MENIER annuaire HDA complete.mdi - Villes et Pays d`art et d`histoire
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MENIER annuaire HDA complete.mdi - Villes et Pays d`art et d`histoire
Les industriels chocolatiers Menier à Noisiel La chocolaterie Menier de Noisiel (Seine-et-Marne) témoigne du développement d’une entreprise familiale liée à l’essor industriel et urbain depuis le début du XIXe siècle. Ses différents bâtiments, classés et réhabilités, sont des exemples d’architectures des XIXe et XXe siècles (structure métallique, décors de briques émaillées, béton Hennebique, etc.). Ce dossier, constitué par le service d’animation du patrimoine de Noisiel, Ville d’art et d’histoire, comprend : • Raconte-moi l’ancienne usine de chocolat pages 2 à 13 Naissance et évolution de l’entreprise Du moulin à l’usine, l’évolution du site La fabrication du chocolat Les bâtiments classés monuments historiques La réhabilitation • Émile-Justin Menier (1826-1881) • Généalogie de la famille Menier • La cité ouvrière : petit lexique architectural • L’ancienne mairie • L’école à Noisiel autrefois pages 14 à 17 page 18 pages 19 à 21 pages 22 à 25 pages 26 à 29 RACONTE –MOI L’ANCIENNE USINE DE CHOCOLAT DOSSIER N°2 Jean Antoine Brutus Menier (1795-1853) : naissance de l’entreprise C’est après être entré au service de la pharmacie du Val de Grâce que Jean Antoine Brutus Menier (JAB), originaire d’une famille commerçante de Bourgueil, fonde son entreprise de droguerie. Ayant pour ambition de fabriquer industriellement des poudres pharmaceutiques tout en garantissant une qualité rarement avérée à cette époque, il va s’attacher à moderniser sa production et à s’agrandir. Les terrains alentours garantissent également la possibilité pour le droguiste de s’agrandir. Dès lors l’usine ne cessera d’évoluer, servant de base à la constitution de l’empire industriel de la famille Menier. Produit de luxe, le chocolat est à l’époque recommandé pour ses qualités reconstituantes mais également utilisé dans la composition de médicaments ou comme enrobage des pilules. Dès lors l’histoire du chocolat et celle de Noisiel se trouve intimement liées. Les difficultés d’approvisionnement en cacao à l’époque ne permet à JAB de faire du chocolat qu’une production secondaire. Néanmoins attaché à diffuser cette denrée en grand nombre, JAB lance en 1836 la tablette de chocolat Menier , enveloppée dans le fameux papier jaune reproduisant les médailles récompensant la qualité des produits Menier. Cette année marque également la naissance de la marque Menier, destinée à garantir la qualité et la provenance de tous les produits Menier. Emile Justin Menier (1826-1881) : L’empire du chocolat Succédant à la mort de son père en 1853, Emile Justin Menier (EJM) oeuvre à l’essor véritable de l’empire industriel. Déplaçant la production pharmaceutique à Saint Denis pour l’abandonner définitivement en 1867, EJM décide de réorienter son entreprise pour se consacrer uniquement à la production de masse de chocolat. Souhaitant n’être tributaire d’aucun intermédiaire, il entreprend dans les années 1860 l’achat de terres au Nicaragua afin d’y cultiver des plantations de cacaoyer. Le cacao ainsi produit est ramené en France par une flotte de navires appartenant aux Menier. Parallèlement Menier se dote d’une sucrerie à Roye dans la Somme, alimentée par les champs de betteraves à sucre seine-et-marnaises dont il se rend également propriétaire. Au même moment l’usine de Noisiel subit les premières grandes transformations. Souhaitant rationaliser la production, il fait appel aux meilleurs ingénieurs et architectes tels que Jules Saulnier, chargés de construire de nouveaux bâtiments, ordonnés selon un schéma qui suit le processus de fabrication tout en le structurant. Emile Justin Menier, toujours au fait des dernières inventions et entouré des meilleurs scientifiques, introduit dans son usine, les dernières innovations techniques du moment, quelles soient physiques, chimiques ou architecturales, faisant de la chocolaterie de Noisiel, une usine à la pointe du progrès. HISTOIRE DE L’ENTREPRISE MENIER C’est ainsi qu’il décide en 1825 d’acheter le moulin hydraulique de Noisiel qui offre grâce à sa roue pendante, l’avantage d’un gain énergétique supérieur aux meules à chevaux de sa petite fabrique parisienne. La roue, en s’adaptant au niveau de la Marne, permet en effet une production annuelle constante. La construction d’une usine à Londres (1870), l’achat d’un entrepôt à New York et de comptoirs dans le monde entier confirmeront la vocation internationale de l’entreprise. 2 L’apogée de l’entreprise Menier : Henri et Gaston Menier Jusqu’à la veille de la première guerre mondiale, l’entreprise poursuit sa croissance, les fils Menier s’appliquant à perfectionner sans cesse la chaîne de production en introduisant de nouvelles machines, comme en réorganisant les circuits d’approvisionnement en matières premières. HISTOIRE DE L’ENTREPRISE MENIER 1893 représente sans doute l’apogée de l’entreprise, date à laquelle l’usine de Noisiel est consacrée, lors de l’Exposition Universelle de Chicago, plus grande chocolaterie du Monde en terme de production. Autre signe de croissance : la publicité. Si JAB et EJM avaient déjà compris l’intérêt de celle-ci, ce sont les fils Menier qui lui donneront un véritable impact tout en systématisant son emploi par un maillage sans précédent sur tout le territoire. Ils seront également parmi les premiers à lui donner autant de force en identifiant leurs produits à une image simple et efficace, la « petite fille » (dessinée par Bouisset en 1892), celle-ci devenant l’ambassadrice de la marque dans le monde entier. Henri Menier (1853-1913) Les expositions universelles seront également l’occasion d’affirmer leur puissance grâce à des mises en scène spectaculaires, relayées par la mise en place d’un tourisme industriel, faisant de l’usine de Noisiel un véritable outil de communication. La construction de nouveaux bâtiments comme la Cathédrale, au début du XXème siècle, en sera le reflet. Gaston Menier (1855-1934) 1914-1959 : La mort de l’aîné Henri en 1913, place son cadet Gaston à la tête de l’entreprise, jusqu’à son décès en 1934. Malgré la construction de nouveaux bâtiments et les effets d’une stratégie publicitaire présente sur tous les fronts, l’entreprise familiale se trouve confrontée au lendemain de la guerre à un contexte économique marqué par une concurrence accrue des chocolateries étrangères, une stagnation durable de la consommation et, plus encore, par une évolution de la demande à laquelle l’entreprise peinera à répondre. Si les années 20 et 30 sont marquées par le lancement d’une gamme rénovée de produits, soutenue par des stratégies publicitaires renouvelées, la modernisation trop tardive du matériel et le manque d’attachement à la qualité allaient avoir raison des efforts de redressement de l’entreprise, fragilisée par le décès de Gaston Menier. Tournant au ralenti durant la seconde guerre mondiale, l’entreprise retrouvera une vigueur toute relative dans les années 50, après de longues années de pénuries. Après 1959 : En dépit d’une nouvelle stratégie amorcée dès 1954 , basée sur le marketing et 3 plans de modernisation des équipements qui entraînèrent d’importantes vagues de licenciements, les chiffres exponentiels du déficit sonnèrent le glas des espérances de redressement de l’entreprise familiale. Après le départ des Menier en 1959, l’usine de Noisiel, témoin contemporain d’un mouvement durable de concentration industrielle, se trouve ballottée d’un repreneur à l’autre : Cacao Barry (1960), Ufico-Perrier (1965), puis Rowntree Mackintosh (1975). En 1988, enfin, le groupe Nestlé, en rachetant Rowntree devient propriétaire de la marque Menier ainsi que de l’usine de Noisiel. Les mesures de protection au titre des Monuments Historiques engagées en 1986 et 1992 évitèrent des destructions inconsidérées. Néanmoins l’usine ferme définitivement ses portes en 1991, la production étant déplacée à Dijon, avant de s’offrir une nouvelle jeunesse en accueillant, après une réhabilitation exemplaire, le siège social de Nestlé France dès 1996. 3 Du moulin à l’usine : Lorsque JAB arrive à Noisiel en 1825, il y trouve un village comportant un port et un moulin qui, s’il n’était doté d’une roue pendante, ressemblerait à tant d’autres. Il décide alors d’y transplanter son activité parisienne de fabrication de poudres pharmaceutiques, achète un fonds de chocolaterie dans la région et poursuit l’activité de meunerie originelle. Les 3 étages du moulin permettent à ces activités de rester séparées. En 1842 le moulin est agrandi accompagnant ainsi l’augmentation de la production. A la mort de JAB, son fils EJM acquiert des terrains face à l’usine auprès du duc de Levis pour y construire un hôtel particulier, « le petit château », dominant le site usinier. Le moulin est une nouvelle fois agrandi en 1855 et la production d’énergie améliorée par le remplacement de la roue pendante par des turbines à hélices Girard. 