Fiche support pour le cours sur l`art

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Fiche support pour le cours sur l`art
Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ?
Les jugements esthétiques sont-ils le simple signe d’une volonté de distinction sociale ?
« Devant une photographie de mains de vieille
femme, les plus démunis expriment une émotion plus
ou moins conventionnelle ou une complicité éthique
et jamais un jugement proprement esthétique (sauf
négatif) : « Oh dites donc, elle a les mains drôlement
déformées […]. Y a un truc que je ne m’explique pas
(la main gauche) : on dirait que le pouce va se détacher de la main. La photo a été prise drôlement. La
grand-mère, elle a dû travailler dur. On dirait qu’elle
a des rhumatismes. Oui, mais elle est mutilée cette
femme-là ou alors, elle a les mains pliées comme ça
(fait le geste) ? Ah ! C’est bizarre, oui, ça doit être ça,
Russell LEE
sa main est pliée comme ça. Ah ! ça ne représente pas
Hands of Old Homesteader, Iowa (1936)
des mains de baronne ou de dactylo […] Bah, ça me
touche de voir les mains de cette pauvre femme, elles sont noueuses, on pourrait dire » (Ouvrier, Paris). Avec les classes moyennes, l’exaltation des vertus éthiques vient au premier plan (« des mains
usées par le travail »), se colorant parfois d’un sentimentalisme populiste (« la pauvre, elle doit bien
souffrir de ses mains ! ça donne le sentiment de souffrance ») ; et il arrive même que l’attention aux
propriétés esthétiques et les références à la peinture fassent leur apparition : « On dirait que ça a été
un tableau qui a été photographié […] ; en tableau ça doit être drôlement beau » (Employé,
province). «Ça me fait penser à un tableau que j’ai vu dans une exposition de peintres espagnols, un
moine avec les deux mains croisées devant lui et dont les doigts étaient déformés » (Technicien, Paris). « Ce sont les mains des premiers tableaux de Van Gogh, une vieille paysanne ou les mangeurs de
pommes de terre » (Cadre moyen, Paris). À mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie sociale, les
propos deviennent de plus en plus abstraits, les mains, le travail et la vieillesse (des autres) fonctionnant comme des allégories ou des symboles qui servent de prétexte à des considérations générales sur
des problèmes généraux : « Ce sont les mains d’une personne qui a trop travaillé, d’un travail manuel très dur […] C’est d’ailleurs assez extraordinaire de voir des mains de la sorte » (Ingénieur, Paris). « Ces deux mains évoquent indiscutablement une vieillesse pauvre, malheureuse » (Professeur,
province). Plus fréquente, plus diverse et plus subtilement maniée, la référence esthétisante à la peinture, la sculpture ou la littérature, participe de cette sorte de neutralisation, de mise à distance, que
suppose et opère le discours bourgeois sur le monde social. « Je trouve que c’est une très belle photo.
C’est tout le symbole du travail. Ça me fait penser à la vieille servante de Flaubert. Le geste à la fois
très humble de cette femme… C’est dommage que le travail et la misère déforment à ce point » (Ingénieur, Paris). »
Pierre BOURDIEU, La Distinction, éd. de Minuit, 1979, p.46
I - LES JUGEMENTS ESTHÉTIQUES AUTHENTIQUES SONT FONDÉS SUR LA PERCEPTION DE L’OBJET SOUS UN
MODE ESTHÉTIQUE
Quand y a-t-il art ?
