Zibeline n° 64 en PDF

Transcription

Zibeline n° 64 en PDF
un gratuit qui se lit
N°64
- du 19/06/13 au 17/07/13
MuCEM
Ouverture, au programme
4, 5, 6
Villa Méditerranée
Théâtre, au programme
Entretien avec Régis Sauder
8
9
Fêtes et plein air
TransHumance, Groupe F
Anapos et Opéra d’O, Art tangent
Made in Friche, Chaud dehors
Tous dehors, la Folle Histoire, Chorus
10
11
12
14
Critiques
Théâtre
Danse
Musique
16 à 24
26 à 28
30 à 38
Cahier central Festivals
Cinéma
60 à 65
Arts visuels
66 à 78
Littérature
Rencontres
Entretien avec Molly Fournel
Livres
CD
79 à 82
83
84 à 86
88
Rencontres
Prix lycéens Paca, Mémorial de la Marseillaise
90
Sciences
Science, politique et société
91
Patrimoine
Pont du Gard
Journées de l’archéologie
92
93
Horizons
BJCEM Ancône
94
Cerveau
indisponible
La Grèce n’a plus de télévision publique. Black out. Dans un
pays en crise politique, défiant envers la presse, où une extrême droite ouvertement nazie assoit son influence, où le
désespoir guette un peuple qui est passé de guerre mondiale
en guerre civile puis en dictature… dans ce pays désormais la
télé privée pourra profiter en exclusivité du temps de cerveau
disponible, que le désespoir rend perméable à tous les
aboiements.
Pendant ce temps la France obtient le maintien de l’exception
culturelle : l’accord commercial de libre échange entre les
États-Unis et l’Union Européenne ne concernera pas les industries culturelles : le cinéma, le livre, les industries musicales
mais surtout l’audiovisuel public pourront continuer à percevoir des subventions, ne pas être soumis à la concurrence,
ne pas être alignés sur le fonctionnement général du marché.
L’industrie culturelle américaine et ses blockbusters devront
laisser vivre la production européenne indépendante et de service public !
Victoire courte, qui interroge tout de même sur le reste. Quid
de cet accord de libre échange pour l’éducation et la santé ?
pour l’environnement ? Les multinationales et Mosanto se réjouissent de cette soumission volontaire des États, auxquels ils
pourront désormais imposer leurs règles par la loi. Car que
révèle cette victoire de la France ? L’acceptation par tous les
autres États d’une libéralisation totale des productions humaines.
La Grèce n’a plus de télévision publique pour des raisons économiques. D’autres pays en crise risquent le même sort, avec
ou sans exception culturelle, tant que les productions humaines ne serviront pas les intérêts des humains, mais du
capital.
AGNÈS FRESCHEL
Mensuel gratuit paraissant
le deuxième mercredi du mois
Edité à 32 000 exemplaires
imprimés sur papier recyclé
Edité par Zibeline SARL
76 avenue de la Panouse | n°11
13009 Marseille
Dépôt légal : janvier 2008
Directrice de publication
Rédactrice en chef
Agnès Freschel
[email protected]
06 09 08 30 34
Imprimé par Rotimpress
17181 Aiguaviva (Esp.)
photo couverture
Cie Artonik, The color of time
Agnès Mellon
095 095 61 70
photographeagnesmellon.blogspot.com
RetrouveZ Zibeline et vos invitations sur notre site
www.journalzibeline.fr
Secrétaires de rédaction
Dominique Marçon
[email protected]
06 23 00 65 42
Musique et disques
Jacques Freschel
[email protected]
06 20 42 40 57
Philosophie
Régis Vlachos
[email protected]
Delphine Michelangeli
[email protected]
06 65 79 81 10
Thomas Dalicante
[email protected]
Sciences
Christine Montixi
[email protected]
Arts Visuels
Claude Lorin
[email protected]
06 25 54 42 22
Livres
Fred Robert
[email protected]
06 82 84 88 94
Dan Warzy
[email protected]
Cinéma
Annie Gava
[email protected]
06 86 94 70 44
Élise Padovani
[email protected]
Polyvolantes
Chris Bourgue
[email protected]
06 03 58 65 96
Maryvonne Colombani
[email protected]
06 62 10 15 75
Gaëlle Cloarec
[email protected]
Marie-Jo Dhô
[email protected]
Marie Godfrin-Guidicelli
[email protected]
06 64 97 51 56
Anne-Lyse Renaut
[email protected]
Maquettiste
Philippe Perotti
[email protected]
06 19 62 03 61
Directrice commerciale
Véronique Linais
[email protected]
06 63 70 64 18
La Régie
Jean-Michel Florant
[email protected]
06 22 17 07 56
Collaborateurs réguliers :
Frédéric Isoletta, Yves Bergé,
Émilien Moreau, Christophe
Floquet, Pierre-Alain Hoyet,
Clarisse Guichard,
Manon Mathieu
04
M
U
C
E
M
© Agnès Mellon
Plus de 64 000 visiteurs pendant les journées
portes ouvertes, entre 6000 et 9000 visiteurs
par jour dans les collections depuis l’ouverture
payante, sans compter tous ceux qui se promènent dans les passerelles et jardins en accès
libre, entrent dans les salles offertes, s’attardent accoudés aux remparts du Fort Saint Jean
face à une vue unique d’une baie dont on redécouvre l’exceptionnelle beauté… Le succès
dépasse, deux ou trois fois, les attentes les plus
optimistes. Il faut dire qu’il a fait beau ! il faut
dire surtout que les Marseillais aiment leur
ville, et souffrent depuis toujours des négligences de l’État à son égard, et des mauvais
choix des locaux à son encontre. Ce cadeau exceptionnel, unique, de l’État à une ville qu’il a
toujours méprisée, se reçoit aujourd’hui avec
émotion, comme le signe d’une possible réconciliation.
L’accueil de la presse nationale, c’est-à-dire
parisienne, est d’ailleurs emblématique : alors
que MP2013 peine à échapper aux critiques
les plus diverses et souvent les plus absurdes,
et mal renseignées, le MuCEM a d’emblée suscité le dithyrambe : les expositions, mais surtout
l’architecture… Et la presse «nationale» n’a
pas tort : le bâtiment de Rudy Ricciotti est une
merveille d’intelligence inspirée, s’arpente
dans un sentiment de liberté, d’espace et d’intimité pourtant. Les passerelles et l’esplanade
du Fort Saint Jean offrent des points de vue
insoupçonnés et stupéfiants, et la restauration
du Fort est délicate et belle.
Parcours dans le Fort
En entrant dans le MuCEM par la passerelle du
Panier on pénètre le Fort par en haut, et un parcours historique à entrée libre est offert :
l’évocation du Quartier Saint Laurent dans la
Salle de Garde fait entendre et voir comment
ce pan de Marseille, son cœur historique, a été
soustrait à la ville. Un Parcours historique autour
des remparts permet de comprendre comment
Marseille s’est construite, tout en admirant les
panoramas.
Puis le Jardin des migrations, en quinze tableau :
pour l’heure (ça pousse !) la végétation n’est
pas luxuriante, mais il s’agit de plantes méditerranéennes, et d’un jardin sec, sans arrosage
ni engrais. On y redécouvre ces plantes de
garrigue qui poussaient sur nos collines avant
© Agnès Mellon
Le MuCEM,
un nouvel horizon
On attendait
un bouleversement,
c’est une métamorphose.
Le MuCEM est un des plus
beaux musée du monde,
et change considérablement
le visage de Marseille,
lui offrant une véritable
cité culturelle…
que les incendies successifs ne modifient les
équilibres ; on y voyage aussi, glanant ce que
les migrations ont fait circuler de plantes et de
savoir faire horticoles. Des sentiers ethnobotaniques expliquent, font sentir. Mais la foule
dense des premiers jours rendait difficile le
simple geste de s’y accroupir un instant pour
voir ! La pratique du jardin, saisonnière, variée,
se goûtera dans le temps…
Dans le Fort l’exposition Le Temps des loisirs
ouvrira début juillet, seul volet de l’ouverture
ayant pris un peu de retard… Dans la Chapelle Saint Jean (entrée Tour du Roi René au niveau
de la mer) les rites de passage sont exposés
dans une gigantesque vitrine en hauteur, qui
transforme un fatras hétéroclite d’objets populaires en œuvre sacrée : la quille des militaires,
les rites de mariage, de baptême, de deuil accumulés dans les réserves du musée des arts
populaires sont ici réinvestis, restaurés,
offrant leur contraste joyeux sans explications,
hors une tablette où le visiteur peut sélectionner et comprendre…
Sur la place du dépôt un castelet invitera tout
l’été, grâce au fonds unique du MuCEM en ce
domaine, à découvrir des spectacles de marionnettes traditionnels à 17h30 (Cie 7e act les 29
et 30 juin, collectif Zonzons le 21 juillet, Arketal ensuite…). Tandis que le bâtiment
Georges Henri rivière abrite les expositions
photographiques…
Dans le J4
Les trois expositions sont de grandes réussites, presque incontestées. Le Noir et le Bleu
tient toutes ses promesses : la scénographie,
discrète et solide, laisse respirer les dimensions de chaque œuvre. L’essentiel du parcours
que Thierry Fabre (voir interview Zib 63) propose pour découvrir les différentes périodes
d’ombre et de lumière qu’ont connues les rives
méditerranéennes, repose sur des œuvres artistiques incontestées : Goya, Picasso, Miro,
Masson, Tapiés, Jabès satisfont les esthètes,
mais aussi les plus grands photographes de
presse, les plus grands artistes contemporains.
Le propos, clair, s’articule en miroir dans chaque
cellule de l’exposition, opposant les regards
du colonisé et du colonisateur, du cosmopolitisme et du repli identitaire, de l’utopie et
des violences, du progrès et du chaos. Cette
exposition, qui hélas n’est que temporaire et
cessera en janvier 2014 (la prolonger ?) repose
peu sur des témoignages populaires, plutôt
sur des objets de « Haute Culture ».
En ce sens elle surprend moins que l’exposition
permanente la Galerie de la Méditerranée,
essentiellement fondée sur des objets populaires appartenant au MuCEM et issus du fonds
des ATP (musée des Arts Traditions Populaires)
dont Zeev Gourarier (voir interview Zib 63) fut
le directeur adjoint. Les quatre salles de la
galerie, si elles offrent au regard des Chagall,
des objets archéologiques précieux, des œuvres contemporaines intégrées au propos, est
formée pour l’essentiel d’objets récents qui
témoignent des pratiques ancestrales, comme
Les publications
Au CCR
la sakieh égyptienne qui s’impose au cœur de
la première salle consacrée à l’invention de
l’agriculture (et des dieux). D’autres objets sont
des symboles forts, comme la guillotine ; des
films explicatifs, de témoignage ou de fiction
éclairent le propos, dans une foison hétéroclite qui n’a d’égale que la liberté tranquille
du propos. Car au fond cette Galerie de la
Méditerranée est un musée de l’homme, visant
à constater à travers des preuves scientifiques
et sur une grande échelle historique l’affaiblissement du divin, le triomphe de la
citoyenneté athée et la naissance moderne de
la raison et de la connaissance.
L’autre exposition temporaire, dans un espace
hélas un peu petit, propose un véritable bazar,
volontairement désordonné et grouillant d’objets, sur tout un fatras de question liées au
genre. On y chine comme aux puces, et ici les
objets n’ont de valeur que par leur signifié, ou
leur côté kitsch : difficile de passer de la révérence du Noir et Bleu à l’ironie du Bazar du
genre ! mais l’oppression des femmes méditerranéennes, et des homosexuels, y trouve de
parfaites illustrations, souvent décalées, parfois révoltantes…
C’est la partie cachée du MuCEM, discrète mais
pas secrète pourtant. Le Centre de Conservation conçu avec modestie et lyrisme du
secret par les architectes Corinne Vezzoni et
André Jolivet, s’offre aussi au visiteur, étant
aussi centre de Ressources. Pour les chercheurs, mais pas uniquement : les amateurs
peuvent consulter le fonds d’ouvrages, visiter
l’appartement témoin qui dévoile un très vaste
échantillon des collections du MuCEM héritées
des ATP et classées par type : fers à repasser
du plus antique au calor vapeur, fleurs artificielles, bouillottes, voisinent dans les réserves
avec une impressionnante série de manèges,
outils agricoles, mobilier… une collection
insensée, qui semble la réalisation d’un fantasme hallucinant, entre la bibliothèque de
Borges et le Xanadu d’Orson Welles ! Avec en
prime une salle d’exposition, au principe intéressant : le MuCEM offrira régulièrement à
un commissaire la possibilité d’écrire une
exposition à partir des pièces du fond. Le choix
est vaste ! Pour l’heure Présentée vivante,
fondé sur un récit de femme crocodile écrit
pour l’occasion par Joy Sorman, à partir d’objets choisis et scénographiés par Jean Blaise
et Patricia Buck… En accès libre aux heures
d’ouverture du CCR.
AGNÈS FRESCHEL
Entree du CCR © David Huguenin
Les librairies du MuCEM (voir p 83) disposent
des ouvrages relatifs à la programmation, et
édités par le MuCEM. Le texte de Joy Sorman
(exposition Présentée vivante) est disponible,
ainsi que des «parcours» des expositions temporaires Au Bazar du genre et Le Noir et le Bleu,
et un guide parcours des expositions permanentes (La galerie de la méditerranée et Le temps
des loisirs) qui présente une sélection d’objets
commentés.
Autre est la démarche des catalogues publiés
en coédition avec Textuel. Le Noir et le Bleu est
une mine. Une première partie y reproduit
avec une grande qualité dans le choix des
formats, des respirations et de la mise en page,
la quasi-totalité des œuvres de l’exposition,
en expliquant succinctement le principe de
chaque salle. Puis un abécédaire, en papier
ivoiré élégant, explicite chaque concept, ou
période historique ou artistique. La préface de
Thierry Fabre est éclairante et belle.
Le catalogue Au bazar du genre, plus modeste
dans sa facture, n’a pourtant pas moins
d’ambition. Reposant nettement moins sur
l’iconographie il est un livre qui se lit comme
autant de brèves études thématiques d’auteurs divers, qui viennent compléter et éclairer
le Bazar : qui sont les vierges jurées d’Albanie ? quelle est la réalité des usages du voile ?
de la répression légale de l’homosexualité ?
quel est le paysage nouveau de la relation
amoureuse ? Le choix, pour y répondre, est le
texte. A.F.
Au bazar du genre, Féminin masculin
en Méditerranée
Ed Textuel, 39 €
Le Noir et le Bleu, un rêve Méditerranéen
Ed Textuel, 45 €
La culture sans artistes… suite : rectificatifs, et précisions
Nous écrivions dans notre numéro précédent,
p6, l’article La culture sans artiste, un idéal
libéral, que la subvention de l’État était supprimée. Ce qui est inexact : mais la subvention
de fonctionnement de la Minoterie dispensée
par la Drac, et les subventions des collectivités, ne sont pas suffisamment augmentées
(diminuée même pour la Région) pour permettre le bon fonctionnement d’un lieu nouveau,
plus grand, érigé à grands frais, sur lequel on
fait ensuite des économies de bout de chan-
delle. Ce qui est absurde, et à l’œuvre dans
tous les théâtres marseillais. Ce qui amène à
se demander pourquoi on construit… pour
que ça marche, ou pour faire des coups avec
les coûts ? La Friche, toujours en attente de
savoir quels crédits seront affectés à son pôle
théâtre, est dans la même situation, et les
compagnies régionales en meurent.
Autre rectificatif : nous écrivions dans le même
article que seuls la Criée, Le Gymnase et le
merlan avaient de réels moyens de production.
Or quelques jours plus tard on apprenait que
les productions du Gymnase, en difficulté
financière, étaient affectées, en particulier aux
dépens de Renaud-Marie Leblanc et sa Cie
Didascalies, dont les prochaines œuvres ne
seront pas coproduites, et qui se trouve
aujourd’hui sans moyens suffisants pour créer.
Quant à la Criée, il n’y aura pas durant la
saison suivante de production propre, faute de
budget…
A.F.
05
M
U
C
E
M
Intensités historiques
06
M
U
C
E
M
Les premiers moments de la programmation événementielle du MuCEM
marquent d’emblée le champ que
Thierry Fabre veut leur insuffler : festifs, et sérieux à la fois. Après le concert
d’ouverture le 7 juin (voir ci-contre), le
temps de Marseille Transit s’est installé
sur trois jours, du 14 au 16 juin, proposant débats, projections et chansons,
autour de Marseille entre 40 et 42, dans
la France dite Libre. Période où l’horizon marin était le seul espoir de départ Transit de Rene Allio
pour nombre de réfugiés fuyant le nazisme, juifs, intellectuels ou artistes «dégénérés», des Milles, ou à la villa Airbel. Le lendemain le
opposants politiques. Mais la mer restait aussi débat avec Jean-Marie Guillon et Gérard Malune barrière imposante, et le régime de Pétain gat évoqua deux figures essentielles, qui ont
une dictature aux pratiques arbitraires. Les permis de sauver des milliers de réfugiés en
formalités administratives étaient longues, leur faisant accorder visa ou droit de passage :
chères, et les candidats nombreux à l’exil vo- Varian Fry, qui ouvrit la porte de l’exil vers les
lontaire. Vers le Mexique ou les États-Unis, ou États-Unis à nombre d’écrivains et d’intellecvers l’Afrique du Nord pour rejoindre De Gaulle, tuels. Moins connu aujourd’hui, le diplomate
tous transitaient par Marseille, et y atten- mexicain Gilberto Bosquez ouvrit la voie vers
daient les nécessaires cartes, visa de sortie et le Mexique, d’abord pour les Républicains Esd’entrée, et autorisation de transit par l’Espa- pagnols fuyant Franco, puis à tous ceux qu’il
pouvait, moins tenu que Varian Fry à sauver
gne ou le Portugal.
C’est sur ce cul-de-sac administratif qu’Anna d’abord les artistes.
Seghers a construit son roman, Transit, qui a La soirée 15 juin se termina en chansons avec
inspiré toute la programmation. Le premier la création de Radio Transit, on chantait quand
débat s’attachait à L’art en guerre, d’après même : Serge Hureau a mené un travail patril’exposition du musée d’Art Moderne de Paris, monial de collecteur de ces chansons cocasses
avec Jacqueline Munck commissaire de l’ex- ou sentimentales, populaires et gouailleuse,
position et Alain Paire, concepteur de ce cycle qui grâce à la radio résonnait pour la première
Marseille Transit. Ensemble ils parlèrent de cet fois comme ne culture sonore commune. Une
«art de la défaite», né sur les murs du camp autre manière, festive, d’évoquer Marseille à
l’époque. Car la veille le film Transit de
René Allio plongeait dans l’atmosphère plus tendue du roman de Seghers.
Le film modifie notablement certains
personnages, en efface d’autres, mais
donne plus que le roman l’atmosphère
enfiévrée d’attente de Marseille. Léché,
cadré, exact, le film dégage pourtant
une impression de vitalité, de naturel
confondante. Grâce aussi à la musique
de Georges Bœuf, qui réinvente de
fausses rengaines, que les spectateurs
fredonnent en sortant, et qui sont très
joliment ciselées. Et puis, voir sur l’écran la
mer et le port que l’on voit aussi autour de soi
du haut du Fort Saint Jean, constitue une mise
en abime inédite…
Car la magie du lieu est époustouflante, et regarder le soleil se coucher sur la mer, entendre
les sirènes des bateaux qui sortent, donne ce
plaisir étrange de la coïncidence parfaite entre
la fiction, historique
pourtant, et la réalité d’un horizon beau
à couper le souffle.
AGNÈS FRESCHEL ET
MARYVONNE COLOMBANI
Les Intensités du MuCEM
La programmation artistique du
MuCEM se poursuit au Fort Saint
Jean et l’Auditorium Germaine
Tillion. Après Primed, une sélection
de documentaires et reportages
liés à la Méditerranée (remise des
prix le 21 juin au MuCEM, projections jusqu’au 22 juin), Antonia
Naïm initie le cycle cinéma Méditerranée(s), une traversée en
images (voir p 64) à découvrir
jusqu’en décembre, dont les rencontres, projections et spectacle
dans le cadre de l’événement
Pourquoi Camus ? (5 et 6 juillet).
Le 12 juillet, concert autour de la
figure de Louis Brauquier par le
combo vocal Radio Babel Marseille
(à 20h), suivi du ciné-concert
Cœur fidèle, un sublime portrait
du port de Marseille.
Les 20 et 21 juillet, les films qui
ont inspiré les grands cinéastes :
Vengo de Gatlif, Scorsese ressuscitant Transes d’Ahmed El Maanouni
(le 20 dès 18h30), puis le dimanche à partir de 16h : Fatma d’Ahmed
Badrakhan, Le Blues de l’Orient de
Florence Strauss, J’ai même rencontré des Tziganes heureux
d’Aleksandar Petrovic.
Le 26 juillet à 18h30, l’auto-documentaire d’Agnès Varda, les Plages
d’Agnès, suivi par Toni de Jean
Renoir. Le 28, Honeymoons de
Goran Paskaljevic (à 18h30) et
L’éternité et un jour d’Angelopoulos (22h).
Chaque projection est précédée
d’apéro concerts au Fort St Jean :
Ashes to Machine (30 juin à
20h30), Ssahha (20 juillet), Gerardo Cassiello (26 juillet),
Kirika (24 août).
À suivre également, en coproduction avec le Festival Mimi (voir
carnet festivals p XI) la performance
audiovisuelle Good Bye Schlöndorff (4 juillet), la présentation
des films de jeunes réalisateurs du
Kirika © Onur Ethem Parlar
Campus Fid Marseille (7 juillet),
le Forum Euroméditerranéen (10
juillet), la rencontre-débat D’où
vient l’avenir dans le cadre du
Festival d’art lyrique d’Aix (11
juillet) (voir p. XVI), le concert Sira
de Jasser Haj Youssef Quartet
(13 juillet) et la retransmission
d’Elektra de Richard Strauss mis
en scène par Patrice Chéreau (19
juillet).
Les Intensités de l’été
jusqu’au 1er septembre
04 84 35 13 13
www.mucem.org
Au cœur
de la musique…
méditerranéenne
Le Grand Tour
Au fort Saint-Jean, la photographie contemporaine inaugure la programmation
2013/2014 du bâtiment Georges-Henri
Rivière, «inventeur de la muséologie moderne», confiée au directeur du musée
Nicéphore Niepce à Chalon-sur-Saône.
François Cheval, tel un architecte, pose
d’abord les fondements avant de monter
l’édifice, en proposant une exposition
collective au titre générique Les choses
de ce côté du monde- ou comment mettre en lumière «les lignes de force, les
trames communes qui fondent la Méditerranée, mais aussi les contradictions et
les oppositions». Comme celles qui se
joueront ensuite entre Antoine d’Agata,
Kathryn Cook et Patrick Zachmann, lors des
expositions monographiques suivantes.
Le premier épisode n’est pas seulement mis
en scène, il est «construit» : par les questions qui sous-tendent l’ensemble des
travaux des huit artistes invités (visions
architecturales, politiques, sociétales,
humaines) ; par le système de châssis en
bois d’une belle simplicité imaginé par
l’architecte Olivier Bedu et la scénographe
Juliette Morel. Tout ici est correspondances, cohabitations ou symétries.
Entre la vidéo d’Ange Leccia qui retient
d’un rassemblement soufi au Caire le
mouvement permanent des jeux de lumière des néons, et la précision clinique
du regard d’André Mérian sur la banalité
de l’architecture portuaire méditerranéenne (Marseille, Izmir, Tanger, Valence,
Alexandrie, Thessalonique). Autre architecture et autre point de vue, celui de
Stéphane Couturier qui filme et photographie Alger à la manière d’une frise
panoramique, et muette. En face, place
à la réalité d’un monde pastoral pré-chrétien dans les deux vidéos qui composent
BirdVillage de Servet Kocyigit. Le dialogue, toujours ouvert à 360 degrés se
poursuit avec les 21 pérégrinations de
Jean-Luc Moulene en Orient «qu’il faut
regarder par delà ce que l’on voit car chaque
image du patchwork parle de photographie
ou de l’impossibilité de la photographie».
Une mise en abîme de la photographie
que François Cheval tenait à souligner
dans cette introduction.
D’autres enjeux traversent l’exposition.
2001 © Jean-Luc
La mère du King, Saida,
Moulene
Portrait double, 2002 © Patrick Tosani Adagp, Paris
2012
La «fiction», dans la pièce vidéo Telematch
Sadat de Wael Shawky qui refait jouer
par des gamins les grands moments de
l’histoire contemporaine égyptienne...
La guerre, un «jeu de gosses» ! Et la
représentation de «l’Histoire» avec ces
images d’enfants de Damas photographiés par Patrick Tosani où l’on dépasse
l’idée martelée de l’enfant martyr, pour
voir les êtres.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Les choses de ce coté du monde
MuCEM, Marseille
jusqu’au 29 juillet
04 84 35 13 13
www.mucem.org
À venir
Odyssées, Antoine d’Agata
du 9 août au 23 septembre
Memory of Trees, Kathryn Cook
du 4 octobre au 18 novembre
Mare-Mater, Patrick Zachmann
du 29 novembre au 28 janvier
À la nuit tombée, alors que le bleu étincelant du
MuCEM se reflète dans la mer, une couleur orangée,
vive mais plus petite, fait son apparition à ses
côtés. Sur l’esplanade du J4, une scène de concert
en plein air a été installée pour l’occasion. Aucune
barrière tarifaire à l’entrée, tout le monde est convié
à la fête et se laisse entraîner par les rythmes effrénés des cultures méditerranéennes. Sur la scène,
la musique arabe traditionnelle est fièrement représentée par le oud d’Elia, le qanoun (sorte de
cithare sur table) d’Osama et le violon de Basil
formant ensemble le groupe The Khoury Projet.
Leur agilité rappelle à quel point cette musique est
aussi précise que délicate. Une maîtrise qui leur
permet d’adapter ces mélodies orientales à d’autres
styles comme le jazz ou encore le flamenco. C’était
le thème-clé de cette démonstration musicale au
bord de la méditerranée : le mélange des cultures.
La voix puissante de la chanteuse andalouse Estrella Morente et les rythmes endiablés du guitariste
Montoyita s’entremêlent avec le swing des jazzmen
Pierrick Menuau au saxophone, Guillaume Robert
à la contrebasse et Gaetan Nicot au Piano. Trombone et trompette complètent cet orchestre insolite
dont la mixité ne fait en aucun cas perdre de crédibilité à l’ensemble, les échanges et les relais pris entre
les musiciens se faisant avec cohérence. Quand Estrella Morente se lève soudainement pour faire
chavirer son châle, l’orchestre s’accorde alors au gré
des pas de flamenco. Ils prennent du plaisir et le
public aussi !
ANNE-LYSE RENAUT
Le concert The Khoury projet et Estrella Morente a eu lieu
le 7 juin à l’occasion de l’ouverture du MuCEM
sur l’esplanade du J4, Marseille
© Agnès Mellon
07
M
U
C
E
M
Parcours
V
I
L
L
A
M
É
D
I
T
E
R
R
A
N
É
E
Culture politique
À côté de l’incontestable réussite du MuCEM,
il y a la contestée Villa Méditerranée. Dont
l’architecte est en procès pour plagiat, qui se
fait allumer dans la presse pour son coût, son
esthétique, son «absence de projet». Tout cela
est fort peu mesuré : initiée et financée dans
un temps où le MuCEM était en panne, la Villa
Méditerranée a su trouver des complémentarités culturelles, comme pour le Primed par
exemple qui se partage entre les deux espaces.
Et, surtout, elle inscrit aujourd’hui l’essentiel
de sa démarche dans une perspective différente : «Il s’agit ici de faire de la politique» disait
Bernard Morel lors de l’inauguration des parcours le 14 juin. «Par le projet, précisait Michel
Vauzelle, qui s’inscrit dans une démarche de
prospective, d’invention du futur ; par sa forme,
qui se veut ouverte à tous et essentiellement à
la jeunesse, qui doit fabriquer l’avenir et trouver
un espace d’expression dans ces murs : en
réunissant ici des politiques et de citoyens, on
peut tourner la page de l’échec politique méditerranéen, qui repose sur une France donneuse
de leçons, sur une Europe technocratique. Des
réponses simples doivent être trouvées qui
organisent les aides urgentes quand il en faut,
si ce lieu de dialogue et de réflexion peut devenir aussi un lieu de décision concrète.»
Effectivement, en dehors des rencontres et débats politiques, les propositions artistiques
elles-mêmes revêtent cette dimension. Ainsi
lors de la soirée d’ouverture des premières Rencontres du cinéma arabe (voir p 60) Jack Lang
est venu souligner l’importance symbolique de
ce festival et les liens à construire avec l’Institut du monde arabe, qu’il préside désormais.
Marcel Siguret, président d’Aflam, soulignait
quant à lui les difficultés que les cinémas nationaux avaient à circuler dans les autres pays
arabes, désignant ainsi Marseille comme le
seul lieu possible de ce festival. Et la Villa
Méditerranée comme son lieu d’accueil naturel.
Théâtre et lieu d’engagement
Les premières propositions théâtrales allaient
dans le même sens : To Diplo Biblio, a mis en
scène un roman majeur de Dimitri Hatzis, sur
la génération grecque de l’exil : guerre civile,
colonels, émigration, impossible retour, le texte magnifique (en grec surtitré) s’inonde de
mythes et d’histoire, et les jeunes acteurs sont
bouleversants dans leur simplicité aride (le
surtitrage défile pourtant à toute allure !). Invisibles de Nasser Djemaï avait précédé, mise
en scène touchante de la vieillesse des Chibanis, première génération d’immigrés algériens
qui n’ont jamais pu rentrer au pays, parce qu’il
aurait fallu renoncer à leur retraite. En revanche la création du collectif Ildi!eldi fut décevante,
superposant film de Pasolini, documentaire sur
son tournage en Palestine, film palestinien sur
ses traces 40 ans après, commenté par deux
comédiens en décalage, mais dont on ne sait
To Diplo Biblio, PEQUOD © X-D.R. -Pequod
08
À coté de la salle au sous-sol et audessus dans l’espace du porte-à-faux
deux parcours expositions ont été inauguré le 14 juin. Le parcours permanent
au sous-sol porte sur les migrations et a
été magnifiquement conçu, pensé et
réalisé par le documentariste Bruno
Ulmer. Engagé, il parle de migrations
douloureuses, souligne les disparités des
rives, revendique en exposant des faits…
Nous y reviendrons, l’exposition étant
permanente ! En haut du porte-à-faux la
ligne d’horizon est sublime, et touchant
le parcours imaginé par Régis Sauder
(voir ci-contre).
ce qu’ils commentent. La superposition loin
d’enrichir chaque œuvre la détruit, et donne
furieusement envie de revoir tranquillement
les images entrevues, superbes, de Repérages
en Palestine de Pasolini !
Reste qu’il y a dans la Villa Méditerranée une
véritable salle de théâtre, équipée, large, apte
à recevoir du public et de véritables productions. Espérons que la Villa aura à cœur d’y
produire aussi les compagnies régionales, et
qu’avec le MuCEM qui n’a qu’un très bel mais
petit auditorium une collaboration artistique
efficace se mettra en place, en se gardant de
la concurrence, et en cherchant la variété !
AGNÈS FRESCHEL
Béton armé
C’est d’un projet avorté de Le Corbusier pour la
ville d’Alger dans les années 30 que Sonia
Chiambretto va faire surgir son Gratte-ciel de
fiction, cadre imaginaire de la nouvelle création -collaboration avec le metteur en scène
Hubert Colas. Et c’est à la Villa Méditerranée,
étape aboutie de la reconquête architecturale
de la ville et en coréalisation avec le Festival
de Marseille que sera présenté cet opus inédit
qui selon les termes mêmes d’Hubert Colas
«ne dit pas autre chose que ce qui est» : la
réalité algérienne des années 80-90 à travers
témoignages de terrain, entretiens par Skype
avec des jeunes, rencontre avec la génération
qui a vécu «d’autres guerres». De cette parole
multiple doit naître un objet de théâtre dont
la scénographie laissera une part généreuse à
la vidéo, au son et à la lumière ; les acteurs,
tous français et plutôt venus du cinéma
devront porter et amplifier les échos toujours
vifs de cette Alger encore si proche.
MARIEJO DHO
Hubert Colas, Gratte-Ciel, Videogramme-MURS © Mehdi Meddaci, 2011-Courtesy Galerie Odile Ouizeman
Gratte-ciel sera crée à la Villa
Méditerranée du jeudi 4 au
dimanche 7 juillet dans le
cadre du Festival de Marseille
(voir pVIII)
04 95 09 45 52
www.villa-mediterranee.org
À venir
Le Trait suivi de Le Temps scellé
de Nacera Belaza
le 28 juin à 20h30
Villa Méditerranée, Marseille
04 95 09 42 52
www.villa-mediterranee.org
Du blanc, du bleu
Du blanc, du bleu, de la lumière et Régis Sauder, détendu et souriant, peaufine avec ses collaborateurs le
parcours temporaire de la Villa Méditerranée, 2031 en
Méditerranée, nos futurs !, proposé au public à partir
du 14 juin.
Zibeline : Comment ce projet a-t-il vu le jour ?
Régis Sauder : Il y a deux ans, l’équipe de production
de la Villa Méditerranée m’a demandé prendre en charge le parcours d’ouverture, dans l’espace d’exposition
temporaire autour de la prospective en Méditerranée,
un comité scientifique posant les bases d’un cahier des
charges. J’avais la garantie d’un espace de création
libre. Surpris par l’ampleur de cette proposition, je me
suis demandé comment m’y situer… Ce qui m’intéressait était de faire une réponse artistique à un contenu
qui prend en charge des questions complexes ; d’aller
à la rencontre des gens, sans faire un discours d’expert,
ni encyclopédique. Le lien s’est aussi fait avec Bruno
Ulmer qui avait travaillé sur les mobilités dans Plus loin
que l’horizon. J’avais collaboré avec lui au Maroc.
Est-ce que l’association avec Benoit Bonnemaison
s’est imposée dès le départ ?
Durant la première année, j’ai écrit le scénario. Je ne
voulais pas d’images de synthèse sous prétexte que
c’était dans la prospection : je peux filmer le présent,
les traces du passé mais pas le futur, j’ai donc fait appel
à Benoit. Le futur on peut le dessiner, on est dans
l’utopie.
Pour parler d’avenir, il faut des jeunes qui vivront dans
cette Méditerranée. J’ai donc mis en place un atelier et
choisi le Lycée St Exupéry, face à la mer. Pendant plusieurs mois, j’ai montré à une classe de seconde des
films et discuté de leur quotidien. On leur a proposé de
la danse, du dessin en gardant en tête cette idée centrale : on est dans un bâtiment public, un lieu porté par
un discours politique, qui est à vous, qui est à nous et
ce projet on va le faire ensemble. Au bout de quelques
mois, la proposition validée, on était prêt à utiliser les
outils, le cinéma et le dessin avec Benoit comme dessinateur public. Benoit est venu avec une petite table
et une plaque de verre sous laquelle était fixée une caméra, des calques et tout un système de prises de vue
conçu avec les jeunes. À partir de grandes lignes à évoquer, on allait mettre en images leurs rêves, leurs utopies
et leurs angoisses. Ils racontaient et Benoit dessinait ;
parfois, ils dessinaient eux-mêmes. On a commencé par
quelque chose de très simple : dessiner sa Méditerranée. Cet atelier, on l’a mis en place à Izmir en Turquie,
à Tunis au lycée français et à Beyrouth avec les jeunes
Palestiniens du camp de Sabra. Les jeunes Marseillais,
on les a réunis en Corse en résidence.
Comment aviez-vous établi ces contacts là-bas ? Par le
biais des instituts français ?
Oui. En termes de production, cela a été un peu lourd,
en particulier à Beyrouth, dans le camp de Sabra. La
production exécutive était confiée aux Films du
Tambour de Soie. Dans notre périple autour de la Méditerranée il est apparu qu’une carte dessinée par un
jeune palestinien ou un jeune turc, cela n’a rien à voir !
Après, on a travaillé sur deux postes ; moi, au tournage, dans le dialogue, et Benoit, à partir de la carte,
reprenait la main et dessinait… Un jeune Tunisien par
exemple voit la Méditerranée comme une boite de
09
V
I
L
L
A
Régis Sauder © A.G
conserve géante… Tous ces dessins sont les images
mentales, les représentations non naturalistes d’une
Méditerranée fantasmée, souvent très angoissante.
À quel moment du projet la forme de l’exposition estelle apparue ?
Après l’écriture du scenario, j’avais envie de développer
quatre thématiques précises et un espace de rencontres.
Le scénographe Bruno Badiche a proposé d’immerger
le spectateur dans les images. Très vite, on s’est mis
d’accord sur quatre unités autour des quatre thématiques avec un espace d’accueil : l’identité, l’écologie,
l’engagement politique au sens large, et une boite où
l’on fait une proposition de l’avenir, une boite de réunion de tous ces jeunes. Tout au long de l’atelier on a
réfléchi à un slogan pour l’avenir ; Benoit est aussi un
affichiste et, à la fin de la résidence, on leur proposé de
réaliser une affiche avec le pigment bleu qui est le lien
dans la scénographie. On retrouve dans la boite 4 toutes les affiches qui sont, en quelque sorte, des manifestes.
Dans les ateliers, les jeunes ont-ils facilement adhéré
à ces propositions ?
Complètement. Les temps étant assez courts, tout est
passé par le trait. On est arrivé très vite à une intimité.
J’essaie toujours d’établir cela dans mon cinéma, qui
n’est pas dans le discours ; c’est en fabricant ensemble
que les choses émergent. Là, c’était par le dessin. Les
plus âgés, vingt ans, trouvaient d’abord la proposition
un peu naïve mais, finalement, cela marchait très bien
parce qu’on mettait des images sur leurs représentations, et qu’ils étaient sidérés de l’effet !
Ces jeunes, qui sont-ils ?
Ils avaient entre 15 et 20 ans. Ce qui m’intéressait, c’était
l’absence d’homogénéité sociale. En Turquie, ils venaient d’un milieu favorisé, d’un lycée francophone ; à
Beyrouth, les jeunes de Sabra étaient plus démunis ; à
Tunis, ils étaient plus âgés, inscrits dans une dynamique
d’engagement et à Marseille, la classe était socialement
mixte. Quand on est revenu, j’avais des heures de rushes –pas du reportage, mais évidemment il y a un
terrain documentaire-, et avec Benoit on avait collecté
un tas de matière, petits dessins,
affiches. On s’est dit que les boites
étaient nos murs, qu’on était dans
le geste de la fresque. On retrouve
dans la scénographie les câbles
omniprésents des villes méditerranéennes. Le spectateur va les suivre
tout au long du parcours.
Les jeunes vont-ils pouvoir venir
voir le résultat, ici ?
Un représentant par pays est venu
voir la mise en place et on prépare
une rencontre, fin août, avec des
ateliers auxquels participeraient
d’autres jeunes de centres sociaux.
Ici, c’est chez nous ! ce n’est pas de
la com, les jeunes doivent parvenir
à pousser la porte. Leur réunion ne
doit pas rester symbolique.
D’autres jeunes vont venir suivre le
parcours. Leurs réactions serontelles intégrées ?
Dans le dernier espace, il y a un
moment de restitution où ils pourront faire un dessin ou écrire un
slogan qui sera projeté sur un mur
en face. Ce qui est important c’est
qu’un film ou une exposition permette de ménager un espace où la
pensée est au travail. Ça se construit dans une pratique partagée…
PROPOS RECUEILLIS PAR ANNIE GAVA
2031 en Méditerranée, nos futurs !
Du 14 juin au 27 septembre
Villa Méditerranée
www.villa-mediterranee.org
M
É
D
I
T
E
R
R
A
N
É
E
Sur le parcours du Prado © Gaelle Cloarec
10
F
Ê
T
E
S
E
T
P
L
E
I
N
A
I
R
Sur la Canebiere © Gaelle Cloarec
Jusqu’à Marseille
Tout a déjà été dit de la TransHumance, le grand
projet de Camille et Manolo, les cavaliers du
Théâtre du Centaure. Son élan freiné par les
impératifs sanitaires et logistiques, par la météo,
par les contraintes administratives. Ses ambitions insolentes et coûteuses : mêler ville et
campagne, humains et animaux, vidéos d’art et
folklore pastoral dans une Capitale Européenne
de la Culture controversée pour ce choix artistique. Ses faux-départs, comme celui des cavaliers
du Maroc qui ont dû se retirer de l’aventure au
dernier moment. Ses rendez-vous manqués,
notamment l’annulation du Balbête qui devait
faire danser sous les étoiles à l’Étang des Aulnes. Ses maladresses, quand pour parcourir
leurs balades familières on demandait aux membres des centres équestres de la région une
participation financière à leurs yeux injustifiée. Ses
contradictions : comment promouvoir l’ouverture
de l’urbain au naturel alors que le déplacement
de milliers de bêtes s’est fait en transports
polluants sur la majeure partie du parcours ?
Voire sa récupération à des fins politiques dans
une période pré-électorale à Marseille...
Et pourtant, et pourtant, en ce dimanche 9 juin,
lorsque le défilé des TransHumans a commencé
depuis la Gare Saint-Charles et le Rond-point du
Prado jusqu’au Vieux-Port, puis le long de la
Corniche jusqu’aux plages, 300 000 marseillais
étaient présents, et ravis. Voir des troupeaux
avancer dans le calme entre deux rangées de
visages souriants et empreints de fierté est -n’hésitons pas à le dire !- un grand moment.
Interrompre le règne de la voiture l’espace d’une
matinée, ne serait-ce que cela, pour permettre
aux enfants des villes d’entendre le souffle des
grosses bêtes, et à certains parmi les plus utopistes de rêver au retour de la traction animale,
ce n’est pas rien. Leur montrer des bergers, des
conducteurs d’attelage, des adultes et des
jeunes chevauchant avec dignité, portant haut
les couleurs de la Provence, de la Camargue, de
leur pays, c’est aussi très précieux.
Rien que pour ces heures-là, pour les folâtres
petits veaux Maremme portés par leurs mères
italiennes et venus naître chez nous, pour l’hymne de marche de Manu Théron, et aussi pour
les poétiques traces numériques qui n’en finissent pas de se répandre sur les réseaux sociaux
(animaglyphes vus du ciel, galop suspendu de
la centauresse debout sur ses trois frisons noirs,
petits poulains foncés accompagnant les juments blanches de la Crau aux pieds de la
Bonne Mère, avec un énorme navire poussant
son étrave devant le MuCEM pour décor)... on
ne crachera pas sur la TransHumance. Malgré
son budget, très onéreux, mais non communiqué
par les équipes de MP2013. Car au final, au-delà
des réticences, rancunes, et insatisfactions, on
avait besoin de cet événement populaire, capable de faire rêver des gens de toutes sortes,
sur tout un territoire.
GAËLLE CLOAREC
La TransHumance a traversé le territoire
du 17 mai au 9 juin
Paradis artifiCiels
Cela a commencé sur le Rhône, le
dimanche du week-end inaugural
de Marseille Provence 2013 (voir
Zib 59), avec le premier épisode
Révélations. Les jeux entre le feu et
l’eau se poursuivent à Cassis où, le
19 mai (la veille la météo avait annulé le spectacle), les évolutions du
Groupe F jonglent entre la mer et
la falaise du Castel. Les regards sollicités à des angles opposés, naviguent
de l’une à l’autre, éblouis par les effets naturels des feux sur l’eau et
des ombres mouvantes et colorées
qui redessinent la pente abrupte de
la montagne, la transformant en
mosaïque, en pont, en rivière poissonneuse… L’histoire géologique et
antique des lieux se dessine en
nappes lumineuses qui apprivoisent le paysage accidenté. Les
sommets s’enflamment, un village
naît… des personnages aux costu-
mes de lumière traversent la foule,
se livrent à d’audacieuses ascensions ou même défient la pesanteur
et s’envolent au-dessus du public.
Musiques contemporaines (Scott
Gibbon) et traditionnelles (Le petit
cabanon…), accordent au specta-
cle humour et poésie. Les effets
sont spectaculaires, comme il se
doit, se mesurant aux reliefs. Mais
par l’inégalité des points de vue tous
les spectateurs n’ont pas accès à
la fête ! Les navettes d’accès sont
bondées, on est ébloui, ravi, mais
Revelation episode 2 , Cassis © Emmanuelle Ruf, service de communication de la ville de Cassis
seulement une demi-heure… on regrette alors les spectacles plus
aboutis que l’on a applaudis l’an
passé au Pont du Gard. Mais ce
spectacle pyrotechnique inventif et
éblouissant, d’un groupe de la région et à renommée internationale,
est offert gratuitement : en cela, la
démarche est belle, et pour sept
épisodes par tout le territoire : le 6
juillet sur le canal de Caront à Martigues, du 7 au 10 aoûtà l’embouchure
de Port-Saint-Louis, du 4 au 7
septembre au Château d’If, du 13
au 16 novembre à la Fondation
Vasarely d’Aix-en-Provence, et
enfin le 31 décembre à Istres.
MARYVONNE COLOMBANI
Groupe F
04 90 98 74 12
www.groupef.com
★
★
Tout conte fée
Est-ce l’habitude de la Camargue qui donne aux créations d’Ilotopie cette poésie
si naturelle ? L’inextricable harmonie végétale et animale, de l’eau et de la terre,
est visiblement à l’origine de la Cité
Lacustre que la compagnie des arts de la
campagne (vraiment cela n’a rien d’art de
la rue…) a édifiée à Martigues… Avec une
bonne dose de rêve et d’enfance, Bruno
Schnebelin et ses compères ont construit Anapos une ville aquatique aux formes
souples et belles, où les habitats semblent
des animaux fantastiques, où les humains
ont des têtes de souris, des chapeaux et
des costumes de contes anciens, où les
étincelles font fleurir les eaux… Anapos se
visitait la journée, puis des débats
écologiques (la cité est énergiquement
autosuffisante), fanfares et spectacles
s’installaient jusqu’en soirée, avec buvettes et tables de partage. Lorsque le
temps l’a permis le spectacle Opéra d’O
a réuni sur la rive de l’étang un public familial nombreux et enthousiaste… Pourtant,
si la visite des installations mi-immergées
était surprenante, Opéra d’O, plastiquement splendide, (quelle imagination visuelle !)
était musicalement pauvre, et pas toujours captivant, reposant sur quelques
gags burlesques, et sur le principe d’un
défilé de carnaval plus que d’un spectacle
frontal assis. Mais qu’importe, la magie
visuelle était là, entrainant l’enthousiasme
populaire et transformant sans doute pour
toujours le regard des habitants sur leur
environnement quotidien… Une Cité à
exporter vers tous les étangs et lacs de la
région… et darses ?
AGNÈS FRESCHEL
Anapos s’est visité du 31 mai au 9 juin,
Opéra d’O s’est joué les 7, 8 et 9 juin
à Martigues
Valise à l’échelle
Les mots recèlent des bonheurs infinis et se prêtent à tous les jeux. Celui auquel se
livrent Odile Darbelley et Michel Jacquelin, héros/hérauts de l’Art tangent
(soutenus par les Frac Alsace et PACA), est de ceux qui contractent ou distendent,
comme vous préférez, les zygomatiques. Jubilation de l’acrobatie verbale, goût du
paradoxe, du sens littéral des métaphores et réciproquement du sens pseudométaphorique des termes qui jusque-là ne prétendaient qu’à un modeste quoiqu’utile
sens propre. S’emparant de termes grandiloquents, maniant le concept, jonglant entre
les siècles pour composer une histoire hors norme de l’art, ils passent de la brouette
inventée par Blaise Pascal à la valise montée sur roues, œuvre de Louise Poirier, qui
recèle une foule d’objets que les deux conférenciers ou plutôt artistes présentent avec
le sérieux d’un Francis Blanche. On découvre la sérendipité, autrement dit le fait de
trouver autre chose que ce que l’on cherchait au départ, mais qui est quand même
intéressant, la mouité, c’est-à-dire le principe du mou qui aurait ouvert de larges
perspectives à Levy Strauss s’il l’avait connu… il y a Marcel Duchamp et surtout son
frère, Duchamp-Duchamp, charcutier, qui passe du lard à l’art… il y a le noir emmental,
la théorie du réplica, des questions essentielles comme «l’ombre d’une œuvre est-elle
encore cette œuvre ?», le paradoxe de l’arrosoir qui n’est arrosoir que lorsqu’on s’en
sert. On apprend dans cet esprit pataphysicien à se méfier des bigorneaux perceurs,
des échelles identiques mais pas à la même échelle… dans ce jeu sur les mots,
s’immiscent en filigrane des questions profondes sur le langage, l’art, notre perception
du monde. Un régal !