200 personnes réparties entre l’usine et le siège social à Paris sont alors employées par EJM. A partir de 1864, Jules Saulnier conçoit de nouveaux bâtiments, ordonnés selon un processus qui suit le déroulement de la fabrication et le structure, le rationalise. Pour suppléer l’énergie hydraulique en régime de basses eaux, EJM fait également ajouter une chaudière à vapeur avec une élégante cheminée en briques (aujourd’hui détruite) qui en est le symbole. La mise en place d’un barrage en 1869 permettra d’accroître la puissance des turbines du moulin qui sera reconstruit par Jules Saulnier en 1872. Après les grands travaux menés par ce dernier, l’usine subit de nouvelles transformations sous la conduite de Jules Logre et de son fils Louis, architecte. L’une des grandes améliorations des années 1880 est sans conteste le raccordement de l’usine au réseau ferré national par un chemin de fer reliant l’usine à l’échangeur d’Emerainville (1881). Cette amélioration se répercuta et se prolongea à l’intérieur de l’usine, par l’installation d’un réseau de voies étroites reliant les ateliers entre eux (1889) mais également, par une réorganisation spatiale toujours plus rationnelle. De nouveaux espaces de stockage sont créés en amont et couverts d’une verrière permettant de décharger les matières premières à l’abri des intempéries . Celles-ci sont également acheminées par péniches accostant sur les 500 m de quais aménagés à cette époque. Des améliorations sont aussi apportées à la phase délicate du refroidissement des tablettes : Une halle métallique construite vers 1882-83 abrite désormais de nouvelles machines produisant de l’air froid : la halle des refroidisseurs. EVOLUTION DU SITE DE L’USINE A partir de 1860, la production pharmaceutique déménage à Saint Denis et permet à Menier de gagner de la place pour développer comme il le souhaite la production chocolatière. En effet, à partir de 1860, il étend le site usinier afin de reconstruire l’usine sur un plan nouveau, occupant bientôt tout le terrain de l’ancien village. Jules Saulnier, architecteingénieur, aménage à sa demande, pour le personnel, des logements qui s’avèreront rapidement insuffisants. Le village originel de Noisiel disparaîtra bientôt définitivement pour renaître quelques centaines de mètres plus loin sous une nouvelle forme, celle d’une cité ouvrière. La mairie lavoir offerte à la commune en 1861 par EJM, construite sur un terrain mitoyen de l’usine constituera jusqu’en 1899, date de sa destruction, l’une des dernières traces de l’ancien village. 4 Au tournant du XXème siècle, la production chocolatière ne cessant de s’accroître, les Menier décident de construire un nouveau bâtiment pour le mélange du sucre et du cacao, opération auparavant effectuée dans le moulin. EVOLUTION DU SITE DE L’USINE Implantée sur l’île à l’emplacement d’une usine à gaz qui sera détruite, la nouvelle chocolaterie, surnommée par les ouvriers la Cathédrale , sera reliée aux ateliers de dressage et empaquetage sur l’autre rive, par un pont couvert d’une verrière : le pont Hardi. Afin de conserver son hégémonie, largement entamée par des concurrents étrangers sur un marché en cours de diversification, l’entreprise procède dès le début du XXème siècle à l’étoffement de son catalogue, en proposant notamment des produits nouveaux tels que les confiseries. Ceuxci sont alors fabriqués dans un nouveau bâtiment construit dans les années 1920 sur l’île, près de la Cathédrale et de l’imprimerie. Pendant la seconde guerre mondiale, les ateliers sont partagés afin d’accueillir l’empaquetage de tabac et la fabrication de tisanes venus s’ajouter à celle du chocolat, afin de compenser une baisse inéluctable de la consommation durant le conflit. Si l’entreprise retrouve une certaine croissance après la guerre, certains bâtiments comme la Cathédrale, bien qu’épargnés par les destructions de la guerre, n’en seront pas moins désaffectés, victime de la perte des parts de marché du chocolat Menier. L’usine est bientôt en surcapacité de production face à une diminution de la demande, entraînant les premières vagues massives de licenciements. Dans les années qui suivent le départ des Menier en 1959, l’usine est peu à peu désaffectée et seuls quelques ateliers conserveront une activité, sous la direction de la société Rowntree Mackintosh. La lente agonie de l’usine est bientôt stoppée par la reconnaissance de la richesse patrimoniale et historique du site. Parallèlement, la prise de conscience nationale de l’intérêt de préserver, conserver, voire réhabiliter le patrimoine industriel, permet à certains bâtiments de l’ancienne chocolaterie de faire l’objet de procédures de protection par leur inscription sur l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques ou leur classement. Ce fut le cas de la halle des refroidisseurs, de la Cathédrale et du Pont Hardi ainsi que du moulin Saulnier. Après le rachat de Rowntree par Nestlé en 1988, le site de la chocolaterie tombe naturellement dans le panier de la multinationale suisse, qui décide en 1991, l’arrêt total de l’activité de l’usine. De nombreuses inquiétudes quant à l’avenir du site se font jour. Acteurs locaux et amoureux du patrimoine se voient proposer de nombreux projets, notamment de complexes touristiques et hôteliers. Cependant, la direction de Nestlé France à la recherche d’un site où installer son siège social et réunir l’ensemble des unités opérationnelles du groupe propose de s’y réinstaller, d’une tout autre manière. (voir chapitre sur la réhabilitation) Le bruit des grues remplace bientôt celui des machines de la chocolaterie pour faire de l’usine une des réhabilitations les plus exemplaires du moment, menée par le cabinet d’architectes Reichen et Robert. De nombreux éléments parasites sont abattus (cheminée, centrale thermique), certains bâtiments, désormais inadaptés sont totalement vidés et réaménagés, tandis que les édifices les plus somptueux, sont minutieusement nettoyés et restaurés (le moulin, la halle des refroidisseurs, la Cathédrale). Tout en respectant l’environnement végétal et architectural du site, de nouveaux bâtiments, d’un aspect résolument moderne, sont ajoutés, achevant de replacer l’usine dans notre époque. 5 Triage des fèves : Atelier de triage des fèves Torréfaction : A proximité du triage, se trouve l’atelier de torréfaction. Les fèves sont grillées dans des fours rotatifs (des broches) durant 40 minutes pour développer leur arôme. De 120-140°C en moyenne , la température de torréfaction varie selon le type de cacao, sa texture… Fours de torréfaction Concassage et broyage : Afin de libérer l’intérieur appelé amande, les fèves sont débarrassées de leur coque lors de l’étape du concassage. Les fèves passent donc dans un concasseur-décortiqueur, appareil composé de deux surfaces coniques garnies de pointes d’acier rapprochées, dont une est animée d’un mouvement de rotation. L’écorce est ainsi séparée de la fève, qui est elle –même brisée en plusieurs morceaux. Après passage sur des tamis, les fèves sont à nouveau triées, puis mises en sacs et conduites en sous-sol par des wagonnets au pied du moulin où se tiennent les opérations de broyage. Les fèves sont apportées au 3ème étage par un monte charge hydraulique, puis broyées à 90°C dans des meules situées au 2ème étage afin d’obtenir une pâte de consistance fluide, la pâte de cacao (ou encore « masse » ou « liqueur de cacao »). La pâte de cacao peut également être pressée afin de séparer le beurre de cacao de la matière sèche appelée « tourteau » qui servira à fabriquer la poudre de cacao. Meules à broyer les fèves de cacao L’affinage et le conchage : La première étape du processus de fabrication du chocolat proprement dit consiste à produire un mélange constitué de pâte de cacao et de sucre, éventuellement enrichi d’autres ingrédients (lait, amandes, arômes, liqueur..) que l’on malaxe dans des pétrins. Le mélange avec le sucre, étape qui s’effectuait au départ au 1er étage et au RDC du moulin se déroulera par la suite dans la nouvelle chocolaterie ou Cathédrale située sur l’île. Pour que la pâte soit bien lisse et sans granules, on procède à son laminage dans une broyeuse à cylindres superposés. Pour rendre le chocolat encore plus onctueux, la pâte est maintenue à une température de 60 à 80°C, enrichie de beurre de cacao, puis brassée lentement dans des cuves appelées conches, durant 1 à 3 jours. Plus le conchage est long, plus le chocolat sera onctueux et aura de l’arôme. Mélangeur du sucre et du cacao dans la Cathédrale LA FABRICATION DU CHOCOLAT A NOISIEL Les fèves, encore poussiéreuses et mélangées à des débris de végétaux, sont triées dès leur arrivée dans la chocolaterie. Après être passées dans des machines (trémies) éliminant les corps étrangers par rotation, les fèves sont déversées dans des entonnoirs qui, percés de trous rectangulaires de différentes dimensions, effectuent un tri selon leur grosseur. Les fèves ainsi nettoyées et calibrées sont déversées sur de grandes tables où elles sont triées à