Nutrition et maladie d`Alzheimer

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Nutrition et maladie d`Alzheimer
Synthèse
Nutrition et maladie d’Alzheimer
SOPHIE GILLETTE-GUYONNET
SYLVIE LAUQUE
PIERRE-JEAN OUSSET
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Résumé. La perte de poids est un problème nutritionnel fréquemment observé chez les
patients présentant une maladie d’Alzheimer. Elle semble s’amplifier avec l’évolution de la
maladie et serait un facteur prédictif de mortalité chez les patients. La perte de poids
pourrait précéder le diagnostic de la maladie et être une manifestation de la maladie
elle-même. L’aggravation de la maladie peut, d’autre part, s’accompagner de la survenue
de troubles du comportement alimentaire, qui vont entraîner une diminution des apports
énergétiques. Ces troubles peuvent être appréciés par l’utilisation d’instruments descriptifs
comme l’échelle de Blandford. D’autres hypothèses ont été soulevées pour expliquer la
perte de poids associée à la MA : atrophie du cortex temporal interne, augmentation des
dépenses énergétiques, facteurs biologiques et modifications de la composition corporelle.
Des outils d’évaluation comme le mini nutritional assessment permettent d’évaluer le statut
nutritionnel, de diagnostiquer la dénutrition protéinoénergétique, d’en identifier les causes
et de proposer leur correction. L’entourage du patient joue un rôle central dans la prévention et la prise en charge des troubles nutritionnels. Des programmes d’information dispensés aux aidants pourraient avoir un impact sur le fardeau qu’ils ressentent et sur l’état de
santé des patients.
Mots clés : maladie d’Alzheimer, perte de poids, trouble du comportement, évaluation
nutritionnelle
Abstract. Weight loss is frequent in Alzheimer’s disease. Its severity increases with the
progression of the disease and may be a predictor of patients’ mortality. Weight loss often
precedes the diagnosis and may be considered as a feature of the disease itself. With the
progression of the disease, disorders of eating behavior occur and result in weight loss and
decreasing energy intake. Descriptive tools such as the Blandford Scale are helpful to
assess eating disorders. Some hypotheses exist to explain the weight loss associated with
Alzheimer’s disease: atrophy of internal temporal cortex, increase of energy expenditure,
biologic factors or modifications of body composition. Tools such as the Mini Nutritional
Assessment allow assessment of nutritional status, diagnosis of malnutrition, cause identification and proposals for its correction. Patients’ caregivers play a central role in the
prevention and management of nutritional disorders. Information programs for caregivers
may reduce caregiver burden and improve patients’ health status.
Key words: Alzheimer’s disease, weight loss, behavior disorder, nutritional assessment
A
u cours de la maladie d’Alzheimer (MA), l’étendue des lésions cérébrales explique l’aggravation progressive des déficits cognitifs. Apparaissent ainsi des troubles de l’orientation, des troubles
du comportement, une perte d’autonomie et des troubles du comportement alimentaire. La perte de poids
est un problème nutritionnel fréquemment observé
chez les patients présentant une MA, comme le montrent la pratique clinique ainsi qu’un certain nombre
d’études [1-3]. Elle s’accompagne de complications sévères (altération du système immunitaire, atrophie
musculaire, perte d’autonomie) à l’origine d’une aggravation de l’état de santé qui influe sur la qualité de vie
des patients et celle de leurs aidants. Les mécanismes
de cet amaigrissement ne sont pas encore élucidés ;
diverses perturbations neuroendocriniennes sont en
cours d’exploration [4, 5]. Il est aussi possible que les
dépenses énergétiques de ces patients soient majorées
du fait de l’apparition de troubles du comportement au
cours de l’évolution de la maladie, comme l’agitation
ou la déambulation [6].
La nutrition semble, par ailleurs, influencer les fonctions cognitives et le comportement psychiatrique. De
nombreux travaux rapportent en effet une association
entre le statut vitaminique, principalement les vitamines du groupe B et les vitamines antioxydantes, et
l’altération des fonctions cognitives. D’autres éléments,
comme l’aluminium ou la silice, sont également incriminés.
La dénutrition représente, avec les troubles psychiatriques et les troubles moteurs, l’une des principales complications de la MA, notamment au stade sévère de cette affection. Le signe essentiel et le plus
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facilement repérable en est la perte de poids. C’est
autour de ce symptôme que nous centrerons notre
propos.
