L`entreprise numérique, quelle stratégie pour 2015?

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L`entreprise numérique, quelle stratégie pour 2015?
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Bruno MENARD
Président
L’entreprise numérique
Quelles stratégies pour 2015 ?
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Remerciements
Cet ouvrage sur l’entreprise numérique n’existerait
pas sans l’engagement particulier de certaines
personnes. En premier lieu, Jean-François Pépin et
Philippe Rosé qui ont relevé le défi sans jamais
vaciller. Jean-François Phelizon, Jean de Belot et
Ahmed Bounfour qui ont soutenu le projet et donné
de précieux conseils. Les permanents du CIGREF qui
ont regroupé les sources d’information et fourni une
relecture attentive. Le groupe de travail CIGREF 2015,
sous le leadership de Renaud de Barbuat, qui a
montré la voie de l’entreprise dans le monde
numérique. Enfin, les administrateurs du CIGREF qui
ont donné du sens à cette orientation. Je les remercie
tous très sincèrement.
Tous droits de reproduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour
tous pays, notamment la traduction, la réimpression, l’exposition, la
photocopie du texte, des illustrations et des tableaux, la transmission par
voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par scanner, par
microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation dans une base de
données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 n’autorise
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par quelque procédé que ce soit.
© 2010 CIGREF, 21 avenue de Messine, 75008 Paris
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
SOMMAIRE
Prologue............................................................... 4
Quarante années d’informatisation des
entreprises ......................................................... 14
Le contexte économique ................................... 28
Le choix du terme « entreprise numérique » .... 33
Le modèle d’affaires de l’entreprise
numérique ......................................................... 40
Les clients numériques ...................................... 52
La distribution et le marketing numériques ...... 59
Les activités numériques ................................... 68
Les ressources numériques ............................... 80
Les partenaires de l’entreprise numérique ....... 92
Les risques numériques ..................................... 96
La culture numérique ...................................... 104
L’innovation dans l’entreprise numérique ...... 112
La responsabilité sociétale de l’entreprise
numérique ....................................................... 119
La gestion du changement : vers l’entreprise
numérique ....................................................... 129
La stratégie numérique.................................... 134
Les dirigeants de l’entreprise numérique........ 138
Les enjeux et l’urgence : incitation à l’action . 141
Annexes ........................................................... 143
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Prologue
Le CIGREF est un réseau de grandes entreprises qui
fête en 2010 son quarantième anniversaire. La genèse
de sa création démarre en 1967, lorsqu’Emile Roche,
alors Président du Conseil Economique et Social,
envoie une délégation aux Etats-Unis afin de mieux
comprendre « les conséquences prévisibles du
développement de l’automatisation de la gestion des
entreprises ».
Pierre Lhermitte, Président Fondateur du CIGREF, écrit
un ouvrage au retour de son voyage : « Le Pari
Informatique ». Quarante années après, le lecteur ne
peut qu’être frappé par la qualité visionnaire de ce
livre : « Le système informatique apparait alors
inséparable de l’entreprise dans laquelle il s’implante,
modifiant le milieu qui le fait naitre, se modifiant luimême en fonction de ce milieu au point d’en devenir
l’une des caractéristiques ».
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Depuis 1970, l’informatisation des organisations se
poursuit à un rythme accéléré. Après l’automatisation des
tâches administratives, par exemple la comptabilité,
puis l’informatisation des processus métiers, l’arrivée
d’Internet a ouvert une nouvelle ère de communication
et de partage d’information. Cette nouvelle ère ne
concerne pas que les entreprises, mais la société dans
son ensemble. Le développement de l’informatique
domestique a démarré avec l’ordinateur personnel à
la fin des années 1980, puis Internet a mis en relation
les foyers entre eux et les a connectés à tous types
d’organisations et de sources d’information. Cette
révolution se poursuit avec les terminaux nomades et
les usages personnels sont aujourd’hui au cœur du
développement de ce que l’on appelle le « monde
numérique ».
L’évolution des technologies de l’information va
permettre à ce nouveau monde de continuer à nous
surprendre. La dynamique de progression des trois
possibilités de base ne se dément pas : traitement,
stockage et transport de l’information. Rapprocher
ces progrès technologiques de la découverte
quotidienne des nouveaux usages permet de se
tourner vers l’avenir avec une conviction : le monde
numérique n’en est qu’à ses débuts et il marquera le
21ème siècle.
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
C’est pour cette raison qu’à l’aube de son
quarantième anniversaire, le CIGREF a créé une
Fondation, sous égide de la Fondation Sophia
Antipolis, pour conduire un grand programme de
recherche international nommé « IS Dynamics », dont
l’objectif est de mieux comprendre comment le
monde numérique transforme notre vie et nos
entreprises. Une première vague de travaux est en
cours avec des équipes universitaires en France, mais
également en Corée et aux Etats-Unis. La Fondation
CIGREF a aussi établi des partenariats avec des
institutions dans de nombreux pays, par exemple au
Brésil, au Japon, au Maroc, au Canada et à Taiwan.
En parallèle, et tout au long de l’année 2010, le
CIGREF a réfléchi à son avenir. Un groupe de
Directeurs des Systèmes d’Information, représentant
les 130 entreprises membres, a travaillé, animé des
ateliers d’échanges, rencontré des leaders d’opinion
dans beaucoup de disciplines. Ils ont ainsi proposé un
axe fort pour le plan stratégique 2015 du CIGREF :
élargir le rôle de l’association à celui de carrefour
indépendant de réflexion sur l’entreprise dans le
monde numérique. Avec une finalité claire : inciter les
entreprises à agir.
Cette proposition a suscité de nombreux échanges au
sein de la communauté du CIGREF : qu’est-ce que
l’entreprise dans le monde numérique ? Qu’est-ce que
« l’entreprise numérique » ? Quel est le chemin
stratégique qui mène des systèmes d’information au
numérique ?
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Nourri de ces débats, j’ai conçu la structure de
l’ouvrage que vous avez entre les mains pour
proposer les premiers jalons de la réflexion, mais
surtout de l’action. Car s’il faut faciliter une
compréhension partagée du concept «d’entreprise
numérique », il est urgent de proposer aux dirigeants
de nos entreprises une grille de lecture pour les inciter
à engager leurs équipes, avec ambition, dans
l’économie numérique. C’est l’intention de ce
document et la raison d’être du CIGREF.
Avant de poursuivre cet avant-propos avec une
synthèse des messages principaux de cet ouvrage, je
tiens à préciser une règle de lecture essentielle. J’ai
regroupé ici beaucoup des idées et des tendances qui
sont aujourd’hui au cœur du développement des
systèmes d’information et du numérique. Ce panorama
général n’est pas exhaustif et ne vise pas à développer
chaque sujet ou à fournir des réponses élaborées. Sa
vocation est avant tout d’ouvrir des portes, d’inciter
tous les acteurs à contribuer et d’illustrer l’importance
d’une cohérence pluridisciplinaire. Le contenu
synthétique de chaque partie est souvent issu des
travaux du CIGREF et des objectifs du programme « IS
Dynamics ».
Nous ne connaissons encore ni les limites - est-ce qu’il
y en aura ? - ni les modalités exactes de la création de
valeur par le numérique. Nous devons être nombreux
à nous pencher ensemble sur cette question pour
alimenter la réflexion stratégique des dirigeants.
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
En ce sens, le concept « d’entreprise numérique » a
vocation à être ouvert, dynamique et collectif,
symbolisant ainsi certaines valeurs essentielles du
monde numérique. La structure de cet ouvrage a été
pensée avec un double objectif : illustrer les enjeux et
proposer un cadre général facilitant l’engagement.
Le contexte économique reste incertain et nos
entreprises doivent vite consolider ou trouver les
chemins de croissance. Elles sont tournées vers les
pays émergents, vers la Chine, pour profiter à court
terme des marchés en expansion. Dans le même
temps, elles investissent dans l’innovation pour
renforcer leur compétitivité à long terme et se
préparer à affronter les acteurs émergents. Dans
beaucoup de secteurs, le numérique offre de
nouvelles pistes de création de valeur.
Comment accélérer le développement
de nos entreprises dans le numérique ?
D’abord, en dépassant le malaise des dirigeants face
aux systèmes d’information. Les raisons de cette
incompréhension sont principalement les promesses
excessives de l’industrie informatique, le manque
d’appropriation par les métiers et l’orientation
historiquement trop technique des informaticiens. Le
développement des pratiques de gouvernance des
systèmes d’information depuis le début des années
2000 a permis de préparer les acteurs à adresser les
enjeux du numérique.
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Ensuite, en développant les usages professionnels au
même rythme que les usages personnels, voire plus
rapidement pour innover.
Enfin, en considérant comme acquis le constat
suivant : il n’y a plus de frontière entre l’informatique
personnelle et l’informatique professionnelle, ce qui
a pour conséquence de placer les systèmes
d’information au cœur de l’entreprise. Par exemple,
une application de prise de commande par
« smartphone » doit être intégrée en temps réel au
système de logistique et de fabrication de l’organisation.
C’est bien l’ensemble de l’entreprise qui doit être
connectée à son environnement, ses activités et ses
processus, mais aussi ses femmes et ses hommes. Le
numérique permet à l’entreprise de s’étendre vers
son écosystème et la société numérique exige de
l’entreprise qu’elle s’ouvre. Cette double dynamique
doit se faire de manière cohérente et efficiente grâce
aux systèmes d’information qui ancrent et élargissent
les processus de l’organisation.
Voilà donc le sens que j’ai attaché à l’expression
entreprise numérique : « Une démarche globale pour
l’entreprise qui vise à développer la création de valeur
par le numérique, c'est-à-dire par les usages
personnels et professionnels des technologies de
l’information ».
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Pour les dirigeants, cette démarche peut prendre la
forme d’une réflexion concernant les apports du
numérique sur toutes les dimensions du modèle
d’affaires de l’entreprise. C’est la perspective que j’ai
retenue pour cet ouvrage dont les chapitres
reprennent les composants traditionnels d’un
business model : les clients numériques et leurs
nouveaux comportements, les propositions de valeur,
la distribution et le marketing numériques (qui est
aussi appelé « marketing digital »), les activités et
chaines de valeur numériques, les ressources numériques,
les partenaires de l’entreprise numérique. J’ai aussi
retenu les apports du numérique dans les processus
d’innovation (open innovation).
Une approche globale de l’entreprise aujourd’hui doit
comprendre une démarche concernant les risques,
dans notre cas, une réflexion sur les risques
numériques. Si l’entreprise numérique offre de
formidables opportunités de croissance, elle est aussi
source de nouveaux risques. Une bonne illustration
concerne l’utilisation des données à caractère
personnel. L’entreprise numérique doit ainsi répondre
à l’une des premières exigences des dirigeants : la
création d’un espace opérationnel, certes ouvert,
mais de confiance.
Cette mutation vers l’entreprise numérique doit être
portée par les femmes et les hommes de l’entreprise,
par le développement d’une culture de l’entreprise
numérique, d’une culture numérique.
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Le facteur humain est la clé du succès et le monde
numérique montre la voie : fonctionnement plus
organique grâce aux communautés, importance du
sens et des valeurs, leviers d’autonomie.
C’est probablement le message principal de cet
ouvrage. La culture numérique qui doit être propre à
chaque contexte d’entreprise est un prérequis au
succès de l’entreprise numérique. On peut également
se demander si les structures hiérarchiques pilotées
par le sommet sont en mesure de définir, d'exécuter
et de réussir une stratégie dans le contexte
économique d'aujourd'hui, mondial, diversifié et
multiple, notamment en nombre d'environnements
culturels et de valeurs. En ce sens, et au-delà de la
démarche d’entreprise numérique, la culture
numérique peut aussi offrir le moyen de transformer
nos entreprises.
En cohérence avec le sens donné ici à l’expression
« entreprise numérique », la culture numérique de
l’entreprise doit être spécifique, mais elle est aussi
une composante de la culture numérique de la
société. C’est pourquoi j’ai abordé la notion de
responsabilité sociétale de l’entreprise numérique.
Nous sommes en train de façonner l’économie
numérique qui influencera le monde de demain.
Que souhaitons-nous pour les nouvelles générations ?
Nos entreprises se focalisent pour gagner des parts de
marché dans les pays émergents selon des modèles
de consommation proches des modèles occidentaux.
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Est-ce une voie de succès sur le temps long ? Le
numérique a deux caractéristiques : la dématérialisation
réduit l’accumulation de biens physiques et la mise en
relation des personnes replace les liens sociaux au
cœur du paradigme. Selon les choix que nous ferons,
l’entreprise numérique peut contribuer à développer
une autre forme de société, tout en créant des succès
économiques avec d’autres modèles. L’exemple
pionnier est celui des communautés qui développent
les logiciels libres et ce depuis les années 60. Face à
ces enjeux sociétaux, sociaux, je suis convaincu que la
culture managériale française peut être un atout.
Il est temps d’apporter le dernier élément de réponse
à la question initiale : comment accélérer le
développement de nos entreprises dans le numérique ?
Comment passer à l’action ? En impliquant tous les
métiers de l’entreprise dans l’élaboration d’une
stratégie numérique qui couvre tous les aspects du
modèle d’affaires et de la culture de l’entreprise. La
déclinaison de cette stratégie en plan d’action et
d’investissements pluriannuel permettra ainsi à
l’entreprise numérique de devenir progressivement
une réalité. La stratégie systèmes d’information est
indissociable de la stratégie numérique dans laquelle
elle se fond. C’est le DSI (Directeur des Systèmes
d’Information) qui a aujourd’hui le positionnement et
les compétences pour orchestrer l’animation de
l’élaboration du plan numérique au côté de tous les
dirigeants des métiers et des fonctions de l’entreprise.
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Je peux maintenant citer la définition que j’ai
proposée de l’entreprise numérique pour cet ouvrage :
« Une entreprise numérique est une entreprise qui a
une vision numérique et un plan numérique pour
toutes les dimensions de son modèle d’affaires. Elle
développe avant tout les savoir-faire et les savoir-être
qui vont faire l’entreprise numérique de demain ».
En conclusion de ce prologue, je me permets de
reprendre la citation de Pierre Lhermitte avec une
modification : « Le numérique apparait alors
inséparable de l’entreprise dans laquelle il s’implante,
modifiant le milieu qui le fait naitre, se modifiant
lui-même en fonction de ce milieu au point d’en
devenir l’une des caractéristiques. », en précisant que
le mot milieu doit s’entendre dans un sens élargi,
c'est-à-dire comprenant l’entreprise et son écosystème.
Je suis convaincu que dans les années à venir, le
déploiement de stratégies numériques permettra à
nos entreprises de développer leur performance et
leurs emplois. C’est là le sens de l’engagement du
CIGREF qui est accompagné d’une valeur historique :
l’indépendance. Nos travaux sont conduits par des
acteurs des entreprises qui réfléchissent ensemble
aux bonnes pratiques et anticipent les ruptures. Ils
sont largement et gratuitement publiés pour stimuler
les dirigeants et leurs organisations. L’engagement du
CIGREF est celui de femmes et d’hommes volontaires
qui s’investissent pour la compétitivité de nos entreprises.
Bruno Ménard
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Quarante années d’informatisation
des entreprises
Le Pari Informatique
Le « Pari Informatique » est le titre d’un livre
fondateur, écrit en 1968 par Pierre Lhermitte et
préfacé par Emile Roche, à l’époque Président du
Conseil Economique et Social. Cet ouvrage était issu
des travaux du Conseil Economique et Social sur les
« conséquences prévisibles du développement de
l’automatisation de la gestion des entreprises ».
Que peut-on lire dans cet ouvrage précurseur ? « Une
circulation aisée des informations permettra un
service meilleur, des décisions plus sûres, une
adaptation plus rapide aux incitations et exigences du
marché. A ce titre, l’informatique est une condition de
croissance de l’entreprise, et, là encore, l’enjeu est
considérable d’autant plus qu’il se place dans un
climat de concurrence plus âpre.
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’informatique constituera la nouvelle frontière des
économies développées dans les années à venir. La
refuser, c’est accepter une décadence rapide. D’autres
peuples nous dépasseront, les jeunes élites
s’expatrieront, notre économie sera dominée ».
Aujourd’hui, il n’y a rien à changer à ce texte
prémonitoire. Cet ouvrage incontournable pressentait
« l’équilibre nouveau de la société de demain dans
laquelle l’informatique sera partie intégrante,
indissociable de la vie de tous les jours…». Exprimée à
la fin des années 60, cette vision était juste !
De fait, le mot « pari », formulé il y a plus de quarante
ans, amène à se poser la question suivante : l’avonsnous réussi ? Il est en réalité bien difficile de répondre
à cette interrogation car ce pari n’est pas achevé !
L’évolution de l’informatique est toujours très
dynamique. On ne peut imaginer que l’informatisation
s’arrête, que les technologies se figent ou que leurs
usages se sclérosent. L’informatisation n’en est qu’à
ses débuts, elle continue, elle s’accélère. Le « pari »
est certes derrière nous, mais il est surtout devant
nous !
L’informatisation croissante des activités
L’informatique et les télécommunications sont
devenues, en à peine quelques décennies, le premier
secteur économique mondial.
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Les TIC (technologies de l’information et de la
communication) sont omniprésentes et représentent
aujourd’hui le premier levier de modernisation et de
compétitivité des économies modernes. Les trente
dernières années du XXème siècle ont ainsi été
marquées par une formidable accélération de
l’informatisation des entreprises. Ces quarante
années d’expansion ininterrompue ont débuté par
l’informatisation des fonctions support, puis des
processus métiers. Cela s’est poursuivi par le
développement des systèmes d’information. Et
aujourd’hui, depuis l’arrivée d’Internet, on assiste à
une explosion du numérique !
Si la crise économique a entraîné en 2009 un
ralentissement de la dépense informatique mondiale
(- 5,9 %), celle-ci a progressé de 2,9 % en 2010 affirme
le cabinet d’études Gartner, avec un montant global
de 2 407 milliards de dollars. Autre manière de montrer
l’importance des technologies de l’information dans
l’économie actuelle : chaque jour, dans le monde, ce
sont plus de six milliards de dollars qui sont dépensés
pour les technologies de l’information.
Le mouvement est irréversible : aujourd’hui, un
terrien sur quatre a accès à Internet (contre un sur
huit en 2003), selon les statistiques de l’ITU
(International Telecom Union) : « A la fin 2009,
environ 1,7 milliard d'habitants du globe, soit 26 % du
total, utilisaient la Toile et le taux de pénétration de
l'Internet, toujours à l'échelle mondiale, a doublé entre
2003 et 2009 », note l’organisme international
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
dans son rapport 2010 sur le développement des
télécommunications / TIC dans le monde.
Que va-t-il se passer à l’horizon 2015 ? Pour l’ITU : « Il
semble très probable que plus de la moitié de la
population du globe utilisera la téléphonie mobile à
l'horizon 2015 et aura accès à l’Internet large bande. »
Ces éléments ne doivent toutefois pas faire oublier
que subsistent de profondes inégalités entre les pays
riches et les pays en voie de développement : ainsi, à
la fin 2009, les trois quarts de la population du globe
(et plus de 80 % des habitants des pays en voie de
développement) n'utilisaient pas encore Internet.
Le développement des systèmes d’information
Les premiers embryons de systèmes d’information,
nés avec l’automatisation des tâches administratives,
ont induit des changements organisationnels.
D’abord, parce qu’il a fallu aller plus loin que la simple
automatisation pour s’intéresser à la performance des
processus automatisés. Ensuite, parce que cela a créé
des silos dont on a vite perçu les limites. Enfin, parce
que, du côté de l’offre, l’innovation, notamment en
termes de performances et d’interfaces, a permis
d’accélérer l’informatisation. Résultat : selon PAC
(Pierre Audoin Consultants), la dépense informatique
des entreprises françaises a été multipliée par onze en
trente ans (1970-2000) passant de 7 à 76 milliards
d’euros. Aujourd’hui, les budgets informatiques
représentent en moyenne 2,7 % du chiffre d’affaires
des entreprises, selon une étude du cabinet Forrester.
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Historiquement, plusieurs étapes se sont succédé.
Rappelons-nous : dans les années 1960 et 1970, et même
dans les années 1980, l’informatique, essentiellement
vue comme un outil d’automatisation, n’a pas remis
en cause le management classique des organisations,
avec ses logiques pyramidales et ses silos
fonctionnels. Il s’agissait avant tout d’informatiser le
travail des collaborateurs d’exécution et peu celui des
managers.
Ce n’est que dans les années 1990 que les systèmes
d’information se sont progressivement rapprochés des
préoccupations métiers, dès lors que l’environnement
économique a réclamé une adaptation des entreprises,
dans ses processus et ses pratiques. La bureautique
individuelle s’est installée dans les entreprises.
L’informatisation a, depuis, gagné toutes les fonctions
des organisations. A partir des années 2000, on assiste
à une généralisation avec, notamment, l’usage des
outils de mobilité et d’Internet qui constituent une
rupture importante, dans la mesure où le système
d’information sort du périmètre de l’entreprise dans
lequel il était jusque-là cantonné.
Ce développement des systèmes d’information a deux
conséquences importantes. La première est qu’il
favorise une transformation organisationnelle des
entreprises. Ainsi, avec l’usage de technologies de
l’information, les salariés sont en contact avec des
personnes qui ne se situent pas dans une relation
hiérarchique directe avec eux.
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
De fait, les nouveaux usages des TIC déstructurent les
habitudes qui se sont installées avec le temps. Les
technologies de l’information modifient les unités de
lieu (avec la possibilité de travailler n’importe où en
étant connecté au système d’information de
l’entreprise), de temps (on peut travailler à n’importe
quelle heure). C’est cette conjonction entre des
organisations matricielles et des technologies de
l’information en réseau qui accélère la transformation
organisationnelle de l’entreprise. Les technologies de
l’information ont modifié la structure et la complexité
des organisations, les relations de pouvoir et la façon
dont les réseaux sociaux sont coordonnés et
gouvernés.
