendrait de détacher du personnel supplémentaire en
consultation avec le groupe d'employés déjà en fonction.
8.5
PROBLEMES DE FORMATION
Les organisations devraient s'engager à proposer une formation adéquate à leur personnel
afin que la plupart des recommandations soient efficacement mises en pratique.
8.5.1 Formation collective
Il pourrait être bénéfique de développer des initiatives de formations collectives auxquelles
participeraient du personnel du secteur social, de la Santé et de la Police ainsi que des
bénévoles et avocats du Système juridique pénal. Cela devrait faciliter la compréhension de
leurs rôles respectifs, la prise de conscience des difficultés rencontrées dans différents
centres, le partage des compétences et l'échange d'informations.
66
8.5.2 Formation du personnel
Il est recommandé que les membres du personnel qui prennent en charge des personnes
autistes reçoivent une formation fondée sur :
•
•
•
•
des lignes directrices politiques ;
des indicateurs clés sur la possibilité d'abus ;
les démarches à suivre en cas de suspicion d'abus
des conseils clairs à propos des comportements sociaux/sexuels acceptables et
inacceptables et des interactions avec les clients ;
• une prise de conscience générale liée à l'abus de personnes autistes ;
• les aptitudes en matière de communication.
Il se peut également que certains membres du personnel bénéficient d'une formation dans
les domaines suivants :
•
•
•
•
gestion du risque ;
aptitudes en matière d’accompagnement ;
aptitudes dans le domaine de l’intervention thérapeutique ;
techniques inhérentes à l’interview.
8.5.3 Formation des clients
Puisque l'on reconnaît qu'il est difficile de donner aux clients la capacité de dénoncer les
abus, il faudrait leur faciliter la tâche en leur donnant la possibilité d'apprendre à se protéger.
L'éducation sexuelle devrait également faire partie du programme de formation à des
aptitudes sociales plus larges : cela permettrait aux personnes concernées de comprendre
ce qu'est un comportement acceptable et d'acquérir le vocabulaire relatif au comportement
sexuel et aux parties du corps. Des stages de mise en confiance pour habiliter les clients à
dire "non" et à prendre conscience de leurs droits pourraient être bénéfiques. Les clients
devraient savoir à qui dénoncer les abus et se rendre compte de l'importance d'exprimer
leurs préoccupations lorsqu'ils touchent d'autres personnes. Cela devrait faire partie d'un
programme continu et non pas d'une séance de formation ponctuelle. Il est également
essentiel que les clients connaissent les procédures à suivre pour porter plainte.
8.5.4
Formation des familles / des personnes qui s’occupent des personnes
handicapées
Il serait judicieux de proposer aux personnes qui s’occupent des clients et à leurs familles
une formation sur la politique adoptée, particulièrement au sujet de la sensibilisation, des
indicateurs clés de l'abus et des procédures à suivre pour porter plainte. Il ne fait aucun
doute que cette formation devrait être présentée avec une grande prudence et beaucoup de
sensibilité.
8.5.5 Formation des directeurs
Pour que la politique adoptée soit efficace, il est absolument crucial que tous les
responsables, du bas au sommet de l'échelle hiérarchique, aient une connaissance mise à
jour de la politique adoptée, des actions à entreprendre et qu'un système clair soit créé pour
s'assurer que les nouveaux directeurs en soient conscients.
67
8.5.6 Formation continue
Il est recommandé que des initiatives de formations continues soient constamment
développées et viennent s'ajouter à toute formation initiale ponctuelle suivant l'introduction
du Code de Bonne Pratique. Une formation continue garantirait que les nouveaux membres
du personnel soient conscients de la pratique adéquate et que les anciens puissent
entretenir et cultiver leur connaissance de base. Il pourrait s'avérer nécessaire qu'un comité
ad hoc contrôle de telles initiatives de formation.
68
CHAPITRE 9 : L’IMPORTANCE DE LA FORMATION DANS
LA PREVENTION DE LA VIOLENCE ET DES
ABUS ENVERS LES PERSONNES AUTISTES
Theo Peeters , Opleiding Centrum Autisme (B)
& Rita Jordan, University of Birmingham (GB)
9.1
INTRODUCTION
Former le personnel à travailler dans un esprit positif avec des personnes autistes repose
sur des préceptes identiques aux principes d’intervention qui leur sont inculqués. Ce type de
formation devrait se fonder sur la compréhension de l’autisme, de la situation et de l’individu.
Il est parfaitement logique que les personnes qui choisissent l’autisme comme profession
reçoivent une formation exhaustive dans ce domaine. En revanche, les parents n’ont pas le
choix, mais il est également judicieux qu’ils bénéficient de la meilleure formation possible car
ils sont concernés au premier chef, sont en final responsables de leur enfant et, à l’instar du
commun des mortels, ils ne viennent pas au monde armés d’une connaissance innée de
l’autisme. Néanmoins, ce type de formation est rarement dispensé.
Les parents et les professionnels qui vivent ou travaillent avec des personnes autistes
courent le risque de subir un stress extrême en raison de l’amour porté aux personnes dont
ils s’occupent et des nombreuses difficultés à comprendre leurs comportements comme
leurs émotions. Aimer une personne qui souffre et n’avoir aucun moyen voire aucune idée
sur la possibilité de lui venir en aide constitue certainement une des situations les plus
épuisantes que l’on puisse imaginer. Dans de nombreux cas, le recours à la violence est
une tentative désespérée de contrôler un comportement que l’on ne comprend pas et que
l’on n’a pas véritablement appris à traiter ou à prévenir.
Nous estimons que le recours à la violence est davantage susceptible de survenir lorsque la
formation (et par voie de conséquence la compréhension de l’autisme) n’est pas disponible
ou lorsque la société ne dégage pas les moyens nécessaires afin de mettre en pratique les
subtilités de la formation. En conséquence, la formation des professionnels constitue un
facteur essentiel en matière de prévention de la violence, mais elle ne se confine pas au
domaine pédagogique car elle comporte une dimension politique qui devra également être
prise en compte.
Trop souvent, la formation à l’autisme est uniquement envisagée sous l’angle de
l’intervention en cas de crise et pas suffisamment comme un facteur important de prévention
de la crise (Jordan & Jones, 1996). Il apparaît fréquemment, et c’est bien compréhensible,
que, dès le premier jour de la formation, les professionnels tentent de trouver une solution à
court terme à des problèmes à long terme, d’où une formation fondée sur une approcherecette (Jordan, 1996a). Il est essentiel lorsque l’on traite des problèmes de comportements
(et tente de prévenir le recours à la violence qui traduit une réaction désespérée au
problème de comportement ‘incontrôlable’) d’opérer une distinction très claire entre les
symptômes et les causes.
69
9.2
COMPRENDRE L’AUTISME
Les individus autistes de haut niveau (comme Gerland, 1997 ; Grandin, 1986, Segar, 1996 ;
Sinclair, 1992) décrivent par écrit les efforts inouïs déployés afin de comprendre notre mode
de communication neurotypique et nos interactions sociales. Ils expriment également leurs
sentiments lors de conférences ou sur INTERNET :
‘Le fait que les gens soi-disant normaux, ou quel que soit le nom dont je les affuble, pensent
savoir très précisément comment l’être humain fonctionne a constitué une des plus grandes
souffrances de mon existence : que toutes ces personnes aient eu un modèle dans lequel
elles ont tenté de me mouler et qu’elles aient été absolument convaincues que leur fameux
modèle était le seul existant. C’est probablement pour cette raison qu’elles m’ont suggéré
de bien me comporter et non d’être différent. Elles n’ont jamais imaginé que je puisse
fonctionner différemment d’elles et elles n’ont jamais pu deviner ce que je ressentais.
Manque de commisération ou autre chose ?’ (Gerland, conférence de 1996 non publiée)
‘… abordez-nous avec respect, sans idées préconçues, ouverts à l’idée d’apprendre de
nouvelles choses et vous découvrirez un monde que vous n’auriez jamais pu imaginer. Oui,
cela implique davantage de travail par comparaison à des relations nouées avec des
personnes qui ne sont pas autistes, mais cela relève du POSSIBLE, excepté si l’aptitude des
personnes non autistes à établir des relations est davantage limitée que la nôtre. Nous,
nous passons notre vie entière à le faire. Chacun d’entre nous qui apprend à vous parler,
chacun d’entre nous qui parvient à fonctionner dans votre société, chacun d’entre nous qui
réussit à vous aborder et à établir un lien avec vous, manœuvre en territoire étranger et
entre en contact avec des êtres extra-terrestres. Nous passons notre vie entière à le faire.
Et vous nous dites que nous ne savons pas entretenir de relations!’ (Sinclair, INTERNET,
1998).
Par le truchement de leurs écrits, nous pouvons mieux saisir leur difficulté à ‘survivre’ parmi
nous et les nombreuses adaptations consenties. Cela nous aide également à être
davantage respectueux des personnes qui combinent autisme et retard mental ou qui ne
peuvent s’exprimer en leur nom propre.
De nombreuses formes d’écholalies, d’échopraxies et de comportements récurrents doivent
être interprétées plus positivement que de coutume (Jordan, 1996b ; Shuler & Prizant, 1985).
L’histoire de la compréhension de l’autisme semble aller de pair avec notre respect croissant
envers les efforts déployés par les personnes autistes pour être avec nous. Pour les
personnes autistes et les personnes présentant un retard mental, le bonheur peut dépendre
davantage de nos adaptations que du développement de leurs aptitudes, même si les deux
vont de pair. Nos relations avec les personnes autistes peuvent être comparées au mythe
de Procuste. Procuste avait un sens singulier de l’hospitalité : il adaptait la taille des jambes
de ses visiteurs aux dimensions de son lit, soit en étirant ou en raccourcissant leurs
membres. Nous semblons avoir nous-mêmes une conception étrange de l’hospitalité : sans
formation aucune, nous adaptons les personnes autistes à notre connaissance non
spécialisée. Dans une telle relation, un climat de violence semble naturel, même s’il n’est
pas toujours délibéré ou visible.
Ainsi, la compréhension de l’autisme devient la pierre angulaire de la formation nécessaire
pour éviter abus et violences lors d’un traitement. Juger et répondre littéralement à un
comportement provoque des frustrations car la base du comportement n’est pas prise en
compte dans la compréhension et la perception de la personne autiste (Jordan & Powell,
1995a). Ce principe est connu comme la ‘théorie de l’iceberg’ (Gillbert & Peeters, in presse ;
Peeters, 1997 ; Schopler, 1995 ; Schopler & Mesibov, 1994) qui suggère que les problèmes
de comportement dans le cadre de l’autisme sont semblables à la pointe d’un iceberg. La
70
pointe représente le symptôme, mais la partie la plus importante de l’iceberg reste invisible ;
la pointe ‘résulte’ de la partie la plus vaste immergée sous l’eau.
Lorsqu’une personne autiste lance des objets, par exemple, se frappe ou frappe une tierce
personne, nous observons des symptômes. Pour restreindre ou éliminer les symptômes,
nous devons traiter les causes. Si un adulte autiste s’ennuie à mort parce que chaque jour il
dispose de sept à huit heures de temps libres non organisés et qu’il se frappe la tête contre
un mur car il n’a pas appris à attirer l’attention autrement, il en ressort manifestement qu’il a
besoin d’un accompagnement pédagogique afin de développer ses aptitudes en matière de
communication et de loisirs.
Si, en revanche, nous ‘traitons’ ses problèmes de
comportement de manière symptomatique, en faisant fi des causes, il s’agit en soi d’une
forme de violence, voire de négligence, voire pire encore si l’éducateur a recours à une
punition. D’un point de vue éthique, il est impossible de tolérer qu’une personne en ‘punisse’
une autre parce que cette dernière n’est pas capable de communiquer comme nous.
Une formation spécialisée dans le domaine de l’autisme constitue la meilleure forme de
traitement des problèmes de comportement car la prévention est en point de mire. Les
professionnels doivent en premier lieu comprendre que les personnes autistes traitent les
informations différemment. ‘Le raisonnement autiste’ est une expression clé en matière de
prévention des problèmes comportementaux et la violence ne s’apparente aucunement à
une ‘recette’ quelconque. Il s’agit, en essence, de nous mettre dans le cerveau d’une
personne autiste et de tenter de voir le monde avec ses yeux. Au plus nous parviendrons à
comprendre les causes de leurs difficultés, au plus nous serons capables d’éliminer les
obstacles et de prévenir les problèmes de comportement ainsi que la violence, souvent
l’aboutissement d’une réaction désespérée.
9.3
CAUSES POSSIBLES DE VIOLENCE DANS LE TRAITEMENT ET LA PRISE EN
CHARGE DES PERSONNES AUTISTES
Au même titre qu’il s’avère nécessaire de comprendre l’autisme si nous sommes appelés à
traiter efficacement et avec respect des personnes autistes, il nous faut également
comprendre les causes de violence chez les éducateurs et le personnel impliqués dans leur
prise en charge afin d’endiguer effectivement ce phénomène. La compréhension de cette
situation devra sous-tendre la formation prodiguée. Certains facteurs spécifiques à l’autisme
peuvent déclencher la violence outre les pressions familiales ou institutionnelles parfois
traduites par un comportement violent.
9.3.1
La nature transactionnelle de l’autisme
Elle débouche sur la frustration et un sentiment d’incompétence des parents et des
professionnels. L’autisme constitue en essence une perturbation de la relation avec autrui
(Kanner, 1943 ; Hobson, 1993), d’où deux conséquences importantes. Premièrement, l’effet
sur l’individu autiste qui, contrairement aux autres groupes d’individus, sera perturbé et
confus plutôt que d’être consolé et réconforté par la proximité et l’ouverture sociale dont fait
preuve autrui. Le geste d’affection ou de réconfort ou une tentative d’apaisement à l’issue
d’un conflit ne sera pas perçu comme tel par l’individu (Attwood et al. , 1998) et pourra, au
mieux, induire davantage de confusion et au pire être assimilé à une agression ou une
intrusion. La personne atteinte d’un trouble du spectre autistique pourra à son tour réagir
dans la détresse et la panique, ce qui sera susceptible d’être perçu par autrui comme une
agression.
La seconde conséquence touche les personnes qui s’occupent ou travaillent avec la
personne autiste. Même si elles comprennent théoriquement la maladie, davantage encore
si elles ne la comprennent pas, elles vivront les réactions de la personne autiste comme un
71
rejet, voire même une agression. Elles ressentiront un sentiment d’impuissance et de colère.
Leurs réactions naturelles instinctives ne fonctionnent pas, pas plus que les stratégies
professionnelles auparavant couronnées de succès, elles se sentent démoralisées et
incompétentes. Ces sentiments auront tout naturellement pour conséquence la frustration et
la colère.
9.3.2
Une lecture littérale du comportement
Comme précédemment indiqué, même lorsque l’on dispose d’une compréhension théorique
de l’autisme, notre ‘lecture’ normale intuitive du comportement détecté est susceptible de
nous induire en erreur. Les tentatives déployées par les personnes autistes afin de
communiquer ne sont pas particulièrement reconnues ou comprises et, naturellement, nous
imputons, peut-être inopportunément, une intention au comportement observé.
Il est naturel que le comportement d’autrui soit traité sans réfléchir. Nous ne ‘déchiffrons’
pas les motivations d’autrui comme un type de théorie (à l’instar de ce que les théoriciens de
la ‘théorie de l’esprit’ auraient voulu nous faire croire, Baron Cohen, 1995 ; Leslie, 1987
;1991) : le traitement en temps réel est trop court pour se prêter à cet exercice. Nous
réservons notre analyse consciente à la dissection des textes écrits ou dramatiques ou à une
analyse a posteriori des événements. Sur le moment, nous répondons instinctivement à la
‘signification’ émotionnelle et subjective des événements transmise par le comportement
d’autrui. Nous pouvons faire preuve de discipline afin d’admettre que ce que nous voyons
ne signifie pas ce que notre lecture subjective des événements nous dit, mais cet exercice
requiert une formation. Si nous répondons intuitivement, nous interpréterons erronément le
comportement afin qu’il signifie tout simplement ce qu’il signifierait si nous en étions l’auteur
et nous supposerons un niveau d’intention qui n’est pas véritablement présent.
Un incident peut se produire comme celui où une personne autiste a été invitée à accomplir
un geste relativement banal, à savoir s’installer sur la banquette arrière d’un véhicule. Elle a
réagi avec une agressivité apparemment non provoquée, en hurlant, jetant ses patins sur la
personne qui avait formulé la requête. Si nous analysons la situation du point de vue de la
jeune femme autiste, une vision différente émerge. Lorsque, ultérieurement, on lui reparla
de l’incident, elle ne pu se souvenir de ce qu’elle avait fait, indiqua avoir été en proie à un
sentiment de panique et avoir aveuglément réagi face à cette sensation. La cause de cette
panique ? On lui avait dit qu’une personne viendrait la chercher à la gare, mais au moment
de monter dans le véhicule, elle remarque, contre toute attente, qu’un autre passager est
présent, mais élément davantage perturbant car peu prévisible, il s’agit d’un enfant. Il n’est
pas bon de punir la personne autiste qui a cédé à la panique car ce comportement n’est pas
sciemment contrôlé à cet instant. Nous devons prévenir ce comportement (comme stipulé
ci-dessus) en tentant d’anticiper les réactions probables d’une personne autiste dans de
telles circonstances.
9.3.3
Crainte
Tout comme il est difficile pour les personnes autistes de comprendre et anticiper notre
comportement, il s’avère ardu pour nous de comprendre et prédire leurs agissements. Elles
ont un parcours de développement différent et présentent de nombreux comportements
particuliers susceptibles d’induire la crainte d’une perte de contrôle chez les personnes qui
vivent ou travaillent avec elles.
