nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l`œil sec

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nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l`œil sec
Explorations et Innovations
Nouvelle approche diagnostique
et thérapeutique de l’œil sec
Les systèmes Lipiview® & Lipiflow®
n La prévalence de l’œil sec est estimée à 9 % chez les patients âgés de plus 40 ans et à 15 %
après 65 ans. Son diagnostic est une étape clé car il permet de préciser le traitement le plus
approprié. Les tests traditionnels comportent des limites que les nouvelles générations de
dispositifs dépassent par leur technologie innovante. L’interférométrie est utilisée par le nouveau système diagnostique Lipiview® qui compose avec le dispositif de traitement Lipiflow®,
une nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec. Notre première expérience
renforce les premiers résultats publiés prometteurs. Mais quels sont les principes et les indications d’une telle approche ? Quelles réponses thérapeutiques en attendre ? La sécheresse
oculaire :
une maladie
multifactorielle
La sécheresse oculaire est définie par l’International Dry Eye
Workshop (DEWS, 2011) comme
une « maladie multifactorielle des
larmes et de la surface oculaire (1).
Elle provoque une instabilité du
film lacrymal pouvant entraîner
des lésions de la surface oculaire.
Elle est accompagnée d’une augmentation de l’osmolarité (concentration en solutés) du film lacrymal
et d’une inflammation de la surface oculaire ». L’œil sec reste la
première cause d’intolérance aux
lentilles de contact et 50 % des
patients porteurs de lentilles
de contact déclarent avoir les
* Ophtalmologiste, Clinique de la Vision, Paris
** Ophtalmologiste, CHNO des XV-XX, Paris
*** Orthoptiste, Clinique de la Vision, Paris
**** Orthoptiste, Hôpital américain de Paris
Dr Catherine Albou-Ganem *, ** et Raphaël Amar ***,****
yeux secs alors que cette prévalence n’est que de 20 % chez les
non-porteurs de lentilles.
La prévalence de l’œil sec serait de
9 % chez les patients après 40 ans,
et de 15 % après 65 ans. Le pourcentage de patients traités augmente
en raison du vieillissement de la population. La prévalence de cette pathologie augmente avec l’âge. Elle
est de plus en plus fréquente (2, 3).
Les caractéristiques
du film lacrymal
Le film lacrymal, dans son état
naturel ou basal (non stimulé),
est transparent et incolore, a
un volume d’environ 7 µl et une
épaisseur de 7 µm. La structure
est composée d’une couche lipidique superficielle qui lubrifie
et prévient l’évaporation, d’une
phase intermédiaire aqueuse plus
épaisse qui nourrit et protège la
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cornée et d’une couche mucinique
adjacente au glycocalyx, qui protège l’épithélium cornéen hydrophobe en permettant aux larmes
d’adhérer à la surface oculaire.
Des recherches récentes ont
contesté l’existence de démarcations entre ces couches, la couche
aqueuse et la couche mucinique
formant probablement une seule
phase, et la concentration de mucines augmentant en s’approchant
de l’épithélium (4). Pour l’examen
clinique du film lacrymal, l’hypothèse d’une structure en trois
couches est suffisante.
Le taux de renouvellement du film
lacrymal normal, basal (non stimulé) est légèrement supérieur
à 1 µl par minute, avec une rotation d’environ 16 %, mais celle-ci
peut augmenter de 100 fois lors
de la stimulation du larmoiement
réflexe (5, 6). La composition des
larmes réflexes, induites par un
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examen invasif, est différente des
larmes basales. Les résultats des
tests peuvent donc être influencés
de façon indésirable.
Etiologies de la
sécheresse oculaire
Le rapport de 2011 du DEWS établit
que l’œil sec est une maladie multifactorielle pouvant être classée en
deux groupes étiologiques principaux : l’œil sec par déficience
de la fraction aqueuse et l’œil
sec par évaporation (déficit de
la couche mucinique ou anomalie
de la composante lipidique) (1, 7).
