les enregistreurs de procédé, le renouveau grâce à la vidéo
Transcription
les enregistreurs de procédé, le renouveau grâce à la vidéo
S olutions INST R U M E N T A T I O N D E P R O C E S S Les enregistreurs de procédé, le renouveau grâce à la vidéo Avec la grande concentration des données de process au niveau des automates et des systèmes de contrôle-commande, on aurait pu croire à la disparition des enregistreurs de procédé. Pas du tout. Ils restent à la mode en local, au niveau des ateliers ou sur site, pour une visualisation sur le terrain, un enregistrement de secours, ou même le contrôle de petites unités. Il faut dire que les enregistreurs vidéographiques savent faire désormais beaucoup de choses. L es enregistreurs de process ont longtemps tapissé les murs des salles de contrôle et débitaient à longueur de journée des courbes sur du papier en rouleau ou en accordéon. Dans les années 90, les fées qui se seraient penchées sur le devenir des enregistreurs L’essentiel de process n’auraient guère parié sur leur Après un fort creux de vague, le marché des enregistreurs avenir. Il faut dire rebondit grâce à l’arrivée qu’avec la centralisad’enregistreurs “vidéo” tion des données par compétitifs par rapport aux les automates proversions “papier”. grammables, les systè Les enregistreurs de mes de contrôle comprocédés ont déserté les mande, avec les salles de contrôle pour systèmes d’acquisition s’installer au plus près de la de type informatique, production. pouvant rapatrier sur Il y a les équipements “entrée un seul système toutes de gamme” à moins de mille les données d’une proeuros qui ne font qu’enregisduction, ces petits aptrer et visualiser. pareils enregistrant Il y a les autres qui, en plus, trois ou quatre voies intègrent des fonctions de ne pouvaient pas faire plus en plus sophistiquées, de grands projets des écrans haute définition, d’avenir. Sûr qu’ils aldes disques durs... laient s’envoler… 50 D’autant que, face à la “facilité du numérique”, bourrage, remplacement du papier ou des plumes, toutes ces petites tracasseries devenaient beaucoup moins bien acceptées. Quelques enregistreurs vidéo faisaient leur apparition mais ils étaient bien trop chers pour assurer la relève. « Il y a dix ans tout le monde prédisait la disparition des enregistreurs de procédés », se souvient Christophe Leman, responsable produit chez Eurotherm Chessel. De fait, ils ont connu un passage difficile, le marché a chuté drastiquement. Dans les industries chimiques, le parc d’enregistreurs a réellement fondu, les fonctions d’enregistrement étant désormais intégrées dans les systèmes. Toujours un œil sur le process Pourtant, il n’avait pas dit son dernier mot. L’enregistreur revient à la mode. Une sorte de second souffle, pour Stéphane Prévost, responsable produit chez ABB : « grâce à la technologie “vidéo” qui a permis que le marché des enregistreurs ne s’écroule pas ». Du coup, les en- CompactFlash, SD, clés mémoire USB, etc. : les enregistreurs ont adopté les standards du marché, en termes de mémoire. Certains ont même un disque dur. Plusieurs années de données peuvent être stockées. MESURES 798 - OCTOBRE 2007 - www.mesures.com Voir ce qui se passe est la fonction première de l’enregistreur. Les écrans vidéo offrent différents mode d’affichage : courbes, bargraphs, indicateurs de tendances, tracés circulaires ou des afficheurs avec aiguilles comme les instruments analogiques, pour ne pas perdre les vieilles habitudes… registreurs de process constituent toujours un vrai marché, concurrentiel. Parmi les fournisseurs, citons pèle-mèle, ABB, Chauvin Arnoux, Endress + Hauser, Eurotherm Chessel, Fuji Electric, Honeywell, Jumo, MCC, Siemens, Yokogawa. Le grand tournant a eu lieu, il y a quatre ou cinq ans, lorsque le prix du «vidéo» est passé en dessous de celui du “papier”. A moins de mille euros, un équipement “vidéo” standard devient tout à fait compétitif. L’argument économique de l’enregistreur papier ne tient plus. « Un enregistreur vidéo est désormais moins cher qu’un enregistreur papier avec tous ses consommables, indique Dominique Choquet, responsable commercial chez Honeywell. Il n’y a plus rien à dire ». Même s’il reste encore des irréductibles de l’enregistreur “papier” (voir encadré). Par ailleurs, l’idée que la centralisation des données allait supprimer tous les moyens de contrôle et de visualisation en local a fait long feu. Les opérateurs ont toujours besoin de vérifier sur place une valeur ou s’assurer, après une opération de maintenance par exemple, que tout est en ordre. « Et, pour le même prix, vous pouvez avoir un enregistreur vidéo à la place de quatre ou cinq indicateurs individuels, souligne Philippe Nouhen, responsable commercial chez Fuji Electric, avec en prime la fonction d’enregistrement ». Des données sûres Pour réussir sa percée, l’enregistreur vidéo devait cependant faire ses preuves, notamment au niveau de la sécurisation des données enregistrées. Pour passer du “papier”, jugé infalsifiable, au “numérique”, considéré à l’origine comme une véritable passoire, les organismes de contrôle ont longuement traîné les pieds. Sans doute, la première à avoir franchi le pas a été la FDA (Food Drug Administration) américaine mais avec un certain nombre de garanties. Elle a établi des normes très contraignantes désormais bien connues sous la dénomination FDA 21 CFR11. Celles-ci sont aujourd’hui largement adoptées, notamment dans le domaine de l’agro-alimentaire ou de la pharmacie (qui est le champ d’action de la FDA). Afin de répondre à ces marchés, les fournisseurs d’enregistreurs ont développé pour la plupart au moins un modèle répondant à la recommandation FDA 21 CFR11. En France; dans le domaine de l’environnement, les Drire, organismes de contrôle, ontelles-aussi longtemps rechigné. En 2003- 2004, elles ont fini par accepter « Cette reconnaissance a vraiment permis le démarrage des enregistreurs vidéo, notamment sur les marchés de l’eau », constate M. Nouhen. Ces raisons font aujourd’hui que le marché de l’enregistreur s’est redressé : une évolution en pente douce, légèrement croissante pour certains, légèrement décroissante pour d’autres. Certes, les enregistreurs “vidéo” ont, dans la plupart des cas, remplacé les enregistreurs “papier” mais pas en même quantité. « Il est fini le temps où des centaines d’enregistreurs papiers étaient accrochées aux murs des salles de contrôle », reconnaît M. Prévost (ABB). M. Nouhen fait Le papier, pour les irréductibles… L’écran remplace le papier; inéluctablement. Les réticences sur la sécurité des données, la protection des accès sont pratiquement tous levés. Le prix a été le coût fatal porté aux enregistreurs papier ➜ Sans doute reste-t-il et restera-t-il encore quelques irréductibles. « Oui, dans la sidérurgie, souligne M. Nouhen (Fuji Electric), les opérateurs refusent encore catégoriquement les écrans ». Il existe des Dans le logiciel : analyse du signal (valeurs minimales, applications où une trace papier s’impose moyennes, maximales…), fonctions de totalisation, toujours. Comme dans le domaine d’intégration, de comptage… médical, de l’agro-alimentaire ou de la pharmacie, il est nécessaire de glisser ou de coller dans l’emballage de produits ou de lots, une preuve écrite des conditions de production ou de stérilisation. « Dans ce cas-là, on utilise des enregistreurs circulaires qui permettent d’imprimer les données», souligne M. Prévost (ABB) Pour M. Dubois (Yokogawa), certains utilisateurs préfèreront toujours le papier, par obligation mais aussi par goût. Yokogawa est le dernier fournisseur à poursuivre un développement sur les enregistreurs papier. «Leurs fonctionnalités ne bougent pas, précise M. Dubois, nous améliorons leur maintenance, le positionnement des plumes se fait aujourd’hui à l’aide de capteurs capacitifs et non plus avec des bouts de ficelles ». MESURES 798 - OCTOBRE 2007 - www.mesures.com 51 Solutions ➜ le même constat : « Avant, on pouvait livrer en une seule commande plusieurs dizaines d’équipements. Aujourd’hui, quand on en vend cinq à la fois, on fait déjà une bonne affaire ». En plus petit nombre, on ne les retrouve pas non plus aux mêmes endroits. Ils ne sont plus dans les salles de commande. Ils ont été délocalisés sur site, au plus près de la production. Sur les unités entières automatisées, on les retrouvera plutôt comme enregistrement de secours. Ils offrent ainsi une redondance, en local. Dans des marchés moins