« La littérature esthétique est encombrée de tentatives désespérées pour répondre à la question :
« Qu'est-ce que l'art ? » Cette question, souvent confondue sans espoir avec la question de
l'évaluation en art « Qu'est-ce que l'art de qualité ? » s'aiguise dans le cas de l'art trouvé – la pierre
ramassée sur la route et exposée au musée ; elle s'aggrave encore avec la promotion de l'art dit
environnemental et conceptuel. Le pare-chocs d'une automobile accidentée dans une galerie d'art
est-il une œuvre d'art ? Que dire de quelque chose qui ne serait même pas un objet, et ne serait pas
montré dans une galerie ou un musée – par exemple, le creusement et le remplissage d'un trou dans
Central Park, comme le prescrit Oldenburg ? Si ce sont des œuvres d'art, alors toutes les pierres des
routes, tous les objets et événements, sont-ils des œuvres d'art ? Sinon, qu'est-ce qui distingue ce qui
est une œuvre d'art de ce qui n'en est pas une ? Qu'un artiste l'appelle œuvre d'art ? Que ce soit
exposé dans un musée ou une galerie ? Aucune de ces réponses n'emportent la conviction.
Je le remarquais au commencement de ce chapitre, une partie de l'embarras provient de ce qu'on
pose une fausse question – on n'arrive pas à reconnaître qu'une chose puisse fonctionner comme
œuvre d'art en certains moments et non en d'autres. Pour les cas cruciaux, la véritable question n'est
pas « Quels objets sont (de façon permanente) des œuvres d'art ? » mais « Quand un objet
fonctionne-t-il comme œuvre d'art ? » – ou plus brièvement, comme dans mon titre « Quand y a-t-il
art ? »
Ma réponse : exactement de la même façon qu'un objet peut être un symbole – par exemple, un
échantillon – à certains moments et dans certaines circonstances, de même un objet peut être une
œuvre d'art en certains moments et non en d'autres. À vrai dire, un objet devient précisément une
œuvre d'art parce que et pendant qu'il fonctionne d'une certaine façon comme symbole. Tant qu'elle
est sur une route, la pierre n'est d'habitude pas une œuvre d'art, mais elle peut en devenir une quand
elle est donnée à voir dans un musée d'art. Sur la route, elle n'accomplit en général aucune fonction
symbolique. Au musée, elle exemplifie certaines de ses propriétés – par exemple, les propriétés de
forme, couleur, texture. Le creusement et remplissage d'un trou fonctionne comme œuvre dans la
mesure où notre attention est dirigée vers lui en tant que symbole exemplifiant. D'un autre côté, un
tableau de Rembrandt cesserait de fonctionner comme œuvre d'art si l'on s'en servait pour boucher
une vitre cassée ou pour s'abriter.
Maintenant, bien sûr, fonctionner comme symbole d'une façon ou d'une autre n'est pas en soi fonctionner comme œuvre d'art. Notre échantillonnage, quand il sert d'échantillon, n'en devient pas
alors et par ce fait une œuvre d'art. Les choses fonctionnent comme œuvres d'art seulement quand
leur fonctionnement symbolique présente certaines caractéristiques. »
Nelson GOODMAN, Manières de faire des mondes, IV, 3
L’attitude esthétique
« Une attitude est une manière d'orienter et de régler notre perception. Nous ne voyions ni
n'entendons jamais sans discrimination tout ce qui est dans notre environnement. Au contraire, nous
« prêtons attention » à certaines choses tandis que nous n'appréhendons les autres que vaguement si
même nous les appréhendons. Ainsi l'attention est-elle sélective — elle se concentre sur certains traits
de notre entourage et ignore les autres. Une fois que nous admettons cela, nous nous rendons
compte qu'est inadéquate la vieille notion selon laquelle les êtres humains sont des récepteurs
simplement passifs de tous les stimuli externes quels qu'ils soient. De plus, ce que nous sélectionnons
pour y prêter attention est dicté par les objectifs qui nous occupent à ce moment-là. Nos actions sont
généralement dirigés vers un but. Afin de réaliser ce but, l'organisme veille d'un regard pénétrant à
apprendre ce qui dans l'environnement constituera une aide et ce qui sera dommageable.
Evidemment, si des individus poursuivent des objectifs différents, ils percevront le monde
différemment, l'un accentuant certaines choses qu'un autre ignorera. L'éclaireur indien accorde une
attention étroite à des marques et des indices sur lesquels passera la personne qui flâne simplement
dans les bois.