L’œil sec par déficience aqueuse
comprend tant le syndrome de Sjögren que les causes non-Sjögren
de dysfonctionnement des glandes
lacrymales (atteinte neurologique,
cause médicamenteuse, obstruction de l’évacuation du canal de la
glande lacrymale…). L’œil sec par
déficience aqueuse survient
lorsque les glandes lacrymales
principales ou accessoires sont
altérées. L’œil sec par évaporation est divisé en causes intrinsèques et extrinsèques. Les
facteurs intrinsèques incluent un
dysfonctionnement des glandes
de Meibomius (MGD), les anomalies des paupières, les troubles de
l’occlusion palpébrale et les insuffisances du clignement. Les facteurs
extrinsèques comprennent le port
de lentilles de contact ainsi que les
affections de la surface oculaire, au
premier rang desquels se place l’allergie ainsi que l’instillation de certains collyres. Concernant l’œil sec
par évaporation, il est davantage
question de glandes de Meibomius
défectueuses, de surface oculaire
irrégulière, de structure des paupières anormale ou de port de lentilles de contact (1). Les lentilles de
contact induiraient la sécheresse
oculaire par la perturbation de la
couche lipidique, l’amincissement
24
du film lacrymal, le dessèchement
cornéen suite à la déshydratation
de la lentille, le changement de
structure des paupières et/ou une
altération du clignement. Toutes
les lentilles de contact perturbent
plus ou moins la structure du film
lacrymal.
Les yeux secs par déficience aqueuse
et les yeux secs par évaporation peuvent coexister, mais il est important
d’établir la cause la plus probable par
un contrôle approfondi, afin de traiter le plus efficacement possible la
sécheresse oculaire.
Le diagnostic de l’œil
sec : Les points clés
et limites
L’évaluation objective du film lacrymal et de la surface oculaire
peut être subdivisée en quatre
secteurs principaux. Lors d’un
examen approfondi de l’œil sec, il
est important d’évaluer les quatre
secteurs, en effectuant au moins
un test par secteur (8).
Qualité du film lacrymal
Tant pour l’œil sec par déficience
aqueuse que pour l’œil sec par
évaporation, la stabilité du film
lacrymal est réduite tandis que
son osmolarité est augmentée. Ces deux mesures fournissent des informations utiles sur la
qualité générale du film lacrymal.
Des tests de stabilité non invasifs
effectués sans toucher le film lacrymal ni la surface oculaire, sont
plus valides que des tests traditionnels (Break Up time : B.U.T.),
car la fluorescéine peut déstabiliser le film lacrymal et modifier
les valeurs mesurées (9). Les tests
non invasifs sont effectués à l’aide
des mires de certains instruments
ophtalmiques. Ces mires sont reflétées dans le film lacrymal. Le
laps de temps entre un clignement
et le premier signe de déformation
ou bris des mires, le patient ne clignant pas, correspond au temps
d’amincissement du film lacrymal
(10). On considère en général que
la limite entre un œil sain et un
œil sec est indiquée par un temps
d’amincissement du film lacrymal
supérieur à 20 secondes pour un
test non invasif, et supérieur à 10
secondes pour un test B.U.T. traditionnel à la fluorescéine (11).
L’osmolarité du film lacrymal
est un test de laboratoire de
l’œil sec bien connu. Il est
considéré comme le meilleur
test prédictif du diagnostic de
la sécheresse oculaire (7, 12).
Les mesures d’osmolarité sont
désormais effectuées en consultation (TearLab®, Ocusense®). Le
bâtonnet de mesure jetable, mis
en contact avec le prisme lacrymal
inférieur au niveau du bord de la
paupière, recueille un échantillon
d’un nanolitre de larmes, qui est
analysé en quelques secondes. Le
clinicien dispose alors d’une valeur d’osmolarité. Les valeurs normales se situent aux alentours de
304 mOsm/L, tandis que des valeurs supérieures à 320 mOsm/L
indiquent une sécheresse oculaire.
