Leçons tirées de 20 ans de campagnes de lutte contre le sida

Transcription

Leçons tirées de 20 ans de campagnes de lutte contre le sida
Leçons tirées de 20 ans de campagnes de
lutte contre le sida
Nathalie LYDIE, Delphine RAHIB, Béatrice LAMBOY,
Pierre ARWIDSON
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé
Colloque scientifique de l’Inpes
Comment mesurer l’impact des campagnes de prévention ?
Palais des Congrès, Paris, 9 décembre 2011
La communication : un axe majeur de
la politique de lutte contre le sida
• 1987 : première campagne
– « le sida ne passera pas par moi »
• Différents opérateurs au cours du temps
– 1989-1994 : Agence Française de Lutte contre le Sida
(AFLS)
– 1994-2001 : Comité Français d’Education pour la Santé
(CFES)
– depuis 2002 : Institut National de Prévention et
d’Education pour la Santé (INPES)
2
L’Inpes, un établissement public sous
la tutelle du ministère de la santé
• Chargé de la mise en œuvre du volet « prévention »
des programmes de santé publique
– budget annuel : 100 millions d’euros environ
– 140 personnes
• Programme « santé sexuelle et prévention du
VIH/sida et des IST »
– budget annuel de 24 millions d’euros
– dispositif « population générale » + dispositifs ciblés
– deux campagnes télévisées par an
• 5 millions d’euros
• 3 semaines en moyenne – 600-900 GRP
3
L’évaluation, une préoccupation
ancienne
• Études « pré-test » et « post-test »
• Intégration de nouvelles méthodes
– exposés / non-exposés, avant / après, ici / ailleurs…
• Complétée par la collecte d’indicateurs
– vente de préservatifs, appels à SIS, activité de dépistage…
• S’appuyant sur les systèmes de surveillance
– comportementale : enquêtes KABP (1992), enquêtes
Presse Gay (1985)
– épidémiologique : DO de sida (1986) puis DO VIH (2003)
4
5
1- Le préservatif
• Un objet stigmatisé, interdit de publicité jusqu’en
1987
• Une communication intensive, au départ dissociée
de la maladie
• Objectifs des campagnes
–
–
–
–
Changer son image
Favoriser son accessibilité
Favoriser l’identification comme utilisateur
Désamorcer les prétextes pour s’en passer
« Un préservatif peut sauver une
vie » - 1994
6
7
1- Le préservatif
• Un objet stigmatisé, interdit de publicité jusqu’en
1987
• Une communication intensive, au départ dissociée
de la maladie
• Objectifs des campagnes
–
–
–
–
Changer son image
Favoriser son accessibilité
Favoriser l’identification comme utilisateur
Désamorcer les prétextes pour s’en passer
« Et si le préservatif était un produit
comme les autres ? » - 2003
• Contexte
– Dégradation de l’image du préservatif (KABP 2001)
– Baisse de son utilisation déclarée (KABP 2001 ; EPG 2000)
• Objectif de la campagne
– Faire du préservatif un produit de consommation
courante
– Dédramatiser l’acte d’achat
• Dispositif
– Une campagne TV : 3 films ; 890 GRP
– Un dispositif événementiel dans 1 600 supermarchés
8
« Achetons des préservatifs aussi
simplement que n’importe quel
autre produit »
• Objectif
– Mesurer l’impact de la campagne
Affichariot sur les ventes de préservatifs
• Méthode
– Comparaison supermarchés participants
(test) et non participants (témoin)
– Groupes appariés (surface, enseigne,
région, pression promotionnelle)
– Comparaison des ventes sur trois
périodes
9
Évolution des ventes moyennes