Ainsi, ce n’est pas toujours le comportement même d’une personne autiste qui peut
provoquer une réaction de colère ou de violence, mais le fait que le parcours de
développement différent et le comportement particulier, voire tranché qui en découle,
compliquent le travail d’anticipation de leur comportement. Tout comme une personne
autiste est en proie à la confusion et à la crainte car il lui est difficile d’appréhender et
d’anticiper notre comportement, nous éprouvons aussi les mêmes sentiments lorsque nous
72
sommes confrontés à des comportements que nous sommes incapables de comprendre ou
de prédire. D’ordinaire, la réaction face à de tels sentiments se traduit par un désir d’inhiber
et de contrôler le comportement de sorte que les exigences envers les personnes autistes
pourront devenir coercitives, voire même violentes. Il faut garder à l’esprit que les personnes
autistes ressentiront le même besoin pour des raisons pratiquement identiques, d’où un
affrontement entre les deux protagonistes impliqués dans l’interaction, chacun désirant
contrôler l’autre. Cette expérience conflictuelle peut accroître la crainte ressentie par le
professionnel ou la personne responsable de la prise en charge et amplifier le caractère
extrême des mesures utilisées pour rétablir le contrôle.
9.3.4
Le succès à court terme renforce à long terme l’exacerbation du problème
Le recours à la violence peut aboutir à un succès à court terme pour le professionnel ou la
personne responsable de la prise en charge, à savoir l’arrêt du comportement en cause ou la
coercition exercée sur l’individu autiste aux fins d’un acte précis. L’effet immédiat sera de
récompenser la personne pour l’utilisation de la violence comme stratégie lors de situations
similaires dans le futur. Le malaise ressenti par la personne au sujet du recours à la
violence sera compensé par l’autojustification ‘c’est la seule chose qui fonctionne’ ou ‘cela lui
permet d’accéder à une meilleure situation d’apprentissage ou à un meilleur environnement’.
De telles positions peuvent avoir été défendues dans des ouvrages ou des approches
destinés à guider les professionnels (Kraijer, 1997 ; Lovaas, 1981). En suivant cette voie, la
personne peut trouver une justification à l’utilisation de la violence, voire acquérir davantage
de respect de soi puisqu’elle dispose d’une stratégie ‘qui fonctionne’.
Bien entendu, au fil du temps, la ‘solution’ à court terme déclenche des problèmes à long
terme, mais cette dérive est rarement reconnue sauf si elle est mise en exergue lors d’une
formation. A titre d’exemple, un professionnel peut commencer par donner une gifle à un
enfant qui en a pincé un autre lors d’une activité commune. Cela semble fonctionner :
l’enfant est vexé, mais il arrête de pincer et est à nouveau invité à poursuivre l’activité en
cours. L’adulte est soulagé et éprouve, dans l’ensemble, un sentiment de réussite, en dépit
de l’impression initiale de malaise liée au fait d’avoir giflé l’enfant. Mais qu’est-ce que
l’enfant a appris ? Dans une situation jugée perturbante par l’enfant (éventuellement
imputable à la nature confuse de l’activité accomplie ou à la façon dont elle est présentée,
voire à la proximité de l’adulte à table), il pose un acte (pincement) qui, par le passé, a
toujours eu pour résultat que les autres le laissaient tranquille. L’effet est néanmoins
différent cette fois, à la place, l’enfant reçoit une gifle de l’adulte, s’en suit une pause dans
l’activité car l’enfant est peiné, puis l’adulte propose à l’enfant une tâche concrète en le
réorientant vers l’activité. Cela fonctionne durant un moment car le mode de comportement
de l’enfant a été interrompu. Néanmoins, la situation inconfortable persiste, la tâche n’est
toujours pas claire (l’adulte a peut-être réduit son niveau d’accompagnement à ce stade) et
l’adulte se trouve toujours à une proximité jugée inconfortable. L’enfant essaie à nouveau de
pincer et ce geste est suivi d’une gifle. Progressivement, un nouveau modèle est instauré. Il
est vrai que le fait de pincer n’a plus pour résultat d’être laissé en paix, mais débouche sur
une réaction nettement prévisible, à savoir une gifle. Elle peut avoir vocation de punition,
mais dans un monde où toute réaction prévisible est préférable à l’imprévisible, l’enfant en
vient à rechercher un modèle prévisible : le pincement suivi de la gifle. Pour l’adulte, c’est
effrayant et exaspérant. Les gifles se font plus dures dans une tentative de rétablir le
contrôle et un cercle vicieux (au sens propre et figuré) s’installe.
9.3.5
Quelques méthodologies fondées sur le contrôle et la récompense/punition
L’efficacité à court terme de certaines mesures ont conduit à leur intégration à des
programmes de formation. En dépit des restrictions émises par Skinner (1957) à l’encontre
des punitions, elles ont été très largement préconisées dans le cadre des techniques de
73
formation comportementales. Les objections formulées contre le recours à la punition
présentées ci-dessous s’inspirent des points initialement soulevés par Skinner :
• inefficace à long terme (pour les raisons stipulées ci-dessus) ;
• engendre des effets secondaires non souhaitables, comme la crainte ;
• indique ce qu’un individu ne devrait pas faire et non ce qu’il/elle devrait faire ;
• justifie le fait d’infliger une souffrance à autrui ;
• être dans une situation où des comportements précédemment punis puissent ‘être
envisageables’ sans être assortis de punition est susceptible ‘d’excuser’ le comportement
(ex. l’enfant apprend à ne pas sauter sur le canapé en présence de son papa car il le
frappera, mais s’en donnera à cœur joie en son absence) ;
• déclenchera l’agressivité envers l’agent responsable de la punition et/ou autrui
(l’agressivité peut être utilisée envers d’autres personnes plus vulnérables si l’agent est
perçu comme trop puissant) ;
• remplace une réponse indésirable par une autre (si les causes ne sont pas traitées, un
comportement peut être supprimé, mais un autre comportement, éventuellement pire, s’y
substituera).
Sur l’instigation d’un ouvrage très influent publié au R-U dans les années 70 (Copeland,
1973) des parents ont régulièrement frappé leurs enfants autistes afin d’obtenir la ‘guérison’
promise par l’auteur. Lovaas et ses collègues (Lovaas, 1966 ; 1967 ; Lovaas et al., 1965 ;
Lovaas & Simmons, 1969) avaient régulièrement recours à des méthodes aversives pour
éliminer toute forme de comportement indésirable, voire même comme ils le prétendaient,
pour induire un comportement pro-social. Bien que le système pédagogique et l’esprit
éthique actuels signifient que de telles pratiques ne soient plus de mise dans le cadre du
traitement de Lovaas, le fondement du programme de formation à domicile (Lovaas, 1987)
ne reposait pas uniquement sur le recours à ces méthodes aversives, mais en faisaient le
point d’orgue du programme.
‘… dans les études reprises en annexe, les méthodes aversives ont été isolées comme
variables significatives. Il est par conséquent peu vraisemblable que les effets du traitement
soient reproduits sans cette composante’. (p.8)
Même si des méthodes aversives ne sont pas spécifiquement préconisées, il est probable
que les techniques qui mettent en exergue le contrôle et la manipulation du comportement
sans la moindre compréhension des causes sous-jacentes, voire de la signification du
comportement, déboucheront sur des méthodes d’instauration et de maintien de contrôle
vigoureuses (en fin de compte aversives et punitives).
9.3.6
Vulnérabilité des personnes autistes
Les déficiences en matière de langage et/ou d’aptitudes à communiquer rendent les
personnes autistes vulnérables et les auteurs d’actes violents peuvent ‘facilement s’en tirer’.
Plus triste encore, la raison fondamentale pour laquelle la violence peut être utilisée lors du
traitement des personnes autistes est tout simplement la possibilité de le faire. Dans de
nombreux cas, les personnes autistes ne s’exprimeront pas ou peu ou utiliseront des modes
de communication alternatifs. Même si la personne autiste utilise la parole, elle ne
comprendra pas les éléments inhérents à la communication et ne sera pas capable de
relater les faits dont d’autres ou elle-même a été victime, tout particulièrement si l’auteur des
actes de violence propose une autre version. Nous avons connu des situations où la
personne responsable d’un individu autiste lui intimait de donner un compte rendu erroné de
ses blessures. Nous avons également répertorié des cas où une politique officielle de non
violence avait donné naissance à des formes sournoises de violence : arracher des cheveux
dans la nuque, enfoncer ses ongles sous la peau, voire sous les ongles mêmes de l’enfant
etc. Il est ressorti que la violence augmente dans les situations où les chances de détection
sont moindres (Blunden & Allen, 1987). Le succès à court terme de la violence, comme
74
stipulé auparavant, peut encourager son utilisation et, si elle n’est pas détectée, le cycle
d’abus peut se poursuivre.
A l’exception de cette dernière motivation, il convient de souligner que la violence n’émane
pas d’ordinaire d’une intention malveillante ou d’un plaisir pervers tiré de la souffrance
infligée à autrui. Nous souscrivons à la doctrine de la philosophie de l’option (Kaufman,
1994), à savoir que chacun fait de son mieux en fonction des moyens dont il dispose. Ce
précepte signifie que les professionnels et autres personnes responsables de la prise en
charge ont recours à la violence en raison des craintes, incompréhensions, méconnaissance
de l’autisme et des stratégies alternatives efficaces susceptibles d’aboutir aux mêmes fins
(Harris et al., 1996). Si ces éléments sont avérés, ils relèvent du pédagogique et étayent les
arguments en faveur d’un programme de formation efficace et nécessaire.
9.4
PRINCIPES DE FORMATION
Les principes qui devraient sous-tendre un programme de formation découlent de la
compréhension de l’autisme et des points soulevés dans les paragraphes précédents ainsi
que des causes éventuelles du comportement violent et des abus perpétrés par ceux qui
vivent et/ou travaillent avec des personnes autistes.
9.4.1
Développer une bonne compréhension de l’autisme
Un professeur qui enseigne à des personnes non voyantes sait ce que signifie la cécité, un
professionnel qui travaille avec des personnes sourdes n’ignore pas les effets des problèmes
auditifs sur le développement. Si vous exercez votre profession dans le domaine de
l’autisme, vous devez comprendre correctement ce trouble pervasif du développement.
L’amour et l’intuition sont nécessaires, mais insuffisants. Les critères internationaux pour le
diagnostic de l’autisme (APA, 1994 ; OMS, 1992) font état de ‘déficiences qualitatives’ et les
différentes qualités de certains comportements ne sont pas toujours aisées à comprendre.
Voici quelques exemples de la triade de déficiences qui sous-tend les critères de diagnostic
(Wing, 1996).
‘…les mots proférés, les intonations, l’expression du visage, le langage corporel et le toucher
des autres personnes n’avaient aucune signification cohérente…’ (Williams, 1996, p.2)
Il est extrêmement important que les professionnels, dans une culture où l’accent est
souvent mis sur les ‘thérapies verbales’ et la médiation verbale de l’éducation, réalisent
d’entrée de jeu que certaines utilisations du langage ou de la parole peuvent être davantage
un fardeau qu’une aide pour les personnes autistes.
Un autre exemple a trait au fait que les enfants qui combinent autisme et graves handicaps
mentaux et dont l’âge de développement est de deux ans (un âge mental qui permet aux
enfants se développant normalement et à ceux présentant des difficultés d’apprentissage de
‘parler’) peuvent devoir apprendre à utiliser un mode de communication expressif via des
images ou des objets parce que leur capacité à tirer une signification des perceptions et que
leur connaissance symbolique est inférieure à celle théoriquement inhérente à leur âge
mental (Happe, 1995 ; Jordan, 1996b ; Peeters, 1997). Le développement de la
communication dans le cas de l’autisme est vital afin de pratiquer des ouvertures vers notre
monde, cependant la mauvaise utilisation de la communication peut être une source de
souffrances, d’abus, voire de violences psychologiques.
Gerland (1997) s’exprime sur les difficultés qu’elle a ressenties lorsqu’elle a progressé dans
le monde social et ce, malgré son niveau d’intelligence très élevé.
‘…vous avez des règles tellement compliquées dans votre monde ! Et en permanence, je
dois y penser, encore, encore et encore’ (Gerland, 1997, p.225).
75
Ou lorsqu’elle se rendit dans sa nouvelle école le tout premier jour :
‘…250 voix imprévisibles et tous ces bras et ces jambes’ (Gerland, 1997, p.88)
D’aucuns ont déclaré que les personnes autistes souffrent de ‘cécité de l’esprit’ ou ‘de cécité
sociale’ (Baron-Cohen, 1995). Elles éprouvent d’extrêmes difficultés à déchiffrer nos yeux,
nos visages, davantage lorsqu’elles se retrouvent parmi un groupe que lors d’un face à face
(Lee et al., 1994). Ce phénomène est souvent mal compris et les personnes autistes (dans
une culture où de nombreux effets thérapeutiques sont associés à des situations de groupes
sur base du principe que ‘sinon elles deviendront davantage autistes’) sont parfois
catapultées dans des groupes, ce qui induit confusions et douleurs intolérables.
Des comportements récurrents, stéréotypés, obsessionnels peuvent entraver ce que nous
dénommons l’évolution pédagogique, mais ils constituent parfois la seule défense des
personnes autistes contre la surcharge cognitive et sociale présente dans l’environnement
(Grandin, 1995 ; Williams, 1996), une forme d’autoprotection. Développer une forme de
respect envers ce réflexe d’autodéfense des personnes autistes ne se fait pas
automatiquement. Un professionnel insuffisamment formé peut se débarrasser de la seule
forme de défense dont une personne autiste disposait encore. C’est un acte cruel et violent
issu de l’ignorance et d’une carence en formation.
9.4.2
L’évaluation : un point de départ pour un programme individualisé
L’autisme peut être associé à tous les niveaux d’intelligence de sorte qu’une connaissance
générale de l’autisme s’avère insuffisante car il faut également disposer d’éléments relatifs
au développement cognitif.
Un programme éducatif destiné à Rainman différera
certainement du programme ébauché pour une personne dont l’âge mental est peu élevé.
En outre, les personnes autistes présentent des profils extrêmement inégaux, d’où la
nécessité de disposer d’informations détaillées sur les différents domaines de
fonctionnement. Prendre l’âge mental comme base d’élaboration d’un programme éducatif
constitue une piètre pratique professionnelle susceptible d’engendrer une démotivation, un
sentiment d’échec ainsi qu’un respect de soi amoindri. Le projet éducatif doit ambitionner la
réussite car en l’absence de succès, le personnel se sentira extrêmement stressé et
répercutera ses réactions négatives contre des tierces personnes (Harris et al., 1996). La
réussite s’avère uniquement possible si des évaluations détaillées ont été effectuées et si
des programmes individualisés ont été concoctés sur base des résultats des évaluations.
9.4.3
Adapter l’environnement
L’adaptation est un processus réciproque. Grâce à l’élaboration d’un programme éducatif
spécialisé, les professionnels tentent ‘d’adapter’ une personne autiste afin qu’elle atteigne ce
que nous appelons communément ‘une qualité de vie’. Cependant, l’autisme est un trouble
pervasif du développement de sorte qu’on ne peut s’attendre à ce que ces adaptations
émanent des personnes autistes elles-mêmes. La société est-elle capable et désireuse de
s’adapter à elles de manière ‘pervasive’ ?
Comment débutent les adaptations dans le cadre de l’élaboration d’un programme éducatif ?
Thérèse Joliffe a écrit que les efforts déployés afin de trouver un modèle sous-jacent au
chaos avaient constitué le moment le plus difficile de son existence (Joliffe et al., 1992). Si
trouver un modèle semble être ardu, cet aspect primera lors de l’élaboration du programme
éducatif des étudiants autistes. Personne n’est prêt à aborder des programmes de
communication, d’interaction sociale etc. lorsque son existence est empreinte de chaos et de
confusion. Etre capable d’anticiper le moment et le lieu où un événement se produit semble
constituer le point de départ de l’indépendance et du respect de soi. Sans prévisibilité, la
personne est trop impuissante et terriblement dépendante.
76
Si une personne vit dans un monde présymbolique où les perceptions ne sont que des
perceptions (absence de signification au-delà du littéral), son existence est entièrement
dominée par la coïncidence. Ces situations sont propices au déclenchement de la violence :
un niveau extrême de stress débouche sur des problèmes comportementaux car la
‘signification’, la prévisibilité, le ‘pouvoir’ sur la vie font défaut. D’autre part , les
professionnels ne comprennent pas que le problème de comportement découle du sentiment
d’impuissance et se traduit par une réaction négative. Si les professionnels ne saisissent
pas que le ‘problème de comportement’ est une tentative désespérée pour solliciter du
pouvoir (une signification), leur réaction irréfléchie et violente (ou négligente) peut accroître
le sentiment d’impuissance de la personne autiste.
9.4.4
Le recours à des stratégies éducatives spécialement adaptées à l’autisme
L’utilité d’une approche éducative spécialement adaptée à l’autisme (à savoir, l’élaboration
de méthodes et stratégies appropriées) est flagrante. Imaginez une école pour sourds où
des méthodes éducatives pour aveugles seraient utilisées. D’aucuns s’accordent à dire que
cette situation relèverait de l’absurde. Imaginez à présent un centre pour personnes autistes
où des stratégies pour personnes présentant de graves difficultés d’apprentissage (sans être
autistes) seraient utilisées. Absurde, bien entendu, mais dans le contexte européen, cette
situation est malheureusement davantage la règle que l’exception. Cependant, ce ne devrait
pas être le cas, même dans des institutions mixtes ; les pratiques efficientes spécifiques à
l’autisme sont connues et les besoins des personnes autistes sont prioritaires (et
fortuitement bénéficient à un groupe plus vaste du centre pour enfants ayant des difficultés
d’apprentissage).
