Analyse des r sultats femmes testing dec 2004[1]

Transcription

Analyse des r sultats femmes testing dec 2004[1]
Observatoire des discriminations/ADIA
Enquête par testing
Décembre 2004
Femme avec enfants :
Une discrimination à l’embauche ?
Dans quelle mesure les femmes sont-elles discriminées en raison de leur
situation matrimoniale et de leur nombre d’enfants ?
A compétences identiques, les recruteurs tiennent-il compte de la vie privée des
candidats pour faire un choix ? Avoir des enfants est-il un handicap pour trouver
un emploi ou bien est-ce le fait d’être sans enfant et de risquer d’en avoir bientôt
qui serait pénalisant ? Si la question de la maternité et des enfants se pose, de
quelle manière serait-ce le cas : lors de l’examen des CV ou au moment de
l’entretien d’embauche ?
C’est à ces questions que nous avons voulu répondre en utilisant la méthode du
testing.
Nous avons envoyé 126 CV en réponse à 63 offres d’emploi de commerciaux
(chargés de clientèle niveau BTS). Nous avons adressé des couples de CV quasi
identiques, à l’exception de la situation matrimoniale et du nombre d’enfants.
Une de nos candidates est célibataire, elle a 30 ans ; la seconde est mariée et
âgée de 35 ans, elle a 3 enfants. L’enquête a été réalisée en octobre et novembre
2004.
Résultats :
Des informations sur les CV qui font toute la différence
Notre enquête met en en évidence une discrimination à l’égard de la
candidate ayant des enfants pour l’accès aux entretiens d’embauche. La
candidate célibataire a reçu 30 réponses positives (23 négatives), alors que la
femme mariée avec enfants a reçu 20 oui. (20 non)1.
La question de la disponibilité semble avoir jouée en défaveur de la
candidate avec emploi. Dans une étude précédente, menée en 2002 dans le
secteur financier (Duguet et Petit, 2003), une femme mariée de 37 ans avec 3
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Plus précisément, 33 sociétés ont répondu aux deux, 17 d'
entre elles ont dit oui aux deux et 15 non aux deux. Il
est intéressant de noter qu'
une entreprise sur les 33 a répondu oui à la célibataire et non à la femme mariée.
enfants recevait plus de réponses positives qu’une femme célibataire sans
enfants De 25 ans. Dans cette enquête, les employeurs se montraient moins
soucieux de la « disponibilité » de la personne qu’ils recrutaient (les horaires
sont réguliers et peu contraignants que du risque de voir une candidate partir
bientôt en congé maternité.(anticipations de naissances) Dans notre enquête, le
type d’emploi suppose une plus grande disponibilité et souplesse d’horaire.
Notre candidate avec enfants est également victime de discrimination en
raison de son âge. Notre candidate célibataire est âgée de 30 ans et notre
candidate avec enfants de 35 ans. Bien que nous ayons retenu les seules
annonces qui n’excluaient pas nos candidates en raison d’un critère d’âge il est
évident que les recruteurs ont une préférence pour des candidats jeunes. Une
partie du succès de notre candidate célibataire trouve ici son explication même si
la différence d’âge entre nos candidates est faible (5 ans). Notre étude met ainsi
en évidence une discrimination qui est aussi liée à l’âge. Concernant les
annonces de la presse écrite, nous avons relevé 50 annonces discriminantes sur
un total de 481 (postes commerciaux tous confondus), soit un pourcentage de
10,39.
En outre, notre candidate célibataire présentait une photo qui s’avérait
légèrement plus appréciée que celle de notre candidate plus âgée et ayant des
enfants (sur une échelle de 1 à 10 la première photo obtient un score de 4.59 et
la deuxième de 5.02)2. Il est probable que la candidate mariée avec enfants a été
discriminée en raison d’un âge plus élevé et d’une apparence moins jeune et
légèrement moins attirante.
Les questions indiscrètes des recruteurs
On notera que si notre candidate célibataire a plus de réponses positives,
elle doit encore passer l’épreuve de l’entretien d’embauche. En effet, le parcours
d’obstacle n’est pas terminé après l’envoi d’un CV. Il est fréquent que les
recruteurs interrogent les jeunes femmes célibataires, et plus encore les femmes
mariées, sur leur désir d’enfant. Nous avons permis à deux journalistes de
2
Nous avons fait un test sur un échantillon de 50 étudiants de la « beauté » des 2 visages
photographiés. Nous avons réalisé un test d’égalité des espérances, afin de savoir si la
différence entre les moyennes était significative. Comme la valeur critique est supérieure à
1.96, la différence observée entre les moyennes est significative. Ainsi, cette différence peut
donc constituer un biais dans l’étude ; elle peut donc expliquer, en partie, le nombre supérieur
de réponses positives reçues par la célibataire. On notera que notre échantillon est composé de
jeunes gens ce qui défavorise la candidate plus âgée (la perception par des évaluateurs plus
âgés serait moins défavorable à notre candidate la plus âgée).
réaliser en caméra cachée des entretiens3. Cet aspect de l’enquête, qui visait à
sensibiliser un large public aux réalités de l’entretien d’embauche et des
phénomènes discriminatoires, a permis de constater que les questions tenant à la
vie privée des candidates sont ouvertement et rapidement abordées, et ce parfois
même avant même que les aspects professionnels ne soient évoqués.
Les compétences ne sont décidément pas les seuls éléments qui sont pris
en considération lors d’un recrutement. L’apparence d’une candidate, son âge,
sa situation matrimoniale et son nombre d'
enfants jouent un rôle. Notre testing
réalisé en mai 2004 avait confirmé une discrimination liée à l’apparence
physique et à l’âge. En revanche une candidate femme n’apparaissait guère
défavorisée par rapport à un homme. On ne pouvait naturellement en conclure
que les femmes n’étaient pas victimes de discriminations lors de l’embauche.
Nous avions répondu à des offres de commerciaux et les résultats pouvaient être
différents pour d’autres emplois. Surtout, notre candidate femme était célibataire
et sans enfants. Il était intéressant de mesurer les effets d’une modification de sa
situation personnelle …. Et en effet, la vie privée des femmes rentre clairement
en considération dans la décision du recruteur. Rappelons enfin que la loi
prohibe ces pratiques4.
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Diffusion par l’émission Capital (M6)
L’article L.121-6du code du travail indique que : « les informations demandées sous quelque forme que ce soit,
au candidat à un emploi ou à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper
l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et
nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles. » L’article L.123-1 précise
aussi que « nul ne peut : refuser d’embaucher une personne …..en considération du sexe ou de la situation de
famille ou sur la base de critères de choix différents selon le sexe ou la situation de famille ». L’article 122.45
indique également que : « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement … en raison de
son sexe, de ses moeurs, de sa situation familiale ». L’article 225-1 du code pénal sanctionne les discriminations
en ces domaines.
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