Quantité lacrymale
Le test de Schirmer est extrêmement invasif et induit une
quantité significative de larmoiement réflexe. Il n’a donc
qu’un intérêt limité, surtout lors
de l’évaluation de cas limites de
sécheresse oculaire. Un test objectif similaire, mais nettement
moins invasif, est le test du fil
rouge de phénol (Phenol Red
Thread - PRT), où un mince fil de
coton, imprégné de teinture de
phénol rouge, est accroché à hauteur du tiers latéral de la paupière
inférieure, de façon similaire à un
strip de Schirmer. L’absorption
du liquide lacrymal légèrement
alcalin (pH 7.4) induit un change-
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ment de la couleur du fil, de jaune à
rouge. La longueur humidifiée est
mesurée après une période de seulement 15 secondes. Des valeurs
inférieures à 10 mm indiquent
une insuffisance aqueuse (13, 14).
La simple observation de la hauteur des prismes lacrymaux inférieurs et supérieurs au moyen d’un
biomicroscope à lampe à fente,
fournissent des informations précieuses. Une hauteur inférieure
à 0,2 mm indique une quantité
de liquide lacrymal réduite. L’observation du profil du prisme lacrymal est également très utile. Un
prisme lacrymal régulier est plus
souvent observé dans un œil sain,
tandis qu’un prisme avec un bord
dentelé est souvent associé à de la
sécheresse oculaire.
Evaluation des paupières,
des cils et de
la couche lipidique
L’observation du clignement et un
examen approfondi à la lampe à
fente des paupières et des cils peuvent indiquer des anomalies associées à un œil sec par évaporation.
On recherchera particulièrement
des signes de blépharite, une
inflammation du bord libre des
paupières un épaississement
ou une irrégularité de la paupière, un éventuel entropion.
La fréquence et la qualité du clignement doivent être notées de
même que la texture et la quantité
de la sécrétion méibomienne à la
compression des glandes.
Surface oculaire
L’hyperémie de la conjonctive
bulbaire et palpébrale doit être recherchée.
La nouvelle approche
diagnostique et
thérapeutique
proposée par Tear
Science
L’approche diagnostique recherche surtout un dysfonctionnement des glandes de Meibomius responsable d’un déficit de
la couche lipidique des larmes.
Différentes anomalies des glandes
de Meibomius, parmi lesquelles
l’obstruction des glandes peut
être partielle ou totale, sont regroupées sous le terme de “DGM”
(Dysfonctionnement des Glandes
de Meibomus). Le terme anglophone très utilisé est Meibomian
Gland Dysfonction, MGD. Cependant, il semble que la forme la plus
fréquente de DGM soit celle où les
signes cliniques d’inflammation
et autres sont absents, sauf si l’on
utilise des techniques spécifiques
d’examen. Pour différencier cette
forme plus discrète de pathologie,
un nouveau terme est utilisé : Non
Obvious Meibomian Gland Dysfonction (NOMGD), précurseur
de la forme plus grave de la maladie appelée Obvious Meibomian
Gland Dysfonction (OMGD).
L’approche diagnostique
comprend 3 étapes
❚❚Questionnaire Patient SPPEED
Un questionnaire patient nommé
SPEED (Standard Patient Evaluation of Eye Dryness) permet de
quantifier à l’aide d’un score final,
la symptomatologie ressentie (sécheresse, sensation de grains de
sable ou démangeaison, sensation
de douleur, sensation de brûlure
ou de larmoiement, fatigue oculaire), sa fréquence et sa sévérité.
Le score maximum pouvant être
obtenu est de 28. Les catégories
sont définies ainsi :
• score SPEED = 0 :
pas de symptômes ;
• score SPEED entre 1 et 9 :
symptômes légers à modérés ;
• score SPEED ≥ 10 :
symptômes sévères.
❚❚L’analyse de la qualité
du film lacrymal basée sur
l’interférométrie de surface
oculaire : le LipiView® (Fig. 1)
Figure 1 - Dispositif d’acquisition Lipiview® composé d’un écran tactile de visualisation
et d’analyse de résultats.
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Dispositif
Le dispositif Lipiview® est un sys25
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Figure 2 - Lipiview® : visualisation de la couche lipidique.
Figure 3 - Lipiview® : visualisation colorimétrique de la couche
lipidique.
tème diagnostique permettant de
délivrer des données quantitatives
et qualitatives du film lacrymal.
La mesure se réalise en quelques
minutes. L’évaluation principale
est la mesure de l’épaisseur de la
couche lipidique délivrée par l’indice ICU (Interferometric Colour
Unit) exprimé en nanomètres.