MARYVONNE COLOMBANI
L’art Tangent s’est joué le 26 mai aux Jardins d’Albertas,
Bouc-Bel-Air, et le 28 mai Bois de l’Aune, Aix
À lire : L’art Tangent, Actes Sud, 24,40 euros
La Cité Lacustre © G. Xuereb
★
Marathon à la Friche
F
Ê
T
E
S
E
T
P
L
E
I
N
A
I
R
Salon de micro-edition Vendetta © Gaelle Cloarec
12
Passer 48h Chrono dans une Friche en pleine effervescence, c’était
l’occasion de voir gratuitement l’exposition d’art contemporain la Dernière
Vague, d’escalader la Tour-Panorama
qui porte si bien son nom, d’assister à une démonstration de Kyudo
(archerie traditionnelle japonaise),
ou de croiser l’inusable et fort civil
Monsieur Culbuto, l’homme aux
millions de shake hands déséquilibrés. On pouvait également se
presser sur les étals du Salon «de la
micro-édition et du multiple» Vendetta, une initiative du collectif Le
Dernier Cri rassemblant graphistes et auteurs «mal distribués, et
peu couverts par la presse culturelle».
Selon sa co-organisatrice MariePierre Brunel, l’événement accueillait
le travail d’une quarantaine de structures dont plusieurs étrangères,
venues de Londres, des Pays-Bas,
de Barcelone, d’Italie, Suisse, Roumanie et Belgique. «Le Salon est
gratuit pour les visiteurs, mais aussi
pour les exposants, car le déplacement est déjà lourd pour les
micro-éditeurs. Nous essaierons de
le pérenniser ; c’est important d’avoir
une visibilité, les gens n’achètent
plus de livres et c’est bien domma-
ge !» Une belle collection pour
ceux que l’esthétique fanzine séduit, et ils étaient plutôt nombreux
en ce week-end à la météo diluvienne... «Les marseillais sont courageux,
et très curieux» se réjouissait
Christophe Siébert, originaire de
Montpellier et auteur d’une percutante série littéraire intitulée Un
texte par jour jusqu’à ce qu’on crève,
vendue à prix libre.
Les villes sauvages
Mais 48 h Chrono, c’était aussi -et
peut-être surtout- l’occasion de
voir Slums au Théâtre Massalia.
Un chant d’alarme lancé par une
femme à la voix puissante, splendide dans sa révolte, d’autant plus
poignante qu’elle a le ventre rond
et donnera bientôt le jour. Dans un
monde délétère, où un milliard d’êtres
humains peuplent les bidonvilles,
cancer urbain de la modernité, et
les camps de réfugiés. Où «les pauvres n’ont guère d’autre choix que
de vivre en côtoyant la catastrophe» : la misère, l’insalubrité, les
déchets toxiques provoquant des
maladies étranges, les inondations,
le feu, les commandos armés, escadrons de la mort et autres «grupos
de limpieza» qui se débarrassent de
cadavres d’enfants au quotidien...
Un monde où l’on criminalise les
pauvres, car «ils ont dans leur camp
les dieux du chaos». Où le Pentagone
organise des stages d’entraînement au combat de rue, dans les
égouts, les logements anarchiques.
Bénarès, Gaza, Khartoum, Kaboul,
Mexico... Les enfants des slums
animés par le désespoir sont partout identifiés comme un ennemi,
tout comme le sont les gosses de
nos propres cités, et lorsqu’on est
témoin de ce texte terrible, assis
dans un fauteuil confortable au
théâtre, on met un certain temps
avant d’accueillir le retour à la lumière, et de pouvoir se lever pour
saluer l’artiste qui vient de nous
ouvrir les yeux.
GAËLLE CLOAREC
Les 48h chrono ont eu lieu
du 17 au 19 mai à la Friche la Belle
de Mai, Marseille
À venir
Prochain week-end Made in Friche
les 22 et 23 juin
04 95 04 95 95
www.lafriche.org
Du carton et des plumes…
Marie Maddedu et Antoine le Ménestrel,
Urbanologues (vocable prétentieux à prendre au
second degré !), jouent sur différents niveaux
de la rue, l’un à l’ascension des façades, l’autre
à l’accompagnement verbal mais aussi sonore,
utilisant toutes les possibilités acoustiques des
Installation d'Olivier Grossetete ©
Maryvonne Colombani
Le 1er juin, alors que le soleil renouait enfin avec
la région, le festival Chaud Dehors d’Aubagne
prenait son sens. Il faut imaginer un centre-ville
parcouru par des ondes de joyeuse effervescence, alors qu’imperturbable tourne le petit
manège de la place. Cette manifestation
imaginée par Lieux Publics et la ville d’Aubagne parie sur une programmation variée où les
compagnies régionales sont conviées à créer.
Les énormes maisons de carton se construisent
sur l’esplanade Charles De Gaulle. Enfants, parents, tout un monde s’active, déplie, replie,
remodèle, scotche à qui mieux mieux. On commence par le toit, les structures sont entourées
de collections de cartons bien solides, puis sont
élevées par une multitude de mains, et la construction s’élève à de vertigineuses hauteurs. Et
c’est beau ! Le soir, en apothéose, les constructions seront détruites, plaisir exutoire : Olivier
Grossetête, le maître d’œuvre, sourit et parle
d’«hystérie libératoire».
La fontaine du cours Foch s’anime de danses
avec Marcher commun et deux créations
italiennes, le solo de Cosetta Graffione, La mémoire de l’eau, et ses dangereuses prestations
arrosoir, et le duo Antipodes, d’une belle
qualité chorégraphique. Avec humour Jean-
vitrines, tuyaux, grilles… le tout sur le mode
humoristique et décalé, alors que la Cie
Tandaim rend la parole aux morts sur les mots
de Sophie Calle, dans une mise en scène qui
invite les spectateurs à la déambulation entre
des tombes trop vertes, des murmures, des faits
divers glanés dans le réel, et des derniers
soupirs. Macabre pour l’été, mais émouvant…
Puis le Studio de cirque d’Arles, habitué aux
formes grandioses, vient roder une forme nouvelle, en autobus, d’où sort une série de numéro
acrobatiques impressionnants, et des volées de
plume. Tous les agrès sont parfaitement maitrisés, l’esprit joyeux, la scénographie dépliée
astucieuse et efficace, mais la musique digest
mauvaise electro et rock mal remixé est insupportable. Les oreilles bouchées le spectacle est
magnifique, et conclut dans l’enthousiasme la
journée. De toute cette fête subsistent les
plumes oubliées qui laissent un parfum d’ange
déchu. Chaud dehors et poésie dedans.
MARYVONNE COLOMBANI ET AGNÈS FRESCHEL
Chaud Dehors s’est tenu à Aubagne
du 30 mai au 1er juin
Émouvantes cimes
14
F
Ê
T
E
S
E
T
P
L
E
I
N
A
I
R
Elle perd ses feuilles de salade une à une,
jusqu’à ce qu’un piéton lui signale avec humour
«Mademoiselle, vous vous effeuillez !» et déambule gracieusement dans les rues ensoleillées
de Gap. C’est le 1er week-end de juin, le Théâtre
la Passerelle nous invite à être enfin Tous
dehors, et le public la suit avec délectation.
Laure Terrier câline l’un pour mieux dérouter
l’autre, se plante dans un bac à fleurs municipal,
investit un magasin de mode, court sur un mur
comme si le jour lui appartenait, comme si on
pouvait valser librement dans l’espace public.
Les passants hésitent devant cette audace,
craignent un instant un coup de folie avant de
sourire, conquis par l’espièglerie et la sincérité
de la demoiselle. Et regardent différemment leur
décor quotidien, soudainement envahi de poésie.
Même effet de décalage salutaire à la suite des
street-jockeys d’Urbaphonix, qui utilisent les
surprenantes capacités sonores du mobilier
urbain, jouent de subtils rythmes am-plifiés par
le geste auguste du technicien, et laissent
résonner l’émouvante apparition d’une voix
humaine parmi ces bétons et métaux.
En fin de journée, on fait l’ascension du Col de
Cavale, Cie Yohann Bourgeois © Gaelle Cloarec
Gleize (1696m d’altitude), pour assister dans un
cadre exceptionnel aux envolées circassiennes
de Yoann Bourgeois et Mathurin Bolze. Les
deux hommes initient le cycle des Curieux de
nature (gestes artistiques conçus spécifiquement pour le territoire des Hautes-Alpes) sur
une musique pénétrante, dans l’atmosphère
cuivrée du soir tombant sur les alpages. Leur
Cavale épurée invoque la «vitalité désespérée»
de Pasolini, suggérant que si Dieu existe, «il
n’aurait pas dû créer en même temps l’amour et
la mort». Elle peuple les montagnes de moelleux
Mais quelle histoire !!!
e
En cette année Capitale, la 4 édition de la Folle Histoire des Arts de
la rue a élargi son territoire à six villes du département : Marseille bien
sûr, Marignane, Lambesc, Charleval, Port-Saint-Louis-du-Rhône et Aureille.
Soit une cinquantaine de spectacles, des compagnies d’Europe et de
Méditerranée, dont 46% de compagnies locales, 11 créations, dont 4 in
situ, plus de 200 artistes, près de 300 bénévoles dans 6 villes, durant 18
jours.
Après un démarrage enflammé les 3 et 4 mai , les spectacles se sont succédé dans le département, et Sport Fictions a réjoui plus d’un millier de
spectateurs à la gare (voir Zib 63). Malheureusement le beau temps n’a
pas été de la partie et certaines manifestations ont été perturbées ou
annulées... Générik Vapeur a investi le J4 en installant de façon humoristique un 17e arrondissement, mini-village avec sa poste, son musée, son
coiffeur, son bar.... et clôturé la manifestation avec Waterlitz, spectacle
qui met en gloire son totem de métal de 19 mètres, monstrueuse vigie face
au large. La Cité des Arts de la rue a proposé une soirée festive, réunissant
habitants du quartier, artistes et visiteurs : Moteurs ! a proposé une
déambulation ponctuée de musiques rock ou contry, chansons, dégustations avec les
las
Waterlitz © Jacques Nico
Grandes Carrioles,
spectacles déjantés.
On se rappelle surtout
de Rouge de Tixus
Marpey de la FAI-AR,
joué
dans
les
décombres dans un
bain de vin rouge (de
sang ?) et une mise à
feu participative !
CHRIS BOURGUE
et vertigineux suicides, annulés par la magie du
trampoline, comme un montage cinématographique renversant la réalité.
On soupire. Si les prochaines éditions de Tous
dehors conservent cette grâce, on reviendra,
c’est sûr.
GAËLLE CLOAREC
Le Week-end de rue Tous dehors (enfin !)
a eu lieu à Gap du 31 mai au 2 juin
Musique intergalactique
Une fois n’est pas
coutume, le public
de la Sirène était
placé au centre du
parvis de l’Opéra et
non autour, pour
profiter pleinement
du spectacle musical de Ray Lee.
Car il fallait s’immerger dans les
volutes des sons...
Embarquement
pour des galaxies
© Vincent Lucas
imaginaires ou un
hypothétique paradis, la création de l’artiste-compositeur propose des sons émis par des insectes métalliques à trois pattes
qui tiennent autant de la girouette que des éoliennes. Cinq
structures de 6m de haut où des barres horizontales portent
de chaque côté un haut-parleur. Occupant l’espace, elles
tournent à des vitesses inégales, donnant aux sons des
inflexions et des rythmes différents. Ray Lee utilise l’effet Leslie
qui filtre les graves et les aigus tout en faisant varier l’amplitude,
le panoramique et la fréquence des sons avec un effet Doppler.
Passionné de sciences et de magnétisme, le compositeur mêle
sons et structures, pour lui indissociables. Ses spectacles se
jouent dans le monde entier depuis 30 ans. Le public marseillais
a lui aussi été conquis, s’attendant à tout moment à voir surgir
une divinité céleste sur son char…
C.B.
La Folle Histoire s’est
déroulée du 3 au 20 mai
Chorus s’est joué le 5 juin
sur le Parvis de l’Opéra, Marseille
Le plaisir du jeu
16
T
H
É
Â
T
R
E
On reprochait il y a peu à la Criée, Centre
Dramatique, de ne pas programmer assez
de «théâtre de texte» ? Voilà que coup sur
coup deux Molière, un Marivaux, un
Shakespeare et un Hugo ravissent la
grande salle ! Ce qui risque de laisser
penser que le texte de théâtre relève du
répertoire et le théâtre contemporain de
«l’écriture de plateau»… mais laisse voir
des mises en scène très diverses,
inventives et fraîches !
Le Shakespeare mis en scène par Clément Poirée tourne depuis deux ans. Il
n’est révolutionnaire ni dans la forme ni
dans le propos… mais est ébouriffant de
savoir-faire, au sens noble de l’art dramatique : Beaucoup de bruit pour rien est
un de ces bijoux Shakespearien que l’on
prend d’abord pour des pièces légères
mais qui s’avèrent surprenantes de profondeur pourvu qu’on y plonge : la
variabilité du sentiment amoureux, sa
fragilité, voire l’artifice qui peut le faire
naître, font penser à Marivaux, tandis que
la rapidité et l’incisivité des dialogues
comiques les font résonner comme du
Molière, et que les sentiments familiaux
s’attendrissent comme dans une comédie
bourgeoise. Cette pièce, qui frôle aussi les
affres des grandes tragédies shakespeariennes sans y tomber, brosse au passage
Prendre
la langue
au sérieux
© Antonia Bozzi
de très beaux portraits de femmes libres,
et tout un dégradé de personnages
masculins, du traitre au clown en passant
par le puissant… Tous sont magnifiquement
rendus par une troupe de comédiens qui
travaille ensemble depuis plusieurs années,
qui excelle et virevolte sans cabotiner,
chante juste, n’a pas peur de s’enlaidir ou
de s’effacer, joue les nuances et les revirements psychologiques (incessants !) sans
caricature, et les enthousiasmes sans
fausse retenue. Les deux heures passent
comme un charme, et l’on se dit qu’avec
des moyens, du talent et l’esprit de troupe
le «théâtre de texte», de répertoire même,
n’a vraiment rien de démodé !
AGNÈS FRESCHEL
Beaucoup de bruit pour rien a été joué
à la Criée, Marseille, du 15 au 18 mai
Brigand et amoureux
Laurent Pelly s’attaque au Théâtre en
liberté de Hugo pour la deuxième fois. Ce
recueil dramatique écrit pendant l’exil,
sans souci d’une représentation immédiate et dans une liberté formelle qui ne
s’interdit rien, ni enflure ni grotesque et
surtout pas les litanies et les figures de
style tapageuses, regorge de petites merveilles. Laurent Pelly l’avait prouvé avec
Mille francs de récompense, il réitère avec
ce Mangeront-ils ?, comédie en Grands
Alexandrins, en tirades à rallonges interminables, en brisures de tons permanentes…
et ancrée dans un espace dramatique
impossible à figurer : forêt, monastère,
rivage à quelques mètres, gibet, horizon
et couchant… tout cela doit composer la
scène ! Laurent Pelly s’en sort avec une
scénographie habile et belle, enchevêtrée
mais permettant des espaces inattendus.
Il s’en sort surtout par l’intense travail sur
les vers : certes la double scène d’exposition peine à accrocher l’attention, les
tirades interminables étant parfois maladroitement balancées par le Roi de Man
(Georges Bogot) qui gueule trop et agite
ses bras pour incarner le despote. Mais
c’est un enchantement dès que l’action
D’origine bulgare, Galin Stoev attache une
importance particulière aux mots de Marivaux,
à cette langue XVIIIe délicieusement subtile. De
fait, la mise en scène qu’il propose du Jeu de
l’amour et du hasard permet de savourer un
texte dont le raffinement et l’intelligence sont
toujours délectables. Elle donne aussi habilement à voir les montagnes russes émotionnelles
auxquelles les personnages sont soumis. Dans
un décor pastel de papier peint fleuri, tout en
claustras, paravents et mousselines translucides, figure du labyrinthe des sentiments et des
détours de la parole (dont le metteur en scène
n’a pas tiré tout le parti), les figurines de ce
théâtre de la cruauté se croisent selon un jeu
de niveaux et d’estrades, d’allées et venues
fiévreuses. La scène devient lieu de passage,
espace transitoire où s’opère le changement
d’identité qui va permettre aux deux jeunes
premiers, Silvia et Dorante, de se découvrir. Et
où éclot, pour le couple de valets qui a temporairement pris leur place, une aire de liberté
appréciable quoiqu’éphémère. La pétillante
Lisette et le frimeur Arlequin ne manquent pas
d’en profiter. Et d’en faire profiter le public.
Suliane Brahim, avec ses allures de Bécassine, ses déhanchés clownesques et sa gestuelle
de marionnette, offre des moments de franche
hilarité. Quant à Noam Morgensztern, il compose un amusant «soldat d’antichambre». Mais
si on peut adhérer au parti pris d’une Silvia
(Léonie Simaga) franchement SM, avec bottes
compensées et décolleté plongeant –après tout
Marivaux n’est-il pas proche de Sade ?-, on se
lasse en revanche très vite des débordements
hystériques de Dorante (Alexandre Pavloff). Il
manque à son Jeu juste le jeu nécessaire pour
qu’on s’y adonne…
FRED ROBERT
© pologarat-odessa
commence, que la forêt s’anime, qu’on
entend le chant des amoureux, et surtout
l’incroyable brigand d’honneur incarné par
Philippe Bérodot : rarement les alexandrins hugoliens, monstres difformes adorant
l’incongru, auront été incarnés avec autant de distance, d’ironie et de plasticité.
Il s’amuse de leurs embûches et fait sonner leurs images, et tous suivent, les
amoureux, le connétable, entrainés par le
flot shakespearien des sorcières, et rabelaisien des estomacs ! Au passage bien
sûr une attaque en règle du pouvoir, une
déclaration agnostique plus étonnante, et
l’éternelle tendresse hugolienne pour les
amoureux et les voleurs…
A.F.
Mangeront-ils ? s’est joué à la Criée,
Marseille, du 12 au 15 juin
Le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux
a été représenté à la Criée, Marseille,
du 29 mai au 1er juin
© Brigitte Enguerand
Divine party, Enfer
© Patrice Giunta
18
T
H
É
Â
T
R
E
Fantasia
On se souvient du fameux film à facettes de Walt Disney ; hé bien les Informelles 2013 ne sont pas loin
de lui ressembler : expérimentation, rythme endiablé
et apprentis sorciers ; danse des heures, sacre du printemps et autres menus rituels de théâtre ont rempli
l’espace des deux semaines et demi de présentation.
Il a fallu suivre les artistes, de chantier en chantier, du
centre-ville jusqu’à la Gare Franche, entre Bricarde et
voie ferrée.
Placée de force sous le signe de la crise, l’édition 2013
a eu la grâce d’offrir, à travers de petites pièces reflétant le travail d’une quinzaine de jours en moyenne,
de quoi nourrir la curiosité la plus exigeante avec coups
de cœur et déceptions en prime ! Évacuons prestissimo la beauté infernale de Divine Party, intrus de 4h20
conçu par Alexis Forestier, chef-d’œuvre hors norme
brassant les trois territoires de La Divine Comédie de
Dante et des fragments de Kafka, langues en écho, italien et allemand se mêlant à la musique omniprésente,
griffant l’espace sonore comme les jets de peinture la
transparence des écrans ; les quatre acteurs tous à la
démesure du projet s’affairent au gré des tableaux en
combinaisons de travail, blouses ou cirés, comme sur
une plate forme pétrolière cernée par la tempête ; bonnets, casquettes plates ou lunettes de soudeur assurent
la valse des couvre-chefs ; les râteaux à dénicher les
coques côtoient les cercles des sphères célestes et
les lumières stridentes un sfumato bien florentin !
Formidable plongée dans un spectacle total qui, en
ouverture, a plutôt aiguisé la perception d’autres
propositions plus modestes. Du collectif inventif, le
Groupenfonction en a fourni dans ses deux performances festives : chanson -pop en plein air, en playback
et en réunion (une trentaine de micros sur pied pour
une trentaine de vous et moi qui s’exp(l)osent à travers
Björk ou Eminem dans une débauche d’émotions)– et
techno propice à la transe et à l’épuisement dans une
mini Love parade non moins expressionniste dans la
pulsation d’une belle de rage de vivre ! L’équipe toulousaine de De Quark associée au romancier Alban
Lefranc dans son exploration tous azimuts du foisonnant 2666 de Roberto Bolano réussit par la
parodie, l’improvisation et un sens aigu du loufoque, à
transmettre un malaise identificatoire efficace en
recyclant de vieilles ficelles de la représentation.
Rafraîchissant, le quatuor augmenté de passants,
traversé de scooters, que Geneviève Sorin a posé sur la place des
Halles Delacroix, caracole, s’ébroue,
fait plateau et maison de poupée
d’une table en formica. Si Garçon
s’il vous plaît ne réussit pas toujours à interpeller les indifférents,
son élégant minimalisme se nourrit
malicieusement du bruissement
alentour et le violoncelle de Bastien Bonide la perceuse des ouvriers
zingueurs. Et puis des duos pour le
meilleur et pour le pire : le Res Privata de Raphaëlle Blancherie et
Karine Jurquet pèche par excès
de tout, y compris d’intelligence ;
nourri de questionnaires remplis
par les spectateurs, trop plein à
dire et à faire, trop long dans sa
quête -de quoi ? Erratique et
narcissique même dans le film
(trop beau) qui redouble tous ces
défauts... Aurélie Leroux, metteur
en scène et Florence Pazzottu,
poète-vidéaste, toutes deux ici
actrices très féminines (?) dans la
lumière de Marie-Christine Soma
(s’)interrogent en hommes (sur) le
désir. Le texte Les Heures blanches
occupe la place, y compris sous
forme de feuille à plier, à froisser
ou à glisser dans le corsage. La
scénographie encore fragile joue
de la connivence entre les interprètes et doit beaucoup à l’image
de paysage vu d’un train qui défile
sur l’écran ; une première étape
qui doit conduire quelque part. Que
dire enfin d’Autopsie, pièce courte
et achevée de Geoffrey Coppini ? Un joli point final plein d’humour
et de déraison, porté par une actrice (Irina Solano) en apesanteur,
feuilletée par tous les rôles de son
rôle de comédienne, coiffée - recoiffée et reprenant sa respiration
en Hedda Gabler ! ! ! Jubilatoire et
opportun !
MARIEJO DHO
Les Informelles 2013,
initiées par le Théâtre
des Bernardines, Marseille,
sous la direction artistique
de Thomas Fourneau,
ont eu lieu du 22 mai au 8 juin
Chaque fois que l’on s’apprête à retrouver Winnie, on est dans une
attente inconsidérée : va-t-elle nous surprendre encore ? Que vat-elle nous dire que l’on n’a pas déjà entendu ? On sait déjà tout de
son ombrelle, de son revolver, de sa toque vissée sur ses cheveux
blonds, de son sac démesuré… On l’a vue au sommet de sa montagnette, attendant presque sereine son engloutissement : Madeleine
Renaud, figure emblématique de Oh les beaux jours, Natasha Parry
saisie par la prose de Beckett grâce à Peter Brook. Comment Marion Coutris trouvera-t-elle sa place dans l’épaisseur de ce texte
contraignant, millimétré comme une partition musicale ? En jouant
à l’unisson sa petite musique intérieure et celle de Beckett, dans
une mise en scène épurée de Serge Noyelle qui laisse le chant libre
à la parole, dans ses plus infimes détails. Sonnerie, deuxième sonnerie, un ciel rouge écarlate enveloppe sa frêle silhouette qui domine les
spectateurs allongés dans des transats. Juste à la bonne hauteur.
Avec la même légèreté que Winnie attend sa disparition, la comédienne
fluctue sa voix, éthérée, rauque, sensuelle, perchée, déclame le
(faux) monologue lentement, étirant les mots et habitant les silences, donnant parfois un judicieux coup d’accélérateur ou modulant
son tempo pour mieux pénétrer les interstices du texte. Le temps
d’une journée à ne faire presque rien, sauf l’aimé Willy qui circule à
quatre pattes entre des caisses de bois recouvertes de draps blancs
(excellent Noël Vergès), elle rit maladroitement, suffoque, passe en
une fraction de seconde de la gravité à l’excitation de petite fille, de
la folie à l’extase amoureuse. D’une gestuelle nuancée, Marion
Coutris aura su offrir une palette d’émotions entre l’optimiste «Oh
le beau jour encore que ça va être» et le triste «Oh le beau jour encore
que ça aura été». Sonnerie, ciel rougi, Willy se relève : il a les oreilles
écarlates.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Oh les beaux jours a été joué du 16 mai au 8 juin
au Théâtre Nono, Campagne Pastré, Marseille
À venir
En attendant Godot
du 7 au 30 novembre
Théâtre Nono, Marseille
04 91 75 64 59
www.theatre-nono.com
Marion Coutris © Cordula Treml
Tantôt lune,
tantôt l’autre
© Raphael Arnaud
Ce qui rend
humain
T
H
É
Â
T
R
E
Ceux qui aiment
Il est rare que l’on offre aux amateurs,
épris de théâtre, un tel outil de création :
du temps passé avec des professionnels,
Jean-Pierre Vincent en metteur en scène,
des assistantes, des costumes et un décor, un accueil et une communication de
pros, et le plateau du Gymnase, pour
quatre représentations. Il est certain que
l’aventure de ces Suppliantes restera gravée pour toujours dans la mémoire de ces
quarante Marseillais et que l’on peut juger
ce spectacle à l’aune des productions
professionnelles ! Bien sûr certains des
comédiens parlent faux, n’ont pas les
physiques ou les voix des rôles, mais quel
travail ! Comme ils ont appris à se déplacer ensemble, à se partager le texte, à
s’écouter ! Et quel plaisir, quelle émotion
de les voir donner ainsi, gratuitement, tant
de leur temps, de leur être… Le texte d’Eschyle est pourtant obscur et difficile et, s’il
parle d’exil, de violence faite aux femmes
et de droit d’asile, thèmes sensibles aujourd’hui, il reste dans cette traduction
difficile à comprendre, inapte à captiver,
et presque impossible à dire. Ce qui
n’empêche pas Jean-Pierre Vincent de
confier les tirades les plus ardues aux
moins expérimentés de ces amateurs.
Pari osé, frustrant sans doute pour ceux
qui ont plus fréquemment arpenté les
scènes, mais qui laisse apparaître le
fondement même du projet : cette fragilité, ces maladresses sont justement ce qui
touche chez ces acteurs réunis, parce que
l’humain est véritablement en jeu, visible
par tous dans ce don désintéressé, ce pari
risqué qu’il prend à apparaître. Cette
humanité d’un peuple avide de théâtre,
simplement.
AGNÈS FRESCHEL
Les suppliantes a été joué du 10 au 13 juin
au Gymnase, Marseille
Kosice, la Reine de beauté
Élue elle aussi Capitale européenne de la
culture 2013, Kosice est la deuxième plus
grande ville de la Slovaquie et compte parmi les six localités classées à l’UNESCO.
Elle possède et cultive une richesse culturelle importante animée par son Musée
technique national, le Musée de la Slovaquie orientale, et le théâtre National de
Kosice qui est venu pour cette représentation unique à l’occasion de la semaine
slovaque organisée par le Toursky.
Récompensée aux Tony Awards en 1998
et triomphant à Broadway, La Reine de
beauté de Leenane est une œuvre puissante du dramaturge irlandais Martin
MacDonagh, aux dialogues percutants,
à l’humour noir subtilement dosé.
Dans un petit village pauvre et isolé d’Irlande, deux femmes vivent dans une
maisonnette délabrée. Sous des faux airs
de vieille femme fragile et maladroite, la
mère despotique asservit sa fille, Maureen, à des taches domestiques qu’elle ne
peut ou veut plus faire, et repousse
habilement depuis des années tous ses
prétendants. Mais, un jour, le retour de
Pato, un ami d’enfance exilé, redonne à
Maureen l’espoir, un peu fou, de se marier. Les échanges mère-fille deviennent
alors plus violents, et leur affrontement
physique. L’obsessive manipulation de
cette mère abusive et la passion folle que
porte Maureen à Pato, emportent les deux
femmes dans la démence. Mais l’égoïsme, la passion, la haine restent comme à
la portée du spectateur : la justesse de
l’émotion s’impose grâce à la mise en
scène réaliste Michal Vajdicka, ainsi que
le jeu des acteurs slovaques qui font oublier la barrière de la langue, pour laisser
place à l’universalité des sentiments.
ANNE-LYSE RENAUT
La reine de beauté de Leenane a été jouée
le 17 mai au Toursky, Marseille
A.F.
L’enfant Sauvage a été créé au Jeu de paume, Aix,
du 14 au 16 mai. Le texte de Bruno Castan est édité
aux Editions théâtrales (2006)
© Karine Barbier
20
Quelle drôle d’idée que d’adapter L’enfant sauvage au théâtre ! L’histoire de Victor de l’Aveyron
a inspiré un tel chef-d’œuvre à François Truffaut,
après l’essai de référence de Lucien Malson,
qu’on se demande à priori ce que Bruno Castan veut en dire… Puis on comprend : c’est aux
enfants qu’il parle, de leur humanité, de leur
rapport aux adultes, à l’éducation, à l’affection,
à la connaissance. Son docteur Villeneuve qui
remplace le docteur réel (Icard, sur le journal
duquel est fondé le film) est plus humain, moins
clinique, mais maladroit avec les relations humaines, alors que la gouvernante sait dispenser
son affection et faire progresser l’enfant. La
mise en scène de Marie Provence met en évidence cette relation de couple, père et mère de
substitution, et Victor, muet, agile, ravit les yeux,
fait sourire, emporte l’adhésion du public enfantin, qui ressent avec lui la difficulté de devenir
humain. Flavio Franciulli, excellent acrobate
aérien, donne à l’enfant un corps inadapté au
monde humain mais très habile ! et dont l’évolution
est visible. Mais la relation entre la gouvernante
et le docteur, ambigüe, faite d’habitudes, d’agacements, de promesses non tenues et d’un peu
de désir, n’est pas toujours bien dessinée par
les deux comédiens, qui manquent de naturel,
comme si la rigidité des personnages contaminait trop leur jeu. Il reste que le spectacle met à
portée des enfants la nécessité d’apprendre, et
d’être aimé, pour devenir humain. Tout en les
faisant rire, et en les émouvant : le sort tragique
de Victor, à la fin, n’est pas escamoté…
Émergence
et distance
22
T
H
É
Â
T
R
E
En trois ans, le Festival Émergence(s) s’est imposé dans le paysage
culturel avignonnais. À la mi-mai,
alors que la plupart des théâtres
ont bouclé leur saison, Surikat
Production offre à la jeune création artistique un rendez-vous
privilégié avec un public renouvelé
dans 10 lieux du territoire. Dix jours
de programmation pluridisciplinaire d’artistes émergents (locaux
à 60 %), où la littérature trouve aussi
sa place avec la revue de création
littéraire & curiosités graphiques Le
Chant du Monstre, montée par
trois complices féminines et parue
aux éditions Intervalles. Du bel
ouvrage, bâti sur le principe de
l’hybridation, qui relie auteurs contemporains et arts plastiques dans
un espace nourri d’imaginaires.
Ces jeunes artistes, tous rémunérés cette année, bénéficient d’une
équipe de passionnés et de l’aura
des premières fois. Et il en faut
pour émerger ! Dans l’avenir, l’association, stimulée, mettra en
place une plateforme d’accompagnement et de mutualisation des
artistes émergents après une
récente aide de l’Union européenne, et tentera de d’initier des
évènements réguliers. Stimulant.
Pour cette 3e édition, 1800 spectateurs ont suivi les propositions
reliant questions sociétales, mémoire et vivre-ensemble. Dans Tout
ce dont nous avons besoin, les
Corps de Passage dissèquent «la
victoire écrasante du parti du sou-
© Vincent Marin
rire» après une élection-mascarade. La compagnie organise autour
de la «patrie mère nourricière» un
défilé pour abattre un système
dictatorial duquel le «peuple» cherchera à s’affranchir. Si la résistance
de ces hommes déshumanisés par
une société factice finit par craqueler, le souffle du désir reprenant
le pas sur le contrôle des pulsions,
le changement «c’est pas tout à fait
pour maintenant» et l’émancipation se fait attendre pour le
spectateur, impatient de voir
aboutir le dérèglement annoncé.
La Cie Strophe a plongé tête la
première dans l’Amour de Phèdre.
Monter du Sarah Kane reste un
choix audacieux et la prise de
distance avec l’obsession de mort
Havin’Fun aborde la Shoah frontalement, toute souffrance et
égratignures dehors. Les trois
breakers dansent sans filet, brutaux et impulsifs, vers la douleur. Si
la littérature semble pouvoir «sauver»
ces oubliés -pertinente séquence
des livres qui bâtissent des remparts à la mémoire-, les corps en
présence, martyrs et meurtris,
mériteraient là encore de prendre
quelque distance.
et de perversion de l’auteure
s’avère périlleuse. Le jeune homme blasé qui nous accueille, en se
masturbant (signe largement exploité et rapidement convenu), est
aimé jusqu’à la brûlure par sa bellemère. Il meurt d’ennui, elle l’adore
de sa folie. Hippolyte, prince décadent et «obèse qui baise», perdu
dans une famille incestueuse et
dans la société moderne, accusé
de viol par Phèdre (pour le sauver ?) n’arrivera pas à se confesser
devant le prêtre, également perverti.
L’amour et le sexe ne le ramèneront pas à la vie. Qu’apporte ici
l’adaptation ? Une perplexité devant
la lourdeur des actes simulés...
Dans les Voix sourdes, première
création à peine finalisée, la Cie
DELPHINE MICHELANGELI
Émergence(s) a eu lieu à Avignon
du 10 au 20 mai
L’amour plus fort que la farce ?
élégance masquée plutôt rare pour
le Kronope, habitué à en mettre
plein la vue-, autour de la figure
démultipliée du triangle amoureux
et de l’adultère à moult rebondissements. Ça rentre, ça sort, se
cache et se démasque, se moque,
hystérise, force le trait et jubile,
© Philippe Hanula
Disons-le tout de suite, ce Dindon
de Feydeau va comme un gant à
la troupe du Kronope. Tous les ingrédients sont réunis pour que
l’équipée sauvage, emportée par
Guy Simon au mieux de sa forme,
s’engouffre avec l’énergie qui la
caractérise dans les rebondissements foisonnants du vaudeville.
D’intrigues en aveux, de mensonges en quiproquos, la vingtaine de
personnages joués par cinq comédiens tonitruants -particulièrement
Anaïs Richetta qui prouve ici sa
totale démesure et une vraie générosité pour la transformation et
l’outrance en incarnant 5 rôles, à
l’instar de ses partenaires d’une
accélère, ralentit, claque les portes
et se cogne au mur : l’esprit de
troupe magnifié ! Et cerise sur la
farce, des boites modulables en
véritables magiciennes, chorégraphiées au millimètre, démultiplient
à l’envi les univers chers au
Kronope : miroirs déformants de la
société et confusion des sentiments à l’appui du flagrant délit.
DE.M.
Le Dindon s’est joué les 24 et 25 mai
à la Fabrik Théâtre, Avignon
(reprise au Festival Off du 6 au 28
juillet au théâtre de l’Oulle)
Ni dieu ni maître
© Christophe Raynaud De Lage
Dans La Maison d’os, adaptée de la pièce
savoureusement absurde de Roland Dubillard, où le langage s’amuse à tenter
d’expliquer l’inexplicable, Anne-Laure Liégeois nous plonge concrètement dans la
poussière de la fin de vie. Le Maître, Pierre Richard tout en sobriété face à ses
partenaires de scène formidables, regarde
son monde s’effondrer à l’approche de la
mort et s’interroge, en voix off, sur son
intérieur : cette maison d’os à double
entrée, corps et bâti, qui se plaint et crève
de peur en vivant ses derniers soubresauts.
L’homme entouré de quatre serviteurs
insomniaques, est enfermé dans sa tour
de solitude, perdu dans les couloirs labyrinthiques de sa maison-château décrépie,
où des fantômes surgissent encore, entre
animaux empaillés et fuites d’eau, pour
finir la fête. Un Roi dépendant qui congédie un par un ses valets comme ultime
domination, avant de laisser fuir son corps
finissant, souffrant encore l’absence de
sa mère et butant en dernière résistance
sur le Notre Père. Que lui reste-t-il à son
âge ? Crever ? Pas si facile… Une pièce
noire et intense, à multiple tiroirs, rythmée
par une mise en scène et une interprétation solides. DE.M.
La Maison d’os a été jouée les 14 et 15 mai
au théâtre de Cavaillon
Ils ont pris le melon !
Après avoir couché
Marseille sur le divan,
et avant le Grand Paris,
l’Agence Nationale
de Psychanalyse
Urbaine s’est penchée sur le Vaucluse.
Six villages psychanalysés par une équipe
de doux dingues,
© Charles Altorffer
chacun étant le jouet
de leurs diagnostics farfelus, et de leur écoute scrupuleuse, accueillant habitants et
spécialistes du territoire, souvent au café du coin, à la recherche des paradoxes et
névroses originelles. La conférence commence par un questionnaire chinois, où l’on
apprend que s’il était un légume Le Thor serait un navet, qu’il a l’âge d’un ado «qui fait
des grasses mat’, plein de potentiel», et qu’il est hypocondriaque «car il se croit malade
alors que tout va bien». Le psy (Laurent Petit spécialisé dans les spectacles para-scientifiques) propose des solutions thérapeutiques nébuleuses, avouant d’emblée «encore
chercher à cerner le territoire du Vaucluse», notamment les contours de l’intercommunalité dont un schéma projeté appuie l’absurdité. «L’expert» revient sur la généalogie
du département, mêlant à l’histoire -l’appel à la main d’œuvre étrangère, l’effondrement
de la production maraîchère, la dérivation du canal de Durance- des approximations et
des lapsus hilarants. Bien sûr sa stratégie urbaine est improbable, son projet pilote
immobilier immonde, sa proposition de réseau THC (transport hors du commun) en
forme de melon moqueuse. Mais le public, pris entre fiction et réel, rit des propositions
«mal expliquées partant d’une très bonne idée» jusqu’à «créer une communauté de
commune entre les deux villes maudites de la région, Marseille et Cavaillon». Subversif,
poétique et fédérateur !
DE.M.
Vaucluse sur le divan a eu lieu du 10 au 15 juin en Nomade(s)
avec la Scène nationale de Cavaillon
La danse
des mots
de Rebotier
24
T
H
É
Â
T
R
E
Quand Jacques Rebotier se balade dans la
langue française, c’est à la manière d’un chasseur de papillons : il attrape dans son filet toutes
sortes d’histoires et volète autour des mots avec
frénésie. Son amour des métaphores percutantes, des rebondissements, des raccourcis
imagés, des paroles pensées tout bas et déclamées très haut, donne un éclat singulier à
son spectacle Les trois Parques m’attendent
dans le parking. Un «oratorio du quotidien» chanté par trois comédiennes sémillantes qui nagent
comme un poisson dans l’eau dans une partition sans queue ni tête écrite sur du papier
millimétré. Caroline Espargilière, Nicole Genovese et Vimala Pons servent avec une précision
horlogère les mots qui se chevauchent, s’emballent ou freinent des deux fers : elles sont «trois
Parques, trois Grâces, des Moïres, des Furies,
des Fata du destin» qui jettent des sorts en l’air,
croquent dans la pomme à pleines dents, se
gaussent sans raison de tout et de rien juchées
© Victor Tonelli
sur des patins à roulettes… comme si leur débit
de paroles dépendait de leur vitesse de déplacement ! Elles manient la langue (de bois) et les
expressions (fleuries) avec la même dextérité
que le chariot aux roues fluorescentes qu’elles
tirent derrière elles, accessoirement tabouret et
malle aux trésors. Dans un plateau brut, avec
quelques images vidéo projetées sur un écran
invisible, la langue de Rebotier joue à saute-
En 1994, pour ceux qui peuvent s’en
souvenir, paraissait chez Gallimard Le
premier Homme d’Albert Camus. Évènement, on se l’arrachait, bouleversés
par cette voix qui, sans les apprêts de
l’œuvre achevée, nous parlait encore. La
Compagnie Alzhar, en coproduction
avec Marseille Provence 2013, reprend
ce texte, avec bonheur. Un parcours de
quatre années a conduit les comédiens à
travailler avec des troupes de différents
pays méditerranéens, Italie, Espagne, Tunisie, Algérie, mais aussi avec des participants
issus de milieux variés, prisons, écoles,
centres sociaux, maisons de retraite, foyers d’accueil, hôpital
psychiatrique… La lecture du livre apocryphe devient lieu de
partage, d’échange. Camus est ici le ciment qui unit les gens,
les générations : sa lecture interroge chacun, renvoie à chaque
mémoire particulière. Jeanne Poitevin met en scène avec une
belle humanité acteurs et amateurs qui se racontent, évoquent
leurs racines, prennent le public à témoin. On s’interroge, la
revendication des racines nous enferme-t-elle ? ou le fait de
savoir d’où l’on vient permet-il une plus grande ouverture au
monde ? Les spectateurs entrent en cette parole libératoire,
s’ouvrent aux autres en un double et indissociable mouvement.
Peu importent les défauts de rythme, de diction, de raccords,
l’enthousiasme et la sincérité emportent tout ! et l’on se
souvient que sur la stèle de Camus à Tipasa, est gravé cet
extrait des Noces : «Je comprends ici ce qu’on appelle gloire : le
droit d’aimer sans mesure».
MARYVONNE COLOMBANI
Nord et Sud dans nos histoires le 24 mai théâtre du Golfe, La Ciotat
in Tavaron
© Benjam
Éveilleurs
moutons entre le triple A, la mondialisation, la
finance pervertie, la littérature ou l’Europe osant
«Tenez vos enfants domestiques et vos animaux
en laisse» ou «N’hésitez pas à peloter les coureurs du peloton». On n’y résiste pas !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Les trois Parques m’attendent dans le parking a été
donné les 30 et 31 mai au Théâtre Liberté, Toulon
Pagnol en plein air
Dans le coin champêtre et enchanteur du Domaine de Lavalduc, à
l’heure où le soleil se couche, un
décor, sommaire, fait face à des
gradins en bois, posés en demicercle. C’est là que la flamande
Comp.Marius a posé son décor,
pour jouer le quatrième et dernier
volet du cycle Pagnol débuté en
1999 avec Marius. Le Schpountz
fait donc suite à la célèbre trilogie
(Marius d’une part, puis Fanny et
César en une pièce), à Regain et
Manon et Jean de Florette. Toujours
jouées en extérieur, dans un décor
naturel que n’aurait pas désavoué
le grand Marcel, les pièces de la
compagnie ont toutes une saveur
particulière, celle d’une relecture et
d’une adaptation libre qui permet
un regard neuf, posé sur une œuvre particulièrement connue dans
nos contrées. Moins «marquée»
que les précédentes, Le Schpountz
permet néanmoins à la compagnie
de «finir avec une pièce qui évoque
le jeu, qui met un acteur en valeur,
avec tous ses désirs et ses gênes».
De fait, Irénée est de ceux-là, heureux naïf qui se rêve en acteur de
cinéma et non pas en petit épicier
comme son oncle qui l’élève, sûr
d’avoir un don naturel à mettre en
pratique. La grosse tête il va la prendre, lorsque les membres d’une
équipe de tournage, cruels et cyniques, vont lui faire signer un
contrat mirobolant… Le Schpountz
prend vie, gentil «fada» qui va finir
par se rendre compte qu’on le
balade… Les cinq comédiens se
partagent tous les rôles, dans une
mise en scène sobre et un jeu
généreux qui révèlent la beauté du
texte. Et fait sa fête au théâtre
populaire !
DO.M.
© Do.M
Le Schpountz a été joué
au Domaine de Lavalduc,
Istres, du 6 au 9 juin
La violence faite femmes
26
D
A
N
S
E
Après ses Nuits Angelin Preljocaj revenait au
GTP pour un programme où le propos, encore,
tournait autour du corps des femmes. Avec un
quatuor d’abord : Royaume Uni, créé à Suresnes
avec quatre «guerrières» du hip hop, était ici
porté avec la même force râblée, et plus de
précision, par quatre magnifiques danseuses du
Ballet : sur des cadres de fauteuils elles enchainent des phrases rapides, au bout des articulations.
Du hip hop elles ne gardent que l’énergie bravache, une fierté de corps triomphants, reines
unies d’un espace où elles n’ont pas besoin de
repos, où l’assise rembourrée des fauteuils est
devenue inutile, car toute la force repose dans leurs
muscles affirmés et leurs jambes d’athlètes…
Puis le Sacre du Printemps, sans doute mieux
dansé que jamais, ce qui n’est pas peu dire. Les
danseuses dès l’entrée enlèvent leur culotte,
ondulent d’attente, excitent et provoquent. Mais
dès que les hommes les empoignent le sexe
désiré devient violence, elles échappent à l’emprise et combattent, cèdent et reviennent,
cherchant le sexe et ne trouvant que la soumission.
Les hommes les poursuivent, les immobilisent,
les recouvrent, et les images de viol, crues, se
succèdent, sans érotisme, sans plaisir, la musi-
Le Sacre... © Jean-Claude Carbonne
que de Stravinsky scandant l’espace comme un
battoir qui transforme tout en combat. On ne
sait comment à la fin l’Élue, nue, butant sur le
groupe soudé enfin autour de son supplice,
trouve la force de se relever et d’exécuter encore un solo où elle se frappe le ventre comme
pour affirmer que rien ne peut la détruire, hors
elle-même. Et le voyeurisme de tous, danseurs
et publics l’enclosant dans un cercle où le
Printemps accomplit son sacrifice…
AGNÈS FRESCHEL
Royaume Uni et le Sacre du printemps
ont été dansés au GTP, Aix, du 23 au 25 mai
Entre l’or et l’ombre
À peine Israel Galván apparaît-il sur le plateau -même
de dos !- qu’il galvanise les
aficionados de l’art flamenco
pur et de la danse contemporaine. Son inventivité est
là, puisée dans les stricts
codes traditionnels mais
tendue vers l’épure et
l’expression de son état
intérieur sur scène : pièce
après pièce, il peaufine sa
gestuelle arc-boutée à l’extrême, perfectionne le
mariage de la voix, de la
danse et de l’instrument
pour écrire une partition
exaltée. Quasi fiévreuse !
Tout entre en jeu dans sa danse si fière, si instinctuelle : les
paumes des mains frappant le torse, les cuisses, le cœur, les talons ; les
mouvements rythmés en sessions coupées net ; le dialogue endiablé avec
le piano (Sylvie Courvoisier), le chant rauque de Inés Bacán et les compás
de Bobote, son «fidèle écuyer du rythme». Dans La Curva, née de sa
«familiarité avec le silence», Israel Galván pousse l’exercice de recherche
de la courbe jusqu’à son paroxysme quand il foule l’arène à corps tendu,
rageur dans son zapateado (claquement des pieds pointe-talon), quand il
entre au combat tel un joueur d’épée, le geste sûr, millimétré… Avec
l’énergie d’un diable qui sort de sa boite, il renverse les totems de chaises,
danse sur la table, s’ébroue dans la poudre de marbre répandue au sol.
