Fusion Squeeze-out - Schellenberg Wittmer
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Fusion Squeeze-out - Schellenberg Wittmer
NEWSLETTER Mars 2005 SCHELLENBERG WITTMER A vo ca t s Fusion Squeeze-out: des opportunités et des risques nouveaux pour les transactions M&A, les restructurations et les processus Going Private La Loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (Loi sur la fusion) est entrée en vigueur le 1er juillet 2004 (cf. à ce propos nos Newsletters de mars et mai 2004). Depuis lors, les actionnaires qui contrôlent au moins 90% des droits de vote peuvent, dans le cadre d’une procédure de fusion, exclure les actionnaires minoritaires en leur versant un dédommagement (fusion dite Squeeze-out). Notamment en matière de sociétés anonymes, qu’elles soient détenues en mains privées ou cotées en bourse, cette possibilité d’exclusion offre de nouvelles opportunités lors des transactions M&A, des restructurations de sociétés et des processus Going Private. Elle comporte également des risques nouveaux pour les actionnaires minoritaires. 1 Les cas dans lesquels il est utile de pouvoir exclure des actionnaires En pratique, les actionnaires majoritaires et minoritaires sont fréquemment confrontés aux situations suivantes : I Lors de l’achat d’une entreprise, l’acheteur veut acquérir 100% des actions d’une société détenue en mains privées afin de s’assurer le contrôle exclusif de l’entreprise. Tous les actionnaires sont prêts à vendre sauf quelques actionnaires minoritaires. Ceux-ci prennent conscience de leur pouvoir, les négociations traînent en longueur, un seul actionnaire refuse toutes les offres et finalement, l’acheteur retire son offre. Dans ce cas, le simple fait que la Loi sur la fusion offre à l’actionnaire majoritaire l’instrument de la fusion Squeeze- out devrait fort probablement permettre d’éviter une telle attitude de refus. Les actionnaires minoritaires se montreront sans doute plus constructifs dès qu’ils sauront que l’acheteur, après avoir acquis la majorité du capital-actions, pourra les exclure au moment où il fusionnera sa société avec la société visée. I Au sein d’un groupe de sociétés la société mère détient trois filiales. Elle possède 100% des deux premières et 95% de la troisième, les actionnaires minoritaires n’étant pas actifs dans l’entreprise. Les conseils d’administration des deux sociétés contrôlées à 100% peuvent orienter leur stratégie en grande partie sur les intérêts du groupe. Ils peuvent aussi subordonner la direction de leur société à celle de la holding, comme s’il s’agissait d’unités de production dépendantes. Au contraire, le conseil d’administration de la filiale détenue seulement à 95% doit tenir compte intégralement des intérêts et des droits des actionnaires minoritaires, en application des principes de gouvernement d’entreprise. Les actionnaires minoritaires sont en particulier en droit d’attendre que leur société soit dirigée uniquement en fonction de ses intérêts propres, qui ne coïncident pas forcément à ceux de la holding ou du groupe. Compte tenu de la restriction à sa marge de manœuvre et des coûts entraînés, la société mère aimerait acheter les actions des actionnaires minoritaires, qui refusent. L’exclusion des actionnaires minoritaires en échange d’un dédommagement équitable afin de pouvoir procéder à une gestion intégrée du groupe constitue en pareil cas un besoin légitime de la société mère et de son actionnaire majoritaire. Les développements qui suivent donnent un aperçu des différentes formes juridiques d’exclusion des actionnaires minoritaires, la fusion Squeeze-out telle que prévue par la Loi sur la fusion en constituant la principale. Nous ferons ensuite brièvement le point sur les développements en la matière au sein de l’Union européenne. 2 La fusion Squeeze-out de sociétés détenues en mains privées et cotées en bourse 2.1 Les possibilités d’exclure des actionnaires Contrairement au droit des sociétés de personnes, le droit suisse de la société anonyme ne prévoit pas la possibilité d’exclure des sociétaires contre leur volonté, sauf en cas de non-exécution de l’obligation de libérer le capital-actions (annulation ou déchéance) Jusqu’à présent, le seul moyen d’exclure des actionnaires minoritaires consistait, dans le cadre d’une offre public d’achat de sociétés cotées en bourse, en un Squeeze-out par annulation des titres de participation restant, comme l’autorise la Loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (cf. ci-après ch. 3). En droit de la fusion, le principe de la continuité des droits de participation s’appliquait sans exception jusqu’à l’entrée en vigueur de la Loi sur la fusion. En vertu de ce principe, les actionnaires de la société transférante devenaient des actionnaires de la société reprenante. Avec la Loi sur la fusion, les actionnaires de la société transférante peuvent désormais se voir offrir un dédommagement plutôt que des droits de participation dans la société reprenante (fusion dite « en espèces » ou « Cash-out »). La loi distingue deux cas: le dédommagement facultatif et, ce qui est plus intéressant, le dédommagement obligatoire qui entraîne l’exclusion contre leur volonté des actionnaires concernés (fusion dite Squeezeout). 