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Épidémiologie de la perte de poids
Bien que décrite par Aloïs Alzheimer dans sa première observation (31 mai 1910 : « Le poids corporel
des patients diminue lentement et régulièrement »), la
perte de poids qui accompagne la MA a longtemps été
négligée. Depuis le début des années 1980, un certain
nombre de travaux lui ont été consacrés. Les premières
études portaient sur la comparaison des variations de
poids entre des groupes de sujets présentant une MA
et des sujets témoins, non déments ou présentant un
autre type de démence [7-9]. Elles attestaient systématiquement d’une perte de poids chez les sujets déments, supérieure dans le cas de la MA, dans laquelle
elle survenait alors que les sujets conservaient des
apports énergétiques satisfaisants. Dans la plupart de
ces études, les sujets étaient hospitalisés et présentaient des démences sévères avec, la plupart du temps,
des difficultés pour s’alimenter. Des données épidémiologiques récentes montrent que la perte de poids semble s’amplifier avec l’évolution de la maladie. Elle serait
un facteur prédictif de mortalité chez les patients souffrant de MA [3], et elle pourrait précéder le diagnostic
de la maladie et être une manifestation de la maladie
elle-même [10].
Mécanismes physiopathologiques
de la perte de poids
Au début de l’évolution de la maladie, il peut exister
une altération du statut nutritionnel chez les personnes
qui vivent seules. Cette altération est probablement
associée à une modification de leurs apports alimentaires du fait de l’apparition d’incapacités, comme des
difficultés à faire des courses, à préparer le repas, à
choisir l’alimentation. Une altération à l’échelle IADL
(instrumental activities of daily living), permettant d’explorer l’autonomie dans les actes élaborés de la vie
quotidienne, constitue parfois un des premiers signes
de la maladie. Berlinger et al. [11] ont montré que
l’indice de masse corporelle (IMC) chez des sujets déments était positivement corrélé au score obtenu à
l’échelle IADL. Chez ces patients, la perte de poids peut
être dépistée précocement par une surveillance régulière du poids, et devrait pouvoir être corrigée en mettant à disposition des systèmes d’aide au moment des
repas (aide ménagère, portage des repas).
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L’aggravation de la maladie peut, d’autre part, s’accompagner de la survenue de troubles du comportement alimentaire qui vont entraîner une perte de poids
en diminuant les apports énergétiques. Cependant,
comme l’ont montré de nombreuses études, la perte de
poids observée au cours de la MA survient généralement alors que les apports énergétiques des sujets
restent satisfaisants [8, 12]. Plusieurs hypothèses ont
été formulées pour élucider le mécanisme physiopathologique susceptible d’expliquer cet amaigrissement.
Les troubles
du comportement alimentaire
Les troubles du comportement alimentaire observés au cours de la MA sont dominés par l’anorexie, qui
peut survenir dès le début de la maladie. Les causes de
l’anorexie sont multiples et très souvent intriquées.
Parmi ces causes, on peut citer : les troubles neuropsychiatriques associés à la maladie (troubles du comportement et de l’humeur, désorientation, indifférence, atteinte du jugement), la polymédication, les modifications somatiques (altération du goût et de l’odorat,
diminution de l’appétence, augmentation de la satiété).
Avec l’évolution de la maladie, le comportement alimentaire est profondément perturbé. Le refus de s’alimenter peut se manifester par toute une série d’attitudes d’opposition, de réflexes de défense. Des troubles
de nature apraxique viennent également compliquer la
prise alimentaire.
Blandford et al. [13] ont créé, à partir de leurs travaux, une échelle de dépistage des troubles du comportement alimentaire chez des patients atteints de MA
(Annexe 1). Cette échelle distingue quatre groupes de
troubles :
1) la dysphagie oropharyngienne : elle touche la fermeture de la bouche, la possibilité de serrer les dents et
les lèvres, l’incapacité à ouvrir la bouche spontanément. Ces troubles sont liés à la perte de coordination
musculaire au cours des phases de mastication et de
déglutition ;
2) les comportements sélectifs : ils consistent à refuser
de manger une grande variété d’aliments, préférer les
liquides, refuser les solides. Ces troubles nécessitent
un changement de régime alimentaire ;
3) les comportements actifs de résistance alimentaire
ou d’opposition (réflexes de défense) : ils consistent à
repousser la nourriture ou la personne qui veut le nourrir, mettre ses mains en face de sa bouche, cracher ou
jeter la nourriture ;
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4) la dyspraxie buccale de l’alimentation et les troubles
de l’attention : ils consistent à mélanger et jouer avec la
nourriture plutôt que de l’avaler, utiliser les doigts à la
place des couverts, manger des choses non comestibles. Ces troubles concernent généralement des sujets
qui ont besoin d’être incités, cajolés ou guidés pour
initier leurs repas.