Autant de falsetas (phrases) aériennes et puissantes entrecoupées
d’instants de solitude silencieuse, en fond de scène, le temps de se
concentrer sur le piano ou le chant profond des origines.
Il y a le silence, des corps qui créent leur propre musique reprenant
inlassables des gestes phares, des gestes signes, qui, ressassés, perdent leur signification pour entrer dans un énigmatique
tournoiement. Révolution, questionnements nouveaux posés
de l’autre côté de la Méditerranée lors d’un printemps célèbre,
et qui nous touchent tous. Les quatre danseurs de la Compagnie Anania (première compagnie de danse contemporaine
fondée au Maroc) jouent avec humour et gravité des codes. De
l’homme écrasé, qui baise des mains invisibles, on passe à des
corps libérés, à l’explosion d’une bulle dont l’or s’échappe. Les
êtres s’y plongent, une étrange statuaire se met alors en place,
avec des personnages partiellement dorés. Entre l’illusion de
la nouveauté et la révolution, une Rev’illusion se dessine, portée
par le chant superbe, prenant, poignant, originel, de Taoufiq
Izeddiou. Le début de la chorégraphie, qui avait du mal à trouver son rythme, prend alors un superbe élan magique, magnifié
par de beaux clair-obscur. La danse devient le lieu privilégié de
la réponse à la censure ; la multiplicité des interprétations
permet tous les niveaux de lecture. Rév’illusion était donné en
première mondiale au Bois de l’Aune, qui a su créer des liens
forts de compagnonnage avec le jeune chorégraphe Taoufiq
Izeddiou. Le spectacle est coproduit par Marseille Provence
© Julie Verlinden
2013 et on le retrouvera
lors du Festival Août en
Danse (du 24 au 31 août).
z
© Felix Vazque
L’envol d’un aigle noir
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La Curva a été donnée les 24 et 25 mai au CNCDC Châteauvallon, Ollioules
MARYVONNE COLOMBANI
Rêv’illusion a été dansé
le 8 juin au Bois de
l’Aune, Aix
Boxe Boxe © M. Cavalca
D
A
N
S
E
Dans les cordes
Entre la boxe et la danse, la relation n’est pas évidente, même si l’on évoque toujours l’essentiel jeu de jambes et le sautillement des protagonistes.
On imagine encore moins accolée à ce monde la musique de Schubert…
c’est ce pari que tient cependant Mourad Merzouki, dans Boxe Boxe,
avec le soutien du Quatuor Debussy et sa compagnie, Käfig, conjuguant ainsi ses racines d’ancien boxeur (champion de France junior) et la
danse. Les gestes d’attaque et de défense sont réorchestrés dans une
esthétique de hip hop, alors que, sur scène, le Quatuor Varèse interprète
les mélodies romantiques. Autre manière d’appréhender les schubertiades ! Décor de fer forgé, sièges incroyables des musiciens glissant sur
le sol à damier… un monde étrange se dessine, digne de Lewis Caroll.
Sur cet échiquier les cordes du ring apparaissent, se distendent, s’effacent. Les gants rouges des boxeurs improvisent une danse serpentine. Art
de combat, art d’union, douceur, mélancolie, explosions débridées, tout
s’enchâsse entre poésie et humour. Un personnage déboule, sorti tout
droit d’un film de Tim Burton avec ses jambes maigres et son corps énorme, joue le rôle du cicérone, entraîneur, meneur de jeu, arbitre souvent
contesté. Jouant sur les mots, les cordes du ring sont remplacées par
celles des instrumentistes qui orientent l’espace et accordent un contrepoint rêveur ou rythmé, les instruments à corde devenant percussifs. La
boxe, la danse, une histoire de rythme !
MARYVONNE COLOMBANI
Boxe Boxe a été dansé le 25 mai à La Croisée des Arts, Saint-Maximin
À venir
Récital
le 5 juillet
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
© Agnes Mellon
28
Plaisir
et douleur
Au Ballet National de Marseille les ouvertures
permettent à la fois de voir ou revoir des pièces
créées pour les danseurs, et de découvrir le
travail des chorégraphes en résidence. La 22e
ouverture confrontait deux pièces que tout
oppose ! Le ballet reprenait Double points :
Extremalism, pièce d’Emio Greco & Peter
C.Scholten créée en 2012 à l’opéra de Marseille. Plus synchrone, elle souffrait pourtant des
mêmes défauts : un certain fouillis, inhabituel
chez les deux chorégraphes, qui porte atteinte
à leur style musclé et rentre-dedans qui ici
s’exerce dans une révolte sans objet identifiable. Les danseurs pourtant semblent prendre
plaisir à l’amplitude, aux placements peu contraignants et à l’énergie de la danse… Avant
cela, Trikonanga, solo de la danseuse indienne
Hemabharathy Palani, proposait tout le contraire ! Si la danse contemporaine indienne sait
habituellement plonger dans des ses traditions
multiples et fertiles, elle s’affranchit rarement
avec autant de liberté de ses contraintes. La
danse d’Hemabharathy Palani est indienne,
mais va au sol, s’intériorise de butô, parle,
emprunte à tous les vocabulaires contemporains, et surtout tient un propos limpide, sur cette
tradition justement, ses gestes indiens qu’elle
abandonne pour y retourner après un voyage
intérieur, vers la douleur.
AGNÈS FRESCHEL
Ces pièces ont été dansées du 22 au 25 mai
au Ballet National de Marseille
RetrouveZnos agendas et rendez-vous ainsi que toutes les annonces du mois à venir,
sur notre site mis à jour quotidiennement
www.journalzibeline.fr
Jazz expressif
30
M
U
S
I
Q
U
E
On dit que la modernité puise ses racines dans
la tradition. Ici c’est la mémoire musicale
juive, traditionnelle et multiple, qui est
révélée et convoquée au détour de parcours
sonores très travaillés et qui pour la plupart
atteignent une sombre gravité. Tels sont les
chemins qu’emprunte le pianiste Yaron Herman
pour développer son art. Dans la formation en
quartet, on retrouve le talentueux saxophoniste Emile Parisien, qui a montré qu’il
pouvait aussi trouver ses marques de belle
manière en performant toujours de façon
acrobatique, jonglant avec les modalités. Ziv
Ravitz, à la batterie, a œuvré à une juste expressivité, installant une pulsation permettant
les pérégrinations du piano. Florent Nisse à la
contrebasse fut un relais efficace pour l’installation des climats expressifs, contribuant à
l’élaboration grandissante des élans mélodiques, du feutré au déchaînement obstiné. De
la musique de facture classique, qui rappelle le
style français début XXe siècle, et se développe
dans la mélancolie, la tristesse, jusqu’à une
musique douloureuse qui s’intensifie, échafaudant des impros, faisant voler les doigts sur le
clavier et construisant des motifs aux ornements old style façon piano stride, Be-bop ;
Yaron Herman 4tet © danwarzy
puis de la musique tendre, ou joyeuse… Yaron
Herman est un sorcier qui dirigerait un voyage
initiatique avec une parfaite maîtrise. Un
musicien exceptionnel, capable de... tout !
Ce concert a été donné
le 16 mai au Cri du Port, Marseille
DAN WARZY
Chanter la paix
C’est à un beau croisement des cultures que
nous a convié l’ensemble stéphanois Canticum
Novum, au souvenir d’un temps où l’Espagne
d’Alphonse Le Sage, au XIIIe siècle, était terre
de tolérance, où en Andalousie cohabitaient
des communautés musulmanes, juives, chrétiennes. «Paz, Salam, Shalom» fut un temps
fort de la 11e édition de L’Espagne des trois
cultures, manifestation annuelle organisée
par Horizontes del Sur.
Le 25 mai à l’Espace Julien, aux Cantigas
sacrées du Roi de Castille répondent des mélopées
séfarades ou des danses berbères provenant
du pourtour méditerranéen. Ces répertoires,
encore vivants et expressifs après 800 ans,
sont revisités par des musiciens de haut vol.
Trois voix serpentent et fusionnent, d’un registre à l’autre : le contre-ténor Emmanuel Bardon
(directeur de l’ensemble), la soprano Barbara
Kusa et la basse locale (qu’on lit aussi dans
nos colonnes) Yves Bergé. Gwénaël Bihan, aux
flûtes à bec, double la mélodie ou s’évade en
contrechant, Aroussiak Guévorguian en pince
gracieusement pour les cordes du kanun, Philippe Roche, à l’oud, majore la toile de teintes
orientales, quand Aliocha Régnard la colore à
l’aide d’une étrange vièle…
suédoise ! Ensemble, ils
© Michel Faessel
fondent un bouillon sonore universel, converti en
or par un alchimiste, Henri-Charles Gaget, maître
ès percussions virevoltant
de peaux en calebasse, coquillages et objets sonores
de tous horizons…
JACQUES FRESCHEL
slameurs et autres rappeurs d’aujourd’hui ?
Une filiation qui apparaît, en toute harmonie,
dans les morceaux sur lesquels viennent, poser
leurs mots et leur flow Impek et Packo, du
groupe de rap marseillais DGT Crew.
Le second épisode revient se centre sur Yvette
Guilbert. À tous ceux qui ont d’elle une image
surannée ou figée par les fusains de ToulouseLautrec -immortelle silhouette dégingandée
aux longs gants noirs– le spectacle feu d’artifice de Nathalie Joly apporte un démenti
formel ! Dans En v’là une drôle d’affaire (2è
épisode des Diseuses), la drôle de dame de la
Belle Epoque reprend des couleurs façon es-
Provence universelle
Si le soleil n’était malheureusement pas
présent dans le ciel, il l’était sur les scènes
du festival Le monde est chez nous. Une
manifestation qui a pour but de réunir et
présenter les différentes cultures présentes
dans la région PACA. Avec 40 spectacles
et près de 800 artistes sur scène, ce petit
tour du monde est offert dans une seule et
même ville, Aubagne. À l’abri de la pluie,
sous les jolies bâches de la scène Marcel
Pagnol, les huit musiciens de la Maresque
ont fait leur entrée sur la scène pour interpréter des morceaux de fête du croissant
occitan méditerranéen, accompagnés d’instruments typiques tels que la timbale
provençale, le fifre ou encore la musette.
Une musique pleine d’énergie que le groupe crée et revisite en ajoutant par exemple
du human beatbox. Le lendemain, les notes
aigües de la flûte traversière s’associaient
aux sonorités graves de l’accordéon pour
interpréter du choro, l’une des premières
musiques populaires du Brésil qui existe
depuis 130 ans. L’ensemble de sept musiciens est dirigé avec talent par le Duo Luzi
Debaa Madrassati anlaouiya de Kalliste © Anne-Lyse Renaut
agne-Palazon
faire © Chantal Dep
Elle en a fait des émules Yvette Guilbert, avec
son style parlé-chanté ! Dans le premier épisode des Diseuses, après avoir évoqué le parcours
de cette figure emblématique de la grande
époque du cabaret parisien, Nathalie Joly a
choisi de rendre hommage à la tradition de la
«diseuse», qui s’est répandue bien au-delà de
nos frontières. C’est sur l’air de La femme à
barbe que, affublée d’un postiche et de manière très circassienne, la fine équipe accueille
le public. Le voyage fera inévitablement plusieurs incursions en France avec, par exemple,
l’irrésistible chansonnette, Mon mari où une
épouse sans complexe prévient : «Je t’aimerai
mieux mort qu’en vie.» Puis, de Berlin cher à
Kurt Weil au Cuba des sœurs Faez, glissant au
passage un Chant des pleureuses macédo-roumain, des traditionnels grec et mexicain, la
carte blanche de Nathalie Joly s’affranchit de
la barrière linguistique mais aussi des époques. Car les diseurs d’hier ne sont-ils pas les
En v'la une drole d'af
Kabuki, émules
et vieilles dentelles
Nascimento, Claire Luzi, une française,
mandoliniste chantant d’une voix douce
et en portugais les musiques composées
par le guitariste émérite Christiano Nascimento. Dans la soirée, l’esplanade Grimaud
a accueilli le projet «Le Vaisseau voyageur»
du slameur franco-comorien Ahamada
Smis. Entre les Debaa, des chants chorégraphiés à la perfection par des femmes
mahoraises, il intègre avec passion les qasidas, des poèmes issus des confréries soufies
aux paroles légères contrairement aux
nyandous qui servaient à révéler les meilleurs orateurs parmi les guerriers, dont les
paroles sont plus violentes mais aussi
pleines d’espoir et de liberté : «Il suffira
des mots pour que les feux s’éteignent, que
les ardeurs se calment, que les armées regagnent leurs cavernes.» Il y a eu aussi les
danses et les musiques de Bali, des îles
créoles, de Chine, du Moyen-Orient…
ANNE LYSE RENAUT
Le festival Le monde est chez nous
a eu lieu les 8 et 9 juin à Aubagne
tampe japonaise grâce à la vivacité, au savoirfaire, au talent tout simplement de l’interprète
et de ses comparses. Quelle surprise d’entendre sortir de la bouche de la chanteuse (celle
qui est sur le plateau) une balade quasi médiévale ou un chant cousin du madrigal et quel
plaisir d’être bousculé dans ses certitudes : si
«la veuve rogne les gigolos» et si «les morphinées cascadent» volontiers (merci à la feuille
de salle-glossaire) c’est surtout le rythme fondu,
ancêtre du sprech-gesang, et la carrière newyorkaise de cette amie de Sigmund Freud (La
Guilbert débuta... au divan japonais!) que Nathalie Joly nous offre dans une généreuse leçon
de caf‘conç’ qui dépoussière les clichés !
THOMAS DALICANTE ET MARIE-JO DHO
Diseuses d’hier à aujourd’hui a été joué
les 28 et 29 mai,
En v’là une drôle d’affaire a été joué
du 21 au 25 mai,
au théâtre de Lenche, Marseille
31
M
U
S
I
Q
U
E
Kiosque en scène
M
U
S
I
Q
U
E
à la
le kiosque accompagné de ses précieux vinyles
avec lesquels il jongle pour mixer sur sa platine tout une palette de sons dansants, du funk
70‘s à la soul en passant par le hip hop ou
encore le rock !
ANNE-LYSE RENAUT
À venir
le 30 juin
- Atelier Sample : crée ton tube ! / Association
Mimix, jeune public à partir de 6 ans
- Bal décalé #2 / Bal Rock & Swing
- Nassim Dj / Dj Set
le 7 juillet
- Boum pour enfant, Le Petit Kiosque / Association
Mimix, jeune public
- Date with Elvis / Rock’n’Roll
- Gaïo / Folk Soul
- Del’Amott / DJ Set
Rendez-vous du Kiosque
jusqu’au 21 juillet
Kiosque à musique des Réformés, Marseille
06 84 52 99 15
www.rendezvousdukiosque.fr
Peace love and harmony
La salle Malraux de Six-Fours, dans le cadre
du Festival Couleurs Urbaines, accueillait
deux groupes de reggae exceptionnels : une
première partie assurée par Meta Dia et les
Cornerstones, très classique, dans la grande
tradition de Bob Marley : un reggae superbe,
le public danse, saute, au son de ce groupe
venu de New York qui a enregistré son dernier album avec
Sydney Mills (Steel Pulse).
Le message de paix, d’entente, est repris, en deuxième
partie, par Groundation. Si
l’on ne sentait pas les origines hip hop du leader du
premier groupe, celles jazziques du second enrichissent la base reggae,
lui accordant une coloration particulière, modale, avec de superbes solos de batterie, de
claviers ou de cuivres et la voix un peu nasillarde,
incroyable de Harrison Stafford. Improvisations
inspirés, morceaux construits au cordeau, sans
doute l’un des meilleurs groupes du moment !
Le bis unit les deux formations sur un standard
de Bob, Could you be loved ?... oh yes !
Un air de flûte sur la scène du théâtre grec de
Châteauvallon, cavea comble… puis une rupture, un rythme plus vif s’amorce, youyous,
mains qui scandent, déjà les gens descendent
au bord de la scène, dansent : Idir chante la
fête, le plaisir de recevoir des invités. Le public reprend les chants en chœur, et ceux qui
ne parlent pas Kabyle fredonnent le thème.
Chants très anciens, évocations de la vie dans
les montagnes, mélodies mélancoliques ou
rythmées avec fougue, Idir, le poète, charme,
apprivoise le monde par son
humanité vraie, «il n’y a pas
de nations, seulement des
êtres humains». Sphère émotionnelle qui s’envoie, bulle
d’amour pour ceux et celles
qui souffrent de l’autre côté
de la Méditerranée, hommage
Groundation © X-D.R
aux femmes, à sa fille, Tanina, qui chante à ses côtés. Ce miracle fraternel
se retrouve dans le public : les uns traduisent
aux autres, évoquent les réalités décrites dans
les chansons, s’y retrouvent. Beau symbole,
Tuyac n wanzul (Musiques du Sud) est interprété en Kabyle et en Français dans un
superbe duo père fille. Et l’on repart avec en
tête la célèbre et délicate berceuse A vava
inouva.
MARYVONNE COLOMBANI
Couleurs urbaines s’est tenu
du 29 mai au 15 juin dans le Var
Friche
Des stars américaines ont fait le trajet
jusqu’à Marseille grâce à This is (not)
Music. Après la soul de Cody Chesnutt,
le rap de Mos Def, ou encore les sons hip
hop du Wu-Tang Clan, le Cabaret Aléatoire peut désormais se vanter d’avoir
proposé une programmation digne des
festivals les plus populaires. À défaut de
la mixité, les organisateurs prônent la
diversité musicale et ont trouvé la réponse grâce au trio américain Liars.
Inclassables, ils ne cessent d’évoluer depuis 10 ans d’existence, du post-punk au
rock expérimental pour se rapprocher
finalement des musiques électroniques.
Un mélange insolite qui leur permet de
maîtriser et de créer toute une palette
de sonorités uniques associées à la voix
singulière, à la tessiture oscillant des
graves profonds aux aigus, d’Angus
Andrew.
Mais après 47 jours d’invasion, This is
(not) music a dû quitter la Friche. Le 8
juin, les organisateurs ont décidé d’organiser une Block party, fête de quartier sur
le modèle américain animée par un Dj.
Une soirée accessible (5€), qui laissait
carte blanche à Dj Djel, l’un des meilleurs Dj hip hop de la scène française,
ex-membre de la Fonky Family. Don
Choa est d’ailleurs aussi à l’affiche. Le
rappeur a du talent mais la fête a atteint
son zénith à l’arrivée surprise de Karim
Haddouche, alias Sat l’Artificier, et
Mohamed Ali, alias Menzo. Il ne manquait plus que Le Rat Luciano pour
reformer la Family séparée depuis 2007 !
Tout le monde apprécie d’entendre à
nouveau les titres phares du groupe
comme Art de Rue ou Mystère et suspense. Après les flow uniques des rappeurs
marseillais, Dj Djel a continué son show
hip hop pour une soirée inoubliable, en
espérant que 2013 «is (not) the end» !
Sugarcraft © X-D.R
A.-L.R.
Le concert de Liars a eu lieu le 30 mai
et la soirée de clôture Block party #2
s’est déroulée le 8 juin au Cabaret
Aléatoire, Marseille
Liars © Zen Sekizawa
32
Le Kiosque à musique des Réformés se transforme pendant les week-ends de mai à juillet
en véritable petite scène de concert. Pour sa
5e édition, ce festival gratuit propose de faire
découvrir des artistes de la scène régionale
mais aussi de prendre un verre ou même de
dîner sur place... moment convivial garanti !
Sur la place Léon Blum, on retrouve les passionnés de musique, groupes d’amis ou
familles, habitants du quartier ou passants qui
montent les marches du kiosque pour voir...
Après avoir organisé, le 19 mai, un atelier
d’initiation Dj, proposé l’électro rock du groupe Ok Bonnie ou encore les mix de Girls on
the rocks, le 2 juin, le Bureau Intermédiaire
de Production présentait Sugarcraft formé
par le duo complétement loufoque John Deneuve et Doudouboy. Sous les lumières
multicolores des projecteurs, ils ensorcelaient
leur public avec des objets insolites comme
des jouets ou instruments pour enfants. D’une
énergie débordante, les deux musiciens faisaient le spectacle avec des déguisements
improbables : une paire de collants ou encore
de la dentelle sur le visage, une robe parsemée
de fleurs, un chapeau de Napoléon à plumes
et un autre tyrolien ! Leur musique pétille et
leur son, mixant les rythmes électro-pop, punk
et techno, transporte les spectateurs dans une
atmosphère inconnue. Puis, le tour est venu
pour Nassim-Dj de faire son entrée. Fort de
ses dix années d’expérience en tant que résident sur Radio Grenouille, il est venu envahir
Folies
musicales
Virée macabre
assassins… À cette facture puissante, tragique,
s’agrègent des «sons fixés sur bande» figurant
l’onirique vent du voyage, les eaux du Gange
d’où cette Médée réinventée serait issue, le feu
du bûcher, autant d’éléments (purificateurs ?)
auxquels s’ajoute encore la terre, froide, d’où
la mère exhume ses enfants trépassé set dont
on entend les voix, fantomatiques, «horschamp»…
Pareil à l’homme mystérieux qui file l’héroïne
Semer des notes…
Quand la ligne mélodique du saxophone de Joël Versavaud s’élève,
lyrique, luxuriante, explorant enfin l’ambitus «naturel» de l’instrument,
du grave à l’aigu, on comprend mieux le sens de la «partition sonore» que
le compositeur Georges Bœuf a imaginée sur le texte de Jean Giono
L’homme qui plantait des arbres. C’est Regain qu’il chante, et son espoir
de bonheur reconquis dans les vallées alpines, après la désertification,
les saignées guerrières, son Grand troupeau macabre ! Quelle prose
pouvait mieux convenir au Festival de Chaillol qui, sous la houlette de
Michaël Dian pollinise la vallée du Champsaur de spores en forme de
notes accrochées aux reliefs du Gapençais ? Avant de prendre de l’altitude, c’est à Marseille, le 22 mai dans la Salle Musicatreize, qu’un trio
d’artistes a créé l’opus.
Au début, à l’image du pastoral, solitaire et taiseux Elzéard Bouffier, semant
obstinément ses graines, les percussions de Claudio Bettinelli, minérales, pierres résonantes ou blocs de bois soigneusement choisis dans
cette nature qu’exaltait Giono, se font minimales, pointillistes, embryonnaires d’une vaste forêt que le berger seul est capable d’imaginer… Le
narrateur, d’abord extérieur, puis complice, prend vie à la mesure d’une
diction travaillée (Bénédicte Debilly) qu’on écoute, comme la
partition, au fracas percussif de la guerre de 1914-18, si traumatisante
pour l’écrivain, aux jeux d’eau, vitale, résurgente, lorsqu’une espèce
d’harmonica de verre rustique, façon «pyrex», fusionne avec les harmoniques du sax... Magique !
J.F.
Joel Versavaud & Claudio Bettinelli © Alexandre Chevillard
dans l’histoire chantée, on emboite le pas à
cette Médée-là, au cours de son voyage, d’un
récit passionnant, dérangeant, cyclique : un
aller-retour de l’Inde à la Grèce, haletant,
sanguinaire, au rythme d’une alternance mixte
(vocale & instrumentale, électronique &
récitée) jusqu’aux portes de la folie, dans
l’intimité de sa voix intérieure, indéchiffrable,
de ses fantasmes, sa danse macabre…
JACQUES FRESCHEL
Lullaby of Marseille
Hayrabedian © X-D.R
M
U
S
I
Q
U
E
Medée Kali © Jimmy Valentin
Felix Ibarrondo et Roland
34
Le dernier événement du Festival Les Musiques
du Gmem (associé à Musiques en chantier)
proposait la création d’un «Opéra de chambre»
du compositeur Lionel Ginoux : une mystérieuse Médée Kali, imaginée d’après un livret de
Laurent Gaudé qui s’inspire et développe le
mythe de l’antique meurtrière, infanticide et
magicienne trahie par Jason.
Le 15 mai aux ABD Gaston Defferre, on suit
un monologue tragique, puissamment servi
par la soprano Bénédicte Roussenq, au fil
d’une partition tendue, éprouvante, qui se
souvient de Schoenberg (Erwartung) ou Strauss
(Elektra). Un quatuor instrumental (Joël Versavaud aux saxophones, Adeline Lecce au
violoncelle, Marion Liotard au piano et Laurent Camatte à l’alto) soutient la fureur de
l’héroïne lors d’une scène orgiaque… comme
dans l’attente statique… souligne la désolation
statuaire du tombeau, la sensualité de l’amante ou la froideur tranchante d’une scène de
crime, lorsque ses fils agonisent dans ses bras
Programmer un cycle de Berceuses, même en création
contemporaine, comporte
un risque : celui d’endormir… le public ! Disons que
Mareta, mareta, no’m faces
plorar de Daniel Tosi, conçue
sur l’idée de la difficulté
d’endormir un bambin
(quelle résistance !), malgré
une polyphonie continue,
longue et répétitive, a
partiellement réussi son
coup… Mais seul le temps
est juge de la qualité d’un
opus, le propre des critiques étant de se tromper sur leur portée historique !
Quoiqu’il en soit, Musicatreize a davantage convaincu avec
Lo bai lo du basque Felix Ibarrondo, en particulier grâce à
l’incantatoire rituel de pleureuse, suppliant et cajoleur, de la
belle mezzo Mareïke Schellenberger.
On fêtait, le 12 juin Salle Musicatreize, le jour anniversaire
des 100 ans de feu Maurice Ohana. De fait, le concert commençait par sa mélodieuse et tendre Berceuse (Kaoli Isshiki),
œuvre de jeunesse colorée de lointaines harmonies debussyste et se poursuivait avec Sybille, classique de 1968 au
geste vocal puissant (Kiyoka Okada) qu’aurait volontiers
chanté la Berberian.
Mais c’est Maadann de Zad Moultaka qui emporte l’adhésion
finale : une pièce magnifique où les voix, dirigées par Roland
Hayrabedian, se font tour à tour métaux qui, du fer à l’or,
fusionnent dans un bain sonore, quand le soufre et le mercure
associent leur propriété dans un alchimique tutti !
JACQUES FRESCHEL
Prochain concert du Cycle des berceuses Le 5 juillet à 20h.
Salle Musicatreize
(voir p XV)
Fidèle à son désir de proposer au public de l’aire toulonnaise un répertoire méconnu et hors des sentiers battus,
ainsi qu’à sa volonté légitime de rendre aux musiciennes la
place qu’un machisme coutumier leur refuse, la claveciniste
Claire Bodin aux commandes de sa compagnie Les Bijoux
Indiscrets nous a fait découvrir quelques perles baroques
d’Anna Bon di Venezia. Cette compositrice injustement
oubliée –d’où l’absence cruciale d’informations concernant
sa biographie- naquit vraisemblablement vers 1740 à Venise
et y suivit une formation musicale au réputé Ospedale della
Pietà vouée au chant et à la musique de chambre qui lui
valut le titre de «Virtuose» dans ce domaine. À en juger par
les quelques Divertimenti opus 3 pour 2 traverso et basse
continue, publiés aux alentours de sa vingtième année,
cette illustre inconnue, à défaut d’audaces formelles, développait dans son écriture des techniques de jeu variées
nécessitant de la part des instrumentistes un talent certain ! Derrière d’habituels contrepoints aux flûtes, truffés
d’ornements mélodiques, retards et appoggiatures en tout
genre, on percevait clairement la volonté de rendre au
continuo une place plus importante.
Les interprètes de l’ensemble se sont emparés de cette
musique avec une belle complicité pour nous faire découvrir des compositions singulières et subtiles empruntes de
légèreté, qui n’avaient rien à envier à celles des compositeurs masculins de l’époque. Un exploit, quand on sait
combien il était difficile pour les femmes d’accéder au
savoir musical !
ÉMILIEN MOREAU
Ensemble Polychronies © X-D.R
Une heure exquise
Percuter
Pour son dernier concert de la saison «Les classiques», le Festival de
Toulon s’est aventuré dans un répertoire singulier puisque le concert
donné au collège de La Marquisanne accueillait l’Ensemble Polychronies autour d’œuvres entièrement écrites pour la percussion. Malgré un
espace scénique confortable, le volume de l’auditorium était trop étroit
pour contenir la charge sonore mais qu’importe, le plaisir de découvrir
des univers sonores nouveaux est resté intact. Conçu comme un voyage
sonore à travers le XXe siècle, au travers de figures du répertoire contemporain telles Xenakis ou Reich, le programme laissait apparaître
les différents types d’écriture existant dans ce domaine : on pouvait
entendre d’un côté des œuvres construites sur d’habiles et savants contrepoints rythmiques alternant phases de polyrythmie et d’homorythmie,
de l’autre des pièces plus simplement élaborées autour de la notion de
timbres et de propriétés acoustiques, et reléguant aux oubliettes
nombre de travaux sur le son élaborés en studio depuis les années 60.
Autour d’un panel complet et très diversifié de percussions qui reflétait
bien un domaine sonore apparemment sans limites, Florent Fabre
(fondateur de l’ensemble à géométrie variable) et ses deux compagnons
d’un soir, François Combémorel et Bernard Boellinger, ont joué avec
une grande complicité des œuvres idiomatiques de ce répertoire en
constante exploration.
E.M.
Ce concert a été donné le 16 mai à l’opéra de Toulon
Ce concert a été donné le 23 mai à Toulon
35
M
U
S
I
Q
U
E
Dessine-moi un mouton !
36
M
U
S
I
Q
U
E
Le festival Autour des claviers a le don de dénicher les artistes d’exception. Le spectacle
Un Petit Prince en est une preuve de plus.
Sarah Lavaud, déjà présente il y a trois ans,
apporte sa maîtrise, son jeu délié et précis, sa
sensibilité, au service de la lecture du Petit
Prince de Saint-Exupéry. Le texte est présenté en écho à un extrait de la Lettre à un
otage (1940) et à la dédicace à Léon Werth,
qui lui accordent une dimension supplémentaire. Pas de pathos, jamais, dans la lecture
sobre de Bertrand Périer, aux couleurs de désert,
qui s’efface devant les mots, leur octroyant
juste ce qu’il est nécessaire d’intonation.
Sarah Lavaud, vêtue de bleu et de blanc, aérienne, frêle, campe un Petit Prince passionné.
Les pièces choisies par les deux artistes, de
Bartók, Scriabine, Ibert, Ravel, Debussy,
Milosz Magin, Brahms, s’orchestrent en un
superbe poème symphonique
qu’ouvre et clôt l’Entritt de
Waldszenen de Schumann. La
mise en scène de Marie
Tikova, qui multi-plie les
pupitres, comme autant de
reflets d’étoiles, souligne
avec délicatesse les étapes
du récit, épuré de quelques
stations du voyage intergalactique du Petit Prince : seule
subsiste la visite à la planète
de l’homme d’affaires, si sérieux
dans son compte absurde de Le Petit Prince © Brice Toul
ces petites choses qui brillent au ciel et dont grâce de ces grands artistes à l’essentiel, qui
il ne connaît pas le nom. On reste boule- reste bien sûr «invisible pour les yeux».
versés, émus aux larmes : finesse du renard, MARYVONNE COLOMBANI
caprices de la fleur si unique et si semCe spectacle a eu lieu le 9 juin au Tholonet
blable… Chacun ce jour-là a pu goûter par la
Colonnes phocéennes
Depuis quelques années, le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra de Marseille sont les
piliers du Festival de Musique Sacrée qui s’est
tenu, pour sa 18e édition, à l’église St-Michel.
Le 17 mai, après le discours d’autosatisfaction
de M. le Maire et les traditionnels remerciements à Mme Imbert, adjointe déléguée à la
musique municipale, c’est Rossini qu’on a
entendu dans la nef : un péché de vieillesse du
musicien d’opéra qui n’en oublie pas la verve,
ni le bel canto, malgré le latin d’usage, à l’image du Dona nobis pacem concluant sa Petite
Messe solennelle dans un clair-obscur favorable
à l’alto profond de Sara Mingardo. Pour sa version orchestrale, moins originale que… l’original,
pour pianos et harmonium, la mise en place,
l’équilibre des pupitres instrumentaux et
vocaux sont plus délicats à gérer, en particulier dans une acoustique n’affectionnant guère
les philharmoniques volumineux. À ce jeu,
Paolo Arrivabeni s’en est bien tiré : un chef à
l’écoute des voix, comme celle du ténor Kenneth Tarver, souriant, captivant le regard…
D’un mouvement souple, le maestro a dessiné
les «sujets» fugués, placé en exergue leur
attaque aux quatre pupitres scindant une
cinquantaine d’habiles chanteurs… qui n’ont
cependant pas évité l’écueil d’un chœur «a
cappella» et quelques dissonances improbables !
Sacré Dvorak !
Michel Piquemal © X-D.R
Une douzaine de jours après, on retrouve
l’Orchestre Philharmonique de Marseille,
mais cette fois au service d’un chœur (près de
80 participants) aux belles qualités, malgré un
recrutement «amateur» !, le Chœur Régional
PACA. C’est au prix d’un travail approfondi et
constant, sur les pôles d’Aix et Nice, qu’on
profite, en bout de tâche, de belles œuvres,
comme celles proposées au programme du 29
mai : Dvorak et son Te Deum flamboyant, sonnant comme une volée de cloches, un Psaume
en tchèque déroulant une sorte de récitatif
choral d’une grande originalité, preuve aussi
d’un beau labeur accompli en coulisse, et une
formidable Messe imposant son ré majeur à
grand renfort de pathos. Un Gloria héroïque,
un Amen claironnant, Benedictus caressant ou
Miserere implorant, furent conduits par Michel
Piquemal avec plus de pompe qu’il n’en faut,
et dont le geste n’a pas toujours contribué à
contenir quelques surplus orchestraux. Et c’est
encore un ténor, une fois n’est pas coutume,
qui se distingue par sa belle pâte vocale : Avi
Klemberg.
JACQUES FRESCHEL
La musique
des jeunes
La Criée poursuit son partenariat avec le Festival de piano de La Roque d’Anthéron, invitant
David Kadouch et Edgar Moreau : un pianiste
de 28 ans, pour jouer un programme de sonates avec un violoncelliste de 19 ans. On se
demande s’il ne va pas manquer ça et là une
certaine expression, une profondeur de son,
liée à l’expérience... avec David Kadouch, pianiste, Révélation Jeune talent aux Victoires de
la Musique 2010, qui mène une carrière
internationale depuis 10 ans et Edgar Moreau,
violoncelliste, déjà réclamé en soliste et dans
les plus grands ensembles, la valeur n’attend
pas ! Quelle connivence, partage, dialogue,
écoute de l’autre ! Dans la Sonate N°1 de Debussy, le piano imprime de beaux tableaux
impressionnistes, tandis que le violoncelle
déroule de superbes arabesques en pizzicato,
jeu sautillé, legato, vibrato d’une grande
aisance. Pour les deux, la couleur passe avant
la technique ! La Sonate Arpeggione de Schubert annonce ce thème magnifique, si plaintif
au piano, repris par le violoncelle. Chacun, à
tour de rôle, est soliste ou accompagnateur,
élégante façon de s’effacer pour laisser vivre le
thème. La Sonate en ré mineur de Chostakovitch confirme encore ce partage rare, au
long des quatre mouvements très contrastés :
Allegro moderato lugubre, Allegro acide, très
stravinskien, Largo sombre, où les relais des
deux musiciens sont très soutenus ; puis le
Final, déchaînement technique époustouflant.
On reste ébahis devant tant de juvéniles
certitudes, et de poésie.
YVES BERGÉ
Le récital Kadouch/Moreau a été donné
le 21 mai à La Criée, Marseille
Stravinsky au théâtre
M
U
S
I
Q
U
E
© Enrico Bartolucci
par Laurent Cuniot, le Diable, rendirent une
partition impeccable, parfaitement ciselée.
Les couleurs obtenues par ce septuor dans le
choral de la fin de l’œuvre furent magnifiques !
Projeté dans un univers de saltimbanques,
chahuté par un langage d’une profonde mo-
Chef d’œuvre
(misogyne)
Pour sa dernière production lyrique
de la saison, l’Opéra de Toulon a
choisi de porter à la scène un des
nombreux chefs-d’œuvre de Mozart, La Flûte Enchantée. Connu
pour quelques airs à la fois inoubliables et redoutables pour leurs
interprètes, ce singspiel de l’autrichien au crépuscule de sa carrière
est un réel condensé de son savoir-faire mais aussi de son génie
visionnaire. En effet, par le choix
d’un sujet qui confine au fantastique et à la magie, il ouvrait la
voie à ses illustres successeurs du
XIXe siècle.
Réflexion sur le bien et le mal truffée de références non dissimulées
à la symbolique des nombres maçonnique, le livret distille également
© Frederic Stephan
une franche misogynie faussement
dissimulée par l’aspect bouffe de
la pantomime d’origine, à croire
que son auteur n’aimait pas plus
les femmes que le compositeur,
qui ne s’en était pas caché un peu
plus tôt déjà avec Cosi Fan Tutte.
Cela aussi, c’est notre patrimoine !
Les représentations ont rencontré
un franc succès grâce à une mise
en scène dynamique et enjouée
portée avec ferveur par certains
personnages dont le jeu théâtral
faisait mouche tant il était porté
par des qualités vocales remarquables : William Berger interprétait
un Papageno truculent à souhait
tandis que Kathryn Lewek excellait, impériale en reine de la nuit.
Les autres rôles n’étaient d’ailleurs vocalement pas en reste,
portés par la direction efficace de
Wolfgang Doerner qui a su donner une lecture très aérée de la
partition rendant à cette farce un
caractère léger en guise d’apothéose. Mise en scène ? Propos?
Dans la Flûte, l’essentiel reste le
génie intemporel de la musique,
et la beauté des voix.
ÉMILIEN MOREAU
La Flûte enchantée
a été donnée
les 14, 17,19 et 21 mai
à l’opéra de Toulon
dernité, le public du GTP put goûter au plaisir
d’un spectacle total d’une qualité exceptionnelle.
CHRISTOPHE FLOQUET
Concert donné au GTP, Aix, le 14 mai
Enfermement et…
espoir ?
Pour faire surprise avant
fermeture, le Théâtre
Gyptis a accueilli le 31
mai la création mondiale de Nous d’ici-bas
de Thierry Machuel,
compositeur au programme du bac en 2013 et 2014 : un «oratorio sur le thème de l’enfermement intérieur», qui cherche à révéler
«l’humanité présente en nous-mêmes, mais profondément enfouie».
Le projet généreux, préparé en amont par d’audacieux chefs de
chœur (Marianne Suner et notre collaborateur Jacques Freschel), réunissait des percussionnistes en herbe de l’école de la
Savine, du collège Marie Laurencin, des choristes amateurs du
centre social Del Rio, des collèges Henri Barnier, Darius Milhaud
(et leurs professeurs), du lycée Marseilleveyre et quatre professionnels de l’Ensemble Télémaque, tous suspendus à la baguette
de Raoul Lay.
L’œuvre, pour s’entendre, s’est construite sur la parole des autres,
cris et chuchotements des détenus de Clairvaux, chants des solitudes de toutes sortes de Jean-Pierre Siméon, scandés, modulés
par les choristes sur une partition toute d’obscure clarté, oxymore
sonore où la peur cesse peu à peu… et la nuit s’illumine.
Au fil de syllabes percutées, d’aériennes mélodies glissées, de
récitatifs s’acoquinant à de subtiles dissonances, d’entêtantes
asymétries, d’unissons ouvrant et refermant un éventail de notes
dansant sur quelque valse de l’oubli, cet «empire de lumières»
s’est achevé sur une volée d’espoir, échos de cloches égrenant un
moderne Credo. Au cœur de l’opus, un long poème d’Amina Saïd
aura serpenté, en relai mystérieux, de la voix de Brigitte Peyré
à la trompette de Gérard Ocello, au gré d’une liturgie de métal
(Christian Bini et Gisèle David)…
S’il existe une mémoire des lieux, nul doute que cette dernière
première fois, sur une scène où les créations se sont enchaînées
pendant tant années, s’y inscrira naturellement !
© Agnès Mellon
38
Avec L’Histoire du soldat, Igor Stravinsky, sur
un texte de Charles Ferdinand Ramuz, acte
la naissance du théâtre musical. Composée en
1917, à la fin de sa période russe, cette pièce
hybride mêlant musique, théâtre parlé, mime
et danse, narre l’histoire d’un pauvre soldat
qui échange son violon (son âme) avec diable
contre un livre qui prédit l’avenir. Ce conte
musical d’inspiration faustienne fut l’occasion
pour le compositeur russe d’affiner des techniques de composition posées dans Le Sacre ou
les Noces : le développement classique qui
laisse place à un mode de construction fondée
sur la répétition d’éléments diatoniques courts
se stratifiant par le vecteur d’un faux contrepoint,
le temps linéaire chronologique violenté par
la segmentation du discours en mesures composées… Cette musique, brute, dénuée de toute
psychologie, dépouillée de toute la sensiblerie
du Romantisme, d’une lumineuse matité, se
révéla dans l’interprétation de l’ensemble TM+.
Les musiciens, intégrés dans la mise en scène
de Jean-Christophe Saïs, dirigés précisément
MARYVONNE COLOMBANI
Théâtre
Avignon, Salon
Au programme
II à V
VI
Rue
Festimôme, Caressez le potager, Port-st-Louis
VII
Danse
Festival de Marseille, Vaison
Au programme
Musique
Jazz des 5 continents, Charlie Jazz Festival
X
Mimi, Rock Island
XI
Arles, Allauch
XII
Salon, Miramas, La Seyne
XIII
Au programme
XIV, XV
Aix, Marseille
XVI
Aix, Orange, Toulon
XVII
Chaillol, Lambesc, Pourrières, GMEM
XVIII
Monêtier-les-Bains, La Ciotat,
De vives voix, le Thoronet, Floraisons musicales
XX
VIII
IX
Du passé
faisons table
à venir
Kabaret Warlikowski © Magda Hueckel
|
La 67e édition du Festival
II d’Avignon, ultime
F programmation de Hortense
E Archambault et Vincent
S
T Baudriller avant l’arrivée
I d’Olivier Py, mêle la découverte
V
A d’«artistes neufs» et le retour
L de créateurs ayant marqué
S
la décennie
T
H
É
Â
T
R
E
L’édition se veut «résolument tournée vers l’avenir et la jeunesse» avec l’Afrique en tête, même
si elle apparaît aussi comme un bilan du tandem,
avec l’accueil de bon nombre de créateurs confirmés au Festival. Elle sera également marquée
par l’ouverture de la salle de 600 places, La
FabricA (voir Zib 62). Un tournant symbolique
dans l’histoire du Festival qui permet l’accueil, à
l’année, d’artistes en résidence logés dans 18
appartements, afin de «cultiver l’idée de troupe».
Après un dialogue de deux ans pour imaginer cette
programmation à la parole «poétique, mélancolique ou rageuse» et questionner l’art du théâtre
à partir «de territoires d’altérité», les deux artistes
associés, acteurs et metteurs en scène, Dieudonné Niangounaet Stanislas Nordey, créeront
des pièces engagées en début de Festival. Avec
Shéda, l’auteur de Brazzaville qui rappelle qu’«il
y a des endroits où on m’aurait zigouillé pour ce
que j’écris, alors qu’ici on m’applaudit», impressionnera la Carrière Boulbon, ses interventions
portant l’art acéré de l’éloquence et la poésie
d’un théâtre de l’urgence. Sa pièce pour 14 acteurs
et musiciens, dans laquelle il jouera, mettra en
dialogue «toute la violence que nos civilisations
a inventé et qui n’a fait que prouver notre part
d’humanité». Un poème dramatique qui questionne l’humain et sa fragilité. Il jouera également
pour Jean-Paul Delore dans l’oratorio rock
Sans doute.
Avant d’être interprète pour Anne Théron dans
L’Argent de Christophe Tarkos, Stanislas Nordey réunira ses fidèles à la Cour d’honneur :
Laurent Sauvage, Véronique Nordey, Emmauelle Béart, Jeanne Balibar dans Par les villages
de Peter Handke, «un texte violemment poétique
et politique, fondateur du théâtre contemporain
et qui a la potentialité de toucher 2 000 personnes à la fois.» Pour le lieu mythique, Jérôme Bel
crée Cour d’honneur avec les souvenirs de 15
spectateurs qui témoigneront de leur expérien-
Faust II © krafft Angerer
ce, accompagnés par Isabelle Huppert, Antoine
Le Ménestrel... En clôture et comme un prolongement, de la danse avec Anne Teresa de
Keersmaeker et Boris Charmatz sur la Partita
n°2 pour violon seul de Bach par la violoniste
aixoise Amandine Beyer.
(Re)trouvailles
La FabricA sera mise à feu le 5 juillet, en extérieur et en entrée libre, avec le Groupe F (voir
p 10) pour la topofiction Ouvert ! résultant de 6
mois de travail avec des écoles du quartier où
est installé ce nouvel outil culturel. Le baptême
en intérieur aura lieu avec Nicolas Stemann
qui reprend, en 8 heures, l’intégrale de Goethe
Faust I + II, réputée «injouable», suivi par Kabaret
Varsovie de Krzysztof Warlikowski. Nourrie à
partir d’ateliers de parole autour de «l’être femme» menés par l’avignonnaise Michèle Addala
dans le quartier Monclar à trois pas de La FabricA,
avec la poète Valérie Rouzeau et l’écrivain
Jean Cagnard, La Parabole des Papillons accueillera plus de 25 comédiens, amateurs et
professionnels. Une expérience de théâtre
collective débordante et humaine qui porte la
rumeur du monde.
Une large place est accordé à la découverte de
jeunes artistes Africains, ou travaillant sur le
continent : les chorégraphes
danseurs
Delavallet Bidiefono,
Qudus Onikeku, l’artiste Faustin Linyekula,
Aristide Tarnagda et
le groupe de rap burkinabé Faso Kombat,
Brett Bailey qui interroge le rapport de
domination entre Occident et Afrique dans
l’installation Exhibit B,
Monika Gintersdorfer
et Knut Klassen.
Théâtre documentaire
avec Milo Rau autour
du génocide rwandais
dans Hate Radio, déambulatoire avec le Rimini
Protokoll pour «tordre le cou aux idées reçues
sur les rapports économiques Nord-Sud». Autre
itinérance, dans la ville cette fois, avec Remote
Avignon de Stefan Kaegi, une création guidée
par voix artificielle pour expérimenter la perception de l’environnement et à l’école d’art avec
Philippe Ducros dans La porte du non-retour,
où seront exposées les photos-reflets de Kiripi
Katembo Siku qui signe l’affiche.
Attendus également le théâtre documentaire
sur le Liban de la danseuse Sandra Iché, Myriam Mazoui qui adapte un texte de Hugues
Jallon, Jean-François Peyret, le performer
Lazare, Nicolas Truong et le Projet Luciole
avec Nicolas Bouchaud et Judith Henry, Germinal conçu par Antoine Defoort et Halory
Goerger, et le benjamin de l’édition Julien
Gosselin qui monte Les Particules Elémentaires
de Houellebecq.
Retours gagnants
Quant aux retours, notons deux révélations du
tandem : l’espagnole Angélica Liddell (dans 2
spectacles par jour) et le théâtre filmé de Katie
Mitchell dans Voyage à travers la nuit. Et puis,
Lear is in town par le trio Lagarde, Cadiot et
DELPHINE MICHELANGELI
Festival d’Avignon
du 5 au 26 juillet
www.festival-avignon.com
Les femmes
du Festival
DE.M.
«Un festival frémissant, modeste et libre», ainsi
se définit Villeneuve en Scène, qui choisit
depuis 16 ans de s’émanciper «face au In et au
Off de la Cité des Papes» et accueille de l’autre
côté du Rhône 15 troupes et 20 000 spectateurs. Trois semaines d’histoires d’insurrections,
de luttes, d’épopées et de contes initiatiques ou
philosophiques sous chapiteaux et en plein air.