La seconde conséquence réside dans un changement
fondamental dans la nature des données et de
l’information. Historiquement, les technologies de la
communication, depuis la création des premiers
caractères jusqu’à l’apparition des systèmes
d’information numériques, en passant par l’invention
du papier, l’apparition de l’imprimerie et l’invention
du téléphone, ont facilité et accéléré l’accès à des
informations proposées librement et facilement
compréhensibles.
Selon le cabinet d’études IDC, en cinq ans, les volumes
d’informations numériques créées, capturées et
répliquées, ont été multipliés par plus de dix au
niveau mondial, passant de 161 milliards de Go en
2006 à 1 800 milliards en 2011.
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Concrètement, l’information numérique créée en
2010 représente plus de 72 piles de livres allant de la
Terre au Soleil par habitant sur Terre. L’une des
raisons de cette inflation est bien sûr Internet. Le
volume d’e-mails est passé d’environ six milliards en
2001 à 25 milliards en 2008 et à frôlé les trente
milliards en 2010.
L’émergence de la gouvernance des systèmes
d’information
Les technologies de l’information portent tout ou
partie de la transformation de l’entreprise. Mais
l’informatisation plus ou moins bien maîtrisée dans les
entreprises nécessite une remise en cohérence et un
alignement avec la stratégie. C’est la mission
essentielle de la gouvernance des systèmes
d’information que l’on peut définir comme un
processus de management, fondé sur de bonnes
pratiques, qui permet à une organisation de soutenir
ses objectifs de création de valeur, d’accroître la
performance des processus du système d’information
et son orientation client, de maîtriser les aspects
financiers du SI, de développer des solutions et des
compétences en systèmes d’information dont
l’entreprise aura besoin dans le futur, et de gérer les
risques. Souvent décrite comme oscillant entre
fédération et centralisation, la gouvernance est
davantage que l’application de recettes dans les
domaines des processus et de l’organisation. Et elle
doit être replacée dans le cadre de l’entreprise,
au-delà des seuls systèmes d'information.
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
En effet, il devient indispensable, pour les entreprises,
de dépasser l’approche traditionnelle du management
des SI (Systèmes d’Information) afin de prendre en
compte l’ensemble des facteurs liés à l’utilisation
efficace de l’information. Progresser uniquement sur
la dimension des SI ne produira pas les effets
escomptés sur la performance des entreprises et ne
fera qu’accroître la sous-utilisation du potentiel des SI
développés. Les formes actuelles de gouvernance des
SI doivent évoluer pour prendre en compte de façon
explicite l’usage de l’information.
Des obstacles subsistent
Ce mouvement d’informatisation rencontre toutefois
des obstacles. Le principal réside dans le décalage
entre le rythme de l’évolution des technologies
de l’information et celui de l’adaptation des
organisations. En outre, on observe que, souvent, les
fournisseurs de matériels et de logiciels proposent des
offres insuffisamment flexibles et qui ne répondent
pas complètement aux besoins de leurs clients. Il
faut donc considérer avec prudence l’affirmation
selon laquelle les technologies de l’information
s’enracinent automatiquement dans les structures des
organisations. Autrement dit, les « cyberstructures »
ne naissent pas naturellement dans les entreprises,
comme l’explique très bien l’ouvrage éponyme rédigé
par Jean-François Phelizon et Philippe Collier, publié
en 2010 par le CIGREF.
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Le deuxième obstacle concerne la gestion du
changement. L’introduction de nouvelles technologies,
le changement des processus et le bouleversement
des habitudes de travail perturbent le quotidien des
collaborateurs d’une entreprise. Cela rend difficile
l’atteinte des objectifs assignés aux systèmes
d’information : un meilleur partage de l’information
et des connaissances, une élévation de la productivité,
une fluidité accrue dans les processus… Enfin, on
observe, dans beaucoup d’organisations, une
« surcharge informationnelle » qui devient contreproductive ; elle va à l’encontre de l’ambition affichée
des technologies et des systèmes d’information qui
est avant tout de favoriser la circulation, l’accès et le
partage de l’information.
L’évolution des technologies
de l’information
Quelle que soit l’époque, on observe toujours une
dissonance dans la perception de la puissance des
technologies. Beaucoup d’observateurs, pourtant
considérés comme clairvoyants aux yeux de leurs
contemporains, se sont trompés. Graham Bell,
l’inventeur du téléphone, considérait que cet outil
serait principalement utilisé pour les communications
intercontinentales, et que le télégraphe serait bien
suffisant pour le reste. L’ex-PDG d'IBM, Thomas
Watson, était persuadé, dans les années 1940, que les
Etats-Unis n'auraient besoin que de dix à quinze grands
systèmes informatiques.
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
De même, le fondateur du constructeur informatique
Digital Equipment, Ken Olsen, ne voyait pas pourquoi
les individus auraient besoin d'un ordinateur chez eux.
Même Bill Gates, le créateur de Microsoft, déclarait,
en 1981 : « 640 ko, c'est suffisant pour tout le
monde ». Tous ont sous-estimé d’une part, le rythme
de l’innovation technologique et, d’autre part, les
capacités d'appropriation des technologies par leurs
utilisateurs qui en ont modifié les usages. Il n’y a pas
de raison qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui.
Autrement dit, ce que l’on imagine aujourd’hui pour
le futur, en termes de technologies mais surtout
d’usages, est probablement très éloigné de la réalité
que l’on pourra observer dans dix, vingt ou trente ans.
Bill Gates a toutefois bien imaginé ce que serait le
futur numérique. En 1999, dans son ouvrage « Le
travail à la vitesse de la pensée », il affirmait : « D'ici
dix ans, tout le monde utilisera des ordinateurs
personnels au bureau et à la maison, tout le monde
sera relié à Internet. D'ici dix ans, tout sera
numérique ». Quatre ans plus tôt, le même Bill Gates,
dans son ouvrage intitulé « La route du futur »,
expliquait déjà : « Je vis une aventure incroyable (…).
Je crois que le réseau deviendra un jour le grand
magasin planétaire. L'endroit où les animaux sociaux
que nous sommes vendront, négocieront, investiront,
marchanderont, choisiront, débattront, flâneront, se
rencontreront. (…) Je crois à l'inéluctabilité du
progrès ».
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L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Pour comprendre cet avènement de la société
numérique, arrêtons-nous sur trois tendances
majeures qui se sont conjuguées : l’augmentation de
la puissance de calcul, des capacités de stockage et de
la capacité de transport de l’information à travers des
réseaux, dans un contexte de baisse des prix.
Souvenons-nous : à la fin des années 1980, il n’y a
donc pas si longtemps, un ordinateur à 25 Mhz (déjà
trois fois plus puissant que dix ans auparavant) équipé
d’un disque dur de 40 Mo était vendu l’équivalent de
plus de 6 000 euros. Aujourd’hui, pour un prix dix fois
moindre, on peut acquérir dans n’importe quel
hypermarché une machine non seulement équipée
d’un disque dur d’une capacité bien plus importante
mais avec une vitesse de processeur de 3,2 Gigahertz,
soit une puissance presque cent trente fois
supérieure.
Les capacités de stockage ont également connu des
évolutions rapides : aujourd’hui, un disque dur d’un
téraoctet coûte moins de 80 euros. Souvenons-nous
encore : les disquettes de 3,5 pouces, utilisées par la
plupart des ordinateurs depuis le début des années
1990 et dont la fabrication a été arrêtée seulement en
2009, pouvaient contenir, avec une capacité de
stockage de 1,44 Mo, l’équivalent de 500 pages de
texte ou de quelques photos. Un téraoctet correspond
environ à 700 000 disquettes et, désormais, des
capacités de deux à trois téraoctets sont disponibles
pour l’informatique domestique.
24
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
A cette formidable croissance des capacités de stockage
correspond une évolution des usages numériques, avec
des besoins énormes de conservation et de traitement
de donnés audiovisuelles et non structurées.
Aujourd’hui, la course à la puissance informatique se
mesure en petaflops, c'est-à-dire un million de
milliards d’opérations à la seconde. L’ordinateur
jusqu’à présent le plus puissant, un Cray « Jaguar »
exploité par le département américain de l’Energie,
affiche une puissance de traitement de 1,75 petaflops
par seconde et a été dépassé en 2010 par une
machine chinoise, d’une puissance de 2,57 petaflops.
Les réseaux ont, eux aussi, connus cette course à
la puissance, avec un effondrement du ratio
prix/performance. Le haut débit s’est généralisé, avec,
là encore, une chute des prix des accès aux réseaux.
Selon l’Arcep1, le nombre d’abonnés à Internet en
haut débit a dépassé, en France, la barre des vingt
millions au second trimestre 2010. Ce mouvement
vers un accroissement de la vitesse et des capacités
de transport des données est inéluctable, il va se
poursuivre. En 2009, les Bell Labs d’Alcatel-Lucent ont
annoncé avoir battu un nouveau record en termes de
performance réseaux, avec 100 petabits (l'équivalent
de 100 millions de gigabits) par seconde / kilomètre,
ce qui correspond par exemple à l’envoi de
l’équivalent de 400 DVD par seconde entre Paris et
Chicago.
1
Autorité de régulation des communications électroniques et des
postes
25
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Economie numérique, où en est-on ?
L’étude mondiale « Digital Economy Rankings », publiée
tous les ans depuis 2000, par The Economist Intelligence
Unit et IBM, propose un indicateur annuel qui permet
de mesurer le dynamisme technologique d’une nation
en étudiant son capital technologique, économique,
politique et social puis en le comparant avec les
autres pays. Cette étude porte sur 70 pays dont 17 en
Europe de l’Ouest. Qu’observe-t-on en 2010 pour la
France ? Malgré les efforts accomplis, la France est
encore devancée par des pays plus dynamiques et a
perdu cinq places dans le classement, puisqu’elle glisse
à la 20ème place.
L’étude apporte un éclairage global et pragmatique en
s’appuyant sur des critères, déclinés selon six axes. Le
classement de la France pour chaque catégorie
(comparé à sa position en 2009) est le suivant :
- Réseaux et infrastructures technologiques :
21ème rang, soit un recul de deux places.
- Environnement « Business » :
20ème rang, soit un recul de deux places.
- Environnement social et culturel :
17ème rang, identique à 2009.
- Environnement réglementaire :
25ème rang, soit un recul de une place.
- Vision et politique gouvernementales :
17ème rang, soit un recul de dix places.
- Adoption du numérique par les consommateurs
et les entreprises : 14ème rang, soit une avancée de
trois places.
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Certes, sur une plus longue période, la France a
progressé en ce qui concerne l’adoption des
technologies numériques par les consommateurs et
les entreprises (même si notre pays reste en retard
par rapport aux leaders mondiaux). Parmi les
principales faiblesses de la France, mises en exergue
dans cette étude, figurent le cadre juridique, la
connectivité (plus spécifiquement la fibre optique et
les réseaux mobiles 4G) et le régime fiscal. Certains
pays ont pourtant bien compris ces nouveaux
challenges numériques, notamment les pays
scandinaves : la Suède arrive en tête, suivie du
Danemark, la Finlande est 4ème et la Norvège est 6ème
de ce classement.
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Le contexte économique
Un constat s’impose : notre contexte économique est
et demeurera instable. Cette instabilité économique,
internationale, devient la norme et se décline à tous
les niveaux : social, politique, démographique... Cette
nouvelle donne doit rester à l’esprit de ceux qui
s’emploient à développer les entreprises.
L’entreprise de demain sera encore plus marquée par
la montée en puissance des entreprises asiatiques,
l’émergence de nouveaux acteurs et une nécessaire
différenciation par l’innovation.
Vers une régionalisation des marchés
Les difficultés de la coopération internationale entre
les pays, notamment en matière monétaire, et la
quasi impossibilité d’assurer une régulation mondiale
des échanges et des équilibres économiques, tendent
à renforcer les initiatives de nature protectionniste.
On y discerne la volonté de chaque zone économique
de s’assurer des avantages compétitifs sur les
marchés internationaux. On observe également une
tendance des pays en développement à se regrouper
sur une base géographique.
28
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Par exemple, depuis janvier 2010, la Chine et les dix
pays de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est
(ASEAN) ont formé la plus grande zone de libreéchange du monde. Dans un contexte de
mondialisation, cette multiplication des zones
d’intégration commerciale s’accompagne d’une
résurgence d’identités économiques régionales.
Selon l’OCDE, le taux de croissance du marché chinois
en 2010 a atteint 11,9 % contre une baisse de 2 % en
moyenne dans les pays avancés. Le marché chinois va
peser de plus en plus lourd dans le marché mondial.
C’est d’ores et déjà la deuxième plus grande puissance
économique devant le Japon. La Chine est en passe de
supplanter les Etats-Unis et va transformer l’ordre
géopolitique mondial. La montée en puissance de la
compétitivité chinoise va d’ailleurs de pair avec un
effort particulier en matière de dépôts de brevets et
d’investissements colossaux en R&D, dans un
contexte où la main-d’œuvre est abondante et de plus
en plus qualifiée.
Retenons quelques chiffres : selon l’indice mondial
de compétitivité établi par le Forum économique
mondial, la Chine était au 50ème rang en 2001. En
2010, elle se positionne au 27ème rang en termes de
compétitivité. Dans les années 1980, la Chine exportait
0,5 % des marchandises mondiales. Aujourd'hui, elle
en exporte 10 %. Aucun grand pays n’a pénétré le
marché mondial avec une telle rapidité.
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’émergence des nouveaux acteurs
Le classement des « nouveaux challengers globaux »
établi en 2009 par le Boston Consulting Group (BCG)
montre que les grands groupes chinois, indiens, mais
aussi brésiliens, russes ou du Moyen-Orient sont
devenus des groupes mondiaux qui n’ont rien à envier
aux groupes américains et européens. La réussite de
ces groupes est surprenante à la fois par sa rapidité et
par son ampleur. Ces nouveaux acteurs mondiaux
partagent trois caractéristiques : d’abord, un avantage
concurrentiel au départ, par exemple avec un accès
privilégié à certains marchés, la disponibilité d’une
main-d’œuvre à bas coût et une « absence de
lourdeurs structurelles ou technologiques qui grèvent
souvent la compétitivité des entreprises issues des
marchés matures », souligne l’étude du BCG. Ensuite,
ces groupes ont une réelle ambition de devenir
leaders mondiaux, qui devient possible avec un goût
prononcé pour le risque, et un accès facilité au capital.
Enfin, ils mènent une stratégie de croissance exogène
dont les deux piliers sont des partenariats stratégiques
et des fusions-acquisitions. Les nouveaux acteurs
mondiaux appuient leur développement sur l’innovation,
véritable fer de lance de conquête des marchés.
Se différencier par l’innovation
Les deux tiers des dirigeants d’entreprises placent
l’innovation parmi leurs trois premières priorités
stratégiques, et la considèrent comme critique pour la
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
compétitivité à long terme, selon une autre étude
du BCG. Dans l’entreprise, l’innovation ne se résume
pas à une accumulation de moyens, d’équipes et
d’investissements, c’est aussi une question de culture.
De plus en plus, l’innovation est ouverte, surtout dans
un monde numérique. Qu’est-ce que l’innovation
ouverte (open innovation) ? C’est avant tout l’exploitation
de flux de connaissances entrants et sortants qui
stimulent l’innovation interne et permettent
l’extension des marchés grâce à l’engagement de
contributeurs externes. Cela suppose que l’entreprise
peut et doit utiliser des idées internes et externes à
son organisation, voire à son marché. Il s’agit d’une
forme naturelle de l’innovation dans le secteur des
technologies de l’information, en témoigne le succès
des logiciels libres soutenus par les projets
développés par des communautés : il peut servir de
modèle à toute entreprise. Il s’agit d’une remise en
question de l’approche classique des modèles
d’innovation traditionnelle, dans lesquels l’entreprise
maîtrise l’ensemble de la chaîne de valeur.
La Silicon Valley représente l’exemple le plus abouti
d’un modèle de fertilisation de l’innovation au sein
d’un tissu économique dans lequel les entreprises
numériques sont très représentées. Le succès de la
Silicon Valley, et sa valeur de modèle, proviennent
d’un réseau fécond d’entreprises locales, d’institutions
de recherche et d’experts qui produisent
continuellement de nouvelles idées et testent
immédiatement leur potentiel économique.
31
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’innovation ne peut être dans sa totalité maîtrisée, et
encore moins contrôlée, par une seule entreprise,
aussi puissante soit-elle. Les grands groupes ont bien
compris le potentiel de l’innovation ouverte, des
acteurs comme IBM, Nokia ou Procter & Gamble en
ont été les précurseurs.
Les efforts de R&D2 des entreprises françaises
apparaissent en retrait par rapport à ceux des autres
pays. Une étude de l’OCDE parue en mai 2010
souligne qu’au sein des pays de l’OCDE, la France a
été l’un des pays dans lesquels les entreprises ont le
moins augmenté leur effort de R&D, depuis le milieu
des années 1990 : +1,4 % en moyenne par an contre
4,1 % en moyenne. On notera d’ailleurs que les efforts
des Etats-Unis (+ 4 % par an) ou de la Chine (+ 23,6 %)
sont sans commune mesure. La France a consacré en
2008, 2,1 % de son PIB à la R&D, contre 2,3 % pour
les pays de l’OCDE ; des pays y consacrent bien
davantage, notamment la Finlande (3,7 %), le Japon
(3,4 %) ou la Suède (3,8 %).
Lors d’un colloque organisé par le Centre d’Analyse
Stratégique en novembre 2010, il a été rappelé qu’il
importe d’allouer suffisamment de ressources aux
activités d’innovation technologique. Une combinaison
d’aides publiques directes aux projets et d’avantages
fiscaux est de nature à accroître l’attractivité du pays
concerné et le développement de technologies de
pointe.
2
Recherche & Développement
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Le choix du terme
« entreprise numérique »
Une approche globale de l’entreprise
Aujourd'hui, on a plus tendance à parler de « numérique »
que « d’usages ». En réalité, l’ère numérique correspond
une nouvelle évolution des usages des systèmes
d’information. Toutes les activités dans l’entreprise ont
connu depuis les années 1980 des changements
considérables. Ces mutations n’ont pu se faire que par
le développement de nouveaux outils, d’applications,
d’architectures, qui ont permis de développer de
nouvelles formes du travail.
Mais que recouvre le terme « entreprise numérique » ?
Attardons-nous tout d’abord sur le mot « entreprise »
qui incite à regarder l’ensemble des composantes
de l’organisation. On considère ainsi sa mission
fondamentale : que produit-elle ? Selon quels
processus ? Quelles sont ses ressources ? Quel est son
marché ? Quelle est son offre de valeur ? On intègre
également dans la réflexion le capital humain, les
femmes et les hommes de l’entreprise.
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Dans le monde numérique, l’entreprise est un
organisme vivant, qui s’inscrit dans une dynamique
d’action et sa représentation n’est pas figée.
Quand le numérique abolit les frontières
Après informatique, puis systèmes d’information, on
parle aujourd’hui de numérique. Quelles sont les
différences ? Avec l’informatique, on couvre plutôt les
transactions opérées sur les processus support, avec
de grands systèmes de type mainframe. Les systèmes
d’information accompagnent l’automatisation des
grands processus métiers ; la micro-informatique, pour
sa part, accompagne le développement des usages.
Le numérique recouvre tous ces éléments avec, en
outre, l’arrivée du collaboratif dans l’entreprise et le
développement de l’informatique à la maison. C’est le
développement de l’usage privé qui est maintenant
indissociable des usages au sein de l’entreprise.
Autrement dit, le mot « numérique » comprend à
la fois les systèmes d’information et leur ouverture.
L’absence de frontière entre l’informatique
professionnelle et l’informatique privée place les
systèmes d’information au cœur de l’entreprise et de
son écosystème, qui inclut les partenaires, les soustraitants, les clients...
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
A la maison : les usages numériques privés
La disparition de la frontière entre la sphère
technologique professionnelle et la sphère technologique
privée constitue probablement l’un des phénomènes
les plus marquants de ces dernières années. Alors
qu’auparavant, et ce fut le cas pendant plusieurs
dizaines d'années, les technologies de l’information
dédiées au monde de l’entreprise tiraient le marché,
en termes d’innovation et d’usages, aujourd’hui, c’est
quasiment l’inverse : les usages privés, par des
utilisateurs disposant d’un niveau élevé de maturité,
bousculent les entreprises.
Cela a commencé, de manière presque anecdotique,
par les outils multimédia dont étaient pourvus les
micro-ordinateurs domestiques. Cela s’est poursuivi
avec les messageries électroniques et, aujourd’hui,
avec les usages liés au Web 2.0, aux réseaux sociaux
et aux terminaux de types smartphones ou tablettes
tactiles. Les usages numériques privés sont ainsi
devenus les moteurs de l’évolution des systèmes
d’information, du moins dans leurs liens directs avec
les utilisateurs.
Les usages professionnels et privés sont à ce point
imbriqués que c’est l’organisation même de
l’entreprise qui se trouve bousculée. Les nouvelles
organisations sont des entreprises et des
communautés travaillant en réseau, présentant des
variétés hybrides de formes de travail et équilibrant
35
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
leurs différentes parties prenantes. La création de
valeur passe par l’intelligence collective, à l’intérieur
et à l’extérieur de l’entreprise.