la main par des ouvrières. L’atelier est ventilé en été, chauffé par des tuyaux de vapeur en hiver et, éclairé au gaz. 6 Le dressage : LA FABRICATION DU CHOCOLAT A NOISIEL Le chocolat, sortant à l’état de pâte, est transporté par wagonnet dans le bâtiment de dressage en aval. La pâte est renversée sur des tables chauffées à une température d’environ 30°, puis pesée et divisée en pains de 120 g à 250 g qui sont moulés en tablettes. Les moules sont mis sur une tapoteuse mécanique qui secoue la pâte de façon à rendre la surface unie et à faire disparaître les bulles d’air. Atelier de conchage et de dressage du chocolat Le tempérage : Les moules sont conduits dans les refroidisseurs. Situés en sous-sol, ce sont des tunnels de 18m de long garnis de tables de marbre et de fonte sous lesquelles on fait passer un courant d’eau froide et d’air refroidi afin de conserver une température ne dépassant jamais 12°C. Après environ 3 heures, les tablettes sont démoulées et envoyées par des monte-charges dans l’atelier de pliage. Tunnels de refroidissement et démoulage des tablettes Pliage et emballage: Les ouvrières emballent chacune 600 à 700 tablettes par jour. Chacune est garnie d’une feuille d’étain et d’une enveloppe de papier de couleur sur laquelle est collée une étiquette reproduisant les médailles des Expositions et le cachet Menier, garantissant la qualité du produit. Les tablettes sont ensuite empilées en paquets de 4kg 500 et conduites dans un autre atelier où elles sont mises en caisse. Atelier d’emballage des tablettes Peu après 1870, les expéditions, d’abord faites par voitures à cheval, se feront directement de l’usine grâce à l’embranchement privé qui permettait d’amener les wagons directement dans la cour même de déchargement. Caisses de chocolat Menier, prêtes à être expédiées 7 Classé Monument Historique en 1992 LE MOULIN SAULNIER Histoire du moulin au XIXème siècle : En 1855, souhaitant en améliorer la puissance, EJM fit remplacer l’unique roue pendante par deux roues-hélices installée par Girard, ce qui nécessita l’ajout d’une 3ème pile au bâtiment, reconstruit par Bonneau. 1825 Le moulin, toujours trop petit et surtout insuffisamment solide pour supporter les vibrations des nouvelles machines que l’augmentation de la production nécessitait, fut une dernière fois magistralement reconstruit à partir de 1872 par Jules Saulnier. 1855 Le principe de construction : La marge de création étant étroite puisque le nouveau bâtiment devait s’inscrire dans le même espace et conserver la même organisation, Jules Saulnier proposa d’innover sur la nature des matériaux en alliant les pans de fer et la brique. Si le fer était déjà utilisé dans les constructions de l’époque, Saulnier fit figure de novateur en dévoilant à l’extérieur la structure du bâtiment. Saulnier fera également ajouter une 4ème pile pour supporter les poutres métalliques de la base. 1872 Salué dans les revues d’architecture de l’époque, notamment par Viollet le Duc, le moulin de Noisiel fut considéré comme l’un des premiers bâtiments à ossature métallique porteuse à l’instar des premiers buildings américains. L’intérêt du fer est alors ici évident puisqu’il est peu coûteux, permet de dégager de vastes espaces intérieurs, et absorbe mieux les vibrations des machines. La structure du moulin est ainsi constituée de 4 poutres de fer équidistantes, supportant l’ossature métallique constituée de poutres verticales reliées entre elles par un croisillonage. L’ensemble est couronné d’une charpente faite d’un treillis métallique. Les murs de brique, ici non porteurs, ont une fonction de remplissage, d’isolation et de décoration. Emile Justin Menier considérant le Moulin comme le bâtiment le plus important de l’usine, «[…] ne recula pas devant la dépense et résolut de le décorer avec un luxe rarement usité dans les constructions industrielles ». LES MONUMENTS HISTORIQUES DE L’USINE Acheté en 1825 par JAB, le vieux moulin ne suffisant plus aux besoins de la fabrication fut démoli et reconstruit en 1842 en matériaux traditionnels ( bois et maçonnerie), toujours sur 2 piles de pierre. 8 La décoration du moulin : LES MONUMENTS HISTORIQUES DE L’USINE Si la structure métallique força l’admiration, la décoration exceptionnelle n’en fut pas moins applaudie. Le décor du moulin ne pouvant être en relief, Saulnier eut l’idée d’utiliser les possibilités offertes par la couleur. On distingue ainsi 3 groupes décoratifs : Le premier constitué par un fond géométrique soulignant en grande partie les pans de fer apparents est fait de briques vernissées de la maison Müller d’ Ivry sur Seine et de briques aux tons naturels. Le deuxième groupe est constitué par des représentations végétales sur le thème du cacao, sous la forme de carreaux de faïence garnissant les grands cercles (fleurs de cacaoyers) ou d’éléments de terre cuite émaillée encadrant l’horloge (cabosses jaunes). La décoration métallique n’est pas en reste. On la retrouve sous la forme de lambrequins, sorte de dentelles de métal garnissant le sommet ou cintre des baies tandis que les pans de fer rythment visuellement les façades. Les deux paratonnerres, ornés d’arabesques métalliques réunies en un bouquet, constituent le point d’orgue de cette ornementation. Le troisième groupe constitué par des arabesques aux tons bleus, verts et blancs, auquel est mêlé le M des Menier se place dans les espaces trilobés surmontant les baies étroites et doubles, dites géminées. La façade principale est ornée dans sa partie centrale d’éléments symboliques tels que la cloche, le M de Menier, l’horloge, tandis que les 3 dates au dessus de la porte mêlent l’histoire du moulin à celle des Menier. La façade sud possède, quant à elle, une tour à demi engagée abritant un escalier hélicoïdal. La restauration du moulin en 1992 : Terni par la poudre de cacao qui recouvrit peu à peu son enveloppe coloré, le moulin fut habilement restauré, nettoyé (technique de l’électro-lessivage), certaines briques et carreaux remplacés lors de la réhabilitation du site, grâce à l’intervention du Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques. 9 Inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques 1986 LA HALLE DES REFROIDISSEURS En effet la structure de couvrement dite en parapluie est constituée d’une charpente faite de poutrelles métalliques entrecroisées qui reposent sur des colonnes de fonte cannelées. La couverture en zinc est percée d’un lanterneau vitré permettant d’éclairer et de ventiler l’espace. Les côtés sont également pourvus de nombreuses ouvertures : portails à arc brisé et grandes baies à armatures de fer se terminant par des arc brisés superposés. Les murs de briques clôturent ainsi l’espace et reçoivent un décor constitué de briques vernissées et de frises de carreaux de céramique. Le vocabulaire décoratif reprend des éléments du moulin (dessins géométriques, fleurs de cacaoyer) mêlés au vocabulaire néo-gothique (arcs brisés) et classique (colonnettes, chapiteaux). Cependant la halle des refroidisseurs est surtout remarquable par le soin accordé au décor métallique, qui s’affiche de façon éclatante sur les portails : arabesques des tympans auxquelles se mêle le M majuscule des Menier, rosaces, fleurons, palmettes sur les chapiteaux …sorte de plaidoyer en faveur de ce nouveau matériau. LES MONUMENTS HISTORIQUES DE L’USINE Construite par Jules Logre, vers 1882-1883 sur des plans restés anonymes, cette halle était destinée à accueillir les nouvelles machines à froid, selon le système Giffard à détente d’air comprimé. Second exemple d’architecture métallique, la halle, à l’inverse du moulin, possède une structure non pas porteuse mais de couvrement et s’apparente ainsi aux modèles de halles construites par Baltard, largement diffusées à partir de 1863 (ex : les halles de la Villette). Aujourd’hui, les tunnels ont été transformés afin d’accueillir un auditorium pour Nestlé France. 