Un hommage à Wladyslaw Znorko sera rendu
par la Cie marseillaise Cosmos Kolej avec des
lectures, et chaque soir la pièce Le Passage du
Cap Horn. L’agence de Voyages Imaginaires
de Philippe Car présentera Antigone, conçue
au Burkina Faso et mêlant à la tragédie une
véritable magie théâtrale. Dans Dino fait son
crooner, le duo Achille Tonic (Shirley et Dino)
offrira un répertoire de chansons françaises,
anglaises et espagnoles. Cinéma forain pour
comédiens, musiciens, bruiteurs dans Le film du
dimanche soir par la famille Annibal qui fabrique
(depuis 7 générations) une fantaisie théâtrocinématographique pédagogique et burlesque.
La Cie Babylone adapte L’homme qui rit, trouvant dans l’univers forain des héros de Victor
Hugo un écho à ses propres interrogations. La
Fabrique des petites utopies crée Nous
sommes tous des K, d’après le roman inachevé
de Kafka, et invite le public à un repas énigmatique. L’attentat de Yasmina Khadra sera joué
par l’Humani Théâtre, Machine théâtre
créera Le Tango de Satan de Laszlo Krasznahorkai tandis que le théâtre de la Massue,
dirigé par Ezéquiel Garcia Romeu, donnera un
Banquet Shakespeare. Acrobaties et théâtre
III
te Enguerand
Banquet Shakespeare © Brigit
avec la Cie Taïwanaise Mix Acrobatics Theater, théâtre d’objets avec le théâtre Mû et une
«histoire simple mais vertigineuse» par le
Collectif Zou dans On a fait tout ce qu’on a pu
mais tout s’est passé comme d’habitude. Monique Brun jouera avec les mots de Léo Ferré,
en solitaire dans Léo 38 et avec les musiciens
d’Entre 2 caisses (et des invités surprises)
dans La folle soirée.
DE.M.
Festival Villeneuve en Scène
du 4 au 24 juillet (relâche 13 juillet)
Villeneuve-lès-Avignon
04 32 75 15 95
www.villeneuve-en-scene.com
Défendre ses artistes
Arts Vivants en Vaucluse, qui a repris la
saison dernière l’Auditorium du Thor, organise
depuis six ans, en amont du festival d’Avignon,
une manifestation consacrée à la création
vauclusienne, soutenue par le Conseil général
84. Chaque année, les artistes du territoire ont
leur espace dans le bel écrin de la Cour Saint
Charles, et le public est fidèle au rendez-vous
gratuit. Robert Santiago Trio ouvrira le bal
avec sa musique latino. Inspiré du dernier cours
de Michel Foucault au Collège de France, Michel Richard a construit la conférence
théâtrale L’artiste et le Dire-Vrai. La BD, déciCie du i © Thomas O'Brien
En 10 ans le Festival d’Avignon,
dirigé par Hortense Archambault et
Vincent Baudriller, aura su faire
évoluer l’équilibre de la parité
homme/femme au sein de ses
créateurs-trices, à l’image de sa
codirection respectée. En 2004,
aucune auteure femme, une seule
metteure en scène ! En 2013, le
pourcentage de femmes à signer
la mise en scène, la chorégraphie,
la dramaturgie, le texte, la conception,
la scénographie, en collaboration
ou à elles seules, sur une quarantaine de spectacles programmés,
se rapproche timidement des 30%.
Une parité en marche certes, encore sous équilibrée… 3 femmes
seulement, sur 23 artistes, sont
invitées dans le cadre «Des artistes
un jour au Festival» ! Espérons
qu’Olivier Py saura être attentif à
parfaire cette avancée. Que l’on
soutient évidemment !
Sur la rive des itinérances
dément, inspire les créateurs : le groupe jazzy
Zenzika crée une BD sonore autour de Championzé d’Eddy Vaccaro sur l’histoire du premier
champion du monde de boxe africain. Dans le
cadre d’un projet pédagogique Musique et
cinéma, 12 comédiens et 8 musiciens du Conservatoire d’Avignon, emmenés par Guigou
Chenevier (Inouï Productions), Catherine Monin et Nicolas Gény, jouent dialogues, musique
et bruitages d’un épisode d’une série américaine
culte. Une série TV-concert (à l’univers impitoyable) savoureuse qui attribue le style d’un
auteur à chaque personnage. La Compagnie
du I donne sa conférence sur l’humour À quoi
reconnaît-on un clown ?. Danse et musique argentine avec la Cie Pies y Manos et musique
persane d’Isabelle Courroy et Shadi Fathi
pour un Immobile voyage scénographié par
Charlot Lemoigne (Vélo Théâtre).
DELPHINE MICHELANGELI
Vaucluse en Scène
du 28 juin au 4 juillet
Cour Saint Charles, Avignon
06 07 50 94 84
www.artsvivants84.fr
F
E
S
T
I
V
A
L
S
|
Boyer avec Laurent Poitrenaux
et Clotilde Hesme, l’installation
Chambre 20 de Sophie Calle à La
Mirande, Christian Rizzo, Jan
Lauwers et la Needcompany,
Falk Richter et Anouk Van Dijk,
Jean-Michel Bruyère et son film
Troisième vie de François d’Assise
conçu avec des jeunes Marseillais,
Philippe Quesne et le Vivarium
Studio dans Swamp Club ou l’histoire d’un centre d’art menacé de
destruction…
Après le film sur le Festival de
Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval, un vrai jubilé pour un «geste»
d’un soir à l’Opéra : Cadiot, Marthaler, Cassiers, Delbono, Waltz,
Castellucci et Dréville, Fabre,
Nadj, Nauzyciel, Brook, Chéreau,
Régy, Ostermeier, Fisbach,
Platel, Rambert et Podalydès,
Mouawad…
Et toujours le Théâtre des Idées,
le cycle de Musiques Sacrées,
les lectures de France Culture à
Calvet et parmi les huit Sujets à
Vif de la SACD, le duo Hassan
Razak (Onstap) et Pierre Rigal.
T
H
É
Â
T
R
E
Le Off,
de la dévotion
à la dévoration
1258 spectacles, 8000 artistes et
IV techniciens, 125 lieux… Chaque
F année, les chiffres du Off révèlent
E la dévotion théâtrale d’Avignon,
S dévoreuse de troupes !
T
|
I
V
A
L
S
T
H
É
Â
T
R
E
Des chiffres attendus lors de la conférence de
presse avignonnaise du 28 mai, même si Paris,
visité la veille, les avait déjà, forte des partenariats presse avec Mediapart, Marianne, Aujourd’hui
en France, France TV… et même si la grande
majorité du public du Off reste régionale !
Autre information évolutive, les dates de l’édition : du 8 au 31 juillet. Ou du 5 au 26. Voire du
6 au 30 selon les lieux… Le 26, une parade de
Générik Vapeur devrait relancer la dernière
semaine du «1er salon du spectacle vivant» (le
côté marché est clairement assumé), historiquement déserté après l’arrêt du In. Autres
nouveautés ? une web-tv, l’ouverture d’une agence de billetterie, un «feuilleton» par France 3 sur
5 ou 6 troupes, une édition par la Librairie
Théâtrale, un concours d’affiche à la Maison
Jean Vilar, une cellule juridique du CNT, un atelier
avec la plateforme de financement participatif
Kisskissbankbank (une centaine de compagnies
y a eu recours cette année), un hommage à Aimé
Césaire le 17, la reconduction des rencontres
dont le think tank culture médias Altaïr (15 et
16) au Village du Off. Le public pour sa majorité féminin (65%) et de plus de 50 ans (61%,
mais les adultes de plus de 50 ans représentent…
58% des Français), retrouvera tous les services
d’AF&C à l’école Thiers pour vérifier «l’extraordinaire succès du cœur battant du festival».
Faire et défaire
L’annonce que «le spectacle vivant en France se
fait dans le Off» est franchement crâne : certes
20% des ventes sont réalisées là, et 10% des
5000 créations françaises, mais le nombre de
compagnies indépendantes qui repartent défaites ou moribondes reste off. AF&C, en menant
des réunions en régions, tente de préparer les
compagnies, mais la participation au festival est
risquée, surtout pour les plus fragiles : 20 000
euros en moyenne par compagnie pour la
location de la salle et le coût du séjour. Les artistes cherchent un idéal : jouer sur la durée, avoir
un article de presse, rencontrer le public, tourner
après… Pour le président d’AF&C Greg Germain
«si une compagnie veut avoir toutes les presta-
© Agence de Fabrication Perpetuelle
© Delphine Michelangeli
tions qu’elle mérite, il faut qu’elle paye pour ça !».
Un salon, il le disait…
Quant à la centaine de milliers de spectateurs,
elle paye pour adhérer à AF&C (carte adhérent
à 16 euros, pour 30% de réduction sur les spectacles), puis pour voir «les meilleures créations
de notre pays et d’une vingtaine de pays dans le
monde». Tout comme les 1066 compagnies qui
doivent adhérer pour apparaître dans le catalogue du Off, et accorder 30% de réduction à leurs
spectateurs. Mais c’est surtout le coût du séjour
avignonnais qui pèse sur les portefeuilles : au
total, public et artistes s’en vont délestés, quand
les commerçants, hôteliers et loueurs de garages font en juillet l’essentiel de leur chiffre…
Que le spectacle commence
Plus de 30 000 représentations seront accueillies cette année dans 10 lieux supplémentaires,
dont la salle polyvalente de Montfavet
avec la pianiste Laure
Favre-Kahn et Charles Berling (en voix off).
Greg Germain assure
que chaque ouverture
est encadrée par une
commission de sécurité : «Il n’y a pas de
taudis malsain…». Soit,
mais la liste prolifère,
et il y a encore des
salles indignes.
De nombreux lieux
accueillent,
heureusement, des
spectacles de qualité, à débusquer en
tendant l’oreille, ou à repérer par leur constance. Les théâtres permanents regroupés dans
les Scènes d’Avignon jouent, en plus
d’accueillir une programmation choisie, leur
création maison. C’est le cas au Chêne Noir, avec
Le Lien d’Amanda Sthers (avec Chloé Lambert
et Stanislas Merhar) par Gérard Gelas et un
festival de têtes d’affiche : Ali Bougheraba,
Zabou Breitman, Thierry Lhermitte, Patrick
Timsit, Antoine Duléry... Aux Halles, deux
créations d’Alain Timar : Ubu Kiraly version
hongroise et Blanche Aurore Céleste avec Camille
Carraz, et huit spectacles dont Illuminations de
la Cie Madani, un King Lear revisité et la pièce
Closer vue par Françoise Courvoisier. Chez
Golovine, danse du monde et théâtre gestuel
avec le Beijing Fringe Festival et Shadowrama
des Eponymes, avec Yourik Golovine et
Loulia Plotnivoka. Au Chien qui Fume, Moi,
Dian Fossey signé Gérard Vantaggioli mais
aussi Guy Carlier, Clémentine Célarié, Chris-
Le festival de tous
les enfants
DELPHINE MICHELANGELI
Festival Off, Avignon
du 8 au 31 juillet
Parade du Off le 7 juillet à 17h30
www.avignonleoff.com
Dans les Cours du Château
À Salon, le début l’été est toujours synonyme
de théâtre, lorsque le Château de l’Empéri, et
ses deux cours si prestigieuses, accueille le
festival Côté Cour. Pour cette 24e édition, les
cinq pièces proposées ont pour toile de fond
cinq grands pays européens (la France, la
Hollande, l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre) pris
à diverses époques, à des moments stratégiques de leur histoire. La programmation fait la part
belle aux textes de répertoire, toutes époques
confondues. Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos fait l’ouverture (le 2 juillet), dans
une mise en scène de Patrick Courtois qui, se
reposant sur l’adaptation de Régis Mardon, déplace l’action de quelques années pour l’ancrer
pendant la Révolution française. Le 6, place au
Journal d’Anne Frank adapté par Eric Emmanuel
Schmitt, avec Francis Huster et Roxane Duran.
Puis Roméo et Juliette, de Shakespeare, connaitra une adaptation façon Commedia dell’arte
dans la mise en scène de Luca Franceschi (le
8). Suivra une comédie peu montée de Jean
Anouilh, La Belle vie, dans laquelle l’auteur caricature aristos et révolutionnaires et
que Jean-Philippe Daguerre met en scène avec
une belle énergie (le 10). Enfin Marie Tudor de
Victor Hugo, mené par Pascal Faber clôture
cette belle programmation le 12.
DO.M.
Théâtre Côté Cour
les 2, 6, 8, 10 et 12 juillet
Château de l’Empéri, Salon-de-Provence
04 90 56 00 82
www.theatre-cote-cour.fr
V
F
E
S
T
I
V
A
L
S
|
Se dégourdir les jambes
sous un brumisateur, créer
des magnets, faire du
théâtre, assister à un
voyage sonore interactif,
accéder aux œuvres grâce
aux Souffleurs d’images
(avec le CRTH) et surtout
admirer les 12 spectacles
proposés dès 6 mois par
l’Éveil Artistique des
Jeunes Publics. C’est dans
un petit havre de paix à Papa est en bas © Thierry Laporte
200m des Remparts, une Maison du théâtre d’objets (chocolatés) avec Papa est en bas,
visitée à l’année par des centaines d’enfants et d’images avec C’est dans la poche, d’ombres et
des dizaines d’activités, que le Festival Théâtr’en- lumières avec le Prince heureux ou de papier
fants est devenu le plus grand rendez-vous avec Akiko. Et encore, une adaptation de l’album
jeunes publics du Off. Un lieu où se retrouvent Terrible d’Alain Serres dans un Camion à hisenfants -et adultes-, qui apprennent la citoyen- toires et de 3 histoires étranges de Philippe
neté grâce à des pièces soignées et une démarche Dorin dans Le jour de la fabrication des yeux. De
éco-responsable de respect de l’environnement. quoi devenir grand.
Au programme de cette 31e édition : de la DE.M.
musique avec le récital Concert-Tôt ou le conte
Festival Théâtr’enfants et tout public, Avignon
loufoque Le Papa-Maman d’Angelina Galvani,
du 10 au 27 juillet (relâches 14 et 21)
le concert d’histoires Shéhérazade ou la poésie
Fête d’ouverture le 9 à 15h
d’André Minvielle dans L’ABCD’erre de la
04 90 85 59 55
Vocalchimie. Et puis théâtre visuel avec la Cie
04 86 81 08 00
Bout d’Ôm dans C’est aujourd’hui, demain ?,
www.festivaltheatrenfants.com
histoire dansée par La Grande Ourse, théâtre
Les liaisons dangereuses © X-D.R
tophe Alévêque. Au Balcon, Serge
Barbuscia donne sa Conférence
des Oiseaux, et reçoit Philippe
Person, Interface, Octavio de la
Roza.
Pas un Off sans aller au théâtre
des Carmes (qui fête ses 50 ans le
15) avec l’Agence de Fabrication
Perpétuelle qui monte 4 pièces
courtes de Beckett (Souffle précédé de Cascando, Pas moi et Pas)
sur une musique de Nicolas Chatenoud d’Archipass, ou les
Carboni dans L’incroyable destin
de René Sarvil. Blessé, Philippe
Caubère ne jouera pas mais
conserve une série de lectures de
Memento Occitan de Benedetto
(à Tavel). La TDOKompagnie
présente à l’Atelier d’Art des performances, le Kronope reprend
son Dindon au théâtre de l’Oulle,
la clown-pianiste Anne Gastine
crée Les Précieux Ridicules à l’espace Alya, et le théâtre des
Doms, vitrine francophone belge,
accueille 9 spectacles pour s’évader : allez-y les yeux fermés !
D’autres lieux savent dénicher des
créations originales, les Hauts
Plateaux avec la Cie Protéiformes, Pascale Henry ou le duo
dansé franco-laotien Stylistic,
l’Ajmi et ses concerts Têtes de
jazz, l’Utopia avec La Passion
selon Juette.
À la Manufacture, un programme
toujours novateur : Je deviens Jimi
Hendrix d’Eric Da Silva, Italie Bresil 3 à 2 par la Cie Tandaim, Nadia
Xerri-L. et le prochain directeur du
Festival d’Avignon, qui présentera
Miss Knife chante Olivier Py, une
façon maline de relier In et Off (voir
Zib 58).
Le théâtre existe aussi hors Remparts, à L’Entrepôt, le théâtre de
la Rotonde, la Fabrik théâtre, le
chapiteau Kabarouf à la Barthelasse, consacré au partage culturel
(cirque et musique).
Et pour conclure, on peut suivre la
chronique ironique d’un Festival
hystérique dans Fuck Off saison 2
de Nicolas Maury à l’Etincelle.
Une mise en abîme, hilarante, du
Off et de son inévitable dévoration !
T
H
É
Â
T
R
E
Le monde de l’entreprise tel que vous ne l’avez
jamais vu ! Dans cette «comédie surnaturelle»,
la troupe des Helico Presto rend irrésistible un
Grand chef qui essaie de se rapprocher de ses
employés, un Sous-chef qui doit se décider
entre les poules de jardins et les milieux
hostiles… Une farce loufoque qui s’attaque à
l’engrenage aberrant des procédures et des
machines… très réaliste !
VI
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
T
H
É
Â
T
R
E
Toutes ressemblances etc… ou les délicieuses
absurdités du monde du travail
le 20 juin
Le Gymnase, Marseille
le 25 juin
Théâtre des Salins, Martigues
www.mp2013.fr
Les Bonimenteurs
© Jean Reverdito
Ducci (Didier Landucci) et Marco (Jean-Marc
Michelangeli), un duo d’improvisateurs de haut
vol, fantasques et désopilants qui improvisent
sur n’importe quel sujet, … Des Bonimenteurs
dont le canevas comique rappelle la Commedia
dell’arte, et donne un spectacle qui fait la part
belle à la prise de risque !
du 28 juin au 6 juillet
Le Gymnase, Marseille
08 2013 2013
www.lestheatres.net
Petits
chocs...
Fellag, coiffé d’une toque de chef cuisinier, se
lance dans la réalisation d’un couscous
inoubliable… Pourquoi ? Un sondage l’affirme,
c’est le plat préféré des français… Voilà
comment l’algérien, installé à Paris depuis 1995,
fait de ce plat l’emblème d’une réconciliation
entre les peuples, non sans dynamiter les peurs
tenaces et les préjugés durables qui opposent
les deux rives de la Méditerranée. Avec humour
et émotion.
Petit choc des civilisations
du 9 au 13 juillet
Le Gymnase, Marseille
08 2013 2013
www.lestheatres.net
© Vincent c@ctus Vanheck
La Cie réunionnaise Cirquons Flex interroge
l’évolution et les contrastes de son île en posant
une question universelle : comment rétablir un
rapport poétique avec un monde qui perd son
humanité ? Autour d’un mat de 6 mètres de
hauteur, un acrobate, un musicien et un danseur
se mettent en jeu, tandis qu’en fond de scène
sont projetés des témoignages de vie.
le 15 juin
Théâtre de Verdure, Puyloubier
le 16 juin
Place Jean Moulin, Bouc-Bel-Air
le 17 juin
Bois de l’Aune, Aix
le 18 juin
Place Jean Jaurès, Lambesc
le 19 juin
Place Palmie Dolmetta, La Roque
le 20 juin
Place Jean Jaurès, Pertuis
04 42 93 85 40
www.agglo-paysdaix.fr
Oncle
Vania
Incluant les spectateurs dans l’espace de jeu,
les comédiens du collectif Les Possédés
transforment la scène en ring dans une interprétation du chef-d’œuvre de Tchékhov. Une
proximité qui interdit les approximations et les
tricheries, et rend plus réelles encore les
tensions et l’énergie du texte du dramaturge
russe. Dans un espace presque cinématographique, une succession de gros plans captivants
happés par la fièvre de ces relations houleuses.
les 5, 7 et 10 juillet
Bois de l’Aune
04 42 93 85 40
www.agglo-paysdaix.fr
© C. Paou-Les Possedes
///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
Toutes ressemblances Dobout an bout
etc…
Phèdre
les oiseaux
«Écrire Phèdre aujourd’hui, c’est bien sûr repartir
de l’histoire antique de Phèdre, épouse de
Thésée, roi d’Athènes, qui tombe amoureuse de
son beau-fils Hippolyte, et qui devant son refus,
l’accuse à tort de viol et se suicide.» C’est ainsi
que Jean-Baptiste Sastre, le metteur en scène,
et Frédéric Boyer, l’auteur du texte posent les
bases de ce projet hors normes. Car la pièce
s’enrichit au fur et à mesure de ses représentations de par le monde, et sera, à Aix et
Marseille, l’occasion de réunir tous les artistes,
rôles principaux (dont Hiam Abbas qui joue
Phèdre dans la version française) et chœurs
(joués par les compagnons d’Emmaüs) ayant
participé à l’aventure dans les différents pays.
du 19 au 23 juin
Emmaüs Pointe Rouge, Marseille
du 28 juin au 2 juillet
Bois de l’Aune, Aix
www.mp2013.fr
© X-D.R
Confidences
Nihil Bordures, compositeur et co-fondateur du
collectif MxM, a pris le temps de la rencontre
avec des habitants de Cavaillon qui ont accepté
de lui confier des bouts de chemin de leur vie.
La parole rendue est singulière, donnée en toute
confiance à l’artiste qui crée ainsi pour chaque
personnage une musique, des compositions
originales qui prolongent le sens des mots. Et
c’est sur un transat que chacun pourra se créer
son propre ressenti…
le 15 juin de 11h à 19h
Place de l’église et place de l’ancien temple,
Lacoste
le 15 juin à 11h (apéro-rencontre avec l’artiste)
Place de l’église, Lacoste
du 16 au 23 juin de 15h à 19h
Sous les voûtes, Lacoste
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
DO.M.
Festimôme
du 16 au 17 juillet
Auriol
du 24 au 26 juillet
Aubagne
www.arteuro.fr
VII
DO.M.
Caressez le potager
du 10 au 12 juillet
Parc de la Mirabelle, Marseille 12e
06 83 85 44 03
www.caressezlepotager.net
Le port emballe !
Sur le port de la bien nommée Port-SaintLouis, de grandes tables côtoient une
petite scène, les bateaux sont à touché de
main, et une ambiance conviviale sent
bon les plats locaux… La manifestation
Les Mercredis du Port, initiée et organisée par Le Citron Jaune en collaboration
avec Scènes et Cinés, est bien un
mélange des deux, arts du spectacle et
de la bouche. C’est ainsi qu’après un bon
moment passé devant les eaux tranquilles
du port, vous pourrez assister aux spectacles proposés les soirs de juillet. Le 3
avec Olivier Grossetête et son Architecture éphémère, Ilotopie et Le Lit sur
l’eau ou le Lux Interior du Bestaire à
Pampilles et leur concert «catastrophe».
Une semaine plus tard c’est la compagnie
les Baigneurs qui proposera deux de ses
spectacles, Siège et Le Bain. Le 17, place
à la compagnie Dynamogène : entre les
facéties de Monsieur Culbuto, et les machineries hybrides de belle facture que
forment la Cymbalobylette et l’Aérophone
moderne qui déboulent sans crier gare la
loufoquerie sera de mise ! Surtout si
entre-temps vous croisez la charrette des
Mercodier conduite par la Cie les UrbainDigènes… Le dernier mercredi enfin, le
duo d’acrobates de la Cie La Main s’affaire précèdera le Dîner aux chandelles de
la Cie Carabosse et son installation de
feu !
DO.M.
Les Mercredis du Port
les 3, 10, 17 et 31 juillet
port-Saint-Louis
04 42 48 40 04
www.lecitronjaune.com
F
E
S
T
I
V
A
L
S
|
Pépinière d’images de Sylvie Frémiot qui
propose des courts métrages d’animation… Sans oublier les ateliers qui offrent
des moments de partages particuliers…
celui de Camille Le van sur l’environnement, de Guillaume Tocco et ses dessins
qui racontent le festival au présent.
Cie les baigneurs © Jean de pena
Deux villes, 6 jours de spectacles, et une certitude :
participer à un festival unique en son genre, qui n’a de
cesse de promouvoir «la culture pour les enfants dans
la région». En pays d’Aubagne Festimôme, organisé
par l’association Art’Euro, est devenu un événement
incontournable, toujours gratuit, entièrement dédié aux
enfants (mais pas seulement !) avec une trentaine de
spectacles de rue et de concerts proposés par des
artistes français et européens, entre la Place du 4
septembre, à Auriol, et le parc Jean Moulin à Aubagne.
Toute la journée, dès le matin 10h et ce jusqu’à la nuit
bien installée, les spectacles cueilleront petits et grands
qui n’auront qu’à se laisser porter… À Auriol tout d’abord,
avec le Musée imaginaire du Cabinet Fatalia, la folie
apocalyptique et burlesque du bouffon El Kardinal ou
le solo de clown poétiquement incorrect de Nicolas
Ferré dans Frigo. Des spectacles que l’on retrouve à
Aubagne le week-end suivant, dans une programmation
complétée par de nombreux autres… La Cie Odile Pinson donne sa version écolo-extrémiste d’une solution
à la crise de l’énergie ; Benny Formaggio, ex-parrain
sicilien mafieux troque son passé sulfureux contre un
avenir fait de magie ; Chuck & Charlotte offrent l’opportunité d’une expérience extrême, et absurde !, de
révolution acrobatique ; l’argentin El Nino Costrini,
provocateur-né et saltimbanque déjanté déroulera ses
gags malicieux sur une quête existentielle qu’il partage
allégrement avec le public ; la Cie Kartoffeln propose
un parcours loufoque sous moustiquaires portatives à
la découverte des différentes espèces de la bestiole…
Sans oublier la musique du groupe belge Big Noise et
celle du collectif Le Train fatal, et encore celle de deux
groupes aubagnais, invités à clôturer en after les journées bien remplies : Psyché et Les Strappers.
A Contre Courant © X-D.R
Les mômes
s’éclatent !
Les bases du programme sont claires,
reprises sur l’affiche : «culture de ratatouille et de rêves d’artistes, à vivre le cul
dans l’herbe et la tête dans les étoiles».
Autant dire que la 10e édition du festival
Caressez le potager s’annonce une fois
de plus synonyme de plaisirs et de
découvertes ! Comme chaque année, une
création prend racine dans une Ronde
autour du «Continent Méditerranée», et
c’est à Istanbul, entre autres, que la Cie
Messieurs Mesdames ancre la sienne :
Nasruddin Circum est une mise en espace
et en musique, par Pascal Labbé, des
contes soufis de Nasruddin Hodja, dont
les récits remontent au XVe siècle, avec
Stéphane Laisné au récit et le danseur
Michel Raji dans le rôle du sage et du
derviche (les 10 et 11 juillet à 21h45). La
programmation fourmille de propositions
alléchantes, parmi lesquelles Le Geste qui
sauve de Denis Barré, Cie Kartoffeln,
avec une démonstration de secourisme
toute personnelle, les chants d’amour décalés du Cabaret «Hélas… !» d’Amélie
Duval et Antoine Aubin, les mots pertinents du CRIeur Public Bernard Pedrotti
à entendre autrement, l’Opéra-camping
du chorégraphe Marco Becherini, La
Crieur public © X-D.R
Dégustation à ciel ouvert
R
U
E
D’Ouest en Est,
le Festival de Marseille
mène la danse
VIII
|
F
E
S
T
V
A
L
S
D
A
N
S
E
C’est en compagnie de deux géants américains
que le Festival de Marseille ouvre et clôt sa 18e
édition : l’un emblématique de la côte Est, Bill
T. Jones, l’autre de la côté Ouest, Alonzo King.
Deux grands absents de la scène marseillaise
qui font leur premier show à l’occasion de la
capitale européenne de la culture. Comme
Ohad Naharin, directeur artistique de la
Batsheva Dance Company, qui ne vient pas les
mains vides ! Il présentera Deca Dance (extraits
de son répertoire) et Sadeh21 (chorégraphie
cinématographique portée par une musique qui
paralyse et captive) qui donnent toute la mesure
de la puissance et de la force physique de ses
interprètes, de leur technique inouïe. Leur venue
exceptionnelle s’accompagnera d’une méga
leçon de danse publique pour s’essayer à la
technique Gaga inventée par le chorégraphe…
L’onde de choc se poursuit avec la scène
japonaise et belge habitée par la lumière. Ryoji
Ikeda et Shiro Takatani «liés par le cordon
ombilical du collectif pluridisciplinaire Dumb
Type» présenteront respectivement la
performance Superposition, développée autour
des mathématiques et de la musique
électronique, et l’œuvre poétique Chroma qui
déroule une vie inversée… Pierre Droulers,
dont le festival suit l’évolution depuis 2004, est
«un artiste phare de la nouvelle vague
conceptuelle belge, souligne Apolline Quintrand,
à la sensibilité enrichie par ses relations avec la
Batsheva Dance Cie, Sadeh21 © Gadi Dagon
couleur, les objets et les arts plastiques». Et la
poésie, qui traverse sa pièce Soleils née des
poèmes de Dylan Thomas et Emily Dickinson,
et irradie l’ensemble du festival ancré dans la
littérature. Celle-ci se taille une part de choix à
travers une forme théâtrale : le metteur en
scène Hubert Colas et l’auteure Sonia
Chiambretto se donneront à nouveau rendezvous pour «raconter» la vie de jeunes Algérois
dans Gratte-Ciel, et une forme opératique :
80 000 000 de vues croise le slam de Camille
Case, la musique de Alexandros Markeas et
le livret de Eli Commins sous la houlette de
Nathalie Négro. Deux créations qui parlent
autrement de la Méditerranée, soutenues par le
festival qui coproduit également Univers Light
Oblique de Georges Appaix (encore la
lumière !) et Fama de Christophe Haleb. Si
l’accompagnement des talents de la région ne
date pas d’aujourd’hui, il s’est amplifié en cette
année capitale car le festival a souhaité «mettre
en lumière des artistes qui comptent dans le
paysage et leur donner un retentissement
exceptionnel».
Ce contexte particulier n’a pas tout bouleversé
: «Je n’ai rien concédé car ma programmation est
toujours libre, qui explore à la fois le champ de
l’actualité et du répertoire». D’où la présence
renouvelée de Sasha Waltz qui revisite Körper
et Gregory Maqoma qui fait se rencontrer
l’Afrique du sud et la Suisse par delà la danse et
le jazz (Kudu avec Erik Truffaz Quartet).
dérision du rire, de la poésie, Traces par les 7
Doigts de la main envoûte les spectateurs, le
quotidien prend ici une dimension onirique et
jubilatoire.
Six danseurs et six musiciens sur scène pour
Mudejar, la composition de Miguel Angel Berna, spécialiste de l’ancienne danse aragonaise
du XVIIIe siècle, la jota. Mudejar, c’est un âge
d’or hispanique, période de 5 siècles durant
lesquels se mêlèrent les influences des cultures
hébraïque, islamique et chrétienne, fusion
éblouissante de cultures.
La nouvelle création enfin de Pockemon Crew,
Silence on tourne, explore le cinéma des années
30 et 40. Les prémices du hip hop sont déjà là,
dans l’énergie de certaines comédies musicales. Hommage au cinéma par la danse, dans
une succession de tableaux variés où l’invention, la vivacité et l’humour se conjuguent avec
brio.
Non loin du théâtre antique, deux spectacles
plus intimes se tiendront au Nymphée. Le
premier, Racines croisées, se consacre à trois
jeunes artistes qui portent un regard contemporain sur les danses traditionnelles qui les ont
nourris : Louis Pierre Yonsian (Côte d’Ivoire),
Daniell Alnuma (Israël), Rochdi Belgasmi
(Tunisie). Les musiciens Mohamed Alnuma
(Irak) et Gil Hameiri (Israël) glissent entre chaque solo une harmonie idéale à laquelle on peut
tous aspirer. Inspiration argentine pour le second
avec Macaleambo par la Compagnie Pies y
Manos. À tout cela il faut encore ajouter le cinéma et la danse, cette année Le cirque de Chaplin
et The artist de Hazanavicius, des expositions
de sculpture et de photographie de Nicole
Brousse et Gia To. Et des stages de danse,
contemporaine, africaine et orientale !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Festival de Marseille
Du 19 juin au 12 juillet, du 29 août au 22 sept,
le 5 nov et le 19 déc
www.festivaldemarseille.org
Vaison majeur !
Vaison Danses a 18 ans ! «L’âge de tous les
possibles» affirme Philippe Noël, son directeur,
en présentant un programme d’une richesse et
d’une qualité exceptionnelles.
Dada Masilo relit Le Lac des Cygnes en faisant
exploser les frontières des genres, emportant
dans une même pâte les attitudes classiques,
les influences africaines et la danse contemporaine. Humour et profondeur ont rarement
été aussi intimement liés. Les Nuits de Preljocaj (voir Zib 63) dessinent un Orient rêvé dans
lequel les corps eux-mêmes deviennent calligraphie. Acrobatie, haute voltige au service de la
Traces © ODC Photo
MARYVONNE COLOMBANI
Vaison Danses
du 13 au 28 juillet
Vaison-la-Romaine
04 90 28 84 49
www.vaison-danses.com
Le dense été du CDC
dansées se poursuit avec Alterité de Bouziane
Bouteldja et la Cie Dans6T, dirigés par
Coraline Lamaison. Escapade dans la cour du
Lycée Aubanel avec la Cie Ex Nihilo qui interroge la place de l’art dans l’espace public dans
Trajets de Ville, et voyage avec la pièce plastique
Le renard ne s’apprivoise pas par Nina Santes.
Après le duo Hidden, Olga Cobos et Peter
Mika rejoindront dans Choice le quintet créé
par Russell Maliphant. Clôture de la journée
avec les danseurs belges de Kosmocompany
pour un tandem-performance sur l’existence.
Emmanuel Serafini accueillera des chorégraphes lors des rencontres Reso@danse au Village
du Off et Thomas Bohl exposera des photos
géantes sur la façade du CDC.
L’après-midi...
Vortex
Prends garde à toi
Dans ce spectacle pour adultes, Phia Ménard se Chorégraphe et artiste visuelle, Olga Mesa est
du 25 au 27 juin à 20h
La Criée, Marseille
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Les
Nuits
Inspiré par Shéhérazade «qui par le verbe, la culture et l’intelligence se dresse comme un rempart
à la barbarie et nous questionne sur la place de
la femme dans nos sociétés», Angelin Preljocaj
crée une pièce chorégraphique qui emprunte
aux danses orientales sensualité et mystère, «au
plus près d’un Orient rêvé où les corps se feraient
signes […]»
du 10 au 13 juillet
La Criée, Marseille
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
MotherTongue
Le Laboratoire de recherche chorégraphique
MotherTongue s’inscrit dans la continuité des
projets d’échanges artistiques et culturels
portés par Coline (formation professionnelle en
danse contemporaine à Istres), Correspondances avec Israël et l’Algérie. 12 danseurs
originaires du bassin méditerranéen (Égypte,
Grèce, Italie, Israël, Liban et France) se découvrent sous les incitations de 2 chorégraphes,
Edmond Russo et Shlomi Tuizer.
du 11 au 13 juillet
Le Klap, Marseille
04 96 11 11 20
www.kelemenis.fr
My God !, Onstap © D.
//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
L’après-midi d’un foehn
du 25 au 27 juin à 10h et 14h30
La Criée, Marseille
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
livre seule en scène en opérant une performance-métamorphose hypnotisante. À la recherche
de son propre corps, elle se débarrasse de ses
différentes enveloppes corporelles, happée par
l’air propulsé par 24 ventilateurs qui l’encerclent. Sa peau de latex et de nylon s’envole alors
dans un ballet aérien de toute beauté, exhibant
au grand jour son identité propre.
IX
L’été au CDC particulièrement danse, Avignon
du 11 au 21 juillet (relâche le 17)
04 90 82 33 12
www.hivernales-avignon.com
DELPHINE MICHELANGELI
//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
L'apres-midi d'un foehn © Jean-Luc Beaujault
Dans ce ballet aérien pour danseuses et danseurs de plastiques, une marionnette démiurge,
sur une chorégraphie de Phia Ménard, emmène petits et grands au gré du souffle chaud
et sec du foehn dans une féerie de nymphes
colorées et virevoltantes. Prenant pour référence l’œuvre musicale de Debussy, remaniée
par le compositeur Ivan Roussel, le spectacle
invite alors à une ronde inattendue et poétique.
Dès 4 ans
Michelangeli
Chaque année, le Centre de Développement
Chorégraphique Les Hivernales concocte au
cœur du Off un programme incontournable
dédié à la danse : huit compagnies européennes
s’y succèdent chaque jour... Eric Lamoureux
et Thierry Thieû Niang ouvrent la journée avec
le poème chorégraphique Une douce imprudence. La Cie De Fakto poursuit avec N, l’étoile
dansante, une rencontre entre hip hop et philosophie où Aurélien Kairo met en lumière le
rapport de Nietzsche à la danse. Suivra une toute
aussi sensible interrogation sur la spiritualité et
le sens de la vie par la Cie Onstap. Dans My
God !, Hassan Razak et Mourad Boulhali,
mis en scène par Agnès Régolo, associent à
leur maîtrise des percussions corporelles leur
soif de liberté et leur sens du langage. L’ouverture aux autres et l’exploration de matières
l’une des figures de la nouvelle danse contemporaine espagnole. Avec Francisco Ruiz de
Infante, artiste plasticien, elle crée Prends
Garde à toi, dont une partie sera découverte lors
de la sortie de chantier à Marseille Objectif
Danse. À partir de l’opéra de Carmen de Bizet
sur le roman de Mérimée, et des sonnets de
Shakespeare se nouera un dialogue qui questionnera aussi, de façon poétique et politique,
quelques notions telles que masculin/féminin,
original/copie, analogique/numérique…
le 22 juin à 19h et le 23 juin à 17h
La Friche la Belle de Mai, Marseille
04 95 04 96 42
www.marseille-objectif-danse.org
Pudique acide/Extasis
Créées dans les années 80 par Mathilde Monnier
et Jean-François Duroure, ces deux pièces
chorégraphiques le furent aux belles heures de
la «jeune danse française». Remontées 25 ans
plus tard et confiées à deux nouveaux interprètes, Sonia Darbois et Jonathan Pranlas, elles
offrent toujours une danse vive, grave et burlesque à la fois, et affirmant la primauté d’un corps
à corps à deux comme un acte plus théâtral que
simplement formaliste.
le 22 juin
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
© Marc Coudrais
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
D
A
N
S
E
ou la
densité
capitale !
X
M
U
S
I
Q
U
E
First Class for a Jazz-travelling set ! La programmation de la 14e édition du Festival de Jazz
des Cinq Continents (FJ5C) est hors norme. À
l’affiche : Georges Benson, Wayne Shorter,
Youn Sun Nah, Archie Shepp, Biréli Lagrène, Chick Corea, Diana Krall, Gilberto Gil...
autant dire un voyage musical en 1re classe ! Année
exceptionnelle, programmation exceptionnelle !
Marseille honore ainsi son rang de capitale culturelle. L’École Supérieure d’Art et de Design
Marseille Méditerranée s’est investie dans le
Jardin Zoologique où les anciennes cages résonneront avec Jungle Music. Le Grand Hall du
Théâtre de la Criée accueillera les Afters au JazzClub, pour ceux encore avides de derniers instants
inoubliables, avec la pianiste Perrine Mansuy
en maîtresse de cérémonie. Les nouveaux terri-
toires gagnés en bord de mer du côté du MuCEM
seront aussi pimentés d’un souffle de jazz. Ainsi,
c’est de l’Esplanade du J4, endroit au charme
d’une grande puissance, que débutera ce Festival le 17 juillet avec tout d’abord un groupe de
musiciens marseillais, le Temime-Arnaud-Zenino trio Massaliazz pour un hommage à la
Provence puis ensuite Paolo Fresu, le trompettiste au son langoureux sera accompagné de
Kamilya Jubran, chanteuse et joueuse de oud
palestinienne. De nombreuses manifestations
dans la ville, telles que Expo et musique au Pavillon
M, expo à la BMVR-Alcazar, Expo, projections
et concert à Maison Blanche... viendront diversifier une offre musicale déjà pléthorique !
Pour la seconde soirée (18 juillet), Guillaume
Perret & The Electric Epic avec Mederic Col-
DAN WARZY
Festival Jazz des 5 Continents
du 17 au 27 juillet
www.fj5c.com
À noter : Tram jusqu’à 1h30 et Metro jusqu’à 1h00
De l’eau au Moulin... à Jazz
À Vitrolles, au Domaine de Fontblanche, l’événement met chaque saison un point d’orgue au
travail de l’association Charlie Free. Et cette 16e
édition du Festival de Jazz, labellisée et conventionnée MP2013, sera animée par les propositions
plastiques et vidéos d’un collectif d’artistes, les
Arroseurs Arts Osés.
Ouverture le 5 juillet, avec le groupe de New
Orleans, Les Oignons, en déambulation, puis
place au Méditerranean Charlie Orchestra,
tout spécialement constitué pour cette année
Capitale avec la Compagnie Nine Spirit et l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (OJM),
dirigé par Johan Farjot sous la direction artistique de Raphaël Imbert, avec Majid Bekkas,
le musicien marocain à la dimension internationale que nous avions déjà eu l’occasion
d’applaudir sur cette même scène en 2011. La
Fanfare d’Occasion, organisation musicale
hypermobile, s’adaptant à toutes les situations,
déambulera dans le parc en ouverture de la
soirée du 6 juillet. Puis la petite scène accueillera les délires imaginaires de Marcel & Solange
-un trio masculin malgré son nom !- qui per-
mettra de découvrir un instrument étrange,
l’Horizoncelle. On enchaîne avec la surprise d’un
intermède italien, découverte du duo Antonello
Salis et Fabrizio Bosso suivi en final magistral
spécial trompette d’Ibrahim Maalouf et son
quintet Wind.
Prélude à la soirée du dimanche, Papanosh,
lauréats «Jazz Migration 2013» à découvrir sur la
petite scène, et en déambulation les musiques
du monde entier avec La ‘Tit Fanfare. Puis la
charmante Kellylee Evans et son quintet (pas
encore de «Evans» au féminin dans le dictionnaire du Jazz mais cela ne saurait tarder...). Le
trompettiste Roy Hargrove et son quintet au
son musclé, teinté hard-bop, funk, hip hop, soul,
clôturera le 7 juillet. Avis à ceux qui ne connaissent pas ce lieu délicieux : on y baigne vraiment
dans un doux bien-être...
DAN WARZY
Charlie Jazz Festival
du 5 au 7 juillet
Domaine de Fontblanche, Vitrolles
www.charliejazzfestival.com
Kellylee Evans © X-D.R
|
F
E
S
T
I
V
A
L
S
Chucho Valdés © Frank Steward
FJ5C,
lignon suivi du désormais habitué du Festival,
Chick Corea & The Vigil ! Le lendemain, honneur à la musique cubaine avec Chucho Valdés
(19 juillet) en compagnie de la chanteuse flamenco Buika et du trompettiste Roy Hargrove.
Rythmes brésiliens avec Gilberto Gil et musique funk ensuite avec le groupe Chic de Nile
Rodgers feront de cette soirée (20 juillet) une
occasion de bouger et danser. Diana Krall présentera son dernier album, Glad Rag Doll, empli
de groove et de swing (21 juillet). Début de soirée conjugué au féminin avec le trio ACS, Geri
Allen, Terri Lyne Carrington et Esperanza
Spalding (23 juillet) pour une célébration des
80 ans de Wayne Shorter qui clôturera, avec
son quartet, cette sixième journée de festival.
Le jazzman français Eddy Louiss et son septet
sera suivi de Biréli Lagrène, le guitariste manouche (24 juillet). Continent noir à l’honneur
avec le sud-africain Hugh Masekela et jazz
militant toujours en big band avec le Archie
Shepp Attica Blues (25 juillet) Une perle nous
sera offerte, en 1re partie de soirée, pour ce 9e
jour, en compagnie de la chanteuse coréenne
Youn Sun Nah avec Vincent Peirani à l’accordéon et bien sûr Ulf Wakenius à la guitare
suivie du trio de la pianiste japonaise du Hiromi
Trio project (26 juillet). Une femme encore
pour embraser cette ultime soirée de festival (27
juillet) avec Meshell Ndegeocello et le guitariste
légendaire George Benson pour ce concertévénement qui marquera la fin cette grande fête
du jazz.
Rock’n’Mix
Algecow © Marco Parronchi
Frioul en musique !
Pour la 28e édition du Festival
MIMI (Mouvement International
pour les Musiques Innovatrices),
le centre l’A.M.I (Aide aux Musiques Innovantes) propose à
nouveau un programme international, innovant et éclectique.
Les spectateurs sont invités à
embarquer pour un tour du monde des plus surprenants avec, le
4 juillet, Good bye Schlöndorff de
l’artiste libanais Rayess Bek,
une performance audiovisuelle
en co-production avec le MUCEM,
mêlant musique, témoignages
audio et extraits du film Le Faussaire de Volker Schlöndorff
réalisé à Beyrouth en 1981 ; le
guitariste virtuose Noël Akchoté pour un étonnant quintette de
six-cordes électriques en
hommage à l’iconoclaste compositeur italien du XVIe siècle,
Carlo Gesualdo. Le lendemain,
la pop hybride du groupe français
Algecow ainsi que la musique
expérimentale de Thomas Bonvalet autour du projet L’Ocelle
Mare -dans lequel métronomes,
diapasons et microphones se
métamorphosent en de véritables instruments ! - envahiront le
Frioul. Considéré comme l’une
des figures de proue du courant
post-punk, le groupe américain
Pere Ubu partagera son énergie
légendaire pour un concert unique en France. Le 6 juillet, le
chanteur lyrique et contre-ténor
congolais Serge Kakudji présentera Muindaji Opéra, un récit
africain construit sur le modèle
d’un opéra occidental rythmé
par de la danse traditionnelle
congolaise. Le même jour, première mondiale pour l’installation
inédite avec projection en mapping 3D de la création du Dj
américain, pionnier de la musique
techno, Jeff Mils. Un spectacle
aussi onirique qu’inquiétant
intitulé The Gateway, sublimé par
les chorégraphies de la danseuse Raphaëlle Delaunay. Enfin,
la poésie sera à l’honneur pour la
clôture du Festival, le 7 juillet,
avec le chanteur Iraka, accompagné d’une formation instrumentale
orientée hip-hop-jazz, qui slamme
et rappe sur des rimes singulières aussi douces qu’acerbes.
Pour le final, le musicien Rodolphe Burger mettra en lumière
les textes poétiques de Mahmoud Darwich grâce à quatre
musiciens et trois voix en hébreu
et en arabe. D’autres surprises
viendront animer le Festival,
comme des balades à la découverte de la faune et de la flore du
Frioul… Attention aux places
limitées !
ANNE-LYSE RENAUT
Festival MIMI
du 4 au 7 juillet
Îles du Frioul, Marseille
04 91 465 465
http://mimifestival2013.amicentre.biz
Le fort d’Entrecasteaux accueille
pour une seconde fois le festival
«electro, pop rock & musiques
mixées», Rock Island. Une nouvelle occasion de faire vibrer la
citadelle à la forme étoilée au rythme des groupes les plus prisés de
la scène internationale électro.
Parmi les stars présentes on compte Kavinsky, célèbre pour son
morceau Nightcall extrait de la B.O
du film Drive, mais aussi Breakbot
connu pour son titre Baby I’m yours,
un mélange subtil et pétillant de
disco, pop funk et house. Les festivaliers pourront apprécier la
musique envoûtante du petit génie
technique qu’est Rone, qui a produit récemment son deuxième album
Tohu Bohu. Le groupe rennais Mermonte et ses 10 musiciens seront
aussi présents pour partager leur
énergie pop rock associée à une
rythmique ingénieuse, aussi aérienne que délicate. Les islandais Fm
Belfast ou encore les danois WhoMadeWho vont charmer le public
par leurs musiques mixant l’électro
à la pop. Il y aura aussi les étoiles
Agoria © Sylvere Hieulle
montantes que sont Villanova ou
Joris Delacroix, ainsi que les pionniers de la musique électronique
Scan X, Paul Virgoou Laurent Garnier et beaucoup d’autres artistes
comme Nastia, Ellen Allien, Agoria, Sébastien Tellier…
A.-L.R.