Ainsi, une attitude, ou, comme on dit parfois une « disposition » guide notre attention dans les
directions qui sont pertinentes quant à nos objectifs. Elle donne une direction à notre comportement
d'une autre manière encore. Elle nous prépare à réagir à ce que nous percevons, à agir d'une manière
dont nous pensons qu'elle sera la plus efficace pour la réalisation de nos buts. Du même coup, nous
supprimons ou inhibons ces réactions qui font obstacles à nos efforts. Un homme déterminé à
gagner une partie d'échecs se prépare à répondre aux mouvements de son adversaire et anticipe la
meilleur façon de le faire. Il empêche aussi son attention de se laisser distraire. […]
En résumé, une attitude organise et oriente notre prise de conscience du monde. Or l'attitude
esthétique n'est pas l'attitude que les gens adoptent habituellement. L'attitude que nous prenons de
façon coutumière peut être appelée attitude de perception « pratique ».
Nous voyons habituellement les choses de notre monde en fonction de leur utilité pour favoriser nos
objectifs ou de leur capacité à y faire obstacle. Si jamais nous exprimions dans des mots notre
attitude ordinaire envers un objet, cela prendrait la forme de la question : « Qu'est-ce que je peux en
faire et qu'est-ce qu'il peut me faire ? » Je vois la plume comme quelque chose avec quoi je peux
écrire, je vois la voiture qui s'approche comme quelque chose à éviter ; je ne concentre pas mon
attention sur l'objet lui-même. Plutôt, il ne m'intéresse que dans la mesure où il peut m'aider à
réaliser un but. En effet, du point de vue de l'accomplissement de mes objectifs, il serait stupide et
superflu de m'absorber dans l'objet lui-même. Le travailleur qui ne fait jamais plus que regarder ses
outils n'arrive jamais à terminer son travail. De façon similaire, les objets qui fonctionnent comme
« signes », tels que la cloche du dîner ou les feux de signalisation, ne sont importants qu'en tant que
guides pour un comportement futur. Ainsi, quand notre attitude est « pratique », nous ne percevons
les choses que comme moyens pour un certain but qui se situe au-delà de l'expérience qui consiste à
les percevoir.
C'est pourquoi notre perception d'une chose est habituellement limitée et fragmentaire. Nous ne
voyons que ceux de ses traits qui sont pertinents pour nos objectifs, et aussi longtemps qu'elle est
utile, nous lui prêtons peu d'attention. D'habitude, la perception est simplement une identification
rapide et momentanée du genre de chose que c'est et de ses usages. Alors que l'enfant a à apprendre
laborieusement ce que sont les choses, comment on les appelle et à quoi elles peuvent servir, l'adulte
n'a pas à le faire. Sa perception est devenue économe par habitude, de sorte qu'il peut reconnaître la
chose et son utilité presque instantanément. Si j'ai l'intention d'écrire, je n'hésite pas à prendre une
plume plutôt qu'une pince à papier ou un briquet. Je ne me soucie que de l'utilité qu'a la plume pour
écrire et non de ses couleurs et formes distinctives. Ceci n'est-il pas vraie de la majeure partie de
notre perception de « ce qui meuble la terre » ? « Dans la vie réelle, la personne normale ne lit en
réalité que les étiquettes, pour ainsi dire, sur les objets autour d'elle et ne se met pas davantage en
peine. » Si nous nous arrêtons pour y penser, il est étonnant combien peu du monde nous voyons
réellement. Nous « lisons des étiquettes » sur les choses pour savoir comment agir à leur égard, mais
nous voyons à peine les choses elles-mêmes. […]
Mais nulle part la perception n'est absolument « pratique ». A l'occasion, nous prêtons attention à
une chose simplement pour jouir de la manière dont elle se donne à voir, à entendre ou à sentir. C'est
là l'attitude « esthétique » de la perception. »
Jerome S TOLNITZ , Aesthetics and the Philosophy of Art Criticism, chapitre I, « The Aesthetic
Attitude », 1960, p.32sq., traduit dans Philosophie analytique et esthétique, p.103-105
Un exemple de jugement esthétique
« Prenons un produit connu : une paire de souliers de
paysan. Pour les décrire, point n'est besoin de les
avoir sous les yeux. Tout le monde en connaît. Mais
comme il y va d'une description directe, il peut
sembler bon de faciliter la vision sensible. Il suffit
pour cela d'une illustration. Nous choisissons à cet
effet un célèbre tableau de Van Gogh, qui a souvent
peint de telles chaussures. Mais qu'y a-t-il là à voir ?