Une des stratégies primordiales à utiliser repose en particulier sur les méthodes
‘augmentatives’ visuelles de communication et d’éducation car la majorité des personnes
autistes confirment elles-mêmes les propos avancés dans la littérature internationale, à
savoir leur prédilection pour l’apprentissage visuel (Grandin, 1995 ; Jordan & Riding, 1995 ;
Sacks, 1995).
9.5
TYPES DE FORMATION
9.5.1
Formation continue pour les professionnels (formation à long terme)
Il est souhaitable que la formation initiale dispensée aux professionnels intègre les principes
ébauchés dans les précédents paragraphes. Néanmoins, il ne faut pas s’illusionner et croire
que la violence survient uniquement parmi le personnel non formé et/ou inexpérimenté. La
triste réalité démontre qu’une formation non spécialisée en matière d’autisme ne
contrecarrera pas efficacement les causes de violence répertoriées dans cet article. Les
individus stressés ou mis sous pression afin d’obtenir certains résultats avec leurs clients ou
qui disposent de certains niveaux de contrôle avec des moyens restreints risquent de
recourir à la violence. Si de telles conditions prévalent dans un service, une culture de la
violence peut émerger où la violence est pardonnée, voire considérée comme inévitable.
Dans de telles circonstances, les membres du personnel peuvent se soutenir mutuellement
dans le recours à la violence et conspirer afin de se protéger des interventions ou
inspections extérieures. Il s’avère par conséquent nécessaire de favoriser la formation
continue afin que les travailleurs d’un centre puissent être exposés à d’autres modèles,
d’autres idées de traitement nécessaires et acceptables. Le rôle de la formation continue
s’avère dès lors crucial. Idéalement, elle prendrait les traits d’une formation obligatoire à
l’issue d’un certain laps de temps, mais actuellement ce n’est pas le cas en matière
d’autisme (du moins au R-U).
Il est également important que la formation passe de l’intervention de crise à court terme
vers une stratégie à long terme qui permette de conforter sa connaissance de l’autisme et
77
d’élaborer une tactique de changement applicable à la situation dans son ensemble et non
pas uniquement à l’individu autiste. Ces principes ne sont pas spécifiques à l’autisme, mais
revêtent néanmoins dans ce cas une pertinence accrue. Travailler avec des personnes
présentant des troubles du spectre autistique implique un effort sérieux, voire ardu pour
autant que nous admettions qu’il puisse être gratifiant et révélateur. Les professionnels
concernés assument une énorme responsabilité quant à la qualité de vie des personnes
autistes et de leurs familles. Si nous appréhendons la nature complexe de la tâche des
professionnels (et des parents) en matière d’éducation et de prise en charge de la personne
autiste, il est inconcevable d’envisager l’exécution de cette mission sans formation adéquate.
Il est démontré que les attitudes sont tout aussi importantes que les connaissances comme
éléments déterminants du comportement professionnel (Hall & Oliver, 1996). Les formations
fondées sur les aptitudes à court terme ont un rôle à jouer au niveau de la construction de
l’expérience, mais en l’absence d’une compréhension approfondie de l’autisme, de simples
techniques peuvent être mal comprises et mal appliquées (Jordan, 1996a). Une analyse de
la manière dont les étudiants impliqués dans des formations à long terme (1 ou 2 ans à mitemps) évaluent leur propre changement d’attitude dans la pratique démontre l’importance
accordée par ces professionnels à la modification de leur comportement (schéma 1 cidessous) précurseur d’une modification de leur pratique. Une centaine d’étudiants inscrits à
un cours de formation continue à temps partiel organisé par l’Université de Birmingham au
R-U (tous diplômés comme professeurs, assistants sociaux, infirmières, psychologues,
thérapeutes et travaillant avec des personnes présentant des troubles du spectre autistique)
ont complété des formulaires d’évaluation sur les changements qu’ils avaient apporté à leur
pratique suite à leur participation au cours. Une analyse qualitative des réponses à ce
questionnaire ouvert a démontré que l’allusion à un ‘changement d’attitude’ constituait
l’influence la plus flagrante dans l’amélioration de leur façon d’agir.
Skills
Networking
Knowlegde
80
60
40
20
0
Attitude
Figure 1: Facteurs affectant la
pratique cités par les professionnels
qui ont suivi une formation sur
l'autisme
Série1
78
9.5.2
L’importance de la pratique
Outre, voire parallèlement à la possibilité de réfléchir et d’analyser les pratiques tirées des
cours universitaires de formation continue, il convient d’aider les professionnels à traduire
ces acquis et leur conception dans leurs actes. Dans une certaine mesure, les cours
universitaires peuvent apporter leur concours en intégrant aux critères d’évaluation des
illustrations de l’application de la théorie à la pratique (à l’instar des cours de Birmingham).
Cependant, nombre d’entre eux ne seront pas éligibles pour cette formation et/ou les
participants estimeront ce procédé trop abstrait, éprouveront le besoin d’être formés sur leur
lieu de travail. Au R-U, certaines formes de besoins spécifiques (à savoir les difficultés
sensorielles) impliquent l’obligation pour les professeurs de tels élèves de recevoir une
formation endéans les trois premières années de leur entrée en fonction ; cette formation
doit en outre comprendre un volet lié à l’évaluation de la pratique. Malheureusement, le
gouvernement britannique est opposé à l’extension de cette obligation à l’autisme. Qui plus
est, les coûts d’évaluation de la pratique sont trop onéreux pour être inclus dans les cours de
formation continue en l’absence de toute obligation.
Par conséquent, des cours pratiques semblables à ceux dispensés au Opleidingscentrum
d’Anvers s’avèrent nécessaires. Leur vertu première réside dans le fait qu’ils ne tentent pas
de donner des ‘tuyaux’ aux membres du personnel, une pratique susceptible d’engendrer
une mise en application erronée, mais veillent à traiter davantage des principes et
s’attachent à leur mise en œuvre concrète grâce à une expérience pratique encadrée.
La meilleure approche en matière de formation se situe sur le long terme, comme indiqué
ci-dessus, et intègre les principes inhérents à la réduction comme à la prévention des
comportements difficiles des personnes autistes. Néanmoins, même le personnel le mieux
formé commet occasionnellement des erreurs, et dans certains cas, des situations
provoqueront des comportements difficiles qui ne pourront pas être entièrement contrôlés.
Un des objectifs de la formation pratique consistera dès lors à fournir au personnel des
méthodes pour éviter une réaction violente face à un comportement difficile ou défiant. Ces
techniques engloberont :
• la détection de ses propres symptômes de stress et de tension en instaurant des méthodes
de désamorçage (exercices de respiration, fredonnement, exercices d’aérobic, musique,
etc.). A titre d’exemple, un des auteurs a attribué l’absence manifeste de tension et de
stress, généralement présents à la fin de l’automne, en particulier dans les établissements
scolaires spécialisés pour enfants autistes, au fait que le personnel participait également aux
séances quotidiennes d’aérobic organisées pour les élèves.
• mise en œuvre d’un comportement alternatif qui sert la même fonction. Cela implique une
formation préalable à l’analyse fonctionnelle de son propre comportement ; cette technique
requiert davantage d’aptitudes analytiques et d’honnêteté que lorsque elle s’applique au
comportement d’autrui. Ainsi, si la principale fonction de la violence est de mettre un terme
au comportement d’une personne autiste, d’autres manières de modifier le comportement en
question sont répertoriées (ou proposées lors d’un brainstorming). Dans l’éventualité où il
s’avère improbable que leur efficacité à courte échéance satisfasse le besoin immédiat du
professionnel, des solutions provisoires sont instaurées dans l’attente d’un meilleur contrôle
ou gestion du comportement de la personne autiste (ex. méthodes pour éloigner le
professionnel du contexte déclenchant que ce soit dans la réalité ou dans l’imaginaire). Si la
principale fonction de l’acte violent est de relâcher la tension et les frustrations, certaines des
techniques précédemment suggérées pourraient être tentées.
• Finalement, intervient la question de la motivation. Fréquemment dans de telles situations,
le professionnel attribue le problème à la personne autiste et manifeste quelques réticences
à remanier son propre comportement au lieu de tenter de modifier celui de la personne
79
concernée. Parfois, l’adhésion à la nécessité d’un changement, peut être induite par une
sensibilisation du professionnel aux effets à long terme de son comportement qui aggravent
la situation. Parfois, cette révélation s’avère cependant insuffisante pour induire un
changement de comportement et une modification des attitudes sous-jacentes. Les
professionnels peuvent rechigner à déployer tant d’efforts pour un individu (surtout s’ils
estiment, par exemple, que les autres personnes confiées à leurs soins ne posent pas de
problème et sont plutôt négligées) ; ils peuvent également se sentir pris au piège de ce type
de comportement.
Une caractéristique du comportement violent est que les auteurs peuvent reconnaître
l’existence d’autres formes de conduites dans l’abstrait, mais ne pas ressentir
personnellement le sentiment qu’ils peuvent se comporter différemment (Harris et al., 1996).
Dans de telles circonstances, imposer un changement de comportement est susceptible
d’aggraver la situation : effectivement, les individus concernés se sentiront davantage
impuissants et inaptes de sorte que recourir à une technique thérapeutique dérivée de la
théorie de la construction personnelle de Kelly (1995) peut se révéler plus judicieux. Cette
technique n’implique pas une modification de la personnalité ou des modalités constantes de
comportement, mais invite plutôt le professionnel à s’imaginer dans la peau d’une personne
qui réagit différemment. Par exemple, grâce à l’imagination, les professionnels se mettent
dans la peau d’une personne qui ne cède pas à une colère incontrôlable suite au
comportement d’une personne autiste, mais qui en lieu et place fait davantage preuve de
tolérance et parvient à se comporter plus rationnellement. Un autre élément d’importance a
trait au fait que les professionnels ne doivent pas se soumettre à un changement de
comportement permanent (solution qui peut leur sembler menaçante), mais à un essai sur
une durée de quelques jours ou d’une semaine, selon ce qui est jugé opportun. Il apparaît
généralement qu’une personne soit capable de remarquer les effets bénéfiques d’un
comportement différent lors d’un ‘essai’ et soit ensuite motivée à opérer un changement
permanent dans son comportement. Elle aura, à tout le moins, éprouvé l’idée selon laquelle
elle est impuissante face à sa propre colère ou son incapacité à changer et pourra être
persuadée de prolonger ‘l’essai’ jusqu’au moment où elle se sentira suffisamment en
confiance pour changer. Après tout, il est effrayant de modifier une ‘technique’ qui fait partie
intégrante de son répertoire dans une situation donnée, même si l’on reconnaît son
inefficacité à long terme, tout particulièrement en l’absence de garantie de succès immédiat
des alternatives (ce qui est invariablement le cas en matière d’autisme).
9.5.3
Responsabilisation
Ce point se rattache au thème de la motivation soulevé ci-dessus. Un élément vital de la
formation, à l’instar de l’éducation prodiguée aux individus autistes ou même à tous les
individus, porte sur la nécessité de prendre comme point de départ les aptitudes,
l’expérience et la personnalité de l’apprenant. Une formation efficace n’impose pas à
l’apprenant une méthode qui lui est étrangère sinon il lui sera ardu de la traduire dans la
pratique, voire même à long terme. La personne doit pouvoir s’approprier cette approche et
se sentir habilitée à agir selon une nouvelle modalité plutôt que de se sentir empêchée d’agir
selon l’ancienne méthode.
La législation seule est rarement responsable d’un tel
changement (Lyon, 1994) excepté si d’un point de vue culturel cette métamorphose et le
changement idéologique sont acceptés. Tenter d’imposer un changement d’attitude ou de
comportement peut purement et simplement déboucher sur des ‘réactions’ (Short &
Carrington, 1991) : les opinions étrangères sont rejetées et la culture de la violence
renforcée. La formation ne doit pas mettre la violence en exergue dans une tentative pour
s’en débarrasser, mais devrait se concentrer à la place sur l’instauration d’interactions
positives et d’aptitudes que la personne a déjà commencé à démontrer en l’habilitant
parallèlement à se comporter selon des manières qui lui sont propres. Un programme de
formation restreint (10 semaines, 2 heures/semaine) qui a recours à de telles techniques de
80
responsabilisation avec des parents démontre à quel point ces derniers peuvent accroître
leur confiance quant à la manière d’agir positivement (Jones & Jordan, 1997).
9.5.4
Accompagner le changement
Comme Harocopoulos (1975) l’a démontré, nous ne pouvons nous contenter de former des
individus et les laisser aux prises avec un climat qui n’est pas propice à leurs nouvelles
aptitudes et conceptions surtout si nous comptons sur les effets durables de la formation. Il
est important que les institutions soient favorables à des approches non violentes et que cet
engagement ne se limite pas à de belles paroles, mais se traduisent par des stratégies
d’accompagnement du personnel (Harris et al., 1996). Cet accompagnement englobe des
stratégies et des moyens destinés à réduire le stress ainsi que des séances de debriefing du
personnel à l’issue d’incidents stressants. Les politiques mise en œuvre par les institutions
doivent encourager les professionnels à se soutenir mutuellement et non à entrer en
compétition de façon à leur faire admettre d’entrée de jeu à quel moment ils ne sont plus
aptes à faire face et à quel moment solliciter une aide au lieu d’attendre que la crise ne
s’amplifie. En Angleterre et au Pays de Galles par exemple, le système d’inspection de la
qualité des établissements scolaires (OFSTED : DfE, 1993) devrait mettre en lumière des
pratiques de collaboration dans ces écoles en guise de marque de qualité plutôt que
d’identifier les niveaux d’ancienneté des professeurs comme c’est le cas actuellement. Si
admettre le besoin d’aide est considéré comme un signe de médiocrité et de faiblesse de
l’enseignant, il en ressortira inévitablement une propension à dissimuler les difficultés et à les
contourner (par quelque moyen que ce soit) au lieu de les affronter.
Jordan et Powell (1995b) ont détaillé les faiblesses de l’enseignement et de la formation
professionnelle (particulièrement dans le domaine de l’autisme), notamment le principe qui
consiste à ce que chaque praticien apprenne de ses collègues ‘sur le tas’. Ce type
d’approche (dénommée l’approche ‘sit by Nellie’ dans le secteur industriel et qui fut
longtemps jugée inefficace) pourrait fonctionner si le modèle met en œuvre de bonnes
pratiques, mais même dans ce cas, imiter les agissements d’une personne sans en
comprendre les motivations ne peut conduire qu’à une forme d’échopraxie. Cette pratique
n’est plus acceptable à une époque où les cours de formation professionnelle sont
disponibles dans le domaine de l’autisme.
9.6
CONTINUITE DES SERVICES ET MOYENS PRATIQUES SUFFISANTS POUR
EVITER TOUTE VIOLENCE OU NEGLIGENCE
Dans le chapitre précédent, nous avons mis en exergue les aspects relatifs à l’éducation et
la formation des professionnels et autres afin de les amener à travailler efficacement (sans
violence ni négligence). Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’une dimension politique
importante est associée à la prévention de la violence et à la prise en charge des personnes
autistes ainsi que de leurs familles.
L’expérience pratique des auteurs est que les professionnels et autres personnes
responsables de la prise en charge se montrent extrêmement satisfaits de leur formation à
l’issue de celle-ci. Ils signalent fréquemment avoir beaucoup appris et nettement mieux
comprendre l’autisme, l’évaluation, l’adaptation de l’environnement, l’utilisation des stratégies
augmentatives, etc. Cependant, lorsqu’ils abordent leur situation professionnelle et la
possibilité de mettre en œuvre les tâches qui leur incombent (dans le cas, par exemple, d’un
professeur confronté sans aide supplémentaire à une classe pour quatre enfants autistes
présentant également d’autres difficultés d’apprentissage graves ou le cas d’une infirmière
dans une unité psychiatrique avec 20 ‘patients’), ils parlent du stress induit par le fait de
savoir ce qu’il faut faire pour la personne confiée à leur charge, mais ne pas en avoir les
moyens d’où le risque inhérent de renoncer et de négliger tout le savoir acquis.
81
Par conséquent, il s’avère vital de fournir les services appropriés afin d’éviter tout risque de
problèmes de comportement et de violence dans les centres pour personnes autistes. Dans
ce contexte, le terme ‘approprié’ signifie une continuité dans les services spécialisés
proposés aux personnes autistes tout au long de leur existence (soit des services
spécialisés, soit des pratiques spécifiques dans des services mixtes). Les conditions
suivantes doivent cependant être respectées :
9.6.1
Créer une continuité horizontale
Une personne autiste n’est pas autiste à temps partiel, mais à plein temps. Ce fait implique
que deux heures par semaine de ‘thérapie’ ou même deux heures par jour frise le ridicule si
la personne autiste ne peut se trouver à temps plein dans un environnement où elle peut
adapter son autisme de manière cohérente. Cela requiert une excellente coordination entre
les différents environnements où un individu évolue : maison, classe, pensionnat, services
de répit, centre de formation professionnelle, groupes établis en vue de développer les
aptitudes sociales, etc. Une bonne collaboration entre les parents et les professionnels, qui
partagent des idées ainsi que des attentes similaires, mais réalistes s’avère également
nécessaire.