L’épaisseur du film lacrymal est
notamment observée sous la
forme d’une gamme de couleurs
qui se reflètent lorsqu’une source
de lumière blanche est dirigée sur
la surface oculaire. Au-delà de la
mesure de l’épaisseur de la couche
lipidique, le système permet une
analyse qualitative grâce à l’observation de la trame des lipides (Fig. 2
et 3). Cet appareil utilise l’interférométrie avancée pour capturer
des images du film lacrymal. Il est
équipé d’un processeur de 14 millions de pixels par seconde qui génère plus d’un milliard de points
de données par mesure.
Principe optique
Le principe optique utilisé par le
système Lipiview® est celui de l’interférométrie qui vise à diviser en
deux un faisceau incident dans le
but d’étudier au final le décalage
de réception du signal, après réflexion sur la surface étudiée. Les
26
OCT actuels utilisent notamment
ce principe d’interférométrie pour
l’étude de l’épaisseur des structures de l’œil (rétine, cornée, fibres
optiques…).
En pratique
L’œil du patient est positionné
devant une source de lumière
blanche. Chaque rectangle qui
compose cette source, s’illumine
de manière très rapide et successive permettant ainsi l’obtention
de plusieurs zones localisées de
réflexion spéculaire. La lumière de
la source d’illumination traverse
le film lacrymal, se reflète puis
est capturée par une caméra de
très haute définition. La lumière
renvoyée à travers l’objectif de la
caméra forme un tracé d’interférence désigné sous le nom d’interférogramme. L’appréciation de la
qualité de la mesure ainsi que sa
fiabilité est permise par le recueil
d’un indice quantitatif appelé Cfactor. On considère que la mesure
est fiable pour une valeur supérieure à 80.
Résultats
L’interférogramme rend compte
de la valeur ICU moyenne, de
la déviation standard, ainsi que
des valeurs extrêmes. Un tableau
d’indice quantitatif permet une
lecture rapide de la valeur ICU
moyenne. Les tracés de l’interférogramme rendent compte du clignement et de sa fréquence par les
ruptures des tracés.
La colorimétrie est uniformément
grise lorsque la couche lipidique
est absente ou inférieure à 50 nanomètres (ICU < 50 nm). Lorsque
la trame est à dominante grise,
mais avec une apparence “marbrée” seulement visible dans la
partie inférieure après un clignement : l’épaisseur du film lipidique
est faible. Lorsque les franges interférentielles sont colorées avec
des changements de couleur graduels : l’épaisseur du film lipidique
est normale. On considère une
valeur ICU moyenne normale supérieure à 70 nm (Fig. 4). L’analyse
de l’examen de l’étirement du film
lacrymal sur la surface cornéenne
après chaque clignement est également possible étant données
l’analyse dynamique et la capture
vidéo.
Observation du clignement
palpébral
Le système LipiView® a enfin
l’avantage de pouvoir acquérir
image par image le film du clignement palpébral. Le rythme nor-
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Figure 4 - Comparaison entre un film lipidique d’épaisseur
Figure 5 - MGE Analyse de la sécrétion des glandes de Meibo-
normale à gauche et insuffisante à droite.
mius en clinique. ©JV Greiner/TearScience
mal du clignement doit être régulier, environ un clignement toutes
les cinq à six secondes (ou dix à
douze clignements par minute).
Un rythme de clignement plus
rapide peut être observé dans les
cas de sécheresse oculaire. Il sera
plus lent dans des conditions neurotrophiques. Des clignements
incomplets sont souvent observés
chez les porteurs de lentilles de
contact. Lorsque la couche lipidique est anormale ou invisible,
le taux d’évaporation du film lacrymal augmente d’un facteur
quatre. Les patients ayant une
couche lipidique plus mince doivent cligner plus fréquemment
pour renouveler le film lipidique
et ainsi prévenir d’un dessèchement cornéen.
