Faut-il opérer tous les kystes de l`ovaire ?
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Faut-il opérer tous les kystes de l`ovaire ?
ÉDITORIAL Faut-il opérer tous les kystes de l’ovaire ? Shall we practice coeliosurgery for all ovarian cysts? “ I l fut un temps où l’on n’opérait que les kystes de l’ovaire symptomatiques, car ils comprimaient du fait de leur volume, se tordaient, se rompaient, etc. En raison du développement de l’échographie, la question se pose de savoir s’il faut opérer tous les kystes de l’ovaire asymptomatiques découverts à l’occasion d’une échographie, souvent réalisée pour autre chose qu’un symptôme gynécologique. En d’autres termes, faut-il opérer des images ? Le kyste de l’ovaire : un problème fréquent ? Pr Jacques Lansac Gynécologue obstétricien, Paris La base de données de l’Agence technique de l’information hospitalière (ATIH) indique que 36 000 femmes ont été hospitalisées en 2011 pour un kyste de l’ovaire, 10 % avaient un kyste fonctionnel et 21 000 femmes furent opérées, dont 92,4 % par cœlioscopie. La fréquence des kystectomies varie selon les Régions, les établissements et, curieusement, c’est dans les Régions où il y a le plus de médecins qu’il y a le plus d’interventions (figure). La peur de passer à côté d’un cancer de l’ovaire débutant ? Beaucoup d’interventions sont pratiquées sur indication médicale ou à la demande de la patiente, de peur de passer à côté d’un cancer débutant. Pourtant, les progrès de l’imagerie (échographie, doppler, IRM) permettent aujourd’hui de distinguer assez facilement le bénin du malin. L’utilisation d’un indice de risque de malignité (1) est recommandée par de nombreux collèges (American Congress of Obstetricians and Gynecologists [ACOG], Royal College of Obstetricians and Gynaecologists [RCOG] (2), SCGO [3]). Bien sûr, en cas de doute, devant une lésion symptomatique, il faut pratiquer une cœlioscopie. Cependant, il est de nombreux cas où l’on n’a aucun doute sur la bénignité de la lésion vue en échographie, car il s’agit d’un kyste fonctionnel, d’un endométriome, d’un kyste dermoïde, voire d’un kyste paratubaire. Dans ces cas, il faut savoir aussi ne pas opérer. Cette question a fait l’objet d’une conférence de consensus des radiologues et des gynécologues américains (4) sur laquelle nous appuierons notre propos. Les kystes qu’il ne faut pas opérer Les kystes fonctionnels, bien sûr, ne doivent pas être opérés, qu’il s’agisse de kystes apparus sous contraception orale ou stérilet au lévonorgestrel, traitement hormonal de la ménopause (THM), tamoxifène (5). Il faut se garder aussi d’intervenir sur les dystrophies ovariennes liées aux interventions chirurgicales (kystectomies, myomectomies, transpositions) qui ont créé des adhérences autour de l’ovaire ou modifié sa vascularisation. Les kystes du corps jaune de moins de 5 cm ne doivent pas être surveillés, seuls ceux de plus de 5 cm doivent l’être, ils disparaîtront en 8 à 12 semaines (4). Il en est de même chez une femme ménopausée depuis moins de 5 ans. Les kystes paratubaires ou para-ovariens de moins de 7 cm asymptomatiques sont toujours bénins et n’ont pas à être opérés. Les kystes simples à paroi mince chez la femme 4 | La Lettre du Gynécologue • n° 377 - décembre 2012 ÉDITORIAL en période d’activité génitale ne doivent être opérés que s’ils mesurent plus de 7 cm. Il en est de même chez la femme ménopausée (4). La surveillance des kystes mesurant entre 5 et 7 cm sera annuelle, puis abandonnée ensuite si rien n’a bougé au bout de 3 ans. a Haute76 Normandie 27 Les endométriomes asymptomatiques de moins de 6 cm n’ont pas à être opérés en dehors des problèmes d’infertilité. Chez la femme infertile en traitement, il faut savoir aussi ne pas opérer un endométriome de moins de 3 cm, stable chez une femme déjà opérée, car la kystectomie altère la réserve ovarienne (6). Les kystes dermoïdes sont fréquents chez les femmes jeunes. Ils ont une croissance faible, de 1 cm en 6 ans (7). L’intervention pour une lésion de moins de 6 cm et asymptomatique doit être repoussée chez les femmes jeunes ou sans enfant, car la kystectomie risque de nuire à sa fertilité (8). Chez la femme ménopausée, l’intervention n’est pas utile si la croissance est inférieure à 2 cm par an (9). En cas de kyste bilatéral, on discutera en fonction de la taille, de l’âge et de la fertilité. 