318 P54-59 GENE VINCENT

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318 P54-59 GENE VINCENT
GENE VINCENT
Bob Saunders : British Blue Caps
Le 24 octobre 2011, Michel Morley-McLean (auteur du superbe
livre sur Gene Vincent « Gloire Et Tribulations D’Un Rocker En
France ») rencontre Bob Saunders, qui a joué avec Gene de février à
juin 1963, à Perpignan où il vit depuis une trentaine d’années. Il se
remémore ici ces moments magiques : On ne se rendait pas compte
qu’on contribuait à l’histoire du rock’n’roll, qu’on tournait avec de
vraies légendes telles que Gene Vincent et Jerry Lee Lewis !
C
ombien de groupes ont accompagné Gene
Vincent ? Difficile de répondre. Depuis les
Blue Caps, sa première formation, le chanteur de Norfolk a vu défiler d’innombrables musiciens qui ont joué à ses côtés. Pour de multiples
raisons (sa baisse de popularité, son tempérament difficile...), Gene en change souvent et son
expatriation en Europe ne fait qu’amplifier le processus. Les orchestres se succèdent. Parmi eux,
Dru Harvey & The Jokers, rebaptisés British Blue
Caps, ont le privilège de soutenir le Screamin’ Kid
de février à juin 1963, en Angleterre et en France
(Olympia, Alhambra). Il existe peu d’informations
sur cette association avec Gene, excepté au
début des années 90 par Christian Nauwelaers
qui s’était entretenu avec le guitariste soliste de
ce groupe mystérieux : Bob Saunders.
DENNY WRIGHT
Bob Saunders : Je suis né le 20 mars 1939 à Dulwich, au sud de Londres. Mon père meurt quand
j’ai un an. Ma mère est une bonne chanteuse qui
joue du piano. Je m’intéresse très tôt à la musique. Ma mère me montre des trucs au piano. A
partir de cinq ans, j’apprends la flûte dans l’orchestre de l’école. On est pauvre et on ne peut
pas acheter d’instruments. Puis quelqu’un m’offre
un harmonica, même si c’est la guitare qui me
tente le plus. Je suis attiré par le son que reproduit une guitare électrique malgré le fait que, à
cette époque en Angleterre, il n’existe pas de guitare électrique digne de ce nom. J’achète une
acoustique très difficile à jouer et je m’initie dessus. A la radio, j’écoute de la country puis du
rock’n’roll. Je pense : Comment est-ce possible
qu’une guitare puisse donner de tels sons ? Avec
la mienne je ne peux pas obtenir de telles sonorités ! Je crois que les solos qu’on entend sur les
disques proviennent d’un autre instrument. Je
n’imagine pas qu’une guitare puisse faire tout ça !
Je vois Lonnie Donegan à la télé dans « Don’t You
Rock Me Daddy-O ». Dans son groupe le guitariste Denny Wright gratte une acoustique Hofner
Committee. En ce temps-là, on ne trouvait pas
d’instruments américains. Les guitares qu’on se
procure sont acoustiques et le plus souvent difficiles à jouer. Quand Denny Wright exécute un
solo sur cette guitare, je suis stupéfait ! Et après
je me précipite chez Selmers, dans Charing
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Les Crays (de g. à dr.) : Dave Greenslade, ses deux frères, Alf Stillman et Bob Saunders (avec sa
guitare Hofner President).
Cross, qui vend cette guitare au prix de 55 guinées, que je n’ai pas. Je trouve l’argent pour en
acheter une moins chère, une Hofner President,
à 30 guinées. Ma mère fait un crédit pour que je
puisse l’acquérir.
J’ai 12/13 ans et je prends des cours avec Ivor
Mairantz qui est un bon professeur. Il a une école
dans le West End et fait partie du Mantovani
Orchestra. Pour revenir à Denny Wright, c’est
grâce à lui si je joue de la guitare. Bien plus tard,
lorsque je passe dans un pub, le Nashville, à
Londres, Denny se produit avec Johnny Duncan
au même programme. On a déjà fait un passage,
lui aussi. On a chacun assisté à nos prestations.
Quand on quitte la scène et qu’il remonte, nos
regards se croisent et je lis dans ses yeux qu’il
pense que je suis meilleur que lui à ce momentlà. C’est d’autant plus vrai qu’il est en fin de carrière et que je suis dans la force de l’âge. J’ai toujours regretté de ne pas lui avoir confessé que
c’est grâce à lui que je suis devenu guitariste. Il
contribue au progrès en matière de guitare en
Angleterre même si, alors, les musiciens ne sont
pas crédités sur les disques. Il y a uniquement le
nom du chanteur. On n’a jamais su combien d’artistes il a influencés grâce à son talent. Merci
Denny Wright. J’ai beaucoup d’influences : Cliff
Gallup et Johnny Meeks, particulièrement, des
groupes de Gene Vincent. Puis Scotty Moore,
Chet Atkins, Merle Travis et Danny Gatton, pour
moi le meilleur, hélas décédé. Les guitaristes de
country comme Brent Mason et Johnny Hiland
mais aussi Albert Lee avec qui j’ai le plaisir de partager la scène dans les pubs Fullers Beers.
Depuis ma tendre enfance, la musique est ma
passion. En sortant de l’école, je ne pense qu’à
une chose, rentrer chez moi pour gratter ma guitare. Je prends des cours et, très vite, je progresse. A cette époque, il n’y a pas beaucoup de bons
guitaristes. J’achète ma première guitare électrique conçue par la marque anglaise Burns-Weil.
Ce n’est pas un très bon instrument mais c’est
mieux que rien. Elle m’a été volée lors de ma tournée au Maroc. Dommage, c’est devenu un collector ! Avant ça, je joue sur une acoustique que
je trafique avec un micro de téléphone branché à
l’ampli d’un tourne-disque ! Un de mes premiers
groupes, dans les années 50, est les Crays. On
fait des reprises des Everly Brothers, du skiffle,
de la country, un peu de rock’n’roll. Il y a Dave
Wilkinson, Alfred Stillman, les frères de Dave à la
contrebasse et à la batterie, et moi. On fait des
concerts, de la radio et de la télé où on passe en
direct. Les hommes doivent porter des chemises