10 Inscrits à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1986 LA CATHEDRALE et LA PASSERELLE LES MONUMENTS HISTORIQUES DE L’USINE Au tournant du XXème siècle l’accroissement de la production nécessite la construction de nouveaux édifices. Les fils Menier, souhaitant par ailleurs donner une ampleur spectaculaire à l’opération principale de fabrication du chocolat, le mélange sucre et cacao, font construire à cet effet la nouvelle chocolaterie surnommée par les Noisiéliens, « la Cathédrale ». Les deux îles, légèrement en aval du moulin furent remblayées pour n’en former qu’une (île Menier) et ainsi accueillir les nouveaux ateliers. Les Menier firent pour cela appel à Stephen Sauvestre, collaborateur de Gustave Eiffel et architecte de la famille. Celui-ci choisit de construire le nouveau bâtiment et la passerelle le reliant aux ateliers de dressage sur la rive, en béton fretté, système breveté en 1900 par l’ingénieur Armand Considère. Le principe constructif mis au point par Hennebique (1893) utilisé pour la nouvelle chocolaterie est le système « poteaux poutres dallés » qui consiste à faire reposer sur des poteaux verticaux des poutres horizontales sur lesquelles se place un plancher en forme de dalle qui peut être fabriqué à l’avance. Cet édifice de 8 niveaux était prévu pour abriter deux chaînes de production symétriques latérales, la travée centrale étant réservée au montecharge et ascenseurs desservant les différents ateliers. La surface et le volume sont considérables (8000m2). La Cathédrale en construction (1903-1905) Egalement conçue pour être vue et visitée, la Cathédrale ne laisse rien deviner de sa fonction d’atelier. En témoigne l’utilisation d’un vocabulaire architectural classique inspiré du style Louis XV : pilastres, faux chaînage de pierre, arcs en plein cintre des grandes baies du rez-de-chaussée, qui répond parfaitement à la fonction de vitrine que les Menier souhaitaient lui donner. De même, le décor impressionnant des deux immenses salles du rez-de-chaussée n’est sans doute pas étranger au surnom de l’édifice. Techniquement mal adapté aux besoins de l’usine, au moment où le déclin s’amorçait, l’édifice utilisé à 30% de son potentiel fut finalement désaffecté au début des années 50. Vue intérieure de la Cathédrale (RDC) après restauration Vue extérieure de la Cathédrale et du Pont Hardi après restauration Dessin aquarellé de la passerelle La passerelle ou « Pont Hardi » : Durant la construction de la Cathédrale, on acheva celle de la passerelle, sur un projet métallique de Gustave Eiffel, finalement transposé dans le béton par Sauvestre et Considère. L’un des premiers ponts en béton construit d’une seule volée (sans pilier au centre) et d’une portée aussi longue (44m50), sa construction relève alors de la prouesse. En harmonie avec la cathédrale, la passerelle présente une architecture de style classique. Liquide à la base, le béton peut en effet être moulé et prendre la forme que l’on souhaite, ici celle d’un appareillage de pierre. La passerelle fut également pourvue d’une verrière. Ainsi, les visiteurs de marque arrivaient à la Cathédrale par la passerelle, assistant du haut d’une mezzanine à l’incorporation du sucre dans le cacao. Dans l’autre sens, les wagons de chocolat, à l’abri sous la verrière, étaient acheminés sur des rails vers les ateliers de dressage, situés sur la rive. 11 L’INSTALLATION DU SIEGE SOCIAL DE NESTLE FRANCE Les années 70 ont vu l’émergence de réflexions nouvelles sur la reconversion ou réhabilitation d’édifices anciens et notamment des sites industriels. L’objectif d’une reconversion est une meilleure exploitation des potentialités d’un édifice désaffecté. C’est aussi une question d’écologie puisqu’il s’agit de préserver des matériaux et des paysages, de redonner vie et fonction sans pourtant détruire pour reconstruire du neuf. Néanmoins les interventions de ce type constituent une des tâches les plus délicates de l’activité architecturale car cela implique de préserver l’intégrité et l’authenticité du préexistant tout en maîtrisant les contraintes inhérentes aux programmes contemporains, à la nécessaire conformité aux normes de sécurité et aux besoins technologiques. LA REHABILITATION DE L’USINE En 1992, la décision de regrouper les différentes sociétés du groupe Nestlé France dans un seul siège social fut prise. Plusieurs projets furent étudiés, dont des implantations plus traditionnelles à la Défense ou à Cergy Pontoise. Parallèlement le cabinet d’architectes Reichen et Robert a été missionné pour étudier la possibilité d’installer le siège social dans les espaces de l’usine Menier. Ce projet s’avéra finalement plus intéressant du point de vue des coûts tandis que l’environnement et la qualité architecturale du site séduisirent définitivement la Présidence du groupe. Le site de l’ancienne de l’ancienne chocolaterie offrait en effet de nombreux avantages dont les architectes allaient tirer partie à différents égards : un paysage exceptionnel, un patrimoine architectural de qualité et réaménageable permettant de réaliser des économies de matériaux et d’énergie, un espace suffisant pour envisager des extensions. Pavillon d’accueil, Nestlé France Le cabinet Reichen et Robert avait déjà fait ses preuves lors de précédentes réhabilitations d’édifices industriels, pourtant celle du site de la chocolaterie eut valeur d’exemple. En effet les architectes surent apporter une diversité de réponses dans le cadre d’une opération comportant de nombreuses contraintes : - un ensemble de quinze bâtiments distincts - un lourd programme à insérer dans les édifices anciens dont 4 protégés au titre des Monuments Historiques - plusieurs bâtiments neufs à édifier sur un site sensible situé dans le périmètre des 500m autour d’un monument historique - un calendrier des travaux très serré Au rez-de-chaussée deux belles salles aux colonnes élancées abritent d’éventuels év ènement s. La super structure accueille des bureaux sur 5 niveaux ainsi qu’un centre de formation. L’intérieur de ce bâtiment abritait autrefois les ateliers de dressage. Des bureaux sont aujourd’hui organisés autour de 7 patios dont les thèmes de végétation sont associés au goût. Intervention de l’artiste Michel Boulangé. Situé proche de la Marne, le jardin clos permet de préserver le plus ancien bâtiment du site (1864). Seuls la charpente métallique et les murs extérieurs ont été conservés. Le jardin est constitué d’un tapis minéral bicolore ponctué de camélias. La halle abrite un foyer qui permet de préserver son volume initial et un auditorium de 300 places construit en sous-sol. Elle est reliée aux salles de conférences, situées sous la place du Moulin, par les galeries des anciens refroidisseurs Le bâtiment accueille les bureaux de la Présidence et La Direction générale Elle abrite des bureaux et la boutique de Nestlé France Intervention de l’artiste Sylvie Blocher. Des mots relatifs aux 5 sens gravés sur 53 dalles de granit bleu sont comme éparpillés sur le sol de la place revêtue de porphyre Elément totalement contemporain conçu pour permettre une grande transparence sur le site. Il est situé à la croisée de l’axe de l’entrée et celui de la rue-galerie. La bâtiment a été surélevé lors de la réhabilitation et accueille tous les types de restauration pour le personnel de Nestlé. La rue Galerie La rue galerie constitue la colonne vertébrale du site. Elle relie tous bâtiments situés le long de la Marne. Vue vers les Nefs et la rue galerie Ce bâtiment de verre et d’acier construit sur la Marne accueille la cafétéria. Elle abritait autrefois les magasins de sucre et de cacao. Elle accueille aujourd’hui des bureaux. Intervention de l’artiste Dominique Bailly (intérieur et extérieur de l’Atrium). C’est une rivière de schiste vert taillé en écaille qui marque l’axe de l’Atrium et au-dehors, celui de la percée visuelle dans la forêt de Vaires (située de l’autre côté de la Marne). Elle s’accompagne de plantations rares et de hauts bambous. Enserrés entre 2 anciens bâtiments Menier, le bâtiment neuf central est relié aux deux autres par deux rues intérieures, pour former une seule entité fonctionnelle. Abritant autrefois les remises à voiture et les écuries, l’ancien bâtiment accueille désormais les services de maintenance et d’informatique et les services médicosociaux. Un ensemble totalement neuf parachève la composition architecturale à l’est. Légèreté des matériaux, transparence des grandes façades vitrées témoignent de la modernité de l’architecture conçue par Reichen et Robert. Les bureaux s’organisent autour de deux pôles répartis de chaque côté de l’atrium central. 12 La réhabilitation du site est intervenue sur plusieurs points : le paysage, les aménagements intérieurs (dont mise en lumière, signalétique, installation de bureaux), la construction de nouveaux bâtiments, la circulation. En fonction de la configuration d’origine des bâtiments, les interventions architecturales comportèrent des reconversions, des surélévations, des incrustations d’éléments neufs et des restaurations (moulin, halle, cathédrale). (voir plan) L’attitude générale des architectes sur le site s’est caractérisée par une complémentarité de l’ancien et du nouveau, par l’établissement d’un dialogue entre ces deux constituants, le tout avec discrétion, sans opposition trop franche de style. Pour autant les édifices nouvellement construits sont résolument ancrés dans le contemporain par l’utilisation de matériaux modernes sous une forme innovante, comme l’acier ou le béton. Hall d’entrée du bâtiment « Les Patios » L’aménagement paysager du site constitue également l’un des axes privilégiés de la réhabilitation, avec deux mots d’ordre : préserver le cadre bucolique existant tout en recréant des espaces plantés, offrant un visage différent au fil des saisons. Une promenade publique à la périphérie du site fut aménagée afin d’offrir une vision globale du site nouvellement transformé. La végétation intérieure ne fut pas non plus oubliée, par la création d’ « espaces de nature » dans les différents bâtiments. La circulation et le réseau de liaisons à l’intérieur des différents bâtiments