hebdomadaires de préservatifs
260
240
Test (campagne + affichariot)
Témoin (campagne seule)
+16%
+15%
+10%
+7%
220
200
180
160
140
Avant la campagne
Pendant la campagne
Après la campagne
10
11
Évolution des ventes de préservatifs
(1986-2010)
en millions
120
103
100
106
80
71
60
40
39
20
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
0
Source : AC Nielsen
Évolution de l’image du préservatif,
enquêtes KABP 1992-2010
80%
74%
70%
68%
60%
Quand on s'aime, on n'a
pas besoin de préservatif
C'est pour les jeunes
50%
41%
40%
40%
30%
30%
29%
20%
10%
17%
17%
12%
15%
9%
8%
C'est compliqué à utiliser
Ca diminue le plaisir
sexuel
Ca crée des doutes sur le
partenaire
C'est quelque chose de
banal
0%
1992
1994
1998
2001
2004
2010
Source : KABP 2010
12
Utilisation du préservatif au
rapport sexuel
13
1er
100%
86%
80%
60%
40%
20%
15%
0%
Avant 1985 1985-1989 1990-1994 1995-1999 2000-2004 depuis 2005
Source : KABP 2010
Une baisse chez les homosexuels
masculins
14
15
2- Dépistage
• Un thème devenu central
–
–
–
–
1995-1996 : orientation vers les lieux de dépistage
1998 : le test pour bénéficier des avancées médicales
2002-2008 : le test comme outil de prévention
2010 : « test and treat »
• Évaluation
–
–
–
–
Post-test
Impact des campagnes sur l’activité de Sida Info Service
Évolution de l’activité des CDAG
Données de l’assurance maladie
« Sida. Le test c’est important de
savoir » - 2002
16
17
2- Dépistage
• Un thème devenu central
– 1998 : le test pour bénéficier des avancées médicales
– 2002-2008 : le test comme outil de prévention
– 2010 : « test and treat »
• Évaluation
–
–
–
–
Post-test
Impact des campagnes sur l’activité de Sida Info Service
Évolution de l’activité des CDAG
Données de l’assurance maladie
18
« Faites-vous dépister » - 2010
19
2- Dépistage
• Un thème devenu central
– 1998 : le test pour bénéficier des avancées médicales
– 2002-2008 : le test comme outil de prévention
– 2010 : « test and treat »
• Évaluation
–
–
–
–
Post-test
Impact des campagnes sur l’activité de Sida Info Service
Évolution de l’activité des CDAG
Données de l’assurance maladie
20
Impact des campagnes sur l’activité de
Sida Info Service (2002-2010)
90000
350000
"Le test, c'est important
de savoir"
80000
70000
60000
50000
"Faites-vous dépister"
Appels
reçus
"Faites-vous dépister"
300000
"Avant d'arrêter le
préservatif, faites le test"
Connexion
internet
40000
250000
200000
150000
30000
100000
20000
50000
10000
0
janv.-yy
avr.-yy
juil.-yy
oct.-yy
janv.-yy
avr.-yy
juil.-yy
oct.-yy
janv.-yy
avr.-yy
juil.-yy
oct.-yy
janv.-yy
avr.-yy
juil.-yy
oct.-yy
janv.-yy
avr.-yy
juil.-yy
oct.-yy
janv.-yy
avr.-yy
juil.-yy
oct.-yy
janv.-yy
avr.-yy
juil.-yy
oct.-yy
janv.-yy
avr.-yy
juil.-yy
oct.-yy
janv.-yy
avr.-yy
juil.-yy
oct.-yy
0
0
07/08/05
05/08/05
03/08/05
01/08/05
30/07/05
28/07/05
26/07/05
24/07/05
22/07/05
20/07/05
18/07/05
16/07/05
14/07/05
12/07/05
10/07/05
08/07/05
06/07/05
04/07/05
02/07/05
30/06/05
28/06/05
26/06/05
24/06/05
22/06/05
20/06/05
18/06/05
16/06/05
14/06/05
12/06/05
10/06/05
08/06/05
06/06/05
04/06/05
02/06/05
31/05/05
29/05/05
27/05/05
25/05/05
23/05/05
21/05/05
19/05/05
17/05/05
15/05/05
13/05/05
11/05/05
09/05/05
07/05/05
05/05/05
03/05/05
01/05/05
Appels reçus à Sida Info Service avant,
pendant et après la campagne de 2005.