Festival Rock Island
du 27 au 29 juin
Fort d’Entrecasteaux, Marseille
http://www.marseille-rockisland.fr
Les Suds au sommet
du monde
XII
|
F
E
S
T
I
V
A
L
S
M
U
S
I
Q
U
E
Avec une programmation toujours riche de
sens, le festival arlésien de musiques du monde
confirme sa place à part dans les événements
estivaux.
Invité pour la troisième fois depuis 1999, Goran
Bregovic est en passe de devenir la mascotte
des Suds ! Cette année, la concurrence est rude
avec Melody Gardot, Rokia Traoré et le cantaor
flamenco Miguel Poveda dont c’est pour l’heure l’unique date en France de la saison. Au-delà
de têtes d’affiche qui sont loin d’être l’essentiel
de la programmation, le festival arlésien propose
des dizaines d’événements dont la cohérence
offre une vision singulière des musiques du monde.
Ces musiques sont avant tout celles d’une culture et d’un patrimoine en mouvement. Qu’elles
soient pratiquées dans la pure tradition ou inspiratrices de nouvelles interprétations, elles
n’opposent aucune hiérarchie, ni de valeurs ni
d’esthétiques. Et surtout pas de continent. La
folk singer américaine Alela Diane jouera ainsi
d’égale à égale sur la grande scène du théâtre
antique avec l’espagnole inclassable Silvia Perez
Cruz. Tout comme les chants mongols d’Urna
et le projet franco-palestinien Jadayel envoûteront la Cour de l’Archevêché pendant les Moments
précieux. À ne pas manquer, deux OVNI de la
musique africaine : Baloji et Wanlov & the Afro
Gypsy band. Le premier, issu du hip hop, puise
dans ses racines congolaises pour en extraire
une rumba afro-funk urbaine. Le second réussit
une synthèse atypique entre ses origines ghanéennes et roumaines.
Coups de cœur également pour trois propositions d’artistes régionaux revivifiant sans cesse
le patrimoine du vaste pays d’Oc. La nouvelle
création de Saboï, horde festive créée par
Christian Coulomb, est un spectacle musical
ambulant qui compose avec la mythologie tauromachique. Douze musiciens, un acrobate et
un comédien redessinent un parcours sonore et
visuel, s’inspirant d’un répertoire méditerranéen
traditionnel lié aux fêtes vernaculaires. Conçu et
RokiaTraore © Mathieu Zazz
o
dirigé par Manu Théron, Madalena rassemble
un chœur exclusivement féminin de 23 artistes
d’expression occitane (dont des chanteuses de
La Mal Coiffée, du Chœur de la Roquette et
de Enco de Botte). Un spectacle basé sur une
mystérieuse cantilène retranscrite en provençal
et dédiée Marie-Madeleine que la légende a fait
accoster aux Saintes-Maries-de-la-Mer depuis
la Palestine. Le même Manu Théron avec son
Cor de la Plana et Moussu T e lei Jovents fusionneront le temps d’une création dans le
cadre du centenaire de la naissance de Charles
Trénet. Moussu T présentera aussi son nouvel
album lors d’une de ces fameuses Nuits des
forges qui prolongent le festival dans une ambiance électrique, jusqu’à une heure indue de la
nuit.
Enfin, capitale européenne de la culture oblige,
les Suds ont imaginé un événement exceptionnel, le samedi 13 juillet, sobrement intitulé [la
Nuit] : douze heures de musique ininterrompue,
entre 19 et 7 heures du matin, sur 15 scènes, pour
30 concerts et plus de 200 musiciens, dans des
lieux inattendus dont la cité classée Patrimoine
mondial de l’Unesco foisonne. Pour le coup, ne
cherchez pas la tête d’affiche : c’est Arles !
Le Cargo de Nuit propose, pour cette 8e édition,
3 nuits de concerts d’exception dans le cadre
majestueux du Théâtre antique. La première
soirée des Escales du Cargo (le 17 juillet) est
consacrée aux timbres singuliers des chanteuses Lou Doillon et Nili Hadida. Récemment
couronnée artiste féminine de l’année lors des
28e victoires de la Musique, Lou Doillon possède une voix surprenante aux intonations graves.
Souvent accompagnée de sa guitare acoustique,
elle a le don de créer sur scène une atmosphère intime et émouvante. La chanteuse sera
suivie de la douceur folk et l’énergie pop du
groupe Lilly Wood and the Prick. Leurs mélodies dansantes enchantent le public depuis
plus de 7 ans grâce une dynamique rythmique
unique sublimée par la puissance vocale étonnante de la chanteuse franco-israélienne Nili
Hadida. Pour la seconde soirée, le lendemain,
l’artiste de renommée internationale Hugh
Laurie revisitera une quinzaine de standards à
dominante blues avec le Copper Bottom Band
pour l’une des deux seules représentations de
l’artiste en France cet été. Enfin, le groupe
Archive, mené par Darius Keeler et Danny
Griffiths entrera sur scène pour la dernière
escale. En 1re partie, le théâtre antique accueillera le rock hypnotique aux vibrations électroniques
du groupe Team Ghost formé par l’ex M83,
Nicolas Fromageau. Le relai sera pris par cet
ovni musical, et tout aussi ingénieux, Archive.
L’univers psychédélique des musiciens anglais
à la frontière du rock et de l’électro offrira au
Cargo de Nuit l’un de ses plus beaux amarrages…
A.-L.R.
THOMAS DALICANTE
Les Suds
Arles
du 8 au 14 juillet
04 90 96 06 27
www.suds-arles.com
Les étoiles d’Allauch
Théâtre, musique, danse… Les multiples spectacles des Estivales prennent à nouveau leurs
quartiers dans la somptueuse Bastide de Fontvieille et le théâtre de Nature allaudiens. Le
festival débutera en douceur par le spectacle
lyrique Mes Madeleines musicales (5 juillet) de la
soprano Marianne Neri accompagnée au piano
par Valérie Florac. Une programmation complétée par le concert classique Les sonates
romantiques (8 juillet) dans lequel la pianiste
Nathalie Lanoë et le violoncelliste Manfred
Stilz interprètent Brahms, Schumann.... Le 10
juillet, Marie-Christine Barrault lira un texte
de Giono, Pour saluer Melville, initialement prévu
comme une préface à la traduction de Moby
Dick, dans lequel l’auteur se confie sur la relation
Amarrage
de talents !
presque intime qui le lie à ce roman de Melville.
Les Carboni présenteront leur nouvelle opérette
de Sarvil et Scotto, Le pays des Galéjeurs, une
œuvre burlesque et originale qui nous plonge en
plein cœur de Marseille avec les exceptionnels
Marc Pistolesi, Ali Bougheraba et Cristos Mitropoulos. Le festival se terminera, avec grâce par
des extraits du répertoire du Ballet d’Europe (1er
août), représentatifs du travail chorégraphique
de Jean-Charles Gil. A.-L.R.
Estivales d’Allauch
Du 5 juillet au 1er août
Théâtre de Nature, Allauch
04 91 10 49 20
http://estivales.allauch.com
Les Escales du Cargo
du 17 au 19 juillet
Théâtre Antique, Arles
04 90 49 55 99
http://www.escales-cargo.com
Lou Doillon © Kate Barry
Lo'Jo © Denis Dailleux
fondateurs du groupe angevin en 1982. D’Agadir
à Chicago, en passant par Buenos-Aires et Katmandou, ils ont rapporté du monde entier des
rythmes acidulés mêlant la musique créole, berbère, tsigane, rock, baroque et même raga. Des
mélodies enrichies par les voix suaves des
marocaines Yamina et Nadia Nid el Mourid, et la
participation pour cet album d’invités de renom
comme le guitariste malien Ibrahim Ag Alhabib
de Tinariwen, le violoncelliste Vincent Ségal, le
légendaire joueur de panduri géorgien Niaz
Diasamidze ou encore le violoniste chinois Guo
Gan (le16). La jeune génération sera représentée
par le rappeur d’origine Congolaise Youssoupha,
connu pour utiliser l’écriture comme argument
de non-violence (le 18). Enfin, le trio français
Pony Pony Run Run fera déferler sa popélectrique (le 23) en écho aux textes incisifs et
mélancoliques du chanteur aux deux «Victoires
de la musique» Benjamin Biolay (le 27).
A.-L.R.
Scènes à l’Empéri
Du 16 juillet au 27 juillet
Château de l’Empéri, Salon-de-Provence
04 90 56 00 82
www.salondeprovence.fr
Destination Cuba !
Depuis 2007, le festival cubain Bayamo propose tous les étés une sélection musicale de
qualité explorant les différentes rythmiques de la
culture cubaine. En parallèle, le public est invité
à participer à une conférence sur «Les influences de la culture française à Cuba» animée par
André De Ubeda, ancien délégué de l’Alliance
Française (le 5 juillet). Côté musique, le festival
accueille en ouverture de tous les concerts le
groupe Trio Caña Santa, qui maîtrise à la perfection les mélodies endiablées des célèbres
danses cubaines que sont le cha cha cha, la
guaracha ou encore le bolero (du 19 au 21).
Parmi la programmation figure aussi l’orchestre
Havana d’Primera (le 19) : ondé en 2008 par
Alexander Abreu, cet ensemble a la particu-
larité de réunir une nouvelle génération de
musiciens alliant avec subtilité les rythmes de
salsa, jazz, funk et afro-cubains. D’autres spécialistes de la musique cubaine seront présents
sur la scène du Fort Napoléon comme Pedrito
Calvo Junior y su Orquesta (le 20) et le
groupe Maraca (le 21), dirigé par le flutiste cubain et compositeur hors pair, Orlando Valle.
A.-L.R.
Le festival
qui a des idées
La 20e édition, étoffée mais toujours gratuite,
propose têtes d’affiche et nouveaux talents.
Quarante spectacles en cinq jours. C’est l’avantage d’avoir vingt ans pendant l’année de la
capitale européenne de la culture. L’équipe de
Medhi Haddjeri et Marc Ambrogiani ont voulu
taper fort en faisant appel à quelques noms
emblématiques des musiques actuelles : Raggasonic, le duo le plus célèbre du ragga français,
côtoiera Ceux qui marchent debout, les pionniers du funk fanfare, mais aussi Féfé, l’ancien
du Saïan Supa Crew et L’orchestre national
de Barbès, groupe non moins mythique aux
influences arabo-méditerranéennes. Les musiques du monde ne sont d’ailleurs pas en reste
avec les Colombiens de Boza Nueva Gaita ou
les Franco-argentines Las Hermanas Caronni.
Comme souvent, une large place est consacrée
aux artistes de la grande région, dans leur diversité : L’homme parle, Zappia, Tchoune
Tchanelas, Ba Cissoko, Gari Grèu, Gacha
Empega et Dupain dont ce sera le premier
concert dans les Bouches-du-Rhône depuis leur
reformation. Mais on ne va pas aux Nuits Métis
pour simplement écouter de la musique. C’est
aussi une démarche citoyenne, voire militante,
qu’il est important de rappeler et de soutenir.
Animée par un attachement aux valeurs de
l’éducation populaire et de la diversité culturelle,
l’association Nuits Métis met en lumière, à
l’occasion de son festival, un travail de terrain
qui sème des graines d’esprit critique et de
vivre-ensemble tout au long de l’année.
THOMAS DALICANTE
Festival cubain Bayamo
du 5 au 21 juillet
Fort Napoléon, La Seyne-sur-Mer
04 98 00 25 70
http://www.bayamo.fr
Festival Nuits Métis
du 18 au 22 juin
Plan d’eau de Saint Suspi, Miramas
www.nuits-metis.org
Les nuits babéliennes
Salif Keita © Priscal Lobjoy
Toutes les générations seront présentes autour
de ce véritable tour d’horizon des musiques
contemporaines initié par le festival Les Nuits
d’Istres. Pour cette occasion, les mélodies singulières aux intonations afo-pop du musicien et
chanteur malien Salif Keïta (2 juillet) résonneront dans le parc du pavillon de Grignan.
Après six ans d’absence, IAM (4 juillet), le
groupe marseillais emblématique du rap français depuis le début des années 90, présentera
son dernier combat verbal avec l’album Arts
martiens. Agé de 85 ans et considéré comme
le père fondateur de la musique électroacoustique, la ville d’Istres accueillera Pierre Henry
(6 juillet), particulièrement connu pour son
œuvre Messe pour le temps présent créée en
collaboration avec le chorégraphe Maurice
Béjart. Enfin, une ambiance «Relax» englobera
le public grâce à la pop pétillante du jeune
auteur-compositeur-interprète Mika (9 juillet)
qui a déjà confirmé son talent grâce au titre
mondialement connu Relax, Take it Easy !A.-L.R.
Les Nuits d’Istres
du 2 au 9 juillet
Pavillon de Grignan, Istres
04 42 81 76 00
www.istres.fr
XIII
F
E
S
T
I
V
A
L
S
|
Le Festival Scènes à l’Empéri, au château salonnais du même nom, offrira au public une palette
d’artistes d’univers très différents. Avec plus de
100 millions de disques vendus, le célèbre crooner italo-belge Salvatore Adamo interprètera
son dernier album La grande roue (le 20 juillet).
Le groupe Lo’Jo, fort de ces trente années d’expériences, présentera son treize album intitulé
Cinéma el Mundo réalisé par Jean Lamoot (Noir
Désir, Alain Bashung, Mano Negra…). Denis
Péan (voix) et Richard Bourreau (violon) sont les
Féfé © X-D.R
L’Empéri dans tous ses «éclats»
M
U
S
I
Q
U
E
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
M
U
S
I
Q
U
E
Antonio Zambujo © Rita Carmo
L’étoile montante du fado interprète son 5e et
nouvel album, Quinto. Il introduit dans son fado
sans emphase des éléments chaleureux de jazz
et de bossa nova, sur des compositions de
Pedro Silva Martins, Márcio Faraco, Rodrigo
Maranhão et Miguel Jorge Araújo, ainsi que des
lettres de John Monk, Júdice Nuno, Maria do
Rosário Pedreira et José Eduardo Agualusa.
le 25 juin
La Criée, Marseille
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Léo
Ferré
Entre Richard Martin et Léo Ferré l’histoire
d’amitié et d’amour dure toujours… À l’occasion
du 20e anniversaire de la disparition de l’artiste,
le Toursky ouvre sa scène à une pléiade d’artistes qui lui rendront un hommage vibrant, parmi
lesquels Pierre Arditi, Michel Bouquet, Sapho,
Marie-Claude Pietragalla, Mickaël Lonsdale…
À noter que la soirée sera retransmise en
exclusivité dans quelques villes dont Marseille
et Miramas.
Grande Nuit Léo Ferré
le 14 juillet
Le Toursky, Marseille
0 820 300 033
www.toursky.org
Leo Ferré © D. Minard
///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
XIV
///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
Antonio Zambujo
Se
parler avec...
Lives au Pont
Avec les pieds, en dansant ! Car c’est bien la Pour la 3 année consécutive, la plage du Pont
danse qui va permettre les rencontres, lors du
Grand Bal de la Friche, «bal guinguette avec vrai
orchestre, douceur de l’été et robes qui tournent», concocté avec l’A.M.I. (Aide aux Musiques
Novatrices). Paso-doble, jerk, mashed-potatoes,
twist et slow, autant de danses qui donneront
l’occasion de créer du lien…
Se parler avec ses pieds
le 13 juillet
La Friche, Marseille
04 95 04 95 04
www.lafriche.org
Too Much…
© X-D.R
Après 10 jours de résidence, la tribu belge des
Too Much présente, en entrée libre à 18h30,
son deuxième album. De quoi tester son indiefolk en public car c’est en live que le groupe
prend toute son ampleur avec sa recherche
musicale très personnelle, une belle place accordée aux saveurs des voix et aux impulsions
percussives. Un groupe loin d’être too much !
Too Much & The White Nots
le 18 juin
Théâtre des Doms, Avignon
04 90 14 07 99
www.lesdoms.be
GanSan
© X-D.R
En partenariat avec ses voisins de l’Ajmi, les
Doms ouvrent leur Cour ombragée dès 19h
pour la fête de la Musique. Un bar, une petite
restauration, l’ambiance belge… pour écouter
dans les meilleures conditions le projet GanSan
ou la rencontre entre deux musiciens, le ribab
(sorte de violon emblématique de la culture
berbère du Sud du Maroc) et le saxophone
soprano. Une musique explosive et envoûtante,
entre liberté jazz et énergie rock, distillée par
six musiciens.
le 21 juin
Théâtre des Doms, Avignon
04 90 14 07 99
www.lesdoms.be
e
du Gard se transforme en scène soul, hip hop,
funk, rock et électro. Un beau programme qui
réunit pour la 1re soirée des pointures telles que
IAM, Wax Tailor mais aussi 1995 ou Azealia
Banks. Même qualité le lendemain, avec Asaf
Avidan, Woodkid, Vitalic Vtlzr… Une nouveauté
à souligner cette année, les Before, un tremplin
musical dédié aux artistes gardois. Mathis Haüg
et ZOB’ lanceront donc les deux soirées du
festival.
les 11 et 12 juillet
Le Pont du Gard, Vers-Pont-du-Gard
04 66 37 50 99
www.pontdugard.fr
L’Arlésienne
Zahia Ziouani © X-D.R
On connait la célèbre phrase que Daudet écrivit
à propos de son mélodrame créé en 1872 à
partir de sa propre nouvelle tirée des Lettres de
mon moulin : «Il n’y a pas d’Arlésienne dans ma
pièce. Il n’y a que son ombre. On en parle, on en
meurt, on ne la voit pas». Son absence devenue
«cliché» entretient un «mythe» qui transhume de
la Crau au pays de Pagnol avec un spectacle
musical, interdisciplinaire, fédérant du monde
en cette année «capitale». Le metteur en scène
Renaud Marie Leblanc ravive les couleurs du
drame provençal, ses émotions tragiques, dans
une version moderne et séduisante, au moyen
de choristes du territoire, 70 musiciens de
l’Orchestre Symphonique Divertimento
dirigés par Zahia Ziouani, 3 solistes, 3
danseurs et 4 comédiens. Et la musique de
scène de Georges Bizet livre sa leste Farandole,
majestueuse Marche des rois ou son poignant
Adagietto…
Le 20 juin à 22h, spectacle gratuit en plein air
Cours Voltaire, Aubagne
www.mp2013.fr
vence), propose sa désormais traditionnelle
tournée d’été du 25 juin au 12 juillet. Onze concerts
gratuits sont donnés dans les communes autour
d’Aix-en-Provence : des jardins d’Albertas à
Bouc-Bel-Air aux châteaux du Tholonet, Trets ou
Coudoux, des théâtres de verdure de Vauvenargues ou Vitrolles… Soixante musiciens, dirigés
par Jacques Chalmeau, interprètent un programme intitulé Résonances de Bohême avec
la Symphonie n°4 de Brahms, La Moldau de
Smetana et des Danses slaves de Dvorak. À
partager en famille !
JACQUES FRESCHEL
PAYS D’AIX. Concerts à 21h. Entrée libre
www.orchestre-philharmonique-aix.com
www.lestheatres.net
L’O.J.M.
Pour MP2013, l’Orchestre des Jeunes de la
Méditerranée s’associe à des opérateurs
régionaux pour réaliser des projets favorisant les
rencontres artistiques.
La collaboration, avec Charlie Free et la Compagnie Nine Spiritde Raphaël Imbertdébouche
sur trois concerts du Mediterranean Charlie
Orchestra (les 5 juillet à Vitrolles/Fontblanche, 6 juillet à Manosque/Jean le Bleu
et 7 juillet à St-Martin de Crau / Etang des
Aulnes).
Dans le cadre de l’Académie d’Orchestre du
Festival d’Aix, le travail génère deux programmes :
- Sira sur une musique de la jeune violoniste
tunisienne Jasser Haj Youssef (les 13 juillet au
Mucem et 15 juillet au Grand St-Jean)
- Roméo et Juliette de Prokofiev avec le Groupe
Grenade de Josette Baïz augmenté de textes
de Frédéric Nevcherlian (les 26 & 27 juillet
au GTP, 28 juillet à Manosque/ Jean le Bleu
et 29 juillet à Nice/Cimiez) ;
J.F.
www.ojmed.com
Jasser Haj Youssef © Fabien Lemaire
À l’initiative de l’Archevêché d’Aix, Les Festes
d’Orphée lancent une manifestation permettant de valoriser, dans le cadre prestigieux de la
Cathédrale St-Sauveur, la richesse patrimoniale des «maîtres de musique» qui ont œuvré
en ses murs du XVIIe au XIXe siècles : Campra,
Gilles, Audiffren, Poitevin, Félicien David… Un
trésor musical qui reste à connaître d’une grande part de ses riverains !
J.F.
AIX. Le 28 juin à 20h30. Cathédrale
04 42 99 37 11
www.orphee.org
Les Troyens
Clementine Margaine © X-D.R
Pour clôturer sa saison, l’Opéra de Marseille
affiche exceptionnellement, en juillet, la grande
fresque lyrique de Berlioz Les Troyens, opéra en
deux parties d’après l’Eneide de Virgile (La Prise
de Troie et Les Troyens à Carthage). L’œuvre est
donnée en version concertante avec une
distribution royale : Roberto Alagna chante à
Marseille, pour la première fois, le beau rôle
d’Enée, quand Béatrice Uria Monzon incarne,
dans la foulée, la prophétique Cassandre
comme la reine Didon abandonnée. Le duo de
stars est secondé par un plateau de haut-vol,
pour le chant français en particulier (Marie
Kalinine, Clémentine Margaine, Marc
Barrard, Nicolas Courjal…). L’Orchestre et
le Chœur de l’Opéra est dirigé par l’épique
maestro Lawrence Foster.
J.F.
MARSEILLE. Le 12 et 15 juillet à 19h. Opéra
www.opera.marseille.fr
04 91 55 11 10
Alors que se poursuivent les représentations de
Cléopâtre (jusqu’au 25 juin) à l’occasion de la
Fête de la Musique, le 21 juin à 18h à
l’Alcazar, la soprano Kimy Mc Laren (Octavie)
et le musicologue Lionel Pons donnent un
«Concert-Conférence» autour des mélodies de
Jules Massenet. Entrée libre (dans la limite des
places disponibles).
///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
Bohemian
rapsodie L’âge d’or
L’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix
de St-Sauveur
(en partenariat avec le Grand Théâtre de Pro-
Pas
de Quartier
Un conte musical urbain de Marianne Suner et
Eléonore Bovon, écrit à partir d’ateliers menés
avec des enfants et des adolescents marseillais.
L‘histoire de la transformation d’une cité interprétée par la «troupe chantante» Le Vivier qui
propose une structure musicale d’éducation
inspiré par le mouvement El Sistema (système
national des orchestres de jeunes et d’enfants
du Venezuela) : une expérience dans les quartiers nord de Marseille à découvrir !
J.F.
MARSEILLE. Les 20 et 21 juin à 21h30.
Parc de la Mairie des 13/14e
Entrée libre
http://le.vivier.over-blog.fr
Airs
d’opéras
Un concert de soutien à l’association La Bourguette, pour ses 40 années de travail auprès
des autistes, avec Lucille Pessey (soprano),
Ninon Dann (mezzo), Mathieu Abelli (baryton) et la pianiste Amandine Habib. Une
organisation hors programmation de Marseille
Concerts.
J.F.
AIX. Le 20 juin à 19h30. Hôtel Maynier d’Oppède
06 31 90 54 85 www.marseilleconcerts.com
www.bourguette-autisme.org
Dee
Dee & China
Mère & fille, divas du jazz ! Dee Dee Bridgewater & Chana Moses sur le Vieux-Port
dans des standards de jazz symphonique, avec
l’Orchestre Philharmonique de Marseille
dirigé par Dominique Trottein et le pianiste
Laurent de Wilde.
Marseille. Le 30 juin à 21h30. Vieux-Port
Concert gratuit http://opera.marseille.fr
Musicatreize
L’ensemble vocal de musique contemporaine
poursuit la création de son «Cycle des berceuses» (voir p34).On entend, en premières mondiales,
celles commandées aux musiciens Miguel
Gálvez Taroncher (Que velo tus sueñosy tu
vigilia), Ivan Solano (Ailes de lumière) et Patrick Burgan (Les Sommeils de Sappho).
MARSEILLE. Le 5 juillet à 20h. Salle Musicatreize
www.musicatreize.org 04 91 00 91 31
Musicatreize © Guy Vivien
XV
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
M
U
S
I
Q
U
E
Sauver
de l’oubli
|
F
E
S
T
I
V
A
L
S
M
U
S
I
Q
U
E
L’été du grand-Aix
On n’oublie pas que le Festival d’Aix affiche
une «ouverture» lyrique intéressante en juin :
après des manifestations autour du cinquantenaire Francis Poulenc, on découvre une série de
concerts consacrés à Mozart et Britten (centenaire oblige !) par les «Jeunes voix lyriques» de
l’Académie Européenne de Musique. Le chœur
multiculturel Ibn Zaydoun et les voix corses d’A
Filetta s’invitent également au prélude, quand
l’événement le plus attendu reste l’«Opéra pour
chœur d’enfants» Brundibár d’Hans Krása (18991944). Une fable d’autant plus chargée d’émotion
qu’elle fut créée en 1943 au camp de concentration de Terezin ! Elle est symboliquement
représentée les 21 et 22 juin sur le site-mémorial du Camp des Milles, lieu de passage,
d’internement et de déportation d’artistes et
intellectuels qui y «créèrent pour résister» à
l’horreur nazie. On ne manque pas non plus la
désormais traditionnelle Parade[s] qui, sur le
Cours Mirabeau, offre gratuitement aux aixois,
en 2013, des airs célèbres de Rigoletto (30 juin).
Cinq opéras
En dehors du controversé Don Giovanni (pour la
mise en scène de Dmitri Tcherniakov/ production 2010 du Festival), on découvre quatre
autres opéras, vitrines de la manifestation lyrique,
dont un populaire Rigoletto mis en scène par
Robert Carsen pour une luxueuse coproduction avec les Opéras du Rhin, Genève, du Bolchoï
et de La Monnaie. À l’Archevêché, Mozart et
Verdi sont servis par le London Symphony
Orchestra.
Dans l’écrin du Jeu de Paume on profite d’un
«Dramma per musica» écrit au XVIIe siècle par
Francesco Cavalli… et plus représenté depuis !
Elena, inspiré librement de l’histoire de l’antique
et sensuelle Hélène est dirigé par Leonardo
García Alarcón.
C’est un autre mythe grec, mis en musique par
Richard Strauss (qu’on a pu apprécier aussi
cette saison à l’Opéra de Marseille) qui attire
particulièrement l’attention. D’abord pour la
puissance expressive d’Elektra, mais aussi une
affiche exceptionnelle au Grand Théâtre de
Provence. Cette coproduction de La Scala, du
Met, des Opéras d’Helsinki, du Liceu de Barcelone et du Staatsoper de Berlin est mise en
scène par Patrice Chéreau quand l’Orchestre
de Paris est dirigé par Esa-Pekka Salonen. La
distribution vocale est à la hauteur de l’événement avec Evelyn Herlitzius, Waltraud Meier,
Adrianne Pieczonka et Mikhail Petrenko
dans les quatre principaux rôles.
On se dirige enfin vers le Grand Saint-Jean
pour assister à la création contemporaine du
festival. Né en 1977, le compositeur Vasco Mendonça compose The house taken over «texte
pour musique» d’après La maison occupée de
Julio Cortázar.
Les concerts
L’Orchestre de Paris, dirigé par Alain Altinoglu avec la mezzo Nora Gubitch et le
violoniste Vadim Repin (12 juillet), par EsaPekka Salonen avec la basse René Pape (18
juillet), le London Symphony Orchestra dirigé
par Gianandrea Noseda avec le ténor Ian
Bostridge (17 juillet), offrent les grands moments symphoniques du festival au Grand
Théâtre de Provence.
Jean-Marc Aymes aux claviers, avec la soprano Maria Cristina Kiehr (16 juillet), ou en
solo (24 juillet), occupent l’Eglise Saint-Jean
de Malte pour de la musique italienne du Seicento, quand la musique de chambre résonne
au Théâtre du Jeu de Paume grâce au Quatuor Jerusalem (10 & 12 juillet) ou au Camp
des Milles avec le Quatuor Bela (8 juillet).
L’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée
(dir. Kristjan Järvi) et le Groupe Grenade de
Josette Baïz unissent leurs talents pour une
chorégraphie du Roméo et Juliette de Prokofiev
augmenté de textes de Frédéric Nevcherlian
(26 & 17 juillet au GTP).
JACQUES FRESCHEL
Festival International d’art lyrique
jusqu’au 27 juillet
Aix-en-Provence
0820 922 923
www.festival-aix.com/fr
Don Giovanni © Pascal Victor - Artcomart
XVI
Le 8e Festival Musiques Interdites, dans le
cadre de MP2013, propose trois créations,
dont deux dans la Cour de l’Hôtel de Préfecture, à Marseille, capitale de l’exil durant
le dernier conflit mondial.
On découvre Die Kathrin versus Zone Libre
dernier opéra de Korngold (non créé en 1938
du fait de l’envahissement de l’Autriche par les
nazis), dans une adaptation, actualisation de la
partition originale et du livret, interprétée par
des solistes de l’Opéra de Vienne et l’excellent Orchestre Symphonique de la Garde
Républicaine (6 juillet).
L’opéra The Barrier versus Le Mulâtre de
Jan Meyerowitz (musicien sauvé de l’internement
au Camp des Milles par le réseau de Varian
Fry) fut créé dans deux versions américaine et
italienne. Il traite de la ségrégation raciale. On
assiste à sa création/adaptation en France par
des musiciens venus d’Afrique du Sud et la
basse Nicolas Cavallier (11 juillet). Des opus
augmentés d’installations plastique et vidéo !
Depuis 2004, l’équipe de Michel Pastore réhabilite des œuvres dites «dégénérées», générique
sous lequel les responsables culturels nazis
mirent à l’index, dès 1933, des compositeurs
importants du début du siècle. Qu’ils aient disparu en déportation ou dans l’anonymat de
l’exil, ces musiciens n’ont toujours pas retrouvé la place qui devrait être la leur dans la vie
musicale de notre temps. De surcroît, le Festival
initie une programmation de créations contemporaines en synergie avec les recréations
d’œuvres interdites, comme l’opéra-ballet
Equinoxe de Karol Beffa (Victoire de la Musique 2013) d’après l’Amérique (Le Disparu) de
Kafka mis en scène par Laurent Festas avec
l’Ensemble Contraste dirigé par Johan
Farjot (9 juillet à St-Cannat les Prêcheurs).
J.F.
Festival Musiques Interdites
les 6, 11 et 9 juillet
Marseille
06 87 71 42 82
www.musiques-interdites.eu
Alexandra Reinprecht, soprano,
dans Die Kathrin versus Zone Libre © Markus Tordic
Wagner & Verdi à l’antique
accompagné par l’Orchestre National de Bordeaux (dir. Alain
Altinoglu) et les chanteurs de nos
Opéras de Région. Les solistes,
de Kristin Lewis à Ramón Vargas,
sont des experts du genre (les 3 et
6 aout). Toujours du grand spectacle populaire au théâtre de pierres !
Les concerts
On attend deux beaux récitals de
piano avec la star chinoise Lang
Lang dans Mozart et Chopin (le 11
juillet), comme un grand pianiste
français François Frédéric Guy
pour un programme de transcriptions virtuoses tirées d’opéras de
Wagner et l’Hammerklavier de Beethoven (le 15 juillet. Cours St-Louis).
Le Quatuor © Didier Pallages
Au cœur du patrimoine
Aixois, de la Chapelle des
Oblatsau Musée Granet
en passant par le Pavillon
de Vendôme, le Festival
Côté Cour construit une
nouvelle programmation
sur le thème des «Chants
de la méditerranée». Au
rythme de l’impressionnante viole de gambe et du
théorbe, l’ensemble Dulcisona interprétera avec
douceur les airs baroques
© X-D.R
Ensemble Dulcinosa
de Nicolas Saboly et d’André Campra (9 juillet). Passionnés et amateurs pourront
admirer la voix puissante de la jeune andalouse Rocio Marquez, l’une des étoiles montantes du chant flamenco (13
juillet). L’ensemble Concert de l’Hostel Dieu présentera un
programme autour la Ciaccona, une danse née dans l’Italie du
XVIIe siècle dont la rythmique a inspirée aussi bien les
musiques savantes comme les folies de Monteverdi que les
musiques plus populaires avec les célèbres tarentelles (24
juillet). Enfin, pour la première fois depuis sa création, le
festival proposera des chants polyphoniques corses. Enco
de Botte & C° (28 juillet), un groupe mixte et atypique composé de connaisseurs de jazz, de chants des Balkans ou
encore de musiques brésiliennes, a trouvé une unité autour
du répertoire corse pour offrir un véritable moment de grâce !
Festival Côté court
du 9 au 28 juillet
Chapelle des Oblats,
Pavillon de Vendôme et Musée Granet,
Aix-en-Provence
06 83 60 19 80
www.festival-cotecour.org
l’inusable Leo Nucci chantent La
Traviata et Rigoletto (le 5 aout).
JACQUES FRESCHEL
Les Chorégies d’Orange
du 11 juillet au 5 août
04 90 34 24 24
www.choregies.fr
Festival estival
Ode à la méditerranée !
ANNE-LYSE RENAUT
Francois Frederic Guy © X-D.R
Alors, comme tout va par deux sur
cette côte du Rhône, on goûte aussi,
sans modération, à un double duo
lyrique : Anna Caterina Antonacci et Roberto Alagna livrent des
airs italiens courant du bel canto de
Bellini au vérisme de Cilea (le 19
juillet), quand Patrizia Ciofi et
Place à l’humour en ouverture du
Festival estival 2013 de Toulon et
sa région avec la tournée d’adieu (?)
du Quatuor (Danseurs de Cordes,
le 25 juin à 22h. Châteauvallon)
et Les Pianotokés (Le match de
piano, le 28 juin à 21h30. Faron/
Théâtre de Verdure) !
Le seul concert symphonique de la
manifestation affiche le violoniste
Valeriy Sokolov et l’Orchestre de
l’Opéra de Toulon dans Mozart et
les britanniques Elgar et Berkeley
(le 29 juin à 21h30. Toulon/Tour
Royale).
Le traditionnel duo François-René
Duchâble (piano) & Alain Carré
(récitant) trace Le roman de Venise en mêlant la musique de Chopin
à la correspondance de Musset et
George Sand (le 2 juillet à 21h30.
Toulon/Tour Royale).
Après cette page romantique on
file sur les traces d’Alphonse Le
Sage et de Calenda Maia… Musique des palais et du désert, d’un
dialogue entre orient et occident,
rêve d’une humanité réconciliée
autour du bassin méditerranéen aux
sons de l’oud, des ney et duduk, de
XVII
F
E
S
T
I
V
A
L
S
|
Il n’y aura pas de 2e représentation
du Vaisseau Fantôme au Théâtre
antique d’Orange cet été : plutôt
navrant en ce bicentenaire Wagner !
On se précipite donc sur l’unique
spectacle du 12 juillet mis en scène
par Charles Roubaud avec l’Orchestre de Radio-France (dir.
Mikko Franck) et les Chœurs des
Opéras de Région. Une co-production avec l’Opéra de Marseille
et une distribution wagnérienne
triée au rayon héroïque par l’équipe
de Raymond Duffaut !
Pour le bicentenaire Verdi, on conserve, au pied du célèbre mur vauclusien,
un principe binaire de représentations. Un bal masqué est mis en
scène par Jean-Claude Auvray,
la lire et des flûtes, le tout conduit
par Jordi Savall dirigeant Hespèrion XXI (le 4 juillet à 21h.
Six-Four/Eglise Ste-Anne).
C’est ensuite La Follia… Le violon
virtuose à l’époque baroque (sujet au programme du bac option
musique en 2013 et 2014 !) qu’on
écoute en variations par les archets
acrobates d’Europa Galante dirigés par Fabio Biondi (le 6 juillet à
21h. Six-Four/Eglise Ste-Anne).
Le Quatuor Psophos et la violoncelliste Emmanuelle Bertrand
jouent le beau Quintette de Schubert
ainsi que deux pièces romantiques
de musique de chambre peu courues
de Théodore Gouvy (partenariat avec
le Palazzetto bru Zane – Centre
de musique romantique française,
le 9 juillet à 21h. Six-Four/Eglise
Ste-Anne).
Retour enfin à Toulon pour Rhapsodies… Liszt et les Tziganes
avec le pianiste roumain Ferenc
Vizi accompagné de cymbalums
hongrois de l’Ensemble Cziffra
pour des Rhapsodies et Csardas de
Franz Liszt (le 11 juillet à 21h30.
Tour Royale). J.F.
Festival estival de Toulon
et sa région
du 25 juin au 11 juillet
04 94 93 55 45
www.festivalmusiquetoulon.com
M
U
S
I
Q
U
E
13e Festival de guitare
de Lambesc
XVIII
|
F
E
S
T
I
V
A
L
S
M
U
S
I
Q
U
E
décryptent les aventures des thèmes musicaux
qui voyagent entre les époques et les continents. Ryszard Balausko, maître de la guitare
polonaise, donnera une large part aux musiciens
de la renaissance polonaise et européenne,
mais aussi, entre autres, à Villa Lobos, Fernando
Sor, Albéniz, tandis que sa compatriote, Dominika Bialostocka nous emportera auprès des
grands compositeurs d’Amérique du Sud.
Ahmet Kanneci fera découvrir la musique
populaire turque et les auteurs contemporains
de son pays. José Luis Ruiz Del Puerto s’attachera à un répertoire consacré à la création
espagnole et aux œuvres actuelles. Jorge Car-
La dynamique Association Aguira dirigée par
Charles Balduzzi réunit cette année encore
une belle brochette de guitaristes internationaux, dans le superbe cadre du château Pontet
Bagatelle à côté de Lambesc. Espagne, Amérique Latine, Pologne et pour la première fois
Turquie sont représentées. Musiques anciennes
et contemporaines, savantes et populaires sont
interprétées avec talent. Les artistes nous donnent à entendre les résonnances, les échos,
tissent de subtils ponts entre les traditions,
doso, directeur artistique du festival fêtera
cinquante ans de carrière et nous offrira une
somptueuse rétrospective. Surprise de choix du
Festival, Paco Ibañez, figure marquante s’il en
est de la chanson résistante et poétique, a accepté de donner un concert au cours duquel il
appellera auprès de lui Jorge Cardoso et le
poète provençal André Peyron.
MARYVONNE COLOMBANI
du 30 juin au 6 juillet
Château Pontet Bagatelle, Lambesc
04 42 92 44 51
www.festivalguitare-lambesc.com
Don Quichotte au village
Cette année, l’Opéra au village invite dans le
superbe cadre du couvent des Minimes Don
Quichotte, une opérette de Florimond Roger
(XIXe), plus connu sous le nom de Hervé et par
Mam’zell Nitouche. En fait, il y a plusieurs versions de Don Quichotte d’Hervé, dont un livret
posthume, Don Quichotte Berger ou la nouvelle
Arcadie, confié au compositeur et performeur
contemporain Jean-Michel Bossini. Les deux
œuvres, celle d’Hervé et celle de Bossini seront
présentées en diptyque, la seconde comme un
flash-back de la première, sous la direction de
Jean-Michel Bossini lui-même, dans une mise en
scène de Bernard Grimonet. Sachant que la
direction musicale est confiée à Luc Coadou,
on peut déjà s’attendre à un régal pour fin gourmet après les agapes proposées rituellement
sous les grands marronniers du couvent.
La nuit
Pastré
Photo de la premiere lecture de la partition © Bernard Grimonet
L’Opéra au village
du 16 au 24 juillet
Couvent des Minimes, Pourrières
06 98 31 42 06
www. loperaauvillage.fr
MARYVONNE COLOMBANI
Festival de Chaillol
Le sextet Astillero se définit comme «tango de
ruptura», audacieux, créatif, mais qui connait
son Piazzolla sur le bout de doigts dansant aux
touches des bandonéons. À cet alpha du 17e
Festival de Chaillol, baladant ses croches des
vallées du Champsaur et Valgaudemar aux limites du pays gapençais, répond un oméga, une
autre tradition réinventé par Lo Cor de la plana,
hommes marseillais conduits par Manu Théron
et les filles napolitaines d’Assurd et Enza Pagliara. Entre ces deux pôles se déclinent, à travers
des cycles romantiques où le piano trône, «Une
traversée inachevée» de Schubert (Simon Zaoui),
«La folie créatrice» de Schumann (Hélène Tysman), et le regard argentin de Gustavo Beytelman
sur les Tableaux d’une exposition de Moussorgski…
Helene Tysman © Mateusz Zahora
Musiques d’ici et là-bas, le Quartett Drailles
rend un hommage inventif aux musiques des
Alpes quand le Quatuor Bela mêle ses cordes
classiques à celles du griot africain Moriba Koïta. Au dépouillement minimaliste imaginé par le
pianiste de jazz Guillaume de Chassy, en trio,
répond un pan d’œuvres toutes fraîches. On découvre celles d’Ivan Solano, compositeur invité
de la saison 2013, à la clarinette seule, ou comme lors d’un beau programme de l’ensemble C
Barré qu’on a entendu à la Salle Musicatreize,
à Marseille, fractionné des mois de décembre à
février derniers (voir Zib 59 et 61). C’est là-même
également qu’on a découvert un opus composé
par Georges Bœuf sur le magnifique texte L’Homme qui plantait des arbres de Jean Giono (voir p 34).
Vingt-quatre concerts, moments d’échange d’une
belle diversité, entre traditions, orale, populaire
ou savante, et une innovation rééchelonnant le
passé !
JACQUES FRESCHEL
Du 18 juillet au 12 août
Programme complet sur www.lebocage.org
04 92 51 59 86
En une nuit le Centre National de
Création Musicale joue sa grande
carte 2013 : le GMEM, MP2013 et
Lieux publics coproduisent le 12
juillet 2013 un événement énorme ! mais chaleureux, convivial,
varié et ouvert à tous, y compris
aux familles et aux réfractaires à la
musique contemporaine. On s’y
promènera dans la campagne Pastré avec des lampes de poche, pour
y découvrir ici un pianiste, là de la
diffusion sous tente, des installations,
de la danse aussi, et l’ensemble C
Barré en plusieurs formations…
Dans tous les coins, jusqu’à la salle
de concert au château, chaque
pièce est jouée plusieurs fois, et s’il
n’y a pas d’itinéraire exhaustif il y
a des chemins possibles. On y croise
Guillaume Monsaingeon (conteur), Didier petit (violoncelliste
jazz), Isabelle duthoit (clarinettiste)
Johanne Saunier (chorégraphe)
et les compositions /performances de Llorenç Barber, Wilfried
Wendling, Pierre Berthet, Sébastien Rouxet Cecile Houdard...
Et une restauration conviviale, des
navettes, maritimes ou routières,
depuis le centre et, espérons-le, la
chaleur vespérale et la douce
fraicheur nocturne !
A.F.
le 12 juillet
Campagne Pastré, Marseille 8e
04 96 20 60 10
www.gmem.org
«Musique en vacances»
|
M
U
S
I
Q
U
E
et le baryton Pierre Villa-Loumagne !
JACQUES FRESCHEL
Festival Musique en Vacances
du 14 au 21 juillet
La Ciotat
04 42 83 08 08
www.amei-festival-laciotat.com
Festival De Vives Voix
Pour la 10e édition du festival De Vives Voix,
l’association Les Voies du Chant a concocté trois
journées festives où la qualité et l’eclectisme
sont au rendez-vous. Une soirée d’ouverture
avec Duo Caminantes pour un cabaret latino,
rancheras mexicaines, boléros, chacareras
argentines, par Chloé à la guitare et au chant,
et Clément à la guitare. Une carte blanche sera
offerte à Alain Aubin, pour un apéro chanté dans
les jardins de la sucrière avec les Choralys puis
un récital lyrique Berlioz, Offenbach, Chostakovitch, dès la tombée de la nuit, et le bonheur
de la deuxième vague d’Aïodé, l’oratorio lyrique
composé par Alain Aubin pour la nuit d’ouverture de MP13, avec la voix du vocaliste Gino
Sitson, le tout sous la direction de Jacques
Chalmeau. Enfin, Kin’Kila, quintet vocal féminin,
issues de Marseille, Aix, Toulon, qui conjugue
avec un talent fou des sensibilités musicales
venues du monde entier. Leur répondra un
sextet masculin, Radio Babel Marseille, et la
poésie du poète Louis Brauquier. Pour finir, la
dernière création de Bruno Allari, Buena
Sombra, avec le groupe Rassegna, poésie des
chansons de Naples à l’Espagne en passant par
le chaâbi algérois. Trois jours de fête vocale !
M.C.
De Vives Voix
les 3, 4 5 juillet
Théâtre de la Sucrière, Marseille
09 54 45 09 69
www.lesvoiesduchant.org
Floraisons Musicales
Nomadeus © X-D.R
Pour leur 17e édition, les Floraisons musicales permettent
d’entendre un choix éclectique avec des formations aux
inspirations multiples : le groupe Nomadeus, tourné vers les
musiques traditionnelles Klezmer/yiddish, le Quatuor Harold
qui interprète Haydn (quatuor
en sol majeur op 76 n°1) et
Anton Dvorak (quatuor n°12
en fa majeur, op.96, «Américain»), Sergio Marchegiani
au piano pour une soirée Chopin évènement avec l’intégrale
des Nocturnes, l’orchestre de chambre éclosion
et Pierre Hommage au violon pour des séré-
Sacrées
cimes
15e du nom, le Festival International d’orgue du Monêtier-les-Bains
s’annonce copieux ! Pas moins de
11 concerts permettront aux tuyaux
mitoyens des sommets alpins de
sonner sous les doigts et la houlette
d’Eric Dalest, et aussi d’interprètes internationaux venus des
Pays-Bas, de Pologne, d’Allemagne, de Belgique, de Suisse et
d’Italie. Des formules classiques,
où le roi des instruments accompagne la voix ou la trompette,
tutoieront des attelages singuliers
permettant de découvrir la flûte de
pan ou le cor. F.I.
Kin'Kila © X-D.R
F
E
S
T
I
V
A
L
S
Edouard Exerjean, le 15 juillet © X-D.R
XX
Organisé par l’A.M.E.I. (Association Méditerranéenne d’Echanges Internationaux), le 18e
festival de Musique en Vacances propose, à
La Ciotat, une série de concerts au cœur de
juillet. On y retrouve des musiciens qui œuvrent
régulièrement dans la région, comme les violoniste Philip Bride pour un «Hommage à Zino
Francescatti», ou Laurence Monti dans le Triple
concerto de Beethoven en compagnie de l’Orchestre de Bryansk qui joue également la 7e
symphonie de Beethoven… Un «Trio atypique»
composé de bandonéon, accordéon et hautbois
(Patrice Barsey) ou les «Partitions littéraires»
d’Edouard Exerjean complètent une affiche
augmentée de «Soirée jazz», «Voix de la Méditerranée», Gospel, Danses Celtes, conférences…
Le Septuor du Parvis joue des classiques
célèbres quand Opérabulles donne un show
lyrique. Une manifestation qui se conclut par un
duo fêtant Verdi : la soprano Monique Borelli
nades de Tchaïkovski et de
Mozart, enfin, le Philippe
Renault Jazz Quartet qui
proposent non seulement
une relecture des standards
de jazz des années 30, mais
aussi Bach et Debussy ! Et
tout cela à Saint-Didier,
Bollène, Valréas, Moustier-Sainte-Marie.