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Les comportements sélectifs, les comportements
d’opposition, et certains troubles praxiques seraient la
conséquence directe du déclin cognitif, de l’inattention
et de la confusion mentale liés à la maladie.
Dans une étude réalisée auprès de 95 sujets déments, en maison de retraite, la présence d’un trouble
alimentaire était significativement corrélée au déclin
des fonctions cognitives, à la sévérité de la démence et
à l’altération des capacités fonctionnelles. Par ailleurs,
il y aurait, parallèlement à l’évolution de la démence,
une évolution progressive des troubles des comportements sélectifs vers les comportements de résistance,
puis apparaît la dysphagie oropharyngienne ou pharyngoœsophagienne. La dyspraxie pourrait être observée tout au long de l’évolution de la maladie. Une
dysphagie persistante serait un facteur prédictif de décès imminent [13].
D’autres hypothèses ont été soulevées pour expliquer la perte de poids des patients.
Atrophie du cortex temporal interne
Des études réalisées sur des modèles animaux,
ainsi que des observations chez l’homme, ont montré
que des lésions au niveau du système limbique s’accompagnaient de modifications de l’appétit et des habitudes alimentaires ainsi que d’une perte de poids. Une
atrophie du cortex temporal interne est observée chez
les patients dès les premiers stades de la MA, et s’aggrave avec l’évolution de la maladie. La perte de poids
pourrait être une conséquence directe de l’atrophie du
cortex temporal interne qui entraîne une altération des
fonctions cognitives associée à une perte d’autonomie
dans les activités quotidiennes (perte des capacités
d’approvisionnement, de préparation culinaire) et une
modification du comportement alimentaire (perte d’appétit) [14]. On peut supposer que certaines perturbations associées à la perte de poids, comme l’augmentation du cortisol et du tumor necrosis factor ou la
diminution des estrogènes, vont, à leur tour, renforcer
l’atrophie du cortex temporal interne déjà existante et
peuvent, de ce fait, entraîner une aggravation de la
démence.
Augmentation des dépenses énergétiques
En dépit d’un nombre limité d’études, les résultats
actuellement disponibles ne permettent pas de mettre
en évidence une contribution des dépenses énergétiques totales dans la perte de poids observée au cours
de la MA. Toutefois, les relations entre les dépenses
liées à l’activité physique, les apports énergétiques et
la masse musculaire démontrent que l’activité physique représente un moyen d’intervention simple pour
éviter ou diminuer la fonte musculaire, pour stimuler
l’appétit et donc restaurer la balance énergétique chez
des patients souffrant de MA. Le maintien de la masse
musculaire est un élément important de la qualité de
vie de ces patients. La fonte musculaire s’accompagne,
en effet, d’une diminution de la force musculaire, d’une
augmentation de la fréquence des chutes, d’une perte
d’autonomie et d’une augmentation du risque de mortalité [6].
Facteurs biologiques
Une baisse de sécrétion du neuropeptide Y (NPY) a
été observée chez des sujets présentant une MA qui
rendrait compte de l’anorexie fréquemment rencontrée
chez ces sujets en fin d’évolution de la maladie. Mais le
NPY influencerait aussi la balance énergétique, via ses
effets complémentaires sur la stimulation de l’appétit,
sur la régulation de la dépense énergétique et sur le
stockage des acides gras au niveau du tissu adipeux
blanc [15]. Une hyperinsulinémie et une insulinorésistance ont été observées chez des sujets atteints de
MA [16], ce qui semble confirmer l’existence de troubles du métabolisme.
Une étude récente a montré que l’allèle e4 de l’apolipoprotéine E était un facteur de risque de perte de
poids chez des femmes âgées de plus de 65 ans [17] et
pourrait contribuer à la perte de poids inexpliquée au
cours de la MA [4].