9.6.2
Créer une continuité verbale
Une personne est autiste à vie, même si elle est capable de faire des progrès remarquables,
elle ne cesse pas d’être autiste à l’âge de 12, 16 ou 32 ans. Les services doivent offrir une
protection en conséquence en prenant en compte le vaste nombre d’adultes autistes (en
particulier ceux qui présentent des difficultés d’apprentissage) qui requerront des soins tout
au long de leur existence. Les services nécessaires pour les personnes autistes et leurs
familles comprennent :
• diagnostic et formation à domicile ;
• enseignement maternel, primaire, secondaire ;
• études universitaires suffisamment adaptées à l’autisme afin que la personne autiste
puisse mener une existence équilibrée entre protection et défi ;
• centres résidentiels et infrastructures de travail pour personnes autistes ;
• infrastructures de loisirs pour les personnes autistes et leurs familles.
Toutes les personnes autistes ne doivent pas bénéficier de l’ensemble de ces services, mais
ils s’avèrent néanmoins nécessaires pour certaines d’entre elles ainsi que leurs familles. Au
sein de tous ces services, le personnel devrait être suffisamment formé à l’autisme.
Le rôle de la mise sur pied de ces services dans un esprit de continuité afin de prévenir les
problèmes de comportement et la violence ne peut pas être exagéré. Lors de la formation
pratique (organisée par l’un des auteurs), des modèles théoriques comme pratiques sont
proposés aux participants ; généralement, l’accent est mis sur la prévention des problèmes
dus au stress. A la fin de la semaine, le ‘problème de comportement le plus important’ de la
semaine est analysé. Un plan de traitement est ébauché. Au début de la discussion, il
s’avère néanmoins opportun d’insister sur la nature hypocrite du débat si des services
permanents adaptés aux personnes autistes ne sont pas concrétisés.
Imaginez un enfant autiste dont la famille a pu bénéficier d’un diagnostic précoce, de
services de formation à domicile. Ensuite, cet enfant est admis dans l’enseignement
primaire et secondaire en ayant, en permanence, été entouré de personnes spécialement
formées, capables d’adapter l’environnement, de réaliser des évaluations et d’ébaucher des
programmes individualisés et qui ont utilisé des stratégies pédagogiques spécialement
adaptées à l’autisme. Bien qu’il existe des exceptions, il est vraisemblable que cette
personne autiste ne présentera pas beaucoup de problèmes de comportement.
82
Imaginez le même enfant pour lequel un diagnostic a été posé tardivement et dont les
parents sont perplexes en raison des carences en aide spécialisée. Un enfant contraint de
passer d’une ‘infrastructure’ à l’autre où une connaissance spécialisée de l’autisme fait
défaut. A l’âge de 15 ans, cet enfant éprouve de graves problèmes comportementaux. N’en
déduit-on pas qu’une analyse qui fait fi de l’absence de services adaptés est hypocrite ?
Cette situation rappelle un panneau d’un zoo ‘attention, cet animal est dangereux. En cas
d’attaque, il mord.’ Peut-être faudrait-il imaginer un autre message pour les prestataires de
services : ‘Attention, cette personne est autiste. Si vous ne pouvez vous adapter à son
autisme, elle aura des problèmes de comportement’.
9.7
LE PROFIL DE LA ‘PERSONNE CHARGÉE DE S’OCCUPER’ D’UNE PERSONNE
AUTISTE
A personne extraordinaire, professionnel extraordinaire. Ces trente années d’expériences
(communes) dans le domaine de la formation, nous permettent de formuler une autre ‘idée’ :
afin d’aider ces individus autistes différents, les professionnels eux-mêmes doivent être
‘qualitativement différents’. Certains d’entre eux ne parviendront jamais à élaborer des
programmes éducatifs individualisés, même en ayant suivi la meilleure formation théorique
et pratique. Il est inutile de ‘forcer’ quelqu’un à travailler avec des enfants autistes (nous
avons connaissance de situations où des directeurs désignent au hasard les professeurs,
mais cela ne fonctionne pas). Les professionnels doivent eux-mêmes choisir l’autisme. Ils
n’opèrent pas un choix ‘malgré l’autisme’, mais ‘en raison de l’autisme’.
Quel est le secret ? Jusqu’à présent, nous avons toujours avancé, en l’absence d’autre
d’explication, qu’il faut attraper le ‘virus de l’autisme’. Pour les initiés, cette expression est
parfaitement claire. Nous connaissons cependant des professionnels qui n’attraperont
jamais ce ‘microbe’ car ils sont ‘immunisés’. Le problème réside malheureusement dans le
fait que les virus sont invisibles pour les autorités. En conséquence, nous estimons
nécessaire d’élaborer un profil professionnel pour les personnes chargées de la prise en
charge des personnes autistes.
Voici, selon nous, les caractéristiques les plus
fondamentales :
Etre attiré par les différences
Nous pensons qu’il est utile d’être des ‘aventuriers du mental’ et de se sentir attiré par
l’inconnu. Certaines personnes craignent les différences, d’autres sont attirées et souhaitent
en découvrir davantage à leur sujet.
Avoir une imagination vive
Comme expliqué ci-dessus, il est pratiquement impossible de comprendre ce qu’est
l’existence dans un monde littéral, les difficultés à aller au-delà de ‘l’information fournie’
(Bruner, 1975), le fait d’aimer sans intuition sociale innée. Afin de partager l’esprit d’une
personne autiste, qui souffre d’un problème d’imagination, nous devons générer en
compensation, d’énormes trésors d’imagination.
Etre capable de donner sans recevoir des remerciements (ordinaires)
Nous devons être capables de donner sans beaucoup recevoir en retour et ne pas être
déçus par le manque de réciprocité sociale. Au fil de l’expérience, une personne apprendra
à détecter les formes alternatives de remerciements et la gratitude (justifiée ou non)
manifestée par de nombreux parents compense amplement.
Etre désireux d’adapter son style naturel de communication et d’interaction sociale
Le style requis a davantage trait aux besoins de la personne autiste qu’à nos niveaux
spontanés de communication sociale (du type logorrhée ?). Cette tâche n’est pas aisée et
83
implique de nombreux efforts d’adaptation, mais il est vital de prendre en considération les
besoins qu’il nous incombe de satisfaire.
Avoir le courage de travailler ‘seul dans le désert’
Tout particulièrement lors des balbutiements des services instaurés dans ce domaine, peu
de personnes comprennent l’autisme de sorte qu’un professionnel motivé risque d’être
victime de critiques au lieu d’être applaudi pour ses nombreux efforts. Les parents ont connu
ce genre de critiques bien avant : ‘tout ce dont il a besoin, c’est de la discipline’, ‘si c’était le
mien’ ‘mères réfrigérateurs’ etc.
Ne jamais se satisfaire de son degré de connaissance
L’apprentissage de l’autisme et des stratégies éducatives est un processus continu car la
connaissance dans ces deux domaines s’amplifie en permanence. Le professionnel qui
pense l’avoir trouvée, l’a en fait ‘perdue’. La formation à l’autisme n’est jamais ‘terminée’.
Accepter que chaque petit progrès apporte un nouveau problème
Parfois, les gens ont tendance à jeter leur mots croisés s’ils ne parviennent pas à trouver la
solution. C’est impossible dans le cas de l’autisme. Une fois que vous avez commencé,
vous savez que votre mission de ‘détective’ ne se termine jamais.
Capacités pédagogiques et analytiques extraordinaires
Le professionnel de l’autisme doit avancer très progressivement, recourir à des supports
visuels à des niveaux très individualisés. Maintes évaluations doivent être accomplies en
permanence de sorte qu’il faut continuellement s’adapter.
Etre prêt à travailler en équipe
Etant donné que l’approche doit être cohérente et coordonnée, tous les professionnels
doivent être informés des efforts déployés par les collègues ainsi que du degré d’aide
proposé. Cela inclut les parents, tout particulièrement dans le cas des jeunes enfants.
Humble
Nous pouvons être des ‘experts’ en général, mais les parents sont les experts concernant
leur enfant et nous devons tenir compte de leur sagesse et de leur expérience. Dans le
domaine de l’autisme, le professionnel qui désire rester sur son ‘piédestal’ n’est pas utile.
Lors de la collaboration avec les parents, il est important de parler des réussites, mais aussi
d’admettre les échecs (‘s’il vous plaît, aidez-moi’). Les parents doivent aussi apprendre que
les experts en autisme ne sont pas des dieux olympiques.
Certains attendent sans doute le mot amour dans cette liste. L’amour est bien entendu
essentiel, mais comme un parent l’a déjà indiqué ‘l’amour n’est pas un remède miracle’. Les
parents et professionnels qui comptent trop sur les effets de l’amour seront déçus. Si
l’enfant n’accomplit pas suffisamment de progrès, est-ce parce qu’il n’est pas suffisamment
aimé ? Ou peut-être l’avons-nous aimé suffisamment, mais lui n’a pas accepté notre amour
en suffisance. De telles attitudes sont destructrices et créent un abîme là où une
collaboration optimale s’avère nécessaire. Amor NON vincit omnia. L’autisme est différent.
9.8
CONCLUSION
En matière d’autisme, la prévention de la violence et des problèmes dus au stress dépend
des caractéristiques individuelles de l’enfant, mais aussi du niveau de formation offert aux
parents et professionnels. Ces paramètres dépendent également des attitudes utilisées
envers les personnes faibles et de la continuité des moyens pratiques disponibles.
Le degré de civilisation d’une société peut être mesuré par le niveau de protection octroyé
aux plus vulnérables.
84
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87
88
CHAPITRE 10 : UN CODE DEONTOLOGIQUE POUR UNE
UTILISATION ADEQUATE DES
MEDICAMENTS ADMINISTRES AUX
PERSONNES AUTISTES
Paul Shattock
Université de Sunderland (GB)
10.
INTRODUCTION
Outre le choix concret du médicament, d’autres facteurs revêtent tout autant d’importance
pour le traitement des personnes autistes. Etant donné que les moyens de communication et
la compréhension du besoin de communication font défaut ou sont déficients, il est tout
particulièrement important que les personnes chargées de fournir des médicaments aux
personnes autistes adoptent la plus extrême vigilance. Certaines des considérations
applicables à l’utilisation de médicaments sont énumérées ci-après.
10.1
Mesure de précaution et stockage des médicaments
Les médicaments doivent toujours être stockés dans des conteneurs dotés d’une serrure
verrouillée. Des vitrines adaptées sont généralement utilisées par les pharmaciens afin d’y
entreposer les médicaments contrôlés. Le pharmacien local a généralement la possibilité
d’obtenir ce présentoir à prix coûtant auprès de son fournisseur.
Il n’est pas rare que des médicaments s’égarent ou disparaissent de la circulation. Un
système d’enregistrement minutieusement détaillé de tous les médicaments s’avère être une
condition sine qua non absolue. Même les ‘médicaments en vente libre’ et les 'remèdes
phytothérapeutiques' doivent être répertoriés car ils sont parfois susceptibles d’engendrer
des effets très prononcés. Les relevés doivent être régulièrement inspectés afin de confirmer
leur exhaustivité et leur fiabilité.
10.2
Posologie
La posologie ainsi que les intervalles entre les prises doivent être rigoureusement respectés.
Si la prescription indique ‘trois fois par jour', les prises devront être espacées de la manière
la plus équitable que possible. A titre d’exemple, les antibiotiques sont fréquemment
prescrits à raison de 'trois fois par jour'. S’ils sont administrés avant le petit déjeuner, au
déjeuner et avant l’heure du thé, cela signifie que les trois doses ont été ingérées au cours
d’une période de neuf heures. Les 15 heures restantes seront exonérées de toute
médication et l’infection bactérienne aura toute latitude pour 'reconquérir du terrain' durant
cette période. Il est tout aussi stupide de réveiller une personne en pleine nuit pour lui
administrer son médicament.
On estime que seulement 13% des médicaments prescrits sont pris conformément aux
instructions stipulées sur l’ordonnance.
Une première difficulté consiste à s’assurer que les personnes autistes prennent
effectivement leurs médicaments. Certaines sont passées maîtres dans l’art de dissimuler
les médicaments dans leur bouche pour les recracher ensuite. Pour la plupart des
médicaments, une forme liquide est disponible, notamment pour les personnes qui
éprouvent des difficultés à avaler une médication sous forme solide. Même si un tel produit
89
n’est pas commercialisé, il est généralement possible de prendre des dispositions pour
produire une forme liquide acceptable.
10.3
Respect des instructions
Les étiquettes comportent fréquemment une série d’instructions subsidiaires. 'Eviter le lait'.
'Prendre avant ou durant le repas'. De telles recommandations doivent être assimilées à des
instructions et non à de simples conseils. A titre d’exemple, la plupart des antibiotiques
doivent être pris l’estomac vide. En d’autres termes, ils doivent être consommés au
minimum une demi-heure avant ou une heure après un repas. 50% de leur activité
potentielle sera réduit à néant si de telles instructions sont ignorées. Certains antibiotiques
(notamment l’oxytetracycline) sont rendus complètement inertes au contact du calcium
présent dans les produits laitiers et dans maintes préparations antiacides. En revanche,
dans d’autres cas il est préférable de prendre les médicaments lors des repas. En règle
générale, l’ingestion de médicaments lors des repas engendre des résultats moins
spectaculaires, mais suscite une action prolongée. L’ingestion de médicaments avec des
denrées alimentaires s’avère également utile lorsqu’ils sont susceptibles d’endommager la
paroi de l’estomac par exemple. L’aspirine constitue une excellente illustration de ce propos.
10.4
Absorber avec de l’eau
Dans l’ensemble, tous les médicaments doivent être absorbés avec de l’eau. L’œsophage
que le médicament va parcourir entre la bouche et l’estomac ne constitue aucunement un
conduit rigide le long duquel le comprimé dégringole. Le médicament est activement
transporté le long de l’œsophage grâce aux ondes péristaltiques. Un minimum de 100 ml
d’eau (une tasse pleine) s’avère nécessaire pour garantir ce processus. La méthode qui
consiste à prendre les comprimés 'à sec' est nocive, potentiellement préjudiciable et cruelle
bien qu’elle soit répandue chez les personnes handicapées de manière inacceptable. De
nombreux comprimés sont acides et auront pour conséquence physique une brûlure de la
gorge par exemple.
Dans de nombreux établissements scolaires ou centres pour personnes présentant des
besoins spécifiques, il existe une difficulté flagrante à persuader les clients de prendre leurs
médicaments. Leur refus peut être imputable à un goût déplaisant ou aux effets secondaires,
voire le plus fréquemment au fait que le médicament ne soit pas administré avec des
quantités d’eau suffisantes de sorte que l’ingestion des comprimés déclenche des douleurs
instantanées. Il n’est dès lors pas surprenant que, dans ces circonstances, des réticences
accompagnent la prise du médicament.
10.5
Interactions entre médicaments
Une fois encore, le personnel soignant doit faire preuve de vigilance face à de telles
possibilités. De nos jours, les pharmacies et les médecins inscrivent dans leurs dossiers
tous les médicaments prescrits à chaque client individuel. En conséquence, il s’agirait
simplement de repérer les difficultés éventuelles. La plupart des ordinateurs modernes dont
les pharmacies sont équipées indiqueront les problèmes éventuels qui pourront ainsi être
évités. Même les médicaments en vente libre et les remèdes phytothérapeutiques devraient
être vérifiés de cette manière. Si des particularités existent chez un sujet défini, par exemple
une sensibilité aux pénicillines ou au blé, elles devront être notifiées au pharmacien afin qu’il
les encode dans son ordinateur. Dans certains cas, cette précaution est susceptible de
sauver des vies.
90
Il s’avère manifestement utopique de relater tous les exemples d’interactions
médicamenteuses possibles, néanmoins un aperçu éloquent est proposé ci-après.
Les tetracyclines et les antiacides ont déjà été cités. Le même propos s’applique aux
suppléments en fer (qui peuvent être présents dans les fortifiants et les produits
multivitaminés). Mis en contact, ils réagissent dans l’estomac pour former un complexe
totalement inerte de sorte que les effets bénéfiques de l’antibiotique et du supplément seront
vains.
La Warfarin et l’aspirine (et d’autres anti-inflammatoires non stéroïdes). Ces deux produits
ont des effets qui, dans certaines circonstances, s’avèrent bénéfiques. Tous deux dilueront
le sang et préviendront ainsi la coagulation sanguine dans des circonstances appropriées.
La quantité de warfarin ingérée à cette fin est critique pour chaque patient. Le simple fait de
prendre une aspirine en apparence innocente pourrait amplifier ces effets et provoquer une
hémorragie interne.
Des médicaments antifongiques comme le metronidazole (Flagyl) et autres (généralement
assortis du suffixe -azole) sont à juste titre tristement renommés pour leurs interactions avec
l’alcool, même en quantités infimes. Faire fi de la restriction 'Eviter l’alcool' provoquerait
inéluctablement des nausées, des vomissements ainsi que de graves douleurs.
Des médicaments dont les structures et modes d’action sont similaires provoqueront, s’ils
sont pris conjointement, un effet cumulé et augmenteront ainsi le potentiel des effets
secondaires. A titre d’exemple, le diazepam ingéré de jour pour lutter contre l’anxiété et du
temazepam pris le soir afin d’encourager le sommeil appartiennent tous deux au même
groupe de médicaments (les benzodiazépines). Bien que les profils de leurs activités soient
légèrement différents, l’augmentation du risque est manifeste.
Dans l’ensemble les antibiotiques sont des médicaments très sûrs, mais ils peuvent
engendrer des interactions inattendues. A titre d’exemple, de nombreux types de pilules
contraceptives perdront leur efficacité lors d’un traitement à base d’antibiotiques. Durant un
tel traitement, les personnes ayant une activité sexuelle doivent être encouragées à utiliser
des méthodes contraceptives supplémentaires.