❚❚L’évaluation de la sécrétion des
glandes de Meibomius
L’évaluation de la sécrétion des
glandes de Meibomius (MGE : Meibomius glands evaluation) complète le diagnostic. Cette étape a été
standardisée grâce à l’utilisation
d’un nouvel instrument qui permet
d’appliquer une pression constante
au niveau du bord libre, en regard de
5 glandes Meibomiennes. L’expression des glandes est ainsi analysée
en nasal, au centre et en temporal
Figure 6 - MGE Analyse de la sécrétion des glandes de Meibomius : représentation
schématique. ©JV Greiner/TearScience (traduit de l’anglais par C. Albou-Ganem/R. Amar)
de chaque paupière inférieure (Fig. 5
et 6). La sécrétion Meibomienne est
normalement fluide et transparente
(15). Selon la sévérité du dysfonctionnement des glandes de Meibomius elle peut être fluide graisseuse,
légèrement trouble ou opaque,
épaisse, semi-solide (texture de
dentifrice) ou cireuse témoignant
d’un blocage complet.
Il existe maintenant d’autres
méthodes de diagnostic de l’obstruction des glandes comme par
exemple la Meibographie, effectuée par transillumination des
paupières ou en utilisant une lumière infrarouge.
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L’approche thérapeutique
Lipiflow®
Plusieurs traitements actuels visent à traiter les dysfonctionnements des glandes de Meibomus :
application de compresses chaudes,
pression physique dans le but d’enlever toute obstruction possible,
administration de chaleur, utilisation d’exfoliants pour éliminer le
blocage de l’orifice des glandes, traitement médicamenteux pour atténuer l’infection et l’inflammation.
Cependant, plusieurs de ces traitements sont contraignants, d’efficacité limitée et leur observance est
parfois insuffisante.
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Explorations et Innovations
Figure 7 - Le dispositif du Lipiflow®.
Figure 8 - Coupe schématique représentant l’action du Lipiflow® en pratique. ©JV Greiner/TearScience ®
Au regard de notre expérience et
des premiers résultats publiés, le
système de pulsation thermique
Lipiflow® semble constituer une
alternative prometteuse, basée sur
une évolution technologique importante. Les patients qui ont suivi
ce traitement ressentent un soulagement de leurs symptômes dès
les premiers jours. Les systèmes
Lipiview et Lipiflow ont obtenu le
marquage CE et sont agréés aux
Etats-Unis par la FDA.
Le fonctionnement de
l’appareil LipiFlow®
Le Lipiflow® utilise une technologie et des composants perfectionnés pour contrôler la chaleur
appliquée sur la surface interne
des paupières, et effectuer des
massages intermittents de la surface externe des paupières. Le but
est de débloquer puis de faciliter la
production lipidique des glandes
de Meibomius kystiques.
Le dispositif comprend 2 parties :
• un œilleton externe (Eye Cup)
en contact avec les paupières supérieure et inférieure : il contient
une poche souple et flexible qui se
gonfle d’air par intermittence et
effectue un massage contrôlé des
paupières ;
• une partie interne (Lid warmer)
ressemblant à un large verre sclé28
ral de 24 mm de diamètre, dont la
périphérie repose sur la conjonctive bulbaire, qui se moule sur la
face interne des paupières tout
en restant à distance de la cornée.
La chaleur émise par cette partie est de 42,5° ce qui permet de
faire fondre la matière obstruant
les glandes par l’intérieur, sans
endommager les glandes ellesmêmes (Fig. 7 et 8).
La procédure LipiFlow® permet
de traiter simultanément les
glandes des paupières inférieure et supérieure.
La durée du traitement est d’environ 12 minutes et se réalise
facilement en cabinet. Le traitement n’est ni douloureux ni désagréable (Fig. 9). Il entraine une hyperhémie conjonctivale modérée
de quelques heures. Selon les recommandations de la société Tear
Science, la procédure Lipiflow est
à renouveler 1 fois par an environ.
Les résultats cliniques
Les résultats de plusieurs études
confirment la sécurité d’emploi
et l’efficacité du Lipiflow® dans
le traitement de patients présentant un dysfonctionnement des
glandes de Meiboumus et des
symptômes de sécheresse oculaire, avec une amélioration de la
symptomatologie et de l’évalua-
Figure 9 - Le Lipiflow® en clinique.
tion des glandes de Meibomius
(MGE) (16, 17).