reçurent une attention particulière. Ainsi les architectes tirèrent parti de la verrière existante pour créer un axe de circulation couvert, reliant tous les édifices situés le long de la Marne. La conception des espaces intérieurs répond à 3 idées : flexibilité, polyvalence et réversibilité. Pour autant les architectes ont particulièrement tenu à préserver le bâti existant, en évitant tout endommagement de son intégrité. Ainsi les bureaux peuvent a priori être supprimés sans détériorations. Seul le bâtiment situé sur la rive face à la Cathédrale (Les Patios) fut totalement vidé car le manque de cohérence intérieur ne permettait d’obtenir des aménagements satisfaisants. Les murs extérieurs ont toutefois été conservés. En outre, la signalétique, comme la mise en lumière, furent étudiés afin de garantir la cohérence entre l’architecture existante et les aménagements. Les détails architecturaux caractéristiques furent également mis en valeur, sans pour autant muséifier l’existant. Par l’emploi de matériaux nobles et le choix d’une simplicité des lignes et d’une sobriété des formes, le cabinet Reichen et Robert a su créer un dialogue entre l’ancien et le moderne, se rapprochant ainsi des démarches contemporaines dans le domaine de la restauration des Monuments Historiques. Aussi la discrétion et la qualité de la réhabilitation de l’usine Menier témoignent des avantages à tirer de la reconversion d’un site industriel et démontrent la richesse de l’ « architecture sur l’architecture ». POUR EN SAVOIR PLUS... BIBLIOGRAPHIE : INFORMATIONS PRATIQUES : CARTIER et JANTZEN, Noisiel, la chocolaterie Menier, Ed. Images du Patrimoine, 1994 MARREY, Un capitalisme idéal, Ed. Clancier, 1984 Nestlé France à Noisiel, Ed. Nestlé France, 1996 VALENTIN, Jean Antoine Brutus Menier et la fondation de la Maison Centrale de Droguerie, Revue de la Pharmacie, tome XXXI, n° 263, 1984 LOGRE et VALENTIN : L’Empire triomphant, Emile Justin Menier (1826-1881), association CVM, 1981 MARREY et DUMONT, La brique à Paris, Ed. Picard, 1989, p 41-43 Ces ouvrages peuvent être consultés sur place dans le centre de documentation du service d’Animation du Patrimoine de Noisiel. 200, place Gaston Menier Ancienne Mairie (près de la Poste en Cité ouvrière) 01.60.05.15.50 (sur RDV) 77186 NOISIEL Dossiers documentaires à votre disposition : Dossier n° 1 : Raconte-moi le chocolat Dossier n°2: Raconte-moi l’ancienne usine Travaux universitaires : JARRIGE, Du cacao au chocolat : la maison Menier ou de chocolat l’histoire d’une concentration verticale presque parfaite (1825-1939), Maîtrise d’histoire, Paris IV Sorbonne, 1992 En préparation JARRIGE, L’industrie chocolatière française, DEA Dossier n°3 : Raconte-moi la Ferme du Buisson d’histoire, Paris IV Sorbonne, 1993 Dossier n° 4 : Raconte-moi Noisiel, Ville Nouvelle Voir aussi les travaux universitaires d’architecture en consultation au service du Patrimoine Tous droits réservés Mairie de Noisiel. Crédits photographiques : © M.Lateb, © Inventaire Général, © Mairie de Noisiel, © Nestlé LA REHABILITATION DE L’USINE En quoi consista la réhabilitation : 13 Emile Justin Menier (1826-1881) Fiche documentaire B2 L’homme Emile Justin Menier nait à Paris le 18 mai 1826. Ses parents sont Jean Antoine Brutus Menier et Virginie Pichon. Son père est le fondateur d’une entreprise de poudres pharmaceutiques installée à Paris et à Noisiel. Il passe une partie de son enfance à Champs-sur-Marne où il est élevé par une nourrice. Il rejoint ensuite ses parents à Passy. Dans sa jeunesse, Emile Justin Menier fait des études de pharmacie. Il voyage beaucoup à l’étranger. Au cours de ses nombreux périples, il acquiert de solides connaissances en économie et en commerce. Portrait d’Emile Justin Menier. © Mairie de Noisiel. Il épouse Claire Gérard en 1850. Ensemble, ils ont cinq enfants. L’aînée, Claire, décède à l’âge de onze ans. Suivent Henri (1853-1913), Gaston (1855-1934) et Albert (1858-1899). Enfin, Raoul, meurt à l’âge de 13 ans, quelques mois avant son père. Malade dès 1879, Emile Justin Menier s’éteint à Noisiel le 17 février 1881. L’industriel chocolatier Emile Justin Menier est âgé de 27 ans lorsqu’il prend la tête des manufactures de Paris et de Noisiel. Il développe considérablement l’entreprise familiale en l’agrandissant et en la modernisant. Pour cela, il s’entoure des spécialistes les plus innovants et les plus compétents du moment : ingénieurs, chimistes, architectes, etc. Emile Justin Menier sépare les deux principales activités de l’entreprise fondée par son père. Il réserve la fabrication de poudres pharmaceutiques à la manufacture de Saint-Denis et il consacre l’usine de Noisiel à la production de chocolat. Il ajoute même une troisième corde à son arc en ouvrant une entreprise de caoutchouc à Paris, dans le quartier de Grenelle. Pour la production du chocolat, Emile Justin Menier suit les principes de la concentration verticale : il possède et contrôle les divers stades de production et de distribution des produits entrant dans la composition du chocolat. Ainsi, il achète des plantations de cacao au Nicaragua : le Valle Menier en 1862, puis le San Emilio en 1865. Afin de transporter sans encombres et à moindre coût le © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 14 Emile Justin Menier (1826-1881) Fiche documentaire B2 cacao du Nicaragua à la France, il fonde sa propre flotte de navires. Il installe également une sucrerie à Roye, dans la Somme, pour fabriquer du sucre à partir de la betterave. Emile Justin Menier se retrouve rapidement à la tête d’un véritable empire industriel du chocolat ! Fort de ses réussites, il étend encore son empire en implantant une usine autonome à Londres pendant la Guerre de 1870*. En développant et en rationnalisant la production du chocolat, Emile Justin Menier a réussi son pari : populariser la consommation de cette denrée qui, jusque là, était considérée comme un produit de luxe. L’entreprise Menier participe aux Expositions universelles* de 1855, 1867 et 1878. Elle y remporte de nombreux prix, qui témoignent encore de son succès. L’utopiste Les idéaux sociaux et hygiénistes, alors qualifiés d’utopistes, d’Emile Justin Menier le poussent à concevoir un projet social de grande ampleur à Noisiel. Dès 1874, il fait construire une cité pour loger convenablement les ouvriers de la chocolaterie. Il veut ainsi améliorer les conditions de vie de son personnel. Ses objectifs répondent tout autant à ses convictions républicaines qu’à une volonté de fidéliser les travailleurs d’origine paysanne qui restent assez instables. Le moulin Saulnier, magnifique bâtiment de l’usine de Noisiel, est un symbole de la réussite de l’entreprise et reste le meilleur témoin de cette période (1872). © Mairie de Noisiel. Guerre de 1870 : La Guerre de 1870 oppose la France (le Second Empire) et l’Allemagne (le royaume de Prusse) du 19 juillet 1870 au 28 janvier 1871. La France sort vaincue de ce conflit et perd ses départements d’Alsace et de Lorraine. Cette défaite entraîne aussi la chute du Second Empire. Exposition universelle : Les expositions universelles ont été créées dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Elles ont pour but de présenter les réalisations industrielles et technologiques de différents pays du monde. Chaque pays construit un pavillon et y expose ses meilleurs produits. La compétition y est très présente : des concours permettent aux plus méritants de gagner des médailles. Plus de 311 logements sont construits. Ils sont tous dotés d’un jardin et des commodités les plus modernes pour l’époque. Les maisons sont proposées aux familles en échanges d’un loyer modique. Les ouvriers célibataires peuvent loger dans deux hôtels-restaurants. Dépassant la simple question du logement, Emile Justin Menier ambitionne d’émanciper la population ouvrière en lui donnant les moyens intellectuels d’évoluer. Des écoles primaire et maternelle (alors appelée asile) sont construites. Elles délivrent un enseignement gratuit et laïc aux jeunes Noisiéliens. Pour les adultes, une bibliothèque est ouverte et des cours du soir sont mis en place pour les ouvriers illettrés qui souhaitent apprendre à lire, écrire et compter. Les ouvriers de l’usine peuvent déjeuner confortablement dans les réfectoires et même acheter un repas à emporter. Dans le même bâtiment, une salle est mise à leur disposition pour organiser des réunions, des fêtes, des jeux de sociétés, etc. Les © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 15 Emile Justin Menier (1826-1881) Fiche documentaire B2 employés achètent l’essentiel de leurs subsistances dans les magasins d’approvisionnement. Une grande partie des produits qui y sont vendus proviennent de la ferme modèle Menier. Les conceptions d’Emile Justin Menier portent aussi sur la santé et l’hygiène. Un cabinet médical dispense des soins gratuits et des lavoirs publics, des bains-douches ainsi que le ramassage des ordures complètent ce dispositif hygiéniste. L’agriculteur moderne En 1879, Emile Justin Menier