Modifications de la composition corporelle
Très peu d’études se sont intéressées à l’évaluation
de la composition corporelle chez les sujets atteints de
MA. Les premières évaluations de la composition corporelle, réalisées à partir de mesures anthropométriques, ont mis en évidence une diminution significative
de la masse maigre et de la masse grasse chez ces
sujets par rapport à des sujets témoins [7, 8]. En 1994,
Renvall et al. [18] ont montré que des femmes présentant une DTA avaient une diminution significative du
pourcentage de masse grasse par rapport à des témoins de même sexe. La mesure de la densitométrie
osseuse (DMO) chez des femmes âgées présentant une
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MA a, par ailleurs, montré une diminution significative
chez ces femmes comparé à des témoins appariés sur
l’âge. Cette diminution était significativement corrélée
à une diminution des concentrations sériques en vitamine D [19]. La diminution de la DMO observée chez
des patients atteints de la MA pourrait expliquer l’augmentation du risque de fractures rapportées au cours
de la maladie.
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Évaluation et prise en charge
de la dénutrition
Les conséquences de la dénutrition protéinoénergétique sont bien identifiées (perte de poids, apparition
de plaies de pression, chutes, altération du système
immunitaire, augmentation du risque d’hospitalisations) et contribuent à l’aggravation du pronostic vital.
Chez les patients atteints d’une MA, une perte de poids
supérieure à 4 % du poids initial est un facteur de risque de mortalité, tandis qu’un gain de poids est un
facteur protecteur [3].
Des stratégies de dépistage précoce peuvent être développées, notamment en réalisant une évaluation nutritionnelle au cours de toute évaluation gérontologique.
Des outils ont été mis au point pour surveiller le
statut nutritionnel et dépister la dénutrition protéinoénergétique ou le risque de dénutrition protéinoénergétique chez les personnes âgées. Le mini nutritional
assessment (MNA) (Annexe 2) [20] permet d’évaluer le
statut nutritionnel et de diagnostiquer la dénutrition
protéinoénergétique des personnes âgées. Le MNA
Points clés
En l’absence de troubles de la déglutition
Les mesures diététiques sont alors capitales dans la
prise en charge, tant préventive que curative d’un état
de dénutrition. L’enrichissement des repas doit être
quantitatif avec l’augmentation de la quantité totale de
calories absorbées, mais aussi qualitative en privilégiant l’apport protéique. Chez des patients oubliant de
se nourrir ou refusant les prises alimentaires, un encadrement des repas avec une structuration à la fois temporelle et sociale doit être envisagée. La proposition de
collations entre les trois principaux repas peut être
systématisée. Le recours à des compléments nutritionnels est souvent un moyen simple de s’assurer de l’apport protéinoénergétique. La prise de ce type de compléments chez des sujets déments, même en l’absence
de dénutrition avérée, a montré une réduction, sur un
an de suivi, de la morbidité et de la mortalité de ces
patients [22].
La prescription de thérapeutiques adjuvantes à la
renutrition, comme l’oxoglutarate d’ornithine est discutée chez les sujets présentant une MA. Leur mécanisme
d’action serait trophique sur la muqueuse gastrique et
freinerait le catabolisme protéique. Une étude contrôlée de grande envergure est actuellement en cours
pour évaluer leur utilité dans cette indication sur la
population des patients déments.
En présence de troubles de la déglutition
• La dénutrition représente, avec les troubles psychiatriques et les troubles moteurs, l’une des principales complications de la maladie d’Alzheimer, notamment au stade sévère de cette affection.
• La perte de poids pourrait précéder le diagnostic
de la maladie. Elle s’amplifie au cours de sa progression et serait un facteur prédictif de mortalité.
• L’aggravation de la maladie peut s’accompagner
de la survenue de troubles du comportement alimentaire, qui vont entraîner une perte de poids en
diminuant les apports énergétiques.
• Le mini nutritional assessment permet d’évaluer le
statut nutritionnel, de confirmer le diagnostic de dénutrition ou de risque de dénutrition. Il en identifie
les causes et permet de proposer leur correction.
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permet de confirmer le diagnostic de dénutrition ou de
risque de dénutrition. Il en identifie les causes et permet de proposer leur correction [21].
La prise en charge de la dénutrition est différente
selon la présence ou l’absence de troubles de la déglutition.
