Le juste prix entre 0,79 et 79 euros

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Le juste prix entre 0,79 et 79 euros
82 Analyse
.
Le juste prix
Le juste prix
entre 0,79 et 79 euros
E
n temps de crise économique et
de réduction du pouvoir d’achat,
tout le monde se crispe autour
de la notion de juste prix. Faut-il
payer 70 euros pour un jeu next
gen, 50 euros pour sa version PC
ou télécharger la version pirate ?
Faut-il payer un abonnement
ou juste squatter pendant des
heures les serveurs d’un MMO et
ensuite crier au scandale lorsque
les développeurs cherchent
un moyen de rentabiliser leur
titre ? Entre les éditeurs, les
développeurs, les distributeurs
et les consommateurs, la
guerre est ouverte. Et pour le
moment, personne n’y gagne.
L
e prix d’un jeu vidéo variant beaucoup et les
explications étant souvent obscures, bien des joueurs estiment
qu’ils sont des vaches à lait. Les
jeux sur consoles next gen sont en
moyenne à 70 euros lors des premières semaines de vente, puis le
prix baisse de plus de la moitié au
fil du temps. Si les hardcore gamers
se précipitent sur les nouveautés,
ils sont également très nombreux
à revendre leurs jeux pour pouvoir
en acheter d’autres. Cette pratique
intéresse d’autant plus la distribution qu’elle vend les mêmes titres à
plusieurs reprises. De surcroît, elle
fidélise ses clients tout en attirant
d’autres, au budget plus restreint,
qui achètent les jeux d’occasion. Une
boutique applique les tarifs qu’elle
veut lorsqu’elle reprend un titre. Elle
fixe également la TVA sur la marge
perçue et pas sur le prix public. On
comprend pourquoi certains vendeurs préfèrent écouler le stock de
jeux d’occasion plutôt que celui des
jeux neufs. Pas étonnant non plus
que la Fnac fasse autant de publicité
pour Okaz Gaming, sa plate-forme
de vente d’occasion…
Pour les éditeurs et les développeurs, le marché de l’occasion
n’apporte aucune rentrée d’argent.
Ils voient donc d’un assez mauvais
œil la distribution s’enrichir sur leur
dos et ils s’enthousiasment pour la
vente dématérialisée. Une fois acheté, un jeu téléchargé ne peut pas
être revendu. Ce n’est pas pour rien
que les boutiques n’ont pas poussé
les ventes de la PSP Go. Elles savent
qu’une fois la machine achetée, le
client ne reviendra jamais.
Le premier Assassin’s Creed est passé de 70 à 25 euros en deux ans.
Call of Duty ou comment un hit sur
PC est passé sur console
pour limiter un
peu le piratage.
(Call of Duty
Finest Hour)
Steam et les autres plates-formes de vente
dématérialisée font très régulièrement des
promotions sur les jeux.
L’occasion pose un autre problème
aux éditeurs. À force de voir des prix
cassés grâce au marché de l’occasion,
les joueurs vont-ils accepter de payer
plein pot les 70 euros ? Si un jeu next
gen se retrouve à 15 euros sur les étals
de la grande distribution après deux
ans d’existence, cela veut-il dire qu’il
ne vaut pas 70 euros le jour de sa sortie ? Il y a de quoi perdre le consommateur qui peut finir par penser que,
même à 10 euros, tout le monde
continue de prendre des marges et
qu’il paie encore trop cher.
Valse des prix
Autre disparité : les prix en France
sont bien plus élevés qu’aux ÉtatsUnis ou en Angleterre. Différence de
TVA et taxes plus importantes sur la
musique et les supports numériques,
rapport de force différent entre éditeurs et distributeurs, coût de la localisation dans toutes les langues de la
« zone euro » expliquent en partie cet
écart de prix. Mais pour le consommateur, seule la somme qu’il paie en
plus pour le « même » jeu compte.
Nombreux sont ceux qui achètent
par correspondance à l’étranger.
Dernier problème de taille : les
bundles et les prix promotionnels
finissent par perdre complètement
le consommateur. Pour augmenter
le volume de ventes de certaines
consoles, des packs sont ainsi
créés, et pour un prix moindre, le
joueur repart avec une machine
toute neuve et le dernier blockbuster. Afin de doper les ventes de machines, les constructeurs ont tous
baissé leur prix avant la période
des fêtes. Certes, le consommateur
est content, mais le distributeur,
l’éditeur et le constructeur doivent
vendre bien plus de packs afin de
rentabiliser l’affaire. Ensuite, les
constructeurs espèrent que les
joueurs achèteront des jeux pour
les faire tourner sur leurs machines.
Mais rien n’est moins sûr.
Autre exemple de cas problématique, Activision a lancé Call of Duty
Modern Warfare 2 à un prix très élevé
alors que le titre était très attendu.
Résultat : tous les distributeurs ont
décidé de rogner sur leur marge et
de vendre en plus gros volume afin
d’écouler leurs stocks.
L’effet petit prix joue aussi sur les
plates-formes de ventes dématérialisées : App Store, XBLA, Steam ou
d’autres. Face à la masse de plus en
plus importante de titres et l’absence
de visibilité en ligne, casser les prix
permet de faire parler du produit. Généralement, les ventes augmentent,
qu’elles soient en ligne ou en boutique. Mais à force de payer 0,79 euro
au lieu de 4,90, le joueur ne va-t-il pas
finir par croire que c’est le juste prix ?
La valse des prix en fait oublier la
valeur réelle d’un jeu. Une chose est
sûre : à 0,79 euro, le développeur ne
gagne presque rien.
Micromania, GAME, Fnac et toutes les
grandes chaînes proposent des jeux
d’occasion en ligne et en boutique.