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FRÉDéRIQUE MALLET
© 2010, Maisey Yates. © 2012, Traduction française :
Harlequin S.A.
HARLEQUIN®
est une marque déposée par le Groupe Harlequin
Azur® est une marque déposée par Harlequin S.A.
978-2-280-23798-7
Azur
1.
— Oh non, pas maintenant ! murmura Alison Whitman en posant une main sur son ventre dans
l’espoir de chasser un haut-le-cœur.
Les nausées, déjà difficiles à supporter au saut du lit, étaient éprouvantes lorsqu’elles duraient
toute la journée et, en ce moment précis où elle s’apprêtait à annoncer à un homme qu’il allait être
père, elles étaient tout simplement infernales.
Alison stoppa la voiture devant un grand portail séparant l’imposant manoir du reste du monde.
Elle ne connaissait le propriétaire que de nom, mais visiblement il venait d’un autre milieu qu’elle.
Elle écarquilla les yeux lorsqu’elle vit un homme en costume sombre et lunettes noires sortir et
s’approcher de sa voiture. Max Rossi faisait-il partie de la mafia ? Qui pouvait bien avoir besoin
d’un agent de sécurité dans un endroit aussi isolé de l’Etat de Washington ?
L’homme lui fit signe de baisser sa vitre et elle obtempéra, gênée de devoir le faire
manuellement, car sa voiture n’avait rien d’un modèle récent possédant toutes les options.
— Vous avez besoin d’un renseignement, madame ?
Il avait l’air aimable et poli, mais elle devina que sa main droite partiellement dissimulée par sa
veste de costume devait tenir un revolver.
— Non, je cherche M. Max Rossi. C’est l’adresse qui m’a été donnée.
— Je suis désolé. M. Rossi ne reçoit pas de visiteurs.
— Je m’appelle Alison Whitman. Je pense qu’il m’attend.
Le garde sortit un téléphone mobile, parla rapidement dans une langue qu’elle supposa être de
l’italien et se retourna vers elle.
— Entrez et garez-vous devant l’entrée, dit-il en déclenchant l’ouverture du portail pour la
laisser passer.
Elle eut un sursaut d’inquiétude à l’idée de rencontrer Max Rossi, mais elle avait longuement
réfléchi avant de se décider et ne pouvait plus reculer à présent.
Elle arrêta sa vieille voiture devant une très grande bâtisse moderne en partie dissimulée par
d’imposants sapins. La nature alentour était magnifique et, comme elle s’aventurait rarement hors
des limites de Seattle, elle en apprécia la vue.
Mais le garde se matérialisa subitement à ses côtés et, l’arrachant à sa contemplation, lui attrapa
fermement le bras pour la guider jusqu’à la porte.
— J’apprécie ce geste chevaleresque mais je suis capable de marcher seule, ironisa-t-elle.
Il relâcha son étreinte avec un sourire. Elle constata cependant qu’il restait prêt à intervenir.
Quand il ouvrit la porte et lui céda le passage, elle eut le sentiment que c’était davantage pour
l’intimider que par politesse.
— Mademoiselle Whitman…
Une voix grave et douce la surprit. Elle sentit son estomac se nouer mais pas sous l’effet d’une
nausée, cette fois. C’était une impression étrange et inconnue, presque plaisante, que la vue du
propriétaire de cette voix étonnante ne fit qu’amplifier. Elle le regarda descendre le large escalier
d’un pas rapide, ferme et gracieux.
C’était l’homme le plus séduisant qu’elle ait jamais vu. En plus de son physique parfait, une
grande assurance ainsi qu’une forte impression de puissance émanaient de sa personne. Elle fut
immédiatement captivée.
Ses grands yeux noirs la fixaient intensément, presque durement.
Son visage lui sembla familier, mais elle ne put imaginer où elle aurait pu le rencontrer. Un tel
exemple de perfection masculine ne hantait pas les couloirs du cabinet d’avocats bénévoles pour
lequel elle travaillait.
Elle prit une profonde inspiration, espérant que cet afflux d’air calmerait un peu le malaise qui
la tenaillait.
— Oui.
— C’est la clinique qui vous envoie ?
Il s’arrêta devant elle, très droit. Elle dut lever les yeux pour le regarder car il avait au moins
une tête de plus qu’elle.
— Oui… Enfin… que vous a-t-on dit exactement ?
Melissa, sa meilleure amie, travaillait à la clinique. Ayant entendu parler de l’erreur commise
au laboratoire, et à l’insu de son patron, elle avait immédiatement averti Alison et même proposé
de contacter Max elle-même.
— Qu’il s’agissait d’une affaire urgente. Venons-en aux faits, je vous prie.
— Y a-t-il un endroit ou nous puissions discuter en privé ? demanda-t-elle en regardant
l’immense hall d’entrée.
La maison sans nul doute comportait suffisamment de pièces où s’asseoir et parler. L’idée d’être
seule dans un espace clos avec cet inconnu ne l’enchantait pas, bien sûr, mais malgré son envie de
s’enfuir, elle devait faire face et affronter ses responsabilités.
— Je n’ai pas beaucoup de temps à vous accorder, mademoiselle Whitman.
La colère s’empara d’elle. Elle aussi avait un agenda chargé, et il lui était très difficile de
s’échapper de son travail. En prenant l’après-midi pour venir le voir elle avait dû abandonner ses
clients.
— Je puis vous assurer que mon temps est précieux aussi, monsieur Rossi, rétorqua-t-elle
froidement. Mais j’ai besoin de vous parler.
— Parlez, alors.
— Je suis enceinte, parvint-elle à articuler.
— Suis-je censé vous féliciter ?
— Et c’est vous le père.
Le regard de Max s’assombrit.
— Nous savons tous deux que cela est impossible. Vous ne tenez peut-être pas à jour la liste de
vos amants, mais je puis vous assurer que ma vie n’est pas à ce point dissolue que j’en oublie le
nom de mes partenaires.
Alison sentit une bouffée de chaleur lui monter au visage.
— Vous n’ignorez pas qu’il y a d’autres façons de concevoir un enfant qu’en ayant un rapport
physique. Je ne travaille pas chez Zoilabs, je suis… leur cliente.
Il se figea et son expression se durcit.
— Allons dans mon bureau.
Elle le suivit jusqu’à une très grande pièce dont le haut plafond était mis en valeur par de
superbes poutres de bois naturel. L’un des murs, entièrement vitré, surplombait la vallée. Aussi
loin que son regard portait, elle ne voyait rien d’autre que la nature, sauvage et magnifique. Mais
cet impressionnant panorama ne suffit pas à la réconforter.
— Une erreur s’est produite à la clinique, dit-elle, le regard fixé sur les montagnes au loin. Une
de mes amies travaille au laboratoire. Elle a pensé que… j’avais le droit de savoir. J’ai reçu votre
« don » par erreur et votre dossier ne fait pas mention de… test génétique.
— Comment cela est-il possible ?
— On ne m’a fourni aucune explication. Votre échantillon m’a été donné à la place de celui du
donneur que j’avais sélectionné. Vos noms se ressemblent.
Max lui lança un regard dur.
— Ce n’était ni votre mari ni votre petit ami ?
— Je n’ai ni l’un ni l’autre. Tout était censé se passer de façon anonyme. Mais ce n’est plus si
simple, à présent.
Max eut un sourire ironique.
— Maintenant que vous avez découvert que votre donneur est un homme riche ? Vous êtes venue
réclamer une sorte de pension prénatale, c’est cela ?
Alison se révolta.
— Mais pas du tout ! Je suis désolée d’avoir à vous déranger. Vous ne vous attendiez
certainement pas à me voir arriver sur le pas de votre porte, mais j’ai besoin de savoir si vous
avez fait un test génétique avant de faire un don.
— Je n’ai jamais fait de don, dit-il d’un ton rude.
— Le laboratoire m’a pourtant communiqué votre nom !
La mâchoire de Max se contracta et elle le vit serrer les poings comme s’il cherchait à maîtriser
un accès de colère.
— Je ne suis pas allé à la clinique pour un don anonyme, mais pour ma femme.
Alison sentit le sang se retirer de son visage et sa tête se mit à tourner. Maintenant, elle avait
réellement envie de tourner les talons et de s’enfuir. Elle avait lu des histoires terribles au sujet de
couples concernés par des erreurs et de gens à qui on avait retiré leur bébé. D’un geste protecteur,
elle posa une main sur son ventre. Le bébé lui appartenait, même si cet homme en était le père
biologique. Elle était sa mère. Aucun juge n’enlèverait un bébé à une mère compétente et aimante.
Et la femme de Max ne voudrait sûrement pas d’un bébé qui, de toute façon, ne lui appartenait pas.
— J’ai… J’ai juste besoin de savoir…
Elle prit une profonde inspiration avant de continuer.
— Je suis porteuse saine de mucoviscidose. Les donneurs sont normalement testés afin de
déceler tout problème génétique éventuel avant d’être acceptés. Sachant que j’étais concernée par
cette question, mon amie a recherché cette information mais elle ne figurait pas dans le dossier.
— Je n’étais pas donneur, expliqua-t-il sèchement.
— Mais avez-vous été testé, monsieur Rossi ?
