Au pays de l`Amour - Ville de Montréal

Transcription

Au pays de l`Amour - Ville de Montréal
Au pays de l’Amour
Les rivages sont si sauvages, vierges et somptueux qu’on voudrait y rester et y vivre jusqu’à la fin des temps. Cette description
est de l’écrivain russe Anton Tchekhov. Il descendait alors le cours d’un fleuve sibérien qui le conduisait jusqu’à l’île de
Sakhaline. À gauche, la rive russe, à droite, la chinoise. Il s’avoue tout à fait incapable de décrire quelque chose d'aussi beau et
ajoute : je suis amoureux de l’Amour (Lettres de voyage… 1890-1891). Nous voilà au pays du fleuve Amour.
Plus du tiers du cours de ce fleuve - 1 600 km de ses 4 350 km - marque
la frontière entre la Sibérie et l’ancienne Mandchourie. À son
embouchure, il se jette dans le détroit de Tartarie, ou Tatarie, en face de
l’île de Sakhaline. À ces latitudes, la Russie est voisine du Japon. Les
Russes appellent le fleuve « Amyp » ou « grand fleuve », les Chinois
« Hēilóngjiāng » ou « fleuve du Dragon noir » et les Mandchous
« Sahaliyan ula » ou « fleuve noir ». Gelé en hiver, il est une importante
voie navigable en été.
Sauvages, les rives de l’Amour ? Son bassin est immense et ses
paysages, très divers. La végétation des forêts qui le couvrent - taïga et
forêt boréale - nous est familière mais plusieurs plantes y sont
spécifiques. Et du côté des animaux, le plus grand félidé de la planète, le
tigre de Sibérie ou « Amur tiger », y habite.
Comment un fleuve sibérien en est-il venu à s’appeler Amour ? Par
transcription phonétique. Le fleuve Amour se dit « Amyp » en russe et se
prononce « amour » (y = ou et p = r). Le sentiment amoureux,
celui de la Saint-Valentin, se dit « lyubov ».
image d’après fr.academic.ru
Le fleuve Amour
Amyp (russe) et Heilongjiang (chinois)
Le latin de l’Amour
Dans la plupart des langues occidentales, « amur » désigne les plantes qui portent le nom du fleuve Amour. En latin, ces plantes
se déclinent amurense (féminin) et amurensis (masculin).
D’autres plantes de ces vastes territoires se déclinent principalement en sibiricus (Sibérie), russicus (Russie) ou chinense et
sinensis (Chine), parfois manshurica (Mandchourie) ou japonicum (Japon) quand ce n’est pas sachalinense (Sahaliyan,
Sakhaline). On trouve aussi maackii du nom du naturaliste russe Richard Maack. Cependant, l’origine de ginnala et ginnalum
demeure pour moi un mystère.
photos mp déc. 2010
Les étiquettes du Jardin témoignent des identités multiples des plantes de l’Amour.
Les plantes de l’Amour au Jardin
Dans Les arbres remarquables du Jardin botanique de Montréal, deux espèces de l’Amour sont décrites. Le fameux arbre à
liège et un lilas.
Un arbre
On y apprend que l’arbre à liège ou phellodendron a été planté près du bâtiment administratif, en 1963, sous le nom d’arbre à
liège de Lavallée (P. lavallei). Depuis, l’espèce est assimilée à l’arbre à liège de l’Amour (P. amurense). Il est souvent appelé
arbre à liège de Chine, mais ce nom désigne plutôt le P. chinense. En brave survivant, il pousse maintenant près de l’entrée du
boulevard Pie IX où il a été transplanté en 2006 lors de l’aménagement de la Place Marie-Victorin.
D’autres amurense et des chinense ont été introduits. Si vous marchez jusqu’après le premier chemin de contour du Jardin,
côté Est, vous les verrez derrière les caryers et les tilleuls. J’attends l’été pour froisser une feuille car il paraît qu’elle dégage une
légère odeur de térébenthine, certains disent de citron. De même, les petits fruits noirâtres. Mais y a-t-il un arbre femelle dans le
secteur ? Les Américains les redoutent car les oiseaux en répandent les graines et les « Amur cork trees » deviennent
Au pays de l’Amour - mp févr. 2011
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envahissants. L’écorce liégeuse est l’une des beautés de l’arbre. Elle est aussi un élément de base dans la médecine
traditionnelle chinoise. Mais pour les bouchons, mieux vaut celle du chêne-liège (Quercus suber), d’origine méditerranéenne,
que l’on peut encore voir dans la serre des bégonias. Comme les agrumes, l’arbre à liège appartient à la famille des Rutacées.
