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LE POINT SUR... Bénéfice cardio-vasculaire d’un bon contrôle glycémique du diabète de type 2 l’étude VADT à 10 ans change la donne Bernard Charbonnel, Université de [email protected] l est habituel de dire qu’un contrôle glycémique strict n’a finalement pas grand intérêt pour prévenir ou stabiliser les complications cardiovasculaires du diabète de type 2, sur le vu des résultats des 4 grandes études d’événements qui posaient précisément cette question, UKPDS, ACCORD, ADVANCE et VADT. Dans ces 4 études, qui comparaient un contrôle glycémique dit standard à un contrôle glycémique strict, le critère primaire de morbi-mortalité cardio-vasculaire ne montrait pas de différence significative entre les 2 niveaux de contrôle glycémique. D’où la conclusion, à vrai dire un peu rapide : un bon contrôle glycémique du diabète de type 2 prévient les complications microvasculaires de la maladie (rétinopathie – néphropathie…) mais n’est pas bien important pour ce qui représente pourtant la principale cause de morbi-mortalité de la maladie, à savoir le risque cardiovasculaire. À cet égard, c’est contrôler les autres facteurs de risque (lipides – hypertension artérielle…), à vrai dire presque constamment associés dans ce qu’il est convenu d’appeler le syndrome métabolique, qui importe. VADT Veterans Affair Diabetes Trial L’étude VADT vient de publier ses résultats après 10 ans de suivi et, très clairement, même si le débat reste ouvert, ces résultats permettent de « revisiter » les conclusions un peu hâtives qu’on avait jusqu’alors proposées. L’étude VADT, publiée en 2009 (1), avait recruté 1791 vétérans américains, de 60 ans de moyenne d’âge, avec 11.5 années de recul de la maladie diabétique, un très mauvais contrôle glycémique lors du recrutement (HbA1c à 9,4 %) et, dans plus de 40 % des cas, des complications cardio-vasculaires constituées. Ces patients ont été randomisés vers une stratégie hypoglycémiante intensive (n=892) ou conventionnelle (n=899). Assez logiquement, pour ce niveau de déséquilibre initial et pour cette durée de diabète, la plupart des patients étaient ou ont dû être mis sous insuline, en particulier dans le bras intensif : 95 % des patients (70 % dans le bras conventionnel). L’insuline était associée à différents traitement par voie orale, en premier lieu la rosiglitazone, suivie de la metformine et du glimépiride, bref un traitement lourd, logiquement plus lourd dans le bras intensif que dans le bras conventionnel. Moyennant quoi, l’HbA1c a été bien réduite, de façon stable pendant toute la durée de l’étude, à 6,9 % dans le bras intensif vs 8,4 % dans le bras conventionnel, différence importante de 1,5 %. La quasi-totalité des patients était sous antiagrégants,et sous statines et avait une pression artérielle bien contrôlée. Le critère primaire était un composite associant mortalité cardio-vasculaire, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, insuffisance cardiaque et différents gestes de revascularisation. Au terme de l’étude, d’une durée moyenne de 5,5 ans, ce critère primaire était réduit de 12 %, mais cette réduction n’était pas significative (à noter le nombre des patients <2000, ce qui limitait la puissance de l’étude…). La mortalité toutes causes était similaire dans les deux bras. Après la fin de l’essai clinique proprement dit, comme dans UKPDS et ADVANCE, les patients ont été suivis, en utilisant une base de données centralisée pour les événements « durs » (92,4 % des patients) et en collectant d’autres données par des questionnaires annuels (77,7 % des patients). Les résultats de ce suivi, au total sur à peu près 10 ans (en tenant compte des années de l’essai clinique), viennent d’être publiés (2). A la fin des 5.5 années de l’essai clinique, la différence HbA1c entre les deux bras initiaux de l’étude s’est ensuite réduite, avec une remontée de l’HbA1c dans le bras initialement intensif, à 7,8 % au terme de la première année de suivi, tandis que l’HbA1c restait à peu près stable dans le bras initialement conventionnel, à 8,3 %. Il n’en reste pas moins qu’a persisté une différence entre les deux bras, de 0,5 % la première année du suivi puis de 0,2 à 0,3 % pendant les 3 ans après la fin de l’essai, différence de contrôle glycémique qui n’a réellement disparu qu’à la fin du suivi. SEPTEMBRE 2015 18 CORDIAM Le critère primaire, un composite d’événements cardiovasculaires « durs », infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, insuffisance cardiaque, amputation pour gangrène ischémique, mort cardio-vasculaire, a été significativement réduit au terme des 10 ans de suivi de 17 % (HR : 0.83 ; 0.70 à 0.99). Cela représente 8,6 événements cardio-vasculaires majeurs prévenus pour 1000 patient-années, ou encore un événement prévenu pour 116 patient-années. La mortalité cardio-vasculaire a été réduite, mais de manière non significative, de 12 %. La mortalité toutes causes a été identique dans les deux groupes. (Tableau 1) Ce résultat permet sans doute, ce que font d’ailleurs les auteurs dans leur discussion, de « revisiter » les résultats des quatre grandes études d’événements (UKPDS – ACCORD – ADVANCE – VADT) ayant évalué si une diminution glycémique présentait ou non un bénéfice cardio-vasculaire. Tel était en effet la question posée par ces quatre études, au dessin très similaire, à savoir comparer 2 niveaux d’HbA1c quels que soient les moyens thérapeutiques utilisés, généralement l’addition de nombreux antidiabétiques et d’insuline, surtout dans le bras intensif. Autrement dit, ces études n’évaluent pas l’efficacité ou la sécurité de chacune des médications antidiabétiques utilisées. Rappelons qu’il ne faut donc pas confondre ces quatre études avec celles qui posent une question toute différente : une médication antidiabétique donnée présente-t-elle une bonne sécurité, comparée à un placebo, sans différence ou mineure d’HbA1c entre les deux bras, c’est le cas de ProActive pour la Pioglitazone, ORIGIN pour l’insuline Glargine, SAVOR, EXAMINE et TECOS pour les DPP4-inhibiteurs, ELIXA pour le Lixisenatide (un analogue du récepteur du GLP1 de courte durée d’action)… On voit que, finalement, les quatre études sont bien concordantes en faveur du traitement intensif. UKPDS UK Prospectiv Diabetes Study L’étude UKPDS (environ 4000 patients nouvellement diagnostiqués) a montré une réduction du risque d’infarctus du myocarde de 16%, à la limite négative de la significativité à 10 ans, puis significative durant le suivi, suivi qui a été très long et a également objectivé une réduction de la mortalité. Dans l’UKPDS, la différence d’HbA1c entre les deux bras a été modérée, de 0,9 %, différence qui a imdisparu à la fin de l’étude, raison pour laquelle on a invoqué, pour expliquer le bon résultat au-delà de 10 ans, « une mémoire glycémique »… Cela dit, pour une étude sur un nombre relativement limité de patients et avec une différence modérée d’HbA1c, ce bon résultat se dessinait nettement en fin d’essai, autrement dit sans qu’il soit nécessairement besoin de faire appel à ce concept de mémoire glycémique. ACCORD Action to Control CardiOvascular Risk in Diabetes ACCORD (plus de 10 000 patients, avec plus de 10 ans de durée moyenne de diabète et souvent des complications déjà constituées) : avec une différence d’HbA1c entre les deux bras relativement importante de 1,1 %, a été observée une réduction significative du risque d’infarctus du myocarde de 24 % après les 3.5 années de l’étude, étude interrompue à ce moment-là du fait d’un excès de mortalité. Cette surmortalité vient bien sûr, et légitimement, occulter le possible bénéfice coronarien. Cet excès de mortalité n’a été observé que dans ACCORD, pas dans les 3 autres études, et a été mis sur le compte d’une thérapeutique trop agressive (3), additionnant en excès les médications antidiabétiques chez des patients « non répondeurs » à des combinaisons thérapeutiques habituelles. Le sur-risque d’hypoglycémies sévères dans le bras intensif a peut-être aussi joué un rôle dans la surmortalité. EFFETS DU CONTROLE INTENSIF DE LA GLYCEMIE SUR LE TAUX D'EVENEMENTS CARDIOVASCULAIRES MAJEURS ET LA MORTALITE - Le critère primaire était le délai de survenue du 1er évènement cardiovasculaire majeur, critère composite associant infarctus, AVC, insuffisance cardiaque congestive nouvelle ou aggravée, amputation d'un membre pour gangrène, ou décès de cause cardiovasculaire Critères Traitement standardCritères Critères HR P 0,04 Evènements Taux Evènements Taux nombre de patients total pour 1000 personnes-année nombre de patients total pour 1000 personnes-année Critère primaire d'évènement cardiovasculairer majeur Critères secondaires Décès d'origine cardiovasculaire Décès toutes causes 288/688 52,7 253/703 44,1 0,83(0,70-0,99) 83/818 11,3 74/837 10,0 0,88(0,64-1,20) 0,42 258/818 30,3 275/837 32,0 1,05(0,89-1,25) 0,54 Tableau 1 - Étude VADT CORDIAM SEPTEMBRE 2015 19 LE POINT SUR... ADVANCE Action in Diabetes and Vascular Disease ADVANCE (plus de 10 000 patients, avec plus de 10 ans de durée moyenne de diabète et souvent des complications déjà constituées, mais avec un diabète au départ peu déséquilibré à 7.5% d’HbA1c ce qui explique qu’il n’a pas fallu de thérapeutiques aussi agressives que dans ACCORD pour obtenir un contrôle strict) : aucune