achète le domaine agricole de la ferme du Buisson. La ferme occupe 2 hectares sur les 1500 hectares que comptent le domaine. Il fait construire des bâtiments très modernes pour y développer une agriculture innovante et industrielle mais, le projet agricole d’Emile Justin Menier ne prend toute son ampleur qu’après sa mort. Des betteraves à sucres, des céréales et du fourrage pour les animaux sont cultivés et des chevaux, des vaches, des bœufs, des moutons et des volailles sont élevés. Une partie de la production est destinée à l’approvisionnement des ouvriers de la chocolaterie tandis que le reste est envoyé à Paris. L’homme politique Emile Justin Menier est animé par des idéaux sociaux et républicains. Expérimentant sa vision utopique de la société à Noisiel, il veut la répandre plus largement. Il s’engage donc dans une carrière politique en 1871. Cette année là, il perd les élections législatives*, mais il est élu conseiller général* de Meaux et maire de Noisiel. En 1876, il devient député républicain. Dès lors, il soumet à l’Assemblée nationale des projets d’impôt sur le capital, sujet sur lequel il publie plusieurs ouvrages. Caricature du député Emile Justin Menier. Son entreprise de Noisiel y est très présente ainsi que ses projets sur l’impôt sur le capital. Dessin de Gill, revue l’Eclipse, 24 septembre 1871. © Mairie de Noisiel. Elections législatives : Elections qui permettent d’élire les députés siégeant à l’Assemblée nationale. Conseiller général : L'ensemble des conseillers généraux élus dans un département forme le conseil général. Le conseil général a pour fonction de gérer les affaires du département. Le patron de presse Emile Justin Menier prend vite conscience du rôle que la presse peut jouer dans la diffusion de ses idées économiques et politiques. Il soutient donc de nombreuses publications et il aide des journalistes. © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 16 Emile Justin Menier (1826-1881) Fiche documentaire B2 S’impliquant davantage, il fonde, en 1875, la revue « La réforme économique », puis, en 1876, le quotidien « Le bien public ». Ce journal traite d’idées républicaines ainsi que de problèmes économiques et financiers mais, il disparaît en 1878. Il est aussitôt remplacé par « Le Voltaire » qui ne dure guère plus longtemps. Le propriétaire En 1854, Emile Justin Menier achète une parcelle du parc de Noisiel. L’architecte Bonneau y construit un hôtel particulier qui est ensuite agrandi par Jules Saulnier*. La résidence est surnommée « le petit château » en référence au château de Noisiel. Ce n’est qu’en 1879, qu’Emile Justin Menier parvient à acheter le château de Noisiel. Il n’y habitera jamais car, à sa mort, les travaux ne sont pas encore achevés. En 1868, Emile Justin Menier acquiert des terrains au parc Monceau et fait bâtir, en 1870, l’hôtel Menier rue Van Dyck. L’architecte est Henri Parent et les décorateurs sont Lefebvre et Dalou. L’hôtel Menier est célèbre pour les bals qui y sont donnés, si bien qu’Emile Zola s’en inspire pour décrire l’hôtel Saccard dans « La Curée ». Le scientifique Jules Saulnier : Jules Saulnier est architecte. En 1872, il conçoit pour Emile Justin Menier le remarquable moulin de la chocolaterie. Pour sa construction et pour la première fois dans l’histoire de l’architecture, Jules Saulnier utilise une structure métallique à la fois porteuse et apparente en façade. Cette invention architecturale a ensuite été utilisée pour édifier les gratteciels américains. A Noisiel, Jules Saulnier a également construits quelques bâtiments de la cité ouvrière. Passionné par les sciences, Emile Justin Menier s’entoure de scientifiques et d’ingénieurs de renom. Il encourage aussi de nombreuses initiatives en ouvrant, par exemple, ses laboratoires aux étudiants et en créant des prix pour diverses écoles. Lui-même chercheur, il s’int éresse à la pulvérisation des engrais et à l’électricité : la chocolaterie de Noisiel est une des premières usines à être électrifiée. Il se passionne aussi pour le chemin-de-fer. A Noisiel, il élabore un projet de réseau ferré privé qui n’aboutit complètement qu’après sa mort. Il crée une liaison entre la ferme et l’usine qui est raccordé à la ligne des chemins-defer de l’Est à hauteur d’Emerainville. © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 Cette caricature d’Emile Justin Menier résume judicieusement les différentes activités de cet homme aux multiples facettes. Dessin d’Henri Demare, revue ComicFinance, 9 septembre 1875. © Mairie de Noisiel. 17 Fiche documentaire B1 Généalogie de la famille Menier Claude MENIER 1906-1973 Hubert MENIER 1910-1959 Antoine MENIER 1904-1967 Jacques MENIER 1892-1953 Jean MENIER 1913-1944 Georges MENIER 1880-1933 Simone Legrand Julie Rodier Henri MENIER 1853-1913 Gaston MENIER 1855-1934 Albert MENIER 1858-1899 Emile Justin MENIER 1826-1881 Claire Girard Jean Antoine Brutus MENIER 1795-1853 Virginie Pichon © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 La famille Menier : Au XIXe siècle, la famille Menier fonde son empire industriel à partir de la chocolaterie que Jean Antoine Brutus Menier puis Émile Justin Menier établissent à Noisiel. Achetant progressivement la ferme du Buisson, le parc et le château de Noisiel, les Menier deviennent propriétaires de l’ensemble des terres de la commune de Noisiel. 18 Petit lexique architectural de la cité ouvrière Fiche documentaire A10 Les mots suivis d’une étoile sont illustrés en page centrale. Appareil* : Disposition des briques selon un rythme régulier dans lequel chaque brique repose sur deux autres en dessous, afin de donner une meilleure solidité et une apparence agréable au mur. Arc* : Disposition en courbe de petits blocs qui enjambent une ouverture. Argile : Mélange de particules extrêmement fines provenant de la décomposition de diverses roches lorsqu’elles sont soumises à l’action de l’eau, du gaz carbonique, etc. L’argile a l'aspect d'une terre molle, de différentes couleurs (gris, rouge, vert, jaune, etc.) en fonction des métaux qui y sont mêlés. Elle est utilisée en poterie et pour fabriquer des briques. Armature : Assemblage de divers éléments en bois ou en métal qui maintient les différentes parties d’un ensemble, comme une charpente ou une maçonnerie. Assise* : Rangée horizontale de briques, pierres ou moellons dans un mur. Baie* : Large ouverture pratiquée dans un mur ou dans une charpente pour y mettre une fenêtre ou une porte. Béton : Matériau de construction composé d’eau, de sable ou de gravillons liés de ciment ou de chaux. Béton armé : Béton de ciment coulé sur une armature de fer qui en modèle la silhouette. Boutisse* : Petite extrémité d’une brique. Brique* : Bloc rectangulaire d’argile cuite ou séchée au soleil. Une brique peut se soulever d’une main. Brique vernissée : Brique ayant un aspect émaillé sur une boutisse ou une panneresse. Charpente* : Assemblage de pièces de bois ou de métal soutenant la couverture d’un toit. Chaux : Oxyde de calcium (calcaire) calciné. La chaux vive entre dans la composition des mortiers et des plâtres. Ciment : Matière pulvérisée qui, mêlée à de l’eau ou une solution saline donne un matériau très plastique qui durcit en séchant. Utilisé pour jointoyer les assises des murs ou réaliser des barrières, bordures, etc. Claie de séchage : Empilement de briques crues mises à sécher plusieurs semaines après moulage avant de les cuire. Emaillage : Revêtement vitreux transparent dont on enduit les briques, la terre-cuite, les carreaux, etc. En général on utilise un mélange de kaolin et de pigments. La cuisson se fait à très haute température. © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 19 Petit lexique architectural de la cité ouvrière Fiche documentaire A10 Enduit : Couche de plâtre, stuc ou mortier que l’on applique sur un appareil de pierre ou de brique, pour le protéger ou en améliorer l’esthétique. Faïence : Pièce en terre-cuite vernissée cuite deux fois. Ferme* : Assemblage des pièces de la charpente qui soutiennent le faîtage. Faîtage : Couverture du sommet d’une toiture, en terre-cuite (tuiles faîtières), en zinc ou en plomb. Fondations : Maçonnerie qui sert de base à un édifice et en assure la stabilité. Frise* : Bandeau ornemental constitué d’un décor où le même motif se répète. Joint* : Lien entre les briques ou les pierres. Les joints verticaux ne doivent jamais être alignés, alors que les horizontaux le sont toujours par niveau d’assise. En général les joints sont composés de mortier de ciment ou de chaux. Linteau* : Bloc de pierre ou pièce de bois ou de métal formant la partie supérieure d’une porte ou d’une fenêtre et soutenant la maçonnerie. Maçonnerie : Partie des travaux d’un bâtiment qui comprend la construction des fondations et des murs en pierres ou en briques. Moellon : Pierre de poids et forme variable, entre le bloc et le caillou. Mortier : Mélange de sable, d’eau et de ciment ou de chaux. Moule : Calibre de bois ou d’acier servant à transformer l’argile en blocs uniformes pour faire des briques par