De nombreuses personnes autistes souffrent également de crises d’épilepsie qui étaient (et
sont encore dans une large mesure) contrôlées grâce à la phenytoin (Epanutin). Les effets
secondaires de la phenytoin sont nombreux et variés, ils incluent notamment des effets
inattendus comme l’élargissement des gencives ainsi que la production d’une pilosité
excessive. En outre, elle peut affecter de manière spectaculaire l’assimilation des autres
médicaments de sorte que leurs effets seront soit diminués soit augmentés. La phenytoin
est un de ces médicaments dont les niveaux de propagation ne sont pas nécessairement
étroitement liés aux doses ingérées. Il s’avèrera nécessaire, tout particulièrement au début
de surveiller les niveaux de propagation par le biais de prélèvements sanguins.
Il existe de nombreux autres exemples d’interactions. Si un phénomène anormal est
suspecté, il doit être signalé aux autorités compétentes pour évaluation et examen.
10.6
Effets secondaires
Le médicament dénué d’effets secondaires n’existe pas.
Les effets secondaires mineurs des médicaments sont extrêmement courants et peuvent
apparaître anodins au regard du problème de santé traité. Cependant, nombre d’entre eux
peuvent menacer la vie de certains individus. A titre d’exemple, le fait de parcourir le
'Datasheet Compendium' (1997/98) qui énumère tous les médicaments disponibles dans le
91
commerce au R-U et décrit tous les effets secondaires possibles, peut s’avérer une
expérience pour le moins traumatisante.
Le médecin comme le pharmacien sont
sempiternellement confronté à un dilemme: que faut-il divulguer aux patients. Le patient
devrait-il être averti de tous les effets secondaires possibles? Lorsque les patients sont
informés des effets secondaires éventuels, ils pourraient parfaitement ressentir des effets en
fin de compte inexistants. Par ailleurs, parallèlement le patient peut endurer des effets
secondaires inutiles sans en connaître la cause et sans pouvoir les associer à son
médicament.
A titre d’exemple, de nombreux patients prétendent être sensibles à la pénicilline alors qu’en
réalité ils ne le sont pas le moins du monde. Néanmoins, en raison de la gravité des
conséquences éventuelles, de telles suggestions doivent être prises pour argent comptant.
Manifestement, le personnel soignant et les parents devraient être alertés de ces possibilités
et se montrer vigilants face à des effets malencontreux. Les personnes autistes dépendent
souvent totalement des personnes qui s’en occupent pour les prémunir de tels préjudices. A
l’heure actuelle, il existe de nombreux excellents ouvrages de référence qui traitent de
l’utilisation et des abus de médicaments. De tels manuels devraient être disponibles à titre
indicatif. Il est judicieux de solliciter auprès du pharmacien ou de l’auteur de l’ordonnance
des informations ou clarifications en cas d’incertitude.
Exemples d’effets secondaires
Chaque médicament est assorti d’une liste complète d’effets secondaires, mais certains
exemples classiques sont énumérés ci-après.
Les antibiotiques préalablement décrits sont généralement prescrits pour un traitement d’une
durée d’une semaine. Les bactéries, pour autant qu’elles soient sensibles sont tuées, mais
les champignons et les levures proliféreront. Les selles présenteront probablement un aspect
plus liquide et apparaîtront vraisemblablement du muguet et des démangeaisons au niveau
des organes génitaux et de l’anus. De nombreux parents et membres du personnel soignant
ont remarqué que ces problèmes se présentaient avec davantage d’acuité chez les
personnes autistes. Il existe une école de pensée qui établit une corrélation entre la
présence de ces levures (la Candida en particulier) et la cause de l’autisme. Ce lien n’est
pas prouvé à ce jour, mais il ne subsiste aucun doute quant au fait que les personnes
autistes sont tout particulièrement prédisposées à l’émergence de ce type de problème.
Les diurétiques sont fréquemment administrés afin de réduire une pression artérielle élevée.
Ils ôtent l’excès de liquide du sang, mais peuvent également enlever d’autres substances, en
particulier le potassium. Souvent, mais pas invariablement, des suppléments en potassium
sont prescrits. En outre, si les diurétiques et l’eau sont ôtés du sang, la concentration des
autres médicaments augmentera et des effets secondaires pourront apparaître. La
sécheresse de la bouche (sous forme d’un sentiment accru de soif), des pulsations
irrégulières, des changements d’humeur ou mentaux, des nausées, des crampes
musculaires, une fatigue ou mollesse inhabituelles constituent des signes précurseurs.
Quasiment tous les médicaments qui affectent le cerveau se révèlent non spécifiques dans
leur action. Néanmoins, grâce à une observation minutieuse et à une prise de conscience
des effets secondaires, ils peuvent être minimisés au point d’être éradiqués grâce à des
variations de la dose.
Des neuroleptiques comme la Chlorpromazine (Largactil) et la Thioridazine (Melleril) sont
fréquemment et, dans une large mesure inopportunément, administrés à des personnes
autistes. Dans certains cas, probablement en raison des anomalies biochimiques inhérentes
à la maladie, les personnes autistes semblent être tout particulièrement prédisposées aux
effets secondaires provoqués par ces médicaments.
Ces effets se traduisent
92
communément par la somnolence, des mouvements anormaux, une augmentation des
comportements stéréotypés, une incapacité à rester calme. La plupart de ces mouvement
dits 'dyskinétiques' sont, dans certains cas, typiques chez les personnes autistes, mais sont
néanmoins largement amplifiés lorsque de tels médicaments sont administrés. Dans
certains cas, les effets de cette médication sont suffisamment graves que pour provoquer
une catatonie extrêmement grave (rigidité et incapacité de se mouvoir) ou d’avoir pour effet
que le globe oculaire soit révulsé dans l’orbite. Heureusement, de tels effets sont
rapidement annulés lors de l’arrêt du médicament ou lorsque d’autres médicaments sont
prescrits afin de soulager ces effets (cf. ci-dessous).
Le développement d’effets permanents et irréversibles connus sous le terme de ‘dyskinésie
tardive’ pourrait revêtir une signification accrue. De tels effets surviennent lorsque ces
médicaments sont utilisés au cours d’une certaine période sans résultat si ce n’est une
augmentation des doses du médicament en question. Lorsque le traitement est interrompu,
des ‘dyskinésies de sevrage’ apparaissent. La plupart des étranges mouvements du tronc
ou mouvement de la bouche, comme par exemple les protrusions de la langue si
fréquemment détectés chez les patients hospitalisés à long terme sont induits par les
médicaments. Dans certaines parties du monde, il est illégal d’administrer de tels
médicaments aux personnes autistes, ce n’est pas le cas au Royaume-Uni.
Très fréquemment des médicaments tels que la procyclidine (Kemadrin), l’orphenadrine
(Disipal) et le chlorhydrate detrihexyphénidazole (Artane) sont administrés parallèlement aux
neuropleptiques afin d’en minimiser les effets. Parfois, un terme est mis au traitement à
base de neuroleptiques, mais le médicament prescrit afin d’endiguer les effets secondaires
est oublié et continue d’être prescrit. De tels phénomènes, bien qu’ils puissent entièrement
être évités ne sont pas rares et certains patients peuvent avoir pris ces médicaments et
ressenti leurs effets secondaires (sécheresse de la bouche, etc.) des années durant.
Dans le cadre de ce paragraphe consacré aux neuroleptiques, il serait judicieux de rappeler
que parmi les effets secondaires les plus inattendus, mais néanmoins sérieusement
documentés, figure la possibilité d’un début de lactation, à savoir la production de lait, même
chez les sujets de sexe masculin.
Signification des effets et effets secondaires des médicaments
Chaque fois qu’un changement d’humeur, de comportement, d’apparence ou de
fonctionnement survient chez une personne autiste, il convient de vérifier automatiquement
les médicaments administrés et plus particulièrement les modifications éventuellement
opérées. Outre les effets flagrants traduits sous forme de nausée, d’état maladif ou de
diahrrée, il y a lieu de déterminer la présence des phénomènes suivants:
-
agitation ou somnolence accrue;
-
éruptions cutanées;
-
température élevée;
-
mollesse;
-
changements d’humeurs/ confusion/vertiges;
-
sécheresse de la bouche ou sensation de soif;
-
coloration ou odeur inhabituelle de l’urine;
93
-
douleurs;
-
toux persistante.
Des symptômes tels que la toux persistante peuvent bien entendu être imputables à de
nombreuses situations dont une à vérifier, à savoir la médication. Certains médicaments
utilisés pour réduire la pression artérielle dénommés inhibiteurs ECA sont notoires pour ce
type d’effet. Des vérifications doivent être effectuées et les dossiers mis à jours non
seulement pour les médicaments officiellement prescrits, mais également dans le cas des
médicaments en vente libre et des produits phytothérapeutiques.
Toujours vérifier :-
le médicament a-t-il été pris correctement? Lorsqu’une personne se trouve chez elle,
c’est généralement peu vraisemblable.
-
cette réaction pourrait-elle être imputable à une prise excessive ou insuffisante des
médicaments?
-
Existent-ils d’autres indices supplémentaires?
-
à titre d’exemple, la perception d’un halo jaune autour des objets (excès de digoxine).
-
un bourdonnement dans les oreilles (aspirine).
-
production soudaine de lait ou pilosité inattendue (cf. ci-dessus)
10.7
Personnes âgées
Au fur et à mesure du vieillissement de la population, des effets secondaires deviendront
apparents. Des médicaments auparavant jugés entièrement sûrs quant à ces effets
commenceront à en induire. Plusieurs raisons justifient cette propension.
a)
La taille de l’individu diminue;
b)
L’efficacité du foie et des reins chargés de répartir et d’éliminer les déchets diminue;
c)
Le ratio muscle/graisse diminue de sorte qu’une moindre quantité du médicament est
stockée dans les tissus adipeux et une quantité plus importante est disponible pour
circuler dans le système sanguin.
Dans l’ensemble de la communauté, l’utilisation correcte des médicaments est
comparativement rare. Une grande partie des souffrances évitables est induite par une
mauvaise utilisation du médicament et une négligence des procédures simples.
Dans les centres résidentiels, les personnes chargées de la sélection des médicaments ne
sont généralement pas les personnes responsables de leur administration. Le personnel en
première ligne se plaint généralement d’être tenu dans l’ignorance quant aux raisons de la
prescription des médicaments et leurs modalités de prise. Il se plaint également de ne pas
avoir la possibilité d’émettre des commentaires ou de participer à la discussion au sujet des
médicaments à prodiguer. La direction et le personnel prodigueront des conseils au
médecin quant aux régimes médicamenteux, mais ils ne sont fréquemment pas en mesure
d’avoir conscience de l’efficacité du programme, des problèmes susceptibles de survenir ou
de l’incidence des effets secondaires, particulièrement des plus inattendus.
94
Des systèmes devraient manifestement être instaurés afin de mettre en place un suivi
constant. La plupart des pharmacies offriront un large éventail d’aides afin de s’assurer de
distribuer à chaque patient les médicaments appropriés. Ce service fait l’objet d’une
commercialisation agressive de la part de certaines chaînes de pharmacies et elles seront
probablement enclines à encourager l’utilisation de leur système propre afin de l’associer à
de futurs achats de médicaments et à la préparation de prescriptions par leur firme. La
plupart des pharmacies se feront un plaisir, si on le leur demande, de fournir un tel service et
seront désireuses d’examiner et de fournir un système qui satisfasse vos besoins et non
l’inverse. Si une compagnie désire retenir ses clients, elle doit offrir un service qui réponde
entièrement à leurs besoins.
95
96
CHAPITRE 11 : DIMENSION EUROPEENNE
Dr Christopher Williams
Université de Londres (GB)
11.1
UN PRINCIPE DIRECTEUR – LA DECLARATION DES N.U. SUR LES VICTIMES
Comme nous l’avons vu au premier chapitre, la majorité des préjudices endurés par les
personnes vulnérables dépasse le cadre du droit national. La Déclaration of Basic
Principals of Justice for Victims of Crime and Abuse of Power (1985) des N .U. semble dès
lors être extrêmement pertinente. 1 Elle édicte trois éléments fondamentaux.
Premièrement, la Déclaration indique que la victimisation ne se définit pas uniquement en
termes de législation nationale et que, dans certains cas, il s’avère opportun de
conceptualiser des groupes de victimes:
18. Le terme victimes désigne les personnes qui, individuellement ou collectivement,
ont subi des préjudices, y compris des dommages physiques ou mentaux, des
souffrances psychologiques, une perte économique, voire un affaiblissement
substantiel de leurs droits fonctionnels, par le biais d’actes ou d’omissions qui ne
constituent pas encore des violations des droits criminels nationaux, mais enfreignent
les normes inhérentes aux Droits de l’Homme internationalement reconnues.
(traduction non officielle)
Deuxièmement, une réponse nationale est sollicitée:
19. Les Etats devraient envisager d’intégrer à leur droit national des normes qui
proscrivent les abus de pouvoir et proposent des réparations aux victimes de tels
abus.
En particulier, ces réparations devraient inclure la restitution et/ou
l’indemnisation ainsi qu’un soutien et une assistance matérielle, médicale,
psychologique et sociale. (traduction non officielle).
21. Les Etats devraient périodiquement réviser la législation et les pratiques
existantes afin de garantir leur capacité de réaction face à des circonstances en
pleine mutation. Ils devraient promulguer et mettre en œuvre, si nécessaire, une
législation qui proscrive des actes qui constituent de graves abus de pouvoir
politiques ou économiques et promouvoir les politiques, les mécanismes de
prévention de tels actes et devraient élaborer, mettre immédiatement à disposition
des droits et réparations pour les victimes de tels actes. (traduction non officielle)
Troisièmement, une réponse internationale est également requise:
20.
Les Etats devraient envisager de négocier des traités internationaux
multilatéraux concernant les victimes, conformément à la définition du paragraphe
La Commission européenne constitue un forum approprié pour traiter l’Article 20.
11.2
CONSIDERATIONS EUROPEENNES
1
Fattah, E.A. (1992) The plight of victims in modern society, Macmillan: London, see chapter - ‘On
some neglected types of victimisation - victims of abuse of power’.
97
Une approche européenne ne peut fournir un cadre global pour une réponse car maintes
stratégies fondamentales requièrent la mise en œuvre de changements législatifs et une
amélioration des pratiques professionnelles dans chacun des Etats-membres (cf. les
suggestions formulées dans le chapitre final). Néanmoins, la perspective européenne offre
la possibilité d’opérer des changements significatifs sur base de deux axes: (i) par le
truchement d’actions spécifiques à l’échelon européen, actions non envisageables dans les
Etats pris individuellement et (ii) grâce à une cohérence accrue à travers les nations.
11.2.1 Actions à l’échelon européen
11.2.1.1
Mobilité des auteurs d’infractions
Certaines nations disposent de systèmes de vérification des casiers judiciaires et
autres dossiers des professionnels désireux d’être engagés pour s’occuper d’enfants
ou d’adultes vulnérables. Néanmoins, ces vérifications ne s’opèrent pas à l’échelon
européen. Ainsi, les personnes dont le dossier recèle des infractions ou qui ont été
licenciées pour avoir porter atteinte à des personnes vulnérables peuvent en toute
impunité s’installer dans un autre pays, y décrocher un emploi et continuer à leur
guise à abuser de personnes vulnérables.
Les vérifications effectuées par la police concernant des éducateurs ou autres
professionnels devraient être d’envergure européenne. En attendant, ces
contrôles devraient englober les vérifications du casier judiciaire dans le pays
d’où émane l’offre d’emploi, dans le pays d’origine ainsi que dans tout autre
pays où la personne concernée a résidé. Les éléments recueillis devraient être
mis à la disposition des employeurs du secteur gouvernemental et non
gouvernemental.
11.2.1.2
Poursuites pénales transfrontalières
En Europe, la mobilité des personnes handicapées est à la hausse, particulièrement
en période de vacances. Cette situation implique que des infractions sont commises
alors que les victimes ne séjournent pas dans leur pays natal. Dans de nombreux
cas, l’auteur de l’infraction est un éducateur qui accompagne un groupe de
personnes handicapées et les infractions ne sont pas révélées avant que les victimes
ne regagnent leur pays de résidence. D’ordinaire, les tribunaux établis dans le pays
de résidence sont dans l’impossibilité d’entamer des poursuites pénales. Le
déploiement logistique nécessaire pour se déplacer dans le pays où l’événement
s’est produit, pour procéder à l’enquête et entamer les poursuites s’avère complexe.
Il est peu vraisemblable que des poursuites entamées devant un tribunal en
s’exprimant dans une autre langue et en agissant au nom de victimes susceptibles
d’éprouver des difficultés à communiquer dans leur langue maternelle soient
couronnées de succès. A l’heure actuelle, les auteurs d’infractions sont conscients
de la possibilité de se soustraire aux conséquences de leurs méfaits en raison de
l’absence de poursuites transfrontalières ; d’ailleurs, nombre d’entre eux abusent à
dessein de leur position de confiance lorsqu’ils séjournent en dehors de leur pays de
résidence.
Il existe deux possibilités pour garantir la mise en œuvre, au nom des personnes
vulnérables, de poursuites transfrontalières:
98
(i) élaborer une législation similaire à celle qui permet actuellement de
poursuivre des pédophiles dans leur pays d’origine, pour des infractions
commises dans d’autres pays (ex. Belgique, R-U et Australie) ;
(ii) recourir à des tribunaux mobiles. Un tribunal du pays où l’infraction s’est
produite siège dans le pays où la victime réside et utilise éventuellement la
langue de la victime et du défendeur. Techniquement, cette possibilité est déjà
envisageable, mais n’a pas encore été explorée. Ce système pourrait être
applicable à d’autres situations, par exemple à des personnes avec de graves
problèmes de santé ou à des affaires de pédophilie ; il pourrait en outre être
géré à l’échelon européen.