automatisés, sur euros. Ensuite, selon les fournisseurs, les négociations, les campagnes promotionnelles, les prix baissent encore… « Le second marché s’adresse à ceux qui sont à la recherche du produit qui sait faire beaucoup et bien », souligne M. Leman (Eurotherm Chessel). Visualiser est la fonction de base de l’enregistreur. L’écran doit donc être à la hauteur. Plus il est grand, mieux c’est… surtout quand il y a plusieurs voies. Ceci étant, les dimensions de l’écran restent limitées par les dimensions des boîtiers. Celles-ci sont plus ou moins standardisées selon les anciens formats des enregistreurs papiers. Il est ainsi courant de rencontrer un écran 5,5’’ dans un boîtier de 144 x 144 x 220 mm. Déjà plus “haut de gamme”, on trouve des écrans de 7, voire 10,4 pouces dans des boîtiers de 288 x 288 x 220 mm. Au delà, les appareils deviendraient un peu encombrants. Bien voir Des enregistreurs spécialisés, rien que pour la température… des petites unités, les enregistreurs de procédé peuvent jouer le rôle d’unité d’acquisition de données à part entière, d’autant plus que, pour les plus sophistiqués, ils peuvent être doués de fonctions de contrôle ou de régulation. Le marché de l’enregistreur tourne aujourd’hui donc plutôt autour des petites installations, beaucoup dans le domaine de l’alimentaire, de la pharmacie ou de l’eau, par exemple sur des stations de pompage ou de traitement d’eau potable, Dans la chimie ou autre, les enregistreurs trouvent aussi leur place sur site, sur des unités éloignées ou isolées. Pour laisser le maximum de place à l’écran, les boutons et touches pour le réglage ou la configuration sont concentrés sur un minimum de place. Parfois, un seul bouton en face avant. D’autres choisissent des écrans tactiles. Les fournisseurs mettent aussi l’accent sur la qualité de l’image. Ils utilisent pour cela les technologies du marché. On retrouve encore des écrans FTN à matrice passive sur les modèles entrée de gamme. Un transistor par point traite alternativement les trois couleurs, on en connaît les désagréments : qualité d’image médiocre, champ de vision limité. A l’instar des premiers ordinateurs portables devant lesquels il fallait rester bien en face pour voir quelque chose. « Par leurs outils bureautiques,les utilisateurs ne tolèrent plus ses contraintes », souligne M. Prévost (ABB). Ils sont habitués au confort de visualisation des écrans TFT à matrice active avec un transistor par point et par couleur. Les enregistreurs suivent donc En conformité avec la FDA 21 CFR 11, les représentations et signatures électroniques ont la même valeur légale que les documents et signatures traditionnels. Gestion intégrée des utilisateurs et des droits, identifiant et mot de passe, mécanismes invitant l’utilisateur à modifier régulièrement son mot de passe, etc. Différents droits d’accès (suivant le niveau de l’utilisateur), accès protégé grâce à une touche de verrouillage, accès verrouillé après plusieurs tentatives de connexion infructueuses… tout ça, les enregistreurs vidéo savent faire. et, à l’exception encore des équipements de base, ils ont tous un écran TFT. Quant à la résolution de l’image, ce sont les mêmes standards du marché (QVGA = 320x240 pixels,VGA = 640x 480 pixels…). Quelque soient les spécifications décrites dans les fiches techniques, de toute façon il est toujours recommandé de voir pour juger. Il y a toujours des bons et des moins bons écrans. Quant aux modes d’affichage; tous les tracés sont possibles : courbes, bargraphs, indicateurs de tendances. « Pour ceux qui veulent conserver leurs habitudes, nous proposons aussi des tracés circulaires ou des afficheurs avec aiguilles comme les instruments analogiques », précise M. Holtz, responsable produit chez Endress + Hauser. Côté mémoire, là encore tout a bien évolué. Les premiers enregistreurs copiaient leurs données sur des disquettes 3,5 pouces, puis ils sont passés aux cartes PCMCIA. Les fournisseurs adoptent les différentes technologies du marché et suivent leur évolution : ➜ 790 euros, qui dit mieux? Preuve que le marché porte en lui des perspectives, les fournisseurs poursuivent leurs développements et ces dernières années, ils ont tous étoffé leur gamme. Ils s’accordent pour