Le sens de l’association des mots « entreprise »
et « numérique »
L’entreprise numérique réalise les opérations de
conception, de fabrication et d’assemblage final,
souvent à différents endroits du monde. L’objectif est
d’optimiser l’utilisation des ressources disponibles, de
livrer des produits de qualité dans un délai court et de
maximiser les profits. D’autres éléments peuvent être
liés également à la compétitivité de l’entreprise
numérique telles que la gestion de la chaine
logistique, de la relation client et les stratégies
d’approvisionnement de l’entreprise. Le numérique
s’insère au cœur des métiers de l’entreprise. Il permet
la circulation toujours plus rapide de l’information
entre les différentes entités qui sont connectées en
réseau.
Un nécessaire élargissement de la réflexion
Cette nouvelle relation au travail et la transformation
des modes d’organisation du travail, en particulier
dans le contexte de la généralisation de l’innovation
ouverte, sont des thèmes essentiels de réflexion et
d’action pour les leaders du futur. Les technologies de
l’information et de la communication peuvent être
utilisées dans ce contexte comme levier d’expression
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
des compétences au sein des organisations et entre
elles. Cela pose, à plus long terme, la question des
modes d’expression des compétences incontournables
dans les nouveaux espaces d’organisation du travail
(entreprises, communautés, réseaux, marchés locaux),
ainsi que le rôle spécifique du management dans
ce contexte. Les questions générationnelles et
intergénérationnelles (générations C, Y ou X) sont
également essentielles, nous y reviendrons.
Ouvrir des portes aux pratiques émergentes
L’évolution des technologies de l’information et de la
communication correspond à une succession de
tendances partagées et spécifiques, à des évolutions
progressives et radicales et à des processus
d’apprentissage locaux et généraux. Cette diversité
suggère que la mise en œuvre des TIC ne peut pas
être réduite à la technologie.
Les applications technologiques sont produites et
structurées par des processus sociaux dynamiques,
qui prennent en compte les pratiques de
l’organisation et des utilisateurs. Il convient
d’accorder une attention spécifique aux premiers
adeptes et aux pratiques émergentes, car ils signalent
des innovations remarquables et peuvent contribuer à
améliorer la performance des organisations.
37
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Enrichir les usages numériques
Cela pose la question fondamentale des usages des
systèmes d’information dans l’entreprise numérique.
Rappelons que les usages des systèmes d'information
sont des leviers essentiels pour atteindre les objectifs
de création de valeur, à condition que ces usages
soient basés sur la maîtrise de l’outil informatique et la
recherche de la plus grande efficacité opérationnelle.
Les utilisateurs sont des acteurs essentiels dans la
création de valeur par les systèmes d’information. En
effet, l’usage est un domaine large qui va de
l’ergonomie du poste de travail dans l’entreprise
jusqu’à la prise en compte de l’utilisateur final dans la
conception de l’outil. Cela va de la fonctionnalité d’un
outil pour l’individu qui l’utilise (on est dans le
domaine de l’utilisation) jusqu’au sens que l’individu
accorde à l’utilisation de l’outil, on entre alors dans le
domaine de l’usage.
Ce qui distingue l'usage de l'utilisation, c'est avant
tout le périmètre couvert par les deux termes. D’un
côté, l'utilisation fait référence au rapport fonctionnel
de l'individu à la technologie, à un face à face dont les
modalités se conforment à un mode d'emploi.
L’utilisation, elle, est mesurable, surtout négativement,
dans le sens où il est possible d’évaluer la valeur
retranchée d’un poste de travail non fonctionnel.
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
D’un autre côté, l'usage dépasse ce cadre fonctionnel
parce qu'il prend en compte d'autres dimensions, à
caractère immatériel, du rapport de l’individu à la
technologie : il recouvre non seulement l'emploi des
techniques, mais également les comportements, les
attitudes, la culture et les représentations des
individus. Or, le numérique bouleverse la hiérarchie,
les composantes et l’évolution de tous ces éléments.
L’usage implique une appropriation des TIC par les
acteurs et pose ainsi la question des moyens et
méthodes à adopter. C’est l’appropriation par les
acteurs qui définit le rôle d’un moyen d’information et
de communication et construit son usage.
En définitive, le terme « entreprise numérique »
renvoie à un nouveau « business model » qui se forme
grâce aux systèmes d’information, en particulier
Internet, et qui s’enrichit par le développement des
usages.
39
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Le modèle d’affaires
de l’entreprise numérique
Aujourd’hui, il est pratiquement impossible de
concevoir un modèle d’affaires sans y intégrer une
vision numérique. Un modèle d’affaires numérique
permet d’accélérer le processus de création de valeur
en optimisant les relations avec les parties prenantes.
À travers une plateforme numérique unifiée, il fournit
de la valeur et des services à son client. Lors de son
intervention au colloque de la Fondation CIGREF
sur « l’innovation numérique au service de la
transformation des entreprises », organisé en septembre
2010, le Professeur Omar El Sawy (Marshall School of
Business, University of South California), a rappelé
qu’un modèle d’affaires numérique repose sur cinq
éléments fondamentaux :
- La valeur de proposition : tout modèle économique
est basé sur une proposition qui est destinée à des
clients.
- L’interface humaine, qui a une incidence importante
sur la façon dont le modèle économique va se présenter.
- La plateforme de services.
- Le modèle d’organisation pour gérer les relations
aux processus et avec les partenaires.
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
- La rentabilité : un modèle d’affaires doit être rentable
pour tous les partenaires du projet, les revenus
générés doivent être supérieurs aux coûts.
Ces éléments doivent évidemment être agencés de
façon optimale, avec un équilibre entre les objectifs
des différents acteurs de l’entreprise : ainsi, par
exemple, le marketing pensera création de valeur. La
direction financière privilégiera la génération de
revenus et le contrôle des coûts. Le technicien
insistera sur les caractéristiques et les fonctionnalités
de la plateforme de services. L’iPod est illustratif d’un
modèle d’affaires réussi : une interface conviviale,
une plateforme de service déjà existante (iTunes),
reliée au marché de la musique selon un modèle
d’organisation innovant, avec un système de
rémunération adapté à tous les acteurs.
Cette vision fusionnée du modèle économique avec le
numérique implique une méthode systématique
de repérage des changements critiques dans
l’écosystème numérique. Celle-ci doit déboucher sur
une évaluation la plus juste possible, afin que les
instances décisionnelles puissent juger de la
profondeur du changement dans l’entreprise. Ainsi,
les nouveaux modèles d’affaires révolutionnent le
paysage concurrentiel, entre autres en déplaçant le
processus d’innovation vers les utilisateurs finaux, et
en démocratisant l’innovation.
41
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Il est nécessaire d’aborder les modèles d’affaires de
l’entreprise numérique d’un point de vue
pluridisciplinaire, en considérant le rôle des systèmes
d’information dans l’invention de nouvelles formes
d’organisation. Une démarche possible est l’identification
et l’évaluation des nouvelles pratiques. Une autre
consiste en la création d’une communauté de
« conception collective » basée sur une approche
pluridisciplinaire.
Une
troisième
démarche,
complémentaire, serait la mise en place d’ateliers sur
les modèles futurs. Enfin, une dernière solution
pourrait consister en la conception et la mise en
œuvre d’un référentiel des modèles d’affaires
émergents ou déjà en place.
Modèles d’affaires et création de valeur
Les questions relatives aux modèles d’affaires sont
étroitement liées à la création de valeur et à ses
modalités dans l’économie de la connaissance. La
création de valeur a été largement débattue dans la
littérature en économie et gestion au cours des
dernières années. Suite à l’émergence d’Internet,
divers points de vue ont été exprimés, soulignant en
particulier le rôle de la transparence et de la mobilité
des ressources.
Le modèle d’affaires de l’entreprise numérique repose
en partie sur la coproduction de valeur, ce qui rompt
avec les conceptions traditionnelles de la création de
valeur dans le monde industriel.
42
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Rappelons que, d’un point de vue industriel, la
création de valeur est séquentielle, unidirectionnelle
et transitive. Elle découle de transactions et se
mesure en termes monétaires. Les acteurs
économiques s’analysent en séquence linéaire, l’un
d’entre eux ayant un rôle dominant. On la décrit
généralement par des chaînes de valeur ajoutée.
Du point de vue de la coproduction, « la création de
valeur est synchronique et interactive et peut être
décrite par des constellations de valeurs », comme
l’ont fort bien expliqué Rafael Ramirez et Richard
Normann, auteurs d’un ouvrage sur ce thème paru en
2001. Les consommateurs sont considérés comme des
facteurs de production et de contribution à la création
de valeur. La valeur est donc créée par coproduction,
et non linéairement.
Du point de vue des entreprises, différentes
configurations de création de valeur peuvent donc
être envisagées, en tenant compte de cette
perspective de coproduction. Les modèles d’affaires
de la « nouvelle économie » ont fait l’objet de
nombreuses études et de plusieurs définitions. Pour
certains, un modèle d’affaires est une architecture
consacrée aux flux de produits, de services et
d’informations, avec trois composantes : la valeur, les
revenus et la logistique.
43
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Pour d’autres, il convient de distinguer plusieurs
configurations : le modèle d’agrégation, l’agora
(comme espace traditionnel d’échanges entre
acheteurs et fournisseurs), les communautés
virtuelles, les réseaux de connaissance, les
plateformes de collaboration et les prestataires de
services.
À un niveau plus macroéconomique, on observe un
intérêt marqué pour l’analyse des marchés et des
réseaux de connaissance comme nouvelles plaques
tournantes de la création et de l’organisation de la
valeur. C’est le sujet d’un projet en cours sous les
auspices de l’OCDE et du CAE (Conseil d’Analyse
Economique) en France.
Une grille générale de réflexion et de travail
Les modèles d’affaires doivent largement intégrer le
numérique. Cette intégration s’effectue à la fois dans
la conception des produits, leur fabrication et leur
distribution, Internet devenant l’un des canaux
privilégiés, notamment pour les services et les
produits
dématérialisés.
Aujourd’hui,
penser
« l’entreprise numérique », c’est d’abord penser de
quelle façon le numérique peut contribuer à la
compétitivité du modèle d’affaires.
44
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les exemples d’aujourd’hui
Qu’il s’agisse de la culture, de l’automobile, de la
grande distribution, de la banque ou de la santé, pour
ne citer que ces secteurs, le numérique bouscule
toutes les dimensions des modèles d’affaires.
Les produits culturels
Les produits culturels sont aujourd’hui de plus en plus
dématérialisés. C’est le cas depuis plusieurs années
pour la musique et les productions audiovisuelles. Ce
sera de plus en plus le cas pour les livres. D’ores et
déjà, les librairies numériques se développent et le
livre électronique va devenir un élément clé,
notamment du fait de la maturité des lecteurs. On le
voit outre-Atlantique : Amazon a ainsi communiqué
en 2010 sur le fait qu’il vend désormais davantage
de e-books que de livres traditionnels : pour 100
livres papier, Amazon affirme vendre 143 livres
électroniques. L’Association of American Publishers a
publié en octobre 2010 un indicateur révélateur : la
part de marché des e-books, en valeur, dépassera les
9 % en 2010, contre 3,3 % en 2009. En 2002, cette
part n’était que de 0,05 %. Le numérique est aussi
l’occasion de renouveler les pratiques culturelles en
favorisant la création. On l’a vu dans les domaines de
la photo et de la vidéo, qui ont basculé dans le
numérique en moins d’une décennie.
45
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Le numérique a aussi révolutionné l’expression
artistique dans les domaines de l’écrit, de la musique
et des arts graphiques.
L’enquête du Ministère de la culture et de la
communication sur les pratiques culturelles des
français à l’ère du numérique, a souligné la montée en
puissance d’une « culture de l’écran ». Conséquence :
une porosité entre culture et distraction, entre les
mondes de l’art et ceux du divertissement et de la
communication. C’est une rupture fondamentale par
rapport à un monde où, dans les années 1980 et
1990, cette culture de l’écran s’identifiait avec la
consommation de programmes télévisés.
La voiture numérique
La numérisation des véhicules automobiles a été le
point d’orgue du salon de l’Auto 2010. Dans ce
domaine, le numérique devient fondamental pour
assurer la sécurité, proposer de nouveaux services et
rendre la voiture communicante. Nous sommes
aujourd’hui loin du milieu des années 1990, lorsque
BMW fut le premier constructeur à introduire le RDSTMC, système de transmission de données numériques
sur les ondes radio, qui paraît actuellement tout à fait
banal pour la plupart des automobilistes.
Aujourd’hui, et plus encore demain, les véhicules
peuvent être équipés de disques durs multimédias, de
modems routeurs pour se connecter à Internet,
d’écrans tactiles, de liaisons satellites pour améliorer
46
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
la navigation. On peut également citer des webcams
pour visualiser en temps réel le trafic, contrôler à
distance un véhicule depuis un smartphone (par
exemple si l’on oublie d’éteindre les phares ou de
fermer à clé), ou encore transformer la clé de contact
en porte-monnaie électronique. Google a par exemple
annoncé tester des voitures qui roulent toutes seules,
équipées de capteurs vidéo et se repérant grâce à
Google Maps. Dans certains pays, le premier critère
de choix d’un véhicule, c’est la capacité à brancher
son Ipod ! C’est un révélateur extraordinaire de
l’invasion du numérique dans les produits physiques.
Les nouveaux services de la grande distribution
Dans le monde de la distribution, se développe
aujourd’hui un service grâce auquel le client
commande ses achats par Internet, puis prend sa
voiture pour aller chercher ses produits. Certes, à un
moment donné, la livraison se fait de manière
physique, mais toute la réflexion sur la promotion des
produits n’est plus sur les têtes de gondoles, elle est
sur le site Internet.
Même dans les points de ventes, le numérique
s’installe. D’ores et déjà, dans les hypermarchés, en
moyenne 10 % des caisses sont automatiques. A cela
s’ajoutent des principes de self check ou de self
scanning, dispositifs avec lesquels le client place ses
achats devant un automate ou scanne directement
ses achats, remplaçant ainsi le travail des
47
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
traditionnel(le)s « assistant(e)s de caisse ». Et l’on
peut aller plus loin : le groupe de grande distribution
européen Metro, par exemple, teste une application
de self scanning sur iPhone.
La numérisation porte sur toutes les étapes du
parcours client et des produits, avec les puces RFID, la
traçabilité de la Supply Chain (chaine logistique), les
écrans tactiles dans les rayons ou encore avec le
paiement sans contact par téléphone, ce qui divise le
temps d’encaissement par deux : il n’y a plus besoin
d’insérer une carte et de taper un code. A terme, on
peut imaginer le potentiel de technologies telles que
la réalité augmentée qui va introduire des modèles
virtuels de représentation des produits directement
dans les points de vente, ainsi que des avancées en
matière de publicité sur les lieux de vente. Microsoft
et Intel vont par exemple proposer une plateforme
d’affichage dédiée à cette forme de promotion des
ventes.
Le monde de la grande distribution sera probablement
l’un des plus perturbés par l’irruption du numérique. Il
est d’ailleurs révélateur que, selon une étude réalisée
par l’institut GFK en juin 2010, les consommateurs3
perçoivent la distribution comme l’un des secteurs qui
a le plus changé au cours des vingt dernières années,
au même titre que l’industrie automobile.
3
31 % de 1002 personnes interrogées
48
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La banque numérique
La banque a toujours été en quête de nouveaux
canaux de distribution, c’est le vecteur central de la
relation client. Au-delà de la banque en ligne, qui s’est
largement imposée aux côtés des réseaux d’agences
pour maintenir la proximité avec les clients, le
numérique soutient le développement de nouveaux
services. En intégrant notamment le Web 2.0, on
passe de la traditionnelle gestion de la relation client à
l'animation de la relation client.
La banque va nécessairement évoluer vers le
numérique, par exemple, dans les agences, avec des
murs interactifs et tactiles pour les opérations
courantes, des brochures elles aussi interactives, des
stylos électroniques avec la reconnaissance de la
signature des clients et la capture des éléments en
amont qui permettent d’alléger la charge du
backoffice. On verra également la possibilité de
télécharger sur les téléphones mobiles et les
Smartphones, l’information disponible en agence ou
encore des systèmes permettant le dialogue interactif
à distance avec les conseillers clientèle.
Les services numériques dans la santé
Le numérique va également investir le domaine de la
santé, notamment pour la surveillance médicale et les
consultations à distance, la télé-médication ou encore ce
que l’on appelle les « smart pills », pilules intelligentes
49
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
dont l’une des fonctions sera de recueillir de
l’information et, ainsi, d’évaluer l’efficacité d’un
médicament, avec un système de récepteurs reliés à
Internet. On peut également imaginer des systèmes
de rappel pour la prise de prescription par les patients
ou d’envoi d’informations à des tiers. Objectif : fournir
le bon médicament pour traiter la bonne maladie, au
bon patient, au bon moment, en informant en
permanence tous les acteurs de la chaîne de soins. Le
numérique intervient dans ce domaine comme un
élément clé de la politique de santé publique et de la
prévention.
Un exemple particulier dans le domaine de la santé :
on commence à voir émerger ce qui se rapproche
d’un pancréas artificiel. Il repose sur un principe
relativement simple : un capteur sous la peau permet
de mesurer en permanence le taux de glucose. Il est
combiné avec une pompe qui injecte l’insuline en
sous-cutané. Le taux de glucose est analysé avec un
algorithme qui fait varier la dose d’insuline pour avoir
un équilibrage permanent.
Ce système fermé est numérique, il peut être
connecté à un smartphone ou à un ordinateur, et
permettre ainsi de conserver les informations de
contrôle, voire de les partager avec des professionnels
de santé. C’est une autre illustration de l’incursion du
numérique dans le monde de la santé.
50
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
On peut anticiper le fait que les smartphones
deviennent des terminaux médicaux, notamment
pour le stockage des dossiers médicaux et
l’information des patients, ou encore un outil d’aide
aux diagnostics pour les professionnels de santé.
Le numérique dans toutes
les dimensions du modèle d’affaires
Quels que soient les services, quels que soient les
produits, le numérique impacte les modèles d’affaires.
Ce qui est visible et facteur de rupture pour des
secteurs comme la culture, l’automobile ou la santé,
l’est et le sera, pour les autres activités économiques
commerciales ou non. Cela implique que les managers
réfléchissent aux apports du numérique pour les
différentes dimensions d’un modèle d’affaires,
notamment pour analyser les structures de coûts, les
processus de conception et de fabrication, les canaux
de distribution, les méthodes de ventes et d’aprèsvente. Partout, le numérique va introduire des
ruptures fondamentales, qu’il convient d’anticiper et
de maîtriser. Le modèle d’affaires de l’entreprise
numérique ne ressemble plus au modèle d’affaires
classique, dans ses fondamentaux et sa déclinaison
sur le marché.
51
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les clients numériques
Aujourd’hui, les clients sont aussi des clients
numériques. Ce sont des consommateurs qui, via le
numérique, décident de leurs actes d’achats sur
Internet. Les comportements de ces clients, leurs
usages numériques pour consommer des produits ou
décider des achats doivent faire partie de la réflexion
du modèle d’affaires de l’entreprise.
Les singularités de l’homme numérique
Son rapport au temps, à l’espace, à l’information
évolue
L’appropriation et l’usage du numérique est avant
tout une question de génération. Une étude BVA,
publiée en 2010, a dressé le portrait de cette
génération Y dont on parle tant et qui va, n’en doutons
pas, bousculer nos marchés, nos organisations, nos
modes de management et de gouvernance.
52
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Qu’est-ce qui caractérise ces « Digital Natives », pour
reprendre le terme anglo-saxon, qui pèseront 30 % de
la population active dans moins de cinq ans ? Avant
tout des ruptures dans le rapport au temps, à
l'espace, à l’information et à l’autorité.
L’homme numérique craint les « temps morts » et
entend combler ce vide par une volonté de réduire
son temps d’accès à l’information, par le fait de
mener plusieurs tâches simultanément. L’homme
numérique est donc un « hyperactif » numérique et
nomade. Le rapport à l’espace se traduit par le fait
que, quel que soit le lieu, l’homme numérique n’est
pas dépaysé tant la globalisation des outils
numériques, des services associés, est prononcée.
Son pouvoir d’influence s’accroît
Le pouvoir d’influence de l’homme numérique s’exerce
à la fois au niveau politique et économique. Sur le
plan politique, le numérique renforce la participation
citoyenne, participe à l’éducation des citoyens,
améliore les échanges de savoirs et contribue à la
transparence.
Sur le plan économique, c’est le pouvoir du consommateur
qui se trouve considérablement renforcé avec le
numérique. En France, une étude Ifop, publiée en
2009, nous apprend que dans toutes les catégories de
produits, hors médicaments et produits de grande
consommation, Internet apparaît comme le média
ayant le plus d’impact sur les décisions d’achats.
53
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
C’est le cas, par exemple, pour la moitié des décisions
d’achats d'automobiles et de voyages.
Son attachement aux communautés virtuelles
L’homme numérique est très attaché aux communautés
virtuelles. Facebook comptait, fin 2010, plus de quinze
millions d’utilisateurs en France, quatre fois plus que
fin 2008, et plus de 350 millions au niveau mondial. Ce
réseau social est devenu un vrai phénomène de
société, dès lors qu’un quart de la population
française l’utilise et que 80 % des jeunes de 18 à 26
ans ont un compte Facebook. La communauté
favorise la reconnaissance des personnes et leur
permet aussi d’être lues et mieux informées. Elle
permet aussi de tirer parti du capital de connaissance
de chacun, et notamment des plus expérimentés
comme les seniors.
Son nomadisme à l’ère du smartphone
Une étude du cabinet IDC publiée en mars 2010
prévoit que le marché mondial des terminaux mobiles
convergents (smartphones) atteindra 226,8 millions
d’unités en 2010, soit une croissance de 30,7 % par
rapport aux 173,5 millions d’unités vendues en 2009.