Elle devait savoir… Voir sa sœur succomber à cette maladie dans son enfance avait été la chose
la plus difficile qu’Alison avait endurée. Cet événement tragique avait signé la fin de tout : de sa
famille, de son bonheur, de sa foi en l’avenir… Elle devait savoir pour se préparer au pire. Elle ne
mettrait pas fin à sa grossesse. Le souvenir de sa sœur et de sa vie courte mais merveilleuse lui
était trop cher pour envisager cela. Mais elle avait absolument besoin de savoir.
— Je n’ai pas fait ce test.
Elle s’effondra dans le somptueux fauteuil placé devant le bureau. Ses jambes ne la portaient
plus.
— Vous devez le faire, dit-elle. Je vous en prie, c’est tellement important pour moi.
Le cœur battant lourdement, Maximo examina la femme assise face à lui. Il n’avait pas accordé
une pensée à cette clinique depuis le décès de Selena, survenu deux ans auparavant. Il avait bien
reçu un message de la clinique peu de temps après l’accident, mais l’avait ignoré, n’ayant pas la
force de s’occuper de cela. Il n’avait pas imaginé de telles conséquences…
Il allait être père ! songea-t-il en baissant les yeux vers le ventre plat d’Alison. Elle était si
mince qu’il était impossible de croire qu’elle portait un bébé, son bébé.
Il imagina aussitôt la jeune femme, un doux sourire maternel sur le visage, berçant un enfant aux
cheveux sombres. Cette vision l’emplit d’un désir si intense et si incongru qu’il ressentit une
violente douleur à la poitrine. Lui qui pensait avoir réussi à laisser ce désir d’enfants reposer aux
côtés de sa femme…
Et voilà qu’en un instant, son rêve redevenait possible. Mais une menace pesait sur son enfant et,
soudain, il ne pouvait plus contrôler sa vie, si soigneusement organisée jusque-là. Ce qui lui
paraissait important quelques instants plus tôt avait perdu tout sens, et tout ce qui comptait se
trouvait désormais dans le ventre de cette étrangère…
Il se ressaisit et annonça :
— Je vais faire ce test sans attendre.
Il n’avait pas prévu de rentrer à Turan avant deux semaines, mais cet examen était prioritaire. Il
devait voir son médecin personnel au palais afin éviter que la presse s’empare de la nouvelle. Les
journalistes avaient fait assez de dégâts dans sa vie…
— Et que pensez-vous faire s’il est positif ? demanda-t-il à la jeune femme.
Elle regarda ses mains sur son ventre. Des mains fines et délicates, sans bijoux ni vernis. Il
imagina leur contact sur son corps, leur blancheur sur la peau sombre de sa poitrine, se sentit
tiraillé par un désir subit. Elle était très belle, c’était indéniable, et plus naturelle que les femmes
qu’il avait l’habitude de fréquenter.
Elle avait un teint d’ivoire, des yeux dorés sans maquillage et le simple voile de gloss rose sur
ses lèvres pleines disparaîtrait vite à la faveur d’un baiser…
Ses cheveux châtain très clair lui arrivaient aux épaules et semblaient doux comme de la soie. A
la simple idée d’y promener ses doigts, il sentit son estomac se contracter. Le fait qu’il ressente
une telle excitation dans un moment pareil en disait long sur l’état de sa libido. Quand donc une
femme l’avait-elle séduit de façon si immédiate ? Quand avait-il ressenti un désir si intense ?
Jamais. Il en était certain. La culpabilité, qu’il parvenait d’ordinaire à ignorer pour l’avoir
longtemps côtoyée, le submergea soudain, plus forte et plus insistante que jamais.
— Je garderai l’enfant quoi qu’il arrive, dit-elle lentement en cherchant son regard. J’ai
seulement besoin d’être préparée.
Quelque chose dans sa manière de dire qu’elle gardait le bébé, comme si lui, le père, n’avait
aucune place dans sa vie, déclencha en lui un accès de colère possessive. Ce fut si violent que cela
masqua momentanément le désir qui coulait dans ses veines.
— Le bébé n’est pas à vous. C’est le nôtre, lança-t-il.
— Mais… vous et votre femme…
Il se figea, se rendant soudain compte qu’elle ne le reconnaissait pas. Ou bien qu’elle était une
formidable actrice.
— Ma femme est morte il y a deux ans.
Elle ouvrit la bouche et ses yeux s’agrandirent.
— Je suis désolée… Je l’ignorais. Je ne connais que votre nom.
— D’ordinaire, cela suffit, dit-il.
— Mais… vous ne pensez tout de même pas que je vais vous donner mon bébé ?
— Notre bébé, précisa-t-il. Le mien autant que le vôtre. En supposant que vous êtes bien la
mère et qu’une autre femme n’a pas fourni le matériel génétique.
— Non, il s’agit bien de mon enfant, ajouta-t-elle en baissant les yeux. J’ai subi trois
inséminations artificielles.
— Et vous êtes sûre qu’ils ont utilisé mon sperme ?
— C’était le vôtre chaque fois. Ils se sont aperçus de leur erreur lorsque je suis tombée
enceinte.
Un silence s’installa entre eux, plombant l’atmosphère. Maximo sentit son pouls s’accélérer. Il
baissa les yeux vers la jeune femme. En voyant ses lèvres pleines, il se surprit à penser qu’il aurait
souhaité faire lui-même trois tentatives avec elle, selon la bonne vieille méthode… Elle était
incroyablement belle. Cet étrange mélange de force et de vulnérabilité le séduisait d’une façon
incompréhensible. Il tenta de réprimer la bouffée de désir qui s’était emparée de lui.
— Donc, vous êtes capable de concevoir un enfant avec un homme de façon normale, et pourtant
vous choisissez d’en faire un avec une pipette, dit-il d’une voix dure.
— C’est que vous dites est ignoble !
Elle avait raison. Il se sentait cependant contraint de s’en prendre violemment à elle qui, en
pénétrant chez lui, avait fait vaciller son univers. Sa vie n’avait pas été totalement heureuse mais il
était parvenu à l’accepter. Et voilà qu’elle arrivait et lui offrait ce à quoi il avait appris à
renoncer… Il s’agissait pourtant d’une version bien différente et tronquée du rêve qu’il avait
partagé avec sa femme.
— Vous êtes lesbienne ? demanda-t-il.
Ce serait là une perte pour la gent masculine, un gâchis même, à son avis.
Les joues d’Alison s’empourprèrent.
— Non. Je ne suis pas lesbienne.
— Alors pourquoi ne pas attendre d’avoir un mari pour tomber enceinte ?
— Parce que je ne veux pas de mari.
Il remarqua alors sa tenue. L’extrême beauté de son visage avait accaparé son attention jusquelà, l’empêchant de prêter attention à son tailleur pantalon gris anthracite et à son chemisier blanc.
Elle était visiblement une femme d’affaires. Elle devait avoir l’intention de confier l’éducation de
son enfant à une nounou tandis qu’elle serait occupée à grimper les échelons dans la hiérarchie
d’une grande compagnie. A quoi bon avoir un bébé, alors ? Un accessoire sans doute, l’ultime
symbole de tout ce qu’elle avait réalisé sans l’aide d’un homme…
— N’imaginez pas un instant que vous allez élever cet enfant sans moi, reprit-il avec force.
Nous allons effectuer un test de paternité et, s’il s’agit bien de mon bébé, vous allez vous retrouver
avec un mari, en dépit de votre plan initial !
Il ne voulait pas se remarier. Il n’avait même pas souhaité s’engager dans une relation depuis la
mort de Selena, mais cela ne changeait rien à cette situation. S’il avait un enfant, il ne serait pas un
père absent. Il voulait son fils ou sa fille avec lui, à Turan, et non à l’autre bout du monde, aux
Etats-Unis.
L’idée que son enfant soit considéré comme un bâtard royal incapable de prétendre à l’héritage
qui lui revenait de droit le révolta. Or il n’y avait qu’un moyen pour y remédier.
L’horreur qu’il lut sur le visage d’Alison aurait pu être comique si la situation avait eu quoi que
ce soit d’amusant.
— Vous venez de me faire une demande en mariage ?
— Pas exactement.
— Je ne vous connais pas. Vous ne savez même pas qui je suis.
— Nous allons avoir un bébé, dit-il simplement.
— Je ne vois toujours pas le rapport avec le mariage.
— C’est une raison normale pour que les gens se marient, ajouta-t-il, ironique. Sans doute la
plus courante.
— J’ai l’intention de rester mère célibataire. Je n’attendais pas qu’un blanc chevalier m’enlève
et m’offre le mariage. Mon seul souhait était d’avoir un enfant.
— Et je suis sûr que bien des femmes applaudiraient votre point de vue si progressiste,
mademoiselle Whitman, mais vous n’êtes plus la seule personne concernée. Je le suis aussi, à
présent, puisque vous avez choisi de m’impliquer.
— Je voulais juste savoir si vous étiez porteur de mucoviscidose.
— Ne pouviez-vous pas faire tester le bébé ?
— Je veux le savoir avant sa naissance pour me préparer psychologiquement. Le test in utero
est réservé aux cas où les deux parents sont porteurs. Il présente un léger risque de fausse couche.
Il me semblait inutile de le prendre alors que je pouvais venir vous poser la question.
— Votre attitude féministe pourrait n’être qu’une façade. Vous dites avoir une amie dans la
clinique. Je suis un homme puissant et riche. Vous pouvez ne pas avoir reçu mon échantillon par
accident. Comment se fait-il qu’il soit resté là deux ans avant d’être conservé avec le sperme des
donneurs ?