11.2.1.3
Pornographie et prostitution
Selon certaines indications, des personnes présentant des troubles du
développement sont utilisées pour la production de vidéos pornographiques, dans le
cadre d’INTERNET et dans d’autres documents. De même, il semble que des
personnes vulnérables soient parfois emmenées dans d’autres pays pour se
prostituer.
Les initiatives européennes pour contrer la pornographie et la prostitution
devraient prendre en compte la possibilité que des personnes handicapées
mentales soient exploitées. Elles devraient, en outre, favoriser la constitution
d’une base de données sur les législations nationales tout particulièrement
applicables à l’exploitation des personnes vulnérables à des fins sexuelles (ex.
Sexual Offences Acts au R-U).
Des recherches devraient être entreprises au niveau européen pour étudier
l’ampleur et la nature de l’exploitation sexuelle des personnes atteintes de
déficiences intellectuelles.
11.2.1.4
Mobilité et immigration.
Les niveaux de prestation du service public pour les personnes handicapées varient
considérablement d’un pays à l’autre. Dans les pays où les prestations s’avèrent
supérieures, d’aucuns craignent que des personnes handicapées ne s’installent chez
eux afin d’obtenir l’accès aux services publics.
Les pratiques en matière
d’immigration susceptibles d’être utilisées pour procéder à une discrimination fondée
sur le handicap pourraient entraver la mobilité des personnes handicapées.
A tort ou à raison, la conviction des familles quant au fait que les services de
l’immigration leur refuseront l’entrée sur le territoire en raison de la présence d’une
personne handicapée aura pour conséquence que les personnes handicapées seront
‘laissées’ aux mains d’éducateurs peu compatissants dans le pays d’origine. Ce
problème semble être davantage répandu parmi les immigrants extérieurs à l’UE soit
en raison du mythe selon lequel l’accès leur sera refusé (ex. les immigrants de HongKong à destination du R-U ont placé leurs enfants handicapés dans des orphelinats
en Chine) ou parce que certains Etats octroient, de façon incongrue, différents
niveaux de citoyenneté à ces groupes (ex. les Bosniaques ou les Turcs en
Allemagne).
99
Les règles en matière d’immigration en vigueur dans tous les Etats membres,
notamment celles afférentes aux personnes handicapées, devraient être
examinées sous l’angle de la cohérence technique et en vue d’une application
correcte. En outre, les critères devraient être ouvertement et clairement
communiqués aux immigrants potentiels.
11.2.1.5
Pays administrés par des nations européennes
Certaines nations européennes administrent encore quelques-unes de leurs
anciennes colonies et assument, par conséquent, la responsabilité des préjudices
subis par les personnes handicapées dans ces pays. Notamment si ces abus
découlent de carences des services publics ou d’abus pratiqués en leur sein. Les
normes en vigueur dans les services publics d’outre-mer sont parfois inférieures aux
standards européens. En outre, les principes de la Convention européenne des
Droits de l’Homme ne sont pas étendus à ces contrées. A l’époque où le Portugal
administrait encore Macao, divers articles de presse relatèrent l’existence des
‘enfants des cages oubliés’ :
Des jeunes gens et jeunes garçons présentant un grave retard mental qui
passent leur existence enfermés dans un zoo humain désuet et pathétique...
La plupart d’entre eux séjournent une grande partie de leur vie dans des
cages ; ils restent généralement à l’état de pitoyables légumes allongés dans
des lits en métal vieux de quarante ans...un bruit effrayant vient du coin d’une
vaste pièce faiblement éclairée où un jeune homme muet complètement nu,
agrippé aux barreaux, se balance, tel un singe, afin de réclamer du mieux qu’il
peut un morceau de pain.’ 1
Des problèmes moins extrêmes, mais tout aussi significatifs sont encore signalés.
Les normes minimales européennes en matière de prestation de services et les
principes de la Convention européenne des Droits de l’Homme devraient être
étendus aux pays d’outre-mer administrés par des Etats européens.
11.2.2 Cohérence à travers l’Europe
11.2.2.1
Identification et diagnostic de l’autisme
Actuellement, il n’existe pas de critères standards pour l’identification et le diagnostic
des troubles du spectre autistique ; en outre, la terminologie se révèle incohérente.
Cet état de fait induit :
(i) une offre de services inégale d’un Etat à l’autre ;
(ii) une différence quant à la responsabilité ou non d’une personne autiste en
matière d’actes criminels ;
(iii) une carence en informations statistiques fiables au sujet de l’autisme.
Un accord d’envergure européenne devrait être conclu quant à l’identification et au
diagnostic de l’autisme.
11.2.2.2
1
Services incohérents et abandon
op cit 6, p27.
100
Il semble que, parfois, des enfants handicapés sont abandonnés ou envoyés dans
des pays où l’offre de services jouit d’une meilleure réputation.
A l’échelon européen, les Etats devraient veiller à proposer aux personnes
handicapées un niveau minimal de services de prise en charge,
particulièrement en ce qui concerne les enfants. Les critères en la matière
devraient en partie découler des recherches menées sur les motivations des
familles à abandonner leurs enfants dans d’autres pays afin qu’ils bénéficient
d’un meilleur accompagnement.
11.2.2.3
Négligence médicale
Dans les Etats membres, les citoyens européens jouissent du droit à un traitement
médical élémentaire, mais l’incohérence règne en maître quant aux réparations
prévues en cas de préjudice (éventuellement un handicap) imputable à ce traitement.
Ce cas de figure revêt d’autant plus de pertinence dans le cas du suivi post-natal, lors
d’un accouchement ou en matière de protection de l’enfant à naître.
Ce principe est également applicable aux soins de dentisterie. Récemment, il est
apparu que la présence de mercure dans le plombage dentaire pouvait avoir une
corrélation avec certaines déficiences détectées à la naissance. Des dispositions ont
été immédiatement prises en Suède, en Allemagne et ultérieurement au R-U. Un
individu issu d’un pays doté d’un niveau de protection élevé peut ne pas avoir
conscience que des standards aussi élevés ne sont pas d’application dans le pays
où le traitement est prodigué. Si une norme supérieure cohérente ne peut voir le jour
en Europe, la différence en matière de standards doit être explicitement indiquée aux
patients en provenance d’autres pays.
Très occasionnellement, la vaccination des nourrissons et des enfants provoque des
déficiences mentales. Des incohérences existent quant
(i) aux types de vaccinations pratiqués en Europe (ex. le R-U a utilisé des
formes de vaccins interdites en Allemagne et en Suède) ;
(ii) à l’obligation ou non de vacciner les enfants (en France par exemple, la
vaccination constitue une condition préalable à l’admission dans un
établissement scolaire) ou à la possibilité de l’administrer uniquement en cas
d’accord des parents (à l’instar des Pays-Bas) ;
(iii) au paiement ou non d’une indemnité en cas de dommage, ex. le R-U
dispose d’une législation spécifique.
Ces divergences suscitent de nombreuses incohérences pour les familles mobiles.
Un enfant néerlandais qui réside en France ne jouit pas de la protection du principe
de l’accord parental dont il pourrait bénéficier dans son pays d’origine. Un enfant
britannique vacciné au R-U, mais qui réside ailleurs au moment où une maladie est
diagnostiquée ne pourrait pas réclamer une indemnité en vertu du droit britannique
car la victime doit résider au R-U pour pouvoir introduire une requête conformément à
la loi britannique. Cependant, un enfant qui n’est pas un ressortissant britannique,
mais a été vacciné au R-U pourrait réclamer une indemnité en vertu du droit
britannique.
101
Une politique européenne devrait être élaborée au sujet de la vaccination des
enfants (i) quel que soit le pays, le type de vaccin utilisé devrait refléter les
normes de sécurité européenne les plus élevées, (ii) le droit des parents de
refuser leur accord devrait être défini et appliqué de manière cohérente, (iii) les
systèmes d’indemnisation devraient être cohérents à travers toute l’Europe.
11.2.2.4
Le statut de l’enfant à naître en qualité de victime.
Des handicaps peuvent fréquemment être provoqués par des facteurs identifiables
alors que l’enfant se trouve dans l’utérus. Les causes peuvent être physiques (ex.
une femme enceinte qui est agressée), découler de pratiques médicales ou de
l’utilisation de médicaments, être induites par l’abus d’alcool ou de drogue, voire de
plus en plus couramment, être imputables à des effets environnementaux, à savoir la
pollution aux métaux lourds, les radiations ou les carences en substances micronutritives. 1 Il n’apparaît pas clairement dans les différents pays européens si l’enfant
à naître jouit ou non du statut de victime à part entière et est habilité, à ce titre, à
bénéficier de demandes d’indemnisation. (Aux E-U, cette question a été clarifiée).
Dans le cas des nourrissons victimes de la Thalidomide, aucune réclamation n’a été
introduite au tribunal car il n’était pas certain que des dommages et intérêts pouvaient
être réclamés au nom d’un bébé à naître. Le règlement à l’amiable qui s’en est suivi
s’est avéré totalement inadéquat et la tentative de la législation britannique de
résoudre le problème a été vaine.
Dans les différents Etats membres, le statut relatif de victime lorsqu’il s’agit
d’un enfant à naître doit être davantage exploré et, dans la mesure du possible,
un consensus doit être atteint.
11.2.2.5
Responsabilité des méfaits
Une punition infligée pour des méfaits s’avère inopportune d’un point de vue éthique si la
personne concernée ne comprend pas la nature pernicieuse de son acte. En outre, cette
punition ne sera assortie d’aucun effet si cette personne ne saisit pas la corrélation entre
l’acte et la punition. Dans certains Etats membres, des systèmes sophistiqués sont mis en
oeuvre pour distinguer les auteurs d’infractions et les défendeurs qui présentent des
déficiences mentales afin de s’assurer que les personnes qui ne peuvent être tenues
responsables de leurs actes soient soustraites aux procédures normales et reçoivent une
aide appropriée. Dans certains cas, un ‘trial of the facts’ 2 est organisé afin de s’assurer que
la mesure de détention adoptée en vertu de la législation sur la santé mentale ne soit pas
excessive au regard de l’infraction commise. (On a répertorié des cas où des personnes
avaient été détenues de force dans des hôpitaux psychiatriques durant une décennie alors
que l’infraction était mineure et n’aurait pas, d’ordinaire, été sanctionnée d’une condamnation
à l’emprisonnement, par exemple dans le cas du vol d’une bouteille de lait.) A l’heure
actuelle, la cohérence entre Etats membres fait défaut. Une personne qui vole une barre de
chocolat pourra être remise entre les mains d’un assistant social dans un pays, être
envoyée en prison dans un autre (pour ne pas avoir payé une amende) ou être internée
1
op cit 6.
Note du traducteur: Le ‘trial of the facts’ est une procédure qui permet à un juge ou jury unique,
selon le cas, de décider après avoir entendu les avocats des parties et assisté à l’interrogatoire
contradictoire.
2
102
durant de nombreuses années dans un hôpital conformément à la législation sur la santé
mentale dans un troisième.
Les concepts de la capacité mentale et de la responsabilité criminelle doivent
faire l’objet de davantage de cohérence à l’échelon européen.
11.2.2.6
Législation concernant l’avortement et la stérilisation
Il est nécessaire d’harmoniser la législation concernant l’avortement et la stérilisation des
personnes considérées légalement incapables afin d’éviter que des personnes handicapées
soient emmenées dans d’autres Etats membres pour subir un avortement ou une
stérilisation.
La Commission européenne devrait encourager les Etats membres à développer une
législation cohérente concernant l’avortement et la stérilisation des personnes
légalement incapables.
11.2.2.7
Harcèlement raciste et harcèlement fondé sur le handicap
De nombreux pays européens sont dotés d’une législation de prévention et de
réparation en matière de harcèlement sexuel. Aucun ne dispose d’une législation
pour réagir face à des harcèlements similaires fondés sur le handicap. A titre
d’exemple, si un skinhead déclare au moment où une jeune homme noir passe à sa
hauteur:
“Allons casser la gueule à ce singe noir. Nous ne voulons pas des primitifs de
la jungle ici.” ;
ce commentaire serait illégal dans de nombreux pays. Mais si des termes
pratiquement identiques sont utilisés à l’intention d’un jeune homme autiste ou
présentant une déficience intellectuelle,
“Allons casser la gueule à ce stupide imbécile. Nous ne voulons pas des
gens de l’asile ici.”
Aucune infraction ne serait commise. Cette différence réside dans le fait que la
majorité de la législation antiraciste se justifie sur base du principe du maintien de
l’ordre et non sur base du respect des droits de l’homme. D’aucuns craignent que les
harcèlements à l’encontre des groupes raciaux minoritaires ne conduisent à des
ripostes violentes. Les lois anti-harcèlement ne s’étendent pas aux personnes
handicapées car il est peu probable que dans l’ensemble elles réagissent avec
violence. Ce principe est moralement injustifiable et n’est pas conforme aux principes
européens d’équité des droits de l’homme.
La Commission européenne devrait prodiguer des conseils et encourager les
Etats à étendre les lois sur le harcèlement racial aux personnes handicapées.
11.3
La Convention européenne des Droits de l’Homme
De nombreuses facettes de la Convention européenne des Droits de l’Homme se
révèlent extrêmement pertinentes en matière de réparation et prévention des
103
préjudices endurés par les personnes présentant des troubles du développement.
Les organisations de personnes handicapées de toute l’Europe devraient être
encouragées à recourir à la Convention.
104
CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit
être assurée, sans distinction aucune… (art.14)
Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (art.2)
Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou
dégradants. (art.3)
Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire. (art. 4.2)
Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. (art. 5.1)
Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une
langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation
portée contre elle. (art. 5.2)
Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions
contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. (art. 5.5)
Tout accusé a droit notamment à se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne
comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. (art.6.3 e)
Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de
sa correspondance. (art.8.1)
Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que
pour autant que cette ingérence est prévue par la loi… (art.8.2)
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit
implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de
manifester sa religion ou sa conviction… en public ou en privé, par le culte,
l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. (art.9.1)
Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté
d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées
sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques… (art.10.1)
Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association…
(art.11.1)
L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui,
prévues par la loi… (art.11.2)
À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder
une famille ... (art.12)
Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont
été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors
même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice
de leurs fonctions officielles. (art.13)
Traduction des protocoles
105
Des copies de la Convention ainsi qu’un guide de mise en œuvre sont disponibles
auprès de
Commission européenne des Droits de l’Homme
Conseil de l’Europe
BP 431 R6
67006 Strasbourg Cedex
France.
106
107
CHAPITRE 12 : LES POSSIBILITES DE CHANGEMENT ETUDE DU CAS DE LA GRANDEBRETAGNE
Dr Christopher Williams
Institute of Education
Université de Londres (GB)
Dans certaines régions d'Europe, la possibilité d'opérer des changements adéquats à
l'échelon gouvernemental peut paraître très limitée. L'objectif de ce chapitre est de
démontrer que le changement est possible. Si la Grande-Bretagne fait l'objet d'une étude de
cas, ce n’est pas qu'elle soit plus avancée que d'autres nations, mais parce qu'au moment
de la mise sous presse de cet article, le gouvernement britannique commençait à prendre le
problème au sérieux. Dans un rapport intitulé The Treatment of Vulnerable or Intimidated
Witnesses in the Criminal Justice System 1 (traitement des témoins vulnérables ou
intimidables dans le système judiciaire) , le Ministère de l'Intérieur britannique formule des
propositions de changements significatifs. (Le terme 'témoin' s'applique très largement à
toute personne susceptible de fournir des preuves : la victime, quelqu'un qui a assisté aux
faits ou l'accusé.)
Le rapport du Ministère de l'Intérieur émane d'un groupe de travail interministériel et
présente des propositions de changements législatifs ainsi que d'autres développements
nécessaires en matière d’accompagnement social et de prestation des soins de santé, par
exemple. Par le passé, les objectifs des lois n'ont jamais été atteints car elles ne pouvaient à
elles seules opérer des changements à l'échelle requise. La coopération interministérielle a
permis de surmonter ce problème. Le rapport ne se confine pas à une simple liste de
propositions politiques car il traite de détails précis, comme de savoir qui devrait être
responsable de garantir que des politiques spécifiques soient mises en vigueur. Plus
particulièrement, le rapport rappelle constamment que les victimes, lorsqu'il s'agit de
personnes handicapées, devraient être consultées à part entière et que leurs souhaits soient
pris en compte.
Il est également établi de façon explicite que le rapport "a tenu compte des obligations
imposées au Royaume-Uni par la Convention européenne des Droits de l'Homme."
12. 1 Contexte du rapport
Différentes activités réalisées depuis le début des années 1990 (recherche universitaire,
mobilisation des parents, préoccupation politique et intérêt de la presse) ont attiré l'attention
du public et du gouvernement sur la situation des victimes handicapées mentales. Au début
des années 1990, deux études 2 ont été financées par une association britannique
1
Home Office (1998) Speaking up for justice: report of the Interdepartmental Working Group on
the treatment of Vulnerable or Intimidated Witnesses in the Criminal Justice System, Siège :
Londres
2
Brown, H., Stein,J.& Turk, V. (1995) 'Report of a second two-year incidence survey on the reported
sexual abuse of adults with learning disabilities: 1991-1992, 'Mental Handicap Research', 8, 1.
Williams, C. (1995) Invisible victims: crime and abuse against people with learning disabilities,
Jessica Kingsley Publishers : Londres.