Comparaison avec 2004
21
3 500
3 000
2 500
2 000
2004
1 500
1 000
500
2005
22
Caractéristiques des appels
• Un fort pourcentage de nouveaux appelants
– 68 % vs 52 % (même période N-1)
• Un numéro connu par la télévision
– 63 % vs 2,5 % (même période N-1)
• Dépistage, thème dominant
– 62 % des entretiens vs 42 % (même période N-1)
• Coordonnées d’une CDAG
• Validité des tests
• Déroulement des tests
23
Les données d’activité des CDAG
• Un casse-tête à la française
– Pas de remontée centralisée des données
– Données trimestrielles recueillies par l’InVS jusqu’en 2003
(puis recueil annuel)
– Informations limitées à un nombre réduit de variables
• nombre de tests réalisés
• nombre de tests positifs
– Difficultés de recueillir des données considérées comme
sensibles
• Nationalité/pays de naissance
• Orientation sexuelle
24
Nombre de tests réalisés et nombre de
tests positifs, CDAG 2001-2003
"Le test, c'est
important de savoir"
75000,0
400,0
Tests positifs
70000,0
380,0
360,0
340,0
65000,0
320,0
300,0
Tests réalisés
60000,0
280,0
260,0
55000,0
240,0
220,0
50000,0
200,0
S1
S2
S3
2001
S4
S1
S2
S3
2002
S4
S1
S2
S3
2003
S4
25
Données SNIIR-AM
• Tables d’extraction de la base de l’assurance maladie
• Deux outils
– Le tableau de bord de biologie
• Suivi mensuel des actes prescrits et remboursés
• Sexe, âge du consultant et types de prescripteurs
– L’échantillon généraliste des bénéficiaires
• Échantillon de 1 % des assurés du régime général
• Historique de consommation de soins depuis janvier 2003
• Caractéristiques sociodémographiques du consultant et type de
prescripteurs
Nombre de tests VIH réalisés en
laboratoires. Comparaison 2009-2010
330000,0
2009
+13%
2010
+1,5%
310000,0
++1,5%
290000,0
+7%
+11%
+8%
270000,0
250000,0
230000,0
210000,0
190000,0
170000,0
150000,0
octobre
novembre
décembre
janvier
février
mars
26
Nombre de sérologies réalisées
chaque année en France
Source : Labo VIH, INVS
27
28
3- Discriminations
• Élément important de la communication
– 1989-1994 : communication sur la maladie fondée sur le
témoignage
– À partir de 1995 : communication sur la vie avec le VIH
• Objectifs
– Conforter les attitudes de solidarité à l’égard des
personnes séropositives
– Encourager les comportements de prévention à travers la
proximité et l’identification aux personnes touchées
« Ensemble, luttons contre les
discriminations » - 2006
• Contexte
– Maintien des discriminations (homophobie et
sérophobie) dans la sphère sociale et privée
• Objectifs de la campagne
– Modifier le regard sur la séropositivité
– Montrer la possibilité de vivre en couple avec une
personne de statut sérologique différent
• Dispositif
– Une campagne TV : 3 films
– 800 GRP
29
« Ensemble, luttons contre les
discriminations » - 2006
30
31
Une évaluation par post-test
• Enquêtes par quota réalisées auprès de trois
échantillons
– GP : 986 personnes de 15 ans et plus
– HSH : 406 hommes de 16 ans et plus
– Migrants d’Afrique subsaharienne : 454 personnes, 15-50
ans, résidant en Ile-de-France
• Indicateurs recueillis
–
–
–
–
Mémorisation / Reconnaissance
Compréhension
Agrément
Force d’implication
32
Résultats du post-test
Populations
GP
HSH
Migrants
Reconnaissance
(standard Inpes)
75 %
(78 %)
66 %
(56 %)
82 %
(68 %)
Compréhension
72 %
89 %
78 %
Agrément
(standard Inpes)
86 %
(85 %)
79 %
(77%)
78 %
(83 %)
Identification
(standard Inpes)
61 %
(45 %)
70 %
(56 %)
60 %
(59 %)
Bruit de la campagne
(standard Inpes)
18 %
(19 %)
36 %
(25 %)
57 %
(41 %)
Complétée par une analyse
« exposés / non-exposés »
• Introduction d’une question pour mesurer les
attitudes vis-à-vis des personnes séropositives
– Création d’un score (0-10)
• Calcul des moyennes des « exposés » et des « non
exposés »
• Modèles de régression linéaire pour ajuster sur :
–
–
–
–
le sexe (GP et migrants)
l’âge
le niveau d’étude
la connaissance d’une personne séropositive
33
Acceptation des PvVIH : des
différences significatives