exemple. MurMur-pignon* : Partie supérieure d’un mur délimitée par les deux pentes du toit. Pan : Partie d’un mur. Un pan de fer est un assemblage d’éléments de charpente horizontaux, verticaux ou obliques. Panneresse* : Long côté d’une brique. Parpaing : Bloc rectangulaire d’argile, de ciment ou de béton. Un parpaing peut se soulever à deux mains. TerreTerre-cuite : Argile broyée, mélangée à de l’eau, foulée et malaxée. L’argile est ensuite versée dans des moules pour séchage, puis cuite une ou deux fois à plus de 1000°C. Torchis : Terre argileuse mélangée à de la paille hachée. Matériaux de base des maisons de terre et à colombages. © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 20 Petit lexique architectur al de la ci té ouvrière Fiche documentaire A10 Baie Faîtage Briques Mur-pignon Frise Linteau Ferme Boutisse Charpente Pannerresse Assise Arc Appareil Joint La mairie de Noisiel. © Mairie de Noisiel © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 21 L’ancienne mairie Fiche documentaire A7 La mairie de Noisiel entre 1895 et 1967 Entre 1871 et 1959, les industriels chocolatiers Menier* sont élus maires de père en fils. Plusieurs raisons poussent le maire Henri Menier, fils d’Emile Justin, à abandonner la mairie lavoir édifiée par son père en 1861. Tout d’abord, en 1874, Emile Justin Menier entame la construction d’une cité ouvrière pour loger son personnel. La population s’accroît et le site industriel de la chocolaterie s’étend chaque jour un peu plus, au rythme de nouveaux aménagements et constructions. De plus, la loi du 5 avril 1884 impose aux communes de posséder ou de louer un bâtiment à l’usage exclusif de mairie. C’est ainsi qu’en 1893, Henri Menier commande une nouvelle mairie à Louis Logre*. Elle est offerte à la commune par la famille Menier. Le nouvel édifice est construit sur un terrain cédé à la commune par un échange de parcelles visant à aménager une place publique (la future place Gaston-Menier). La mairie est édifiée sur cette place, à quelque distance des autres équipements collectifs de la cité ouvrière. La famille Menier réaffirme ainsi sa mainmise sur le pouvoir politique local. La famille Menier : Au XIXe siècle, la famille Menier fonde son empire industriel à partir de la chocolaterie que Jean Antoine Brutus Menier puis Émile Justin Menier établissent à Noisiel. Achetant progressivement la ferme du Buisson, le parc et le château de Noisiel, les Menier deviennent propriétaires de l’ensemble des terres de la commune de Noisiel. Louis Logre : Louis Logre est architecte. Avec son père, Jules qui est aussi architecte, ingénieur et sous-directeur de la chocolaterie, ils conçoivent le plan et la plupart des édifices de la cité ouvrière. Le bâtiment fait usage de mairie jusqu’en 1967. A cette date, le maire, Louis Guilbert, déménage les services municipaux dans les anciennes écoles. Ce dessin d’architecte montre l’élévation de la façade, une coupe transversale du bâtiment ainsi que les plans du sous-sol, du rez-de-chaussée et du premier étage de l’ancienne mairie. © Mairie de Noisiel. © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 22 L’ancienne mairie Fiche documentaire A7 Un monument remarquable Le 14 octobre 1986, l’ancienne mairie est inscrite à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques*. L’édifice est ainsi reconnu comme un témoin important de l’architecture et de l’histoire de Noisiel qu’il est nécessaire de protéger et d’entretenir. La façade de l’ancienne mairie La protection des Monuments Historiques : La sauvegarde du patrimoine monumental français est régie par la loi sur la protection des Monuments Historiques (1913). Un Monument Historique est un bien matériel, comme un château ou une statue. Son histoire ou son aspect remarquable le rend intéressant pour tous. Il est donc protégé pour que chacun puisse en profiter dans son meilleur état. Il existe deux niveaux de protection des Monuments Historiques : le Classement et l’Inscription à l’Inventaire supplémentaire. Le Classement permet d’exercer une protection plus forte que l’Inscription, mais ces deux niveaux garantissent la sauvegarde du Monument Historique et de ses alentours. Façade de l’ancienne mairie. © Mairie de Noisiel. Deux matériaux sont utilisés pour la construction de la façade : la brique et la pierre. La brique est couramment utilisée dans la cité ouvrière. Elle est ici associée à la pierre, ce qui donne un aspect monumental à la façade. Cette monumentalité est renforcée par le traitement architectural de l’avant-corps* central. L’entrée est ainsi mise en valeur par les marches du perron, les colonnes de pierre qui l’entourent et la balustrade qui souligne le deuxième niveau. Avant-corps : Partie d'un bâtiment mise en avant par rapport au reste de la façade. Les murs sont habillés de bandes de couleur blanche en pierre et en briques claires qui alternent avec des bandes de couleur rouge en briques foncées. Des frises de céramiques colorées, qui représentent un décor végétal rouge et blanc, ornent les bas-côtés de la façade. La toiture est couverte de tuiles fabriquées par les célèbres établissements Müller. Les motifs qui décorent le faîtage* rappellent celui du moulin Saulnier* de la chocolaterie. Une plaque commémorative en verre émaillé est posée sur la façade lors de l’inauguration en 1895. Elle rappelle qu’Emile Justin Menier a financé la première mairie de Noisiel. © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 Faîtage : Le faîtage est une suite de tuiles ou une bande de métal qui couvre le sommet d’une toiture. Moulin Saulnier : Le moulin Saulnier est le bâtiment le plus célèbre de la chocolaterie de Noisiel. Son architecture exceptionnelle de métal et de brique lui a valu d’être classé Monument Historique en 1992. 23 L’ancienne mairie Fiche documentaire A7 La décoration de la salle du conseil La salle du conseil est le lieu où se réunissait autrefois le conseil municipal* et où étaient célébrés les mariages. La décoration de la salle du conseil est particulièrement riche et soignée. Elle est l’œuvre du peintre décorateur Henri Lacouture. Le décor reflète le républicanisme des Menier et exprime le pouvoir politique qu’ils exerçaient sur la commune de Noisiel. Conseil municipal : Le conseil municipal est l’assemblée des conseillers élus dans une commune. Les conseillers municipaux élisent le maire et ont pour fonction de gérer les affaires de la commune par le biais de délibérations (débats). Cette photographie représente la salle du conseil de l’ancienne mairie aujourd’hui. Au premier plan se trouve la partie peu lumineuse réservée au public. Au second plan, la salle des délibérations bénéficie de l’éclairage de grandes baies vitrées. L’allée centrale qui s’ouvre vers le buste de Marianne et l’organisation des deux espaces rappelle celle des églises. Cette disposition solennelle magnifie la République. © Mairie de Noisiel. Comme dans la plupart des mairies, certains éléments du décor symbolisent la République française et les particularités de la commune : la statue de Marianne, le sigle RF, la devise « liberté, égalité, fraternité » et le N de Noisiel avec sa branche de noyer. Sur cette photographie ancienne de la salle du conseil, le mur du fond à gauche est décoré du N de Noisiel et du sigle RF. La statue de Marianne, symbole de la République trône dans la niche centrale. © Mairie de Noisiel. © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 24 L’ancienne mairie Fiche documentaire A7 L’expression du pouvoir politique des Menier se retrouve notamment dans le décor du plafond de la salle des délibérations. Dans le caisson central peint et doré, le M des Menier et le N de Noisiel sont entrelacés. Cet entremêlement symbolise le lien qui unit le destin de Noisiel à la famille Menier. Les deux lettres sont entourées de branches de cacaoyer et de noyer qui rappellent l’origine du chocolat et l’étymologie de Noisiel. Le plafond est également décoré de nombreuses devises qui évoquent davantage les valeurs patronales des Menier que celles de la République : « paix, travail » ; « droit, devoir » ; « mérite, honneur » ; « union, force » ; « ordre, économie » ; etc. Photographie représentant le caisson central du plafond de la salle du conseil. Trois dates importantes y sont inscrites : 1119 (qui est alors la première mention connue de Noisiel), 1825 (arrivée à Noisiel de Jean Antoine Brutus Menier) et 1893 (décision de construire la mairie). © Mairie de Noisiel. « Noisiellum Industriam » est l’une des devises inscrites sur le plafond. Cette expression, en mauvais latin, signifierait « Noisiel travailleuse ». © Mairie de Noisiel. Des feuilles, des fleurs et des cabosses de cacaoyer disséminées dans l’ensemble des décors ne cessent de rappeler l’origine de l’industrie et de la richesse des Menier. Le buste d’Emile Justin Menier est placé sur la cheminée de la salle du conseil. Elle rappelle aux Noisiéliens la mémoire du fondateur de l’entreprise et de la cité ouvrière. Enfin, un mobilier spécifique a été conçu pour la