108
indépendante, la Fondation Joseph Rowntree. 3 Cette Fondation jouit d'une excellente
réputation en raison du soutien prodigué aux travaux sur les personnes handicapées, et plus
particulièrement sur personnes atteintes de déficiences intellectuelles qui, sans cela, ne
constitueraient pas un centre d'intérêt essentiel pour les chercheurs universitaires. Par la
suite, le Ministère de l'Intérieur britannique a commandé sa propre recherche, qui a abouti a
des conclusions 4 très similaires et a été prise plus au sérieux par le gouvernement (peut-être
parce qu'il l'avait financée). Au même moment, une organisation de parents, VOICE, a été
créée par des parents qui , avec succès, avaient intenté un procès au nom de leur fille,
victime d'une agression sexuelle. 5 Ils avaient surmonté les préjugés de la police, du
ministère public et des tribunaux grâce à l'aide d'un agent de police féminin très clairvoyant
et ont pensé pouvoir partager leur expérience. Edwina Currie, une parlementaire pleine
d'entrain, est devenue présidente de VOICE, ce qui a conduit à des réunions régulières avec
d'autres parlementaires à la Chambre des Communes. En 1998, le All-Party Working Group
on Disability (Intergroupe sur le Handicap) de la Chambre des Communes a entendu les
témoignages d'un éventail de parties intéressées et d'experts.
Un journal britannique, The Independent, a commencé à se préoccuper plus particulièrement
de la victimisation dont les personnes présentant une déficience intellectuelle font l'objet. A
une occasion remarquée, le journal a insisté sur la façon dont l'enlèvement d'une séduisante
étudiante d'Oxford avait fait la une des journaux, alors que l'histoire presque identique d'une
femme atteinte de trisomie avait été ignorée. Dans son bulletin intitulé VIEWPOINT,
MENCAP, une organisation de parents bien établie, a étalé au grand jour le problème des
crimes perpétrés contre des personnes ayant des difficultés d'apprentissage avant de
commander sa propre recherche. Le bulletin en question était écrit de manière à être
accessible aux personnes éprouvant des difficultés à lire. Le magazine spécialisé des
assistants sociaux, "Community Care", a mené une campagne de trois mois avec, en point
d’orgue, une pétition adressée au gouvernement, une rencontre à la Chambre des
Communes et une conférence importante durant laquelle le ‘Director of Public Prosecutions’
(magistrat chargé des fonctions du Ministère Public) a été directement défié ; l’ensemble de
ces manifestations ont été couvertes par la radio et la télévision.
12.2
Les propositions
Les propositions du Ministère de l'Intérieur britannique couvrent dix vastes domaines:
•
•
•
•
•
•
•
•
Définition des témoins vulnérables ou intimidés ;
Encouragements à dénoncer les crimes ;
Identification des témoins vulnérables ou intimidés ;
Communication entre la police et le ministère public au sujet des besoins des témoins;
Garantie de l'utilisation de méthodes d'interrogatoire appropriées ;
Mesures de soutien pendant l'enquête et avant le procès ;
Démarches pour que des mesures particulières soient prises pendant le procès ;
Eventail des mesures utilisables pendant le procès pour aider les adultes ou les enfants
vulnérables ou intimidés ;
• Continuité des mesures nécessaires après le procès.
1.
Il est difficile de définir le concept de témoin vulnérable ou intimidé en raison des
circonstances particulières qui peuvent exercer une influence comparable à celle du
3
Fondation Joseph Rowntree, The Homestead, 40 Water End, York YO3 6LP. Les détails des projets
de recherche sont disponibles sur notre Home Page - http://www.jrf.org.uk
4
Sanders, A., Creaton, J., Bird, S.& Weber, L (1996) Witnesses with learning disabilities, research
findings no. 44, Siège : Londres.
5
VOICE, P.O. Box 238, Derby DE1 9JN UK, fax (0)1332 521392.
109
statut personnel - nous pouvons tous être vulnérables ou intimidés dans certaines
situations. Le rapport précise que:
Les témoins qui sont vulnérables en raison de caractéristiques personnelles pouvant
être liées à un handicap ou à une maladie devraient automatiquement bénéficier de
mesures particulières.
Il devrait être demandé à la cour de mettre en place une ou plusieurs séries de
mesures si un témoin, en raison d'une déficience intellectuelle significative et d'un
handicap fonctionnel/mental ou autre trouble mental ou physique, ou de handicap
physique, nécessite la mise en œuvre d'une ou plusieurs de ces mesures pour
pouvoir témoigner au mieux.
Le rapport ajoute que,
Lors de l'examen d'une demande de mesures spéciales au profit d'un témoin, la cour
doit prendre en considération les opinions de ce dernier, au nom duquel la demande
a été introduite.
2.
Le rapport reconnaît qu'il ne suffit pas de limiter les actions nécessaires au système
juridique. Les services sociaux, les ministères responsables de la Santé ainsi que
d'autres organes professionnels doivent aussi répondre aux besoins.
Il faudrait envisager de proposer une formation mieux adaptée aux professionnels,
aux utilisateurs de soins et de services chargés d'aider de potentiels témoins
vulnérables ou intimidés pour qu'ils puissent identifier les signes précurseurs de
victimisation et leur permettre d'être mieux à même de reconnaître des actes qui
pourraient constituer une infraction.
3.
Le besoin d'une coopération entre organismes est reconnu, particulièrement entre la
police et les services sociaux.
Les lignes directrices nationales devraient reconnaître qu'une infraction peut avoir été
commis en cas d'abus et qu'il devrait exister des politiques claires relatives à la
dénonciation à la police de tels incidents dès que possible et en consultation avec la
victime.
Les politiques de dénonciation de crimes devraient inclure les composantes
suivantes:
Des définitions claires des abus et types de mauvais traitements et des infractions
criminelles ;
Des indicateurs d'abus ;
Les éléments qu’il convient de dénoncer à la police et à quel moment, tout en aidant
la victime à le faire ;
Un aperçu de l'objectif et de la conduite d'une enquête interne et des mesures à
prendre pour pouvoir participer à une enquête policière.
Des politiques et procédures claires pour dénoncer et traiter les accusations
d'abus/d’infractions portées contre un membre du personnel.
4.
L'excuse communément invoquée pour ne pas avoir répondu aux besoins d'une
victime présentant une déficience intellectuelle est que la police n'a pas remarqué
son handicap. C'est compréhensible. Il n'est pas toujours aisé pour des non
110
professionnels de différencier handicap et abus de drogues ou d'alcool, surtout dans
les circonstances difficiles d'une enquête.
Lors du processus d’enquête, l'objectif de la police devrait être de déterminer aussi
vite que possible si un témoin est vulnérable.
Les forces de police devraient désigner la personne chargée de définir si un témoin
est vulnérable et/ou de chercher l’aide nécessaire à cette démarche.
Une série de questions devraient être développées dans le but d'aider la police à
identifier un témoin éventuellement vulnérable. Ces dernières ne devraient pas être
utilisées en tant que telles mais plutôt comme un guide. Elles serviraient à faciliter
une évaluation globale des besoins d'un témoin.
5.
Il est crucial de garantir une communication efficace avec les témoins, non seulement
au démarrage de l’enquête, mais également lors du déroulement du procès.
La police devrait tout d'abord consulter le témoin vulnérable ainsi que ceux qui le
connaissent le mieux afin de leur demander conseil sur la façon de communiquer
avec lui/elle, à condition qu'ils ne soient pas eux-mêmes mis en cause dans
l’infraction faisant l'objet de l'enquête.
Les tribunaux devraient avoir le pouvoir statutaire de requérir l'utilisation de moyens
visant à aider le témoin à communiquer, qu'il s'agisse d'un interprète, d'une aide ou
d'une technique de communication, d'un "assistant à la communication" ou d'un
intermédiaire lorsque cela aiderait le témoin à mieux témoigner lors des audiences
préliminaires et pendant le procès, pourvu que la communication puisse être vérifiée
indépendamment.
(Ces propositions reflètent l'Article 6,3 e de la Convention des Droits de l'Homme.)
6.
Il est clair que les victimes ont besoin d'un soutien psychologique et pratique ainsi
que d'une salle d'interrogatoire appropriée, éventuellement située en dehors du poste
de police, voire dans certains cas, à leur domicile ou sur leur lieu de travail.
Pendant son interrogatoire, un témoin vulnérable, particulièrement en cas de
difficultés d'apprentissage, devrait pouvoir être accompagné par quelqu'un, de
préférence un proche. Cet "accompagnateur", dont le rôle devrait être clairement
défini, ne devrait ni appartenir à la police, ni être mis en cause dans l'affaire à l'origine
de l'enquête. La police devrait avoir la responsabilité de garantir la présence de cette
personne.
Il ne devrait pas être refusé aux témoins vulnérables ou intimidés de pouvoir
bénéficier d'un soutien psychologique ainsi que de conseils avant et après le procès.
Les besoins et les souhaits des témoins vulnérables et intimidés devraient être pris
en compte lorsque le lieu de l’entrevue est décidé.
Il convient de recueillir les opinions du témoin au sujet des mesures préalables au
procès avec l'aide de l'accompagnateur quand elle s'avère nécessaire.
Il convient également de tenir compte de la nécessité d'escorter le témoin lorsqu'il se
rend au tribunal ou lorsqu'il le quitte.
111
7.
Les témoins doivent souvent attendre des heures au tribunal avant de témoigner et,
lorsqu'ils sont appelés, ils sont fatigués et confus.
Il faudrait envisager l'utilisation de sémaphones pour que les témoins puissent
attendre à l'extérieur du tribunal et n'être appelés que lorsqu'ils doivent témoigner.
8.
Les mauvaises pratiques susceptibles d’être évitées sont souvent imputables à une
communication médiocre entre les services de police et le ministère public.
Tout en différenciant le rôle de la police, chargée de l'enquête, et celui du ministère
public, les enquêteurs et le ministère public devraient tenir une réunion stratégique
pour discuter et conclure un accord sur la façon d'établir les faits ainsi que sur les
mesures nécessaires pour aider le témoin avant et après le procès, tout en tenant
compte de ses opinions et de ses préférences.
Des rencontres entre le ministère public et certains témoins vulnérables ou intimidés
pourraient être bénéfiques à la conduite de l'affaire et rassurer les témoins.
Le tribunal devrait désigner un agent de liaison pour s'assurer que les mesures
d'assistance aux témoins vulnérables ou intimidés ordonnées par la cour soient bien
en place au Tribunal le jour du procès.
Les informations concernant les besoins d'un témoin ainsi que son avis sur les
mesures d'assistance nécessaires au tribunal devraient toujours être transmises au
ministère public par la police.
9.
Le Ministère de l'Intérieur britannique a déjà octroyé des fonds à des experts pour la
conception d'un matériel d'apprentissage destiné aux personnes présentant une
déficience intellectuelle pour les aider à se préparer à leur comparution au tribunal. Il
existe une excellente série de livres illustrés et sans texte. 6
Le Ministère de l'Intérieur devrait développer d'autres systèmes permettant d'aider les
témoins vulnérables ou intimidés à se préparer à assister au procès.
10.
Des liaisons vidéo sont déjà utilisées lorsque les témoins sont des enfants, et cette
pratique pourrait être étendue aux adultes vulnérables.
Des connexions en direct grâce à un système de télévision en circuit fermé devraient
être disponibles pour permettre à des témoins vulnérables ou intimidés de témoigner
au tribunal depuis une autre pièce du bâtiment ou d'un endroit approprié situé en
dehors de la salle d'audience.
Un témoin vulnérable ou intimidé devrait avoir la possibilité, s'il le désire, d'être aidé
par un accompagnateur dans la pièce où les connexions du système en circuit fermé
sont installées.
Les enregistrements vidéo d'interrogatoires menés par des officiers de police, des
assistants sociaux ou des personnes impliquées dans l'enquête et/ou par un
6
Hollins, S. et al (1994) Going to court, Sovereign Press, St Georges Mental Health Library:
Londres.
(Service de Psychiatrie du Handicap, St Georges Hospital Medical School, Cranmer Terrace, Londres,
SW17 ORE.
112
représentant adéquat de la défense devraient pouvoir être considérés comme des
preuves recevables.
11.
Dans le passé, les victimes-témoins éprouvaient des difficultés à témoigner devant la
défense et la salle. Des écrans peuvent être installés pour que seuls le jury et
d'autres officiers attachés au tribunal puissent voir le témoin et non pas l'avocat de la
défense ni la salle.
Des écrans devraient être disponibles sur une base statutaire et utilisés comme une
mesure d'assistance aux témoins vulnérables ou intimidés.
12.
Il existe de nombreux exemples d'avocats qui ont persécuté, rabaissé ou intimidé des
témoins vulnérables pour en arriver parfois à ce que ces derniers craquent ou ne
puissent poursuivre leur témoignage. Cela inclut féliciter des témoins parce qu'ils
utilisent de longs mots, laisser planer de longs silences, répéter les mêmes questions
à plusieurs reprises ou dire à une dame que personne ne voudrait avoir des rapports
sexuels avec elle parce qu'elle est handicapée.
Les témoins remplissent un devoir civique et devraient être traités dignement et
respectueusement lorsqu'ils témoignent au tribunal. Tout en reconnaissant qu'il
convient que l'avocat de la défense puisse mener à bien un contre-interrogatoire, les
avocats et les juges devraient être conseillés sur la nécessité d'interdire un
comportement inutilement agressif et/ou inadéquat.
13.
Les tribunaux britanniques peuvent paraître très bizarres car les avocats s'habillent
tous de la même façon depuis trois siècles. Cela peut déranger les témoins.
Le tribunal devrait avoir le pouvoir statutaire d'interdire les perruques et les toges
lorsqu'il considère que cela pourrait aider le témoin vulnérable ou intimidé à mieux
témoigner.
14.
De nombreux procès ont été perdus parce que les témoins présentant une déficience
intellectuelle ne pouvaient prêter serment ou ne pouvaient définir le mot "vérité". Alors
que la définition de la "vérité" échappe aux philosophes depuis des siècles, on attend
d'un témoin présentant une déficience intellectuelle qu'il en fournisse une définition
instantanée et convaincante à la cour - un test auquel on ne soumet aucun autre
témoin. Aucune recherche ne démontre que les personnes handicapées mentales
aient plus tendance à mentir à la cour que, par exemple, un financier ou un politicien.
Si elles le font, il serait plus facile à la cour de le déceler en raison de leur handicap ce sont les personnes les plus intelligentes qui font les meilleurs menteurs. Comme
nous l'avons déjà mentionné dans cet article, il est moins probable que les personnes
autistes mentent car leur handicap touche en particulier les capacités intellectuelles
nécessaires pour pouvoir mentir.
La loi sur les compétences devrait être modifiée en accord avec une de ces trois
options:
(i)
Les témoignages hors serment devraient être recevables dans le cas des
adultes présentant une déficience intellectuelle ;
(ii)
Les témoignages hors serment devraient être recevables si le témoin est
incapable de comprendre le serment ;
(iii)
Il devrait être possible de ne pas témoigner sous serment si cela s'avère
nécessaire, mais on expliquerait et demanderait au témoin de reconnaître la
nécessité de dire la vérité.
113
15.
Traditionnellement, la police attend un "plaignant" lorsqu'une infraction a été
commise, c'est-à-dire quelqu'un qui, par exemple, dira à la police ou à la cour "Il m'a
frappé !". Et ce, même si une dizaine de témoins dignes de confiance ont vu la scène
et une expertise médico-légale témoigne de l’incident. La loi n'exige pas qu'il y ait un
plaignant - dans une affaire de meurtre il n'y a en n'a pas, et lorsque la victime est
restée inconsciente après une agression sérieuse, il est probable qu'il n'y en n'ait pas
non plus. Dans ces circonstances, la police entame malgré tout des poursuites.
Cependant, elle n'utilise pas la même logique lorsque la victime ne peut se plaindre
en raison d'une déficience intellectuelle.
Lorsqu'il s'agit de témoins vulnérables ou intimidés, la police devrait tout
particulièrement essayer d'obtenir des formes de preuves afin de limiter la possibilité
pour le témoin de devoir témoigner devant la cour.
En plus de ces propositions du Ministère de l'Intérieur, le parlement examine actuellement un
projet de Loi d'Intérêt Public et de Divulgation. Cette disposition viendra à point nommé pour
les personnes désireuses de "tirer la sonnette d’alarme", à savoir les employés qui
souhaitent dénoncer et témoigner des abus ainsi que des mauvaises pratiques de leurs
employeurs. Dans le passé, les conséquences étaient la perte de l'emploi, la ruine de toute
perspective de carrière professionnelle ou d'autres formes de représailles. La nouvelle loi les
protégera, à la condition que leurs révélations soient faites de bonne foi. Cette loi émane du
travail réalisé par une ONG, Public Concern at Work, 7 qui démontre que des accidents
mortels auraient pu être évités si les employés avaient eu la possibilité de dénoncer des
pratiques dangereuses.
En 1215, la Magna Carta stipulait : "Nous ne refuserons ou ne différerons le droit ou la
justice à personne". Elle n'ajoutait pas "Sauf aux personnes handicapées". Heureusement,
l'action du gouvernement britannique actuel garantira que la volonté originelle des
législateurs du 13ème siècle soit rétablie et respectée.
12.3
Le processus de changement
Il reste encore à voir si ces propositions de l'actuel Ministère de l'Intérieur britannique
deviendront finalement des lois, mais ce processus même permet à ceux qui souhaitent
influencer l'élaboration des lois dans leur pays d'origine de tirer deux leçons importantes :
1.
Il ne s'agit pas d'un sujet politiquement conflictuel. Peu de politiciens remettraient en
cause l'idée qu'il faudrait faire en sorte que les personnes handicapées bénéficient
d'un traitement égal face à la justice - pour citer un ministre britannique, "Vous
essayez d'enfoncer une porte ouverte". Seuls quelques politiciens sont susceptibles
de prendre le problème très au sérieux, en général parce qu'ils ont un lien direct avec
une personne handicapée, et il est important de les considérer comme des alliés.