2.2 Les principes de la fusion Squeeze-out Les principales caractéristiques de la fusion Squeeze-out selon la Loi sur la fusion sont les suivantes : I Afin de protéger les actionnaires minoritaires, la loi prévoit un quorum qualifié. La décision de fusion doit être approuvée par au moins 90% des actionnaires de la société transférante ayant le droit de vote. Le Registre du commerce fédéral exige l’approbation par 90% de l’ensemble des droits de vote. Ainsi, un actionnaire minoritaire risque de se voir léser dans son droit de propriété lorsque sa participation est inférieure à 10% De même, si l’actionnariat est largement diffus, le risque encouru par les actionnaires minoritaires est moindre. I L’indemnisation obligatoire doit être prévue dans le contrat de fusion. I La loi ne règle pas le genre du dédommagement. I Il peut s’agir d’argent mais aussi d’autres biens patrimoniaux, comme des valeurs mobilières. De nouveaux types de transaction sont ainsi ouverts. Il est désormais possible d’indemniser les actionnaires de la société transférante avec des participations dans une société tierce et de procéder ainsi à une fusion triangulaire (fusion dite « Triangular merger »). I La loi ne prévoit pas non plus le montant du dédommagement. Elle indique seulement que le dédommagement doit être approprié. La doctrine majoritaire estime que le dédommagement doit correspondre à la valeur réelle des anciennes parts sociales. Il faut donc procéder à une évaluation de l’entreprise selon les méthodes et principes reconnus en la matière. I Le paiement d’un dédommagement à un actionnaire correspond à un rachat d’actions. Il faut donc que la société reprenante dispose de fonds propres librement disponibles correspondant au montant du dédommagement. I Les conseils d’administration des sociétés qui fusionnent doivent, dans le rapport de fusion, expliquer, du point de vue juridique et économique, le montant du dédommagement et les raisons pour lesquelles un dédommagement est attribué en lieu et place de titres. Un réviseur particulièrement qualifié doit en outre exposer dans un rapport écrit si le montant du dédommagement est justifié. Enfin, les actionnaires des sociétés qui fusionnent ont le droit de consulter le contrat de fusion, le rapport de fusion et le rapport de révision. La loi garantit ainsi la transparence dans la fixation du dédommagement. I Le principe de l’égalité (relative) entre les actionnaires doit être respecté en matière de dédommagement obligatoire. Ce principe n’exige pas que tous les actionnaires, majoritaires et minoritaires, soient traités de la même manière. Il prévoit simplement que les actionnaires minoritaires doivent être traités de manière égale entre eux. Des actionnaires minoritaires ne doivent ainsi pas être exclus arbitrairement au profit d’autres. I La circulaire no 5 de l’Administration fédérale contributions du 1er juin 2004 sur les restructurations règle les conséquences fiscales du paiement d’une indemnité. D’après cette circulaire, les fusions Squeeze out sont régies, en matière d’impôt sur le revenu, selon les mêmes principes que la liquidation totale de la société transférante. La partie du dédommagement qui dépasse la valeur nominale des actions concernées est dès lors considérée comme un revenu de liquidation imposable. 2 SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER MARS 2005 I Une personne fait une offre public d’achat de tous les titres de participation se trouvant dans le public d’une société suisse cotée en bourse et acquiert par ce biais 92% des droits de vote. Elle aimerait cependant acquérir l’entier de la société et – compte tenu notamment des frais importants liés au maintien de la cotation – procéder à la décotation des titres de participation. Comme elle ne détient pas les 98% des droits de vote exigés par la Loi sur les bourses – un taux élevé en comparaison européenne – elle ne peut pas mettre en œuvre le processus Going private en procédant à l’annulation des titres de participation restant puis à leur décotation. SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER MARS 2005 2.3 L’examen du dédommagement par le juge L’actionnaire minoritaire lésé dispose d’une action en justice. Dans les deux mois qui suivent la publication de la décision de