Le Figaro - 27/10/2011 - « Sandro, un modèle au top
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Le Figaro - 27/10/2011 - « Sandro, un modèle au top
jeudi 27 octobre 2011 LE FIGARO 32 style La marque française, qui a ouvert sa première boutique en 2004, impose jusque sur le sol américain un sens de la mode et du business à faire pâlir d’envie la concurrence. CAROLINE ROUSSEAU SUCCÈS À quoi tient l’aura d’une marque ? Sa respectabilité, son charme ? Difficile à dire… Au décollage des ventes ? À une notoriété telle que votre fille, votre mère, votre dentiste la connaissent ? À l’engouement des rédactrices de mode ? À l’ouverture de boutiques partout dans le monde ? À des collections qui réconcilient les femmes avec les tendances les plus pointues ? À l’intérêt soudain des investisseurs ? Si les critères sont ceux-là, Sandro les remplit tous. La marque créée en 2004 par Évelyne Chetrite - et rachetée à hauteur de 51 %, il y a un an, par L Capital (fonds d’investissement de Bernard Arnault) et Florac (famille LouisDreyfus) - affiche 160 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année (contre 8 millions en 2006) et 180 magasins (7 en 2006 et 220 attendus en 2012). Sa progression à l’export a bondi de 2 % à 20 % des ventes en quatre ans… Elle inaugure d’ailleurs dans quinze jours à New York trois corners chez Bloomingdale’s ainsi que deux boutiques (l’une pour l’homme et l’autre pour la femme) sur Bleecker Street. Les yellow cabs ont même posé sur leur toit des affichettes « Sandro » en guise de teasing avant les ouvertures… UNE RECETTE ET DU GOÛT Il faut dire que la marque française fait rêver l’Amérique. Elle s’est taillé une place de choix dans ce que les grands magasins appellent la « contemporary fashion ». De l’autre côté de l’Atlantique, on trouve sur ce segment des labels américains comme Theory, Rag & Bone, DVF, Marc by Marc Jacobs et autres Alice & Olivia… À tous, il semblerait que les p’tits Français (de Maje à Gérard Darel en passant par The Kooples) dament le pion… Et ce n’est pas le moment de bouder notre plaisir. Pendant des lustres, les Américains ont regardé l’Hexagone de très loin, persuadés qu’à part Balenciaga et Lanvin, comment dire, les Frenchies n’avaient pas grand-chose à leur apprendre… Aujourd’hui, n’ayant rien de comparable en termes de qualité/prix sur leur sol, ils font plus que les observer, ils les importent ! « Le succès de Sandro repose avant tout sur des gens talentueux mais aussi sur un business model efficace mû par une grande réactivité, décode Tancrède de Lalun, directeur des achats mode au Printemps. Ils ont LE bon produit en termes de mode, proposé dans de bonnes quantités, une chaîne logistique efficace, des directeurs et vendeuses bien formés… Il faut aussi souligner que d’autres, avec les mêmes recettes, ne réussissent pas aussi bien. Chez Sandro, comme Maje d’ailleurs (les créatrices Évelyne Chetrite et Judith Milgrom sont sœurs, NDLR), les tendances sont digérées et savamment mixées. On sent une vraie culture mode et beaucoup de goût. » LE PRODUIT A ÉVOLUÉ Ce qui pouvait coller à la peau de Sandro à ses débuts semble disparaître. L’étiquette «néo-Sentier» a fait long feu. La réactivité, O-K, mais pas comme on l’entendait il y a vingt ans. Au début de chaque saison, les références arrivent au compte-gouttes en boutique, tandis que la production - conséquente - attend au chaud, au stock, pour approvisionner intelligemment les points de vente avant que le manque ne se fasse sentir. Si un modèle se vend vraiment bien, une production pourra même être relancée, pourquoi pas dans une autre couleur pour varier les plaisirs. Mais aussi si la météo change brusquement ou si une nouvelle tendance émerge… Sachant au fil des jours exactement ce qui se vend, la marque ajuste ses livraisons pour n’avoir en fin de saison que des best-sellers… qui partiront comme des petits pains au moment des soldes. Ce business model efficace