A l’horizon 2014, le taux de croissance annuel moyen
s’établira, selon IDC, à 20,4 %. Il se vendra 439,4
millions d’unités dans le monde, soit plus de 800
chaque minute.
54
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La mobilité n’est plus aujourd’hui une affaire de
mode, elle joue un rôle fondamental dans le
développement des usages numériques. L’enjeu est
d’équiper les utilisateurs de solutions ergonomiques,
conviviales, peu contraignantes et favorisant la fluidité
de l’accès à l’information et de la consommation en tout
lieu et à tout moment.
Les comportements des consommateurs
numériques
Avec les communautés virtuelles et le nomadisme, Internet
et les technologies numériques ont profondément
bouleversé les habitudes des consommateurs. Ceux-ci
sont devenus extrêmement volatiles, notamment
parce qu’il est plus facile de trouver l’information
sur les produits et services. Les consommateurs
recherchent également de l’information sur Internet
avant d’acheter. Selon le baromètre Fevad Médiamétrie / NetRatings, en 2009, 81 % des
internautes ont consulté Internet, avant de réaliser
leurs achats (on ou offline).
L’influence du consensus sur les meilleurs produits
Le Web 2.0 transforme la relation client et le
commerce en ligne avec des interfaces utilisateurs
riches, mais plus simples et conviviales. Une
communauté peut noter (le ranking) et catégoriser (le
tagging) les informations, ou se mobiliser rapidement
pour défendre une cause, diffuser des pétitions,
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
organiser un boycott. Cela oriente les décisions
d’achats dans un sens qui n’est évidemment pas
toujours celui imaginé par les entreprises.
La consommation en temps réel
L’usage du Web 2.0 introduit une nouvelle forme
d’intermédiation des services. En effet, l’intermédiation
dite « classique » consiste, pour l’entreprise, à
pousser l’information vers le client. Par contre, dans
l’intermédiation dite « 2.0 », c’est le client qui
conseille le client, et l’intermédiaire qui devient un
régulateur de forums de discussion et organise les
rencontres entre les consommateurs. Du côté de
l’offre, c’est le client qui remonte l’information vers
l’entreprise et l’intermédiaire qui collecte ces
informations sur les goûts, les usages, l’acceptabilité
de nouveaux produits. Ces informations peuvent
servir à segmenter la demande, définir les
caractéristiques des produits et services à fournir à
ces segments.
Du côté de la demande, désormais, le consommateur
crée des contenus. Si l’on résume l’émergence de ce
phénomène, on discerne quatre étapes, selon les
différents niveaux d’interaction entre les entreprises
et leurs clients : dans la période Web 1.0, l’utilisateur
se contentait de consommer l’information. Dans un
univers Web 2.0, l’utilisateur consomme et produit de
l’information. Dans ce que l’on pourrait appeler le
« Web 2.1 », l’utilisateur consomme, produit et
également interagit avec les autres.
56
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Et dans ce qui préfigure le Web 3.0, l’utilisateur
consomme, produit, distribue l’information via des
services et interagit avec les autres pour leur donner
accès aux contenus.
Les propositions de valeur du numérique
A l’heure actuelle, les concepteurs et vendeurs des
produits, que ces derniers soient physiques ou
numériques, recherchent l’augmentation de leur
proposition de valeur vers les clients en offrant des
produits et services numériques, en proposant de la
diffusion d’information pour accompagner, soit l’acte
d’achat, soit la consommation.
Dès lors, on conçoit parfaitement que le numérique
constitue une force extrêmement importante pour
accroître cette proposition de valeur et pour
améliorer la compétitivité des produits et des services
de l’entreprise.
Le développement des services et des produits
numériques s’effectue selon deux modalités
principales. D’une part, il peut s’agir d’une véritable
numérisation des produits, en s’affranchissant des
supports physiques, comme on le voit avec la musique
ou l’image. D’autre part, il peut s’agir de la création de
services numériques pour accompagner un produit
qui, lui, reste consommé sous forme physique.
Exemple : les voyages. Le mode de consommation
reste identique mais de nombreux services
numériques se sont créés pour promouvoir les
57
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
voyages, au détriment d’ailleurs du réseau des
agences de voyages. En 2010, 57 % des touristes ont
préparé leurs voyages sur Internet, qui intervient de
plus en plus comme un « générateur d’envies ».
Et le phénomène s’accélère : selon MediamétrieNetratings, en moyenne, au second trimestre 2010,
plus de douze millions d’internautes ont consulté,
chaque mois, au moins un des sites du Top 5 des
« Agences de Voyages » en ligne. L’audience de ces
sites enregistre une hausse de 13 % en un an.
De nouvelles sources de revenus
Ces nouveaux usages permettent aux entreprises de
trouver de nouvelles sources de revenus. Pour les
ventes de produits techniques, les ventes en ligne
représentent 11 % du marché (en 2009), plus de 7 %
pour les produits culturels et plus de 6 % pour les
vêtements, d’après GFK. Pour les acteurs de la vente
à distance, le poids d’e-commerce dans le total du
chiffre d’affaires est ainsi passé de 15 % en 2005 à
33 % en 2009. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas
limité aux échanges B to C (Business to Consumer)
mais concerne aussi les entreprises : 20 % des
entreprises françaises de plus de dix salariés achètent
en ligne, nous apprend une étude d’Eurostat sur
l’année 2009.
58
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La distribution et le marketing
numériques
E-commerce : un développement solide
L’e-commerce transforme la manière avec laquelle les
clients ont accès et achètent leurs produits. Avec, en
point d’orgue, la dissociation entre l’acte de choix
d’un produit et l’acte d’achat. On voit, sur ce terrain,
poindre tout le potentiel des outils de géolocalisation
pour distribuer et faire la promotion des produits.
La réalité augmentée représente aussi un potentiel
d’accélération des ventes numériques et de
diversification des canaux de distribution. Rappelons
que la réalité augmentée consiste à superposer un
modèle virtuel (en 2D ou en 3D) à la perception
naturelle qu’a un individu de la réalité, les formes de
cette perception pouvant être visuelles (avec la
superposition d’images virtuelles à des images
réelles), mais également tactiles ou auditives.
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Citons quelques exemples : la possibilité de s’habiller
virtuellement, de s’immerger dans des jeux vidéo ou
des musées, de présenter de façon originale des
produits sur un lieu de vente, d’aménager un espace,
de consulter un catalogue interactif…
Selon la Fevad (Fédération de la vente à distance), le
chiffre d’affaires d’e-commerce a bondi de 25 % en
2009, avec 25 millions d’acheteurs en ligne. Il existait,
fin 2009, 64 100 sites d’e-commerce en France.
La Fevad a recensé 16 800 sites marchands actifs
supplémentaires en France en un an, soit une hausse
de 29 %. Le montant des paiements en ligne a
augmenté de 31 % au cours du premier semestre
2010. Le nombre de transactions est en hausse de
26 %, et le montant moyen d'une transaction a
augmenté de 4 %, à 93 euros contre 89 euros en
décembre 2009. Il se crée près de cinquante sites
marchands par jour. Selon le cabinet Forrester, le
chiffre d’affaires total de l’e-commerce, en France,
passera de 14,7 milliards en 2008 à 28 milliards
d’euros en 2014.
Le positionnement de beaucoup d’entreprises sur le
e-commerce modifie la manière de concevoir et
d’exécuter les stratégies marketing en y intégrant une
forte composante numérique et interactive.
60
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Le marketing numérique
Le marketing numérique ou « digital » a pour objectif une
meilleure compréhension des besoins des consommateurs
numériques et de leurs comportements. La participation
aux réseaux sociaux est indispensable pour influencer
l’acte de consommation.
En contrepartie, cela constitue une source
extraordinaire de données que les professionnels du
marketing vont utiliser pour continuer à affiner leur
offre produit par rapport aux différentes
personnalités des clients visés.
Le marketing doit s’adapter au concept de réseau
omniprésent, c’est-à-dire la possibilité de connecter
chaque personne et chaque objet. Comme le
commerce des produits et services est en train de
basculer d’un modèle centré sur le fournisseur vers un
modèle centré sur l’utilisateur, les réseaux
omniprésents vont également transformer la société
en la faisant passer d’un modèle homogène à un
modèle hétérogène. On peut également prévoir
l’apparition d’approches et de services plus créatifs,
ainsi que de nouvelles valeurs sociales.
Intervenir dans les communautés et sphères
d’influence
L’enjeu du marketing est désormais de devenir
totalement interactif.
61
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Le marketing est passé par plusieurs phases de
développement : le traditionnel marketing produit des
XIXème et XXème siècles a été complété par le
marketing direct, à partir des années 1970, et par le
marketing des bases de données dans les années
1990. Puis on est passé au marketing dit « One-toOne » qui a œuvré pour mieux personnaliser les
offres. Le marketing relationnel des années 2000,
époque où l’on a de plus en plus pris en compte les
exigences des clients et la nécessité de les fidéliser, va
désormais plus loin : Internet a entraîné une rupture
dans les relations entre les entreprises et leurs
consommateurs.
Ce marketing interactif repose en grande partie sur
l’exploitation des réseaux sociaux et de la puissance
d’Internet, notamment avec ses prolongements Web
2.0. De fait, les marques interviennent de plus en plus
directement dans les réseaux sociaux. On l’a vu avec
Second Life et la création d’univers virtuels sponsorisés
par les entreprises ; on le constate avec Facebook, et
on l’observera de plus en plus à mesure que les
marques vont s’insérer dans tous les espaces
numériques dès lors qu’ils permettent de renforcer le
lien avec leurs clients.
Les communautés expriment cette montée en
puissance de la « conversation » comme matière
première du marketing. À terme, l’action des
communautés pourrait devenir plus importante que la
relation à la marque.
62
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les entreprises doivent s’y préparer activement. Selon
leurs capacités à intervenir dans ces communautés,
elles vont pouvoir capter des opportunités
commerciales pour promouvoir leurs offres en
affinant les cibles et réduire les risques de
désinformation.
Tout est désormais prêt pour bâtir une stratégie
de gestion de la relation client axée sur les
communautés. Encore faut-il, de la part des
entreprises, initier une véritable réflexion sur la
gouvernance adossée à une telle stratégie, notamment
autour des rôles et compétences : faut-il créer un
responsable de la communication pour les
communautés virtuelles ? La formation prend-t-elle
suffisamment en compte les savoir-faire liés à ces
communautés puissantes, afin d’aligner les stratégies
marketing numérique sur les stratégies d’entreprise ?
N’oublions pas que dans un monde numérique, la
puissance des marques et leur réputation deviennent
cruciales.
Développer la réputation de sa marque
La problématique de l’e-réputation est en effet au
cœur des réflexions et des stratégies commerciales et
marketing. C’est fondamental dans la mesure où
Internet agit comme une caisse de résonance. Pour
les produits et les services, le Web (forums, réseaux
sociaux, sites spécialisés…) devient le prolongement
du service après-vente.
63
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Celui-ci peut être exprimé de façon positive, par les
recommandations de clients satisfaits, mais aussi de
façon négative, pour détourner les messages
institutionnels d’une marque ou pour exprimer des
insatisfactions.
La puissance des opinions, positives ou négatives, est
relayée par les moteurs de recherche, point d’entrée
de la plupart des internautes sur le Web.
On voit dans la convergence entre le monde de
l’e-commerce et celui des médias sociaux que l’une
des difficultés reste de contrôler ce qui se dit sur les
entreprises et leurs produits. A mesure que les canaux
d’expression des consommateurs se multiplient et,
qu’avec le Web 2.0, les « conversations numériques »
s’expriment en temps réel, le risque réputationnel
doit être intégré dans la gestion des risques, au même
titre que les autres menaces, plus classiques. Mais
dans ce domaine le seuil de criticité d’une atteinte en
e-réputation reste encore difficile à établir.
Attirer le client dans son espace virtuel
Les sites des marques construisent la confiance sur
Internet. Ils font partie de la décision d’achat, qu’il
s’agisse de vitrines ou de sites d’e-commerce. Dans la
mesure où le pouvoir d’influence d’Internet est
supérieur à celui des autres médias, si l’on en croit
une étude réalisée par l’Ifop en 2009, les entreprises
ne peuvent faire l’impasse sur le numérique.
64
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Mais ce n’est pas suffisant : il reste à attirer les
internautes-consommateurs dans les espaces virtuels
contrôlés par les entreprises. Il s’agit d’assurer une
convergence entre le canal de communication et les
canaux de vente.
L’un des enjeux sera de conserver une certaine
neutralité des différents canaux de distribution. On
risque en effet d’avoir « des Internets » : des Internets
régionaux, des Internets basés sur l’usage, d’autres
sur les processus, ou encore l’Internet des objets. Cela
soulève l’importance de mettre en place une bonne
gouvernance d’Internet.
Les relations avec les clients numériques :
trois principes d’action
Que ce soit entre l’entreprise et le consommateur, ou
entre la puissance publique et ses usagers, il y aura de
plus en plus de relations avec les communautés.
L’action de ces communautés sera davantage
déterminante que la relation à la marque ou la fidélité
à la marque en tant que telle. Si une entreprise refuse
d’entrer dans ce système de gestion de management
avec les communautés virtuelles, elle peut courir un
risque. De fait, les stratégies marketing de l’entreprise
numérique, ou de l’entreprise face à des univers
numériques, peuvent s’articuler autour de trois
principes d’action. Le premier concerne la recherche
systématique du feedback des consommateurs,
d’autant que ceux-ci sont demandeurs.
65
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Selon une étude Performics publiée en 2010, on
observe que sur Facebook, par exemple, 40 % des
utilisateurs visitent des pages de marques et 34 %
deviennent fans de ces pages, notamment pour
connaître l’actualité des marques.
« Les internautes veulent dialoguer avec les marques »
affirme cette étude et ils ont des attentes fortes, par
exemple pour bénéficier d’offres promotionnelles.
Le deuxième principe d’action consiste à considérer le
service après-vente comme un moyen de fidélisation
et d’innovation commerciale, notamment dans un
contexte de distribution multi-canal.
Troisième principe d’action : considérer que chaque
contact crée une opportunité de proposer des offres
personnalisées. Les marques commencent à le
comprendre, les médias sociaux sont une priorité
majeure pour 20 % des annonceurs, en 2010, contre
13 % en 2009, selon l’étude Performics.
A terme, les interactions entre les marques et les
consommateurs vont devenir plus fines. On le voit
avec des approches telles que le closed loop
marketing : prolongement du CRM (Customer Relationship
Management), il consiste à mesurer le résultat d’actions
marketing ou commerciales. Le closed loop marketing
est une « boucle d’action et de rétroaction continue »
entre le consommateur et le message marketing.
66
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’objectif est de relier les données des consommateurs
avec leur comportement sur le site afin d’ajuster et
d’affiner en permanence le message qui leur est adressé.
Cette gestion très dynamique de l’information
exige une intégration parfaite entre les systèmes
d’information de « front office », en contact avec le
client, et les systèmes de « back office », cœur de
l’intelligence marketing de l’entreprise numérique.
Cela illustre l’enjeu d’ancrer l’ouverture de
l’entreprise dans ses activités numériques.
67
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les activités numériques
Activités de l’entreprise et activités numériques de
l’entreprise convergent de plus en plus au sein de la
chaîne de valeur, c’est-à-dire la manière avec laquelle
une entreprise construit ses offres, d’abord en termes
de conception, puis en termes de fabrication et enfin,
en termes de marketing et de distribution. Chacune
de ces étapes-clés de la chaine de valeur de
l’entreprise numérique évolue avec l’automatisation
des processus, le pilotage des activités et des modes
de gestion plus collaboratifs.
L’automatisation des processus métiers
de l’entreprise
Les activités de l’entreprise numérique sont
aujourd’hui très fortement automatisées avec des
progiciels : PLM (Product Lifecycle Management), MRP
(Manufacturing Resource Planning), CRM (Customer
Relationship Management), ERP (Enterprise Resource
Planning), SRM (Supplier Relationship Management) et
SIRH (Systèmes d’Information Ressources Humaines).
68
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Avec ces progiciels structurants, leur déploiement
intelligent dans l’entreprise et le nécessaire travail
sur les processus, l’entreprise, sous sa forme
dématérialisée, est à même de conduire ses activités
de manière efficiente, performante et de proposer à
ses clients ses produits et ses services.
La conception avec les solutions de PLM
Le PLM permet de contrôler le cycle de vie entier d’un
produit, depuis le concept initial jusqu’à sa mise au
rebut, en passant par sa mise en service. Ce type de
solution facilite le développement collaboratif des
produits, en reliant davantage des activités proches
les unes des autres. Cette forme de management
aboutit à une meilleure conception des produits et
permet parfois d’éviter les coûteuses étapes de
prototypage physique.
La fabrication avec les solutions MRP
Le MRP permet de gérer de façon anticipée, en
s’appuyant sur les prévisions de la demande, la
fabrication des produits : coordination des achats
de matières premières, de pièces détachées, de
composants et planification des ressources nécessaires
(matérielles et humaines) pour réaliser le plan
de production. Dans l’entreprise numérique, la
personnalisation des offres et la rapidité attendue des
livraisons exigent une intégration de plus en plus fine
entre les canaux de ventes et les solutions MRP.
69
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La commercialisation avec les solutions de CRM
On l’a vu, la relation client est bouleversée par
l’influence du Web et des réseaux sociaux, qui
multiplient les interactions entre les entreprises et
leurs clients. Cela suppose une évolution des
processus de gestion de la relation client. En
particulier, l’essor des relations cross-canaux impose
de modifier les processus de collecte des
informations, de traitement et d’exploitation des
données. Dès lors, l’enjeu, pour les entreprises,
consiste à consolider les données, les partager dans
toute l’organisation avec les autres applications
existantes (par exemple les ERP) et à automatiser la
collecte. C’est le rôle des solutions de CRM.
Les outils traditionnels de CRM ont évolué pour tenir
compte de ces nouveaux enjeux avec, entre autres,
des fonctionnalités d’aide à la décision, des liens avec
les solutions décisionnelles ou encore des fonctions
de « Social CRM ».
Les flux physiques et financiers avec les solutions ERP
Pour les managers, les ERP présentent plusieurs
avantages : ce sont d’abord des outils de consolidation
des processus et de l’information, celle-ci devenant
plus disponible et plus fiable grâce à une meilleure
maîtrise de la chaîne de production des données, par
rapport à des configurations où coexistent plusieurs
systèmes hétérogènes. Globalement, la performance
de l’entreprise s’en trouve améliorée dans ses aspects
70
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
de pilotage, de gestion de production, de logistique,
de finance, d’achat. Outil de standardisation, de
planification, d’optimisation, l’ERP doit être considéré
comme un actif de l’entreprise. En termes d’architecture
des systèmes d’information, il représente le centre de
cohérence opérationnelle de l’entreprise, entouré par
les solutions MRP, CRM et SRM.
Les achats avec les solutions SRM
Le SRM gère les relations entre l'entreprise et ses
fournisseurs, avec plusieurs approches, notamment
l'e-procurement et l’e-sourcing. Selon la définition
proposée par le CXP, le SRM « vise à optimiser non
plus seulement l’étape d’approvisionnement, mais
l’intégralité de la chaîne des opérations d’achats. En
premier lieu, les processus amont (évaluation et
recrutement de nouveaux fournisseurs), mais aussi les
opérations aval : traitement des factures, réconciliation
entre bons de commande, bons de réception et
factures, paiement ». Dans la mesure où les achats
peuvent représenter l’équivalent d’au moins 50 % du
chiffre d’affaires dans les entreprises, l’enjeu est
important en termes de réduction des coûts et
d’optimisation de la chaîne de valeur élargie de
l’entreprise.
La gestion des ressources humaines avec le SIRH
La rapidité des évolutions dans le domaine social
justifie une certaine automatisation de la gestion des
ressources humaines.
71
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
D’ailleurs, le marché des outils de SIRH reste, selon les
chiffres publiés par Pierre Audoin Consultants, plus
dynamique que la moyenne du marché des logiciels.
Malgré l'impact de la crise, le taux de croissance
moyen entre 2008 et 2013 est supérieur à 5 %. Les
préoccupations des entreprises s’orientent vers une
optimisation de la mobilité interne, la fidélisation des
talents,
l’e-learning
pour
l’adaptation
des
4
compétences et l’informatisation de la GPEC . Les
solutions SIRH établissent un lien particulier entre
l’employé et son entreprise : leviers de transparence, de
reconnaissance et de développement, ils peuvent
accompagner le déploiement d’une culture
d’entreprise plus numérique.
L’automatisation des processus
de la fonction SI : d’ITIL au Business Service
Management (BSM)
ITIL (Information Technology Infrastructure Library) a été
initialement développé dans les années 1980 sous la
pression du gouvernement de Margaret Thatcher
pour améliorer l’efficacité et diminuer les coûts de
l’administration britannique dans une logique de
libéralisation.
C’est ainsi qu’ITIL est rapidement devenu le standard
en matière de gestion des services informatiques.
4
Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
72
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La première version a été lancée à la fin des années
1980. Depuis dix ans, ITIL a connu deux évolutions
majeures : ITIL V2 au début des années 2000, puis ITIL
V3, publié en mai 2007. Aujourd’hui, la maturité dans
l’automatisation des processus informatiques a largement
progressé, en témoigne le dynamisme de la communauté
des experts et praticiens ITIL.
Le prolongement logique est le BSM (Business Service
Management), qui renforce le lien entre les besoins
des métiers d’une entreprise et ses infrastructures
informatiques. Aux indicateurs de performance technique
s’ajoutent des indicateurs de performance métiers. Le
BSM permet de satisfaire des besoins de supervision
des processus métier en lien avec les ressources
technologiques, d’identifier en temps réel les impacts
des dysfonctionnements et d’optimiser l’allocation
des ressources. L’évolution de la maturité des
processus de la fonction SI vers le BSM permet
d’industrialiser les services et d’en renforcer la qualité.