Maximo savait de quoi les gens étaient capables. Cette femme pouvait avoir tout calculé pour
s’approprier argent et pouvoir.
— Je ne sais pas comment l’erreur s’est produite. Mais vous vous flattez en imaginant d’une part
que je prendrais la peine de me lier à vous dans le seul but d’avoir de l’argent, et de l’autre que
j’ai la moindre idée de qui vous êtes.
Il éclata de rire.
— Ce n’est certainement pas de la flatterie que de penser qu’une personne aussi bien informée
et éduquée que vous devrait savoir qui je suis. A moins, bien sûr, que vous ne soyez rien de tout
cela.
Alison le fusilla du regard.
— Vous mesurez mon intelligence au fait que je sache ou non qui vous êtes ? Quel ego, monsieur
Rossi !
— J’espère ne pas confirmer votre point de vue sur mon ego, mademoiselle Whitman, mais mon
titre officiel est prince Maximo Rossi. Je suis le prétendant au trône de Turan. Si l’enfant que vous
portez est le mien, alors, il ou elle est mon héritier, le futur souverain de mon pays.
2.
Elle comprit soudain pourquoi il lui avait paru familier. Elle l’avait vu à la télévision et dans
les magazines. Sa femme et lui, beaux et manifestement très heureux, avaient été les chouchous des
médias. Puis, deux ans plus tôt, la mort tragique de sa femme avait fait la une des journaux.
Elle fut heureuse d’être assise car, sinon, elle se serait sûrement effondrée.
Elle vit Max froncer les sourcils et nota de l’inquiétude dans ses yeux avant que sa vision ne se
brouille légèrement.
— Vous vous sentez bien ?
Il s’approcha d’elle et posa la main sur son front. Sa paume lui parut chaude et elle ne put
réprimer un frisson lorsqu’il fit glisser sa main sur ses cheveux et les repoussa sur son épaule,
exposant son cou à l’air frais.
— Oui… enfin, non.
— Baissez la tête, ordonna-t-il.
Elle se sentait trop malade pour ne pas obéir. Il lui inclina gentiment la tête, promenant
doucement la main de bas en haut sur son cou en un geste apaisant. Sa caresse était terriblement
douce et rassurante. Cela faisait si longtemps que personne ne l’avait touchée… A part des mains
serrées et des contacts désinvoltes au bureau, elle ne se souvenait pas de la dernière fois que
quelqu’un avait posé les mains sur elle pour la réconforter. Elle avait oublié à quel point cela
pouvait être merveilleux.
Le contact de la main de Maximo provoquait de douces sensations en elle. Le léger frottement
de ses doigts contre sa peau était source de plaisir. C’était étonnant de voir combien les mains
d’un homme pouvaient être douces tout en étant fermes. Elle regarda celle qu’il avait posée sur sa
cuisse. La paume était large, les doigts longs et puissants et les ongles nets et carrés.
Elle en sentit la chaleur s’infiltrer à travers la flanelle de son pantalon et fut stupéfaite de la
trouver si apaisante. Elle lui procurait plus que du réconfort. Ses seins lui semblèrent soudain plus
lourds et l’air plus épais. Elle pensait ne pas être le genre de personne qui réagissait à un contact
physique et cela ne l’avait jamais dérangée. Ça avait même été un soulagement. Elle n’avait jamais
voulu avoir de relation, s’ouvrir à quelqu’un et risquer de devenir dépendante. C’est pourquoi elle
avait fait en sorte d’éviter les histoires d’amour.
Sa réaction face à Maximo devait être provoquée par sa grossesse et les hormones. C’était la
seule explication…
— Je me sens mieux, annonça-t-elle d’une voix étranglée.
Elle posa la main sur la sienne pour l’écarter et ce contact déclencha en elle un frisson purement
sensuel. Elle se leva brusquement, ignorant sa vue qui se brouillait.
— Merci.
— Etes-vous sûre d’être en assez bonne santé pour supporter une grossesse ? demanda-t-il
d’une voix inquiète.
Elle ne sut si cette anxiété la concernait, elle, ou le bébé.
— Ce n’est pas tous les jours que l’on apprend que son enfant à naître est l’héritier du trône de
Turan, vous savez.
Maximo comprit qu’Alison aurait été incapable de feindre un malaise et de blêmir de la sorte,
aussi bonne actrice soit-elle. A présent, ses yeux dorés étaient perdus dans le vide et ses jolies
mains tremblaient. Après avoir vu la stupeur sur son visage, il ne pouvait plus croire qu’elle ait
orchestré quoi que ce soit. Elle avait l’air d’une biche égarée et terrifiée.
— Ce n’est pas non plus tous les jours qu’un homme découvre qu’une seconde chance d’avoir
un enfant lui est donnée.
— Vous voulez ce bébé ? dit-elle, la voix grave.
— Bien sûr, que je le veux ! Comment pourrais-je renier ma propre chair et mon propre sang ?
— S’il s’agit de fournir un héritier, ne pourriez-vous pas trouver une autre femme pour…
— Assez, s’emporta-t-il. C’est cela que vous pensez ? Que je pourrais oublier que j’ai un enfant
dans ce monde ? Que je peux l’abandonner parce qu’il n’était pas prévu ? Pourriez-vous partir
aussi facilement ?
— Bien sûr que non !
— Alors pourquoi attendez-vous de moi que je le fasse ? Si cela est si simple, faites ce bébé et
donnez-le moi. Vous pourrez toujours en avoir un autre.
— Vous savez bien que je ne pourrais jamais abandonner mon enfant !
— Alors ne vous attendez pas à ce que je le fasse.
— Tout cela me semble bien mal parti, gémit-elle en se renfonçant dans le fauteuil et en se
prenant la tête entre les mains. Rien ne se passe jamais comme prévu dans la vie. Tout change. Des
gens meurent, des accidents arrivent. Et l’on ne peut que faire de son mieux avec ce qui reste.
Elle leva vers lui des yeux pleins de larmes.
— Je ne veux pas partager mon bébé avec un étranger ni avec personne. Si cela fait de moi une
égoïste, j’en suis désolée.
— Et je crains de ne pas pouvoir vous laisser partir avec mon enfant.
— Je n’ai pas dit que j’allais partir avec votre enfant. Je comprends que cela soit… difficile
pour vous aussi. Mais, vous, vous n’aviez pas prévu d’avoir un enfant. Moi si, et…
— Si, j’avais prévu d’avoir des enfants. Mais ça m’a été refusé. Il y a d’abord eu un problème
de stérilité, puis ma femme est morte. Maintenant que j’ai de nouveau cette chance, vous n’allez
pas vous mettre en travers de mon chemin, n’est-ce pas ?
Il n’était pas encore sûr de la conduite à adopter mais une chose était claire : cette femme ne
devait pas lui échapper. Même si la seule idée du mariage le rendait malade, cela semblait être la
meilleure option, la seule manière d’empêcher son fils ou sa fille de souffrir.
— Je dois retourner à Turan voir mon médecin personnel. Il n’est pas question que je passe des
tests médicaux ici.
— Vous avez pourtant suivi ici avec votre femme un traitement pour la fertilité.
C’était vrai. Selena ayant été élevée sur la côte ouest des Etats-Unis, ils avaient conservé une
résidence dans l’Etat de Washington pour les vacances. Ils se retiraient ici quand ils avaient
besoin d’oublier le stress de la vie sous microscope de Turan. C’est la raison pour laquelle ils
avaient choisi une clinique à Seattle où poursuivre leur rêve de fonder une famille. C’était
reposant, ici… Un endroit où tous deux se sentaient à l’aise.
— Oui, dit-il sèchement. Mais pour des raisons évidentes ma confiance dans votre système
médical vient d’être fortement ébranlée. Mon médecin à Turan sera rapide et discret.
Elle hocha la tête lentement, ne voyant visiblement aucun intérêt à se disputer avec lui.
— Quand pensez-vous pouvoir faire ce test ?
— Dès mon arrivée. La santé de mon enfant est importante pour moi aussi.
Elle eut soudain l’air si désespérée qu’il eut envie de la prendre dans les bras, de serrer son
corps fragile contre lui, de la rassurer et de la protéger. Ce besoin impérieux et soudain de la
réconforter l’étonna. Etait-ce parce qu’elle portait son enfant ? Il ne voyait pas d’autre explication.
La vie de son enfant était liée à la sienne et cela déclenchait son instinct de protection le plus
primaire.
Alison elle-même l’interpellait. S’agissait-il aussi d’une sorte d’instinct mâle que de réclamer
ce qui maintenant semblait lui appartenir ? Le besoin de la prendre dans ses bras, de l’embrasser
jusqu’à ce que ses lèvres soient gonflées, de pénétrer son corps et de s’unir à elle de la façon la
plus intime qui soit, était presque assez fort pour ébranler sa légendaire maîtrise de lui-même.
— Je songe à poursuivre la clinique, ajouta-t-elle doucement. En tant qu’avocate, je suis
certaine que nous pourrions saisir le tribunal.
— J’en suis sûr aussi, même si je n’ai pas de licence en droit. Mais cela voudrait dire beaucoup
de presse…
Les médias seraient hors de contrôle. Ils feraient la une des journaux dans un monde où les gens
n’aimaient rien tant que le scandale. Les problèmes de fertilité de sa femme, son mariage, tout cela
serait étalé au grand jour ! C’était la dernière chose qu’il souhaitait, pour lui comme pour Selena.