M.C.
Les Floraisons Musicales
du 19 juillet au 8 août
04 90 303 600
www.floraisonsmusicales.com
Festival International d’orgue
du 16 juillet au 18 août
Monêtier-les-Bains,
Vallée de la Guisane (05)
0607684906
www.dalest.org
Rencontres
médiévales
L’Abbaye cistercienne du Thoronet, à l’acoustique exceptionnelle,
reçoit les 23e Rencontres de Musique Médiévale programmées
depuis sa création par Dominique
Vellard qui défend l’idée que «c’est
dans la confrontation avec la richesse des traditions séculaires que le
musicien d’aujourd’hui peut se réapproprier l’histoire de la musique
européenne». Au public donc d’y
découvrir des ensembles de tous
pays dans un répertoire ancestral,
vocal ou instrumental, monodique
ou polyphoniques, sacré, profane,
universel !
J.F.
Rencontres de musique médiévale
Abbaye du Thoronet
du 16 au 21 juillet
04 94 60 10 94
www.musique-medievale.fr
C
I
N
É
M
A
Claustrophobie
Jusqu’au 30 juin, Lieux Fictifs présente Frontières Dedans/Dehors, un dialogue
entre l’art, la prison et la société à la
Friche. Un dialogue qui se noue autour
d’une exposition de films courts et
d’une installation cinématographique,
fruits d’un travail de longue haleine
mené avec des personnes détenues et
d’autre pas, avant de s’approfondir lors
d’une conférence ouverte aux professionnels comme au grand public.
L’exposition Images en mémoire, images en miroir a été conçue à partir
d’archives mises à disposition par l’INA,
les participants ayant eu pour règle du
jeu de les utiliser de manière fictionnelle en y mêlant la matière de leur
propre vie. Le résultat est immersif :
sur les écrans inondations, avalanches, fusillades et scènes d’émeutes
vous sautent à la figure, tandis que
l’impact énorme du montage audio
résonne dans les casques mis à disposition. Quelqu’un vous assène «tu es
ce congolais, tu es cet algérien» devant
l’image d’un homme menotté, molesté ;
une femme évoque sa vie à attendre
celui qui est en prison, tandis qu’une
autre murmure en espagnol : «siento
la rabia crecer1». La scénographie provoque chez le spectateur une étrange
réminiscence (peut-être un cliché ?)
liée au pouvoir évocateur des postes de
télévision, à travers lesquels la rumeur
du monde parvient aux détenus.
C’est aussi la scénographie qui frappe
lorsqu’on aborde Dans la solitude des
champs de coton, l’installation cinématographique programmée à la
Cartonnerie. Un dispositif de fauteuils
rotatifs entre quatre écrans géants
donne au début une sensation de liberté : d’un mouvement du pied on passe
d’un mur à l’autre, du personnage du
dealer à celui du client, incarnés par de
multiples visages et autant de voix.
Mais très vite le procédé se révèle
étouffant, la pièce semble rétrécir avec
les minutes qui passent, la claustrophobie guette. Certains spectateurs
émergent du spectacle deux heures
plus tard avec la sensation de pouvoir
enfin reprendre souffle, d’autres restent assis un petit moment, histoire de
digérer tranquille cette forte impression. Le texte de Koltès, malaxé par
des interprètes amateurs souvent
bluffants de présence, irrite ou fascine,
pas d’entre-deux. Une telle langue ne
peut pas séduire tout le monde, mais
ne laisse personne indifférent.
GAËLLE CLOAREC
1
«Je sens la rage monter»
Images en mémoire, images en miroir
et Dans la solitude des champs
de coton, du 13 au 30 juin
Conférence européenne sur la création
artistique avec les publics sous main
de justice, du 25 au 27 juin
La Friche la Belle de Mai, Marseille
Dans la solitude des champs de coton réalisée par Joseph Cesarini et Caroline Caccavale © Andre Merian
60
‫وه شيعي‬
Le spectateur avait l’embarras du choix pour
ces Premières Rencontres des Cinémas
Arabes à Marseille ! Et ses seuls regrets
vont aux films qu’il n’a pas pu voir… même
si beaucoup étaient projetés deux fois. Une
programmation dense et riche dont a profité
un public très diversifié.
En ouverture, le film de Faouzi Bensaïdi
s’attache au destin de trois copains, à Tétouan, entrainés dans une spirale tragique,
entre délinquance, corruption policière,
prostitution, trahison et fanatisme religieux.
Mort à vendre, construit comme un film
policier, est aussi le portrait d’une jeunesse
sans avenir et sans présent, dont tous les
espoirs se heurtent à des murs. Film sombre aussi nous ramenant vers les années
tragiques de l’Algérie, Yema de Djamila
Sahraoui nous raconte une tragédie universelle, celle d’une mère qui a deux fils
ennemis. Ouardia, interprétée par la réalisatrice elle-même, a perdu l’un de ses fils,
officier. Le deuxième se bat dans les maquis,
dans la montagne. On retrouve dans ce film
les thèmes chers à la réalisatrice, la violence
de l’Algérie, de son histoire, la violence contre les femmes, l’état de désespoir total et la
question de savoir comment vivre quand
même.
Comment vivre à 22 ans, quand on est forcée
d’épouser un homme beaucoup plus âgé, et
soumis à sa mère ? Ons, la jeune femme,
refuse de se rendre à la noce, s’enferme
dans sa chambre, provoquant la colère de
son père qui commence à la tondre. Elle
s’enfuit dans sa robe de mariée qu’elle a
raccourcie après s’être rasé complètement
le crâne. De son côté, Halim, qui a pour
seules distractions le «dialogue» avec son
père mort et les chansons d’Abdelhalim
Hafedh, vit ce mariage raté comme une
humiliation ; il s’isole puis s’enfuit rejoindre
une bande de copains, marginaux, vivant
dans un no man’s land près du port de Bizerte. Film déjanté sur l’absence réelle et
métaphorique des pères, Où est papa ? de
Jilani Saadi est d’une grande originalité,
avec des séquences drôles et une mise en
scène superbement maitrisée. La fin du film,
où Halim se débarrasse de la «pisseuse» en
la jetant dans le puits parce qu’elle n’aime
pas son chanteur préféré, est troublante :
sûrement au second degré ? On peut ne pas
apprécier l’ambiguïté.
Comment vivre et résister aux contraintes
sociales quand on est une jeune femme,
voilée ou non, dans une Tunisie en pleine
révolution ? C’est l’idée de révolution intérieure qui nourrit le dernier film de Nouri
Bouzid, Millefeuille. Car Aïcha et Zaineb,
deux personnages qui se cherchent, aspirent
seulement à pouvoir vivre et sont obligés de
*
Eat, Sleep, Die de Gabriela Pichler
‫ةمواقم يف‬
Où est papa ? de Jilani Saadi
se battre pour cela. Tout comme la petite et
courageuse Wadjda dans le film de Haifaa
al-Mansour (voir Zib’61), la jeune Sabrina
dans Rengaine de Rachid Djaîdani (voir
Zib’58) ou les femmes yéménites du
documentaire de Khadija Al Salami, Le Cri.
Ou encore comme la petite Sarah du
superbe film d’Uda Benyamina, Sur la Route
du Paradis, Coup de cœur de deux jurys : les
lycéens et les Associations.
Les tables rondes du matin ont permis aux
réalisateurs des différents cinémas arabes
-le cinéma de chaque pays circule très peu
dans les autres- de s’étonner des points
communs de leur thématiques, et de dégager l’idée d’une vraie unité, dans la résistance,
la place des femmes, la pauvreté, la révolte
et la tragédie. La religion aussi. «Quel cinéma faire aujourd’hui ?» a permis de poser
aussi des questions formelles importantes :
Que veut dire filmer dans les pays arabes ?
Quels outils utiliser ? Quel statut pour les
images faites par les téléphones portables ?
À l’heure d’internet le cinéma reste-t-il l’art
du recul et de la distance ?
Ces échanges donnent tout leur sens à ces
Premières Rencontres des Cinémas Arabes : Marseille, malgré les réticences de la
Ville, est la seule cité où ces cinémas peuvent aujourd’hui se rencontrer, et résister
aux forces tragiques qui contrecarrent
aujourd’hui les élans des révolutions.
ANNIE GAVA
* Vivre, c’est résister
Les Rencontres des Cinémas Arabes
ont eu lieu du 28 mai au 2 juin
Aflam, Diffusion des Cinémas Arabes,
Marseille
04 91 47 73 94
www.aflam.fr
Noire Suède
Si le festival nouv.o.monde de Rousset a commencé par emmener
son public à Tétouan avec Faouzi Bensaïdi et son beau film sombre
Mort à vendre, c’est en Argentine avec le film de David Maria Putorti,
La guerre au cochon, et en Suède que le voyage s’est achevé,
dimanche 2 juin.
En effet, Silvia Vaudano et son équipe des Films du Delta ont
programmé le 1er long métrage de Gabriela Pichler, une jeune
réalisatrice suédoise, qui a travaillé dans l’industrie alimentaire avant
de faire des études de cinéma. Et pour un coup d’essai, c’est un coup
de maître : Eat Sleep Die (Äta sova dö), un film à la fois coup de poing
et bijou d’humanité, a reçu à juste titre plusieurs Guldbagge -les
César suédois-, Le Prix du Public à la Mostra de Venise et le Grand
Prix au festival Premiers Plans d’Angers.
Raisa, jeune ouvrière, originaire du Monténégro dans une petite ville
de Suède, fait partie des plus rapides pour mettre en carton les
barquettes de salade, travail à la chaîne peu gratifiant mais qui lui
plait et lui permet de soutenir son père, malade, avec qui elle vit et
auquel elle est très attachée. La bonne humeur règne dans cette
usine familiale jusqu’au jour où… crise oblige ! un responsable
annonce aux ouvriers qu’une partie d’entre eux va être licenciée. La
séquence où le contremaitre vient chercher, un par un, ceux qui sont
concernés, est d’une violence terrible. La caméra portée scrute les
visages, dans un silence de mort. Quand Raisa s’aperçoit qu’elle va
être une des victimes, elle prend la fuite pour ne pas entendre le
verdict. Raisa, sans diplôme et sans permis de conduire, va se battre
pour trouver un nouveau travail, sans baisser les bras. Malgré son
physique ingrat (Gabriela Pichler a mis plus d’un an pour trouver
Nermina Lukac, son actrice non professionnelle), on s’attache à ce
personnage, la suivant pas à pas dans son parcours de la
combattante, au gré de la caméra portée qui ne la lâche pas :
démarches, réunions de soutien psychologique aux personnes
licenciées, cruels jeux de rôles auxquels elle doit participer,
rencontres avec ses anciennes collègues qui ont conservé leur travail
et deviennent distantes. Mise en scène nerveuse ; on pense à Rosetta
des Frères Dardenne et à Sur la Planche de Leila Kilani. La grande
acuité du regard de cette jeune réalisatrice nous fait découvrir sans
manichéisme une Suède noire que le racisme gangrène, qui écrase
les plus fragiles. Pourtant, on ne sort pas désespéré de ce film
bouleversant car Gabriela Pichler a aussi montré la solidarité entre
immigrés -la séquence finale en témoigne- et la grande humanité de
ses personnages.
ANNIE GAVA
Le festival nouv.o.monde a eu lieu du 30 mai au 2 juin à Rousset
Les Films du Delta
04 42 53 36 39
www.filmsdelta.com
61
C
I
N
É
M
A
Revoir Pasolini
62
C
I
N
É
M
A
C’est au cipM, au milieu des livres de
Pier Paolo Pasolini, qu’a été lancée, le
14 mai, La Force scandaleuse du passé
La soirée était prévue initialement à
l’Institut Culturel Italien qui s’est retiré
à cause de la participation à la manifestation de Toni Negri, refusant d’être
associé à la «personne d’un repris de
justice condamné pour délits de
terrorisme commis en Italie.»
Cet événement -car c’en est un !-, coproduit par MP 2013 et quatre structures,
Alphabetville, le cipM, le FIDMarseille
et l’INA Méditerranée va célébrer
jusqu’au 8 juillet l’œuvre d’un artiste
exceptionnel, homosexuel et communiste, qui a embrassé et transcendé
l’écriture -romanesque, journalistique
ou cinématographique-, en la chargeant toujours de poésie, c’est-à-dire
de révolte.
La manifestation propose expositions,
conférences avec des intervenants italiens et français, lectures, tables rondes
et la projection de l’intégralité de ses
films, sans oublier la soixantaine de
vidéos sur des bornes interactives.
Et pour commencer, au Miroirde la Vieille
charité, deux films : un documentaire
d’Andrea Salerno, Via Pasolini et La
Ricotta, un des premiers films, que
Pasolini a réalisé en 1963.
Portrait
Via Pasolini construit, à travers des
documents d’archives que relient de
longs travellings sur des routes, le portrait de l’artiste. L’écrivain parle de ses
rapports avec son père, «la relation la
plus dramatique que j’ai eue dans ma
vie», de son premier livre, un livre de
poésie, «écrit en frioulan, le dialecte de
ma mère», de ses premiers rapports
avec le réel et la politique, de l’unification de la langue italienne, de l’auteur
comme contestation vivante, «Le fait
d’ouvrir la bouche est scandaleux !», de
son passage de la littérature au cinéma,
«langue transnationale et universelle»,
de son film Accatone, comme «occasion donnée aux Italiens de montrer
leur racisme», du néoréalisme comme
«premier acte de regard de l’Italie sur
elle-même», des gens qu’il aime le
plus, les gens simples, de son regard
sur les choses «non confessionnel mais
un peu religieux : L’Evangile régénère
et met en mouvement les pensées», de
ses premiers films sous le signe de
Gramsci, «qui s’adressent à l’élite, pas
l’élite classique des privilégiés», du
cyclisme qu’il aime depuis tout petit.
On le voit clouer le bec à des journalistes, interviewer des gens au sujet du
divorce, sur une plage, ou filmer au
mieux la forme d’une ville. Même si le
La ricotta de Pasolini
recours systématique aux travellings
sur la route est lassant, les documents
d’archives sont passionnants et permettent d’approcher cet homme qui a
fait l’objet de 33 procès de 1949 à 1975
et dont la mort le 2 novembre 1975, sur
la plage d’Ostie, n’a pas encore été
élucidée.
Peinture, cinéma et réel
La Ricotta, tourné en noir et blanc, fait
partie d’un film à sketches, RoGoPaG,
composé de quatre histoires dont le
titre est constitué des premières lettres
de ses quatre réalisateurs : Rossellini,
Godard, Pasolini et Gregoretti. Un cinéaste, interprété par Orson Welles,
essaie de tourner une Passion du
Christ, recréant cinématographiquement en couleurs deux tableaux
maniéristes, La Déposition de Le Rosso et La Déposition de Pontormo. Un
des figurants, pauvre, Stracci (loques)
qui incarne le bon larron et ne pense
qu’à trouver de quoi manger, finit par
mettre la main sur de la ricotta et en
dévore, réfugié dans une grotte, jusqu’à en mourir. «Pauvre Stracci ! Dire
qu’il aura fallu qu’il meure pour que
l’on s’aperçoive de son existence»
commente le réalisateur. Ce film qui
accumule gags et fait sourire, est aussi
une critique radicale de la société
capitaliste et de la religion : «Blasphémateurs, vous ne respectez rien !»
hurle lors d’une prise le cameraman.
C’est aussi ce qu’en a conclu la censure puisque le film a été mis sous
séquestre pour «offense à la religion
d’état». Mais La Ricotta, qu’on pourra
revoir le 20 juin au CRDP commentée
par Xavier Vert, historien de l’art, est
aussi une réflexion matérialiste, profondément irrévérencieuse, sur la
création artistique…
ANNIE GAVA
jusqu’au 8 juillet
www.mp2013.fr
A queer affair
Le dernier film d’Alain Guiraudie L’inconnu
du lac donne dans le polar. On y trouve un
serial killer, une enquête, une fausse piste,
un véritable suspense et même l’ancrage
dans un microcosme d’estivants homosexuels à la recherche de corps-frères à
défaut d’âmes-sœurs. L’action se concentre
sur quatre lieux : la plage où ces corps s’étalent, le lac où ils s’immergent, le sous-bois
où ils se consomment, le parking, jauge des
départs et arrivées, en plans récurrents
rythmant la succession des jours et des
nuits. Le dispositif tient de la chorégraphie,
ballet des corps masculins nus, beaux, bronzés, désirants. Associations, dissociations,
répétition des mêmes thèmes, des mêmes
gestes, des mêmes phrases banales dans
un jeu d’approche codifié. C’est drôle, décalé
mais inquiétant aussi : verra-t-on le silure de
cinq mètres dont parle Henri, l’hétéro égaré
sur ce terrain de chasse homo ? Qui est
l’inconnu du lac ? Quel prédateur se cache
dans les bois ? Qui voit qui ? Qui voit quoi ?
C’est drôle mais grave. Les personnages qui
se prénomment sans se nommer, n’existent
que dans ce marathon du sexe, dans l’ici et
le maintenant, enfermés dans une liberté de
jouissance devenue diktat. Un voyeur pathétique erre la main dans le maillot. Insatisfaction
de Franck amoureux de Michel, le bel
assassin moustachu, solitude d’Henri avec
son gros ventre, sa démarche balourde
quand il s’éloigne et son cœur qui se serre
quand apparaît Franck. Eros et Thanatos liés
là, sous le soleil exactement. Georges
Bataille en écho. Le thriller se fait existentiel,
méditatif. Partis-pris minimalistes : ligne
horizontale de la surface miroitante du lac,
verticale cachée de sa profondeur. Lumière
naturelle, crue ou crépusculaire. Absence de
musique. Le vent, les oiseaux, les halètements
de plaisir. Fellations, érections, pénétrations,
masturbations se donnent à voir dans une
obscénité assumée autant que le trouble
subtil de la passion amoureuse. «Je voulais,
dit le réalisateur, réunir la grandeur des
sentiments et la trivialité des organes.» Pari
audacieux tenu ! L’inconnu du lac présenté à
Cannes dans la sélection Un certain regard
et soutenu par la Région PACA, n’a pas volé
sa double récompense : la Queer palm 2013
et le prix de la Mise en scène !
ÉLISE PADOVANI
Sortie en salles le 12 juin
Interdit aux moins de 16 ans
L’inconnu du lac d'Alain Guiraudie
63
Yolande Moreau © Annie Gava
C
I
N
É
M
A
Se construire une âme
Deux jours après le palmarès, à 165 km des filles de la
Croisette titubant sur leurs Louboutin, et loin des enjeux
commerciaux de la compétition cannoise, l’Alhambra, pour
la 9e année, a offert à son public une reprise de la Quinzaine
des Réalisateurs. 14 films dont beaucoup ne sortiront en salle
que dans le courant de l’été ou de l’automne.
Au pays de la frite
Le 28 mai, le délégué général de la Quinzaine Edouard
Waintrop et Yolande Moreau étaient là pour ouvrir le bal avec
Henri, 2e long métrage de la comédienne passée à la réalisation, «un travail complet, moins reposant que celui d’actrice»
avoue-t-elle avec sa bonhomie malicieuse. Henri se déroule
au pays de la frite, dans un resto italien, hors des chemins
battus. Le temps y prend son temps, les relations s’y tissent
à petits gestes. On y retrouve les modestes, ceux qui n’ont
pas de longs violons pour bercer leur mélancolie. Lui, immigré italien, l’esprit voyageur comme ses pigeons, un nœud
de sentiments fiché dans le corps empâté et massif. Elle,
handicapée mentale, «papillon» surgi dans sa vie de nouveau
veuf. Pipo Delbono et Candy Ming pour incarner au plus juste
ces deux-là qui font la paire. Le ringard, le trivial prennent un
sacré coup de poésie sous le regard de la Moreau et Rosette
la simplette se drapant dans les voilages bon marché de la
chambre d’hôtel où Henri dort, devient une mariée sublime.
Qualité France
La sélection a proposé trois autres films, français, dont on se
réjouit de la qualité. Celui de Gallienne (récompensé par le
prix SACD et l’Art Cinéma Award) Les garçons et Guillaume
à table ! Auto-analyse burlesque d’un Pierrot efféminé, à la
face ronde et lisse, ou comment découvrir son hétérosexualité quand sa propre mère, grande bourgeoise follement
aimée et admirée, vous instille depuis toujours l’injonction
d’un désir à peine refoulé : tu seras une fille, mon fils ! Celui
de Serge Bozon, l’insolite Tip Top, pseudo polar décalé, antinaturaliste, jouant sur le ticket gagnant Kiberlain-Huppert
en inspectrices de l’IGPN carrément fêlées. Celui de Thierry
de Peretti, Les Apaches, imaginé à partir d’un fait divers
tragique, symptomatique du malaise d’une jeunesse corse
en quête de sens, entre mythologies insulaires et clichés de
séries américaines, dans une économie tournée vers un
tourisme qui fait de la vacance une vacuité.
Bonheurs d’ailleurs
Grands bonheurs de la semaine autour de Jodorowski :
Jodorowski’s Dune, documentaire de Franck Pavich, la genèse de l’adaptation avortée du roman-culte de Herbert. Jodo,
octogénaire élégant, toujours passionné, raconte comment
il a recruté ses «guerriers», les plus grands de l’époque :
Mœbius, Giger, Dan O’Bannon, Magma, les Pink Floyd, David Carradine, Dalì pour la bataille de Dune. Bien qu’on
sache que ce projet trop ambitieux, trop libre, a échoué devant
la frilosité des «boutiquiers» d’Hollywood, on partage la
tension du combat dont il reste ce storyboard de 500 pages,
source d’inspiration pour les réalisateurs de science-fiction
qui suivront.
La danse de la réalité, autobiographie imaginaire de Jodorowski revenu au cinéma pour cet émouvant opus, manifeste
et testament. Convoque son carnaval intime, baroque, violent
et tendre. On pense à l’Amarcord de Fellini, à Buñuel, à ces
grands cinéastes qui proposent par leur vision du monde, une
philosophie du cinéma et de la vie. «Vivre, c’est se construire
une âme» dit Jodorowski. Quand le cinéma est un art, il y
contribue.
ÉLISE PADOVANI
La reprise de La Quinzaine des Réalisateurs s’est déroulée
du 28 mai au 4 juin à l’Alhambra Cinémarseille
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
C
I
N
É
M
A
Midnight in Paris de Woody Allen
e
Le parc de la mairie accueille la 18 édition
du festival Simiane sous les étoiles. Une nouvelle programmation à ciel ouvert, introduite
par le concert de l’ensemble Kirby Memory
(5 juillet), en hommage aux orchestres swing
des années 40. Le duo complice formé par
Jean Marc Marroni (accordéon) et Cécile
Becquerelle (chant, danse) offrira un tour du
monde musical à travers un concert théâtral, Accordéon, l’accroche au cœur (6 juillet).
La comédie romantique Minuit à Paris de
Woody Allen sera projetée gratuitement, le 7
juillet à 22h. Dans le cadre du Festival d’Aix,
le quatuor Tana (8 juillet) proposera un programme mêlant subtilement les univers de
Debussy et Yan Robin.
du 5 au 8 juillet
Parc de la mairie, Simiane Collongue
04 42 22 62 34
www.simiane-collongue.fr
Escales en plein air
Écrans voyageurs propose à nouveau de
grands moments cinéphiles à savourer en
famille et en plein air. La première escale de
juillet, se déroule à Martigues (le 5) pour la
projection, sous le viaduc ferroviaire, au bord
du chenal de Caronte, de Toni de Jean Renoir
sur le lieu même du tournage de la scène
finale ! La seconde escale aura lieu le 12
juillet à Gardanne au carreau de la mine du
puits Yvon Morandat, où sera présenté 2001
Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick.
Avant la projection, une visite du site minier
et de l’exposition, interactive et ludique, Tribul@tions d’une goutte d’eau sera possible
jusqu’à 21h30.
04 91 91 07 99
http://ecransvoyageurs.blogspot.fr
Toni de Jean Renoir
Les intensités de l’été
Vive la culture gratuite et en plein air ! Le
MuCEM propose quinze rendez-vous culturels dans les espaces extérieurs du Fort
Saint-Jean. Il y aura parmi les films projetés Bal el Oued City de Merzak Allouache (le
30 juin) ou encore L’Étranger réalisé par
Luchino Visconti (5 juillet). Ce dernier fait
partie d’un temps fort intitulé Pourquoi
Camus ? programmé les 5 et 6 juillet. Pour
cette occasion, des projections, rencontres
et débats seront proposées autour de l’œuvre d’Albert Camus.
Sera proposée le 29 juin, dans le cadre du
cycle cinéma Méditerranée(s), une traversée
en images, une soirée dédiée à l’actrice
emblématique Lucia Bosé, avec des films
rares tels que Mort d’un cycliste de Juan
Antonio Bardem (1954).
du 14 juin au 31 août
Fort Saint-Jean, Marseille
04 91 59 06 88
www.mucem.org
L’Etranger de Luchino Visconti
Force scandaleuse
du passé
Le FIDMarseille, Alphabetville, l’INA et le
cipM continuent de rendre hommage à l’œuvre de Pier Paolo Pasolini jusqu’au 8 juillet.
Parmi les films du cinéaste projetés au
CRDP, il y aura par exemple La Ricotta le 20
juin ou encore La Terre vue de la Lune le 29
ainsi qu’une autre projection de Mama Roma
au MuCEM, le 28 juin. La Friche Belle de Mai
accueillera les Nuits des lucioles, les 22 et 23
juin. Un programme nocturne composé
d’archives audiovisuelles, de textes lus,
d’entretiens autour de l’œuvre de Pier Paolo
Pasolini, et d’une projection unique du film
Cendres de Pasolini d’Alfredo Jaar.
04 91 91 26 45
www.mp2013.fr
///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
64
///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
Simiane sous les étoiles
Robert Guédiguian
à l’Alhambra
Du 19 au 23 juin à La Criée puis 23 au 30 à
l’Alhambra, soit 12 jours retraçant trente
années de carrière à travers l’intégrale des
films de Robert Guédiguian. Du quartier de
l’Estaque où fut tourné son premier film
Dernier été en 1980 (23 et 29 juin) à Martigues pour Dieu vomit les tièdes (20 et 27 juin )
en passant par Aix-en-Provence avec Lady
Jane (20 et 24 juin). Au total, ce sont 17 films
qui seront projetés en présence de membres
de la «tribu». Des séances en plein air sont
également organisées ainsi que des visites
guidées sur les lieux des tournages !
du 19 au 30 juin
La Criée, Marseille
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
L’Alhambra, Marseille
04 91 03 84 66
www.alhambracine.com
www.mp2013.fr
Les classiques de l’été
Chaque été, l’Institut de l’image propose
une programmation des grands classiques
du cinéma tels que Miller’s crossing des
frères Cohen (du 26 juin au 11 juillet) ou encore L’étrange créature du lac noir de Jack
Arnold (11 et 16 juillet). Les spectateurs pourront aussi découvrir trois œuvres restaurées de
la réalisatrice italienne Lina Wertmüller
parmi lesquelles Chacun à son poste et rien
ne va (6 au 22 juin). La sélection «ciné des
jeunes» permettra aux apprentis cinéphiles
de visionner des œuvres telles que La dernière licorne d’Arthur Rankin (8 juillet).
Pollack, Ozu ou Pasolini, autant de réalisateurs qui seront à l’honneur ainsi que la
première adaptation de Gatsby le magnifique
par le cinéaste anglais Jack Clayton en 1974.
du 5 juin au 30 juillet
Institut de l’image, Aix-en-Provence
04 42 26 81 82
www.institut-image.org
Projection à la Villa
Méditerranée
La Villa Méditerranée projettera le premier
long métrage de Lamine Ammar-Khodja,
Demande à ton ombre, qui a obtenu le prix
du meilleur film au FID de Marseille 2012.
Après avoir passé huit ans en France, le
cinéaste retourne en 2011 à Alger, au moment même où l’Algérie connaît une révolte
éphémère. Perdu, il s’interroge sur les
tensions qui l’entourent et décide de donner
à voir une autre vérité que celle des médias.
le 25 juin
Villa Méditerranée, Marseille
04 95 09 42 52
www.villa-mediterranee.org
Celestial Wives of the Meadow Mari d’Alexey Fedorchenko
FID sous influence
Le FID Marseille, sous la présidence d’honneur du cinéaste
taïwanais Tsai Ming-liang, accueillera pour sa 24e édition près
de 150 invités, 124 films venus de
36 pays… Un festival de premier
plan, mêlant depuis peu fictions
et documentaires, «pour partager avec tous les publics les
aventures artistiques d’aujourd’hui.» Avec en ouverture, à La
Criée, un film russe, Celestial
Wives of the Meadow Mari, 23
portraits d’épouses du peuple
mari, d’Alexey Fedorchenko.
En compétition
Le jury de la compétition internationale présidé par le cinéaste
japonais Nobuhiro Suwa devra
choisir entre 16 films, venus de
Slovénie comme A girl and a
tree de Vlado Škafar, du Chili
comme Ver y escuchar de Jose
Luis Torres Leiva, ou de Belgique avec The Joycean Society
de l’artiste espagnole Dora
Garcia, qui nous fait partager la
vie d’un groupe de lecteurs de
Finnegans Wake de James Joyce,
qu’ils commentent page par
page.
Quant au jury de la compétition
française, composé d’une majorité de femmes, «parce que le
regard des femmes est très
important» précise le Délégué
général Jean-Pierre Rehm, il
est présidé par la cinéaste suisse Ursula Biemann : il aura 11
films à voir dont 4 premiers
films parmi lesquels Instructions pour une prise d’armes de
Laurent Krief, ou La Buissonnière de Jean-Baptiste Alazard,
périple de deux jeunes sur les
routes de France.
Pasolini,
Saint-Patron 2013
L’évocation de Pier Paolo Pasolini marque cette édition, on le
devine dès l’affiche, qui reproduit
et détourne un article publié au
lendemain de la mort du
cinéaste, intitulé «Come esem-
pio, no !». Tous les écrans parallèles confirment l’hommage
rendu. Théorème, titre du film
emblématique proposera outre
des œuvres du cinéaste, des
classiques comme Duo de
Nobuhiro Suwa et des films récents comme Dans un jardin je
suis entré d’Avi Mograbi ou
Annonces de Nurith Aviv, une
séance SCAM. Dans Lucioles,
on pourra voir, outre La Ricotta
ou Il Decamerone, Femmes
femmes de Paul Vecchiali qu’admirait beaucoup Pasolini, et In
The Land of the Head Hunters,
un film muet d’Edward S. Curtis accompagné par Rodolphe
Burger.
Autres écrans ? Descriptions de
descriptions avec Tarr Béla, I used
to be afilmmaker de JeanMarc
Lamoure ou Ramallah de Flavie
Pinatel. Inferno avec une séance
exceptionnelle accueillant Rabih
Mroué pour une performance
sur les images contemporaines
de la guerre. L’écran Chœur,
consacré au son, permettra de
voir, outre Accattone et Mama
Roma, The Breath Courses
Through Us, un documentaire
d’Alan Roth sur le New York Art
Quartet, avec le FJ5C. Dans le
programme Les Sentiers, la
Terre vue de la lune, Fotokino
propose des courts métrages
pour petits et grands. Sans
oublier le Fid lab, Fid Campus,
les rencontres avec réalisateurs, la table ronde Festmed,
les séances spéciales comme
Los ultimos Cristeros de Matias
Meyer avec l’ASPAS, Le Pendule de Costel de Pilar Arcila avec
MP2013 ou les séances en plein
air, au Théâtre Silvain ; L’étroit
mousquetaire de Max Linder
accompagné au piano par Nicolas Cante.
ANNIE GAVA
FID Marseille
du 2 au 8 juillet
04 95 04 44 90
www.fidmarseille.org
Annoncée comme l’événement de l’année Marseille
Provence Capitale européenne de la Culture 2013,
le Grand Atelier du Midi assume ! Et bien que partagée
entre les deux principales villes régionales, l’exposition
joue bien son rôle d’évènement à grande visibilité
66
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
Peindre
au soleil
A
R
T
S
La modernité est-elle née dans le sud de la France ? Le Grand Atelier du Midi tend des pistes avec
une importante et réjouissante sélection de près
de deux cents peintures réparties entre Marseille
et Aix-en-Provence, et complétée avec un petit
tour par Martigues.
Scénographie
Dès les premiers pas les visiteurs, très nombreux
dès les premiers jours, peuvent apprécier la scénographie élégante à la hauteur des œuvres présentées :
elle est d’une facture devenue un classique du
genre aujourd’hui, et signée pour les deux expositions par l’agence Saluces Design et Loretta Gaïtis.
Même si on peut ergoter sur l’aspect monumentalisant de certaines cimaises et portiques, des
rehauts dorés un tantinet provinciaux, quelques
reculs étroits malgré les jeux de perspective, le
travail sur la mise en lumière est des plus remarquables, comme on aimerait le voir plus souvent
de ce côté-ci des musées.
Forme et/ou couleur
V
I
S
U
E
L
S
Raoul Dufy, Bateaux et barques à Marseille, 1907, huile sur toile. Coll. privée © Adagp, paris 2013
La répartition thématique forme/couleur voulue
par les commissaires Marie-Paule Vial et Bruno
Ely ne saute pas franchement aux yeux de l’amateur. La question de la forme devait apparaître au
Musée Granet, celle de la couleur plutôt au Palais
Longchamp ; de fait elles travaillent bon nombre
de ces artistes, qu’il s’agisse du paysage et de la
structuration du tableau initiée par Cézanne, la
valeur expressive de la couleur réclamée par Van
Gogh, l’incidence de la lumière sur cette dernière
mais aussi sur la forme et la perception/restitution
de l’espace. Matisse résoudra à sa façon ce dilemme historique dans la dernière partie de sa vie
avec ses papiers découpés. Le catalogue est alors
un précieux auxiliaire pour qui souhaite cerner
plus avant les nombreux enjeux esthétiques
entamés dès la fin du XIXe siècle avec toutes les
incidences sur l’art à venir.
Pierre Bonnard, La terrasse ensoleillée, 1939-1946, huile sur toile. Coll. particulière © Adagp, Paris 2013
Plusieurs publications accompagnent
l’évènement L’Atelier du Midi, avec
la complicité de la Réunion
des musées nationaux-Grand Palais
(Rmn) :
☛ le catalogue commun aux deux
expositions, ouvrage collectif,
304 pages, 320 illustrations, 39 €
☛ l’album de l’exposition par Cécile
Maisonneuve, Rmn et Communauté
du Pays d’Aix/Ville de Marseille, 9 €
☛le DVD , coédition Rmn/ARTE
France, de Florence Mauro, 19,90 €
☛ hors série Découvertes-Gallimard,
Les ateliers du midi, par Marie-Paule
Vial, 8,90 €
☛ et le catalogue de l’exposition
martégale
Dufy, de Martigues à l’Estaque,
Editions Snoeck/Musée Ziem
Maria Elena Viera Da Silva, Marseille Blanc, vers 1931, huile sur toile. Baden Baden, Musée Frieder Burda. © Museum Frieder Burda, Baden-Baden © Adagp, Paris 2013
Au bonheur des œuvres
Ce grand atelier du midi, comme le rêvait Van Gogh
lui-même, constitue aussi l’occasion d’estimer ces
expérimentations multiples empruntées par les
peintres. On peut suivre ainsi l’itinéraire de Raoul
Dufy présent dans les trois musées, dont une
exposition monographique au musée Ziem de
Martigues : on aimerait plonger plus avant, et on
regrette qu’elle soit contenue à un seul étage !
Parmi les Impressionnistes, Nabis, Pointillistes,
Fauves ou Cubistes, l’opportunité nous est donnée
de voir des tableaux plus rarement montrés tel ce
vibrant Henri-Edmond Cross ou les Rysselberghe,
Soutine, Camoin, comme la rencontre avec des
œuvres plus singulières comme cet ésotérique
Paysage méditerranéen de Victor Brauner ou
l’hallucinante Pêche au thon de Salvador Dali. La
beauté lumineuse et encore préservée, de la côte
catalane à la Provence et la Côte d’Azur, aurait
suggéré quelque utopie d’Eden pour Bonnard,
Friesz ou Picasso, l’Arcadie retrouvée comme le
souligne Marie-Paule Vial.
Dernier coup d’œil
Le musée des Beaux-arts/Palais Longchamp vient
de bénéficier d’une très longue mais heureuse
restauration, après une très très longue et malheureuse fermeture… On pourra dès février 2014
y voir enfin exposer le fonds romantique et classique des Musées de Marseille, enfin restauré, dont
seuls les Marseillais de près d’un demi-siècle se
souviennent de la richesse.
Avant de quitter se retourner vers les fresques de
Puvis de Chavannes, dont Signac s’imaginait poursuivre le projet de grande peinture décorative. Mais
en ignorant le dauphin rose bonbon pataugeant
tout seul dans le bassin principal de l’arrivée des
eaux de Marseille, fonction première du Palais
Longchamp.
L’opiniâtre pourra poursuivre jusqu’à Aubagne
pour les céramiques picassiennes (voir Zib’63) voire
jusqu’au Cannet où s’est ouvert récemment le
musée Bonnard, puis à Nice qui cet été célèbre
Matisse en différents lieux.
CLAUDE LORIN
67
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
A
R
T
S
V
I
S
U
E
L
S
Le Grand Atelier du Midi
jusqu’au 13 octobre
De Cézanne à Matisse
Musée Granet, Aix-en-Provence
04 42 52 88 32
www.museegranet-aixenprovence.fr
De Van Gogh à Bonnard
Palais Longchamp, Musée des Beaux-arts, Marseille
04 91 14 59 18
www.marseille.fr
Exposition associée Dufy, de Martigues à l’Estaque
Musée Ziem, Martigues
04 42 41 39 60
www.ville-martigues.fr
www.grandatelierdumidi.com
Max Beckmann, Paysage de Cannes,
1934, huile sur toile.
The San Francisco Museum of Modern Art
– don de Louise S. Ackermann.
© VG Bild-Kunst Bonn, Germany
© Adagp, Paris 2013
Marseille
entre terre et ciel
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
A
R
T
S
V
I
S
U
E
L
S
Adrian Paci, Home to go © Olivia Mistrih
to go où l’homme, dénudé, porte sa maison sur
son dos courbé. Icare aux ailes plombées. Le
même Adrian Paci qui, dans Back Home, recompose le passé de familles albanaises
exilées en Italie à travers leur portrait photographique, la peinture des intérieurs de leurs
anciennes maisons et le télescopage des deux
«images» en une seule ! Saisissantes tranches
de vies reconstituées.
Quel que soit le chemin emprunté, il est ponctué d’œuvres «en mouvement» qui disent les
enjeux du monde. The Complete 21th Century
de Dan Perjovschi, installation de 13 parois de
verre à traverser autant qu’à déchiffrer ; le mur
brulé du collectif Claire Fontaine dénonçant
les propos de G. Bush après le 11 septembre
(«They hate us for our Freedom») ; le poème
en verre de Giuseppe Caccavale et Erri de
Luca (Scrittoio, Istituto di traduzione, parte II).
De contrepoints en contrepoints les œuvres
abordent la spiritualité, l’écologie, la mémoire
familiale, la confusion des genres… C’est le
dernier voyage filmé par Mounir Fatmi (Sleep
Al Naim), le geste chorégraphique dessiné à la
craie blanche par Robin Rhode (vidéo Harvest)
ou la nature qui reprend ses droits, surgie d’un
mur de défense monté à l’extérieur par Mona
Hatoum (Jardin suspendu)… Toutes invitent à
traverser le pont pour atteindre le monde !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Exposition, projections vidéos et films au ciné[Mac]
avec le FID Marseille
jusqu’au 20 octobre
[Mac], Marseille
04 91 25 01 07
www.lepontlexpo.com
http://mac.marseille.fr
En plein dans la mire !
Yazid Oulab avait déjà investi les
quartiers nord marseillais en 2009
en accrochant sur les murs de la
Cité de la Bricarde des «étagères
de curiosités». Au Centre Richebois l’artiste franco-algérien a
animé un atelier artistique pour
sept hommes et une femme en
formation FLB (français langue de
base), d’origines et de langues
différentes. Ce centre spécialisé
pour l’insertion de personnes
handicapées veut aussi socialiser
les stagiaires et les ouvrir à l’art et
la culture. Durant 6 mois Yazid
Oulab a créé avec eux des outils
adaptés, qui ont fait naître des
œuvres. Ainsi ils ont dessiné avec
des perceuses, en remplaçant la
mèche par un bâton de graphite,
donnant un trait tremblé et habité.
Partant de L’homme de Vitruve de
Leonard de Vinci ils ont réalisé des
dessins très personnels exposés
dans le conteneur qui leur a servi
d’atelier. Ils ont aussi fabriqué et
Yazid Oulab, centre Richebois © Chris Bourgue
68
New York et son célèbre Brooklyn Bridge,
Marseille et son Pont Transbordeur. Deux métropoles façonnées par les flux migratoires qui
ont inspiré à Thierry Ollat, directeur du [Mac],
l’exposition Le Pont : «Les artistes ont été les
éclaireurs d’un mouvement global qui concerne aujourd’hui tout le monde.» Deux villes qui
fascinent et ont en partage le même questionnement sur la complexité du melting-pot :
«Comment les gens vivent l’expérience du
déplacement, de la migration, de l’invention du
monde ? Comment la parole de l’artiste appréhende l’espace public ? Quelle énergie
vitale les habite ? Comment s’exprime le sentiment d’appartenance ?»…
En invitant 145 artistes de 40 nationalités, en
associant 22 projets disséminés dans la ville,
le [Mac] renoue avec l’ancien pontos des Grecs
qui évoquait la mer «comme un lien entre les
civilisations et sa traversée comme une aventure». Ici l’aventure commence avec des murs
peints en jaune Gauguin éclaboussés des tracés fracassants de Mitja Tusek : Heaven/Hell/
Earth, Liberty/Tyranny et Luxury/Poverty. Puis
deux possibles parcours s’offrent au voyageur.
L’un évoque l’idée du chemin collectif vers la
liberté en questionnant les raisons qui propulsent les gens à quitter leur pays, et prend
son envol dans le face-à-face entre le film de
Moholy-Nagy Marseille Vieux-Port réalisé en
1929 et In the Street de Helen Levitt de 1943.
Un bref aller-retour Marseille-New York en
quelques images noir et blanc. L’autre est intrinsèquement lié à l’expérience
intime et interroge l’individu face au monde, à
l’instar de la sculpture de Adrian Paci Home
façonné du fil de fer barbelé pour
former des mires. Disposées sur
la rambarde de la terrasse qui domine la mer, elles visent le large
en une métaphore du dépassement de soi. Parallèlement Yazid
Oulab a réalisé deux oeuvres
personnelles : une sculpture de
métal qui tient de l’astrolabe et de
la boussole tout en reprenant
l’image de la mire, et un abri de
tuiles en hommage aux maghrebins venus travailler dans les
Tuileries Monier, partenaires du
projet. Un beau travail qui parle
d’horizons nouveaux, réalisé dans
le cadre des ateliers de l’Euroméditerranée.
CHRIS BOURGUE
jusqu’au 31 décembre (sauf en août)
Centre Richebois, Marseille 16e
www.voyonsvoir.org
www.centre-richebois.com
Le PACte de confiance
Felix Pinquier a la galerie Karima Celestin, en arriere-plan oeuvre de Mustapha Sedjal, PAC 2013 © MGG Zibeline
3 jours, 3 parcours, 3 quartiers et un vrai coup
d’éclat ! C’est désormais une réalité : la greffe
du Printemps de l’Art Contemporain a pris
tant du côté du public en progression constante (5 000 visiteurs en 2010, 14 300 en 2012 et
plus de 19 000 en 2013) que des lieux (40 membres de Marseille Expos ou cooptés pour
l’événement). Dont certains ne devraient pas
tarder à intégrer le réseau à l’instar de la
galerie Karima Célestin qui, en moins d’un an
à La Plaine, s’avère être une vraie tête chercheuse.
La preuve avec cette production collective où
s’entrecroise Mustapha Sedjal dont les sculpture, dessin et vidéo usent de l’origami pour
aborder le thème douloureux de l’exil, Félix
Pinquier qui entretient «un rapport quasi typographique avec (ses) images associées aux
sons», Cari Gonzalez Casanova qui évoque le
Triangle des Bermudes, de la naissance du
mythe à son rapport à la réalité. Ou encore la
Straat galerie qui présente les Tas sériels de
Nicolas Nicolini, jeune artiste marseillais installé à Berlin, objets «défigurés dans le cadre
de l’expérimentation picturale».
Ainsi le PAC donne aux artistes l’occasion de
dialogues féconds ! Cécile Beau et Mayura
Torii (à l’affiche de l’expo Le Pont au Mac) investissent la galerie des Grands bains douches
de la Plaine avec maestria tandis qu’à la galerie Territoires partagés, Lorraine Châteaux,
Géraldine Py & Roberto Verde et Justin
Sanchez tirent leur épingle du jeu de l’étroitesse du lieu en combinant formes et propositions.
En solo show, Séverine Hubard casse la
baraque à l’Histoire de l’œil avec l’installation
d’un tunnel, Ni vu ni connu, reliant visuellement la rue au jardin intérieur par le jeu d’une
passerelle en bois. Vidéos de ses performances et sculpture complètent cette proposition
forte et singulière.
Impossible, donc, d’ignorer cette 5e édition qui
tisse une toile bien visible à travers un parcours balisé de galeries en atelier (occasion
rare de pousser la porte de Tohikebe, spécialiste de la sérigraphie, pour sa Carte blanche à
Berdaguer & Péjus), d’institutions (Cirva,
Cipm, Frac) en boutique (street art chez Agnès
B. avec Dépaysement, escale 3 de Lek et
Sowat), de maisons d’édition (Le Dernier cri
avec Hollywoodoo et Panos, les éditions P avec
Fournitures de Mathieu Provansal) en extérieur (Voyons voir-art contemporain et territoire)…
Le petit plus du PAC ? Il donne le temps au
public de se familiariser avec la création contemporaine dans toute sa diversité et sa vitalité
-plus de 150 artistes- puisque certaines
expositions jouent les prolongations jusqu’au
29 juin.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Le PAC a eu lieu du 17 au 19 mai à Marseille
Programme complet sur
www.marseilleexpos.com
Cueillez dès aujourd’hui...
Pour sa 5e édition, le Festival des
Arts Éphémèresa choyé son public.
Dans une verdure particulièrement éclatante cette année, le
magnifique parc à l’anglaise de
Maison Blanche déployait les
œuvres d’une vingtaine d’artistes
reconnus, ainsi que celles de
plusieurs étudiants et élèves des
ateliers publics de l’École Supérieure
d’Art et de Design Marseille-Méditerranée. Pour Jean-Louis
Connan, directeur de l’ESADMM
et commissaire de l’exposition,
l’important est de concilier lors de
cet événement exigence artistique, transmission des savoirs, et
pratiques amateures. Un pari
tenu, avec l’ambition de présenter
à chaque fois un travail original,
qui s’intègre dans ce contexte particulier : «Et pas seulement du land
art, comme on le pense souvent
quand il s’agit d’œuvres exposées
en milieu naturel. Elles sont parfois
très industrielles ou architecturales !»
C’est le cas de la carcasse de jetski de Boris Chouvellon, fossile
d’une «nuisance bruyante» per-
chée dans le silence des feuillages, ou bien de la serre élaborée
par Frédéric Pradeau, aux dimensions précises : 31,3 m2, soit
l’espace moyen par habitant de
Marseille. Un «révélateur de frustration, ce sentiment éphémère
-heureusement !- car c’est ce qui
nous permet de tenir le coup».