[…] D'après la toile de Van Gogh, nous ne pouvons
même pas établir où se trouvent ces souliers. Autour
de cette paire de souliers de paysan, il n'y a
rigoureusement rien où ils puissent prendre place :
rien qu'un espace vague. Même pas une motte de
terre provenant du champ ou du sentier, ce qui
Vincent VAN GOGH
pourrait au moins indiquer leur usage. Une paire de
Souliers aux lacets (1886)
souliers de paysan, et rien de plus. Et pourtant…
Dans l'obscure intimité du creux de la chaussure est
inscrite la fatigue des pas du labeur. Dans la rude et solide pesanteur du soulier est affermie la lente
et opiniâtre foulée à travers champs, le long des sillons toujours semblables, s'étendant au loin sous
la bise. Le cuir est marqué par la terre grasse et humide. Par-dessous les semelles s'étend la solitude
du chemin de campagne qui se perd dans le soir. A travers ces chaussures passe l'appel silencieux de
la terre, son don tacite du grain mûrissant, son secret refus d'elle-même dans l'aride jachère du
champ hivernal. À travers ce produit repasse la muette inquiétude pour la sûreté du pain, la joie
silencieuse de survivre à nouveau au besoin, l'angoisse de la naissance imminente, le frémissement
sous la mort qui menace. Ce produit appartient à la terre, et il est à l'abri dans le monde de la
paysanne. Au sein de cette appartenance protégée, le produit repose en lui-même.
Tout cela, peut-être que nous ne le lisons que sur des souliers du tableau. La paysanne, par contre,
porte tout simplement les souliers. Mais ce « tout simplement » est-il si simple ? Quand, tard au soir,
la paysanne bien fatiguée met de côté ses chaussures, quand chaque matin à l'aube elle les cherche,
où, quand aux jours de repos, elle passe à côté d'elles, elle sait tout cela, sans qu'elle ait besoin
d'observer ou de considérer quoi que ce soit. L'être-produit du produit réside bien en son utilité.
Mais celle-ci à son tour repose dans la plénitude d'un être essentiel du produit. […] Nous n'avons
rien fait que nous mettre en présence du tableau de Van Gogh. C'est lui qui a parlé. Dans la
proximité de l'œuvre, nous avons soudainement été ailleurs que là où nous avons coutume d'être.
L'œuvre d'art nous a fait savoir ce qu'est en vérité la paire de souliers. »
Martin HEIDEGGER, Chemins qui ne mènent nulle part, « L'origine de l'œuvre d'art »
II - LES JUGEMENTS ESTHÉTIQUES NE SONT PAS RELATIFS
La distinction entre le beau et l’agréable
« Pour ce qui est de l'agréable chacun se résigne à ce que son jugement, fondé sur un sentiment
individuel, par lequel il affirme qu'un objet lui plaît, soit restreint à sa seule personne. […] L'un
trouve la couleur violette douce et aimable, un autre la trouve morte et terne ; l'un préfère le son des
instruments à vent, l'autre des instruments à cordes. Discuter à ce propos pour accuser d'erreur le
jugement d'autrui, qui diffère du nôtre, comme s'il s'opposait à lui logiquement, ce serait folie ; au
point de vue de l'agréable, il faut admettre le principe : à chacun son goût (il s'agit du goût des sens).