MAIS
7
Public Concern at Work, 42 Kingsway, Londres, WC2B 6EN.
114
2.
Bien que ce problème soit très important aux yeux des personnes directement
concernées, il n'est que marginal dans le contexte global d'une nation. L'espoir
principal de voir s'opérer le changement législatif approprié est que ce problème soit
"jumelé" à un débat plus large axé sur l'élaboration de politiques.
Les fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur ont très adroitement regroupé des domaines
d'intérêts publics actuels qui ne semblaient pas être connexes. Premièrement, dans des
affaires importantes liées au terrorisme ou au crime organisé, les témoins ont été intimidés,
très souvent par des menaces de mort, et il devient donc problématique de les faire
comparaître. Deuxièmement, dans les affaires de viols, les victimes revivent une nouvelle
fois l’expérience traumatisante lors du procès. Des questions intimes et indiscrètes leur sont
posées, parfois par les accusés eux-mêmes, questions qui n'ont qu'un faible rapport avec
l’objectif de rendre la justice. La troisième préoccupation ne date pas d'hier : les mauvais
traitements infligés à des enfants. Le quatrième domaine se réfère à la façon dont les
tribunaux répondent aux besoins des personnes handicapées en général, mais
particulièrement dans des cas de personnes présentant des déficiences mentales.
Les deux concepts communs à ces quatre domaines sont le fait que les témoins (de la
défense et de l'accusation) sont potentiellement vulnérables - bien que pour des raisons très
différentes - et que cela les place dans une situation dans laquelle ils sont susceptibles d'être
intimidés, à l'intérieur ou à l'extérieur des tribunaux - bien que de façons très différentes. En
s'attachant à ces deux problèmes génériques, le gouvernement pourrait proposer des
mesures relativement simples qui toucheraient et satisferaient une grande partie du public, et
qui bénéficieraient probablement de l'appui de tous les partis. Et ce résultat tente tous les
politiciens. Ne s'attacher qu'aux problèmes des personnes handicapées ne serait
probablement pas aussi attrayant.
La situation parfois unique des personnes autistes doit être identifiée et intégrée dans le
contexte des personnes handicapées mentales. La situation de ces personnes doit être alors
envisagée dans le contexte de toutes les personnes handicapées. Ensuite, leur situation doit
être envisagée dans le même contexte que celle de tout autre citoyen. Si la situation est
inversée, l'histoire nous montre que des lois particulières concernant les handicaps mentaux
peuvent marginaliser davantage des personnes qui, trop souvent, ne sont pas considérées
comme des membres à part entière de la communauté.
115
CHAPITRE 13 : CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
Grâce à une meilleure sensibilisation aux droits de l’Homme ces dernières années, le
problème de la violence et des torts causés à des groupes de citoyens particulièrement
vulnérables comme les personnes handicapées est devenu un souci majeur des législateurs
et décideurs nationaux et européens. Toutefois, les abus perpétrés contre des personnes
atteintes de handicaps sévères tels que l’autisme sont rarement reconnus comme des
infractions et peu souvent signalés.
C’est pourquoi, avec le soutien de l’Initiative DAPHNE, Autisme-Europe a décidé de rédiger
un Code de Bonnes Pratiques pour traiter de la problématique de la violence perpétrée à
l’égard des personnes autistes. Des lignes directrices ont été développées pour prévenir les
circonstances dans lesquelles les personnes autistes endurent des souffrances en raison
d’actes ou d’omissions causées par autrui. Des recommandations ont été tirées sur l’action
nécessaire tant au niveau national qu’Européen.
13.1
Pourquoi des mesures spécifiques sont-elles nécessaires pour prévenir la
violence à l’égard des personnes autistes ?
Les témoignages recueillis durant cette recherche ont révélé que les personnes autistes sont
particulièrement vulnérables à toutes sortes de violence, allant de l’acte criminel, aux
infractions d’ordre civil, à l’abus de pouvoir et au harcèlement. Il a aussi été démontré que la
victimisation mène à plus de victimisation : une prise en charge inadéquate peut donner
naissance à une spirale de violence croissante : en effet, le manque de diagnostic précoce et
une prise en charge éducative inadaptée peuvent engendrer des problèmes de
comportement qui à leur tour accroissent le risque de violence. L’une de tâches majeurs
des parents et du personnel s’occupant des personnes autistes est donc de reconnaître et
de prévenir l’effet de boule de neige des abus et souffrances endurés par les victimes.
Parce que les troubles du spectre autistique affectent l’interaction sociale, la communication
et l’imagination, les personnes autistes sont particulièrement vulnérables à toutes sortes
d’abus tant en milieu familial qu’institutionnel. Lorsqu’ils subissent des violences, ils ont
beaucoup de mal à comprendre ce qui s’est passé, voire à le signaler à d’autres personnes
(qui peuvent vouloir les aider). En raison de leur inaptitude à communiquer, les autres ont
tendance à penser qu’il ne s’est rien passé. Les familles laissées seules face au défi
d’élever un enfant autiste courent un risque accru de maltraiter leur enfant par désespoir ou
épuisement ou en raison de fausses croyances sur l’autisme. Notre recherche est aussi
arrivée à la conclusion paradoxale que les services qui sont sensés fournir accueil et
protection à des personnes vulnérables comme les personnes autistes peuvent parfois
institutionnaliser la violence ou donner lieu à des incidents violents épisodiques. Finalement,
notre recherche a démontré que l’abus pharmacologique des personnes autistes est pratique
courante et peut être attribué à un manque de diagnostic adéquat, à des structures de prise
en charge inadaptées, à un manque de personnel, à un manque de formation du personnel
et une connaissance insuffisante de l’autisme.
13.2
Quelles mesures convient-il de mettre en œuvre pour prévenir la violence à
l’égard des personnes autistes ?
Les recommandations suivantes ont été tirées et s’adressent aux divers groupes cibles :
13.2.1 Recommandations aux personnes autistes, aux familles et aux personnes
s’occupant des personnes autistes
116
Pour réduire la vulnérabilité des personnes autistes :
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Les personnes autistes devraient être prises en charge dans un environnement le moins
restrictif possible.
Les personnes autistes devraient être encouragées à développer une meilleure
conscience de soi pour renforcer leur sens des responsabilités et faciliter la prise de
décision.
Des programmes spécifiques à l’autisme devraient être développés pour apprendre aux
personnes autistes les éléments de base en terme de prévention de la violence
appropriés pour leur âge.
Soutien, information et formation devraient être offerts aux parents de manière continue
dès le moment où leur enfant reçoit le diagnostic d’autisme, y compris le soutien à
domicile.
La famille constitue l’environnement naturel de tout enfant ; c’est pourquoi, les familles
des enfants autistes devraient recevoir le soutien nécessaire pour leur permettre de
répondre aux besoins spécifiques de leur enfant.
Les personnes autistes dans la mesure du possible et leurs familles devraient être
informées de leurs droits et encouragées à jouer un rôle actif dans les services qui leur
sont fournis.
Les parents doivent apprendre à demander de l’aide sans se sentir coupables ou
incompétents : personne ne peut faire face seul à un problème aussi vaste que l’autisme.
Les parents devraient éviter de centrer leur vie exclusivement sur l’enfant autiste : des
moments de répit leur sont nécessaires pour rester en bonne santé et restaurer leur
énergie afin de mieux faire face au défi d’élever un enfant autiste.
Les parents devraient solliciter dès que possible l’avis de professionnels avisés sur les
capacités de leur enfant afin d’éviter attentes excessives et erreurs pédagogiques. Les
parents devraient travailler en étroite collaboration avec les professionnels impliqués
dans la prise en charge de leur enfant. Il est plus facile de détecter les abus dans un
environnement ouvert.
Les parents devraient toujours demander l’avis de professionnels avisés avant d’essayer
un nouveau traitement médical, pharmacologique ou un nouveau régime.
Les personnes autistes dans la mesure du possible et les parents devraient apprendre à
signaler tout abus notamment en faisant appel aux numéros verts (numéros spéciaux
d’aide aux victimes de violence).
13.2.2. Recommandations aux associations de parents
Les associations locales et nationales ont le devoir de :
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Informer, soutenir et aider les parents à trouver la prise en charge adéquate pour leur
enfant autiste.
Faire pression sur les autorités publiques compétentes pour obtenir les centres de
diagnostic et de soins nécessaires .
Sensibiliser l’opinion publique et accroître les connaissances sur l’autisme pour réduire
les risques liés aux fausses croyances.
Faire pression sur les autorités publiques compétentes pour qu’une formation adéquate
sur l’autisme soit assurée au niveau universitaire et post-universitaire.
Exiger que toutes les personnes s’occupant de personnes autistes soient accrédités
selon un système national
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Exiger que des visites de contrôle imprévues par les services sociaux compétents ou les
visiteurs statutairement désignés puissent avoir lieu pour identifier tout problème existant
ou potentiel.
Fournir aux parents d’enfants nouvellement diagnostiqués le soutien de pairs (autres
parents) ainsi qu’un soutien continu aux familles en étroite collaboration avec les
professionnels appropriés.
Organiser des sessions spéciales pour former les professionnels et les familles aux
indicateurs de risque et d’abus spécifiques aux personnes autistes.
Collaborer avec les professionnels pour établir des relations ouvertes et franches.
Explorer de nouveaux systèmes de « tutelle » avec les législateurs compétents pour
assurer que les « tuteurs légaux » des personnes autistes qui n’ont plus de famille
reçoivent une formation adéquate sur l’autisme et soient réellement concernés par le
bien-être de la personne autiste.
Collaborer avec les numéros verts d’aide aux victimes de violence pour s’assurer que
leur personnel reçoive une formation adéquate sur l’autisme.
Développer et diffuser une procédure pour signaler les abus (court document expliquant
que faire et où chercher de l’aide).
Fournir assistance légale et émotionnelle aux personnes autistes et aux parents ayant
signalé des abus.
13.2.2 Recommandations aux professionnels des institutions
Les institutions doivent s’assurer que :
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Lors de l’embauche de personnel salarié et bénévole, les personnes ayant commis des
abus sont totalement exclues de tout emploi dans ce domaine, y compris dans les
services aux adultes autistes. Les institutions et les parents devraient exiger qu’un
registre national des employés d’établissement de soins soit disponible et puissent être
consulté par les employeurs potentiels pour leur éviter d’embaucher des employés
licenciés pour cause d’abus ou de violence.
Des barèmes de salaire adéquats sont offerts pour attirer des candidats de qualité et
limiter la rotation du personnel.
Le personnel est engagé en nombre suffisant pour prendre soin des clients de manière
adéquate en répondant aux besoins spécifiques de chacun.
Le personnel reçoit une formation adéquate sur l’autisme accréditée selon un système
national et une mise à jour régulière sur les derniers développements.
Des contrôles du personnel ont régulièrement lieu et les remarques sont consignées.
Ces contrôles devraient s’appliquer à tout le personnel. Les membres du personnel
doivent savoir s’ils répondent aux normes et, au besoin, ce qu’ils doivent faire pour y
répondre.
Les méthodes de travail sont régulièrement révisées, contrôlées et évaluées par le
personnel et la direction.
Un projet individuel de soin est établi pour chaque client en tenant compte de ses
besoins spécifiques.
Des contrôles à l’improviste sont organisés par les services sociaux ou tout visiteur
indépendant désigné par les associations de parents (associations de consommateurs).
En cas de problème identifié lors d’un contrôle, les institutions doivent prendre toute
action nécessaire pour remédier à la situation.
Le règlement interne décrit la procédure à suivre pour signaler tout abus présumé ou
avéré. Les membres du personnel doivent être conscients de leur obligation de signaler
tout abus.
Une procédure de plainte efficace et indépendante est clairement expliquée aux clients et
aux familles et largement divulguée.
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•
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Les membres du personnel qui tirent la sonnette d’alarme sont protégés de tout
licenciement abusif et harcèlement par les autres membres du personnel.
Un système de « parrainage » est mis sur pied pour permettre aux membres du
personnel inexpérimentés de suivre un membre plus expérimenté afin d’avoir l’occasion
de mieux comprendre leur rôle et responsabilités avant d’être confrontés seuls à des
situations difficiles.
Des contacts réguliers entre membres du personnel, direction et consultants externes et
entre enfants et familles/visiteurs indépendants/ communauté locale sont organisés pour
contribuer à plus d’ouverture et à une meilleure confiance et compréhension mutuelle.
Les droits des personnes autistes sont promus. Les personnes autistes doivent être
encouragées à jouer un rôle plus actif au sein du service dans les décisions les
concernant.
Travail interdisciplinaire : la responsabilité de la protection des enfants/adultes autistes
devraient être partagée entre plusieurs intervenants et groupes professionnels afin
d’encourager la franchise et la transparence et éviter la poursuite d’intérêts personnels
par quelque groupe ou individu.
Les services statutaires et bénévoles devraient être légalement responsables de tout
abus perpétré à l’égard d’une personne confiée à leurs soins.
13.2.3 Recommandations aux législateurs nationaux
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L’autisme devrait être reconnu dans la législation comme un handicap spécifique avec
des besoins spécifiques. Des services appropriés devraient être mis en oeuvre en
nombre suffisant pour répondre aux besoins de toutes les personnes autistes y compris
des programmes de diagnostic précoce.
Tous les membres du personnel chargés des personnes autistes devraient recevoir une
formation accréditée sur l’autisme.
Un registre national des employés chargés des personnes atteintes de handicaps
sévères devraient être établi et inclure toute information pertinente sur les personnes
ayant commis des délits. Les employeurs potentiels devraient avoir accès à ce registre
pour vérifier si un candidat convient pour le poste.
Il devrait être obligatoire pour tous les employés de signaler tout abus et les personnes
qui tirent la sonnette d’alarme devraient être protégées.
Des recherches devraient être entreprises an niveau national pour identifier les
indicateurs de risque et d’abus spécifiques aux personnes autistes.
Les numéros verts d’aide aux victimes de violence devraient recevoir une formation
spécifique sur la manière de traiter les abus à l’égard des personnes atteintes de
handicaps sévères.
La législation concernant la « tutelle » devrait être revue dans certains Etats membres
pour garantir que les tuteurs des personnes autistes reçoivent une formation adéquate
sur l’autisme et soient réellement concernés par le bien-être de la personne autiste. Pour
éviter la poursuite d’intérêts personnels, il devrait être interdit à tout professionnel
fournissant un service à une personne autiste d’être désigné tuteur légal de cette
personne. La législation concernant la tutelle des personnes légalement incapables
devrait reconnaître le rôle des familles dans la défense des intérêts des majeurs autistes
incapables.
13.2.4 Recommandations au niveau européen
•
•
Des recherches pour identifier les indicateurs de risque et d’abus spécifiques aux
personnes autistes devraient être entreprises au niveau européen et les résultats
devraient être diffusés à l’échelle européenne à tous les services concernés.
Pour éviter que les personnes ayant commis des violences cherchent un emploi dans un
autre Etat membre et pour faciliter la libre circulation des employés des établissements
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de soins, un registre des employés de services sociaux devrait être établi dans chaque
Etat membre et devrait être accessible pour consultation par des employeurs potentiels
dans d’autres Etats membres.
Pour permettre les poursuites judiciaires transfrontalières au nom de personnes
vulnérables, une législation semblable à celle qui permet maintenant la poursuite des
pédophiles pour infractions commises dans d’autres pays devrait être développée. Des
cours de justice mobiles devraient être mises en place et devraient gérées au niveau
européen.
Une coordination européenne devrait être établie entre les numéros verts des divers
Etats membres et une attention particulière devrait être portée aux personnes atteintes
de handicaps sévères.
Des recherches devraient être entreprises au niveau européen sur l’exploitation sexuelle
et/ou la prostitution d’enfants et jeunes autistes. En raison de leur naïveté sociale, les
personnes autistes de haut niveau ou les personnes atteintes d’un handicap mental léger
courent un risque accru d’être manipulées et exploitées.
Afin d’obtenir des statistiques et des recherches plus crédibles, une définition commune
de l’autisme est nécessaire au niveau européen (pour le moment, l’autisme est défini
différemment selon les pays, ce qui rend les recherches et les études sur la violence
perpétrée à l’égard des personnes autistes très difficiles). Une telle définition aiderait
aussi les parents qui souhaitent travailler dans un autre Etat membre à obtenir le soutien
et l’aide nécessaire dans le pays hôte.
Une meilleure cohérence devrait être recherchée pour le concept de tutelle, capacité
légale et responsabilité délictuelle.
La Commission européenne devrait soutenir et encourager les Etats membres à étendre
leur législation sur la discrimination et le harcèlement racial aux personnes handicapées
en vertu de l’Article 13 du nouveau Traité d’Amsterdam.
Une meilleure cohérence devrait être recherchée sur la législation concernant
l’avortement et la stérilisation des personnes légalement incapables pour éviter de ces
personnes ne soient emmenées dans d’autres Etats membres pour subir ces traitements.
13.3
L ‘avenir
Ce Code identifie les principaux domaines où des mesures de prévention peuvent aider à
réduire les abus et souffrances infligés aux personnes autistes. La plupart de ces
recommandations s’appliquent également à d’autres groupes vulnérables comme les
personnes atteintes d’autres handicaps, les enfants en institutions, les adolescents en
établissement de soins, etc.
En unissant nos efforts, il devrait être possible dans un proche avenir de créer un
environnement sûr où tous les enfants pourront grandir et chacun pourra jouir d’une vie
digne dans une société européenne inclusive.
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