Un arbuste
Ah ! le parfum des érables japonais de ma rue ! Après tous les autres lilas déjà « passés », leur floraison est un sursaut du
printemps. Il en existe une sous-espèce du nom de l’Amour. C’est le long du chemin de l’étang qu’on la voit, parmi les lilas
appelés familièrement lilas du Japon (Syringa reticulata). Parfois arbuste aux troncs multiples, parfois petit arbre au tronc unique,
il porte de grandes inflorescences blanchâtres et érigées qui, séchées en hiver, colorent le paysage. Il appartient aux Oléacées,
la famille des oliviers.
Arbre à liège de l’Amour
Lilas de l’Amour et du Japon au Jardin
Une herbacée ou Quand l’Amour flirte avec l’amour
Plusieurs herbacées nous viennent également du bassin de l’Amour. L’une d’elle, petite vivace humble et fragile, porte, bien
involontairement, un nom au passé mythologique.
Adonis - encore lui : vous vous souvenez de sa naissance d’une déesse transformée en arbre à
myrrhe ? – Adonis, donc, un mortel aimé d’Aphrodite, mourut encorné par un sanglier qu’il
pourchassait. Éperdue, la déesse fit naître des fleurs de son sang répandu. Les poètes les
nommèrent qui des anémones, qui des roses, toutes de couleur rouge passion. Les botanistes, eux,
en firent des renonculacées, les Adonis. Les Français ont baptisé leur petite adonide rouge
« goutte-de-sang » (Adonis annua) et Adonis amurense devint par la force des mots l’adonide de
l’Amour ou… Adonis de l’Amour ! Un feuillage découpé, une petite fleur d’un jaune brillant, un vif
éclat printanier, puis plus rien. Une brève rencontre… En avril, passez au Jardin alpin voir ses
cultivars ‘Pleniflora’ et ‘Sandanzaki’ au pied du métaséquoia.
Adonide goutte-de-sang
Adonide de l’Amour
‘Sandanzaki’
Nul besoin de voguer sur l’Amour pour découvrir les amurense et amurensis. Laissez-vous
séduire par ces plantes au hasard des sentiers du Jardin :
l’érable (maple, Acer ginnala ou A. tataricum), tilleul (linden, Tilia) et le chèvrefeuille
(honeysuckle, Lonicera) dans l’Arboretum
le maackia (maackia, Maackia) dans le Jardin des arbustes
la vigne (grape, Vitis) dans le Jardin des arbustes et le Sous-bois
le petit-prêcheur (Jack-in-the-pulpit, Arisaema) dans le Sous-bois
l’œillet (Dianthus chinensis ou D. amurense) parmi les plantes arctiques du Jardin alpin
le troène (Amur privet, Ligustrum obtusifolium ou L. amurense) au Jardin alpin
et quoi encore ? Un véritable voyage au long cours !
Attendre que le brouillard soit déchiré par le vent, que le fleuve s’étale à nu sous nos yeux.
Pas n’importe quel fleuve. Le « Dragon noir »! Le fleuve Amour!… « Là-bas le fleuve! Là-bas le fleuve! »…
(François Cheng dans : Le Dit de Tianyi)
Monique Poissant
À la bibliothèque du Jardin
Février 2011
Adriaenssen, D. Le latin de mon jardin. Larousse, 2004. 0115 A3.1
Czerepanov, S.K. Vascular plants of Russia and adjacent states… Cambridge University Press, 1995. 0648 C95.1
Farrar, John Laird. Les Arbres du Canada. Fides, 1996. 0820 F3.1 F
Répertoire des arbres et arbustes ornementaux. 4e éd. Hydro-Québec, 2010. 0820 H9.1 2010
En ligne :
Amur-Heilong River Basin : http://amur-heilong.net/http/fullindex.html
Flora of China : http://www.efloras.org/flora_page.aspx?flora_id=2
Au pays de l’Amour - mp févr. 2011
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