salle du conseil, le cabinet du maire et la salle des archives. L’ensemble des meubles est en noyer et, en outre, les sièges sont garnis de cuir. La fleur du cacaoyer est omniprésente dans le décor de la salle du conseil. © Mairie de Noisiel. Photographie ancienne de la salle du conseil. Au même titre que Marianne, le buste d’Emile Justin Menier trône en bonne place sur la cheminée. © Mairie de Noisiel. © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 25 L’école autrefois à Noisiel Fiche documentaire A9 Fondation des écoles de Noisiel par Emile Justin Menier Jusqu’à 1876, les enfants de Noisiel, Lognes et Torcy sont scolarisés à l’école religieuse de Champs-sur-Marne. La première pierre des écoles de Noisiel est posée le 23 octobre 1874, le jour du septième anniversaire de Raoul Menier*, fils d’Emile Justin Menier. Le 10 janvier 1876, Emile Justin Menier envoie un courrier à tous les habitants de Noisiel, qu’ils soient ouvriers ou non. Il les informe de l’ouverture des écoles pour tous les garçons et les filles de 6 à 13 et de l’asile, ou classe gardienne, pour les enfants de 3 à 6 ans. L’éducation des enfants, mais aussi des adultes, est un thème cher à Emile Justin Menier. Républicain convaincu, il pense que la méthode, l’étude et la persévérance conduisent à toutes les solutions. Quelques années avant les lois Jules Ferry* il crée donc des écoles privées, laïques, gratuites et obligatoires. Les écoles ont aussi pour bénéfice de libérer les ouvrières de leurs contraintes familiales. L’asile ou la classe gardienne L’asile, réservé aux enfants de 3 à 6 ans, est accolé aux écoles primaires pour que les plus grands puissent déposer les petits avant de rejoindre leur classe. Les petits disposent d’une salle de classe, de petits dortoirs équipés de bercelonnettes*, d’une cours de récréation, d’un préau, de lavabos et d’un jardin. Le couple chargé de s’occuper des enfants loge à l’étage. La famille Menier : Au XIXe siècle, la famille Menier fonde son empire industriel à partir de la chocolaterie que Jean Antoine Brutus Menier puis Émile Justin Menier établissent à Noisiel. Achetant progressivement la ferme du Buisson, le parc et le château de Noisiel, les Menier deviennent propriétaires de l’ensemble des terres de la commune de Noisiel. Lois Jules Ferry : Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique, instaure plusieurs lois sur l’école. Entre 1881 et 1882, l’enseignement primaire est notamment rendu laïc, obligatoire et gratuit pour les filles et les garçons de 6 à 13 ans. Bercelonnette : Petit berceau qui, pour faciliter le balancement, est suspendu sur deux pieds en forme de croissants. Cette photographier représente l’asile, avec quelques enfants et leur institutrice sur le perron. © Mairie de Noisiel. © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 26 L’école autrefois à Noisiel Fiche documentaire A9 L’école primaire Dès 1876, 101 enfants sont scolarisés. Ils sont répartis en deux classes : celle des filles et celle des garçons. Une salle polyvalente permet l’organisation de diverses activités, comme le dessin. Astucieusement, les cloisons des classes et de la salle polyvalente sont amovibles et libèrent un vaste espace pour la réalisation d’activités communes ou la remise des prix. L’école primaire de Noisiel avant son agrandissement de 1892. Sur la gauche des garçons et sur la droite des filles semblent sortir de leurs classes respectives. © Mairie de Noisiel. Les enfants peuvent profiter d’une bibliothèque qui, à son ouverture en 1876, contient 800 ouvrages. La cour de récréation est séparée en deux : une partie est réservée aux filles, l’autres aux garçons. Deux préaux abritent les enfants en cas de mauvais temps pendant la récréation. Des lavabos et des vestiaires sont également installés dans l’école. Au premier étage, l’instituteur dispose d’un logement. En 1892, l’école primaire est agrandie et accueille 325 enfants. Avec l’ajout de deux ailes latérales, deux classes supplémentaires au rez-de-chaussée, une salle de couture et une salle de dessin à l’étage sont construites. Au fond de la cour, un jardin école est aménagé pour apprendre aux enfants comment cultiver un potager. Des écoles confortables et modernes Les écoles sont chauffées par des calorifères*. Les salles sont vastes, bien aérées et lumineuses. Le mobilier scolaire, conçu par Lenoir, est ergonomique et il épargne une fatigue supplémentaire aux enfants. Ce mobilier reçoit une médaille d’or à l’Exposition universelle* de 1878. Dans un premier temps, l’éclairage se fait au gaz, puis à l’électricité. © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 Calorifère : Appareil produisant de la chaleur et la diffusant dans un bâtiment par l'intermédiaire de tuyaux. Exposition universelle : Les expositions universelles ont été créées dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Elles ont pour but de présenter les réalisations industrielles et technologiques de différents pays du monde. Chaque pays construit un pavillon et y expose ses meilleurs produits. La compétition y est très présente : des concours permettent aux plus méritants de gagner des médailles. Mobilier scolaire conçu par Lenoir pour les écoles de Noisiel. © Mairie de Noisiel. 27 L’école autrefois à Noisiel Fiche documentaire A9 Les enseignements A l’époque d’Emile Justin Menier, les principes de Friedrich Fröbel, qui est un pédagogue allemand, sont appliquées dans l’asile. Les jeunes enfants sont éduqués par le jeu, les travaux manuels et le jardinage. Après Emile Justin Menier, cette pédagogie moderne est abandonnée et l’asile devient plus une garderie qu’une véritable école. A partir des lois Jules Ferry (1881-1882), les matières enseignées à l’école primaire de Noisiel respectent les programmes nationaux. Les enfants apprennent la lecture, l'écriture, le calcul, l'orthographe, la rédaction, la morale, l'histoire, la géographie, les leçons de choses, le chant, la gymnastique, le travail manuel, le jardinage, etc. Les enfants préparent ainsi le Certificat d’études*, qu’ils peuvent passer à partir de 11-12 ans. Le mardi et le vendredi des cours du soir sont proposés aux adultes et aux adolescents. Dispositif éducatif et sécuritaire, la présence des jeunes est récompensée : occupés à l’école, ils ne troublent pas l’ordre public. Certificat d’étude : Jusqu’en 1989, le certificat d'études est un diplôme qui valide la fin de l'enseignement primaire en France. Il atteste ainsi l'acquisition des connaissances de base (écriture, lecture, calcul, histoire-géographie, sciences appliquées). La photographie de gauche représente la classe des garçons en 1898. Celle de droite montre des filles en cours d’art ménager, vers 1930. © Mairie de Noisiel. Les instituteurs des écoles de Noisiel : Mr et Mme Gobin Mr et Mme Thouzard Mr et Mme Hanneton Mr Bagréaux Mme Bagréaux Mme Daumont Mme Baud Mr Noël 1875-1889 1889-1906 1906-1919 1919-1935 1919-1927 1922-1927 1927-1941 1935- ? Le rythme scolaire Le rythme scolaire d’autrefois est différent de celui que connaissent les écoliers d’aujourd’hui. En effet, l’année scolaire commence le 1er octobre et se termine le 14 juillet. Les enfants ont classe du lundi au samedi toute la journée, les seuls jours de repos sont le © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 28 L’école autrefois à Noisiel Fiche documentaire A9 jeudi et le dimanche. Les cours ont lieu de 8h à 11h et de 13h à 16h. Néanmoins, les enfants restent souvent à l’étude jusqu’à 18h, en attentant que leurs parents rentrent de l’usine. La remise des prix Le 20 août 1876, la première cérémonie de remise des prix a lieu. Cette cérémonie est organisée pour fêter la fin de l’année scolaire et les réussites des écoliers. A l’époque d’Emile Justin Menier, la remise des prix donne lieu à de grandes festivités, puis elle devient plus familiale quand ses fils lui succèdent. Sur cette photographie de 1930, des enfants de l’école primaire de Noisiel sont costumés en pierrots pour la distribution des prix. © Collection J. T. Durant la cérémonie de remise des prix, les élèves exposent leurs plus beaux ouvrages de l’année, ils récitent des poèmes ou jouent des saynètes. Des jouets sont distribués aux enfants de l’asile et, en fonction de leur mérite, les enfants de l’école primaire reçoivent des livres. Pour les élèves qui ont obtenu leur Certificat d’étude, le Conseil municipal ou la Société d’encouragement à l’instruction offrent un livret de caisse d’épargne sur lequel de 20 à 50 francs sont déposés. Les caravanes scolaires En 1897, Gaston Menier crée la « caravane Menier » pour récompenser les meilleurs élèves de Noisiel qui sont reçus au Certificat d’études. Dès 1898, le recrutement est étendu aux écoles laïques des cantons de Lagny, Claye, Crécy et Dammartin. Cinquante élèves sont alors tirés au sort. © Noisiel, Ville d’art et d’histoire - Service d’animation du patrimoine, 2008 Cette photographie a été prise lors de la 10e excursion scolaire à Rouen et au Havre (du 8 au 10 août 1907). © Mairie de Noisiel. 29