fusion, tout actionnaire peut saisir le juge pour qu’il examine le montant du dédommagement et fixe au besoin une soulte équitable. Tout actionnaire d’une société prenant part à la fusion a la qualité pour agir, la société reprenante ayant la qualité pour défendre. Il peut être considéré que l’actionnaire qui consent à la fusion renonce à son droit d’action. L’action n’empêche pas la mise en œuvre de la fusion. Le jugement a cependant un effet sur tous les actionnaires qui ont le même statut juridique que le demandeur. La société doit ainsi dédommager tous les actionnaires qui se trouvent dans la même situation. Le jugement peut dès lors augmenter le prix de la transaction aux dépens de la société défenderesse. Vu la portée considérable que peut avoir un tel jugement, les sociétés qui fusionnent ont intérêt à fixer le montant du dédommagement avec suffisamment de soin et d’objectivité. La société défenderesse supporte les frais de la procédure, sauf cas exceptionnel dans lequel l’actionnaire demandeur devra les supporter lui-même. 2.4 Applications pratiques; l’exception de l’abus de droit Il est parfaitement imaginable que l’actionnaire majoritaire de la société A crée une société B qu’il dote de moyens financiers et à laquelle il confie la mission de reprendre la société A. Dans le cadre de la fusion des sociétés A et B, les actionnaires minoritaires de la société A se verraient alors exclus de la société contre paiement d’un dédommagement. Le Message du Conseil fédéral précise toutefois qu’une fusion ne peut « en aucun cas » avoir pour objectif l’exclusion d’un actionnaire. La Loi sur la fusion ayant cependant pour but d’apporter une grande souplesse dans les restructurations, une telle manière de procéder ne devrait être illégale que dans des cas exceptionnels. L’interdiction de l’abus de droit de l’art. 2 al. 2 CC constitue en réalité la seule limite. Une fusion ne devrait cependant pas être considérée comme abusive parce qu’elle vise en premier lieu à exclure les actionnaires minoritaires. Un abus de droit ne devrait être ainsi admis que dans des circonstances particulières. 3 Les transactions Going Private 3.1 Le Squeeze-out en application de la Loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (Loi sur les bourses, LBVM) Jusqu’à l’entrée en vigueur de la Loi sur la fusion, le Squeezeout par annulation du reste des titres de participation prévu par la Loi sur les bourses était le seul moyen d’exclure les actionnaires minoritaires d’une société anonyme. L’exclusion des actionnaires minoritaires est souvent une condition importante d’un Going Private. Le Going Private est le processus par lequel une société cotée en bourse et ayant des actionnaires minoritaires se transforme en une société détenue entièrement en mains privées et sans participation minoritaire. La décotation des titres de participation va en général de pair avec un Going Private. On trouvera ci-après une présentation succincte du Squeezeout par annulation des titres, notamment des différences à ce sujet entre la Loi sur la fusion et la Loi sur les bourses et les relations entre les situations réglées par chacune d’elles. 3.2 L’annulation des titres de participation restant L’art. 33 de la Loi sur les bourses ne s’applique qu’aux sociétés suisses dont au moins une partie des titres de participation sont cotés auprès d’une bourse suisse. Au contraire, la fusion Squeeze-out prévue par la Loi sur la fusion s’applique aussi aux sociétés non cotées. I L’art. 33 de la Loi sur les bourses pose comme condition impérative à l’annulation des titres qu’une offre (obligatoire ou facultative) publique d’achat ou d’échange ait été lancée au préalable. I L’annulation n’est possible que si, au terme du délai de validité de l’offre, l’acheteur détient plus de 98% des droits de vote de la société visée. Le capital-actions inscrit au registre du commerce détermine si le seuil des 98% est atteint. Au contraire, il est possible de procéder à une fusion Squeeze-out dès que 90% des droits de vote sont sous contrôle. I L’acheteur doit, dans les trois mois qui suivent l’échéance du délai d’offre, requérir l’annulation des titres de participation restant par le biais d’une demande en justice contre la société visée. Au contraire, le délai pour réaliser une fusion Squeeze-out est illimité. 3.3 La procédure d’annulation Tous les titres de participation pour lesquels l’offre d’achat n’a pas été acceptée, qu’ils soient cotés ou non, peuvent être annulés. Il s’agit de toutes les catégories d’actions, des bons de jouissance et de participation ainsi que des droits de conversion et d’acquisition. Une fois que le juge a prononcé l’annulation, la société doit de nouveau émettre les titres concernés. L’acheteur peut alors acquérir les nouveaux titres de participation contre paiement du prix offert en faveur du propriétaire des titres annulés, ou en d’autres termes en exécution de l’offre d’échange. Finalement, ces titres seront généralement décotés. 