faire le distinguo entre deux marchés : l’entrée et le haut de gamme Pour le premier, on demande à un enregistreur uniquement ce qu’il est sensé savoir faire; c’est-à-dire visualiser et enregistrer des données. Pas grand-chose à dire sur ce segment de marché où la bagarre commerciale bat son plein. C’est le prix qui prime. Pour un équipement standard à trois, voire six voies, le prix se situe en dessous des mille 52 Plus près du procédé, l’enregistreur se protège La tendance est de développer des enregistreurs robustes pour les conditions sévères de l’industrie. Chez Endress + Hauser, un modèle a été conçu tout en Inox pour les industries de l’agro-alimentaire. ABB a lancé, il y a environ un an, un enregistreur conforme aux normes IP66 et NEMA 4X concernant les projections liquides. «Il supporte jusqu’à la flamme d’incendie, explique M. Prévost (ABB). Nous intéressons les procédés de l’agro-alimentaire qui se lavent à grande eaux». L’équipement se monte directement sur le mur ou sur un panneau ou même sur la tuyauterie, sans protection supplémentaire. Autrement, il est toujours possible de protéger un enregistreur en l’installant dans un coffret, une armoire… MESURES 798 - OCTOBRE 2007 - www.mesures.com Solutions mais également le nombre de fois que la porte a été ouverte ou fermée, et à chaque fois le temps d’ouverture de la porte. « En cas de problème, souligne M. Choquet (Honeywell), l’archivage des données permettra de contrôler a posteriori, si l’opérateur n’a pas, à un moment donné, oublié de fermer la porte ». « Outre les données de capteurs,ils peuvent aussi aller chercher des informations sur d’autres matériels, Toujours plus de voies comme des automates, des régulateurs… », ajoute C’est aussi grâce à l’augmentation de la capa- M. Leman (Eurotherm Chessel). On peut ainsi cité mémoire que le nombre de voies a pu se garder la trace d’une surveillance très commultiplier Les enregistreurs “haut de gamme” plète d’un process. ont vu aussi leur nombre de voies se multi- En parallèle, l’enregistreur se dote de multiplier : 16 , 32, 48…. voies d’entrées univer- ples autres fonctions. Parmi celles-ci, des selles ou spécifiques, pour recevoir toutes les fonctions d’alarmes, et tout une kyrielle de fonctions mathématiques ou statistiques de données de tous les points de mesures… L’enregistreur se rapproche d’une centrale plus en plus évoluées, addition soustraction, d’acquisition. « Il est vrai que la limite devient floue, comptage, totalisation… Certains intègrent souligne M. Leman, qui préfère alors utiliser des fonctions de régulation PID ou des foncle terme de “centrale d’enregistrement”. À la tions de gestion de batch. différence qu’une centrale d’acquisition est toujours aveugle, A ce niveau là, la frontière se lézarde entre le et qu’un enregistreur offre toujours une visualisation ». marché des interfaces homme-machine L’extension du nombre de voies (qui n’est (HMI) et des automates (API) et celui des pas possible sur des enregistreurs “papier”) enregistreurs, avec le risque pour ces derniers permet une surveillance très rapprochée d’un de devenir des petits monstres à configurer. processus. Dans une étuve par exemple, on Qu’on se rassure, la majorité des applications enregistre non seulement la température se situe en dessous de la quinzaine de voies. ➜ carte Compact Flash, carte mémoire SD (Secure Digital), clé USB… Les enregistreurs peuvent aussi intégrer un disque dur. La capacité mémoire devient ainsi quasi sans limite. « Avec 8 Go, vous pouvez avoir 15 ans d’enregistrement de données », souligne M. Nouhen (Fuji Electric). 54 Faut-il tous les citer? Modbus, IEEE, Hart, Profibus, Ethernet, TCP/ IP… Les enregistreurs n’échappent pas aux modes de la communication. Pas plus qu’au serveur Web. Devant n’importe quel écran de PC connecté à distance, on peut faire, exactement la même chose que si l’on était sur place, devant l’écran de l’enregistreur. « Pour nous, souligne M. Prévost (ABB),65 % de nos ventes sont en format 144 sur 144 mm, avec 6, voire 10 voies maximum, entre 1 000 et 1 500 euros ». Pour répondre à un besoin tout simple : voir et enregistrer ce qui se passe. Marie-Pierre Vivarat-Perrin MESURES 798 - OCTOBRE 2007 - www.mesures.com