Sur la pelouse un peu plus loin,
les Ongles de Laurent Perbos,
plaques de métal vernies évoquant
aussi bien une denture rouge de
bétel, et une fiction provocante :
Didier Tallagrand a posé un panneau prévoyant «Ici et bientôt» la
construction d’un canal et la «reconstruction paysagère» du site,
avec rapprochement artificiel... de
la Sainte-Victoire.
Le parcours sous les couverts du
jardin est l’occasion d’une belle
découverte : réalisation collective
de l’atelier La Sauvagère dirigé
par Christiane Parodi, son Cabinet de curiosités happe le passant
avec délicatesse pour lui laisser
un parfum salé d’aventures marines. C’est la trace du projet
Ulysses, l’itinéraire d’art contem-
ne Parodi © G.C
ere dirige par Christia
tes, atelier La Sauvag
le Cabinet de curiosi
porain conçu par le FRAC PACA
pour la Capitale européenne de la
culture.
Notre principal coup de cœur va
cependant à la motte de terre qui
respire de Caroline Le Méhauté
intitulée Grow grow grow, dont on
ne sait si elle prélude à l’extraction
d’un golem ou si elle figure Gaïa
en pleine méditation. Une œuvre
dotée d’un impact profond, qui ne
se donne pas instantanément,
mais trouble autant qu’elle invite
au recueillement.
GAËLLE CLOAREC
Le Festival des Arts
Éphémères
a eu lieu du 23 mai au 13 juin dans
le Parc de Maison Blanche,
Marseille
69
A
R
T
S
V
I
S
U
E
L
S
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
A
R
T
S
V
I
S
U
E
L
S
Fondus au noir
Pour leur 44e édition les Rencontres Arles Photographies se la jouent au noir et la font sans
blanc à l’anglaise pour s’intituler Arles in black.
Avec du beau monde et inévitablement de la
nostalgie (Lartigue, Larrain, Bourdin), de l’inédit
pour une série de tirages signés Hiroshi Sugimoto
en guest star (et des impressions Hermès sur soie,
un des mécènes ?) ; de l’historique, Gordon Parks ;
de la facétie, Gilbert Garcin ; des virages couleur
au N&B, Pieter Hugo ; les étonnements des nominés du Prix Découverte 2013… On s’interrogera au
théâtre d’Arles avec un colloque : Peut-on penser
aujourd’hui encore une esthétique du noir et blanc
pour la photographie ? (réponses dans les expos ?)
et un séminaire pour suivre La photographie à rebours : Les Paradoxes des pratiques d’aujourd’hui.
Côté nouveautés : une Vente aux enchères publiques de photographies des 19e et 20e siècles le 3
juillet et sur le net Les Rencontres on line : plateforme multimédia et de partage donnant accès à
l’histoire des Rencontres, en particulier les archives audiovisuelles Ina à partir de 1970. La Nuit de
l’année se déplace aux Salins de Giraud comme
les Voies Off sacrifient au rituel de la cour de l’archevêché : les fameuses populeuses projections
migrent nuitamment du centre pour le quartier
Griffeuille (lire aussi p. 71) sous la thématique
Rester Partir, le voyage impossible : Brigitte Bauer
avec un documentaire de création Three of us, des
projections en partenariat serbe, turc et égyptien.
Dans la galerie le photographe turc Yusuf Sevinçli
expose Good Dog. Avec L’Atelier du Midi on part
en Caravanes, mêlant clichés d’amateurs et professionnels (Clergue, Aroussi, Milovanoff, Plossu…)
sur la route des vacances, des migrations ou vers
des refuges plus défavorisés. L’Atelier Archipel en
Arles accueille François Talairach puis Caroline
Robe, Fabrice Poiteaux et Patrice Deregnaucourt. Thibaut Cuisset est au Magasin Electrique
et à la galerie Espace pour l’art avec un nouveau
livre consacré à la Camargue aux éditions Actes
© Arno Rafael Minkkinen, Fosters Pond, 1989, au Parc des Ateliers/Arles in black
70
à partir du 1er juillet
Les Rencontres Arles
Photographie
www.rencontres-arles.com
Festival Voies Off
www.voies-off.com
L’Atelier du Midi
www.atelierdumidi.com
Atelier Archipel en Arles
www.atelierarchipelenarles.com
Comptoirs Arlésiens de la Jeune
Photographie
www.comptoirsarlesiens.com
Espace pour l’Art
www.espacepourlart.com
! cid
© Bertrand Desprez
à L'Atelier du Midi
pour le projet Caravanes 2013
© Boris Eldagsen,
Poem #55,
sélection Prix Voies Off 2013
Sud. Marie Maurel de Maillé, Françoise Nuñez,
Jean-Michel Fauquet passent un Étrange Été aux
Comptoirs Arlésiens.
C.L.
De pierre et d’art
Pendant que les préparatifs des festivités photographiques battent leur plein au centre d’Arles, plus loin l’unique
projet de la ville labellisé Quartiers créatifs/Marseille 2013
n’est pas perdu pour tout le monde
À l’écart du centre de toutes les
attentions culturelles et touristiques le quartier populaire
Griffeuille, en cours de réhabilitation renoue avec une certaine
joie de vivre en commun. Pour
quatre mois encore. Le collectif
artistique Les Pas Perdus s’y est
installé pour développer un projet spécifique avec ses habitants
dès 2012. On avait pu suivre un
parcours composé de panneaux
figurant un arlésien(ne) en prise
avec un gros rocher, pour débouler dans cet ensemble HLM
des années soixante, sans qualité architecturale, encore moins
patrimoniale, plutôt morose, avec
sa cohorte de dérives sociales.
Et le résultat visible n’avait pas
plu à certains : des bassines en
plastique rose ou bleu vif, panières désuètes maronnasses,
gamelles bosselées, guidon de
vélo, plaques de formica, miroirs
piqués, amassés autour d’une
hallucination de cabanon (plutôt
qu’un mas), le MasToc, qu’entourent une centaine de blocs de
pierre (allusion aux anciennes
carrières proches) complétés
d’objets incongrus.
Support d’inventions créées par
les habitants accompagnés dans
leurs désirs sur le mode «épouser la proposition de l’habitant»
aime à dire Guy-André Lagesse : «Le rocher est ici un objet
d’ancrage, une forme particulière d’objet transitionnel pour
un collectif constitué le temps
d’une rencontre entre artistes et
«occasionnels de l’art»». De pesant
et inconfortable il est devenu
léger, transformé en lieu d’accueil comme cette brouette
pivotante inclinée pour voir vers
le ciel, le soleil, les étoiles, «pour
s’échapper de tout ça» (Françoise
montre le quartier). Car pour
quelles raisons, selon quels modèles culturels, ces pierres brutes
aménagées par ces MastoCoeurs
seraient-elles moins authentiques qu’une fraction de César
exhibée à l’envie dont la vérité
n’est pas intégralement attestée ? Il y a là erreur sur la beauté,
l’officielle, reconnue, échangeable -à moins que ce ne soit sur la
question du laid-. Sur la place
Jules Vallès la concrétude et la
symbolique du roc outrepassent
l’idéal antique taillé dans le
marbre ou la destinée dramatique de Sisyphe (le vélo selon
Janine).
Il est aussi une voie pour conju-
71
le MasToc, Les Pas Perdus, Griffeuille, Arles, 2013, vue partielle © C. Lorin/Zibeline
rer ce qui semble fatal : «Ce qui
me plait c’est que ce n’était pas
écrit d’avance» insiste JeanPierre. Ce que la créativité
vernaculaire nous apprend de
chacun réactivant lien social et
bienveillance, bouscule aussi les
habitudes de nos représentations. Certains tiquent sur ce Mas
(soi-disant) Toc et notamment sur
son coût (1) attendant légitimement autre chose des plans de
rénovation. Mais contribuer à revaloriser ce qu’il y a chez et en
soi n’est pas inutile pour retrouver un peu de dignité. Ne
masquons pas les rôles. Ni l’art,
ni la culture, ni l’éducation ne
peuvent se substituer aux responsabilités et aux décisions de
l’économique et du politique.
«L’art c’est ce qui rend la vie plus
intéressante que l’art» exauçait
Robert Filliou. On a commencé
à Griffeuille.
CLAUDE LORIN
1
Budget en cours : 225 000 €
dont 100 000 MP13, ville d’Arles
45 000, ACCM 28 000, SEMPA 15 000,
Les Pas Perdus 15 000 + appuis
techniques et matériels d’entreprises
Le MasToc
jusqu’au 29 septembre
Quartier Griffeuille, Arles
04 91 50 07 38
www.lespasperdus.com
www.MP2013.fr
Photo’med… et le temps se fige
S’il ne fallait retenir que trois expositions
parmi la myriade proposée par Photo’med,
c’est sans nul doute le focus sur la scène
libanaise, la rétrospective Nino Migliori et
l’hommage à Gabriele Basilico, décédé le 13
février alors qu’il préparait Ossessione Urbana. Une exposition qui, à l’Hôtel des arts,
résonne comme un testament photographique : Gabriele Basilico avait choisi neuf villes
méditerranéennes dont il avait réalisé des
«relevés photographiques» à différentes
époques de sa vie. Valence, grand corps malade dont il souligne le désarroi, la solitude
et le gâchis immobilier ; Beyrouth, Palerme,
Rome, Naples… villes fantômes, meurtries,
endormies où il traquait l’humain, désespérément, et où le jour ressemble à la nuit.
Autre géant italien, Nino Migliori dont l’exposition embrasse 65 années de travail
quotidien, sans cesse renouvelé : «La photographie, dit-il des étincelles plein les yeux,
est plus proche de la littérature que du
monde de l’art. C’est une manière de tra-
Signatures © Fouad Elkoury (Liban)
vailler qui correspond plus à une recherche
linguistique qu’esthétique.» À regarder ses
travaux, depuis Gens d’Emiglia de 1957 jusqu’à ses dernières expérimentations, on
mesure son désir «de faire un pas en avant
à chaque fois» et son immense curiosité pour
les tendances les plus modernes. Celles exprimées notamment par les jeunes pousses
repérées par Tony Hage, photographe et
commissaire de l’exposition La jeune photographie libanaise qui met en lumière les
broderies surréalistes de Lara Zankoul
(«une mise en scène qui contredit la photographique qui documente la réalité»), les
photos sombres et théâtrales de Joanna
Andraos prises à l’intérieur du Palais Linda
Sursok («ce qui m’intéresse ce sont les traces, pas la guerre»), les scènes sociales
contrastées de Mazen Jannoun et, à l’opposé, les autoportraits arides de Tanya Traboulsi
«sur le thème de la solitude et de l’intimité
avec soi-même». En marge de cette scène
émergente, la présence de Fouad Elkoury
témoigne de la longue tradition de la
photographie libanaise.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Photo’med a eu lieu du 23 mai au 16 juin à
Sanary, Bandol, Bendor et Toulon
www.festivalphotomed.com
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
A
R
T
S
V
I
S
U
E
L
S
Un Granet XXe siècle est né !
72
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
A
R
T
S
V
I
S
U
E
L
S
Une chapelle du XVIIe entièrement dévolue
au XXe siècle, tel est le nouveau visage du
musée Granet à Aix qui s’offre une extension pérenne à deux pas de la place Saint
Jean de Malte. La chapelle des Pénitents
blancs a connu de multiples vocations (magasin de fourrage, école communale, palais
des congrès) puis un long trou noir pour
cause de désamiantage, jusqu’à sa réhabilitation lancé en 2007 par la ville puis la
Communauté du Pays d’Aix en 2010. L’année
où la Fondation Jean et Suzanne Planque
de Lausanne signa une convention de dépôt
pour 15 ans des œuvres réunies par son
fondateur. Il ne restait plus qu’à métamorphoser la chapelle pour qu’elle accueille une
partie de la collection en alternance : soit
166 œuvres sur 300, dont certaines ont été
dévoilées en 2011 lors de l’exposition Collection Planque, L’exemple de Cézanne… Deux
ans de travaux par l’équipe d’architectes de
Jean Paul Bernard et Jérôme Duran on fait
renaître la chapelle dans le respect des Bâtiments de France, démolir les ajouts bétonnés
datant de 1971, dégager 700 m2 d’exposition
(le musée Granet en compte donc au total 5
200 m2), redonner aux voûtes sur croisée
d’ogives leur magnificence originelle. Sans
oublier le travail scénographique de l’agence
avignonnaise Saluces qui «a abordé l’architecture de manière simple et modeste en
prenant le parti de se mettre au service des
œuvres». D’où une signalétique sobre, des
© Carbonne JC service communication ville d'Aix
vitrines cloche avec verre antireflet pour le
confort des visiteurs, des rails d’éclairage
noirs visibles depuis les hauteurs qui valorisent les volumes, des cimaises verticales
décollées des murs qui accentuent l’espace.
Son inauguration est «l’aboutissement d’un
vœu que Jean Planque formula quand il avait
40 ans, se réjouit le conservateur de la Fondation Florian Rodari, quand il voulut revoir
Cézanne et s’installa à Puyloubier». Grâce à
cette scénographie silencieuse, peintures (de
Van Gogh à Dubuffet son ami), sculptures
(Sorel Etrog ou Kosta Alex), œuvres sur papier respirent, leur lecture est limpide. Et la
déambulation aisée parmi ses «artistes préférés», entre la nef centrale, les bas-côtés, la
Du bonheur dans la cité
Pendant que l’œuvre de Vasarely joue à Paris
les premiers plans de l’exposition Dynamo,
d’autres évènements plus discrets mais
essentiels occupent la fondation d’Aix-enProvence
Classée monument historique depuis mars
2013 et intégrée au plan Musées en Région,
la Fondation Vasarely entame enfin sa première étape de réhabilitation. Parallèlement
une exposition présente différents aspects
de la démarche du pape de l’Op Art depuis
ses premières recherches jusqu’à ses préoccupations architectoniques. Comme le
soulignait son commissaire Jean-Claude
Ameline, conservateur au Musée national
d’art moderne, cette exposition prend tout
son sens dans le lieu même où se sont finalisées les recherches du plasticien avec les
quarante deux Intégrations monumentales.
On a que trop retenu les jeux géométriques
colorés, envahissant en leur temps l’espace
marchand et occulté la dimension théorique
et utopique dont le bâtiment aixois dans sa
totalité se voulait une des manifestations
exemplaires, ouvert en 1976. Le projet, confiait
Pierre Vasarely, bien plus ambitieux, devait
s’étendre au-delà sur le site du Jas de Bouffan, dans la perspective utopique de La Cité
Polychrome du Bonheur qui ne vit pas le
jour tombée dans la nuit des promoteurs.
L’exposition, qui commence fin années 30
avec les zèbres noir et blanc et un surprenant autoportrait à la technique perlée,
jalonne les différentes étapes avec dessins,
multiples, recherches plastiques et Prototypes-départ, outils d’exploration comme les
loupes, matériaux de travail (papiers colorés
prédécoupés par estampage manuel), docu-
Loupes de travail utlisées par V. Vasarely devant un Prototype-départ,
Fondation Vasarely, 2013 © C. Lorin/Zibeline
«sacristie» tout entière consacrée à Picasso
(un havre de quiétude) et les tribunes à l’esprit intimiste. C’est une belle ascension qui
mène aux portes du cubisme et de l’abstraction, à l’image du chemin parcouru par Jean
Planque qui abandonna sa pratique picturale pour devenir collectionneur, d’abord
pour la galerie Ernst Beyeler, puis pour son
seul plaisir.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Granet XXe siècle, collection Jean Planque
Place Jean Boyer, Aix-en-Provence
04 42 52 88 32
www.museegranet-aixenprovence.fr
ments audiovisuels, illustrant une approche
méthodique développée à partir des années
de formation au Mühely, une variante de
Bauhaus hongrois. La partie plus didactique
sur sa démarche et préoccupations sociétales est apportée dans le catalogue et un
programme de médiations tous publics (1).
La fondation devrait retrouver peu à peu sa
vraie nature après une traversée du désert.
En s’étonnant tout de même de l’absence de
mécénat des grandes entreprises françaises
de stature internationale dont l’activité serait
naturellement en lien avec l’œuvre de Vasarely (bâtiment, industrie, chimie…) pour
venir en soutien à ce projet de réhabilitation,
eu égard à ce dessein novateur pour l’époque et exemplaire encore aujourd’hui.
CLAUDE LORIN
conférence Denise René, vendredi 27 juin à 18h
par Domitille d’Orgeval, commissaire associée
de l’exposition Dynamo.
1
Victor Vasarely, de l’œuvre peint à l’œuvre
architecturé
jusqu’au 18 septembre
Fondation Vasarely, Aix-en-Provence
04 42 20 01 09
www.fondationvasarely.org
Zône rouge
Invité de Salon-de-Provence dans le cadre de
MP2013, l’artiste suisse Felice Varini s’offre une vue
quasi imprenable depuis les hauteurs de la ville
Deux cercles évidés par les toits mêle efficacement concept
et signature artistiques (Viallat et ses haricots, les bandes
de Buren…), prouesse technique, phénomène évènementiel (buzz photographique sur les réseaux sociaux assuré !).
Le procédé employé par Felice Varini est connu (récemment à Paris, Genneviliers, Nantes). La formule ne surprend
pas tout à fait mais fait son effet. Confronté à la multiplicité
des plans contradictoires des façades et des toits, l’effet
d’anamorphose ne se laisse pas entrevoir si facilement.
Les tondi virtuels en feuilles d’aluminium autocollant semblent se disperser. Le contraste du vermillon est atténué
par les nuances des toitures rouge brique quand un aplat
semble manquer pour parfaire l’illusion circulaire de droite.
Cependant le point de vue est photogénique qui ne pouvait
échapper à l’artiste. Le visiteur, en position touristique sur
ce site patrimonial est d’évidence sollicité par la vue
panoramique. Cherchant à distinguer ces deux formes
simples l’observateur se prend à scruter plus avant la
canopée de tuiles anciennes, plans d’architecture de pierre
jaune, examine le patrimoine bâti par le revers, les détails
quotidiens fortuits, les modénatures sous d’autres lumières,
poursuit à imaginer d’autres perspectives -sans atteindre
pour autant le frisson des vertiges plafonnants du Baroque-.
Qu’à cela ne tienne, tout l’été chacun pourra approfondir
son expérience auprès de la médiatrice Joanne Romezin,
sur réservation à l’Espace Robert de Lamanon. Après l’exposition Taysir Batniji, inaugurant ce nouveau lieu dédié aux
arts visuels (voir Zib’63), les responsables de la culture
prenaient sur les hauteurs de l’Empéri un autre risque avec
cependant une certaine lucidité calculée. «La culture est
là aussi pour bousculer les habitudes, pour faire découvrir
d’autres façons de voir et de créer et surtout avec l’art
contemporain. Il a sa place pour participer du renouvellement de la ville comme actuellement au quartier des
Canourgues avec les réalisations de requalification
conçues avec les gens du Cabanon Vertical» faisait remarquer Jean-Claude Fabre, élu à la culture et porteur d’autres
projets dont la programmation n’est pas à ce jour tout à
fait finalisée. Début juillet l’Espace Robert de Lamanon
accueillera le salonais Raymond Reynaud pour une exposition monographique.
C.L.
Double disque évidé par les toits
jusqu’au 1 décembre
Terrasse du château de l’Emperi,
Salon-de-Provence
04 90 44 72 80
www.salondeprovence.fr
Felice Varini,
Deux cercles évidés par les toits,
Château de l'Empéri, Salon-de-Provence, 2013
© C. Lorin/Zibeline
Le temps de la marche
© Eric Bourret - Sainte-Victoire, Col de Vauvenargues, 1 janv 2011
74
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
du 25 juin au 10 août
Archives départementales 13, Aix
04 13 31 57 00
http://lefactotum.blogspot.com
www.cg13.fr
Surgis de l’ombre
La Galerie Alain Paire présente une exposition d’exception consacrée aux dessins, gravures et
photographies en noir et blanc. Une chromatique réduite qui questionne le conservateur
Florian Rodari sur les différentes façons de «transcrire la réalité à l’aide d’un seul binôme
noir/blanc». La sélection d’œuvres illustre cette maîtrise… ce don développé par Claude
Garache, Stéphane Brunner ou encore Henri Michaux. A-L.R.
jusqu’au 27 juillet
Galerie Alain Paire, Aix
04 42 96 23 67
www.galerie-alain-paire.com
A
R
T
S
Pour Mandelstam © Pietro Sarto
Ann Veronica Janssens
© Ann Veronica Janssens, Eglise Saint Honorat, Arles, 2013
V
I
S
U
E
L
S
Dans le cadre du programme «Images contemporaines/
Patrimoine» conçu par Le Factotum, l’exposition propose
une vision intériorisée du territoire de notre département.
Pendant trois hivers, Eric Bourret a arpenté la Sainte-Victoire,
la Sainte-Baume et les Alpilles, trois montagnes emblématiques
des Bouches-du-Rhône. Le photographe-marcheur réussit
à sublimer ces paysages dans son rapport au corps et au temps
méditatif. A-L.R.
Délaissant momentanément les cryptoportiques du centre ville, Laetitia Talbot
(Espace pour l’art) a proposé à Ann Veronica Janssens de concevoir une œuvre
in situ pour la chapelle Saint Honorat des Alyscamps. Ce lieu de spiritualité
ultime résonnera avec l’esthétique habituellement lumineuse, quasi
immatérielle de l’artiste. Vernissage le 4 juilllet à 18h15. C.L.
du 5 au 31 juillet
Chapelle Saint Honorat, Arles
04 90 97 23 95
www.espacepourlart.com
la Carte de Désorientation indispensable
pour ces périgrinations camarguaises,
dans tous les bons lieux d'Arles
In Situ 08
Habituellement centré sur le Mas du Grand Arbaud, Cultures Nomades
Production étend son évènement annuel à la Camargue. Lors d’une carte
blanche en résidence le Collectif Lieux Dits Scénographiques a conçu
des éléments signalétiques et symboliques ponctuant trois parcours
originaux pour renouveler notre regard sur le territoire.
Lancement le 22 juin à 17h30 au Mas. C.L.
La désorientation
du 22 juin 31 août
Arles et Mas du Grand Arbaud
04 90 49 89 10
www.culturesnomades.org
Christophe Bourguedieu
De ses immersions à Marseille entre 2001 et 2009, le photographe
se souvient «d’expériences très dures, même physiquement,
car c’est une ville fermée, difficile à montrer». Il conserve une
trentaine de clichés : virées en mer, séances de boxe, portraits,
attachants dans leur banalité. Amis et lectures l’ont conduit
à découvrir la cité phocéenne qu’il situe «au croisement
de la métaphysique et du Mia»… M.G.-G.
Serie Marseille © Christophe Bourguedieu
76
A
R
T
S
V
I
S
U
E
L
S
Hors Série 4
Marseille hors du cliché ciel bleu et soleil au zénith… la ville s’explore aussi aux
premières lueurs matinales ou sous les ambiances orageuses, temps gris et pluvieux
que traduisent les tirages argentiques en noir et blanc du Collectif Hors Série.
Signature du livre Un jour gris de pluie lors du vernissage le 28 juin à 18h30. C.L.
Barbidoll de Luc Barras © L. Barras
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
Marseille
jusqu’au 13 juillet
Atelier de Visu, Marseille 6e
04 91 47 60 07
www.atelierdevisu.fr
La lumière de Marseille
du 28 juin au 5 juillet
La Poissonnerie, Marseille
06 13 14 68 85
www.lapoissonnerie.wix.com
© Xavier Vanlaere, tirage 24/30 manuel sur papier Ilford baryte Warmtone
Zarbie Dolls
Artistes, anthropologues, philosophes et autres doctes personnes se penchent
sur la poupée icône de la petite enfance au féminin et ses représentations.
Les canons de beauté soufflés par les 29 cm de plastoc risquent de péter lors
des trois temps forts les 20/6, 20/7 et 20/8 et les œuvres de Rebufa, Barras,
Dumonteil, Garam, Peteuil, Bœuf, Grivaud, Piet, Megalo Raëpsaët, Vicedo,
Maurel, Thiault, Govin Sorel. C.L.
jusqu’au 31 août
Galerie Andiamo, Marseille
04 91 95 80 88
www.assopoc.org
Marseille © Pablo Guidali
Marseille intime
Deux photographes contemporains sont invités à partager
leurs visions «intimes» de la cité phocéenne à la Galerie Hélène
Detaille. Animés par la même passion, ils portent un regard
aiguisé mais différent sur Marseille. Jean-Christophe Béchet
redécouvre sa ville natale qu’il a quittée à l’aube de ses 21 ans.
Pablo Guidali, quant à lui, tombe sous le charme d’une ville qui lui
rappelle un peu Montevideo à l’énergie pourtant si particulière !
A-L.R.
du 20 juin au 24 août
Galerie Hélène Detaille, Marseille
04 91 53 43 46
www.galeriedetaille.com
gethan&myles
Comme un écho, une réponse, un questionnement du paysage
formé par le travail de l’homme, Aevum -le passage de tempsest une suite d’œuvres créées aux Domaines Bunan par
gethan&myles pour L’Art prend l’air. Avec, au cœur de chacune
d’elles, le jeu entre la nature, l’humain et le temporal en hommage
au terroir devenu un calendrier et le vin un témoin des saisons.
M.G.-G.
Aevum
du 4 juillet à fin septembre
Domaines Bunan, La Cadière d’Azur
06 18 43 46 06 / 06 89 76 01 36
www.lartprendlair.fr
78
A
U
P
R
O
G
R
A
M
M
E
Précarité, installation éphémère, Le Panier, gethan&myles, Marseille 2012 © gethan&myles
Patrick Sirot
Dessinateur, plasticien et professeur à l’École supérieure d’art de Toulon, Patrick Sirot
met en perspective une cinquantaine de dessins zoomorphes inédits avec des œuvres
contemporaines du Musée d’art. Et réalise un dessin mural à l’échelle 1 d’un éléphant
d’Afrique auquel il adjoint, au gré de son inspiration, quelques éléments perturbateurs…
Autant d’interventions à découvrir en sauts de puce ! M.G.-G.
La vie est un zoo
jusqu’au 4 août
Musée d’art, Toulon
04 94 36 81 01
© Patrick Sirot
A
R
T
S
V
I
S
U
E
L
S
A-part
Devenu incontournable en quatre années d’existence sur
le territoire des Alpilles, le festival pour sa quatrième édition
interroge notre nature selon quatre axes : Mutations de notre
nature humaine, animale végétale ou spirituelle/Cadrages et
décadrages de tous nos sens/Manger et méditer sens dessus
dessous : des natures digestes et indigestes/ La nature réinventée
par elle-même : des sons et des formes. Réjouissances
d’ouverture du 5 au 14 juillet. C.L.
Réinventons notre nature par tous les sens
du 5 juillet au 25 août
Alpilles
www.festival-apart-2013.com
We come from nature, but..., 2011, installation néon.
Courtesy de l'artiste et Anyspace gallery © Frederic Fourdinier
Centre Pompidou mobile à Aubagne © Sébastien Dugauguez
Pompidou à Aubagne
Après Le Havre, Libourne, Nantes, le Centre Pompidou mobile effectue la
dernière étape de son tour de France à Aubagne. Ce musée unique au monde,
itinérant et gratuit, propose à travers le parcours Cercles et carrés de découvrir
les œuvres majeures de la collection du Centre Pompidou. Les berges
réaménagées de l’Huveaune auront la chance d’accueillir les artistes
emblématiques de l’art abstrait des 20e et 21e siècles tels que Duchamp,
Kandinsky, Buren, Morellet… A-L.R.
du 29 juin au 29 septembre
Les Berges, Aubagne
04 91 13 20 13
www.2013-paysdaubagne.com
© Ernest Pignon-Ernest
Mahmoud Darwich
Qui mieux que Mahmoud Darwich pour
représenter l’unité des peuples, et celle du
peuple Méditerranéen en particulier ? Le
poète, figure de proue de la poésie palestinienne disparu en 2008, fut à de nombreuses
reprises l’invité des Écritures croisées, en
2003 notamment pour une rencontre entièrement dédiée à son œuvre. C’est donc
tout naturellement que la Villa Méditerranée et les Écritures croisées soulignent
la nécessité de rappeler le symbole qu’il fut
et continue à être : celui de la poésie arabe
et de la cause palestinienne, mais plus encore celui d’une légitime et pacifique
revendication, celle de la dignité de son
peuple. Pour poursuivre et approfondir la
connaissance de cette œuvre, des écrivains,
poètes, artistes et comédiens sont présents :
la poétesse américano-libanaise Etel Adnan,
l’éditeur et essayiste franco-syrien Farouk
Mardam-Bey et le voyageur et écrivain
français André Velter ; Anne Alvaro, actrice, lira des extraits d’œuvres. En parallèle
sont exposées les œuvres de Ernest PignonErnest, Parcours Mahmoud Darwich,
Ramallah, 2009, des dessins qui rendent le
poète vivant, présent sur les murs du check
point de Qalandia, au coin d’une rue de
Bethléem ou encore contre le mur de
béton qui isole la Cisjordanie… Et c’est le
Trio Joubran qui clôturera cet événement
en musique.
Mahmoud Darwich, un indien dans la ville
le 23 juin de 18h à 22h
Villa Méditerranée, Marseille
Les Écritures croisées
04 42 26 16 85
Culture : 2014 ?
La friche La belle de Mai et Marseille
Provence 2013, en partenariat avec La
Provence, Le Ravi, Libération, radio Grenouille et Zibeline, proposent 3 débats sur ce
sujet. La première rencontre se penchera
sur La reconquête des espaces publics, et sera
animée par Olivier Bertrand, Libération,
et Stéphane Sarpaux, Le Ravi, avec JeanLouis Fabiani, sociologue membre de
l’École des hautes études en sciences sociales
(EHESS), Nicolas Memain, improvisateur promenadologiste, guide touristique
spécialisé dans l’attention pour les situations construites, enseignant marcheur à
l’école d’Archi, et Corinne Vezzoni, architecte installée à Marseille qui a construit
le Centre de Conservation et de Ressources
du MuCEM. Depuis le début de l’année,
Marseille se découvre de nouvelles déambulations, de nouveaux publics. S’étonne
de se trouver si belle et si nombreuse en
son miroir. Mais ce qui se passe en 2013
sera-t-il possible en 2014 ? Et comment
comprendre les replis de certains territoires, confrontés à d’autres urgences que la
culture ? Lorsque la Capitale sera finie, que
restera-t-il ? Quels usages, quel partage, de
l’espace public ? Quelles appropriations
collectives ? La culture servira-t-elle la gentrification de la ville, ou ce que Marseille,
grande ville populaire, a de profondément
différent ? Qui cofonde la transformation
de cet espace public ? Comment s’y empare-t-on de la question culturelle ?
le 27 juin à 18h30
La Friche, Marseille 3e
04 95 04 95 04
www.lafriche.org
Il fait flamber Marseille
80
L
I
T
T
É
R
A
T
U
R
E
Licencié en histoire, diplômé de l’école de
journalisme de Marseille, Cédric Fabre vit
de sa plume depuis vingt ans. Entre critiques littéraires (spécialité polar et SF),
chroniques pour la presse institutionnelle
et pour la presse rock, ateliers d’écriture, il
a tout de même trouvé le temps d’écrire
cinq romans, dont quatre sont aujourd’hui
édités. Le premier est paru en 2000 dans la
prestigieuse Série Noire (La commune des
minots, SN 2577). En avril 2013, il publie
Marseille’s burning, un polar stylé fortement
empreint de ce qu’il nomme «surréalisme
social». Cédric Fabre en parle comme d’une
«caricature». Vraiment ? Ce roman qu’on
lit d’une traite se situe à Marseille juste
avant le début de l’année capitale et le
regard qu’il porte sur la ville, sur les enjeux
politiques et culturels locaux, est aigu.
Fabre
Cedric Fabre © Caroline
fidèle aux mouvements rock et punk, pour
leur puissance de subversion, leur insoumission. Phil, mon personnage, est un
rocker dans la capitale du rap. Une façon
pour moi de rendre hommage à tous les
groupes rock marseillais.
Des projets ?
Une suite. J’aimerais tenir une sorte de
chronique de Marseille et de ses contradictions. En m’orientant sans doute vers
l’anticipation, ce qui me permettrait d’aborder des questions plus philosophiques.
PROPOS RECUEILLIS PAR FRED ROBERT
À lire
Marseille’s burning
Cédric Fabre
La manufacture de livres, 20,90 €
FRED ROBERT
Jonathan Coe était invité pour
des Escales en librairies les 7 et 8 juin
La plupart de ses romans sont disponibles en Folio
(Testament à l’anglaise,
Bienvenue au club,
Cercle fermé…).
Désaccords
imparfaits est
édité
chez Gallimard
(8,90 €)
Jonathan Coe © C. Helie Gallimard
Zibeline : Pourquoi avoir situé l’action de
ce roman à la veille de 2013 ?
Cédric Fabre : Parce que je trouve les politiques culturelles locales absurdes. Cette
année, entre deux spots, il se passe quoi ?
Où est la vraie convivialité ? Faire du minimal dans une ville voluptueuse comme
Marseille me paraît un non sens. Je regrette
aussi qu’on continue à ne pas favoriser les
créateurs qui vivent et travaillent à Marseille. Le personnage du Gabian que j’ai
introduit dans le livre est d’ailleurs inspiré
d’un artiste d’ici, qui vend ses œuvres dans
le monde entier mais n’a jamais pu exposer
dans sa propre ville !
Votre roman brosse un portrait de la ville
sans concession. Pourtant, on sent un véritable amour.
Oui, j’aime cette ville. Outre son site merveilleux, elle offre un contre-modèle à la
folie et à l’urgence ambiantes. J’aime les
gens. C’est pour cela que je suis en colère
contre les édiles, qui privent les Marseillais
de leur ville, de leur espace public, de leur
culture. Dans mon livre, derrière la farce
et le jeu, se posent les questions de la communauté, du vivre-ensemble. Qu’est-ce
qui se joue exactement avec l’idée de «métropole» ? C’est ce à quoi j’essaie de faire
réfléchir.
Plusieurs personnages sont originaires de
Bosnie. Pourquoi ?
Marseille’s burning fait suite à Dernier rock
avant la guerre (éd. Rail noir, ndlr), qui se
passait entre la Croatie en 1995 et Marseille en 2007. En 1995, dès qu’il y a eu le
cessez-le-feu, je suis parti là-bas. Encore
aujourd’hui, j’ai une histoire personnelle
très sensible avec l’ex-Yougoslavie.
Il y a aussi une BO importante, dont on
trouve la playlist à la fin du livre : pas vraiment l’ambiance jazzy de certains romans
noirs !
Le titre du roman fait référence, entre autres, au London’s burning des Clash. Je reste
So british
Les fans n’ont pas été déçus. L’escale de Jonathan
Coe à Histoire de l’Œil, en VO brillamment
interprétée par Marguerite Capelle, a été un
grand moment d’élégance et d’humour britanniques. Teint très clair, yeux très bleus, cheveux
très blancs, Coe incarne, verre à la main, cette
Angleterre qui «craignant d’être considérée comme
prétentieuse, envisage toujours les choses sérieuses
selon le prisme de l’humour». Autodérision, tel
semble être le maître mot de ce romancier célèbre
(il est aujourd’hui étudié à l’université) à la
modestie délicieuse. Interrogé par Pascal Jourdana à propos de Désaccords imparfaits, un
recueil tout récemment paru de quatre textes
courts, il déclare avoir «un peu honte» de cet
ouvrage qu’il appelle une «plaisanterie». Lui qui
écrit généralement des sommes et juge «plus
facile d’écrire long» avoue avoir du mal à
atteindre la concision, la simplicité et l’élégance
nécessaires à l’écriture de textes courts. Il persiste
pourtant et a révélé en avoir rédigé deux autres,
non encore édités en France. Certains personnages de ses nouvelles se retrouvent d’ailleurs
dans ses romans ; son projet étant de proposer
un «panorama de la famille et de la société anglaises
depuis les années 50», une sorte de Comédie
Humaine ou de Rougon- Macquart à l’anglaise.
Amateur de musique, il se passionne pour la
composition. Voilà sans doute pourquoi il a
consacré une très longue biographie à B.S. Johnson, auteur expérimental des années 1960 tombé
dans l’oubli. Son «livre le plus personnel», un
dialogue entre lui et Johnson sur la fiction
romanesque. Afin de poursuivre une œuvre
forte, pétrie d’humour et de cruauté, mais jamais
cynique.
Makenzy Orcel © Chris Bourgue
© Marit Roloff
Quinquennat
Le 5e Festival du Livre de la Canebière
vient de s’achever, et un tournant s’amorce.
Cécile Silvestri, qui en assure la direction,
le dit franchement : «La Canebière, c’est
fatiguant. On se dirige de plus en plus vers
des formes itinérantes, ce qui correspond de
toutes façons à notre thème initial, le voyage.
L’idée est de partir à la découverte de notre
propre ville.» L’association Couleur Cactus
qui porte l’évènement déploie énormément
d’énergie, et reçoit peu d’aides : «Opter
pour le nomadisme allège la logistique, les
coûts, favorise les partenariats, permet de
mélanger les publics, ce qui est au coeur de
notre projet associatif.»
Il est vrai que le format actuel semble avoir
atteint ses limites : les libraires présents sur
les stands vendent peu, car «les gens n’ont
pas d’argent» ; les performances et conférences se font dans des conditions difficiles
pour cause de pollution auditive importante, et les organisateurs sont las d’avoir à
écarter les «cramés» du quartier ayant élu le
kiosque à musique comme pissotière. Dès
que le festival prend un peu le large, par
contre, le public suit, alors même que la
programmation a été étoffée pour l’année
capitale. La rencontre littéraire avec René
Frégni à l’Anse du Pont de la Fausse Monnaie a été un succès, de même que l’Atelier
d’Écriture Nomade. On sent un appétit
d’expression personnelle dans la population,
de plus en plus prononcé ces dernières
années. Parmi les partenariats noués par
Couleur Cactus, l’Établissement Péniten-
cier pour Mineurs de Marseille, qui a créé
un Pôle Artistique où l’écrit, «la forme la
moins chère et la plus immédiate», est
favorisé.
Le dimanche 9 juin, l’atelier d’écriturepeinture-lessive proposé par l’association
Tatem collait à merveille au thème de cette
édition 2013 : le silence. Secrets légers,
colères rentrées, non-dits à crier et maux à
effacer ont retrouvé le chemin ancestral du
lavoir en Provence. Et l’esprit collectif, ce
qui était aussi le point fort de la performance pâtissière d’Özlem Sulak la veille,
où chacun par solidarité a pu manger un
morceau de livre censuré. Un partage de
gâteau évoquant irrésistiblement le Fahrenheit
451 de Ray Bradbury : en assimilant chacun
sa part, on préserve le patrimoine de tous.
Le 14 juin, c’est dans le quartier Belsunce
à La Compagnie que le festival a lié cinéma et littérature, avec des courts-métrages
et des livres filmés (ah, Le petit bal perdu
de Bourvil version Philippe Découflé !)
avant de migrer le lendemain pour une
«journée estaquéenne» à l’invitation de la
Mairie des 15e et 16e arrondissements. Et
afin de conclure en beauté, quel meilleur
présage de futures pérégrinations que
d’embarquer à bord du voilier le Don du
Vent pour la journée de clôture ?
GAËLLE CLOAREC
Le Festival du Livre de la Canebière s’est tenu
du 7 au 16 juin à Marseille, divers lieux
81
La parole
des femmes
L’association Couleurs Cactus et le collectif PACA
Pour la mémoire de l’esclavage ont accueilli l’auteur
haïtien Makenzy Orcel pour une rencontre, en amorce
du Festival du livre de la Canebière. Dans son premier
roman, Les Immortelles, écrit dans l’urgence de réagir au
cataclysme du 12 janvier 2010 (voir Zib’57), le jeune
auteur trentenaire met en scène Shakira, morte dans le
séisme, prostituée dès l’âge de 12 ans, passionnée de
littérature et notamment des romans d’Alexis, l’écrivain
haïtien opposant à Duvalier. «J’ai voulu trouver des phrases
coups de poing et dire les choix de cette fille, la petite, qui a
choisi le livre et la prostitution alors que sa mère lisait la
Bible.» Son livre veut «rendre vivantes» toutes ces femmes, leur donner enfin la parole. Lorsque Marion
Cordier, modératrice, lui fait remarquer que les hommes
sont absents, violeurs ou incestueux, il affirme que la
société haïtienne repose sur les femmes : «Les hommes
partent toujours, il y a 18% de matriarcat en Haïti. J’ai
moi-même été élevé par ma mère... La voix des femmes est
plus juste... Je ne peux pas écrire à la place de l’homme.»
C’est de sa mère que viennent les contes qui ont éclairé
son enfance et guidé son écriture. La violence de la
misère éclate dans Les latrines, son second roman, en un
souffle qui vient de la poésie, un cri qui libère, un lieu qui
délie les voix. À la question de Jonas Jolivert, haïtien et
neurochirurgien, sur l’engagement pour la reconstruction de l’île, Makenzy Orcel a souligné la difficulté
de sa mise en œuvre, étant donné les manœuvres permanentes des puissances étrangères pour garder la mainmise
sur le pays. Qu’il combat par un long chemin d’écriture,
au service de ses sœurs de misère...
CHRIS BOURGUE
Cette rencontre a eu lieu le 21 mai
aux Grands terrains à Marseille
www.couleurs-cactus.com
Les immortelles
Zulma, 16,50 €
Les latrines
Mémoire d’encrier, 24 €
L
I
T
T
É
R
A
T
U
R
E
D’une Wilderness Jeux d’eaux
à l’autre
82
L
I
T
T
É
R
A
T
U
R
E
«Je voulais écrire la plus belle histoire
qui soit sur un chien.» Le chien est
bien là, mais pas tout seul, dans ce
premier roman époustouflant de
Lance Weller. Car en parallèle de ce
travail d’écriture, l’auteur avait «entamé
une passion pour la guerre de Sécession»,
qui le mena bien vite à envisager
l’ampleur d’une histoire. Il y mettra
en scène un vieil homme, Abel Truman, vétéran de cette guerre, dont le
centre de gravité, lieu des réminiscences de «toutes les émotions de son
âme» est la bataille de la Wilderness,
lieu d’un des plus sanglants et décisifs
combats de cette guerre qui fit des
États-Unis une nation. Autour de lui
des hommes, des femmes, qui jalonnent le récit, maillage indispensable à la
compréhension d’une quête vitale qui
lie les deux histoires, la sienne et celle de
Do.M
son pays.
Lance Weller ©
Qui est donc Abel Truman ? Un vieil
homme au corps cabossé qui vit seul dans une cabane faite de bois flottés
avec son chien, au bord de l’océan pacifique, et que les souvenirs déchirent.
Qui vont le pousser à prendre la route, tout laisser derrière lui, pour un
ultime voyage. Rapidement le cours des choses va déraper lorsque deux
hommes volent son chien, le destinant à des combats. Abel, ne craignant
plus personne, ni la mort, se lance à leur poursuite… Lance Weller prend
tout son temps pour déployer le récit, le décompose en séquences qui font
alterner le temps présent (1899), et les scènes de guerre (1864), d’une
beauté à couper le souffle, Lance Weller ayant mêlé aux scènes de combat
ultra-réalistes des images de toute beauté d’une nature tout aussi souffrante.
Il scrute l’esprit d’Abel pour en comprendre les blessures, entre errance et
compassion, espoir et rédemption. Et c’est au cœur de la nature que le récit
prend toute sa dimension, dans sa longue et solitaire pérégrination ou lors
des combats. Une nature intimement liée à son histoire, qui lui permettra
de faire son deuil de la Wilderness (littéralement «Les espaces sauvages»),
et de la sauvagerie des hommes.
Gageons que le deuxième roman de lance Weller, dont l’écriture est en
cours et pour lequel il a d’ores et déjà dévoilé un petit aperçu (deux jeunes
hommes en route pour l’Ouest américain durant la guerre américanomexicaine) confirmera ce talent.
DOMINIQUE MARÇON
Lance Weller était invité par
la librairie Goulard, à Aix, le 21 mai
Wilderness
Gallmeister, coll. Nature Writing,
23,60 €
Le rendez-vous des Eauditives s’installe vraiment dans
les coutumes des festivités de juin, pour leur cinquième
édition, le succès est au rendez-vous, «il y a même des gens
que l’on ne connaît pas !» se réjouissent Claudie Lenzi et
Éric Blanco, la présidente et le directeur artistique des
éditions Plainepage, à l’origine du projet. Deux fois
deux journées sont consacrées dans deux villes du Var,
Brignoles et Barjols. Leur point commun : l’eau des
fontaines autour desquelles s’orchestre le thème. Poètes,
plasticiens, rêveurs, sculpteurs de temps, de mots,
d’espaces, accordent leur force créatrice pour des instants
où l’art se partage avec une qualité d’écoute et de
convivialité rare. Coralie Barthélémy se transforme en
Douche au rond-point créée par Christian Nironi à la
fontaine du Caramy ; Patrick Sirot s’emporte dans ses
lipogrammes et les jeux où le poème éponge les sens qui
se catapultent avec jubilation ; Antoine Simon s’adonne
aux miracles des ondes ; Alain Freixe nous entraîne dans
une poésie plus lyrique teintée d’un «bleu d’encre fine»
alors que les «odeurs cuirassent l’air». Dans l’ombre de la
cour du musée, Micheline Simon présente avec pertinence les poètes : Maxime Hortense Pascal qui offre en
lecture des extraits de Nostos, inspiré par les Ulysse de la
littérature, où l’on «coud les mots avec les vents», et
Pierre Guéry, qui livre avec Deuil d’œil, une interprétation où les mots deviennent scansion rythmique. Au
Pôle Culturel des Comtes de Provence l’exposition Délits
de l’eau rassemble deux artistes : Christian Nironi aime,
dit-il, la force suggestive des objets, qui tous sont
porteurs de mémoire, il se plaît à les réintroduire avec
d’autres, leur donnant ainsi une seconde vie. Il propose
du rêve, rarement des titres, le spectateur doit faire une
partie du chemin… Claudie Lenzi joue sur les décalages,
les glissements de sens, les homophones, les incertitudes
le la matière, ses œuvres se délitent, travail de l’eau sur le
savon, reste la trace, souvenir de la matière… Poésie
transcrite dans les choses, dans leur renouvellement,
comme cette eau qui nourrit les paroles miellées des
poètes.
MARYVONNE COLOMBANI
Les Eauditives ont eu lieu les 7 et 8 juin
à Brignoles et les 14 et 15 juin à Barjols
À lire
Nostos
Maxime H. Pascal, 10 €
Deuil d’œil
Pierre Guéry, 3 €
L’os à la bouche
Sophie Braganti, 7 €
Éditions Plainepage
© M.C
Un fonds MuCEM
à la sauce libraire
Zibeline : Pourquoi Damien Bouticourt a-t-il fait appel à vous ?
Molly Fournel : Sans doute à
cause de mon expérience de Regards. La librairie était spécialisée
dans l’histoire et les cultures du
pourtour méditerranéen. J’étais
tout indiquée pour m’occuper du
fonds du MuCEM. Par ailleurs,
durant ma vie personnelle comme
professionnelle, j’ai beaucoup circulé en Méditerranée et j’y ai tout
un réseau. Je connais beaucoup
d’artistes, d’auteurs, d’éditeurs des
pays méditerranéens. Ma connaissance de ce territoire n’est donc
pas seulement livresque.
Comment avez-vous procédé pour
constituer ce fonds très spécialisé ?
Comme quand je cuisine ! J’ai
d’abord rassemblé les ingrédients
avant de chercher à les marier. C’est
aussi comme cela que j’ai appris à
travailler pendant mes études
d’histoire : l’analyse d’abord, la
synthèse ensuite. Dans un premier
temps, j’ai voulu avoir une idée de
ce qui allait se passer dans cet espace, en termes d’expositions et
d’animations, et j’ai collecté tous
© Agnès Mellon
Tous ceux qui s’intéressent aux
livres et à la Méditerranée connaissent Molly Fournel. Pendant plus
de vingt ans, après de nombreux
voyages et des métiers divers, cette
historienne de formation a pris la
direction de la librairie Regards, à
la Vieille Charité. Très active au
sein des associations de libraires,
elle a organisé dans sa librairie des
rencontres mémorables, soutenu
les événements importants liés au
livre et au pourtour méditerranéen.
