350JKMAGAZINE_56-58 JIMI HENDRIX

Transcription

350JKMAGAZINE_56-58 JIMI HENDRIX
ELECTRIC
LADY
STUDIOS
Vus par
EDDIE
KRAMER
- JBM : Après tout le temps que vous avez
passé en studio et ailleurs avec Jimi Hendrix,
quel est votre opinion de lui ?
- Eddie Kramer : Depuis le début, j’étais très
proche de Jimi, à l’intérieur de son cercle de
travail. Pourtant, plus de 50 ans plus tard, avec
le recul et un regard objectif, mon respect pour
lui a encore augmenté. Ma principale fonction
était d’être son co-conspirateur pour capter
sur bande sa créativité, dont le résultat final
était impossible à imaginer lorsque nous avons
commencé. Alors que j’étais conscient de
ses influences, il y avait des aspects de son
travail que je ne connaissais pas et que je n’ai
découverts qu’au fil du temps. Par exemple
la profondeur complexe de sa préparation
avant les séances d’enregistrement. Je m’en
suis rendu compte après sa mort en lisant ses
notes concernant les titres qu’il allait mettre en
boîte, comment il concevait leur son et la façon
dont ils devaient fonctionner. Ses idées étaient
extrêmement précises, beaucoup plus que je
ne le pensais au moment des séances. Je me
souviens avoir écouté Jimi dans la pénombre
de la salle de contrôle d’Electric Lady pendant
l’été 1970, alors qu’il me décrivait son concept
d’Electric Church Music, ce que c’était vraiment
et quels en étaient les composants. Bien
entendu, une bonne partie de ce qu’il me disait
à cet instant passait loin au-dessus de ma tête
et de mes capacités de compréhension, et je me
demandais comment j’allais bien pouvoir l’aider
à réaliser ce but auquel il était si profondément
attaché. Il ne reste de cette œuvre majeure
que des éléments incomplets, puisqu’il n’a
jamais pu terminer l’album « New Rays Of The
New Rising Sun » et c’est l’un de mes grands
regrets, bien que j’aie par la suite essayé d’être
fidèle à ses idées originales en suivant au plus
près ses indications écrites.
- Que faisiez-vous avant d’enregistrer l’Experience ?
- Avant cela j’avais fait mon apprentissage
d’ingénieur du son à Advision en 1963, puis
chez Pye, de fin 1963 à 1965, où j’ai enregistré
Eddy Mitchell (album « Eddy In London »),
Sammy Davis Jr., puis travaillé avec Shel Talmy
sur les disques des Kinks. Ensuite je suis passé
à KPS qui a été racheté par Regent Sound et
je me suis retrouvé à Olympic sous la tutelle
des producteurs Glyn Johns et Jimmy Miller.
On était les principaux concurrents d’Abbey
Road. Il y avait les plus grands groupes qui y
56
enregistraient, les Rolling Stones, plus tard
les Beatles pour « All You Need Is Love » et
« Baby, You’re A Rich Man ». Nous étions deux
ingénieurs du son à Olympic, Terry Miller et moi.
Je ne sais pas pourquoi, mais c’est toujours à
moi que l’on assignait les groupes au son le
plus bizarre !
- Quand avez-vous commencé à travailler
avec Jimi Hendrix Experience ?
- En 1967. J’étais le choix évident pour ce trio
étrange que Chas Chandler avait assigné à
Olympic. Mon tout premier souvenir est d’avoir
vu Gerry Stickell monter les escaliers avec un
Marshall 4 x 12 sur le dos en grommelant : Où
est-ce que je mets ça ? Je lui ai indiqué le studio
A et il est redescendu pour revenir plusieurs fois
avec d’autres amplis tout aussi lourds. Jimi
est arrivé et il m’a demandé comment j’allais
Pour le 45e anniversaire
des studios Electric
Lady à New York, qui
mieux qu’Eddie Kramer,
ingénieur du son de Jimi
Hendrix, puis des studios,
pouvait retracer la
naissance de cet endroit
devenu légendaire, lié
éternellement à Jimi
Hendrix ?
l’enregistrer. Je lui ai dit : En 4-pistes. La batterie
en stéréo sur deux pistes, la basse sur une piste,
la guitare sur une autre et les voix en stéréo sur
les quatre pistes. Il a insisté pour que la guitare
soit aussi sur quatre pistes, comme les voix. Il
était habitué aux 8-pistes comme aux USA. Le
premier titre que l’on a fait ensemble était « The
Wind Cries Mary », la face A de son troisième
simple. Puis on a enregistré les morceaux de son
premier 33 tours, « Are You Experienced », qui
n’avait pas encore de titre à ce moment-là.
- Quand Jimi vous a-t-il parlé pour la première
fois de son projet de construire son propre
studio ?
- En 1968. Nous avons enregistré l’album « Axis
: Bold As Love » à Olympic puis on a débuté
« Electric Ladyland », avant de partir au Record
Plant à New York. C’est avant ces séances
qu’il a commencé à en parler. Il voulait son
studio avec toute la technique imaginable et un
environnement qui lui permettrait de varier les
lumières suivant le morceau qu’il enregistrait.
- Comment s’est passée l’élaboration des
studios Electric Lady ?
- L’inspiration première d’Electric Lady était
The Scene, le club de Steve Paul, manager de
Johnny Winter. Jimi y passait tout son temps libre
et appréciait l’ambiance free and easy, avec des
visiteurs comme les Doors, Jefferson Airplane,
Traffic, Steve Stills. Avec son manager Mike
Jeffrey, ils ont décidé de nommer Jim Marron,
qui s’occupait de The Scene, comme directeur
des studios Electric Lady. Il connaissait bien New
York. Ils avaient acheté le Generation Club, mais
la ville refusait le permis de le transformer en
studio. Il a même été question un temps d’opter
pour le Max’s Kansas City. Mais, après plusieurs
tentatives, Jeffrey & Marron ont finalement
acquis le Village Barn Nightclub, un caveau
d’artistes de 1930 à 1967, où l’expressionniste
abstrait Hans Hoffman organisait des lectures.
Les plans pour bâtir le studio ont été établis
par le jeune architecte John Storyk. Il l’a conçu
en rondeurs comme un vaisseau spatial, sans
angles aigus. Storyk avait déjà créé le Cerebrum
à South Hoboken, un multi-médias show en trois
dimensions. Originellement, Mike Jeffrey l’avait
contacté pour construire un club, mais Jimi a
décidé, en ma présence, que le moment était
venu de s’occuper de son propre studio et John
Storyk a refait les plans en fonction de cela. Jim
Marron m’a nommé ingénieur du studio, sans
savoir que je travaillais avec Jimi Hendrix depuis
le début. Une heureuse coïncidence dans ce
cas-là. Ce qui l’était moins, c’étaient les sommes
folles englouties dans la conception : un coup
d’œil au nom des clients et les entrepreneurs
augmentaient le devis ! Pour cette raison, Jimi
était obligé de tourner au maximum pour injecter
des fonds dans le projet. Je pense que cela a
généré l’état d’épuisement qui était le sien
au moment de sa disparition, et il ne pouvait
pas consacrer tout le temps qu’il voulait à la
préparation de son album « New Rays Of The
New Rising Sun ».
- La première fois que vous êtes allé à Electric
Lady, comment était-ce ?
- Incroyable et incomplet. D’ailleurs le studio n’a
jamais été terminé totalement du vivant de Jimi.
Mais c’était quand même superbe : l’escalier
recouvert de moquette menait à une miniréception entourée d’un sofa circulaire en forme

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