C’est une condition opérationnelle indispensable pour
l’entreprise numérique qui doit maximiser l’emploi
productif de ses ressources numériques.
Le pilotage des activités
avec les solutions décisionnelles
Les solutions de Business Intelligence fournissent les
informations nécessaires aux prises de décision.
Elles représentent un ensemble de moyens, outils
73
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
et méthodes, qui supportent les processus de
consolidation, de modélisation, d’analyse et de
restitution des données. Elles constituent un enjeu au
carrefour des systèmes d’information, des métiers et
des directions générales.
Les sources de données numériques, éclatées et de
plus en plus volumineuses, imposent un contrôle de
pertinence et d’intégralité. Elles soulèvent de nouvelles
problématiques de modélisation. Les outils de Business
Intelligence offrent des opportunités d’optimiser le
pilotage de la performance, d’anticiper les évolutions
des marchés et les comportements des clients.
S’insérer dans la chaîne de valeur de l’information
La Business Intelligence est par nature transverse à
l’entreprise. Elle s’insère dans la chaîne de valeur de
production et d’analyse de l’information. La difficulté
n’est pas tant de recueillir les données que de les
rendre disponibles, sous un format pertinent, au bon
moment et pour les bons utilisateurs qui sauront
créer de la valeur.
C’est donc l’ensemble de la chaîne de valeur qui est
concernée, avec une démarche qui se révèle très
structurante au niveau des référentiels de données et
de l’organisation nécessaire à leur bonne gestion
(data management, data analytics).
74
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’ère numérique demande un pilotage en temps réel
L’entreprise numérique, bien plus que l’entreprise
traditionnelle, a donc besoin de pilotage en temps réel,
ne serait-ce que pour s’adapter à des environnements
économiques instables et à des clients volatils.
Au cours des prochaines années, l’évolution majeure
de la Business Intelligence sera de prendre en compte
les données non structurées et de développer les
nouveaux types de bases de données capables de
gérer en temps réel ces énormes volumes aux
formats hétérogènes, intégrant parfois des éléments
multimédias. Le pilotage de l’entreprise numérique
nécessite le développement de nouvelles méthodes
de gestion et d’analyse des données, des nouveaux
savoir-faire et outils. C’est un enjeu majeur pour les
années à venir, notamment pour les métiers de
marketing et de R&D.
Outils de communication
et de collaboration : une nouvelle donne
pour le travail en équipe
Nous sommes désormais dans l’ère des communications
unifiées. Cette communication collaborative unifiée
(CCU) traduit la capacité d’échanger de l’information
sans qu’émetteur ou récepteur soit soumis à une
quelconque contrainte de lieu (anywhere), de contenu
(anything), de temps (anytime), de média (any device),
de nombre ou de disponibilité des acteurs (anybody).
75
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La communication collaborative unifiée regroupe
plusieurs types de fonctionnalités, par exemple
l’information en continu, l’accessibilité en ligne des
suites bureautiques, la production collaborative, la
génération de contenus, l’utilisation des réseaux sociaux,
la gestion documentaire. Elles sont aujourd’hui
complétées par l’usage croissant de la vidéo.
Les entreprises qui fonctionnent en mode collaboratif
ont une capacité à mobiliser l’intelligence collective
au sein de leurs équipes. Des études ont montré que
si la productivité personnelle représente 20 %
du potentiel de productivité d’une entreprise, la
productivité collective en génère 50 %. La plupart des
entreprises sont déjà équipées avec les technologies
qui sous-tendent la communication collaborative
unifiée, il reste à en réussir l’intégration et l’utilisation
large.
Ces solutions représentent la 3ème vague de
l’informatisation des organisations. Elles reflètent
avant tout le développement d’une culture
d’entreprise différente, plus ouverte et collaborative.
Nous reviendrons sur l’importance de la culture
numérique.
76
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les systèmes d’information sont au cœur
de l’optimisation des processus
Dans ce contexte d’optimisation, de pilotage et de
collaboration, quel est le rôle de la fonction SI ? Elle
est au cœur de tous les processus.
Pour la fonction SI, il s’agit d’apporter un soutien
aux processus de travail dans l’organisation et
d’accompagner le changement, mais également
d’évoluer selon le contexte de l’entreprise et de son
écosystème. Ainsi, la fonction SI doit être intégrée
dans la définition des processus métiers. Au-delà des
référentiels propres aux systèmes d’information
(infrastructures, applications), cela implique l’existence
et la mise à jour d’un référentiel des processus
métiers définissant le périmètre, le rôle des acteurs,
les mécanismes et les pratiques associées.
Dès lors, la transformation numérique des organisations
nécessite de nouveaux modes de fonctionnement.
Les chaînes de valeur traditionnelles de l’entreprise
ont profondément évolué et se sont complexifiées
(acteurs multiples). Le management doit être plus
coopératif, plus matriciel et plus transversal.
L’Architecture d’Entreprise (EA) et le pilotage par les
processus sont des leviers essentiels pour adapter
le management à ces nouveaux modes de
fonctionnement. L’EA fait référence à la manière dont
l’entreprise opère et dont elle doit se transformer.
77
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Elle réunit tous les acteurs de l’entreprise, fournit une
cible, permet d’analyser les écarts par rapport à
l’existant et de définir un plan de migration. L’EA
intègre la stratégie de l’entreprise, donc les processus
et l’organisation, ainsi que les briques fonctionnelles
du SI. Elle implique une transformation progressive,
qui s’intègre dans les projets métiers, et se traduit par
la mise en place graduelle d’une architecture adaptée
aux besoins métiers, cohérente, efficace et maîtrisée.
Un processus peut être modélisé comme un ensemble
coordonné d’activités. Les activités peuvent être
scindées en d’autres activités ou en tâches qui
représentent le niveau le plus fin de décomposition.
Les tâches, qu’elles soient automatisées ou
manuelles, sont déclenchées par des événements et
consomment des ressources. C’est par un travail
minutieux que les entreprises peuvent optimiser leurs
processus et les adapter aux besoins de l’entreprise
numérique.
Les systèmes d’information, facteurs
de cohérence opérationnelle transverse
entre les métiers
La création de valeur par l’usage de l’information est un
chantier indispensable pour l’entreprise numérique.
Les résultats des études CIGREF-McKinsey identifient
le lien de cause à effet entre le niveau de maturité de
la gouvernance SI et la performance de l’entreprise.
Faire progresser l’état des pratiques de gouvernance
SI est une nécessité économique pour les dirigeants.
78
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Il devient donc indispensable pour les entreprises de
dépasser le cadre habituel du management des SI
pour prendre en compte l’ensemble des facteurs liés à
l’usage efficace de l’information et atteindre ainsi une
réelle cohérence opérationnelle transverse entre les
métiers et leurs activités numériques.
79
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les ressources numériques
Les ressources numériques sont diverses et
regroupent entre autres, les applications, les bases de
données et les infrastructures informatiques. C’est un
ensemble de ressources qu’il convient de gérer de
manière efficiente, afin de s’assurer qu’elles sont
sources de performance.
Les ressources, ce sont aussi les compétences qu’ont
les acteurs de l’entreprise à tirer parti de toutes les
potentialités du numérique pour développer leur
modèle d’affaires, leurs activités et leurs offres de
valeur. Le développement de ces compétences
numériques constitue la clé essentielle permettant à
l’entreprise numérique de se déployer de manière
pertinente. Roger Martin, de la Rotman School of
Management de Toronto, a bien résumé l’enjeu de
l’intégration des nouvelles compétences.
En le paraphrasant, ses réflexions peuvent être
adaptées à l’entreprise numérique : aujourd’hui, pour
un acteur métier dans l’entreprise, il n’est pas
suffisant de comprendre les systèmes d’information, il
faut aussi devenir soit informaticien, soit chef de
projet numérique.
80
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les systèmes d’information au cœur
des ressources numériques
Dans un contexte de forte transformation de
l’entreprise, le système d’information prend une
place de plus en plus stratégique dans la chaîne de
valeur : il est désormais présent dans tous les métiers
de l’entreprise, et au-delà dans le cadre de
l’entreprise numérique (interactions avec les clients,
les fournisseurs et autres parties prenantes).
Schématiquement, un système d’information repose
sur trois piliers :
- des applications pour organiser les processus des
métiers,
- des bases de données pour stocker et mettre en
forme les données,
- des infrastructures pour traiter l’information et
assurer les échanges.
Le SI est un ensemble organisé de ressources
techniques, organisationnelles et humaines, requises
par le traitement des informations nécessaires à la
stratégie et aux métiers de l’entreprise. Le SI
comporte deux dimensions : celle de l’organisation
qui se transforme, entreprend, communique et
enregistre les informations, et celle du système
informatique, objet artificiel conçu par l’homme qui
permet l'acquisition, le traitement, le stockage, la
transmission et la restitution des informations au
service de la gestion de l'entreprise.
81
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Pour l’entreprise numérique, le SI est le facteur
critique d’efficience opérationnelle.
Les applications
La mise en œuvre d’applications répond à la
problématique d’évolution de l’entreprise vers
l’entreprise numérique : elles ne peuvent plus être
considérées comme accessoires par les métiers. Leur
place est au cœur des activités et elles doivent être
intégrées en première intention par les métiers pour
maîtriser, puis optimiser, les processus en termes de
qualité et d’efficience. Ces applications deviennent,
comme nous l’avons évoqué, les solutions de
l’entreprise numérique (PLM, MRP, CRM, ERP).
Les bases de données
Avec l’explosion de la création des contenus, plus ou
moins structurés, les bases de données acquièrent
une importance toute particulière comme piliers du
système d’information. C’est l’un des domaines
qui fait l’objet de recherches, en lien avec les
technologies de réseaux. Par exemple l’Advanced
Database Research Group (ADRG) de l’Eller College of
Management étudie « l’interopérabilité entre les
systèmes de bases de données hétérogènes » et
définit des échanges électroniques de données
transparents entre les différents systèmes de bases de
données. Cette solution évite d’imposer des systèmes
de bases de données uniformes et permet une plus
grande flexibilité. IBM Research a été l’un des
82
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
premiers à se lancer dans la recherche sur des
méthodes efficaces d’accès aux données semistructurées et non structurées.
L’importance croissante des infrastructures
informatiques et des services associés
Le cloud computing
La tendance la plus marquante actuellement est celle
du cloud computing (l’informatique en nuage) et des
logiciels en tant que services (Software as a Service,
ou SaaS) comme cibles privilégiées des investissements
technologiques.
Les services logiciels traditionnels sont progressivement
transférés sur le réseau (Internet) et proposés sous
forme de services. Par exemple, les solutions de CRM
sont de moins en moins déployées à l’intérieur du
réseau informatique des organisations, mais plutôt
hébergées par une entreprise tierce qui offre un accès
par Internet à la demande. On peut comparer cette
évolution à celle des messageries individuelles, qui
sont à présent accessibles depuis n’importe quel
ordinateur à l’aide d’un navigateur Internet. Cette
approche permet de contourner les investissements
initiaux significatifs liés à l’achat des logiciels et des
matériels. Différents fournisseurs proposent des
produits et des services qui modifient la façon de
travailler au quotidien et influencent le mode de
fonctionnement des entreprises.
83
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Faire plus vite, moins cher, en optimisant les
ressources, tel est le message des dirigeants. Les
systèmes d’information, en tant que système nerveux
de l’entreprise, doivent aider le management dans la
réalisation de cet objectif. Le cloud computing est
susceptible d’avoir un impact profond sur la stratégie
de l’entreprise et sur ses métiers. C’est cet impact
qu’il convient d’évaluer en termes de valeur, de
risques et de pratiques. L’émergence du cloud
computing et des services associés constitue une
mutation qui se traduit par des modèles économiques
différents et des offres nouvelles ayant un impact
important sur l’écosystème des services d’information
des entreprises.
Le cloud computing est une solution à combiner aux
solutions SI existantes. La fonction SI a un rôle
d’intégrateur ultime avec les processus métiers et les
autres solutions constituant le patrimoine applicatif de
l’entreprise étendue. Les offres de cloud computing
doivent donc être interopérables, réversibles et
reposer sur des standards ouverts.
L’offre de cloud computing doit être source
d’innovation pour les entreprises, en termes de
financement, de sourcing, d’architecture et surtout de
services différenciés.
Au niveau mondial, le cabinet d’études IDC estime
que les services cloud computing représentaient 5 %
des investissements TIC mondiaux en 2009, soit 17
milliards de dollars.
84
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Poussé par une forte croissance moyenne annuelle de
25 % par an, le cloud computing capterait d’ici 2013,
10 % des investissements TIC mondiaux, soit 44
milliards de dollars. A l’échelle européenne, et selon
une étude réalisée pour la Commission Européenne
par le cabinet PAC, le marché du cloud computing
atteignait quatre milliards d’euros en 2009. Ce
montant représente environ 1,5 % du marché total
des logiciels et des services. Le cloud computing
pourrait croître fortement jusqu’à représenter à
l’horizon 2015 environ 13 % du marché total des
logiciels et services en Europe.
Le cabinet Markess International estime le marché
français de l’hébergement et des services de cloud
computing (y compris le SaaS) à plus de 2,3 milliards
d’euros en 2009. Il s’attend d’ici à 2011 à ce que ce
marché connaisse une forte dynamique sur les
segments de l’hébergement virtualisé, du SaaS et de
l’IaaS (Infrastructure as a Service). Entre 2008 et 2010,
la demande des entreprises s’est portée de façon plus
marquée sur les applications en SaaS telles que la
gestion de la relation client, la sécurité, la sauvegarde,
la communication vocale et la bureautique.
Les smartphones et les tablettes remplacent
les ordinateurs portables
Selon le cabinet Gartner, le nombre de smartphones
en circulation dans le monde sera presque équivalent
à celui des micro-ordinateurs en 2013 : 1,32 milliard
contre 1,78 milliard.
85
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
On le voit, les nouvelles générations de terminaux
nomades vont imposer une reconfiguration des
systèmes d’information avec une rapidité qui n’a pas
toujours été anticipé par les entreprises. Les nouveaux
usages nécessitent de plus en plus des applications
mobiles, c'est-à-dire compatibles avec une utilisation
par smartphone.
Une exigence d’excellence opérationnelle
La porosité du système d’information, l’effacement
des frontières entre la sphère privée et
professionnelle, la diffusion rapide des applications à
la demande favorisent l’ancrage de nombreux services
et produits numériques dans les systèmes
d’information. Ceux-ci deviennent des éléments
indispensables de cohérence et de flexibilité
opérationnelle. Garantir une telle réactivité doit
figurer en tête de l’agenda des entreprises :
l’excellence opérationnelle conditionne la création de
valeur, comme l’a montré l’étude CIGREF-McKinsey
sur la dynamique de création de valeur par les
systèmes d’information. La gestion des ressources
numériques doit désormais non seulement répondre
aux exigences des utilisateurs internes, mais
également à celles des clients et partenaires de
l’entreprise numérique. Elle reste indissociable de la
protection et de la valorisation du patrimoine
informationnel des entreprises.
86
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’archivage numérique pour préserver
le patrimoine de l’entreprise
L’archivage remonte dans les préoccupations des
directions générales, pour plusieurs raisons. D’abord,
l’explosion des volumes de données induit, de fait,
des interrogations sur la manière de stocker les
données (approche quantitative), de les restituer et
de les mettre en forme (approche qualitative).
Ensuite, l’évolution des technologies impose d’inclure
l’archivage dans les problématiques de l’entreprise
numérique, notamment parce qu’il faut conserver les
données dans de bonnes conditions de pérennité.
Enfin, l’évolution du contexte réglementaire pousse
également à structurer la réflexion autour de l’archivage.
Quatre besoins doivent être satisfaits par l’archivage :
garantir la sécurité (disponibilité, intégrité des
données, confidentialité, traçabilité), répondre aux
exigences légales (pour la conservation et la
recherche obligatoires de documents), s’adapter à
l’évolution technologique et faciliter la vie des
utilisateurs en leur proposant des outils d’accès aux
informations.
Le livre blanc publié en 2005 par le CIGREF et la FedISA
(Fédération de l'Information Lifecycle Management, du
Stockage et de l'Archivage) a bien montré que la
problématique de l’archivage électronique ne se
limite pas à une simple dématérialisation des
87
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
techniques d’archivage traditionnelles. « Outre l’influence
des nouvelles obligations, ce nouveau type d’archivage
doit être considéré très en amont dans la chaîne de
valeur de l’information, d’où la volonté de prendre en
compte l’ensemble du cycle de vie de la donnée ».
C’est le patrimoine informationnel qui est en jeu.
Celui-ci peut se définir comme « l'ensemble des
données et des connaissances, protégées ou non,
valorisables ou historiques d'une personne physique
ou morale. Il s'agit donc d'assurer la protection et la
valorisation de l'information ».
Le développement d’un contrôle de gestion
adapté
L’extension des domaines applicatifs, des nouveaux
besoins et du nombre d’utilisateurs des systèmes
d’information, donc des budgets informatiques, a
renforcé le rôle du contrôle de gestion comme bonne
pratique de pilotage des services. En pénétrant
toujours plus profondément dans la chaîne de
valeur de l’entreprise numérique, les ressources
informatiques deviennent un élément clé de la
rentabilité opérationnelle et de l’élaboration des
catalogues de prix.
La recherche permanente d’efficience
et de productivité
Ces dernières années, des structures organisationnelles
intégrées à la fonction SI ont été créées afin de
88
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
maîtriser et expliquer les coûts. L’évolution de ce
contrôle de gestion s’est alignée sur la diffusion de
l’informatique dans l’entreprise avec la recherche des
bénéfices métiers pour moteur principal. Cette
recherche permanente d’efficience et de productivité
s’applique encore plus à l’entreprise numérique, dès
lors que la création de valeur par les services et les
biens immatériels devient plus importante à mesurer.
L’entreprise numérique apporte une couche
supplémentaire de complexité pour les fonctions de
contrôle de gestion. Historiquement, l’automatisation
des processus et des chaînes de valeur a entraîné des
gains relativement faciles à calculer, avec la notion de
retour sur investissement. L’extension des systèmes
informatiques et la mise en œuvre d’applications
multiples ont éclaté les investissements vers les
différents métiers de l’entreprise. Les gains associés
sont moins faciles à mettre en évidence.
Les directions informatiques et métiers ont alors
besoin de s’appuyer sur un contrôle de gestion
informatique dédié et adapté. Avec les grands
applicatifs tels que les ERP, la complexité s’est encore
accrue, puisque toute l’entreprise est concernée. Le
contrôle de gestion informatique doit poursuivre le
développement des bonnes pratiques, consolider les
règles d’analyse de la valeur ajoutée pour les métiers
et concevoir les méthodes pour évaluer les coûts de
revient des services numériques.
89
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Le modèle économique interne des entités
de services partagés
La montée en puissance de l’externalisation et des
centres de services partagés (CSP) introduit aussi de
nouvelles considérations économiques. La complexité
des organisations rend la lisibilité des gains
inversement proportionnelle à celle des coûts engagés
et les directions générales demandent des efforts
d’explication dès que leur perception des gains
devient inférieure à celle qu’elles ont des coûts.
Dans cet univers, le rôle du contrôle de gestion
renforce encore son importance. Il doit rendre les
ressources des entités de services internes plus
transparentes en fournissant une aide à la justification
économique des projets, à la décision et au dialogue
avec les directions métiers.
Les centres de services partagés constituent une
tendance managériale qui se développe en France et
des entreprises ont d’ores et déjà adopté ce modèle
dans des secteurs variés (banque, assurance,
services). C’est une forme d’organisation qui semble
constituer une tendance de fond pour les fonctions
support (RH, finances, achats).
Plusieurs facteurs sont à l’origine du développement
des centres de services partagés : tout d’abord, le
souhait de mutualiser les services fonctionnels;
ensuite, la volonté de créer des cultures communes
90
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
via la standardisation des processus, des architectures
et des méthodes; enfin, la volonté de concentrer les
savoir-faire et de mieux responsabiliser chaque acteur.
Ce modèle est parfaitement compatible avec d’autres
modèles de sourcing tels que l’infogérance sélective
ou les pratiques d’offshore. Le CSP permet de
professionnaliser les services et constitue un levier de
standardisation et de transparence sur les coûts au
sein des entreprises. C’est un nouveau modèle
d’organisation dont la mise en œuvre est facilitée par
la numérisation des activités, en particulier pour
opérer à distance. C’est aussi une nouvelle
philosophie et un nouveau mode de management
pour l’entreprise numérique.
91
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les partenaires de l’entreprise
numérique
L’entreprise numérique est ouverte, étendue. Son
identité est en pleine mutation. L’entreprise fait partie
de la communauté, de son écosystème, elle interagit
fortement avec ses partenaires. On perçoit de moins
en moins la ligne de démarcation entre l’entreprise et
ses clients. Dans une étude intitulée « L’entreprise
poreuse en marche », publiée en 2009, l’Orange Labs
de San Francisco a confirmé que « les frontières
traditionnelles des entreprises étant de plus en plus
poreuses, celles-ci sont donc mieux à même d’interagir
avec leurs partenaires potentiels ainsi qu’avec leurs
clients, leurs employés et les communautés d’intérêt ».
Résultat : l’entreprise étend ses systèmes d’information
pour accompagner cette ouverture. Sa performance
économique dépend tout autant de celle de ses
partenaires (et de leurs systèmes d’information).
L’ouverture implique également un partage de
l’information avec les partenaires, les clients, voire les
concurrents.
92
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’entreprise se doit de maîtriser sa chaîne de valeur
lorsque plusieurs activités sont interconnectées, sous
peine, soit de perdre la maîtrise de ses processus, soit
de ne pas capter la totalité de la valeur créée par
l’intégration au sein de son écosystème.