9 518-23 403 Au cours de la grossesse, les kystes fonctionnels (qui disparaissent dans 75 % des cas) et les kystes dermoïdes sont les plus fréquents. Les complications des kystes dont la taille est en dessous de 6 cm sont rares. On peut donc se contenter d’une surveillance simple et enlever le kyste s’il persiste ou s’il fait obstacla praevia (5). Références bibliographiques 3. SOGC. Directives cliniques. Prise en charge des masses pelviennes ovariennes : évaluation initiale et lignes directrices quant à l’orientation des patientes. JOGC 2009;230:675-80. 53 145-90 914 203 131-251 711 114 346-117 562 253 418-317 045 123 855-129 689 330 691-357 938 140 692-149 057 500 301-968 880 Nombre de séjours, séances Nord Pas-de-Calais 80 Toutes les images ne doivent pas aboutir à une intervention chirurgicale. La chirurgie, même mini-invasive, comporte des risques. L’indication opératoire doit prendre en compte la balance bénéfice/risque. Un kyste bénin séreux, endométrioïde ou dermoïde de moins de 7 cm et asymptomatique peut être surveillé et non opéré s’il est stable pendant 3 ans. 2. RCOG. Management of suspected ovarain masses in premenopausal women. Green top Guide lines 2011:http://www.rcog. org.uk/files/rcog-corp/ GTG62_021211_OvarianMasses.pdf. 169 383-189 972 b Conclusion 1. Asif N, Sattar A, Dawood MM, Rafi T, Aamir M, Anwar M. Pre-operative evaluation of ovarian mass: risk of malignancy index. J Coll Physicians Surg Pak 2004;14:128-31. 25 681-27 864 4. Levine D, Brown DL , Andreotti RF et al. Management of asymptomatic ovarian and other adnexal cysts imaged at US: Society of Radiologists in Ultrasound Consensus Conference Statement. Radiology 2010;256:943-54. 5. Cosson M, Goffinet F, Golfier F, Lansac J,Marret H. Recommandations pour la pratique clinique : le kyste de l’ovaire. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2001;30:4S74S112. 6. Yazbeck C, Koskas M, Madelenat P. Endométriose et infertilité : quel choix ? Journées européennes de la SFG, 2012. 7. Caspi B, Appelman Z, Rabinerson D, Zalel Y, ” Tulandi T, Shoham Z. The growth pattern of ovarian dermoid cysts: a prospective study in premenopausal and postmenopausal women. Fertil Steril 1997;68:501-5. 8. Alcazar JL, Castillo G, J u r a d O M , G a r c i a G L . Is expectant management of sonographically benign adnexal cysts an option in selected asymptomatic premenopausal women? Hum Reprod 2005;20:3231-4. 9. Hoo WL, Yazbek J, Holland T, Mavrelos D, Tong EN, Jurkovic D. Expectant management of ultrasonically diagnosed ovarian dermoid cysts: is it possible to predict outcome? Ultras o u n d O b s t e t Gy n e c o l 2010;36:235-40. Picardie 02 76 HauteNormandie BasseNormandie 61 60 27 Île-de-France Bretagne Pays de la Loire Centre Lorraine Alsace ChampagneArdenne Bourgogne FrancheComté PoitouCharentes Limousin Auvergne Rhônes-Alpes Acquitaine Midi-Pyrénées LanguedocRoussillon ProvenceAlpes-Côte-d’Azur Corse Densité faible Densité moyenne Densité forte Figure. a. Fréquence des kystectomies en 2011, tous les établissements du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). b. Densité régionale des médecins spécialistes (pour 100 000 habitants) inscrits au conseil de l'ordre en activité régulière au 1er janvier 2009 (d'après le Dr G. Le Breton-Larouvillois, CNOM, 2008). La Lettre du Gynécologue • n° 377 - décembre 2012 | 5