Il n’avait aucune raison de salir sa mémoire. Mieux valait laisser certaines choses enterrées et les
derniers mois de son mariage en faisaient partie.
— Vous attirez beaucoup les médias, n’est-ce pas ?
— Je ne pensais pas que vous lisiez la presse à scandale.
— Ce n’est pas le cas, en effet. Mais je vois les gros titres. Je n’y ai jamais prêté très attention,
voilà pourquoi je ne vous ai pas reconnu.
— Et c’est la raison pour laquelle mon nom ne vous disait rien…
Elle haussa les épaules.
— Je n’accorde que très peu de place aux futilités au risque de passer à côté d’informations
importantes.
Il sourit malgré lui. Il aimait le fait qu’elle soit capable de lui lancer une pique, même dans ces
circonstances. C’était rare que quelqu’un lui tienne tête. Selena ne l’avait pas fait. Elle l’avait fui.
Si au moins elle avait pu exprimer sa colère contre lui au lieu de l’intérioriser…
Mais il était trop tard pour élaborer des hypothèses. Chassant ses pensées, il se concentra sur le
problème actuel.
— Je souhaiterais que vous m’accompagniez à Turan.
Elle le regarda, stupéfaite.
— Je suis désolée, mais c’est impossible. J’ai trop de travail.
— N’y a-t-il personne à votre bureau qui puisse s’en charger ? Après tout, vous êtes enceinte.
— La question n’est pas là ! J’ai des responsabilités et je ne peux pas les oublier parce que
vous désirez que je prenne des vacances.
— Je vois. Votre carrière est si importante à vos yeux que vous ne pouvez même pas prendre le
temps de faire un test ? Alors que cela est si important pour notre enfant ?
Elle se raidit, puis releva le menton d’un air de défi.
— Ce n’est pas juste. C’est du chantage affectif !
— Et si ça ne fonctionne pas, j’aurai recours à une autre forme de chantage. Cela ne me pose
aucun problème.
Elle serra les lèvres. Il aurait préféré continuer d’admirer sa bouche voluptueuse et si tentante
que de se disputer avec elle. Cela faisait tellement longtemps qu’une femme ne l’avait pas attiré
qu’il savourait cette sensation. Il tendit la main et posa son pouce sur sa lèvre inférieure. Surprise,
elle ouvrit la bouche. Son pouce glissa, effleura le bout de sa langue, faisant naître en lui une onde
brûlante qui se propagea de sa main à son bas-ventre.
Il la désirait tellement qu’il en fut bouleversé. Il n’était plus certain que la grossesse ait quelque
chose à voir avec cela. Il la désirait comme un homme désire une femme. C’était aussi simple que
cela.
— Nous devons trouver ensemble une solution, proposa-t-il doucement. Par égard pour le bébé.
Cela s’appelle faire un compromis, pas du chantage.
Elle tourna la tête, mettant fin au contact.
— Pourquoi ai-je le pressentiment que la roturière que je suis fera tous les compromis ?
Il serra les lèvres.
— Maintenant, cara, vous vous méprenez sur mon compte. Je suis un homme très raisonnable.
— Une fois à Turan, il faudra que j’interroge les gens que vous avez fait enfermer dans le cachot
royal ! lança-t-elle.
— Ils n’ont pas le droit de parler, alors vos interviews seront courtes.
Un sourire timide se dessina sur ses lèvres, suscitant en lui un sentiment qui ressemblait fort à de
l’orgueil.
— Il va falloir que j’appelle mon bureau afin d’organiser mon absence, dit-elle en repoussant
ses beaux cheveux sur ses épaules. Quand partons-nous ?
***
Alison regretta très vite sa décision d’accompagner Maximo Rossi, mais elle avait beau y
réfléchir, elle ne savait comment s’y prendre pour se dédire.
Debout dans le salon réservé aux premières classes, elle attendait l’arrivée de Son Altesse et
essayait de calmer ses nerfs et sa nausée en grignotant des crackers salés. Trop nerveuse pour
s’asseoir, elle arpentait la pièce.
Comment tout était-il devenu si compliqué ? Les trois dernières années, elle n’avait fait que
préparer ce moment. Tout avait tourné autour de cette grossesse. Elle avait économisé de façon
obsessionnelle, conduit une vieille voiture, vécu dans l’appartement le plus petit et le moins cher
qu’elle avait trouvé dans l’espoir de s’acheter une maison après la naissance du bébé et d’en
profiter avec lui pendant ses premières années. Elle avait quitté son travail dans un cabinet
d’avocats prestigieux pour fuir tout stress et mieux préparer son corps à une grossesse. Elle avait
même commencé à alimenter un compte pour les futures études de son enfant, bon sang !
Il avait suffit d’un simple coup de fil pour anéantir tout cela. Quand Melissa lui avait annoncé
qu’elle avait reçu le mauvais échantillon de sperme — et surtout celui d’un donneur sans dossier
médical, tout s’était écroulé.
Elle avait tellement voulu que tout soit parfait, sans danger pour le bébé et sans contact avec le
donneur ! C’était le pire scénario possible.
Maximo s’était montré plutôt aimable avec elle la veille, mais elle avait senti, sous son allure
sophistiquée, un caractère impitoyable. C’était un homme qui ne demandait jamais la permission,
mais avait l’habitude qu’on lui obéisse.
Pour l’instant il était poli avec elle, mais elle savait qu’il n’hésiterait pas, si nécessaire, à tirer
parti de tous ses privilèges. Il avait beau être riche et influent, elle n’était pas prête à se laisser
faire.
En attendant, la courtoisie semblait de mise et elle était bien décidée à parvenir à un
arrangement avec lui. Il avait des droits sur son enfant, que cette idée lui plaise ou non. Il était
victime des circonstances, tout comme elle. Il était veuf, avait connu des moments douloureux. Elle
aurait souhaité pouvoir revenir en arrière et faire le choix de ne rien lui dire, mais il était trop tard.
Alison regarda le terminal, en dessous d’elle, à travers les fenêtres teintées du salon. Elle vit les
portes automatiques s’ouvrir et Maximo entrer à grands pas, équipe de sécurité et photographes sur
les talons. Il était aussi grand et fort que n’importe lequel de ses gardes du corps. On devinait sa
poitrine large et musclée sous sa chemise blanche dont les manches roulées jusqu’aux coudes
dévoilaient des avant-bras fermes et une peau délicieusement dorée.
Il disparut de sa vue. Quelques instants plus tard la porte du salon s’ouvrit et il entra, laissant
derrière lui les photographes et sa garde personnelle.
Elle ne put s’empêcher de détailler son corps bien bâti. Son pantalon moulait juste assez ses
jambes pour qu’elle devine qu’elles étaient aussi fermes que tout le reste. Et elle ne put résister à
la tentation de jeter un coup d’œil furtif au léger renflement visible en haut de ces mêmes jambes…
Elle baissa les yeux, gênée par son comportement inhabituel. Elle ne se souvenait pas d’avoir
jamais regardé un homme à cet endroit-là. Pas délibérément, en tout cas. Elle essaya de se
convaincre que seuls ses nerfs étaient responsables de l’accélération de son pouls.
Maximo s’approcha d’elle, ôta ses lunettes de soleil et les accrocha dans l’échancrure de sa
chemise. Son regard s’arrêta malgré elle sur la peau dorée ainsi découverte.
— Je suis ravi que vous ayez pu vous libérer, dit-il.
Il ne semblait pas le moins du monde dérangé par le fait qu’un instant auparavant une équipe de
photographes l’avait mitraillé. Sa confiance en lui était exaspérante. Si elle avait eu des objectifs
fixés sur elle, elle se serait inquiétée de son apparence.
— J’avais dit que j’y serais, répliqua-t-elle d’un ton glacial. Je tiens parole.
— Je suis soulagé de l’entendre. Comment vous sentez-vous ?
Il lui prit le bras, d’un geste naturel de propriétaire qui fit bondir son cœur dans sa poitrine. Il
était tellement plus grand et plus fort qu’elle ! Cette force masculine était irrésistible. Elle éprouva
l’envie subite de s’appuyer contre lui, de le laisser porter une partie de son stress et de ses
responsabilités.
Elle se ressaisit et tenta de se concentrer sur sa nausée. Tout valait mieux que cette étrange
attirance qui semblait prendre le pas sur son bon sens.
— Pas bien du tout, mais c’est gentil d’avoir posé la question.
Un léger sourire se dessina sur ses lèvres.
— Vous pouvez court-circuiter le contrôle de sécurité, dit-il. Mon avion attend sur le tarmac.
Mon garde vous escortera. Je vous rejoins plus tard afin d’éviter les photographes.
Elle hocha la tête. L’idée de sa photo en première page des revues people du supermarché
suffisait à la faire frissonner.
Le garde du corps entra et Maximo fit signe à Alison de le suivre. Elle baissa la tête pour
traverser le tarmac en direction de l’avion privé, mais il lui sembla apercevoir l’éclat d’un flash.
Elle monta dans le jet, dont la moquette épaisse et l’ameublement luxueux le faisaient
ressembler à un penthouse tendance plus qu’à un moyen de transport. C’était là le style de vie
auquel Maximo était habitué. Il était le prince de l’une des îles les plus célèbres du monde, d’un
pays qui rivalisait avec Monte Carlo sur le terrain du luxe et des divertissements haut de gamme.