3.4 Le montant et l’examen du dédommagement Le dédommagement doit correspondre au prix offert. Les actionnaires minoritaires exclus reçoivent ainsi une indemnisation égale à ce que les autres actionnaires qui ont accepté l’offre publique ont reçu. Le montant du prix reste en principe en dehors du contrôle du juge. Au contraire, lors d’une fusion Squeeze-out, le montant du dédommagement peut être revu par le juge. Du point de vue fiscal, comme l’indemnisation est versée indirectement par l’acheteur, elle doit être qualifiée de produit d’aliénation et n’est à ce titre en principe soumise ni à l’impôt anticipé ni à l’impôt fédéral direct. 3 Les nouvelles dispositions en matière de fusion vont plus loin puisqu’elles ne s’appliquent pas seulement aux sociétés suisses cotées en bourse mais aussi aux sociétés non cotées. De plus, une fusion Squeeze-out peut déjà être engagée lorsque seulement 90% des droits de vote sont sous contrôle. La fusion Squeeze-out est donc également utile pour la prise de contrôle de sociétés cotées puisqu’elle permet au repreneur d’exclure une minorité d’actionnaires de la société transférante lorsqu’il a acquis 90% des droits de vote de la société visée mais n’a pas atteint le seuil de 98%. Les rapports entre la fusion Squeeze-out et l’annulation des titres de la Loi sur les bourses sont controversés. Une partie des auteurs estime que l’art. 33 de la Loi sur les bourses l’emporte en tant que loi spéciale. Lorsque, après une offre publique d’achat, il reste plus de 2% d’actionnaires minoritaires dans la société transférante, ces auteurs estiment que l’exclusion des actionnaires restant au moyen d’une fusion Squeeze-out n’est pas possible lorsque la fusion a comme unique but l’exclusion des actionnaires minoritaires restant, car elle violerait alors l’interdiction de l’abus de droit. 4 Aperçu de la législation européenne Le droit européen contient des dispositions sur le Squeeze-out dans la Directive sur les offres publiques d’acquisition (Directive 2004/25/CE du Parlement Européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition) et dans la Proposition de la Commission de modification de la Directive sur le capital (Directive 77/91/CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les Etats membres des sociétés au sens de l’article 58 deuxième alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital). La Directive sur les fusions ne traite par contre pas de cet objet (troisième Directive 78/855/CEE du Conseil, du 9 octobre 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g), du traité et concernant les fusions des sociétés anonymes). La Directive concernant les offres publiques d’acquisition ne règle que des questions cadres et limite le droit d’exclusion aux sociétés cotées en bourse. Elle définit les seuils que doit atteindre l’offrant pour pouvoir lancer une procédure d’exclusion: en bref, l’acheteur doit disposer d’au moins 90% du capital doté de droit de vote et de plus de 90% des droits de vote, les Etats membres pouvant porter ces seuils à 95%. La Proposition de la Commission pour une modification de la Directive sur le capital prévoit qu’à l’avenir, le Squeeze-out d’une société cotée en bourse sera possible dès qu’un actionnaire détiendra au moins 90% du capital inscrit; en contrepartie, les actionnaires minoritaires doivent se voir garantir le droit de vendre leurs actions. Vu l’évolution législative au sein de l’Union européenne et les nombreuses questions laissées ouvertes en matière de Squeeze-out d’actionnaires minoritaires en Suisse, les développements futurs que ne manqueront pas d’apporter la jurisprudence et le législateur promettent d’être passionnants. Contacts Le contenu de cette Newsletter ne peut pas être assimilé à un avis ou conseil juridique ou fiscal. Si vous souhaitez obtenir un avis sur votre situation particulière, votre personne de contact habituelle auprès de Schellenberg Wittmer ou l’un des avocats suivants de notre département Corporate/M&A répondra volontiers à vos questions: I A Genève: BERNARD VISCHER [email protected] LIONEL AESCHLIMANN [email protected] I A Zurich: LORENZO OLGIATI [email protected] MARTIN WEBER [email protected] 15bis, rue des Alpes Case postale 2088 CH-1211 Genève 1 Tél. +41 (0) 22 707 8000 Fax +41 (0) 22 707 8001 Löwenstrasse 19 Case postale 6333 CH-8023 Zurich Tél. +41 (0) 44 215 5252 Fax +41 (0) 44 215 5200 www.swlegal.ch 4 SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER MARS 2005 3.5 Les rapports avec le Squeeze-out de la Loi sur la fusion