La dernière étude publiée par
Stephan Lane et al. dans la revue
Cornea (Janvier 2012) (18) est
une étude randomisée, multicentrique, incluant 139 patients
présentant un dysfonctionnement des glandes de Meibomius.
Les patients ont été séparés en
deux groupes : un groupe de patients traités par Lipiflow®, un
deuxième groupe (contrôle) dont
les patients ont été traités par
application régulière de compresses chaudes (Heat Warm
Compress system, Advanced Vision Research, Woburn, MA). Les
résultats confirment une amélioration significative (p < 0,05) de
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Nouvelle approche diagnostique et thérapeutique de l’œil sec
la sécrétion des glandes de Meibomus pour le groupe Lipiflow (à
2 et 4 semaines post-traitement).
Les valeurs équivalentes du score
de sécrétion étaient avant traitement : 6,3 ± 3,5 ; après 2 semaines :
14,3 ± 8,7 ; après 4 semaines : 16,7
± 8,7. Les valeurs du TBUT (Tear
Break Up Time) étaient également
améliorées. Avant traitement : 5,5
± 2,9 ; après 2 semaines : 6,9 ± 5,0 ;
après 4 semaines : 7,4 ± 5,5. Les
auteurs soulignent la rapidité du
traitement (12 minutes) en comparaison au traitement des compresses chaudes, et l’absence de
gêne au cours du traitement.
Notre expérience de
l’approche Tear Science
Notre étude menée à la Clinique
de la Vision (Paris) porte sur
32 yeux de 16 patients (14 femmes,
2 hommes) âgés de 56,5 ± 14,8 ans
(46 ; 67). Nous rapportons les résultats post-Lipiflow sur 18 yeux
évalués entre 1 et 3 mois.
Nos résultats préliminaires ont
été présentés au congrès de l’ESCRS 2011 (Vienne, Autriche) et
nos résultats définitifs seront présentés au congrès de l’ASCRS 2012
(Chicago, Etats-Unis).
Nous avons constaté une améliora-
tion de la sécrétion des glandes de
Meibomus pour l’ensemble de nos
patients : avant traitement : 4,2 ±
2,0 (1,0 ; 8,0) ; après traitement :
7,8 ± 2,5 (4,0 ; 12,0). La diminution
du score obtenu au questionnaire
SPEED confirme l’amélioration
subjective des patients vis-à-vis
de leurs symptômes. Avant traitement, score : 16,3 ± 5,9 (6 ; 28) ;
après Lipiflow® : 7,8 ± 4,3 (6 ; 28).
Avant traitement, environ 6 % des
patients avaient un score inférieur
à 8. Après traitement, cette proportion est nettement améliorée,
à 75 %. Le Lipiview® a permis dans
4 cas de faire le diagnostic d’occlusion palpébrale incomplète ou de
fréquence insuffisante, et de proposer une thérapeutique adaptée.
Conclusion
Le film lacrymal est une structure
complexe et tous les aspects de
sa physiologie sont interdépendants. Il existe de nombreuses
méthodes d’évaluation de la structure et des propriétés de ce film
hautement dynamique. Un grand
nombre de ces méthodes peuvent
être utilisées dans un environnement clinique. Toutefois, dans
certains cas, la procédure du test
peut influencer le paramètre examiné et induire un larmoiement
réflexe. L’approche diagnostique
Lipiview® a pour but de lever ces
limites en utilisant une méthode
non invasive : de cette manière,
l’état du film lacrymal peut être
évalué le plus près possible de
son état “physiologique”. D’après
notre expérience et les premiers
résultats publiés dans les revues à
comité de lecture, l’approche thérapeutique Lipiflow® semble prouver son efficacité dans le traitement de la sécheresse oculaire par
dysfonctionnement des glandes
de Meibomius. Il en résulte une
nette amélioration de la sécrétion
des glandes, une amélioration du
confort du patient et une diminution de la dépendance aux collyres
lubrifiants. La surveillance des
patients traités viendra préciser
la durée d’un tel traitement et ses
effets à moyen et long termes sur
n
les symptômes ressentis.
Les auteurs ne déclarent
aucun conflit d’intérêt.
Mots-clés : Sécheresse oculaire,
Lipiview®, Lipiflow®, Film lacrymal
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