Le garde du corps se retira discrètement. Alison resta debout, n’osant pas s’asseoir et se mettre
à l’aise.
Maximo arriva dix minutes plus tard, la mine sombre.
— Un photographe attendait sur le tarmac. Mais dans la mesure où nous n’avons pas embarqué
ensemble, il a dû vous prendre pour un membre de mon équipe.
Elle hocha la tête, sans comprendre vraiment qu’éviter la presse était soudain devenu partie
intégrante de sa vie.
— Sommes-nous les seuls à prendre l’avion aujourd’hui ? demanda-t-elle en regardant autour
d’elle.
— Vous, moi, le pilote, le copilote et l’équipage.
— C’est un gaspillage épouvantable, vous ne trouvez pas ?
Il fronça les sourcils et elle eut une certaine satisfaction en constatant qu’elle l’avait
décontenancé.
— Scusami ?
— Affréter un avion pour deux personnes qui auraient pu prendre un vol commercial, et les faire
servir par un équipage complet. Les émissions de gaz contribuent à l’effet de serre, vous savez.
Il lui adressa un sourire paresseux qui transforma son visage, en adoucit les angles et le rendit
presque accessible.
— Je reconsidérerai mon mode de transport quand le président des Etats-Unis laissera tomber
Air Force One. Jusque-là, je pense qu’il est tout à fait acceptable pour des leaders mondiaux de
voyager en avions privés.
— Je suppose qu’il est difficile de passer les contrôles de sécurité dans les aéroports avec tout
cet or tintant dans vos poches.
— Serait-ce un reproche, Alison ? demanda-t-il, une pointe d’amusement perceptible dans la
voix.
— Pas du tout. Je ne faisais que formuler mon opinion.
Elle devait à tout prix garder ses distances, car quelque chose en lui faisait se contracter son
ventre et transpirer ses mains. Ce n’était pas de la peur, mais cela la déstabilisait.
Elle n’avait jamais voulu de relation sérieuse, sous peine de se voir ensuite abandonnée. Elle
avait déjà vécu cela avec le décès de son adorable sœur. Elle ne pouvait pas reprocher à Kimberly
d’être morte, mais le chagrin que celle-ci lui avait causé avait été terriblement douloureux. Sa
perte ressemblait à une trahison. A la suite de cela, son père les avait toutes deux abandonnées et
sa mère, bien que toujours présente physiquement, était devenue peu à peu l’ombre d’elle-même.
Ces épreuves lui avaient appris à être autonome et elle s’était juré de ne jamais dépendre de
quiconque.
La seule chose qu’elle voulait vraiment, c’était être mère, et elle avait tout mis en œuvre pour y
parvenir, seule. Hélas, Maximo avait compromis malgré lui son plan si soigneusement élaboré, et
voilà que la vision idyllique de son avenir lui filait entre les doigts…
Son bébé avait un père, et celui-ci était le prince d’un important royaume ! Un homme à
l’arrogance inégalable et dont le physique la troublait plus qu’elle ne voulait l’admettre.
— Vous semblez avoir une opinion sur tout, dit-il en s’asseyant confortablement dans un large
fauteuil.
Alison s’installa sagement au bord du canapé, face à lui.
— Déformation professionnelle.
Max apprécia son esprit de répartie. Elle était bien différente des femmes qu’il avait l’habitude
de fréquenter et il ne l’imaginait pas s’accrocher, s’en remettre à lui ou minauder. Il aimait sa force
et son intelligence. C’était un défi et il était heureux de savoir qu’il avait des atouts en mains. En la
persuadant de l’accompagner à Turan, il avait tourné la situation en sa faveur.
Il n’avait pas l’intention de lui forcer la main, au contraire. Il attendait d’avoir défini exactement
ce qu’il désirait pour lui faire une proposition impossible à refuser. Il devinait qu’Alison
défendrait bec et ongles leur enfant, qu’elle abandonnerait tout pour lui. Mais lui aussi : il n’était
pas question qu’il prenne le risque de la voir disparaître avec leur bébé.
C’était étrange pour lui de voir une femme si hostile à l’idée de porter son enfant ! Sans être
vaniteux, il avait une vision pragmatique des choses : il était le futur roi de son pays et disposerait
un jour d’un héritage considérable en plus de la fortune personnelle qu’il avait amassée. Sa chaîne
d’hôtels de luxe et ses casinos, qu’ils soient situés sur l’île de Turan ou dans d’autres régions
touristiques du globe, étaient très prisés par la jet-set.
Pour la plupart des femmes, il représentait le parti idéal, qui leur donnerait accès à un statut et à
une fortune inespérés. Pourtant, Mlle Alison Whitman se comportait comme si attendre son enfant
revenait à être condamnée au cachot royal — un endroit qui n’existait d’ailleurs pas au château de
Turan, en dépit de ce qu’elle pouvait penser.
— Votre travail est très important pour vous, demanda-t-il toujours incapable de comprendre
comment un enfant allait trouver une place dans l’emploi du temps visiblement chargé de cette
femme d’affaires.
— Oui, il l’est. Je suis avocate au tribunal pour enfants. Mon cabinet fait un travail bénévole
subventionné par le gouvernement. Le salaire n’est pas énorme, mais j’ai travaillé avant dans un
cabinet qui avait pignon sur rue et découvert que ce n’était guère enrichissant de plaider des
divorces pour les gens riches et irascibles.
— Donc, vous travaillez pour les enfants ?
Cela ne correspondait pas à l’image qu’il s’était fait d’elle. Il se l’était représentée en avocate
mordante et acharnée avec son esprit vif, son intelligence éclatante et sa beauté froide.
— Depuis un an. J’avais déjà pris la décision de devenir mère et ne voulais pas continuer à me
démener comme on l’attendait de moi chez Chapman & Stone. Ce genre d’entreprises impitoyables
ne me convient pas.
— Alors pourquoi vous êtes-vous lancée dans le droit ?
— C’est bien rémunéré, admit-elle simplement. Je crois être bonne dans ce que je fais. J’ai
travaillé aussi longtemps que j’ai pu le supporter, puis j’ai bifurqué vers une spécialité qui me
convenait mieux. Les enfants ne devraient pas avoir à passer en justice et se retrouver face à ceux
qui en ont fait des victimes. Je parle en leur nom. Je ne permettrai pas à ceux qui défendent des
pédophiles ou autres auteurs de sévices de profiter d’un enfant pour empocher encore plus
d’argent. Je suis avocate, mais il m’arrive parfois de haïr mes confrères…
Les joues rosies d’Alison trahissaient sa passion pour son travail. La femme qui portait son
bébé faisait une parfaite avocate pour enfants : il n’aurait pu mieux choisir. A la place d’une
femme d’affaires dure et froide, il voyait maintenant une femme au service des autres et prête à se
battre pour leur bien. Cela ne fit que renforcer l’idée qui germait peu à peu dans son esprit.
Jusque-là, se remarier n’avait pas été une priorité pour lui. Il avait déjà été marié et avait adoré
sa femme. Mais l’amour et le respect n’avaient pas suffi à résoudre leurs problèmes, ni à les
rendre heureux. Il avait été incapable d’aider son épouse qui, les derniers mois, avait sombré dans
la dépression. Il se le reprocherait toute sa vie.
Mais Alison portait son enfant. Le devoir et l’honneur exigeaient qu’il fasse d’elle sa femme.
Que l’enfant n’ait pas été conçu naturellement ne faisait aucune différence. Il se sentait tout autant
responsable de lui et de sa mère.
Il n’avait pas prévu de passer le reste de sa vie dans l’abstinence mais n’avait pas non plus été
tenté de renouer avec les rencontres occasionnelles et des aventures sans lendemain. Après sept
ans de mariage et plus de neuf sans coucher avec une femme autre que la sienne, il se sentait trop
vieux, à trente-six ans, pour vivre de nouveau comme un célibataire.
Un mariage avec Alison le séduisait. Elle l’attirait terriblement, mais sans doute sa longue
période de célibat avait-elle trop duré. Les hommes n’étaient pas programmés pour ignorer leurs
besoins sexuels si longtemps et il n’était pas surpris de voir de voir sa libido se réveiller affamée
après cette période d’hibernation.
La ravissante tentatrice sagement assise face à lui, avec sa peau claire et sa silhouette parfaite,
était très différente de sa femme. Selena était grande et élancée. Alison lui arrivait à l’épaule, avait
des courbes voluptueuses et des seins épanouis. Il changea de position pour accommoder la tension
qui montait en lui et cacher l’évidence de son désir à Alison. Il n’avait nulle envie d’être pris en
faute comme un adolescent…
— Ainsi, vous aimez les enfants ? demanda-t-il.
— J’ai toujours voulu être mère.
— Mais pas épouse ?
Elle haussa les épaules, et il ne put s’empêcher de remarquer le léger mouvement de sa poitrine.
— Les relations de couple sont compliquées.
— Les relations parents-enfants le sont également.
— Oui, mais c’est différent. Les enfants dépendent de nous. Ils viennent au monde et nous
aiment. C’est à nous d’honorer cela, de prendre soin d’eux et de leur rendre leur amour. Dans une
relation ou un mariage, on dépend de l’autre.
— Et cela vous pose un problème ?
— Cela suppose une confiance en la nature humaine que je ne possède simplement pas.
Il y avait du vrai dans ses paroles. Selena avait été dépendante de lui et il reconnaissait avoir
échoué avec elle.