Dans l’entreprise étendue et, a fortiori, dans l’entreprise
numérique, la chaîne de valeur n’est pas gérée
uniquement par l’entreprise. Elle fait appel à des
partenaires, en termes de conception de produits, de
sous-traitance industrielle. L’entreprise numérique
offre cette capacité de construire cette chaine de
valeur et de la gouverner entre plusieurs acteurs, ce
qui est une source de flexibilité et de réactivité.
L’extension de l’entreprise en réseau
Les entreprises sont de plus en plus organisées en
mode réseau. Au-delà d’une approche centrée sur
l’organisation interne, l’entreprise en réseaux
privilégie plusieurs dynamiques. D’abord, une
dynamique relationnelle, avec les sous-traitants, les
partenaires, les institutions.
Ensuite, une dynamique organisationnelle, qui conduit
à repenser les processus de production, de logistique,
de ventes. Enfin, une dynamique contractuelle dans la
mesure où l’entreprise en réseaux repose sur des liens
formalisés entre les parties prenantes, selon des
principes contractuels et juridiques.
93
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
En réseau, l’entreprise s’inscrit dans une
problématique d’amélioration de l’efficience de ses
activités, ce qui est facilité lorsque celles-ci sont
numériques.
La conception des produits
avec les fournisseurs
Durant les phases de conception des produits, en
particulier pour les produits complexes comme par
exemple les avions ou les grands équipements
industriels, la simulation numérique permet de gagner
un temps précieux.
L’objectif de la simulation numérique et du travail en
temps réel sur des maquettes numériques est
d’analyser l’impact de changements sur le produit et
l’outillage. Ainsi, les outils de simulation aident à
mieux visualiser les problèmes, analyser les
conséquences et identifier les solutions. Il est possible
de créer des représentations en trois dimensions (3D)
des trois domaines caractéristiques d’un processus
de production : le produit, les processus et les
ressources.
L’intégration facilitée des sous-traitants
Les technologies numériques abolissent les contraintes
de lieu et de temps.
94
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Cela facilite l’intégration des sous-traitants
géographiquement dispersés, dans les chaînes de
conception, de production, de distribution de produits
et de services. Cela modifie également les modes de
relations entre une entreprise et ses sous-traitants.
On passe ainsi d’une logique de fabrication par des
donneurs d’ordre à partir de spécifications
techniques, à une logique partenariale, dans laquelle
les cahiers des charges sont établis de façon plus
collaborative. Aux exigences classiques en termes de
coûts, de délais et de qualité, s’ajoute la dimension
innovation, qui devient un critère de différenciation
indispensable.
Le travail collaboratif avec les partenaires
Avec les partenaires, les technologies numériques
optimisent la gestion de projet. Une plateforme de
travail collaboratif est une solution qui, dans le cadre
de la gestion d’un projet, met à la disposition des
différents acteurs plusieurs éléments : des matériels
et des logiciels, des portails d’informations, des
réseaux d’expertise, des méthodologies et des
ressources humaines. Les plateformes collaboratives
présentent de nombreux avantages, par exemple pour
mieux gérer les plannings, réduire les délais, mettre à
jour les informations, disposer d’une version unique
des documents et de l’historique des modifications,
améliorer la communication et standardiser les
méthodes de travail.
95
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les risques numériques
La gouvernance de l’entreprise se construit
aujourd’hui avec une approche et une réflexion sur les
risques. C’est à la fois une exigence et un acte
managérial. Il est vrai qu’au premier abord,
l’entreprise numérique semble éviter des risques
auxquels fait face l’entreprise classique. Mais ses
caractéristiques propres génèrent de nouvelles
sources de risques.
L’une des attentes premières qu’ont les dirigeants,
c’est la création d’un espace de confiance absolu en
termes de fonctionnement et de relation avec les
partenaires externes. Ce sujet doit être au cœur de la
réflexion sur l’entreprise numérique.
Le numérique, source de nouveaux risques
Le numérique a fait franchir une nouvelle étape dans
la gestion des risques. Pendant longtemps, les
entreprises se sont intéressées à la sécurité
informatique, puis à la sécurité de leurs systèmes
d’information.
96
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Aujourd’hui, la sécurité des systèmes d’information
intègre également la sécurité de l’information : la
protection des infrastructures matérielles et logicielles
évolue vers la protection des ressources numériques.
En quoi cela constitue-t-il une rupture ? Tous les
métiers et tous les collaborateurs de l’entreprise sont
concernés, ainsi que l’ensemble de la chaîne de
valeur, incluant les sous-traitants, les partenaires et
les clients. On voit apparaître des nouveaux risques
qui s’ajoutent à ceux que l’on connaissait déjà en
particulier :
- Les atteintes à la réputation et à l’e-réputation des
entreprises, par le biais de rumeurs, d’opérations de
déstabilisation sur Internet et les réseaux sociaux. Si
ce risque concerne toutes les entreprises (qu’elles
soient numériques ou non), il est accru dans le cadre
des entreprises numériques qui mettent à disposition
des internautes un lieu où ceux-ci peuvent
s’exprimer : sites, blogs, forums, pages Facebook.
- Le vol de données stratégiques et confidentielles,
risque renforcé par le développement de la mobilité,
des modes de travail collaboratifs, de l’innovation
ouverte ou de l’association de nouveaux acteurs à la
chaîne de valeur.
- Le risque systémique : l’entreprise numérique agit
au sein d’un ensemble d’entités en interactions
mutuelles et dynamiques.
97
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Une vulnérabilité touchant l’un des éléments de la
chaîne de valeur peut avoir des conséquences sur
d’autres éléments, ce qui est susceptible d’accroître
la vulnérabilité de l’ensemble de la chaîne.
- La contrefaçon et les atteintes aux droits de
propriété intellectuelle : si la contrefaçon existe et
est très répandue en dehors du monde numérique,
la dématérialisation des produits facilite les atteintes
à la propriété intellectuelle.
- Les atteintes aux informations personnelles : le
traitement des données à caractère personnel (clients,
collaborateurs…) doit se faire en respect des règles de
la CNIL. Un défaut de sécurisation peut occasionner
des poursuites pénales pour l’entreprise, ce qui
constitue un risque juridique et un risque d’image.
- La conservation des données numériques : les supports
et les formats de stockage des données numériques
se caractérisent par un manque de durabilité. Le
risque de perte ou d’altération des données doit
donc être géré, et plus particulièrement dans le
cadre de documents réglementés, comptables ou
administratifs. Il faut ainsi respecter des normes
techniques de conservation strictes afin que le
document numérique soit recevable au même titre
que le document papier.
98
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La nécessité d’une approche globale
La gestion des risques a trouvé sa place dans les
entreprises, ces dernières années, tant en raison
d’une extension que d’une prise de conscience accrue
de ces risques. Étendus, ils incluent désormais aussi
bien les risques opérationnels que les risques de nonconformité, et se retrouvent à tous les échelons de la
chaîne de valeur. Aussi, l’évolution vers l’entreprise
numérique suppose de définir un plan stratégique de
numérisation des activités qui tienne compte des
risques. Cette prise de conscience s’est traduite par
une progression de la gestion des risques. Et, dans la
mesure où les processus décisionnels engagent
l’entreprise sur le moyen et le long terme, le dirigeant
sera jugé sur sa capacité à les gérer ainsi qu’à éliminer
ceux qui sont inacceptables.
Une approche globale de la gestion des risques dans
la stratégie numérique de l’entreprise est donc
indispensable. Elle vise à identifier et anticiper les
évènements, actions ou inactions, susceptibles
d’impacter la mise en œuvre de la stratégie dans un
horizon donné. Elle doit définir les options de
traitement et s’assurer qu’une option optimale est
choisie, puis la mettre en œuvre et contrôler son
efficacité par rapport aux attentes. Plus
généralement, appliquée aux entreprises, la gestion
des risques s'attache à identifier les risques qui pèsent
sur les actifs (financiers ou non), les valeurs, les
activités, le personnel de l'entreprise et sur ses
99
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
relations externes. Cette démarche doit anticiper
l’extension de l’entreprise numérique en analysant les
grands risques de l’entreprise dans ce nouveau
contexte.
C’est particulièrement important pour la continuité
des activités lorsque plusieurs partenaires sont
concernés, ainsi que pour la protection des actifs
immatériels.
L’exigence de qualité pour les services
numériques
L’un des points clés de la sécurité dans les
environnements numériques concerne la disponibilité.
C’est ce facteur de sécurité qui conditionne la qualité
de service. Les internautes et les consommateurs y
sont très sensibles. C’est la partie la plus visible de la
relation entre une entreprise et ses clients, surtout
pour la distribution de biens et de services
numériques. L’impact d’une perte de disponibilité est
souvent immédiat sur le chiffre d’affaires, surtout
pour les sites d’e-commerce.
Par exemple, selon la Fevad, en France, 500 sites
enregistrent plus de 10 000 transactions par mois : on
imagine facilement que l’indisponibilité, même
temporaire, de ces sites d’e-commerce, peut
compromettre les activités des entreprises
concernées.
100
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Le développement d’un nouveau cadre
juridique
Les environnements numériques, par la rupture qu’ils
provoquent, obligent le législateur à adapter le cadre
juridique, par exemple dans le domaine du télétravail,
d’Internet, ou de l’Open Source, qui modifie les
relations contractuelles entre les parties prenantes,
dans un contexte d’innovation permanente.
Le droit français concernant le numérique date de
2000 et aborde la plupart des questions pouvant se
poser. Cependant, dans la mesure où la technologie et
les usages évoluent très rapidement, le droit évolue
aussi pour répondre aux nouvelles questions générées
par ces changements. La gestion des contentieux
laisse également une part d'appréciation importante
au juge. Les risques se placent aussi au niveau
international, des informations sur l’entreprise pouvant
circuler à l’étranger.
Le télétravail
Il y aurait en France, selon les statistiques européennes,
environ 7 % de salariés en télétravail, contre 25 % aux
Pays-Bas, 23 % en Allemagne, en Finlande et au
Danemark, et plus de 15 % en Italie et au RoyaumeUni. Le télétravail est une forme d’organisation que
les entreprises privilégient de plus en plus, et qui se
trouve grandement facilité par les technologies
101
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
numériques, notamment les connexions haut débit et
la convivialité des terminaux.
L'Accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005
sur le télétravail a précisé les règles à respecter : « le
télétravail est une forme d’organisation et/ou de
réalisation du travail, utilisant les technologies de
l’information dans le cadre d’un contrat de travail et
dans laquelle un travail, qui aurait également pu être
réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué
hors de ces locaux de façon régulière ».
Par rapport au droit du travail, les technologies
numériques, qui effacent les frontières entre la vie
privée et la vie professionnelle, obligent à repenser les
relations d’un salarié avec son employeur sur le plan
du contrat de travail, de la formation, du temps de
travail, des responsabilités, des accidents du travail,
des assurances.
La loi sur le télétravail, adoptée en 2009, a rappelé
que le télétravail ne peut être imposé, que
l’employeur doit prendre en charge les coûts associés
et fixer des plages horaires de travail.
Il existe des risques juridiques à partir du moment où
l’entreprise ne prend pas suffisamment en compte les
contraintes liées au télétravail, comme les problèmes
liés aux accidents du travail, à la confidentialité des
données (si le collaborateur utilise une messagerie
privée par exemple), ou aux moyens de surveillance
102
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
mis en place par l’employeur. Ces problématiques
peuvent entraîner une remise en cause du contrat de
travail.
La diffusion des logiciels libres
Les enjeux de l'Open Source portent à la fois sur la
gestion des compétences, la continuité des activités,
les projets, l'évolution des solutions et les coûts. Les
modèles économiques du logiciel libre demeurent
complexes, et les entreprises utilisatrices ne les
comprennent ni ne les maîtrisent encore suffisamment,
par exemple en matière de modèles de distribution et
de gestion des licences (libres à portée étendue, à
portée limitée ou permissives).
Le risque est alors de considérer le logiciel Open
Source comme totalement libre d’utilisation (même
professionnelle), alors que certains sont soumis à des
licences, ce qui expose l’entreprise à un risque
juridique. Par ailleurs, les logiciels Open Source offrent
rarement des garanties, plus particulièrement ce
qu’on appelle une garantie de jouissance paisible :
c’est-à-dire que, si on rencontre un problème avec le
logiciel (par exemple, une accusation de contrefaçon),
on ne peut pas se retourner contre l’éditeur de ce
logiciel.
C’est donc à l’entreprise d’assumer ces risques ou de
les sous-traiter à de nouveaux acteurs.
103
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La culture numérique
La culture numérique est un point essentiel. Ce sont
les femmes et les hommes qui vont bâtir l’entreprise
numérique. La culture numérique, c’est avant tout
une nouvelle culture d’entreprise. On imagine mal nos
entreprises embrasser le numérique avec des
organisations très traditionnelles, très hiérarchisées,
avec des structures lourdes.
Le facteur humain fera la différence
Pour cette culture numérique, les systèmes d’information
sont un facteur de cohérence et de diffusion.
En tant que construction sociale de l’entreprise, la
culture influence les individus et leur niveau de
performance et d’innovation. On voit d’ailleurs que
les organisations dotées d’une culture d’entreprise
sont relativement plus performantes que les autres,
notamment dans le domaine numérique.
104
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’entreprise organique plutôt que hiérarchique
Nous avons devant nous, en termes de modes de
fonctionnement, un potentiel extraordinaire avec le
développement facilité de l’autonomie au niveau des
acteurs de l’entreprise, et ce souhait de fonctionner plus
en entreprise organique qu’en entreprise hiérarchique.
Les conclusions de l’ouvrage « Cyberstructures » publié
en 2010 indiquent la voie en parlant de « bio-systèmes ».
Qu’est ce qui caractérise ce fonctionnement
organique ? Trois éléments sont fondamentaux.
D’abord, le fait que les groupes décident de leurs
propres règles de fonctionnement. On le voit par
exemple avec les communautés d’experts, qui
fonctionnent sur ce principe. Elles constituent de
nouvelles entités organisationnelles moins formelles,
plus souples en termes de règles et de rôles, donc
beaucoup moins circonscrites structurellement que
les entités comprises dans la pyramide traditionnelle
des organisations.
Deuxième élément : les réseaux collaboratifs se font
et se défont selon les besoins de l’entreprise. C’est le
principe d’agilité qui prévaut, avec des alliances
nouées et dénouées en fonction des opportunités de
marché ou de temps de gestion d’un projet.
105
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Enfin, l’entreprise organique valorise les compétences
et l’expertise, alors que l’entreprise hiérarchique
privilégie la place dans l’organisation et le statut.
Selon une étude BVA sur les « Digitals Natives » :
« dans son environnement professionnel, le digital
native respecte la compétence, mais pas l’autorité liée
à la hiérarchie ou à l’âge et n’a que faire des
dimensions statutaires (…). Dans ce contexte, les
promesses d’évolution de carrière sont considérées
avec beaucoup de détachement, à la fois en regard
des incertitudes qui pèsent sur l’environnement
économique, mais aussi en conséquence d’une perte
de confiance dans l’entreprise, phénomène qui n’est
pas propre à cette génération, mais à une époque.
Dans l’entreprise, cette génération Y perçoit de
manière très détachée les multiples exigences de
reporting, les cadres horaires trop rigides et les
processus décisionnels peu transparents. La génération
numérique attache plutôt une importance au travail
comme lien social, relié à un fort sentiment
d’appartenance, un respect de l’individu et une
valorisation des capacités individuelles ».
Le management par le sens et les valeurs
La complexité des organisations nécessite de
nouveaux modèles d’organisation et de nouveaux
leaders, surtout en période de crise et face à
une surproduction d’informations, à une exigence de
performance, à tous les niveaux.
106
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les structures hiérarchiques pilotées par le sommet
ne sont plus en mesure de définir et d'exécuter une
stratégie réussie dans le contexte économique
d'aujourd'hui, mondial, diversifié et multiple,
notamment en nombre d'environnements culturels et
de valeurs. Une voie possible est le développement
d'organisations ouvertes qui permettent à des
équipes autonomes de réussir en partageant un
système de valeurs spécifiques.
Ces entreprises ouvertes sont bâties sur une bonne
compréhension et maîtrise de nouvelles pratiques
sociales, développées avec l'usage des nouvelles
technologies de l'information.
Les savoir-faire et savoir-être de l’entreprise
numérique
On se rend bien compte que l’entreprise de demain va
être très différente. Pour évoquer ici un auteur du
monde de l’Open Source, Eric Raymond : ce ne sera
pas une cathédrale, ce sera probablement un
ensemble de bazars. Cette organisation va faire appel
à un leadership différent, nouveau, beaucoup plus axé
sur le sens et les valeurs que sur la déclinaison
d’ordres qui vont cascader, qui vont être exécutés à
tous les niveaux de l’entreprise. Cela suppose un
intense et permanent partage des informations et des
connaissances.
107
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’écoute, l’incitation à contribuer, l’autonomie, sont
les pivots de l’entreprise numérique. Les entreprises
qui ont développé les technologies du Web 2.0 l’ont
bien compris.
L’intégration des cultures numériques régionales
Les technologies numériques ne nivellent pas les
cultures ni les usages. On peut d’ailleurs s’en réjouir,
une telle uniformisation irait à l’encontre de ses
objectifs. Car le numérique se nourrit des spécificités
des cultures des individus et des entreprises et
s’enrichit de la diversité des usages. Les technologies
numériques sont toutefois universelles et acquièrent
une dimension internationale, même si elles
demeurent toujours modelées par des valeurs
éthiques et sociales, des normes de comportement et
des connaissances propres à chaque pays et zones
géographiques.
Les flux de transactions de connaissances s’entrecroisent,
l’innovation devient ouverte. Comme le commerce
des produits et services est en train de basculer d’un
modèle centré sur le fournisseur vers un modèle
centré sur l’utilisateur, les réseaux omniprésents
(possibilité de connecter chaque personne et chaque
objet) vont transformer la société en la faisant passer
d’un modèle homogène à un modèle hétérogène. On
peut également prévoir l’apparition d’approches et de
services plus créatifs, ainsi que de nouveaux systèmes
et de nouvelles valeurs sociales.
108
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’entreprise doit comprendre et maîtriser ces
éléments. C’est essentiel à la fois pour la performance
de ses propres ressources, notamment humaines, mais
également pour soutenir la diffusion de ses produits
et services. Cet enjeu est d’autant plus crucial car la
gestion des aspects multiculturels et le partage des
connaissances au sein des organisations et des
réseaux demandent des efforts spécifiques. L’échange
de différents types de connaissance entre individus,
organisations, domaines ou milieux est en effet un
processus extrêmement complexe.
L’impact des nouvelles technologies de communication
n’est pas dépourvu d’ambiguïté : ce qui est
technologiquement possible n’est pas nécessairement
socialement acceptable dans certains pays.
L’entreprise numérique doit contribuer à réduire ce
fossé. Dans leur ouvrage « Plaidoyer pour l’entreprise »,
Bertrand Collomb et Michel Drancourt montrent que
l'entreprise française est en général plus ouverte sur
les autres cultures : cette ouverture constitue un
levier essentiel pour l’entreprise numérique.
Faire de la culture managériale française un atout
Les cultures d’entreprise et les cultures managériales
ne seront jamais uniformes. On observe des
différences régionales relativement marquées dans la
façon d’exercer les métiers et de manager des
organisations.
109
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La culture anglo-saxonne, dans un environnement très
concurrentiel, privilégie le travail en équipe, valorise
davantage la performance et les compétences que le
diplôme. La culture anglo-saxonne est plutôt basée
sur l'interaction, la contractualisation et la codification
des relations.
Le leadership, organisé sur un mode top-down y est
peu contesté, la communication est explicite et
largement diffusée, avec une formalisation de la prise
de décision et une délégation de responsabilités.
Dans la culture asiatique, c’est la hiérarchie qui
prévaut. D’où un mode de management relativement
autoritaire, peu de contestation des décisions, ainsi
qu’une importance particulière accordée aux plus
âgés et à ceux qui ont des positions hiérarchiques et
sociales élevées. La culture managériale française,
pour sa part, autorise l’implicite, accorde une
importance particulière au diplôme et laisse une
relative autonomie aux individus.
Les spécificités de la culture managériale française
peuvent constituer un atout pour l’entreprise
numérique. La qualité reconnue de nos écoles
d’ingénieurs favorise l’expertise de haut niveau et la
créativité, en témoigne le succès mondial de
l’industrie française des jeux vidéo. De même, la
qualité de nos écoles de commerce a été plébiscitée
dans le dernier classement 2010 du quotidien
économique Financial Times : cinq écoles françaises
font partie du Top 10 mondial pour les formations en
110
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
management. Nos universités forment des chercheurs
qui figurent parmi les meilleurs au monde. Le
prestigieux Prix Turing, l’équivalent du prix Nobel pour
l’informatique, a été décerné en 2007 à Joseph Sifakis,
directeur de recherches au CNRS et fondateur du
laboratoire Verimag, l’un des premiers laboratoires de
recherche dans le domaine des systèmes embarqués
critiques. Plus récemment, ce sont deux jeunes
mathématiciens français qui ont reçu la non moins
prestigieuse Médaille Fields : Ngô Bao Châu,
professeur au laboratoire d’Orsay, et Cédric Villani,
Directeur de l'Institut Henri Poincaré à Paris.
Créativité, expertise, qualité du management : ces
éléments sont fondamentaux pour l’entreprise
numérique.
On ne peut en effet imaginer que l’entreprise
numérique naisse, vive et se transforme selon des
schémas organisationnels trop rigides, dans lesquels
la collaboration entre les individus, élément
fondamental de l’entreprise numérique, se sclérose
dans des processus décisionnels imposés par le haut.
