Le groupe de parole
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Le groupe de parole
Les difficultés de compréhension entre personnes en situation de précarité et le système sanitaire Geneviève ESPINASSE, Annie HASENFRATZ, La Boussole -PASS de Strasbourg _________________________________________________________________________________ En avril 2009, suite à une formation, les assistantes sociales de la Permanence d’Accès aux soins de santé des Hôpitaux de Strasbourg, et de Médecins du Monde ont décidé de créer un groupe de parole pour femmes en situation de précarité, d’isolement ou de vulnérabilité ayant recours à l’un de ces deux dispositifs dans le cadre d’une problématique de santé et d’accès aux soins. Cette action collective s’inscrit dans les missions d’assistantes sociales au sein de nos structures respectives (développer l’autonomie des personnes et favoriser leur insertion sociale) et s’appuie sur le présupposé que ces femmes ont un savoir et des compétences issues de leurs expériences de vie. A donc été mis en place un groupe de parole ouvert à des femmes, ayant comme objectif d’offrir un temps et un lieu de parole pour sortir de l’isolement et de replacer ces femmes en situation d’actrices de leur vie. Les réunions du groupe ont lieu les jeudis à la PASS de l’hôpital civil de Strasbourg, accueillent en moyenne de 5 à 15 personnes de 14h à 17h, se terminent par un goûter convivial. Les femmes accueillies sont célibataires, accompagnées d’enfants ou enceintes. Elles sont souvent sans ressources et hébergement stable, dépendantes des aides trouvées auprès de compatriotes/amis, d’associations/professionnels. Lors des rencontres, différents thèmes sont abordés à partir des histoires de vie (violences conjugales/familiales/politiques, relations homme-femme/aux enfants, parentalité, hébergement et travail, relations de dépendance à l’hébergeant, l’avenir, la santé). Aucun contrat ni obligation, si ce n’est le respect des règles du fonctionnement du groupe de parole, n’est exigé pour se joindre au groupe qui reste ouvert et libre. A partir de la demande des femmes, des activités diverses ont été mises en place : deux repas festifs et solidaires par an et une sortie au marché de Noël de Strasbourg ; une activité aquagym/piscine tous les mercredi aux Bains Municipaux de Strasbourg ; des ateliers d’informations/prévention sur la santé avec invités ( association, professionnels de santé, etc.) sur des thèmes variés en lien avec la santé ; des ateliers accès aux droits et rencontres de partenaires ; un atelier photo avec une photographe (travail sur l’image de soi). Ces actions s’inscrivent dans la promotion de la santé et la prévention. Après plus de trois années de pratique, les effets bénéfiques du groupe et des ateliers sont constatés, tant pour les femmes qu’au niveau de l’accompagnement social. En effet le groupe a des fonctions d’étayage et de soin, en garantissant un cadre par le respect des règles de fonctionnement, est offert la possibilité à ces femmes de sortir du sentiment d’être dépossédées de leur vie et ainsi de se réapproprier leurs choix et parcours de vie ; de prévention de la santé physique par le biais des ateliers santé qui permettent de mieux tenir compte de l’environnement, d’apporter des explications et par conséquent une meilleure compréhension de notre système de soin et d’apporter des réponses adaptées, réponses que les femmes peuvent plus facilement s’approprier ; de prévention de la santé psychique pour maintenir et consolider leur identité en valorisant l’image de soi (souvent très abîmée) et lutter contre les souffrances psychiques et symptômes dépressifs ; de soutien à la parentalité car, très souvent, ces femmes élèvent seules leur enfant. Un travail de partenariat est effectif avec une micro-crèche associative « le petit Home ». Constat : ce qui se joue et se travaille dans le groupe et les ateliers soutient ces femmes dans une démarche d’appropriation de leurs vies (décider pour soi, se projeter dans l’avenir) et de leurs droits. Leur inscription en tant que femme et citoyenne dans la société française est ainsi facilitée. La participation de certaines d’entre elles à un colloque « du sexisme aux violences sexuelles » organisé par la ville de Strasbourg et leur prise de parole en public en est une illustration récente. Ce groupe permet la création d’un réseau de solidarité et d’entraide à leur initiative (échange d’adresses pour des emplois, gardes mutuelles d’enfants, etc.). Plusieurs d’entre elles ont, à ce jour, trouvé un emploi et un logement et retissé un réseau social. Ainsi en 2013, 40 femmes se sont inscrites de manière régulière dans ce groupe et ont participé aux différentes activités. Ce groupe permet également aux assistantes sociales concernées de mieux appréhender et comprendre le parcours des usagers de la PASS, ainsi que de leur contexte de vie. L’identification des obstacles/difficultés dans les parcours de soin s’en trouve facilitée, de même que le repérage des incompréhensions entre ces personnes et le monde médical ou le système sanitaire. Les ateliers santé organisés montrent dans l’après coup à quel point, il est difficile pour de nombreuses personnes de comprendre tous les enjeux du soin et du traitement, d’oser poser des questions quand elles ne comprennent pas le discours médical, de rester actrices de leur santé. Nous constatons chez ces personnes une grande méconnaissance de leur corps, ainsi qu’une grande méconnaissance du fonctionnement du milieu médical, du milieu hospitalier qui génère des difficultés d’adhésion ou d’application des soins et traitements. Il est intéressant de s’interroger également sur l’effet miroir constaté au niveau des soignants et médecins face à ces publics, relatif à la méconnaissance et l’incompréhension de leurs conditions de vie, de leur parcours, de leurs difficultés, à l’origine d’inadéquation dans les prises en charge proposées (exemple : traitements prescrits impossible a prendre sans hébergement stable…) C’est dans ce contexte que nous avions pensé recueillir le témoignage de ces femmes, concernant les difficultés et obstacles qu’elles rencontrent dans leurs démarches de soin, la compréhension et les attentes qu’elles ont des dispositifs de soin et ce qui, d’après elles, pourraient faciliter leur accès aux soins, ou plus simplement leur accès à la santé, et en faire un petit film. Cependant ce film n’a pu aboutir pour différentes raisons -dont la principale est le départ de la co-animatrice du groupe- . C’est pourquoi nous vous présenterons à l’oral le résultat des entretiens menés dans le groupe.