— Vous avez donc fait le choix d’être mère célibataire plutôt que de faire face aux difficultés
d’une relation ?
Elle fronça les sourcils et ses lèvres pulpeuses formèrent une moue très séduisante.
— Je ne l’avais pas envisagé de cette façon. Mon but était simplement d’être mère.
— Et ce qui nous arrive complique les choses.
— Absolument.
— Est-ce si négatif pour un enfant de grandir avec ses deux parents ?
Elle tourna la tête et regarda par le hublot.
— Je ne sais pas, Maximo. Je ne pense pas pouvoir tout assumer en même temps. Pourrionsnous nous occuper du test et discuter du reste après ?
Il acquiesça.
— Si vous voulez. Mais le moment viendra où il faudra discuter…
— Je sais.
— Ce n’est pas ce que vous aviez prévu. Je comprends. Je n’avais rien prévu de tout cela non
plus.
Alison savait qu’il ne faisait pas simplement référence à sa grossesse, mais aussi à la mort de
Selena. Aimer une femme, l’épouser, puis la perdre ; elle imaginait le vide que cela avait dû
laisser dans la vie de Maximo.
Elle ne voulait pas éprouver de sentiments pour lui et, pourtant, sa simple présence déclenchait
en elle des réactions qui allaient bien au-delà de tout ce qu’elle avait connu, et cela l’effrayait.
L’émotion n’était pas bonne conseillère.
L’amour ne l’avait jamais tentée. Alison avait été témoin dans son enfance des ravages qu’il
peut provoquer. Elle avait vu ses parents se séparer et s’autodétruire. Après le départ de son père
et la perte de leur sécurité financière, de nombreux amis leur avaient tourné le dos. Sa mère s’était
repliée sur elle-même, la laissant se débrouiller seule.
Elle ne voulait pas se retrouver dans cette situation et refusait de placer sa vie entre les mains
d’un inconnu. L’expérience lui avait appris qu’elle devait gérer elle-même son existence, assurer
sa sécurité et son bonheur.
Depuis son enfance perturbée, elle avait contrôlé chaque instant de sa vie. Elle avait travaillé
assidûment et ses notes excellentes lui avaient permis d’obtenir des bourses d’études. Ses
diplômes en poche, elle avait trouvé un travail et gagné son indépendance. Chaque étape avait
ensuite été soigneusement planifiée et orchestrée jusqu’à décider de quand et comment elle
deviendrait mère.
Tout cela lui semblait risible, maintenant qu’elle volait en direction d’un pays étranger et en
compagnie d’un prince extrêmement séduisant, qui se trouvait aussi être le père non intentionnel de
son enfant…
3.
Turan lui apparut tel un joyau étincelant au milieu de la Méditerranée. Des façades rocheuses
d’un blanc éclatant semées de maisons en stuc émaillaient la côte sableuse, et devant la plus haute
montagne se dressait un château en pierre dont les ors brillaient sous le soleil couchant.
— C’est superbe…
Superbe et sauvage, comme le maître du lieu. En plus de son raffinement discret, Maximo avait
quelque chose de brut qui la touchait au plus profond d’elle-même. Elle en avait eu conscience dès
qu’elle l’avait vu descendre les escaliers du manoir.
Pendant le vol, celui-ci n’avait pas semblé affecté par sa présence, ce qui l’avait rendue
étrangement nerveuse, car il suscitait en elle une curiosité qui menaçait son équilibre et son instinct
de conservation.
— Merci, dit-il d’une voix pleine de sincérité. Pour moi, Turan est l’un des plus beaux endroits
de la terre.
L’avion entama sa descente. Ils survolèrent à basse altitude des prairies où le bétail paissait en
liberté.
— Je n’aurais pas pensé que l’on puisse faire de l’élevage sur une île.
— A petite échelle, c’est possible. Nous essayons de tirer parti au maximum de nos ressources
naturelles. Nos vignobles et oliveraies sont très productifs et notre bœuf élevé en plein air a une
renommée mondiale. Turan étant une île, les fruits de mer représentent bien sûr une part importante
de notre exportation. Mais nous n’exportons pas autant que nous le pourrions. Ma priorité a
toujours été l’autarcie.
Elle eut un petit sourire approbateur.
— Que comprennent vos devoirs ? Votre père est toujours le dirigeant officiel, n’est-ce pas ?
Il acquiesça.
— Je suis en charge de l’économie. Ces dernières années, j’ai fait grimper le tourisme de
cinquante pour cent. La construction du nouveau casino et la rénovation des villages de pêche
historiques ont fait de Turan une destination privilégiée pour les gens aisés à la recherche d’un lieu
de vacances sélect.
— Alors vous êtes plus un homme d’affaires qu’un prince ?
Il eut un petit rire.
— Pour ainsi dire. Sans doute aurais-je pu l’être dans une autre vie, mais dans celle-ci je suis
heureux d’accomplir mon devoir. Même si j’ai des intérêts commerciaux par ailleurs, ma
principale responsabilité reste mon pays.
— Et le devoir est la chose la plus importante pour vous ?
— Cela représente énormément, en effet. J’ai été élevé dans l’idée qu’il passe avant tout.
Le devoir d’abord… Son devoir envers son enfant était-il donc de jouer son rôle de père ? Son
cœur se serra. Elle aurait tout donné pour avoir un père aimant, qui lui aurait offert protection et
sécurité. Pouvait-elle refuser à son enfant ce cadeau formidable ? Elle aurait tant voulu que les
choses se déroulent selon ses plans ! Mais c’était impossible, désormais.
L’avion atterrit et elle eut un haut-le-cœur. Sur la passerelle, Maximo s’empara de son bras. Il
se tenait très droit et aussi éloigné d’elle que possible, comme si un contact rapproché lui était
interdit par le protocole. Mais cela lui convenait, car l’étrange pouvoir qu’il exerçait sur elle la
troublait plus que de raison. Il lui semblait que sa maîtrise habituelle avait disparu et que son
corps comblait ce vide en désirant furieusement ce qui jusque-là n’avait présenté à ses yeux aucun
intérêt.
Elle préférait Maximo distant plutôt que pressant, comme il l’avait été chez lui. Elle se souvint
de la douce brûlure ressentie lorsqu’il avait passé le doigt sur ses lèvres. A cette évocation, elle
frissonna et tenta de chasser l’émotion qui s’emparait d’elle.
Cinq personnes attendaient au pied de l’avion, prêtes à débarquer les bagages de Son Altesse
royale ainsi que sa petite valise. Ayant prévu de rentrer à Seattle quelques jours plus tard, elle
n’avait emporté que peu de choses, mais le fait de voir les nombreuses malles de Maximo à côté
de son unique bagage lui sembla révélateur du fossé qui les séparait.
Il la fit entrer à l’arrière d’une limousine noire. Elle se laissa faire, intimidée par tout le luxe qui
l’entourait.
Elle était habituée à l’argent. Pendant son enfance sa famille avait eu un certain train de vie, et
malgré les quelques années de pauvreté qui avaient suivi le départ de son père, elle se souvenait
de l’effet que cela faisait d’habiter une maison convoitée par tous. Même maintenant que ses
revenus étaient plus élevés que ceux de la plupart des gens, elle choisissait d’épargner plutôt que
de dépenser son argent de façon frivole.
Mais tout cela ne ressemblait à rien de ce qu’elle avait connu.
La limousine franchit les grilles séparant le château du reste de l’île. De massives statues
d’hommes en armes montaient la garde près des grilles comme pour souligner encore l’importance
du lieu.
— Pas de douves ? demanda-t-elle facétieusement en regardant les tours du mur d’enceinte.
— Non, les crocodiles ne feraient pas la différence entre résidents et intrus. Nous avons une
alarme, comme tout le monde.
Devant cette tentative d’humour inattendue, un petit rire lui échappa.
— Donc pas d’huile brûlante non plus ?
— Juste dans la cuisine, dit Max avec un sourire en coin.
Elle remarqua alors une fossette sur sa joue. Pourquoi donc ne pouvait-il pas rester austère et
distant ? C’était plus facile de le considérer comme un ennemi quand il se comportait en souverain
que lorsqu’il se montrait aimable.
Ils s’arrêtèrent devant de lourdes portes flanquées, à son grand amusement, de gardes en
uniformes très semblables aux statues de l’entrée.
Il se tourna vers elle.
— Quand le docteur aura fini le test, nous dînerons avec mes parents pour que je vous présente à
eux.
— Pourquoi avez-vous besoin de me présenter ?
— Mis à part le fait que vous êtes une invitée, vous êtes la mère de mon enfant et de leur futur
petit-enfant.
Des grands-parents ! Il pouvait même offrir à leur fils ou à leur fille des grands-parents. Dire
que son propre père était Dieu sait où, et sa mère était devenue une femme amère qui noyait ses
problèmes dans l’alcool, infligeant à son entourage des diatribes acerbes contre la vie en général
et les hommes en particulier. Alison ne soumettrait jamais son enfant à cela. Elle ne s’y soumettait
d’ailleurs elle-même qu’en cas d’absolue nécessité.
— Décidément, c’est de plus en plus compliqué…
— Ils ont des droits sur leurs petits-enfants comme j’en ai sur mon enfant. Autant que vous,
Alison. Je ne vous permettrai pas de priver ma famille de cette chance.
Une vague de colère la submergea soudain.
— Par décret royal, c’est ça ? C’est là que le cachot apparaît ?