Grand public
n
moyenne
Total
986
4,9
Non exposés
Exposés
251
735
4,3
5,2
0,66 [0,41-0,89]
p
-
p<0,001
p<0,001
HSH
n
moyenne
coeff. [IC95%]
Total
406
5,8
Non exposés
Exposés
140
266
5,5
6,0
0,52 [0,19-0,85]
p
-
p<0,001
p<0,001
Migrants
n
moyenne
coeff. [IC95%]
Total
454
4,3
Non exposés
Exposés
87
367
3,5
4,5
0,81 [0,41-1,21]
-
p<0,001
p<0,001
p
coeff. [IC95%]
34
Évolutions des attitudes, enquêtes
KABP 1992-2010
100%
95%
92%
90%
88%
80%
78%
77%
72%
Travailler en sa
compagnie
Aller manger chez elle
60%
62%
Partir en vacances avec
elle
40%
Laisser vos enfants en sa
compagnie
20%
19%
18%
Avoir des relations
sexuelles avec elle en
utilisant un préservatif
0%
1992
1994
1998
2001
2004
2010
Source : KABP 2010
35
Conclusion :
l’évaluation, un défi permanent
• Elle nécessite :
– d’adapter la méthode en fonction de l’objectif de la
campagne et des ressources
– de collecter des indicateurs d’impact fiables et inscrits
dans la durée
– de mesurer les effets pour chacune des cibles
• En prenant en compte :
– la difficulté de la mesure (avoir le bon indicateur)
– l’absence de maîtrise des éléments extérieurs, « le bruit »
36
37
Perspectives
• Optimiser les évaluations des campagnes, en
favorisant la synergie entre actions et évaluation
• Implique de se rappeler que :
– l’évaluation n’est pas la dernière étape de l’action
– l’évaluation n’est pas indépendante de l’action
– les études évaluatives ne sont pas indépendantes les unes
des autres
38
Les formes d’évaluation retenues
Les grandes
phases de l’action
Phase 1
Conception de
l’action
Evaluations
systématiques
Modélisation
Evaluation théorique (analyse
stratégique + analyse logique)
Evaluations
ponctuelles
Pré-test du projet-concept
auprès des populations visées
Phase 2
Développement
de l’action
Pré-test des supports auprès
des populations visées
Phase 3
Expérimentation
Etude expérimentale d’efficacité
Phase 4
Généralisation
Suivi d’indicateurs de trafic
d’aide à distance
Suivi d’indicateurs de santé
(Tracking)
Post-test auprès des
populations visées
Suivi d’indicateurs du recours au
système de prévention
39
Perspectives
• Modélisation et évaluation théorique
– Définition structurée et schématique de l’action
– Description des composantes de l’action et des liens entre
les composantes
• Analyse stratégique
– Pertinence des problèmes à résoudre, objectifs,
déterminants visés, population ciblée
• Analyse logique
– Validité des liens entre les actions, les effets attendus et
l’impact sur le problème visé
Exemple : Modélisation de la campagne contraception
(octobre 2011)
Adhésion à la
norme
contraceptive
Méconnaissance
de ses besoins
contraceptifs
Méconnaissance de
l’existence d’alternatives
contraceptives à la pilule
Les déterminants du problème
Contraceptif
non adapté
Méconnaissance
des stratégies de
rattrapage
Programme d’actions
Communication
- Campagne de communication mettant
en scène l’oubli de pilule
- Bannières web de promotion du site
reprenant les codes du spot tv
Outil
- Brochure pour les professionnels
- Site internet ressource
- Outil d’orientation au choix contraceptif
Mauvaise
utilisation de la
pilule
40
Le problème de santé :
Grossesses non désirées,
chez les femmes de
moins de 35 ans sous
pilule
Mauvaise pratique
des méthodes de
rattrapage de la pilule
Objectifs spécifiques :
Objectifs de santé :
-
- Diminuer le nombre de
grossesses non désirées
dues à une mauvaise
utilisation de la pilule chez
les moins de 35 ans
- Diminuer le nombre
d’absence de rattrapage en
cas d’oubli de pilule
-
Faire connaître l’existence
d’alternatives contraceptives
à la pilule
Accroître les connaissances
sur la diversité contraceptive
Accroître les connaissances
sur les techniques de
rattrapage
Effets attendus
Chez les femmes de moins de 35 ans sujettes aux oublis de pilule :
• Meilleure connaissance d’alternatives possibles à la pilule
• Meilleures connaissances sur la diversité contraceptive et des méthodes de rattrapage