On ne peut également imaginer que la qualité de
l’expertise, la profondeur des connaissances et la
pertinence des savoirs qui font la force des
entreprises françaises, ne constituent pas des
éléments réellement différenciateurs sur le marché
mondial.
111
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’innovation dans l’entreprise
numérique
Toutes les entreprises ne sont pas à l’aise avec les
nouvelles configurations en matière d’innovation,
notamment avec le concept d’innovation ouverte.
L’idée de diffuser des idées dans le domaine public,
plutôt que de les protéger en interne, dérange. Ne
faut-il pas être prêt à décentraliser les mécanismes de
coordination ? A ouvrir le capital humain à des
compétences externes ? C’est le prix à payer pour
rester dans la course, enrichir son offre, renforcer ses
liens avec toutes les parties prenantes, gagner en
rapidité, en dynamisme, en réactivité. Tout cela
suppose des investissements complémentaires en
termes de connaissances, de réorganisation, de
changement de processus, de changement de culture.
112
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’innovation devient ouverte
L’innovation ouverte et l’innovation « hors mur »
émergent comme pratiques stratégiques des
entreprises et la plupart de ces pratiques sont
fortement portées par les systèmes d’information.
Pendant très longtemps, les modèles d’innovation
étaient fermés. La propriété intellectuelle était
contrôlée. Selon un schéma classique, le brevet était
enregistré, puis commercialisé. Aujourd'hui, l’agilité et
la rapidité sont des facteurs déterminants de création
de valeur. Pour les organisations, cela signifie qu’elles
vont devoir fonctionner avec des communautés externes,
des employés qui ont plusieurs appartenances.
En effet, dans un monde extrêmement concurrentiel,
confrontées à une croissance du coût de la R&D, les
entreprises ne peuvent plus survivre en comptant sur
leurs seuls efforts, elles doivent rechercher des modes
nouveaux et plus ouverts d’innovation. Par ailleurs, les
mécanismes de coordination sont décentralisés. Les
organisations doivent se servir des technologies pour
aller chercher l’intelligence de tous les partenaires,
bien souvent à l'extérieur de l’organisation. Les
innovations sont plus difficiles à breveter. La vitesse
d’obtention des brevets est souvent trop lente par
rapport au timing du modèle d’affaires.
Dans un monde numérique, le degré d’ouverture à
l’environnement externe est, par nature, élevé.
113
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’information surgit de partout, les systèmes
deviennent instables et les modèles organisationnels
combinent le capital humain, qui n’appartient pas
entièrement à l’entreprise, et le capital technologique.
« L’expression « innovation ouverte » ne désigne pas
un savoir ou une technologie libre. Si l’expression « en
source libre » désigne des technologies accessibles
sans redevance, l’innovation ouverte fait référence
aux méthodes de collaboration utilisées », nous
explique l’OCDE dans son étude sur l’innovation
ouverte dans les réseaux mondiaux publiée en 2008.
Selon l’OCDE, en 2009, 40 % des entreprises françaises
pratiqueraient l’innovation ouverte. 65 % déclarent
avoir des relations avec leurs fournisseurs, 50 % avec
leurs clients, 36 % avec leurs concurrents, 26 % avec
des établissements d’enseignement supérieur et 18 %
avec la recherche du secteur public.
L’OCDE a parfaitement résumé les enjeux de
l’innovation ouverte : « L’intérêt majeur de l’innovation
ouverte pour les entreprises, c’est qu’elle offre une
assise plus large pour les idées et les technologies. Les
entreprises voient l’innovation ouverte comme une
collaboration étroite avec des partenaires extérieurs –
clients, fournisseurs, chercheurs ou autres acteurs – à
même d’apporter une contribution à l’avenir de
l’entreprise. Cette union des forces entre entreprises
est avant tout motivée par la volonté d’exploiter de
nouveaux débouchés commerciaux, de partager des
risques, de mettre en commun des ressources
114
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
complémentaires ou encore de créer des synergies. Les
entreprises reconnaissent l’innovation ouverte comme
un outil stratégique pour exploiter de nouvelles
possibilités de croissance à moindre risque ».
Dès lors, on peut discerner dans la problématique de
l’innovation ouverte des questions fondamentales, qui
font d’ailleurs l’objet de recherches dans le cadre de la
Fondation CIGREF : l’association des modèles d’innovation
ouverte à des modes d’organisation spécifiques, le
passage de l’état de concurrence à l’état de
« coopétition » (qui mêle la concurrence et la
coopération entre deux ou plusieurs acteurs), les
risques liés à la protection de la propriété
intellectuelle et industrielle, ou encore les modalités
spécifiques de coordination et de pilotage de
l’innovation ouverte dans un contexte international.
On le voit, l’innovation repose sur une fertilisation
croisée entre les acteurs, liés par des partenariats tout
au long de la chaîne de l’innovation. Le rôle des startup est essentiel dans cette chaîne, en tant que
catalyseur de technologies innovantes. C’est notamment
l’ambition du Pacte PME, lancé en 2005, dans lequel
les grands groupes privés et les établissements publics
s’engagent à faire des efforts en faveur des PME
innovantes. Ils reconnaissent ainsi que ces entreprises
peuvent leur apporter un réel gain de compétitivité.
Si, en amont, l’innovation ouverte stimule l’innovation,
celle-ci est également soutenue par les clients.
115
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les clients deviennent coproducteurs
Les consommateurs constituent en effet une source
précieuse d’idées et d’innovation. On ne compte plus
les exemples de groupes qui font appel à l’intelligence
collective de leurs clients pour améliorer leurs
produits et services. Et l’on sait qu’une communauté
suffisamment structurée, on l’a vu avec l’Open Source,
peut créer ses propres produits. L’idée est de
renverser la chaîne classique qui part du fabricant vers
le consommateur. Les utilisateurs deviennent les
producteurs.
C’est le principe du crowdsourcing, intimement lié au
Web 2.0, dans lequel des passerelles sont établies
entre les entreprises et les consommateurs, les
premières utilisant l’intelligence, l’expérience, la
créativité et les compétences des seconds pour
améliorer leurs offres ou en imaginer de nouvelles.
Tester plutôt qu’étudier
La dynamique des services numériques repose sur
l’innovation, avec la même dynamique d’ouverture. Il
ne s’agit pas uniquement de l’introduction de
nouveaux supports techniques qui améliorent les
processus, les infrastructures ou les terminaux : il
s’agit également du développement de nouveaux
modèles économiques, de systèmes industriels
cognitifs et d’applications efficaces pour les utilisateurs.
116
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
De ce point de vue, les théories actuelles de gestion
de l’innovation affirment que les développeurs
doivent travailler de concert avec les utilisateurs, les
chefs de projet et les divisions métiers stratégiques.
La recherche actuelle dans le domaine des systèmes
d’information démontre également la nécessité
de reconnaître, d’un côté, la dimension non
déterministe, progressive et multicouches de la
technologie (infrastructures, logiciels, réseaux) et, de
l’autre, les interactions et les boucles de retour
permanentes entre les évolutions technologiques et
les usages. La gestion efficace de ces interactions
(suivi des pratiques émergentes, expérimentation
de nouvelles applications, relation étroite entre
développeurs et utilisateurs), offre un potentiel
d’évolution et d’innovation rapides.
Sur ce terrain, les DSI figurent en première ligne.
Selon l’étude menée par le CIGREF en décembre 2009
avec Capgemini Consulting, sur l’information comme
prochain défi pour les entreprises, les fonctions SI
progressent en matière d’innovation. Ainsi, près de
60 % des entreprises intègrent le potentiel SI dans le
processus d’innovation des métiers. De même, 48 %
des fonctions SI ont mis en place un suivi des
innovations technologiques et 41 % des équipes SI
organisent des rencontres avec les utilisateurs des
métiers pour leur présenter les dernières avancées
technologiques.
117
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
De nombreuses entreprises tirent pleinement parti
des innovations venant de l’extérieur.
Par exemple, 41 % des équipes SI organisent des visites
dans d’autres entreprises afin de démontrer la valeur
des nouvelles technologies pour les utilisateurs
métiers, 48 % des fonctions SI suivent l’innovation
technologique et 26 % des entreprises ont un
département dédié de R&D SI. La fonction SI
s’organise
pour
trouver
des
innovations
technologiques capables de créer plus de valeur pour
les métiers.
118
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La responsabilité sociétale
de l’entreprise numérique
Comme toute organisation, l’entreprise numérique
génère des attentes fortes en matière de responsabilité
sociale, environnementale et de respect des individus.
Le respect de la vie privée : une question
cruciale
Les technologies sont davantage pensées par les
entreprises sur un plan technique que sur un plan
organisationnel et humain. La question de l’outil
précède la question des usages. On ne peut donc que
déplorer que la question du respect de la vie privée
soit encore trop souvent considérée comme
secondaire.
Il s’agit de la question la plus importante dans
l’univers en réseau actuel. Tous les systèmes étant
littéralement connectés au Web, les risques
d’intrusion dans des données confidentielles sont très
élevés.
119
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les technologies de détection de la localisation, qui
peuvent indiquer où se trouve une personne,
soulèvent des questions relatives à la vie privée. Elles
pourraient avoir des conséquences lourdes, en
particulier pour les entreprises qui stockent les
données de leurs clients.
Le respect de la vie privée constitue un droit humain
fondamental qui sous-tend la dignité humaine et des
valeurs telles que la liberté d’association et la liberté
de parole. Il est reconnu dans diverses régions et
cultures et protégé par de nombreux traités régionaux
et internationaux. Ces traités garantissent au minimum
l’inviolabilité du domicile et le secret des communications.
L’enjeu est de promouvoir une exploitation éthique
des données personnelles, au sens d’un engagement.
« Il s’agit d’élever la protection des données dans
l’entreprise au rang des valeurs éthiques communes et
partagées et de renforcer l’efficacité concrète des
actions entreprises par les responsables de traitement
pour démontrer leur conformité aux textes juridiques
applicables », explique la CNIL dans ce rapport d’activité
2009.
Défendre le droit à l’oubli
Alex Türk, le Président de la CNIL, a rappelé dans son
dernier rapport d’activité l’impératif d’un « droit à
l’oubli » : « Il est inacceptable et dangereux que
l’information mise en ligne sur une personne ait
120
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
vocation à demeurer fixe et intangible, alors que la
nature humaine implique, précisément, que les
individus changent, se contredisent, bref, évoluent
tout naturellement ».
Le problème se pose en particulier avec les réseaux
sociaux qui proposent quantités de services gratuits,
mais avec une contrepartie : la fourniture de données
à caractère personnel de nature très diverses, allant
jusqu’aux préférences politiques, religieuses, éthiques
ou sexuelles.
Certes, les CNIL européennes demandent aux
exploitants de ces réseaux sociaux de prendre un
certain nombre de mesures de protection. Par
exemple : définir des paramètres par défaut limitant
la diffusion des données des internautes à leur insu,
protéger les mineurs, supprimer les comptes qui sont
restés inactifs pendant une longue période, ou encore
permettre aux personnes, même si elles ne sont pas
membres des réseaux sociaux, de bénéficier d’un
droit de suppression des données qui les concernent.
Il n’empêche : les informations personnelles continuent
de proliférer dans les univers numériques et le droit à
l’oubli doit être réaffirmé avec force.
121
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’accès à Internet pour tous : l’importance
de la neutralité d’Internet
Tim Wu, considéré comme le père de l’expression
« Net neutralité » (en 2006), la définit comme le
principe selon lequel « un réseau public d’utilité
maximale aspire à traiter tous les contenus, sites et
plateformes de la même manière, ce qui lui permet de
transporter toute forme d’information et d’accepter
toutes les applications ».
Ce principe de neutralité des réseaux est aujourd’hui
étendu à d’autres aspects, notamment la neutralité
des contenus, avec des tendances comme l’arrivée
des téléviseurs connectés à Internet, pour diffuser des
contenus présents sur Internet. Parmi les questions
posées figure le choix du mode d’acheminement par
les fournisseurs de services et de contenus.
Le débat sur la neutralité du Net est apparu aux EtatsUnis au tournant des années 2000. Au niveau
européen, un groupe de travail sur la neutralité des
réseaux a été mis en place au sein de l’Organe
des régulateurs européens des communications
électroniques et devait donner lieu à la remise d’un
rapport à la fin 2010.
Internet s’est historiquement développé sur le
principe de neutralité, sans priorisation en fonction
des contenus ou des catégories d’utilisateurs.
122
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Ce principe a favorisé le développement d’une
économie numérique riche en emplois et en recettes
fiscales, avec de nouveaux acteurs. En outre, la
neutralité d’Internet a contribué à la démocratisation
des accès, notamment au haut débit.
Le capitalisme marchand s’est développé par
l’encouragement à la libre circulation des marchandises.
La remise en cause de la neutralité d’Internet
constituerait une entrave sérieuse à l’exercice des
métiers des entreprises. En effet, Internet participe à
la création de valeur pour les entreprises et
l’économie dans son ensemble. Son développement
doit s’effectuer dans des conditions qui garantissent la
pérennité, l’homogénéité et l’universalité du réseau
mondial. Un réseau doit traiter tous les contenus,
sites et plateformes de la même manière. Tous les
acteurs économiques doivent donc pouvoir accéder
aux offres de services et Internet doit garantir le libre
partage des connaissances, des savoirs et de
l’information. C’est la garantie de l’attractivité et de la
compétitivité de nos économies et de nos entreprises.
Bien sûr, le modèle économique des opérateurs, qui
passe par une rentabilisation de leurs investissements
dans les réseaux, doit être préservé. Toutefois, cette
volonté légitime de monétiser le réseau (pour financer
l’Internet mobile, l’Internet des objets, accélérer les
débits…), ne peut pas aboutir à créer une rente
inadaptée pour les opérateurs et les équipementiers.
123
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’idée de l’instauration d’un principe de péage
conduisant à créer un Internet à plusieurs vitesses, en
fonction des volumes, des capacités du réseau, du
temps ou d’autres critères discriminants et remettant
en cause le principe de neutralité d’Internet, doit être
considérée avec prudence.
A terme, le chiffre d’affaires par internaute ne
pouvant augmenter indéfiniment, la charge pèsera de
plus en plus sur les entreprises. Pour les particuliers,
la remise en cause de la neutralité d’Internet
accentuera les inégalités numériques qui sont en voie
de résorption. Et l’on peut craindre que la remise en
cause de la neutralité d’Internet aboutisse à freiner le
développement du e-commerce, à fragiliser les
processus interentreprises (dont beaucoup reposent
de plus en plus sur le cloud computing et l’usage
d’Internet) et la productivité des collaborateurs.
Le monde numérique comme vecteur
des valeurs universelles
L’omniprésence des artefacts d’information, au moins
dans les économies complexes, est aujourd’hui
largement reconnue dans la littérature et dans la
pratique. En parallèle, les relations sociales sont de
plus en plus déconstruites à mesure qu’elles se
centrent sur les individus et qu’elles s’intègrent aux
territoires numériques.
124
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
On constate également l’émergence des formes
horizontales et des marchés locaux en tant que modes
de coordination sociale et économique. Cette
tendance se reflète dans l’émergence de nouvelles
valeurs sociétales et de nouvelles normes de
comportement.
La garantie des libertés individuelles
Cette question est essentielle car elle permet aux
entreprises de concevoir de nouvelles façons de régir
les relations entre individus. Les organisations ne
peuvent pas développer des systèmes d’information
en profonde dissonance avec les mutations actuelles
des pratiques et des normes sociétales.
Plusieurs chercheurs ont souligné le risque de mise
en péril des droits et des libertés, en particulier en
raison de l’utilisation omniprésente du suivi sur
Internet et de la surveillance. La convergence
des nanotechnologies, biotechnologies, des sciences
informatiques et cognitives (NBIC) est une question
très complémentaire à celle-ci. Elle est débattue au
sein des institutions et dans la société, en Europe, aux
États-Unis et dans d’autres grands pays.
On peut aussi citer les risques, pour la liberté
individuelle, liés à l’émergence de l’Internet des objets
(Internet of Things, IoT). Dans sa communication du
18 juin 2009 visant à lever les obstacles à la mise en
œuvre de l’Internet des objets, la Commission
européenne a insisté sur l’importance de deux
125
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
questions essentielles : le respect de la vie privée et la
protection des données personnelles, deux des droits
fondamentaux de l’Union Européenne. Des mesures
adaptées sont attendues dans ces deux domaines.
L’éthique dans un monde numérique
La question de l’éthique est plus complexe que celle
de la réglementation. L’éthique nous indique ce qui
est bien et ce qui est mal dans un contexte spécifique.
Elle comprend bien entendu un élément de variabilité,
géographique, mais également temporelle : ce qui est
bon aujourd’hui ne le sera pas nécessairement
demain. En d’autres termes, de nouvelles formes
d’éthique apparaîtront prochainement. En découle
l’importance des questions sociales et éthiques liées à
l’omniprésence des systèmes et artefacts numériques,
mais aussi la prise en compte de deux dimensions
importantes : le temps et l’espace.
La question éthique a déjà été soulevée d’un point
de vue managérial, par exemple dans les cas de
non-respect de l’espace privé. Naturellement, il
n’existe pas de réponse universelle à ces questions et
les différences géographiques et culturelles peuvent
faire varier les types de normes et de comportements
adoptés.
La question du développement durable
On a désormais coutume de dire que le secteur des
TIC génère à lui seul environ 2 % des émissions
126
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
mondiales de gaz à effet de serre, selon les estimations
du cabinet Gartner. Aujourd’hui, les crises économiques,
écologiques et énergétiques poussent le secteur, ainsi
que les entreprises utilisatrices, à étudier les leviers
pour réduire cette empreinte environnementale.
Le Green IT est ainsi devenu un véritable enjeu pour
les organisations, désormais toutes engagées dans
une démarche globale de développement durable, en
réponse aux attentes des clients, des actionnaires et
des jeunes générations. Le développement durable
est une démarche qui doit trouver sa traduction dans
tous les métiers de l’entreprise. Pour l’entreprise
numérique, cela signifie qu’il faut travailler sur
l’ensemble des ressources numériques : Datacenters,
postes de travail, impressions, mais aussi innover et
travailler en partenariat avec les métiers et les
fournisseurs pour mutualiser les efforts.
Les améliorations peuvent se faire à plusieurs niveaux.
Pour les Datacenters, on peut privilégier la virtualisation,
la rationalisation, la consolidation, le design des
bâtiments. Pour les matériels, il est possible
d’augmenter leur durée d’utilisation, de privilégier la
mise en veille prolongée automatique ou de passer au
client léger selon les utilisations.
127
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Pour les déchets d’équipements électriques et
électroniques, il s’agit de développer les partenariats
avec des sociétés spécialisées, dont le métier est de
les recycler en leur donnant une seconde vie, dans le
respect de l'environnement et en favorisant l'accès à
l'emploi des personnes en situation de handicap. Il
s’agit, plus généralement, de passer du Green IT aux
systèmes d’information écoresponsables. Ce terme
désigne à la fois la dynamique de réduction de
l’empreinte environnementale du numérique et l’usage
des TIC comme levier au service de l’entreprise
durable.
128
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La gestion du changement :
vers l’entreprise numérique
Les technologies de l’information transforment nos
habitudes de travail quotidiennes. Elles les
automatisent en partie, réduisent généralement le
volume de tâches bureaucratiques et améliorent la
coordination. Elles permettent également d’informer
en communiquant des informations plus détaillées,
contextuelles, destinées à la prise de décision individuelle
et à l’intelligence collective. C’est pourquoi elles
contribuent à accélérer les processus organisationnels
et à en optimiser les coûts et la productivité.
La transformation des entreprises :
une réinvention du management
La gestion du changement a toujours été et reste la
pierre d’achoppement de la plupart des projets
technologiques. C’est la principale cause d’échec
des projets informatiques et des stratégies de
transformation des usages mal préparées.
129
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Dans l’entreprise numérique, il s’agit pourtant de
remettre en cause les pratiques existantes pour en
créer de nouvelles. L’entreprise numérique bouscule
les organisations existantes, les pratiques établies, les
hiérarchies sclérosées. Le statut du salarié évolue ainsi
par rapport à son employeur, qui peut être dans un
autre pays ou continent. La notion de subordination
qui exprimait un lien de dépendance très prégnant
avec sa hiérarchie se trouve profondément modifiée.
Le management communément pratiqué dans les
entreprises d’aujourd’hui est issu d’un modèle de
relation hiérarchique pyramidale fondée sur le lien de
subordination. Ceci constitue à la fois notre base
culturelle et nos habitudes de travail. Du fait de cette
culture, chacun utilise les technologies en faisant
essentiellement un usage individuel. Les outils
collaboratifs exigent une culture managériale plus
horizontale, une confiance dans le collectif, un esprit
bienveillant et une réelle expérience du partage et
de la circulation des informations.
L’étude sur « L’efficacité collective » réalisée par
Microsoft en 2006 avait montré que « le discours sur
le potentiel du travail collaboratif et de l’efficacité
collective pour la performance de l’entreprise est
aujourd’hui partagé par tous les acteurs ». Il faut
maintenant faire évoluer profondément les modes de
management.
130
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Développer les compétences numériques
Les évolutions organisationnelles doivent s’accompagner
d’une transformation des compétences numériques.
Le développement des réseaux sociaux sur Internet
montre le besoin de chacun d’échanger, de
communiquer et de partager, et laisse apparaître des
nouvelles structures relationnelles et collaboratives. Si
ces pratiques existent dans l’espace privé, notamment
chez les jeunes publics, les salariés ne développent
pas suffisamment ces pratiques dans leurs entreprises,
et ce, pour des raisons de culture d’entreprise.