— Qu’est-ce que vous avez avec les cachots ? C’est un fantasme, chez vous ?
— Non. J’imagine juste la une des actualités : « UNE AM ÉRICAINE M AINTENUE CAPTIVE PAR UN PRINCE
PRIM ITIF », rétorqua-t-elle.
Elle porta une main à sa joue. La chaleur lui était montée au visage quand il avait mentionné ce
fantasme. Comme si elle avait envie de se laisser attacher par un homme pour qu’il fasse d’elle ce
qu’il voulait !
Le seul fait d’imaginer Maximo dans le rôle du ravisseur la fit frissonner. Bouleversée par le
tour que prenaient ses pensées, d’ordinaire si sages, elle détourna son visage brûlant et ouvrit sa
portière sans attendre l’aide des membres empressés du personnel apparus devant le palais.
Maximo la rejoignit en deux enjambées.
— Est-ce que je vous ai embarrassée, tesoro ?
Elle l’ignora et s’efforça de relever la tête pour ne pas avoir l’air affectée par sa présence et ses
allusions.
Quand il lui attrapa la main pour l’attirer contre lui, son cœur se mit à battre à tout rompre. Elle
sentit la chaleur de son corps, et huma son odeur tellement masculine qu’elle en fut grisée. Il ne
portait pourtant pas d’eau de toilette. C’était simplement lui…
— J’aurais pensé qu’une femme d’affaires comme vous ne serait pas gênée aussi facilement.
Il passa le pouce sur sa joue. Elle se sentit devenir écarlate.
— Mais on dirait que je vous ai fait rougir, cara.
— Arrêtez avec vos mots doux étrangers, dit-elle d’une voix plus essoufflée que cassante. Je
n’aime pas ça.
— Vraiment ?
Il pencha la tête et Alison sentit ses jambes se dérober sous elle. Elle avait cru un instant qu’il
allait l’embrasser.
— La plupart des femmes les trouvent très séduisants.
— Je ne suis pas « la plupart des femmes ».
Il fronça les sourcils et la dévisagea.
— Non, vous avez raison.
Elle ne sut si elle devait le prendre comme un compliment, mais en fut flattée. Elle n’en laissa
rien paraître. Elle refusait que ses paroles aient le pouvoir de la flatter ou de la peiner. Elles ne
devaient lui faire aucun effet. Leur relation n’avait rien de personnel. Sans l’erreur commise par la
clinique, ils ne se seraient jamais rencontrés. Ils fréquentaient des sphères totalement différentes, et
elle était convaincue qu’il ne lui aurait jamais lancé un regard sans ce bébé.
Il était important qu’elle s’en souvienne.
— Quand voyez-vous le docteur ? demanda-t-elle dans l’espoir de détourner son attention
d’elle.
— Elle viendra dès que je l’appellerai.
Elle hocha la tête, gênée d’avoir pu penser qu’il avait besoin d’un rendez-vous. Les gens
prenaient des rendez-vous pour le rencontrer et non l’inverse.
— Quand l’appellerez-vous ?
Elle préférait penser que sa nervosité était due à ce test et non à la proximité de Maximo.
— Tout de suite si vous le souhaitez.
— Oui, le plus tôt sera le mieux.
Alison suivit Maximo. Une ravissante femme en blouse blanche les rejoignit dans son bureau.
Elle avait imaginé un médecin d’un certain âge, pas une blonde d’une trentaine d’années aux
allures de mannequin.
Rien de surprenant cependant. Maximo était un homme très séduisant, riche et puissant. Toutes
les femmes devaient vouloir s’occuper de lui. Et il devait apprécier leurs attentions et prendre ce
qui lui était offert.
Après tout, Maximo pouvait bien faire ce qu’il voulait avec qui il voulait ! Elle n’avait pas
l’intention de s’engager dans ce genre de relation et de sacrifier son indépendance pour
quelques heures de plaisir dans le lit d’un homme.
Elle doutait en plus de trouver cela agréable. Son aversion pour les relations personnelles
l’avait retenue de découvrir les rapports physiques. A vingt-huit ans, sa connaissance du sexe était
purement théorique et elle imaginait difficilement pouvoir trouver plaisir à une activité aussi
intime. Son instinct de conservation la poussait à maintenir des distances respectueuses avec les
autres.
Pourtant, son ventre se contracta lorsqu’elle vit la séduisante jeune femme relever la manche de
Maximo et lui essuyer l’intérieur du coude d’un geste plus lent et sensuel qu’il n’était nécessaire.
— Nous n’avons besoin que d’une petite quantité de sang, dit-elle à Maximo sans regarder
Alison.
Celle-ci détourna les yeux. Sa grossesse la fragilisait et la vue du sang l’incommodait. Il serait
ridicule de s’évanouir devant lui, même s’il était habitué à voir les femmes tomber à ses pieds.
— C’est fini, annonça le docteur d’une voix sensuelle en rabaissant la manche de Maximo. Nous
aurons les résultats dans cinq jours. Je vous préviendrai aussitôt. Si vous avez besoin de quoi que
ce soit avant, appelez-moi. Je suis toujours disponible.
***
Après son départ, Maximo et elle restèrent assis en silence. Rongée par l’anxiété, Alison se
rassura en se disant qu’elle saurait bientôt si leur enfant courait ou non un risque.
Leur enfant ! Il lui parut incroyable que cet étranger soit le père du bébé qu’elle portait. Ils ne
savaient rien l’un de l’autre et n’éprouvaient aucune attirance l’un pour l’autre.
Oh, si, bien sûr qu’il l’attirait, plus qu’aucun homme avant lui… Mais elle était décidée à ne pas
aller plus loin avec Maximo.
— Pouvez-vous me recommander un hôtel ? demanda-t-elle dans un effort désespéré pour
détendre l’atmosphère.
Elle voyait que le test l’inquiétait aussi. Il avait la mâchoire crispée. Il tenait déjà au bébé autant
qu’elle. C’était réconfortant de savoir que si quelque chose tournait mal, elle ne serait pas la seule
à souffrir pour son enfant. Pour l’instant du moins, Maximo ne semblait plus être son ennemi.
— Pourquoi auriez-vous besoin d’un hôtel ?
— Je n’ai pas envie de dormir à la belle étoile…
— Décidément vous avez de la répartie ! dit-il en regardant sa bouche.
Elle s’humecta les lèvres, consciente de son geste. Quand il la regardait ainsi, elle sentait sa
bouche s’assécher. L’intérêt qu’elle lisait dans ses yeux sombres la fit frémir. Il était attiré par
elle, lui aussi. Cette révélation lui fit légèrement tourner la tête.
Hélas, l’éclat disparut des yeux de Maximo aussi soudainement qu’il y était apparu. Elle avait
dû rêver, c’était la seule explication possible. Elle n’était pas laide et le savait. Mais, à côté de la
femme de Maximo et de son médecin particulier, elle se sentait bien ordinaire…
Elle se souvenait parfaitement du visage de Selena. Elle avait fait la couverture des magazines
et avait eu une notoriété personnelle avant son mariage avec Maximo. Chanteuse d’opéra
talentueuse, belle et cultivée, elle s’était produite dans les plus prestigieuses salles du monde.
Elle avait des traits exquis, ses longs cheveux lisses étaient toujours parfaitement coiffés et sa
silhouette mince mettait en valeur les tenues de grands couturiers qu’elle affectionnait.
Alison avait son propre style de beauté, bien loin de ce charme absolu. Il était impossible que
Maximo la désire.
Elle s’humecta de nouveau les lèvres.
— Vous séjournerez ici, au palais, annonça-t-il d’un ton très confiant.
Elle comprit qu’il n’envisageait même pas qu’elle puisse refuser.
— Je n’ai pas besoin que vous m’hébergiez. Je suis parfaitement capable de trouver à me loger.
— Je n’en doute pas, dit-il en la gratifiant d’un sourire ironique. Mais vous êtes enceinte de mon
enfant et je ne veux pas que vous restiez seule à l’hôtel.
— Ils sont si inconfortables que ça, à Turan ?
— Pas du tout, dit-il, balayant cette supposition d’un revers de main. Mais cela ne veux pas dire
que je vous autorise à…
Furieuse, elle lui coupa la parole.
— Vous m’autorisez ? Vous n’avez pas le droit de m’autoriser ou de m’interdire quoi que ce
soit.
— Vous portez mon enfant, et cela me donne certains droits.
Alison en demeura bouche bée. Il croyait vraiment avoir une emprise morale et physique sur
elle, juste parce qu’il se trouvait être le futur père de son bébé !
— C’est la chose la plus primaire que j’aie jamais entendue. Vous n’avez aucun droit sur moi !
— Je veux m’assurer qu’il ne vous arrive rien, ni à vous ni au bébé. Qu’y a-t-il de primaire làdedans ?
— Outre le fait que vous contrôlez ma vie de façon extrême ?
— Che cavolo ! Je veux simplement vous protéger. Porter mon bébé fait de vous ma femme !
Il avait l’air exaspéré, comme s’il trouvait qu’elle tardait à comprendre quelque chose
d’absolument évident.
— Votre femme ?
Elle ignora le frisson sensuel qui la traversa. Cela n’aurait pas dû l’exciter. C’était ridicule.
— Je ne suis la femme de personne. Même si nous avions…
Elle avala sa salive et sentit le rouge lui monter aux joues en prononçant les mots suivants.
