Quand la France des champs... a le droit de se taire!

Transcription

Quand la France des champs... a le droit de se taire!
Regard d’ESPERANCE N°283 - Février 2014
Regard sur notre temps (par Samuel Charles)
Quand la France des champs...
a le droit de se taire !
Les cloches du village de
Boissettes, en Seine-et-Marne,
n’égrènent plus le temps qui passe.
La Cour administrative de Paris
a réduit au silence leur joyeux
carillon au premier jour de cette
année 2014, en statuant sur la
plainte déposée par un couple de
nouveaux habitants, acquéreurs
d’une maison dans le bourg.
Le tintement répétitif des
cloches les insupportait…
Rien n’y a fait, pas même la
pétition signée par 200 citoyens de
Boissettes (sur une population de
450 âmes), qui tenaient à conserver le vieux chant de leurs cloches.
Et c’est ainsi que d’année en
année, à coups de procès, des
néo-ruraux intiment le silence à un
nombre grandissant de clochetons
dans des villes et villages de la
France profonde.
Des plaignants ont même visé
les sonnailles de troupeaux alpins,
et attaqueront peut-être bientôt en justice les beuglements
des vaches ou le bêlement des
moutons…
L’on conçoit que de tels bruits
puissent gêner de nouveaux venus
à la campagne. Leurs oreilles
habituées au tintamarre assourdissant des villes – contre lequel ils
auraient d’ailleurs pu engager des
poursuites – ne sont pas habituées
à ces sons des champs.
Aussi n’est-ce pas cela que
déplorent et contestent les villageois anciens, mais bien que ces
citadins veuillent leur imposer leur
vision d’une nature et d’une ruralité
rêvées, aseptisées, citadinisées,
bref dénaturées… Un genre de
ville à la campagne.
Car enfin, pourquoi venir habiter
dans un lieu dont on n’accepte pas
les réalités ? Pourquoi venir imposer son mode de vie chez ceux qui
en ont choisi et construit un autre ?
N’est-ce pas un nouveau symptôme de cette dérive égocentrique
de notre société qui fait primer
de plus en plus les « droits » de
l’individu sur les devoirs qu’exige le
« vivre ensemble » ? Quand encore
elle ne confond pas « droit » et
« envie », voire « caprice »…
Mais cette « affaire » des
cloches de Boissettes est révélatrice d’un autre fait : la France est
aujourd’hui très majoritairement
citadine. Plus de deux tiers de
ses habitants vivent en ville ; une
ville de plus en plus étrangère aux
réalités de la vie rurale.
Et c’est ainsi que l’on voit des
décideurs, des administrateurs,
des politiques pétris de convictions
urbaines proposer des règlements,
établir des lois, lancer des projets,
totalement inadaptés à la France
rurale, car ignorants de sa vie.
Dans un pays aussi centraliste,
standardisation et uniformisation
rabotent, nivellent et laminent…
là où nuances, adaptations et subsidiarité seraient les bienvenues.
Carillons et sonnailles sontils donc plus condamnables que
pétarades motorisées et concerts
de klaxons… ?
S.C.

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