et malin vient renforcer un gros travail sur le produit. « On peut aujourd’hui parler de qualité au sens large », estime Delphine Plisson, directrice de l’image de Sandro. « La marque est arrivée à maturité, c’est-à-dire qu’elle n’en est plus à rassurer sa clientèle et la presse sur la qualité de ses finitions et de ses matières mais revendique un gros travail sur le bien-aller. Le prix (160 € en moyenne) est donc juste par rapport au produit. Zara aussi certainement, mais Zara est moins cher… », ajoute-t-elle avec malice. « Et contrairement à Zara, Sandro est une marque qui a sa façon à elle de réinventer ce que l’on voit sur les podiums. Les vêtements et accessoires les plus pointus passent par le filtre Sandro. Au final, ils sont toujours et avant tout du Sandro. » Enfin, on trouve à la tête de la société, aux côtés d’Évelyne Chetrite, deux anciens de Comptoir des Cotonniers. Ce qui explique aussi le succès. Frédéric Biousse et Elie Kouby, à qui l’on doit les célèbres campagnes mères-filles de Comptoir, ont transposé chez Sandro cette idée révolutionnaire d’un shopping transgénérationnel. Voire familial. Homme ou femme ? 25 ou 50 ans ? Les clients Sandro n’ont pas d’âge. Juste envie d’un dressing quotidien bourré de mode. ■ À New York, l’homme et la femme Sandro arrivent sur Bleecker Street (ci-contre, modèles automne-hiver 2011-2012). SANDRO Le géant japonais vient d’agrandir son magasin de la Défense et d’installer à New York son plus grand point de vente avant de partir à la conquête de l’Asie. VIRGINIE MOUZAT ENVOYÉE SPÉCIALE À NEW YORK INAUGURATION À ce stade, faut-il encore compter les mètres carrés ? Pas sûr. Mais lorsqu’on en connaît le prix, on se rend compte que le temple ouvert sur la Ve Avenue le 13 octobre dernier par Uniqlo donne la mesure du succès de la marque fondée en 1984. C’est très simple, il s’agit, avec ses quelque 3 000 mètres carrés, du plus grand espace commercial Uniqlo au monde. À cette occasion, le discret fondateur du groupe, M. Tadashi Yanai, s’était déplacé. Fervent lecteur de Haruki Murakami, l’écrivain star du Japon, M. Yanai n’avait pourtant pas fait le rapprochement avec 1Q84 (le Q en japonais correspond au chiffre 9), le dernier roman de l’auteur. « Haruki et moi avons fait la même université au Japon », confie-t-il. Dans l’histoire de mondes parallèles que raconte Murakami, on peut voir un écho à la trajectoire d’Uniqlo. Une marque qui vit son succès en marge, dans une autre dimension que celle de son pays d’origine, le Japon, en berne, malmené par les catastrophes naturelles et l’économie mondiale. Qu’importe, M. Yanai - qui ne parle pas anglais et a fait procéder à la cérémonie du saké pour l’ouverture emboîte le pas de l’économie mondiale. Avec sa philosophie du « plain life, high thinking », explique la traductrice anglaise sur les mots du fondateur, Uniqlo propose un produit basique avec supplément d’âme. Du normal pas si normal, en somme. Pendant trois ans, Jil Sander, la mythique styliste de Hambourg, a donné une Un mégastore de 3 000 m2 sur la Ve Avenue. A DR autre dimension à la marque avec la ligne Uniqlo + J. Dans les tubes, une prochaine collaboration éphémère se prépare avec Jun Takashi, designer du label nippon Undercover. L’ItaloJaponais Nicola Formichetti, directeur artistique de la marque depuis trois ans, insuffle lui aussi une créativité sans barrière à Uniqlo. « Je vais au Japon une fois par mois. M. Yanai n’a aucun préjugé, il est ouvert à tout. Il sait parfaitement reconnaître les zones de compétences de chacun », dit-il. Il sait également parfaitement reconnaître qu’après l’ouverture de ce mégastore américain il s’apprête à conquérir toute l’Asie. « En 1984, l’Amérique était le centre du monde. Mais si vous commencez à chiffrer le potentiel des classes moyennes chinoise et indienne d’aujourd’hui et surtout de demain… », explique M. Yanai, les yeux brillants. Uniqlo ne connaît pas les frontières. ■