Dans le cadre du CEN/ISSS (European Committee for
Standardization / Information Society Standardization
System) et avec le support de la Commission
Européenne, une structure de pilotage nommé ICT
Skills Workshop a été constituée dès 2004 pour définir
et mettre en œuvre un plan d’action visant à
promouvoir les compétences numériques dans
l’Union Européenne. Le CIGREF a activement participé
aux travaux de l’équipe d’experts pour la mise en
œuvre du e‐Competence framework. Cet outil est
suffisamment générique pour être adaptable aux
spécificités des différents pays et aux évolutions
technologiques des années à venir.
L’utilisation de ce référentiel de compétences
européen fournit des bases claires qui peuvent aider
les entreprises à prendre les bonnes décisions
concernant le recrutement, la gestion des carrières, la
131
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
formation ou l’évaluation des personnels. Il effectue
un lien avec les différents référentiels nationaux
et propose une articulation des compétences,
connaissances, et savoir‐faire numériques en phase
avec le cadre de travail de l’entreprise.
Trente-six compétences ont été définies. Elles ont été
réparties dans une structure comprenant quatre
dimensions qui reflètent les différents niveaux de
décision en termes de gestion des ressources
humaines :
1. La première dimension s’articule autour de cinq
domaines de préoccupation directement issus des
processus de l’entreprise : Plan, Build, Run, Enable et
Manage.
2. La deuxième dimension définit un ensemble de
compétences pour chaque domaine, avec une
description générique pour chacune. Les trente-six
compétences identifiées comportent une définition
générique compréhensible par tous les acteurs
européens.
3. La troisième dimension spécifie l’un des cinq
niveaux de maîtrise et de responsabilité de chaque
compétence en phase avec les niveaux trois à huit définis
dans le référentiel de qualification européen (EQF6).
4. La quatrième dimension du référentiel est
réservée aux connaissances (knowledge) et savoirfaire (skills).
132
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
L’éducation et la formation
Outre le développement des compétences adaptées
aux transformations des entreprises, la révolution
numérique conduit à repenser plus globalement les
méthodes pédagogiques d’apprentissage. Les technologies
fournissent l’occasion de construire des nouveaux
dispositifs, par exemple avec les universités numériques.
Le rapport sur les universités numériques, remis en
2007 au ministre de l’Enseignement supérieur, en a
rappelé les deux enjeux majeurs : préparer l’insertion
des étudiants « nés avec le numérique » dans la
société de la connaissance en réseau, et insérer les
universités dans les réseaux numériques de la
connaissance. L’auteur du rapport souligne le fait que
« les universités françaises sont encore trop
faiblement présentes sur l’Internet et dans les réseaux
de partage et d’échange en ligne autour de la
connaissance. Cette absence est porteuse d’un risque
de marginalisation certain au niveau international.
Il convient donc de permettre aux universités de
développer un patrimoine numérique qu’elles
pourront valoriser par la diffusion, le partage et
l’enrichissement croisé selon des modèles qui sont
encore à inventer ». L’objectif est ambitieux puisqu’il
consiste à insérer 100 % des étudiants dans la société
du numérique, ce qui suppose, entre autres,
d’améliorer la formation au métier d’enseignant, de
repenser la production des ressources numériques et
de favoriser l’essor de l’enseignement à distance.
133
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
La stratégie numérique
La stratégie numérique des entreprises s’intègre dans
l’écosystème de celles-ci : elle implique d’abord
toutes les activités, tous les métiers, tous les
managers et tous les collaborateurs des organisations.
Sans distinction ni limite dans la mesure où le
numérique investit tous les espaces de l’entreprise.
Elle implique ensuite tous les partenaires de cet
écosystème numérique. Peut-on imaginer une
entreprise envisageant de faire cavalier seul dans
un monde numérique dont elle ne maîtrise pas toutes
les évolutions majeures ? Probablement pas. Dès lors,
il s’agit d’intégrer les systèmes d’information dans
une stratégie cohérente, pérenne et pertinente du
point de vue de tous les acteurs de l’entreprise.
A nouveau, une entreprise numérique est une entreprise
qui a une vision numérique et un plan numérique
pour toutes les dimensions de son modèle d’affaires.
134
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Impliquer tous les métiers de l’entreprise
L’implication de tous les métiers de l’entreprise
suppose que trois conditions soient réunies. La
première consiste à définir une vision stratégique à
plus ou moins long terme. C’est la mission des
directions générales d’identifier les trajectoires
numériques les mieux adaptées à leurs organisations.
La seconde concerne l’engagement des managers et
de tous les collaborateurs de l’entreprise, sans lequel
une stratégie numérique est vouée à l’échec. La
troisième condition relève de la bonne exécution. Une
stratégie pertinente, une vision largement partagée,
ne pourront se décliner sans une qualité d’exécution,
affaire de tous dans les organisations. Ces trois
conditions sont rendues critiques par l’importance de
l’enjeu du développement compétitif de l’entreprise
numérique.
Impliquer tous les partenaires de l’écosystème
Ces trois éléments (la vision, l’engagement, l’exécution),
s’ils sont évidemment pertinents à l’échelle d’une
entreprise, le sont également à l’échelle de
l’écosystème, qui inclut les partenaires, les soustraitants, voire même les clients. On ne peut en effet
imaginer qu’une stratégie numérique ne soit pas une
affaire partagée et ne se situe pas sur un plan mésoéconomique.
135
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
C’est la condition de sa réussite, notamment si l’on
veut que le numérique investisse tous les pans de
l’écosystème de l’entreprise et toutes les activités,
qu’elles soient commerciales ou non.
De la stratégie des systèmes d’information
à la stratégie numérique
Dans l’entreprise, apprivoiser le numérique suppose
évidemment de faire évoluer les systèmes
d’information. On ne peut concevoir que les ruptures
induites par le numérique soient intégrées par les
entreprises à iso-système d’information. Et toutes
les composantes du système d’information sont
concernées : les composantes classiques (infrastructures
matérielles, logicielles, référentiels) mais aussi les
instruments de pilotage, de gouvernance, de performance.
Le « I » de DSI peut ainsi être symboliquement
remplacé par le « N » de numérique. La stratégie
numérique requiert les mêmes instruments que la
stratégie systèmes d’information : la maîtrise des
technologies, un « schéma directeur numérique », des
outils de pilotage et de mesure de la performance, et,
il va de soi, un engagement fort des directions
générales.
Cela exige une véritable rupture dans les pratiques
actuelles. Depuis de nombreuses années, le concept
d’alignement de la stratégie SI avec la stratégie métier
s’est développé. La stratégie SI venait ainsi
« derrière » la stratégie métier.
136
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
C’est une approche adéquate lorsque les systèmes
d’information ont un rôle support. Ce n’est bien
évidemment pas le cas dans l’entreprise numérique
qui exige que les métiers et les informaticiens
définissent ensemble et en même temps, une seule
stratégie d’entreprise intégrant les aspects
numériques au travers de tous les dimensions du
modèle d’affaires.
Etablir un véritable plan d’action
et d’investissements pluriannuel
Insérer l’entreprise dans le monde numérique ne se
fera pas naturellement. Il faut bien sûr une vision
claire des directions générales, une volonté partagée
par les managers et une capacité d’exécution sans
faille de la part de tous les collaborateurs de
l’entreprise. Mais c’est aussi, et surtout, une affaire
d’investissement. Sur ce terrain, les voies privilégiées
concernent l’adaptation des organisations, la
modernisation des systèmes d’information, l’action
sur la culture d’entreprise et la prise en compte des
évolutions externes. Les investissements des
entreprises doivent être à la hauteur de ces enjeux au
travers d’un plan d’actions pluriannuel.
137
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les dirigeants de l’entreprise
numérique
Les directions générales, les directions métiers et les
directions des systèmes d’information doivent
partager une même vision de l’entreprise numérique.
En effet, toutes les composantes des modèles
d’affaires sont concernées. Insistons sur ce point :
derrière cette notion d’entreprise numérique se
dégage un cadre unifié pour l’ensemble de
l’entreprise. Soyons également convaincus que cette
réflexion ne peut pas être limitée à un certain nombre
de segments de l’entreprise. Il faut qu’elle prenne
l’entreprise dans son ensemble et qu’elle soit un
facteur de cohésion de tous les dirigeants. C’est ainsi
qu’elle produira toute son efficacité.
Dans cette réflexion, le DSI a évidemment un rôle clé
à jouer. Il est le « chef d’orchestre » de la réflexion sur
la stratégie numérique. C’est lui qui doit ancrer les
développements numériques dans les systèmes
d’information d’aujourd’hui pour s’assurer qu’ils se
138
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
déploient de manière cohérente. Le DSI se positionne
en tant que dirigeant dans l’entreprise numérique, car
il est capable de mettre une force de conviction et un
programme de travail pour accompagner les
entreprises, quels que soient leurs secteurs d’activité.
Le DSI a su prendre sa place au sein du comité de
direction : il a appris à construire des relations de
partenariat avec la direction générale et les métiers. Il
est désormais reconnu comme un membre actif
donnant son avis sur tous les sujets. Le dirigeant de la
fonction SI est évalué sur la base de critères
d’évaluation identiques aux autres dirigeants de
l’entreprise.
Le DSI de demain aura donc un profil « hybride »,
combinant des compétences techniques, managériales
et stratégiques, lui permettant de mieux se synchroniser
avec les métiers, de piloter et accompagner le
changement, d’anticiper et développer une vision sur
la manière dont le numérique pourra révolutionner
les métiers de l’entreprise et créer l’avantage
concurrentiel.
Le DSI de demain devra également, avec la direction
générale et les ressources humaines, favoriser la
création de passerelles entre les métiers pour faire
évoluer les « hauts potentiels » de l’entreprise, ouvrir
des horizons et développer le double langage
numérique et métiers.
139
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Le monde numérique est un univers de communication,
d’influence et de leadership. Le DSI se doit d’ancrer
ses pratiques dans la culture numérique. La
communication devient, dès lors, une composante
essentielle, transversale et permanente du métier de
DSI au même titre que la gestion financière, la gestion
de projets, la gestion des ressources humaines, la
gestion du changement.
La démarche d’influence ne se résume pas à des
outils, mais plutôt à une approche proactive,
pragmatique, opportuniste et collaborative selon le
contexte de l’entreprise et les alliances nécessaires.
L’influence doit être vue comme une attitude, une
posture de dialogue interactif et permanent avec les
parties prenantes. Développer le leadership de la
fonction SI dans le monde numérique est l’une des dix
propositions stratégiques du plan CIGREF 2015.
140
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Les enjeux et l’urgence :
incitation à l’action
Reprenons ce qu’écrivait Pierre Lhermitte, Président
Fondateur du CIGREF, dans son ouvrage « le Pari
Informatique » : « Le système informatique apparait
alors inséparable de l’entreprise dans laquelle il
s’implante, modifiant le milieu qui le fait naitre, se
modifiant lui-même en fonction de ce milieu au point
d’en devenir l’une des caractéristiques ».
L’entreprise numérique n’est pas une réelle nouveauté…
Elle existe déjà ! Beaucoup de managers et d’entreprises
travaillent sur des stratégies digitales, réfléchissent
sur le client numérique et prennent des initiatives
ambitieuses. Après quarante années d’informatisation
des processus de gestion, puis des processus métiers,
aujourd'hui l’informatique est devenue plus sociale,
beaucoup plus numérique. Moins centrée sur les
processus, les données structurées, l’informatique
aujourd'hui est aussi orientée vers la collaboration, les
échanges non structurés. Finalement, ce qui est en
jeu, ce sont les échanges humains, la manière dont les
hommes et les femmes tirent parti de ces nouveaux
outils. Cette nouvelle vague a certes une valeur
141
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
extraordinaire, mais à une condition : qu’elle se fasse
sur les fondations solides que sont les systèmes
d'information de nos entreprises et de nos
organisations. Cet ancrage sera fondamental pour que
le numérique développe toute sa valeur.
L’initiative CIGREF 2015 place les systèmes
d’information et leurs usages au cœur de la réflexion
sur l’entreprise numérique. Cette orientation est soustendue par le fait que diriger une entreprise ou une
administration implique la maîtrise de cette
dimension numérique sous tous ses aspects, avec une
vision à 360° pour comprendre les tendances, préparer
l’avenir, innover et maîtriser chaque composante tout
en assurant la cohérence d’ensemble. Il s’agit donc,
dès aujourd’hui, pour les entreprises performantes
d’entrer rapidement au cœur du monde numérique.
A l’occasion de son 40ème anniversaire, le CIGREF
renouvelle son engagement en élargissant la réflexion
à l’ensemble des problématiques du monde numérique
et des transformations d’entreprise qui en découlent.
Avec une finalité clairement établie : inciter les
entreprises à agir. Les enjeux sont connus. C’est une
question de compétitivité de notre économie, de
survie de nos entreprises, d’opportunités sur un
marché mondial de plus en plus tendu. C’est surtout
l’urgence de redynamiser la création d’emplois à
valeur ajoutée pour nos entreprises et nos futures
générations.
142
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Annexes
143
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Annexe I
Le CIGREF
Crée en 1970, le CIGREF est un réseau
de Grandes Entreprises qui a pour
mission de « Promouvoir la culture
numérique comme source d'innovation
et de performance ».
Les membres sont les personnes morales de droit privé ou
de droit public (administrations, organismes publics ou
autres), utilisatrices de systèmes d’information, intéressées
par les buts poursuivis par l'Association.
Le CIGREF a pour objet de :
1. Rassembler les grandes entreprises utilisatrices de
systèmes d'information
2. Accompagner et valoriser les responsables de systèmes
d’information dans l’exercice de leur métier,
3. Développer une vision à long terme de l'impact des
systèmes et technologies de l'information sur
l’entreprise, l'économie et la société
L’ambition du CIGREF pour 2015 !
« Accroître son rayonnement au sein des grandes
organisations en se positionnant comme un
carrefour d’informations, de réflexions, d’échanges
et d’orientations sur l’entreprise au cœur monde
numérique ».
144
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Membres du Conseil d’Administration CIGREF 2010
- Président
- Bruno Ménard (sanofi-aventis)
- Vices- Présidents
- Francis Aaron (Bolloré)
- Renaud de Barbuat (Thales)
- Pascal Buffard (Axa)
- Jean-Marc Lagoutte (Danone)
- Trésorier
- Georges Epinette
(Gpt des Mousquetaires)
- Administrateurs
- Bruno Brocheton (Euro Dysney)
- Jean Chavinier (Pernod Ricard)
- Philippe Courqueux (Cora)
- Michel Delattre (La Poste)
- Régis Delayat (Scor)
- Bernard Duverneuil (Essilor)
- Patrick Hereng (Total)
- Françoise Mercadal-Delasalles
(Société Générale)
- Daniel Urbani (Pôle Emploi)
Equipe permanente
- Délégué général
- Jean-François Pépin
- Directeur de mission
- Chargée de mission
- Chargée de recherche
- Chargée de programme
- Chef de projet
- Assistante de Direction
- Secrétaire de Direction
- Frédéric Lau
- Sophie Bouteiller
- Anne-Sophie Boisard
- Imen Missaoui
- Marie-Pierre Lacroix
- Josette Leman
- Josette Watrinel
Sites Web : www.cigref.fr - www.histoire-cigref.org
145
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Annexe II
La Fondation CIGREF
Crée en 2008, sous égide de la
Fondation
Sophia
Antipolis,
la
Fondation CIGREF a pour mission de :
« mieux comprendre comment le monde numérique
transforme notre vie et nos entreprises ».
Elle mène un Programme International de Recherche,
baptisé ISD « Information Systems Dynamics » dont la
vocation est de comprendre les transformations
émergentes afin d’accroître la valeur et la compétitivité de
nos entreprises, leur potentiel d’innovation, et plus
largement contribuer ainsi au développement économique,
social et humain de notre société.
La Fondation CIGREF bénéficie du mécénat de : Altran Capgemini - Orange Business Services - Microsoft France Société Générale.
Le programme de recherche ISD mené par la Fondation
CIGREF, vise à :
- comprendre les multiples facettes de la dynamique des
usages des systèmes d’information sur le temps long.
- fournir aux grandes entreprises et à l’écosystème IT les
grilles analytiques pour comprendre les enjeux découlant
des mutations en cours.
Le Comité scientifique international est coordonné par
Ahmed Bounfour, Professeur des universités, titulaire de la
Chaire européenne de l’immatériel à l’université Paris-Sud
et rapporteur général du programme.
Site Web : www.fondation-cigref.org/
146
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Annexe III
Les entreprises membres du CIGREF en 2010
 ACCOR
 ACOSS
 ADEO
 AEROPORTS DE PARIS
 AGIRC ARRCO Gie
 AIR FRANCE
 AIR LIQUIDE
 ALCATEL
 ALLIANZ SI
 ALSTOM
 AMADEUS
 AREVA
 ARKEMA
 AUCHAN
 AVIVA
 AXA
 BANQUE DE FRANCE
 BNP PARIBAS
 BOLLORÉ
 BOUYGUES
 BOUYGUES TELECOM
 BPCE
 BUREAU VERITAS
 CAISSE DES DÉPÔTS
 CANAL +
 CARREFOUR
 CCMSA
 CEA
 CG92
 CIE de SAINT-GOBAIN
 CHANEL
 CHOREGIE
 CLUB MEDITERRANNEE
 CNAF
 CNAM-TS
 CNAV-TS
 CNES
 CNP
 CORA
 COVEA (MAAF-MMA-AZUR GMF)
 CRÉDIT AGRICOLE SA
 DANONE
 DARTY
 DASSAULT AVIATION
 DCNS
 DGME
 EDF
 ELIOR
 ESSILOR
 EURO DISNEY
 EURO INFORMATION
 FAURECIA
 FRANCE TÉLÉCOM
 FRANCE TELEVISIONS
 GAN GROUPAMA
 GDF SUEZ
 GEMALTO
 GENERALI
 GEODIS
 GIP MDS
 GROUPE ERAMET
 GPT DES MOUSQUETAIRES
 INRIA
 INSERM
 JC DECAUX
 L’ORÉAL
147
CIGREF
 LA FRANÇAISE DES JEUX
 LA POSTE
 LAFARGE
 LAGARDERE
 LASER-COFINOGA
 LVMH
 LYONNAISE DES EAUX
 MACIF
 MAIF
 MANPOWER
 MATMUT
 MAZARS
 Mc DONALD'S FRANCE
 MICHELIN
 MINISTÈRE DE LA DEFENSE
 MINISTÈRE de L’ÉCONOMIE
 MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR
 NEXANS
 NEXTER GROUP
 NORBERT DENTRESSANGLE
 OCP
 OSEO
 PERNOD-RICARD
 PMU
 POLE EMPLOI
 PPR
 PSA PEUGEOT CITROËN
 RADIO FRANCE
 RANDSTAD
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
 RATP
 RENAULT SA
 RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE
 REXEL
 RHODIA
 RSI
 RTE
 SAFRAN
 SANOFI AVENTIS
 SANOFI PASTEUR
 SAUR
 SCOR
 SFR SI
 SMABTP
 SNCF
 SODEXO
 SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
 SPERIAN PROTECTION
 STEF-TFE
 SYSTALIANS
 TDF
 TECHNIP
 THALES
 TOTAL
 VALEO
 VALLOUREC
 VEOLIA ENVIRONNEMENT
 VINCI
 YVES ROCHER
148
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Annexe IV
Références
Publications CIGREF
Les publications CIGREF sont disponibles sur les sites
www.cigref.fr et www.fondation-cigref.org
Autres références
 ARCEP (Autorité de régulation des communications
électroniques et des postes), Neutralité de l’internet et des
réseaux, Propositions et recommandations, septembre
2010
 Boston Consulting Group, 2009 BCG Global Challengers,
2009
 Boston Consulting Group, Innovation 2009, Making Hard
Decision in the Downturn, 2009
 BVA, GENE-TIC, Regard sur la première génération
numérique, 2010
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CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Sites
http://epp.eurostat.ec.europa.eu
www.arcep.fr
www.cigref.fr
www.cnil.fr
www.cxp.fr
www.fevad
www.fevad.com
www.fondation-cigref.org
www.forrester.com
www.gartner.com
www.gfk.fr
www.idc.com
www.ifop.fr
www.markess.fr
www.mediametrie.fr
www.oecd.org
www.orange.com/institute
www.pac-online.com
www.performics.com
www.publishers.org
www.strategie.gouv.fr
www.weforum.org
151
CIGREF
L’ENTREPRISE NUMERIQUE
Bruno Ménard, Président du CIGREF et de la
Fondation CIGREF, d’octobre 2008 à octobre
2011.
Diplômé de Sup de Co Lille, titulaire d’une
maîtrise de finance, Bruno Ménard est entré
chez sanofi-aventis en 1987.
Après plusieurs expériences en France et aux Etats-Unis, il
est affecté à Singapour, puis à Manille, en tant que
Directeur général. En 1998, il intègre l’équipe de direction
de l’organisation commerciale du groupe en France. Depuis
2001, il est vice-président, systèmes d’information, pour le
groupe sanofi-aventis.
Le CIGREF est un réseau de 120 Grandes Entreprises qui a
pour mission de « Promouvoir la culture numérique comme
source d'innovation et de performance ». A l’occasion de
ème
son 40 anniversaire, le CIGREF présente la vision de son
plan stratégique 2015 : l’entreprise numérique.
« …Cet ouvrage propose aux dirigeants une première
réflexion sur l’entreprise dans le monde numérique, avec
une grille de lecture les incitant à agir et développer des
stratégies numériques ambitieuses. C’est une opportunité
unique d’innovation et de croissance dans un marché
mondial de plus en plus compétitif.
C’est surtout l’urgence de redynamiser la création d’emplois à
valeur ajoutée pour les entreprises et les futures
générations…».
Bruno Ménard
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