Cette époque est révolue. Regards
a fermé. On est loin aujourd’hui
des années 1990 : à la Vieille Charité, les expositions de haut vol
sont rares, les horaires d’ouverture
des musées aléatoires. Rien qui
permette à une librairie de survivre. Mais Molly Fournel ne pouvait
pas partir à la retraite sans transmettre son savoir faire : sollicitée
par le directeur de Maupetit,
Damien Bouticourt, pour constituer le fonds de la toute nouvelle
librairie Actes Sud du MuCEM,
elle a dit oui.
ces éléments. Dans un musée de
civilisation, on ne peut pas ignorer
l’histoire et la création anciennes ;
il faut partir des origines pour aller
jusqu’à la société contemporaine.
Ensuite, j’ai repris ces éléments par
blocs de pays afin d’en repérer les
constantes. C’est à partir de cela
que j’ai constitué les bibliographies.
J’ai souhaité éviter le cloisonnement,
je voulais que la librairie propose
une vision d’ensemble, en accord
avec ce qui allait être montré dans
le musée, de façon permanente ou
temporaire.
Satisfaite du résultat ?
Le lieu est beau et grand, plus de
200m2, et on y propose environ
12 000 titres, ce qui est bien. Damien Bouticourt en a confié la
gestion à Carole Mir, qui ajustera
au fur et à mesure. Ce qui me
paraît essentiel, c’est que cette
nouvelle librairie soit accessible à
tous les publics du musée. Chacun
doit pouvoir y trouver un livre qui
lui convienne, en termes de contenu comme de prix. Une librairie
de musée se doit de ne pas exclure
les visiteurs. D’où la diversité des
ouvrages proposés.
PROPOS RECUEILLIS PAR FRED ROBERT
Éloge du royaume des fées…
84
L
I
V
R
E
S
Dans Les Billets de la Bibliothèque on compte
déjà le Supplément inactuel au bréviaire capricieux
de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés de François Kasbi.
Auquel il faut ajouter, pour lecteurs amoureux
d’érudition fantaisiste et d’une mécanique des
mots parfaitement huilée, Nymphes, sirènes, poupées, anges et autres larves de Jean-Roch Siebauer
dédié «à la femme de Nicolas Vassiliévitch Gogol et
aux Vivan Girls». Dès sa préface écrite sous le
signe du chaos, du cosmos et de l’ornementation,
et les auspices du médecin et alchimiste suisse
Paracelse, des Grecs et du jésuite portugais Antonio Vieira, l’auteur nous avertit : ceci est «un chaos
d’objets, d’images, de textes, de mots - des fragments
de lectures, de regards, de trucs et de machins». Un
petit livre comme un grand cabinet de curiosités
littéraires. Où l’on s’embarque avec Alice pour
une promenade à fleur d’eau ; où l’on assiste au
désespoir de Kokoschka face à sa poupée de
chiffon ni vivante ni morte ; où l’on croise
«Ulysse, l’Odieux, lié au mât» puis, à quelques
sauts de lignes, Mélusine, Actéon, une poignée
de mathématiciens, d’obscurs entomologistes,
d’illustres scientifiques et photographes, quelques
libertins du XVIIe siècle, un céroplasticien florentin, un polygraphe byzantin du XIe… Belle
assemblée qui pénètre l’antre des nymphes,
chimérique et ô combien charnelle, peuplée de
sirènes, de vierges, de poupées, de chrysalides,
d’anges et de dragonnes, de démones et de
chasseresses. Et autres créatures d’un monde
flottant dans lequel on s’immerge avec délices.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Nymphes, sirènes, poupées, anges et autres larves
Jean-Roch Siebauer
La Bibliothèque, 12 €
Papa coq
Texte après texte, Sabine Tamisier n’en finit pas
de dire l’intime, la famille, de donner une voix à
ceux qui n’en ont pas, qui n’en ont plus. Issu
d’une commande du Théâtre de la Tête noire à
Satran, Galino restitue ainsi la parole du père
bien-aimé disparu. Car Galino, petit coq, est son
surnom, et c’est donc lui que ce monologue fait
parler, mais pas seulement : comme le précise la
dramaturge en exergue «quand il se souvient, ou
qu’il entend parler, tous parlent à travers lui.»
Ce texte simple, touchant par sa simplicité même,
par sa justesse, va et vient entre deux lieux et deux
moments : Villelaure, août 2009 et la HauteSavoie, printemps-été 1967. Allongé sur son lit
«la veille du jour où», puis le matin, puis l’aprèsmidi «du jour où» jusqu’«au moment où», le vieil
homme attend et se souvient. Par petites touches,
à mots comptés. Quand son souffle le lui permet.
Il se rappelle en particulier ce mois de mai 1967
où il a dû quitter femme et enfants pour aller
soigner sa tuberculose au sanatorium de Sancellemoz. Souffrance physique, séparation douloureuse,
mais aussi découverte de la magnificence du
massif du Mont-Blanc. De ce combat-là, il était
revenu vainqueur… Avec Galino, Sabine Tamisier, la petite dernière, pas encore née en 67, rend
hommage à cette «belle personne» qu’était son
père. Elle tresse aussi une couronne à l’amour de
ses parents, aux liens forts qui unissent les
membres de la famille. Sobre et très émouvant.
FRED ROBERT
Galino
Sabine Tamisier
Éditions Théâtrales, 14 €
La main de l’autre
Le thème de la main qui échappe à son propriétaire et connaît une vie propre, est récurrent
en littérature. Manière de s’observer, de se trouver autre tout en étant soi-même, introspection
qui dessine les limites de notre connaissance
curieusement dans le domaine qui devrait nous
être le plus familier, nous-mêmes… L’auteure
argentine, Fernanda Garcia Lao, en compose
un court roman construit sous la forme d’un
journal intime. L’ellipse y règne en maître : de
longs mois sont oubliés, le décompte des jours
est absent, mais les têtes de chapitre, toutes baptisées du nom d’un mois, annoncent le titre des
sous parties, avec une clarté obscure qui titille
l’imaginaire du lecteur, «passion mise à tremper»,
«des raviolis dans la pénombre», «peinture fraîche»…
La narratrice a une vie qui semble ne connaître
que des impasses, comédienne sans engagements, vie sentimentale qui pourrait ressembler
à une chanson de Fréhel… jusqu’à un accident
stupide, manque de soins au départ qui correspond à l’état de son existence, Violeta se retrouve
à l’hôpital, amputée d’une main et bénéficiaire
d’une première mondiale, la greffe. À qui cette
main appartenait-elle ? Elle semble avoir une vie
propre. Notre personnage très romanesque va
tenter de le découvrir, ce qui donne la dimension
d’une enquête policière au texte. Son imagination
débordante nourrie de cinéma et de littérature la
pousse à élaborer les hypothèses les plus rocambolesques. On sourit beaucoup, on se laisse porter
par cette fausse légèreté. La peau dure, on retrouve le titre du roman dans une citation au
cœur du roman, un extrait de Copi : tout l’art de
Fernanda Garcia Lao est d’avoir su transposer
l’esprit du dramaturge dans le domaine
romanesque.
MARYVONNE COLOMBANI
La peau dure
Fernanda Garcia Lao
La dernière goutte, 16 €
Pour qui sonne le glas ?
Le nouveau roman de Marc Biancarelli garde
son titre corse, comme un coup de poing, Murtoriu, c’est-à-dire Glas ou avis de décès. Le sous-titre,
Ballade des innocents, est à prendre avec précaution, une baddata (ballade) note l’auteur est «un
chant funèbre, entonné ou improvisé notamment
lors des morts violentes». Le cadre ainsi posé, peu
d’échappatoire ! Le narrateur, Marc-Antoine
Cianfarani, «libraire raté» de son état et «poète raté
à ses heures», vit à l’inverse des courants qui animent la Corse. Son ami, journaliste, est hanté
par la nostalgie de rêves irrédentistes. Lorsque les
vagues de touristes déferlent, il ferme boutique
et remonte dans la montagne où il habite la
maison familiale et partage sa vie entre l’écriture
et ses deux amis Trajan, agriculteur et lettré, et le
frère de celui-ci, Manzuetu, berger, infirme, peu
loquace, qui est le symbole dans le roman des
vestiges de la civilisation ancestrale décimée par
la première guerre mondiale. Celle-ci est évoquée
à travers des analepses qui montrent le grand-père,
un Marc-Antoine aussi, (à l’instar de l’illustre
romain) engagé dans le 173e régiment d’infan-
terie et qui survit à la boucherie. Le retour n’est
pas celui des héros attendus. Parallèlement se
dessine l’histoire de deux petits malfrats, couple
comique au départ, mais d’une violence extrême.
Les destins des personnages se croisent.
Comme dans toute bonne tragédie, dès le début,
on sait, la victime est désignée, la plus innocente,
les rouages implacables sont en marche. Dès le
début du roman, le village était «asphyxié entre les
pins et les châtaigniers». Le départ est-il la seule
réponse ? Être loin permet-il de mieux comprendre ? Le roman de Biancarelli échappe avec
justesse aux clichés courants, et dans une prose
nerveuse et poétique construit un ouvrage bien
charpenté nourri d’échos, et d’une réflexion qui
va bien au-delà des frontières, fussent-elles d’une
très belle île.
Trois traducteurs pour ce texte paru en langue
corse aux éditions Albiana, dont Jérôme Ferrari,
le dernier Goncourt. La langue corse par de tels
ouvrages prend ses lettres de noblesse.
MARYVONNE COLOMBANI
85
Marc Biancarelli était invité au Festival du Livre
de la Canebière (lire p. 81)
Murtoriu
Marc Biancarelli
Actes Sud, 22 €
Circoncis et baptisé
Le roman de Jabbour Douaihy, écrit en 2010,
nous plonge vertigineusement vers les racines de
la tragédie libanaise, ce moment des années 50
où un peuple cosmopolite sortait par endroits, à
Beyrouth, de l’emprise des religions, mais qui
s’est conclu par la fracture et la guerre. À aucun
moment pourtant, durant les 25 années que le
roman traverse, le récit n’apparait comme une
métaphore : ancré dans le réel c’est une histoire
singulière qu’il déroule.
Saint Georges regardait ailleurs est construit
comme un grand roman classique et on y suit de
l’enfance à la mort, le destin d’un personnage
indécis et opaque : Nizam garde jusqu’au bout
son mystère, balancé entre deux maisons, le
village et Beyrouth, entre deux familles, entre
deux mères, deux femmes, deux pères, tous
aimants, tous méfiants et cherchant à l’attirer vers
leur pôle… Musulman et chrétien, Nizam ne
choisit pas, ou plutôt opère une série de choix au
gré des lieux qu’il traverse, puis rattrapé par la
guerre qui éclate, massacré par une société qui ne
peut plus tolérer les indécis. Le roman enchaîne
le lecteur à la narration, chronologique, par une
pléthore de détails savoureux, de goûts et de
saveurs, d’oiseaux, de personnages annexes qui
reviennent et habitent l’histoire, d’évocations
minutieuses d’un jardin aux poires, d’une guinguette où l’on danse, d’un bas-fond… Par une
ironie aussi très particulière, qui surgit dans les
moments les plus émouvants pour prendre une
distance étonnante avec l’histoire. Salutaire, sans
doute tant le destin est noir, du jardin d’Eden au
supplice…
Saint Georges regardait
ailleurs
Jabbour Douaihy
Traduit de l’arabe
(Liban) par Stéphane
Dujols
Actes sud, Sinbad,
23,80 €
AGNÈS FRESCHEL
Ode à la haine
Gilles Ascaride déteste les pigeons et les clubs
échangistes, mais aussi le travail ou, plus étonnamment, les rêves. À travers l’énoncé joyeux de
ces haines irraisonnées, le chef de file de l’overlittérature Marseillaise nous emmène dans les
méandres de sa vie, de sa jeunesse en solitaire
jusqu’à la retraite. Ce recueil d’instants et d’histoires personnelles ressemble à des secrets confiés
en vitesse à son journal intime par un bulldozer
qui aurait du style, puisé dans les textes qu’il a
mâchés au long de sa vie. Après Amours modernes, son précédent roman aux éditions Folies
d’Encres, place aux Haines postmodernes, incontrôlables, presque inavouables : Gilles Ascaride
n’y va pas à demi-mot, et il sait que la défense
du postmoderne peut ressembler parfois à du
passéisme, et construire une pensée réactionnaire… Alors il choisit l’éclatement et la déconstruction,
et c’est sur un rythme soutenu et par un phrasé
acerbe qu’il dépeint par touches épaisses notre
univers peuplé d’objets qui «nous aliènent, nous
contraignent […] prennent de la place et ne donnent rien» : des pigeons, «ces saletés emplumées»
aux bibliothèques, «plutôt la cité de l’angoisse»…
Reste à la fin, indéniablement, malgré la haine
de Zola, l’amour des mots. L’overlittérature ?
MANON MATHIEU
Haines postmodernes
Gilles Ascaride
Folies d’encre, 16 €
L
I
V
R
E
S
Un mook pour franchir le détroit
86
L
I
V
R
E
S
Un nouveau mook (nom créé par la contraction
de «magazine» et de «book») vient de voir le jour.
Le premier numéro de Gibraltar est paru en
janvier dernier. Cette revue semestrielle toulousaine n’entend vivre que grâce à ses lecteurs et à
ses abonnés, et ne prévoit pas de pages de publicité. Un pari audacieux, et une ligne éditoriale
engagée pour une revue consacrée aux mondes
méditerranéens. Voilà pourquoi, début mai, son
directeur Santiago Mendieta est venu la présenter à la librairie Maupetit. Journaliste, directeur
de la publication, Mendieta assure également, et
avec beaucoup d’enthousiasme, la promotion et
la diffusion de son «bébé», né de son admiration
pour des revues comme XXI et de sa volonté de
tendre «un Pont entre deux Mondes» ainsi que
l’affirme le sous-titre. Il n’a pas tort d’y croire : le
magazine est réussi. Couverture souple, grand
format, large place faite aux illustrations et à la
photographie, on se plaît à naviguer entre documentaires et fictions, au sein d’une publication
de qualité. Au sommaire de ce premier numéro,
un important dossier sur les migrants, mais aussi
un voyage dans le Rif, une escale dans la communauté autogérée de Marinaleda en Andalousie…
Et puis deux sujets sur notre région, l’un sur
l’étang de Berre (très éclairant sur les véritables
causes de la pollution de «la petite mer») agrémenté des photographies de Franck Pourcel,
l’autre sur le phare de Planier, joliment intitulé
«L’impossibilité d’une île». Deux raisons supplémentaires pour nos lecteurs de découvrir et de
soutenir ce nouveau magazine qui souhaite
privilégier «l’humain plutôt que le sensationnel»
et dont le deuxième numéro est en instance de
bouclage.
FRED ROBERT
Santiago Mendieta était invité à la librairie Maupetit,
à Marseille, le 2 mai
Revue Gibraltar, premier semestre 2013, 17 €
www.gibraltar-revue.com
Les crayons et les masques
En 1971 Picasso faisait don au musée Réattu,
grâce à son conservateur et proche du peintre
Jean-Maurice Rouquette, d’une série de cinquante sept dessins. Cette édition revue et
augmentée d’un ouvrage plus ancien -auquel il se
substitue sans conteste- brosse dans les détails
l’histoire de ce geste généreux. Il suffit d’en
apprécier dès la prise en mains le soin apporté à
la reproduction des œuvres pour lesquelles le
rendu des matières, couleurs et techniques (support cartonné, craie, lavis…) ne saurait souffrir
l’à peu près. En dehors de quelques légères concessions sur les formats, les images restent
proches des dimensions originales si bien que le
lecteur pourrait imaginer être en présence des
originaux. Ce corpus iconographique est com-
plété par d’autres reproductions d’œuvres (Maria
Picasso Lopez, maman du peintre, Lee Miller en
Arlésienne, gravures et peintures) et de photographies de Picasso par Clergue, Villers, Ronis,
Doisneau, Julia Pirotte, Denise Colomb,
appartenant toutes elles aussi au musée. Cet
ensemble retrouve les textes originaux de J.M.
Rouquette, L. Clergue, A. Villers et reçoit le renfort des analyses récentes de Michèle Moutashar,
précises, éclairantes et par endroits émouvantes.
CLAUDE LORIN
Les Picasso d’Arles
Divers auteurs
en français et en anglais
Actes Sud/Musée Réattu, 33 €
Le GR2013 à l’an 0
C’est une entreprise humaine et temporelle folle
conjuguée à une entreprise éditoriale aussi folle !
Étape n°1 : avant son ouverture au public,
Geoffroy Mathieu et Bertrand Stofleth ont usé
leurs chaussures sur le sentier métropolitain
GR2013 et réalisé durant un an des centaines de
photos pour en sélectionner 100 «qui documentent les paysages vus du sentier et le sentier lui-même,
explorent la variété des relations entre ville et nature
dans la métropole Marseille-Provence». Étape n°2 :
ils restituent une partie de cette commande
publique du CNAP coproduite par MP13 sous
la forme d’un coffret jaune à bande rouge édité
par la maison marseillaise Wildproject, comprenant 100 cartes postales numérotées (à conserver
comme une relique ou à envoyer à ses amis) et
une carte mentionnant sur le tracé rouge du
GR2013 les points de vue pris entre le point 01
à Vitrolles (D9, plateau de l’Arbois, 12 mars
2012 à 11h45) et le point 100 à Aix-en-Provence
(Le Petit Arbois, 16 octobre 2012 à 12h). Toutes
les stations étant indiquées avec une extrême
précision : 43°19, 983’ N - 005° 23, 659’ E pour
La Busserine le 24 septembre 2012 à 16h05…
La sincérité de leur pérégrination transpire dans
ce jeu de cartes aussi insolite que sans concessions
vis-à-vis des zones traversées : banlieue pavillonnaire, sous-bois, zone industrielle, chemin vicinal,
périphérie, jardin public sont regardés objectivement. Étape n°3 : ils reconduiront ces 100
points de vue qui constituent l’année zéro de
l’Observatoire photographique du GR2013 à
raison d’1 fois par an pendant 10 ans ! Bref une
collection de 10 coffrets de Paysages usagés est en
marche…
M.G.-G.
Paysages usagés, 100 points de vue depuis le GR2013
Photographies de Geoffroy Mathieu
et Bertrand Stofleth
Wilproject, édition limitée numérotée
à 250 exemplaires, 40 €
Marseille la belle en chansons
88
L
I
V
R
E
S
E
T
C
D
Capitale du Music-Hall des années 30, Marseille
a toujours été un creuset où les connaisseurs du
Bel Canto ne dédaignaient pas de fredonner les
chansons d’Alibert ou de Fernandel. À l’occasion
de Marseille Provence 2013, et d’un spectacle
théâtral et plurilingue du Lycée Lumière de La
Ciotat et joué au Toursky (Marseille 2013, un
regard euro-méditerranéen sur l’histoire de Marseille) labellisé MP13, Jean-Marie Oliva et son
complice Guy Perfumo, ont concocté un CD
qui évoque l’histoire de Marseille en 14 chansons
écrites et composées par J-M Oliva et illustré par
le peintre Idi Eder. Un panorama de l’histoire
massaliote est brossé, des vaticinations de la Pythie
à la Reine Jeanne, de Pythéas à l’exposition coloniale et son pavillon du Tonkin, de la grande
peste de 1720 au panier des commères ou au
cinéma des Frères Lumière, des Italiens envoyés
au camp des Milles en 1940 aux Pieds Noirs.
Certains faits émergent que les cours d’histoire
oublient, comme l’épisode de Charles de Casaulx,
qui fut le cauchemar d’Henri IV et fit de Marseille
au XVIe siècle, une république indépendante et
catholique… Particulièrement réussie, la chanson sur l’Alcazar qui fait penser aux airs de Fréhel
ou Damia ou l’orchestration de l’Italiano, avec
son côté western, lointain écho de Rocky Racoon,
ou encore la chanson en anglais hommage à
Varian Fry. Un travail fort sympathique, qui
témoigne que Marseille inspire toujours !
MARYVONNE COLOMBANI
JIMMO, Histoire de Marseille en Chansons
Jean-Marie Oliva
Studio Squirrel AUDIO (Saint Zaccharie), 15 €
Igor Stravinski
C’est Bertrand Dermoncourt, directeur de la
revue Classica (critique musical à l’Express) qui
s’attaque, dans la déjà riche collection d’Actes
Sud/Classica du volume consacré à un géant de
la musique du XXe siècle (après un Chostakovitch en 2006). Son Igor Stravinski est digest,
c’est la règle… qu’il règle précisément en 150
pages. L’originalité tient au fait, qu’hormis un
chapitre chronologique, habilement synthétique
(pour 89 ans de vie !), l’organisation thématique
parvient, dans une large mesure, à brosser un
portrait juste, moderne, une mosaïque dont on
saisit le sens, au final… auquel s’agrègent de précieux index, discographie, bibliographie… Le
style est clair, les comparaisons pertinentes,
transdisciplinaires… À lire d’un trait !
JACQUES FRESCHEL
Igor Stravinski
Bertrand Dermoncourt
Actes Sud/Classica
Centenaire Trenet
C’est Olivier Chauvel, d’une voix un rien désuète qui raconte l’histoire du «fou chantant», écrite
pour les bambins par Stéphane Ollivier après
celles de Tchaïkovski, Louis Armstrong, Ella
Fitzgerald, Django Reinhardt ou Elvis Presley.
Au fil des illustrations de Lucie Durbiano et de
photos d’archives, on suit la vie de Charles Trenet
depuis sa naissance un 18 mai 1913… il y a un
siècle ! Et les enfants découvrent sa voix ancrée
dans la mémoire populaire, et des airs qui «cou-
rent encore dans les rues» avec l’âme du poète
disparu en 2001. Des chansons qui disent aussi
l’esprit d’une époque, autour de la seconde
guerre mondiale, de Je chante, Boum !, Y a d’la
joie, Le Soleil et la Lune, à Douce France, La Mer
ou Que reste-t-il de nos amours…
J.F.
Livre CD aux éditions Gallimard Jeunesse
www.gallimardjeunesse.fr
Authentique mais virtuose
Si le patronyme Parnassie du Marais peut paraitre mystérieux, les enregistrements de l’ensemble
mettent tout le monde d’accord. Gravée aux
éditions Parnassie sous l’impulsion de la claveciniste Brigitte Tramier, produite au cœur d’une
Provence chère à cet ensemble de musique ancienne
à géométrie variable, la réédition remasterisée du
Stabat Mater de Pergolese et du Salve Regina
d’Alessandro Scarlatti, également disponible en
album dématérialisé, sont à ranger en tête de
gondole. Soutenus sans artifice, les solistes
Catherine Padaut et Michel Géraud allient
homogénéité et luminosité.
Dans un esprit d’authenticité, de recherche et
de… virtuosité, le violoniste Flavio Losco accompagné du guitariste (et preneur de son !)
Jean-Michel Robert a gravé Le carnaval de
Venise, véritable récital composé d’opus du
fameux Paganini. Ici, la restitution relève de la
prouesse pour ce premier enregistrement mondial avec techniques et instruments originaux !
Notamment les redoutables sons harmoniques
doubles... La technique incroyable de Flavio
Losco associe pureté, légèreté et musicalité, sans
aucune âpreté dans les suraigus. À découvrir !
FRED ISOLETTA
Se trouve à la librairie du J1, à la Fnac du Centre Bourse
de Marseille, à l’Office de Tourisme du Pavillon M, chez
Massilia Records et chez les libraires de La Ciotat
90
R
E
N
C
O
N
T
R
E
S
La fête pour la remise du 9e Prix
littéraire des lycéens et des
apprentis de la Région Paca
s’est déroulée dans une atmosphère festive, électrisée par le
groupe Kabbalah. Cette année les
élèves de 26 établissements scolaires, dont un CFA, ont participé
à l’aventure grâce à l’investissement de leurs enseignants et des
animateurs de 29 librairies et 23
bibliothèques. Tout au long de
l’année ils ont rencontré et questionné des écrivains et des auteurs
de bandes dessinées, découvrant
ainsi des aspects insoupçonnés
de la création contemporaine. Les
auteurs apprécient ces contacts
directs dans les établissements,
les questions inattendues qui les
obligent parfois à un nouveau regard
sur leur création. Et les enseignants s’y retrouvent quand ils
voient l’année suivante des élèves
aller plus spontanément au CDI et
prendre plus facilement la parole.
La fête a donc battu son plein
autour des réalisations artistiques
préparées par les élèves sur les
contenus des livres de la sélection, avec l’attention de leurs
enseignants et des artistes associés. Le développement de la
créativité est en effet un des buts
essentiels de cette action, avec la
lecture ! Enfin la remise des Prix
est faite par Cécile Helle et Gaëlle
Lenfant, respectivement Vicesprésidentes de la Culture et de la
Jeunesse au Conseil régional. Les lycéens ont
effectué un choix surprenant, qui ne relève ni
de légèreté ni de sentimentalisme : les récits de
Laurent Mauvignier et
Gilles Rochier sont des
coups de poing qui bouleversent et dérangent (voir
Zib’57 & 60). La misère, la
violence et la mort y sont
présentes avec l’injustice
et la révolte ; néammoins
ils ont été choisis. Preuve
que les lycéens portent un
regard aigu sur notre société malade et qu’ils ont au
coeur non seulement une exigence de justice, mais une
ambition de vie meilleure.
Chapeau !
CHRIS BOURGUE
© Chris Bourgue
Construire sa vie
La remise des prix s’est tenue
au Dock des Suds le 23 mai
Prix du roman :
Ce que j’appelle oubli
Laurent Mauvignier
Éd. de Minuit, 7 €
Prix de la BD :
TMLP-Ta mère la pute
Gilles Rochier
6 pieds sous terre, 16 €
ue
© Chris Bourg
Comment naissent les révolutions
Pierre Serna et Michel Vovelle n’ont après
tout «qu’un an de retard sur l’horaire prévu»,
puisque leur intervention prévue en avril 2012
au Lycée Saint-Exupéry avait été reportée...
en raison d’un fait divers sanglant dans le
quartier, bouclé par la Préfecture. Les deux
brillants universitaires se succèdent au micro,
dans ce qui ressemble fort à une joute amicale
commencée lorsqu’ils étaient encore maître
et disciple. Un jeu que les historiens
affectionnent, celui des étiquettes : des
différents épisodes insurrectionnels
que le monde a connus depuis le XVIIe
siècle, lesquels sont une révolte, une
émeute, une simple guerre d’indépendance ? On pardonnera aisément
à Michel Vovelle sa petite pointe
d’orgueil lorsqu’il place notre Révolution nationale dans la catégorie
hors concours, d’autant qu’il accorde
avec humour aux mouvements arabes
contemporains un accessit : «Nous pouvons donner à ces révolutions actuelles,
dans l’état où elles sont, parfois désespérant, du temps. Somme toute, 2 ans après
le début de la nôtre, en 1791, après la tentative
d’évasion manquée du roi, on le rétablit dans
ses prérogatives.»
Du temps, c’est aussi ce que réclame un membre du public lorsqu’il prend la parole : «Je suis
professeur d’histoire dans le secondaire, et je
crois que le gouvernement a peur des révolutions. La Révolution Française est reléguée à la
fin du programme, on ne parle plus de la
Commune, la révolution russe n’est traitée qu’à
partir de Staline, et on veut nous faire enseigner la «morale laïque» à la place, pourquoi ?
Pour rendre nos élèves gentils ?»
Que voilà une bonne question à poser, avec
à l’arrière plan les vertigineux enjeux d’une
nécessaire culture historique en matière
d’éveil de l’esprit critique ! Pierre Serna
le confirme : «Un processus révolutionnaire ne naît que si les gens descendent
dans la rue, prêts à en découdre. Et
pour cela il faut qu’ils aient l’impression que le réel peut changer.»
GAËLLE CLOAREC
La conférence-débat de Pierre Serna
et Michel Vovelle a eu lieu le 6 juin
au Mémorial de la Marseillaise, Marseille
À lire
Pour quoi faire la révolution
Agone, 15 €
Pierre Serna et Michel Vovelle © Gaelle Cloarec
Science, politique
et société :
le paradoxe
démocratique
Quels rapports science et société entretiennent-elles ? La science est-elle un bien commun ?
C’était en substance le débat auquel invitait
l’association Les petits débrouillards au
Point de bascule mardi 14 mai.
Au siècle des Lumières, la science promettait
d’être source de vérité et d’objectivité absolues, en refusant la domination des préjugés
populaires et le joug de l’ignorance : elle incarnait des valeurs libératrices. Aujourd’hui
encore s’en maintient une représentation fantasmatique : elle est censée produire du vrai
incontestable, au cœur de tout progrès et de
tout savoir… c’est du moins l’idée qui se dégage du débat, largement entretenue par les
scientifiques eux-mêmes quand ils évoquent
leurs méthodes et leurs pratiques. On peut dès
lors s’interroger sur l’existence d’une alliance
naturelle entre l’objectivité de la connaissance
scientifique et la démocratie… et on se trouve
confronté à un apparent paradoxe : vouloir
convaincre par la preuve laisse assez peu la
place au débat démocratique, puisqu’ainsi on
attend des sciences qu’elles guident la démocratie en garantissant la victoire de la vérité,
de l’égalité et de la justice.
Mais le paradoxe n’est finalement qu’apparent
car à y regarder de plus près, à l’ère des technosciences où les problèmes scientifiques sont
plus que jamais contextualisés, si les sciences
produisent des résultats utiles, les avis des
experts sont multiples. La science n’est donc
pas cette source sacrée et infaillible de vérité
théorique ! Il suffit pour s’en convaincre de se
rappeler les crises sanitaires, alimentaires et
environnementales répétées, qui ont remis en
cause, en matière de politique scientifique et
technique, le schéma de décisions fondées sur
une science neutre et objective. S’il est clair
que nul ne remet en cause la capacité de la
science à produire -par ses méthodes- des
résultats valides, il n’en va pas de même quant
à la pertinence de ces mêmes résultats, au
choix de ses orientations et aux formes de son
organisation.
Un nouveau modèle de gouvernance délibératif semble vouloir émerger, laissant leur
juste place aux dimensions socio-politiques,
socio-économiques et environnementales. Mais
là encore -dans les discussions et dans les
faits- prévaut l’idée qu’il faut être compétent
scientifiquement pour se prononcer sur les
Souk des sciences © C.M
orientations «sociales» de la science. La
surreprésentation des scientifiques, médecins
et experts au sein du Comité Consultatif National d’Éthique, chargé «d’éclairer les progrès de
la science, soulever des enjeux de société nouveaux
et poser un regard éthique sur ces évolutions…»,
est de ce point de vue éclairante. Pourtant,
comme le défend Jean-Marc Lévy-Leblond1 :
«L’exigence… qui voudrait que chacun soit,
sinon expert, du moins compétent en sciences,
techniques et médecine avant qu’il puisse légitimement donner son avis en ces matières,
est en définitive absolument contraire au
postulat fondamental de l’esprit démocratique.
C’est que la démocratie est un pari risqué : le
pari que la conscience prévaut sur la compétence (énoncé de Blandine Barret-Kriegel).»
Loin d’écarter la nécessité d’un développement du niveau de culture scientifique de
nos concitoyens, l’épistémologue souligne que
«devant nous prononcer en relative méconnaissance de cause, la démocratie, c’est le pari que
la «moins pire» des solutions est de le faire
collectivement et d’assumer ensemble les
risques de ces décisions».
Mais, avant d’avoir envie d’en débattre, sans
doute est-il nécessaire d’abord de s’intéresser
aux questions scientifiques. Hassane Bitar
(AMU) a proposé il y a déjà 10 ans d’aller à la
rencontre du plus large public pour parler de
science autour d’étals de marché. Le Souk des
sciences, labellisé MP2013, s’est ainsi installé
quartier Belsunce le 22 mai pour le plus grand
plaisir des passants venus nombreux parler
mathématiques, cristallisation, parfums,
climat et plantes, matériaux et… zététique ou
«art du doute» : de quoi inspirer les veilleurs
de demain !
CHRITINE MONTIXI
1
Jean-Marc Levy-Leblond est invité
à l’École Nationale des Mines de Gardanne,
site Georges Charpak, pour le congrès de l’AMCSTI
sur le thème des médiations [Arts et Sciences]
du 1 au 3 juillet (voir ci-contre)
AGENDA
Arts et Sciences
L’Association des Musées et Centres pour le développement de la
Culture Scientifique, Technique et
Industrielle (AMCSTI) tiendra son
31e Congrès à Gardanne, sur le
thème des médiations [Arts et
Sciences]. Seront présents le physicien et épistémologue Jean-Marc
Levy-Leblond, la sémiologue Judith Larnaud-Joly, l’écrivain
François Bon et la plasticienne
Martina Kramer. Jean-François
Chougnet, directeur de MP2013,
interviendra également.
du 1er au 3 juillet
École Nationale des Mines,
site Georges Charpak, Gardanne
06 82 72 12 99
www.amcsti.fr/
Délices
botaniques à Digne
Pour sa 4e édition, le festival de
la biodiversité Inventerre a choisi un thème aussi léger que
plaisant, inspiré par un ouvrage
du botaniste Jean-Michel Groult :
des plantes à délices et des plantes à malices. Conférences, films,
balades, expositions, ateliers,
plus un salon du livre et un forum
sont programmés lors de ce festival de culture scientifique
entièrement gratuit et accessible
à tous.
du 11 au 14 juillet
Digne-les-Bains, divers lieux
www.festival-inventerre.com
L’épopée
des couleurs
Pour découvrir Les couleurs de
l’Univers depuis le Big Bang il y a
13,7 milliards d’années, une exposition gratuite et tout public
proposée par le CG13 en coproduction avec l’Institut Pythéas et
MP2013, permettant d’aborder les
sciences de l’univers à travers de
multiples animations (cabinet de
curiosités, films, outils numériques). Chercheur référent : Michel
Marcelin, Directeur de recherche
au CNRS.
jusqu’au 29 septembre
Maison de la Sainte-Victoire, Saint
Antonin sur Bayon
04 13 31 29 47
91
S
C
I
E
N
C
E
S
Un Pont jeté au-dessus
des frontières
92
P
A
T
R
I
M
O
I
N
E
Depuis des années le Pont du Gard s’impose en lieu
de mémoire mais aussi en creuset culturel bien actuel.
Pourtant, lorsque Zibeline rencontre Paolo Toeschi,
directeur de l’Établissement public de coopération
du Pont du Gard (EPCC), celui-ci sort, indigné, d’une
réunion avec un élu. Qui lui demande la gratuité
totale de l’accès au site…
Zibeline : Pourquoi cette gratuité n’est-elle pas
envisageable ?
Le Pont du Gard est avant tout un lieu de coopération culturelle. Il apporte une vraie richesse au
territoire, grâce au monument lui-même évidemment, mais aussi par ses 180 hectares mis en valeur
avec le parcours Mémoire de garrigue, les aménagements des rives du Gardon, ses musées… il s’agit
d’un site exceptionnel, inscrit depuis 1985 au patrimoine mondial de l’Humanité et labellisé Grand site
de France : une double référence, nationale et internationale, dont seul le Pont du Gard peut se prévaloir !
Une contribution est normale pour accéder à un
établissement de cette ampleur, conçu comme un
tout. On ne peut pas dire qu’elle soit excessive, 18€
pour une voiture pleine, 3€ par personne pour les
groupes… Bien sût le Pont du Gard n’est pas un lieu
de consommation, et nous voudrions l’offrir. Mais le
site occasionne une multitude de frais, ne serait-ce
que ceux liés à l’entretien des 180 hectares, aux
dégradations naturelles… Le Pont du Gard s’autofinance à 76%, nous ne pourrions le faire vivre, ou
même l’entretenir, sans la contribution, somme toute
normale, des visiteurs.
La fréquentation ?
Nous accueillons 1 300 000 visiteurs par an, ce nombre n’a cessé de croître, sur les espaces aménagés
aussi. Le droit d’entrée ouvre à toutes les activités
proposées (il fut un temps où il fallait payer chaque
animation !). Le public est constitué à 80% par des
familles, avec 60% de français et 40% d’étrangers.
Et les écoles ?
60 000 enfants sont venus l’an dernier dans le cadre
scolaire, gratuitement. Nous effectuons un gros travail avec l’éducation nationale, concevons des fiches
pédagogiques, des pré-visites, des animations spécifiques, adaptées aux différents âges, des parcours
thématiques… Nous entrons ainsi totalement dans
notre rôle d’établissement public, qui a pour vocation d’éveiller les esprits. Il ne s’agit pas de parler
de gains financiers, l’éducation ne se mesure pas à
l’aune de la rentabilité. Une société tolérante et
ouverte passe par l’éducation. Et le regard de tous
ces enfants a quelque chose de formidable !
La recherche et la formation s’inscrivent aussi dans
les missions d’un Établissement Public. Qu’en est-il
du Pont du Gard à cet égard ?
Des chantiers école travaillent à la mise en perspective du site dans le cadre du programme Chemins
de l’Histoire du Sud de la France. Nous travaillons
Groupe F © Thierry Nava
aussi avec des écoles d’insertion : le but est de
former des jeunes au travail de la pierre. Pour ce qui
est de la recherche archéologique nous avons rouvert des chantiers de fouille sous l’autorité de la DRAC,
par exemple celles de la grotte Salpêtrière (plongée
dans le Paléolithique supérieur méditerranéen). Nous
menons également des expertises régulières de l’état
des pylônes du pont, qui souffrent de l’érosion provoquée par le Gardon.
Quelle est la place de l’art contemporain dans une
institution patrimoniale comme le Pont du Gard ?
Il y a en effet une controverse entre art contemporain et patrimoine. On peut parler d’une certaine
esthétique de la surprise pour les visiteurs qui ne
s’attendent pas à trouver de l’art contemporain dans
un lieu antique. On peut s’en réjouir, comme les gens
sont surpris, on en parle ! J’ai souvent remarqué que
les enfants y étaient particulièrement sensibles, sans
doute, parce qu’ils n’ont pas d’a priori culturel, et ils
offrent un regard neuf dans lequel ils entraînent
leurs parents. Il serait ridicule d’opposer les arts ;
l’aqueduc s’est ouvert à de nombreuses expositions,
nous avons eu l’an dernier Dezeuze, Saytour et
Viallat…
Vous mettez aussi le site en spectacle…
Oui, il est essentiel pour nous de renouveler les activités, de surprendre, d’émerveiller aussi le visiteur.
Nous ne sommes pas le seul site exceptionnel dans
le monde et nous sommes obligés de nous remettre
en question pour attirer le public et aussi conserver
le label de Grand site de France et même l’inscription
au patrimoine mondial de l’humanité. Rien n’est
jamais gravé dans la pierre, même ici !
D’où votre implication dans l’anniversaire des 30 ans des FRAC…
Cet anniversaire m’a fait accepter
le principe de l’interface entre les
deux régions, Languedoc-Roussillon et PACA, et le Frac de
Bretagne partenaire de l’opértion.
Il s’agit de promouvoir la culture
du Grand Sud. La bonne entente
entre les deux régions méditerranéennes est un véritable enjeu.
Quel beau symbole du Pont pour
les réunir ! Les échanges sont nécessaires absolument. D’ailleurs
c’est un petit clin d’œil à Marseille Provence 2013 que d’avoir
pris comme parrain cette année le
groupe IAM.
Nous sommes un lieu privilégié
pour recevoir des manifestations
des arts vivants, le cirque (même
si le temps d’avril n’a guère été
clément !) avec le Pôle National
des Arts du Cirque, le Frac, le Cratère (scène nationale d’Alès), les
ATP d’Uzès, le Groupe F… Et pour
créer le lien entre PACA et Languedoc Roussillon, qui ont tout,
culturellement, pour s’entendre !
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE
COLOMBANI
© M.C
Neiges d’antan
Pour leur quatrième édition, les Journées
nationales de l’Archéologie permettaient
au public de découvrir des chantiers de
fouilles, des expositions, des conférences, des animations, des archéobalades,
des rencontres avec des archéologues,
des ateliers ludiques ouverts aux plus
jeunes, histoire de toucher au plus près
la matérialité de ce que l’on n’étudie que
d’une manière lointaine, lorsque le sujet
ne disparaît pas des programmes d’histoire. Passionnante pourtant, cette étude
mobilise de nombreuses qualités d’observation, de déduction, de prudence,
d’humilité, de patience, nécessitant la
convergence de domaines aussi différents à première vue que les sciences
physiques ou la biologie et l’histoire,
oblige à contextualiser, bref, le début de
la sagesse…
En région PACA, 30 communes accueillaient l’évènement. Certes, il y avait les
grandes structures comme le musée
bleu d’Arles qui présentait en avantpremière les prémices de l’exposition du
chaland du Rhône, les fouilles de la
colonie antique de Forum Julii de Fréjus,
les fouilles préventives au métro Bougainville à Marseille… Mais de petites
merveilles se découvrent partout. Ainsi
à Brignoles, les archives, outre une intéressante exposition sur le contexte
archéologique de la ville, de la protohistoire à l’époque médiévale et aux graffitis
du XIVe, proposaient une visite qui ouvrait de larges perspectives. Initiation à
la préservation, au classement : série BB
(délibérations), EE (affaires militaires)…
Les imposants volumes (plus de 30 cm
d’épaisseur) des anciens cadastres depuis le XVe siècle alors que la notion de
parcelle n’existe pas encore, voisinent
ceux du début du XIXe qui ont connu la
révision napoléonienne. Les délibérations
municipales depuis 1387 attendent d’être
compulsées, de même que plus tardivement les journaux assemblés en volumes
et qui donnent une bonne idée de la vie
quotidienne, à partir de 1893. Bien sûr,
il y a les registres paroissiaux puis l’état
civil, les cartes, jalousement gardées, qui
présentent les trois époques des remparts de la ville, s’élargissant en cercles
concentriques du XIe, au XVIe. Puis, Anne-Flore Viallet, responsable des archives,
enfile une paire de gants blancs et dévoile l’imposant rouleau du parchemin
de 30 mètres (XIVe) avant d’ouvrir le
coffre-fort où se trouve le livre rouge…
Rien de maoïste ! Il s’agit du recueil des
privilèges de Brignoles de 1294 à 1554.
Pour l’anecdote, il est transcrit livre vert…
Enfin, Maeva Guerlava faisait découvrir
les fouilles préventives et les diagnostics
de fouilles au collège de Brignoles et au
voisinage de l’ancien couvent des Ursulines.
La mémoire rencontre alors le problème
matériel non seulement de son coût, mais
des implications dans les modifications
des lieux existants pour son exhumation. L’archéologie s’avère un sujet bien
contemporain !
MARYVONNE COLOMBANI
Les Journées nationales de l’archéologie
se sont déroulées du 7 au 9 juin
© M.C
Le Mole Vanvitelliana © Espaceculture
94
H
O
R
I
Z
O
N
S
© Espaceculture
Errare humanum est
Les habitants d’Ancône n’avaient sans doute
pas la tête à faire la fête et ne se sont pas
rendus nombreux à la 16e Biennale des Jeunes
créateurs d’Europe et de la Méditerranée.
Dommage pour les délégations présentes au
Mole Vanvitelliana où se déroule la majorité
des événements (concerts, performances, lectures...) et des expositions. Il faut dire que la
situation en Italie n’est pas propice aux réjouissances festives, particulièrement dans ce
port marchand accroché à la côte adriatique,
déclaré en faillite et privé d’équipe municipale
depuis février... À Ancône donc, seulement quelques affiches éparses et des bâches accrochées
aux murs du Mole annoncent la manifestation.
Bref, malgré l’environnement économique morose, la BJCEM atteint son objectif premier de
faire se rencontrer et confronter 250 artistes
-20 pour la sélection française coordonnée par
l’Espaceculture Marseille- autour du thème
Errors allowed [les erreurs admises].
Un Pentagone à l’italienne
Le bâtiment qui autrefois abritait les lépreux
en quarantaine ressemble étrangement au Pentagone avec ses remparts fortifiés ! Transformé
en pimpant pole culturel, c’est là que bat le
cœur de la BJCEM : salles de conférence, auditorium, Teatro Mobile, ateliers pédagogiques
et espaces d’exposition équipés de hautes
cimaises modulables offrent les conditions optimales de monstration des œuvres sélectionnées
par 8 curators internationaux nommés par le
Réseau Biennale. Eux-mêmes s’appuyant sur
des comités de présélection spécialistes du
tissu artistique de leur territoire. Tel est le
dispositif mis en place à titre expérimental qui
permet aux regards critiques et esthétiques de
construire avec les œuvres une narration per-
ceptible autant dans l’organisation spatiale
des expositions que dans la lecture du catalogue. De fait Errors allowed [les erreurs admises]
développe plusieurs sections qui structurent
la pensée et les réflexions des jeunes artistes
sur «les systèmes de connaissance et les stratégies éducatives produites par les arts et leur
reflet dans la société en général». Comme Vanishing Utopias qui s’ouvre avec la sculpture
de l’algérien Oussama Tabti, The Amsterdam
Treaty, attractive par son scintillement et repoussante par ses pointes effilées : «On ne
voit que les étoiles qui brillent sous la lumière.
C’est un peu ça l’Europe depuis les pays du Maghreb ou d’Afrique : l’Occident c’est l’Eldorado,
mais quand on y est cela devient tout autre
chose». Et se poursuit notamment avec Voice
of Invisibles du libanais Charbel Samuel Aoun
qui partage par voix interposées le vécu des
peuples déshérités du Liban et de Syrie, collectées dans les jardins publics : «C’est une
invitation faite aux passants de répondre ou
non aux téléphones [12 vieux modèles qu’il a
remis en marche, ndlr]. C’est eux les acteurs...
Ce travail m’a appris beaucoup sur les relations.
Le monde ne peut changer qu’en écoutant ces
invisibles». Deux français trouvent aussi leur
juste place : les photographies de Léna Durr,
Teen Age, dans la section Schizopolis et les
Vanishing People d’Aurélien David présentés
dans Something making something leads to
nothing. Mais tout n’est pas si simple.
Le Pavillon français
Si la cohérence des choix et la qualité des regards
des curators n’est pas remise en question, l’existence d’un «pavillon français» rassemblant
une large majorité d’artistes de Marseille-AixToulon l’est au contraire. D’autant que
l’appellation Memory of Present ressemble à un
étrange fourre-tout... dont se défend Alessandro Castiglioni : «Cette catégorie est née quand
on a vu les œuvres. C’était important d’avoir
une réflexion sur la relation entre le présent et
le classicisme car le travail de beaucoup d’artistes français dialogue avec la mémoire et les
problématiques que la relation à la mémoire
crée. Ils ont tous une grande capacité à la réinterpréter». Explication qui apaise le sentiment
de certains d’être «relégués» dans un espace
excentré qui plus est... Martin Lewden et son
Sweet Madness révélé sous tous les angles
malgré un accrochage qu’il juge inadéquat,
Kathialyn Borissoff et sa série Ostéogenèse
imparfaite qui pâtit d’un éclairage direct, Julie
Balsaux (Cloud) et Jane Antoniotti (Potemkine), Arthur Sirignano dont l’installation The
Recumbent Figure aurait mérité un environnement plus approprié ou Elvia Teotski qui jette
la zizanie dans ses Petites perceptions instables
en projetant à terre quelques cubes de papier
enzyme... Geste artistique ou geste symbolique qui perturbe un ordonnancement que l’on
imagine immuable ?
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Inauguration les 6, 7, 8 et 9 juin,
expositions jusqu’au 7 juillet
www.bjcem.net
www.espaceculture.net