Il en va tout autrement du beau. Car il serait tout au contraire ridicule qu'un homme qui se
piquerait de quelque goût, pensât justifier ses prétentions en disant : cet objet (l'édifice que nous
voyons, le vêtement qu'un tel porte, le concert que nous entendons, le poème que l'on soumet à
notre jugement) est beau pour moi. Car il ne suffit pas qu'une chose lui plaise pour qu'il ait le droit
de l'appeler belle ; beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et de l'agrément, personne
ne s'en soucie, mais quand il donne une chose pour belle, il prétend trouver la même satisfaction en
autrui ; il ne juge pas seulement pour lui mais pour tous et parle alors de la beauté comme si elle
était une propriété des objets ; il dit donc : la chose est belle, et s'il compte sur l'accord des autres
avec son jugement de satisfaction, ce n'est pas qu'il ait constaté à diverses reprises cet accord mais
qu'il l'exige. Il les blâme s'ils jugent autrement, il leur dénie le goût tout en demandant qu'ils en
aient ; et ainsi on ne peut pas dire : à chacun son goût. »
Emmanuel KANT, Critique de la faculté de juger, §7
Le vertueux esthétique et le vicieux esthétique
« Qu'est-ce qui caractérise alors les émotions esthétiques ? […] Est esthétique une émotion grâce à
laquelle est saisie une propriété ou un ensemble de propriétés esthétiques, d'une chose naturelle,
d'une situation, d'un événement ou d'un artefact. Le vertueux moral est celui qui possède la capacité
de saisir dans une situation quelle est sa signification morale, c'est-à-dire les propriétés morales
exemplifiées, et de réagir comme il convient. Le vertueux esthétique possède une capacité du même
ordre pour les propriétés esthétiques. C'est pourquoi il ressent quelque chose quand d'autres ne
ressentent rien ou pas ce qu'il faut. Il fonctionne comme une sorte d'appareil de mesure, réagissant à
bon escient et de façon fiable. C'est une boussole qui indique le pôle esthétique. Ou encore, comme
un thermomètre peut indiquer la bonne température, le vertueux esthétique réagit adéquatement aux
propriétés esthétiques : il a les bonnes émotions, à bon escient. […]
La disparition des vertueux esthétiques reviendrait non pas, ou pas seulement, à un monde plus
froid, plus insensible, mais à moins de compréhension du monde qui nous entoure, à un
appauvrissement cognitif. S'ils disparaissent, certains aspects du monde, et des aspects dont la
compréhension honore la raison humaine, resteraient inconnus. Mutatis mutandis, ce serait
comparable à la disparition des chimistes et de tout leur savoir, par exemple. Cela pourrait aussi être
comparé à la disparition d'un sens comme l'ouïe. Pensons à un monde de sourds – qui n'est pas un
monde sans sons. Pensons à un monde où plus personne n'est capable de reconnaître immédiatement
que le tempo d'un andante est trop lent, d'apprécier le jeu subtil de tel pianiste. Pensons à un monde
où plus personne n'est capable de faire, à l'oreille et immédiatement, la différence entre un concerto
de Bach et un autre de Vivaldi. […] [U]n tel monde, sans vertueux esthétique […] est moins
différencié. Il est appauvri par la perte de notre capacité à reconnaître certaines caractéristiques du
réel.
Les vicieux esthétiques adoptent une attitude leur interdisant la bonne compréhension et
appréciation esthétique des choses. Ils ne peuvent alors appréhender certaines de leurs propriétés. Un
vicieux esthétique ne remarquera pas la beauté d'un arbre ou d'un reflet dans un étang. Il est
dépourvu de toute pertinence esthétique. Il est esthétiquement partial. Être moralement vicieux
revient à ne pas comprendre la signification morale d'une situation – comment alors serait-il possible
de réagir comme il faut ? Être esthétiquement vicieux, c'est ne pas ressentir ce qu'il faut quand il
faut, c'est une cécité à certains aspects, esthétiques, des choses. Hélas, nous sommes tous à certains
moments atteints de cette cécité. »
Roger POUIVET, Le réalisme esthétique, p.188-189

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