Les troubles de la déglutition, fréquents aux stades
sévères de la pathologie, viennent compliquer la prise
en charge nutritionnelle. Le risque de fausses routes
est important avec un pronostic vital compromis à
court terme. Des mesures simples comme l’épaississement de la texture des aliments, la prise de boissons
gélifiées et le fractionnement des prises alimentaires
peuvent parfois permettre le maintien d’une ration alimentaire suffisante, mais sont souvent dépassées en
cas de dénutrition avérée. C’est à ce stade que se pose
le difficile problème de la mise en place d’une nutrition
entérale par sonde de gastrostomie. Prescrite sur une
brève période et après discussion pluridisciplinaire
pour passer un cap aigu et amorcer une rénutrition
naturelle, cette technique peut être éventuellement envisagée. En tant que moyen définitif d’alimentation,
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son indication est beaucoup plus discutée. L’impact sur
le pronostic à moyen terme est inconstant, la qualité de
vie des patients est discutable et, dans tous les cas, la
décision doit être autant basée sur les données médicales que sur les principes éthiques fondamentaux [23].
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Conclusion
Le rôle central de l’entourage du patient dans la
prévention et la prise en charge des troubles nutritionnels doit être souligné. En effet, le fardeau [24] et le
stress ressentis par les aidants sont en relation avec la
perte de poids des personnes âgées aidées. Plus les
aidants se considèrent comme dépassés par les troubles du comportement (notamment alimentaire),
moins ils seraient capables de s’occuper efficacement
de leur patient [25]. Chez les personnes âgées souffrant
d’un syndrome démentiel évolué, la relation entre le
patient et l’aidant au moment des repas est très importante et peut avoir des répercussions sur la quantité
d’aliments consommés par les personnes aidées [26].
Des programmes d’information sur la maladie et la
prise en charge nutritionnelle dispensés aux aidants
diminuent leur isolement et leur stress, les aident à
identifier les troubles du comportement alimentaire de
leur proche et à y faire face par une action spécifique.
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Annexe 1
Échelle de Blandford
Blandford’s scale [13]
Description des troubles du comportement alimentaire
O N
Comportement de résistance
Détourne la tête à la vue de la cuillère
Repousse la nourriture ou la personne qui veut le nourrir
Met ses mains en face de sa bouche.
Agrippe, frappe ou mord celui qui essaie de le nourrir
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Crache ou jette la nourriture
Dyspraxie et agnosie
A besoin d’être cajolé pour manger
Utilise ses doigts plutôt que la fourchette
Incapable d’utiliser les couverts
Mélange et joue avec la nourriture plutôt que de l’avaler
Parle de façon continue pendant le repas, de sorte qu’il ne s’alimente pas
Mange des choses non comestibles (serviette...)
Quitte la table, et va marcher pendant le repas
Semble ne pas reconnaître les aliments
Comportement sélectif
A besoin de compléments nutritionnels spécifiques, ou sinon ne mange rien
A besoin de compléments nutritionnels, les goûte, se plaint, puis les refuse
Refuse de manger une grande variété d’aliments et ne mange, par exemple, que du pain, les desserts
Ne prend que des très petites quantités de nourriture, puis ne mange plus même si on le fait manger
Préfère les liquides (> 50 % des apports)
Refuse les solides, mais accepte les liquides
Incoordination orale musculaire
N’ouvre pas la bouche spontanément quand on lui présente la nourriture
Plisse les lèvres, empêchant l’entrée de la nourriture
Ferme la bouche, serre ses dents et ses lèvres
Fait des mouvements continus de la langue ou de la bouche qui empêchent l’ingestion des aliments
Accepte la nourriture, puis la crache
Accepte la nourriture mais ne la mâche pas et ne l’avale pas
La nourriture dégouline de la bouche
Fausses routes
Tousse ou bien s’étouffe en mangeant
« Gargouillement » de la voix (voix humide)
Dépendance alimentaire
Présente un problème du comportement alimentaire mais s’alimente seul
A besoin d’être aidé de temps en temps pour s’alimenter
Ne s’alimente que si on le fait manger
Score /____/
S40
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Annexe 2
Mini nutritional assessment [20]
Evaluation de l'état nutritionnel
Mini Nutritional Assessment MNATM
Nom:
Age:
Poids, kg:
Prénom:
Sexe:
Date:
Taille en cm:
Hauteur du genou, cm:
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Répondez à la première partie du questionnaire en indiquant le score approprié pour chaque question. Addionnez les points de la partie.