différence de morbimortalité cardio-vasculaire entre les deux bras, ni à la fin de l’étude, ni après 10 ans de suivi. Il y a une grosse différence entre ADVANCE et les trois autres études, la faible différence d’HbA1c entre les deux bras. À la fin de l’étude, cette différence était de 0,67 % (6,5 vs 7,3%) mais l’intensification thérapeutique a été très progressive dans ADVANCE et la différence d’HbA1c a finalement été minime pendant les premières années de l’étude, pour n’être supérieure à 0,4 % que pendant environ deux ans… Pendant le suivi, cette différence a immédiatement disparu. Autrement dit, résultat négatif, mais pour une bien faible différence d’HbA1c sur le temps entre les deux bras, ce qui limite évidemment les conclusions puisque la question même posée par ces études repose sur une différence suffisante d’HbA1c. VADT ressemble à ACCORD, même type de population, même type de thérapeutique, mais avec une différence plus importante d’HbA1c, de 1,5 % pendant l’étude et qui s’est maintenue, même si à un moindre degré et en s’atténuant progressivement, pendant au moins 3 à 4 années du suivi. Un bénéfice cardio-vasculaire a été observé, sans surmortalité. Conclusions Dès lors, les conclusions provisoires qu’on peut proposer en 2015 sur cette question centrale du bénéfice cardio-vasculaire de la réduction glycémique dans le diabète de type 2, sont les suivantes : • la réduction glycémique prévient les complications cardio-vasculaires du diabète de type 2, à condition qu’il s’agisse d’une réduction glycémique suffisante, de l’ordre de 1 % ou plus de baisse d’HbA1c; • ce bénéfice prend un peu de temps, mais moins que ce qu’on avait tendance à dire, de l’ordre de 5 ans, ce qui correspond bien à ce que l’on connaît de la physiopathologie des complications du diabète (entre autres, le rôle de la glycation des protéines…), • sans qu’il soit besoin de faire appel au concept vague de « mémoire glycémique », sauf dire que ce bénéfice se maintient dans le temps; • contrairement à ce qui était suggéré jusqu’alors, ce bénéfice ne se limite pas aux patients nouvellement diagnostiqués et sans complications mais s’observe chez tous les patients, y compris les patients avec une durée de diabète importante et des complications déjà constituées; • la leçon de ACCORD est de dire qu’il ne faut pas additionner inconsidérément toutes les thérapeutiques disponibles lorsqu’un patient répond mal au traitement, mais plutôt analyser au cas par cas les raisons de cette résistance au traitement. Une approche cardiologique du diabète de type 2 ne doit donc pas se limiter, comme on l’entend parfois à tort, à prescrire une statine et à contrôler l’hypertension artérielle, elle doit également comporter le contrôle glycémique strict et donc avoir pour objectif, du moins pour une majorité des patients et avec si possible des stratégies thérapeutiques limitant le risque hypoglycémique, une HbA1c ≤ 7%. Conflits d’intérêts : Bernard Charbonnel has received fees for consultancy, speaking, travel or accommodation from: AstraZeneca, Bristol-Myers-Squibb, Boehringer-Ingelheim, Janssen, Lilly, Merck-Sharpe & Dohme, Novartis, Novo-Nordisk, Sanofi, Takeda. Références 1: Glucose Control and Vascular Complicationsin Veterans with Type 2 Diabetes William Duckworth, M.D., Carlos Abraira, M.D., Thomas Moritz, M.S.,Domenic Reda, Ph.D., Nicholas Emanuele, M.D., Peter D. Reaven, M.D.,Franklin J. Zieve, M.D., Ph.D., Jennifer Marks, M.D., Stephen N. Davis, M.D.,Rodney Hayward, M.D., Stuart R. Warren, J.D., Pharm.D., Steven Goldman, M.D.,Madeline McCarren, Ph.D., M.P.H., Mary Ellen Vitek, William G. Henderson, Ph.D., and Grant D. Huang, M.P.H., Ph.D., for the VADT Investigators N Engl J Med 2009;360 - 71 2: Follow-up of Glycemic Control and Cardiovascular Outcomes in Type 2 Diabetes Rodney A. Hayward, M.D., Peter D. Reaven, M.D., Wyndy L. Wiitala, Ph.D.,Gideon D. Bahn, Ph.D., Domenic J. Reda, Ph.D., Ling Ge, M.S.,Madeline McCarren, Ph.D., William C. Duckworth, M.D.,and Nicholas V. Emanuele, M.D., for the VADT Investigators N Engl J Med 2015;372:2197-206. 3:Epidemiologic Relationships Between A1C and All-Cause Mortality During a Median 3.4-Year Follow-up of Glycemic Treatment in the ACCORD Trial MATTHEW C. RIDDLE, MD, WALTER T. AMBROSIUS, PHD, DAVID J. BRILLON, MD, JOHN B. BUSE, MD, PHD, ROBERT P. BYINGTON, MPH, PHD, ROBERT M. COHEN, MD, DAVID C. GOFF, JR., MD, PHD, SAUL MALOZOWSKI, MD, PHD, KAREN L. MARGOLIS, MD, MPH, JEFFREY L. PROBSTFIELD, MD, ADRIAN SCHNALL, MD, ELIZABETH R. SEAQUIST, MD,FOR THE ACTION TO CONTROL CARDIOVASCULAR RISK IN DIABETES (ACCORD) INVESTIGATORS Diabetes Care 33:983–990, 2010 SEPTEMBRE 2015 20 CORDIAM