Dépistage, si le résultat est égal à 11 ou inférieur, complétez le questionnaire pour obtenir l'appréciation précise de l'état nutritionnel.
Dépistage
J
A Le patient présente-t-il une perte d'appétit?
A-t-il mangé moins ces 3 derniers mois par manque d'appétit,
problèmes digestifs, difficultés de mastication ou de déglutition?
0 = anorexie sévère
1 = anorexie modérée
2 = pas d'anorexie
B Perte récente de poids (<3 mois)
0 = perte de poids > 3 kg
1 = ne sait pas
2 = perte de poids entre 1 et 3 kg
3 = pas de perte de poids
C Motricité
0 = du lit au fauteuil
1 = autonome à l'intérieur
2 = sort du domicile
D Maladie aiguë ou stress psychologique
lors des 3 derniers mois?
0 = oui
2 = non
E Problèmes neuropsychologiques
0 = démence ou dépression sévère
1 = démence ou dépression modeérée
2 = pas de problème psychologique
F Indice de masse corporelle (IMC = poids / (taille)2 en kg/m2)
0 = IMC < 19
1 = 19 ≤ IMC < 21
2 = 21 ≤ IMC < 23
3 = IMC ≥ 23
Score de dépistage (sous-total max. 14 points)
12 points ou plus
11 points ou moins
K Consomme-t-il?
- Une fois par jour au moins
des produits laitiers?
- Une ou deux fois par semaine
des œufs ou des légumineuses?
- Chaque jour de la viande,
du poisson ou de la volaille?
0,0 = si 0 ou 1 oui
0,5 = si 2 oui
1,0 = si 2 oui
L
G
Le patient vit-il de façon indépendante à domicile?
0 = non
1 = oui
H
Prend plus de 3 médicaments
0 = oui
1 = non
I
Escarres ou plaies cutanées?
0 = oui
1 = non
oui
non
oui
non
oui
non
Consomme-t-il deux fois par jour au moins
des fruits ou des légumes?
0 = non
1 = oui
M Combie de verres de boissons consomme-t-il par jour?
(eau, jus, café, thé, lait, vin, bière...)
0,0 = moins de 3 verres
0,5 = de 3 à 5 verres
1,0 = plus de 5 verres
N Manière de se nourrir
0 = nécessite une assistance
1 = se nourrit seul avec difficulté
2 = se nourrit seul sans difficulté
O Le patient se considère-t-il bien nourri? (problèmes nutritionnels)
0 = malnultrition sévère
1 = ne sait pas ou malnultrition modérée
2 = pas de problème de nutrition
P
normal pas besoin de continuer l'évaluation
possibilité de malnutrition continuez l'évaluation
Evaluation globale
Combien de véritables repas le patient prend-il par jour?
0 = 1 repas
1 = 2 repas
2 = 3 repas
Le patient se sent-il en meilleure ou en moins bonne santé
que la plupart des personnes de son âge?
0,0 = moins bonne
0,5 = ne sait pas
1,0 = aussi bonne
2,0 = meilleure
Q Circonférence brachiale (CB en cm)
0,0 = CB < 21
0,5 = CB ≤ 21 CB ≤ 22
1,0 = CB > 22
R
Circonférence du mollet (CM en cm)
0 = CM < 31
1 = CM ≥ 31
Evaluation globale (max. 16 points)
Score de dépistage
Score total (max. 30 points)
Ref.:
Guigoz Y. Vellas Band Garry PJ. 1994. Mini Nutritional Assessment: A practical assessment tool for
grading the nutritional state of elderly patients. Facts and Research in Gerontology. Supplement
#2:15-59.
Rubenstein LZ, Harker J, Guigoz Y and Vellas B. Comprehensive Geriatric Assessment (CGA) and
the MNA: An Overview of CGA, Nutritional Assessment, and Development of a Shortened Version
of the MNA. In: "Mini Nutritional Assessment (MNA): Research and Practice in the Elderly". Vellas
B, Garry PJ and Guigoz Y, editors. Nestlé Nutrition Workshop Series. Clinical & Performance Programme, vol. 1. Karger, Bale, in press.
Appréciation de l'état nutritionnel
de 17 à 23,5 points
risque de malnutrition
moins de 17 points
mauvais état nutritionnel
 1998 Société des Produits Nestlé S.A., Vevey, Switzerland, Trademark Owners
Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2005 ; vol. 3 (Suppl. 1) : S35-S41
S41