— Même si nous avions conçu ce bébé naturellement, je ne serais pas votre femme. Je suis
capable de prendre soin de moi-même, vous savez !
— Oui, vous l’êtes certainement, dit-il ironique. A quoi cela sert-il de vous battre avec moi sur
ce point, Alison ? Je vous veux ici pour votre sécurité et celle du bébé. Si la presse apprend qui
vous êtes et que vous restez en ville sans ma protection, elle s’acharnera sur vous. Et que se
passera-t-il si vous êtes pourchassée par les paparazzi ? Vous ignorez à quel point ils peuvent se
montrer impitoyables.
Ses yeux sombres s’emplirent d’une intense émotion qui la stupéfia. Mais, l’instant suivant, son
expression était redevenue indéchiffrable.
— Est-ce… une possibilité ?
— Vous avez vu la presse à l’aéroport de Seattle. A Turan, cela peut être bien pire.
— Oh…
Elle n’y avait pas songé, n’avait pas pensé présenter un quelconque intérêt pour les médias. Elle
avait vu les journalistes graviter autour de Maximo à l’aéroport, mais il était digne d’intérêt pour
eux, comme sa femme l’avait été. Alison n’avait pas pensé qu’ils puissent vouloir publier sa
photo…
— Vous comprenez maintenant pourquoi je ne prendrai pas ce risque avec la sécurité de notre
bébé.
— Moi non plus, dit-elle doucement.
— Je vais vous montrer votre chambre.
Il plaça la main au creux de ses reins et la poussa gentiment hors du bureau. Ce simple contact
déclencha en elle une onde de chaleur qui traversa tout son corps.
Ce geste ne signifiait rien pour lui et n’aurait rien dû représenter pour elle. Elle observa les
alentours, essayant de réprimer les sensations qui l’envahissaient. Ils se trouvaient dans l’aile du
palais qui abritait les appartements de Maximo. Le décor était très similaire à celui de sa maison
aux Etats-Unis : les murs granités peints d’un blanc lumineux mettaient en valeur des pièces d’art
audacieuses et un mobilier aux lignes pures. C’était peut-être sa femme qui s’était chargée de la
décoration. A cette pensée, elle sentit son cœur se serrer.
Il la conduisit vers un escalier arrondi, enroula son bras autour de sa taille et posa la main sur
son ventre comme ils montaient au deuxième étage. Elle trouva ce geste possessif réconfortant et
cela l’effraya. Sur le palier, elle s’écarta de lui.
Il l’attira de nouveau à lui. Puis, les yeux fixés sur les siens, il replaça la main sur son ventre,
repoussa doucement l’ourlet de son chemisier et passa les doigts sur sa peau nue, comme s’il en
avait parfaitement le droit. Cependant, ce n’était pas un geste possessif. Ils partageaient quelque
chose d’infiniment spécial…
Elle portait son bébé et ne pouvait nier le lien qui les unissait, tous les trois, tous les deux… Le
contact de sa main lui sembla si normal que l’anxiété qui la tourmentait depuis le coup de
téléphone de la clinique fut momentanément apaisée par le réconfort que lui procurait son geste.
La peau dorée de sa main contrastait avec sa chair pâle. C’était fascinant. Un douloureux désir
s’empara de son ventre, bien plus fort que tout ce qu’elle avait ressenti jusqu’à présent. Elle se
surprit à souhaiter qu’il continue, remonte la main vers son sein, et en titille la pointe dressée.
Si seulement elle pouvait briser le charme… Levant les yeux vers lui, elle fut frappée par la
perfection de ses traits. Elle se serra contre lui, mue par une pulsion incompréhensible et
incontrôlable.
Quand il effleura sa bouche, elle s’immobilisa. Il appuya alors la main au creux de ses reins et
l’attira à lui. Elle écarta les lèvres, laissant sa langue s’infiltrer dans sa bouche. Jamais on ne
l’avait embrassée avec autant d’habileté et de sensualité.
Ce baiser lui fit désirer beaucoup plus, quelque chose que seul Maximo semblait posséder.
Sa langue se mêlant à la sienne la troubla jusqu’au plus profond d’elle-même et elle se sentit
fondre, dans l’attente d’une découverte plus intime.
Quand il s’éloigna, elle tituba légèrement.
— Max, murmura-t-elle en passant un doigt sur ses lèvres gonflées et chaudes.
— Max. Voilà qui me plaît.
Il posa une nouvelle fois la main sur son ventre, une expression intense dans les yeux.
— C’est mon bébé que vous portez, Alison. Notre bébé. Je n’en serais pas plus conscient si
nous l’avions conçu dans un lit ensemble.
La sonorité rauque et sourde de sa voix fit s’accélérer son pouls.
— Cette attirance entre nous est bienvenue, finalement.
— Comment ça ? demanda Alison l’esprit toujours embrumé.
— Je suis très heureux de ressentir du désir pour ma future femme…
4.
— Votre future femme ?
La tête encore embrumée par ce baiser et les jambes flageolantes, elle fut certaine d’avoir mal
entendu.
— Oui. J’ai beaucoup réfléchi. C’est la seule chose à faire, dit-il très pragmatique comme si
elle ne pouvait qu’être d’accord avec lui.
— Je ne vais pas vous épouser, Maximo.
S’il avait l’intention de discuter de ce projet incongru aussi calmement que s’ils parlaient du
temps, elle s’en sentait capable. Elle n’allait certainement pas lui donner la satisfaction de perdre
une fois de plus son sang-froid.
— Alison, vous êtes très intelligente et votre choix de carrière prouve que vous êtes pleine de
compassion. Vous devez donc aisément parvenir à la même conclusion que moi.
— Je ne vois pas en quoi intelligence et compassion devraient me conduire à vous épouser.
Mais son cœur battit plus fort encore à l’idée d’être mariée à Maximo.
— Nous ne pourrons pas nous partager la garde si vous habitez aux Etats-Unis et moi ici. Or un
enfant illégitime ne peut prétendre au trône ou réclamer son héritage. Par compassion, vous ne
laisserez pas une telle chose se produire, n’est-ce pas ?
Elle secoua la tête.
— Cela vous semble logique, mais ce n’est pas la meilleure chose pour notre enfant. Comment
pourrait-il grandir paisiblement dans un foyer où son père et sa mère sont pratiquement des
étrangers l’un pour l’autre ?
— Ce n’est pas le cas, reprit-il d’un ton plein de suffisance. Nous partageons une passion plutôt
brûlante. Je crois que nous deviendrions très vite proches.
— Je ne vous connais même pas. Vous attendez-vous à ce que je couche simplement avec vous ?
Il haussa les épaules.
— Cela n’aurait rien d’exceptionnel. Si nous étions mariés cela serait tout à fait normal.
Il était naturel pour lui de faire l’amour à une femme qu’il désirait. Pour elle, non. Se dénuder
devant lui, se laisser caresser et découvrir ne lui semblait pas naturel. Pourtant, à cette seule
pensée son corps frémit.
Elle serra les lèvres, décidée à conserver une expression neutre.
— Désolée, je vous l’ai déjà dit, je n’ai aucune envie d’un mari.
— Avant, sans doute. Mais les choses ont changé.
— Mon but n’a pas changé.
La mâchoire de Max se contracta.
— La réalité a changé. Croyez-moi, le mariage n’était pas au programme pour moi non plus. J’ai
déjà vécu cela. Aucune femme ne remplacera jamais mon épouse.
— Je vous en prie, ne brisez pas ce vœu pour moi !
Il lui attrapa le menton et souleva son visage vers lui.
— Je ne le ferai pas pour vous, mais pour notre enfant. Je pensais que vous comprendriez et que
ce serait important pour vous aussi.
— N’insinuez pas que son bonheur n’est pas important pour moi !
— Alors ne vous comportez pas comme si c’était le cas. Refuser de m’épouser est de l’égoïsme
pur et simple, Alison.
Ses yeux sombres brillaient d’un éclat dangereux et en guise de réponse, une étincelle enflamma
le ventre d’Alison, attisée par la colère et le désir.
— Et c’est pure obstination de votre part de penser que vous seul possédez la solution !
— Quelle passion…, dit-il d’une voix basse et rauque.
Sa main remonta le long de sa joue en une délicieuse caresse.
— Quel dommage que vous choisissiez cette façon de l’exprimer, continua-t-il.
— Et comment voudriez-vous que je l’exprime ? riposta-t-elle.
— Dans mon lit, dit-il en accentuant chaque mot.
— C’est à peu près aussi probable que de me voir marcher vers l’autel avec vous, répliqua-telle.
Un sourire malicieux apparu sur les lèvres de Max.
— Ceci, cara, ressemble fort à un défi et je n’ai pas l’habitude…
— On dirait pourtant que c’est vous qui vous êtes lancé un défi, Maximo. Et croyez-moi, vous
êtes peut-être obstiné mais de mon côté, je ne suis pas timorée.
— Je vous crois. C’est pourquoi je vous trouve si fascinante. Vous êtes une femme qui sait ce
qu’elle veut.
— Absolument. Et je sais que vous épouser serait une grave erreur.
— C’est pourtant la chose la plus logique, dit-il. Je suis sûr que vous parviendrez tôt ou tard à
cette conclusion.
Il se détourna d’elle et avança dans le couloir comme si cette conversation n’avait pas eu lieu.
N’ayant aucune envie de se perdre dans le labyrinthe du palais et sentant la nausée la reprendre,
elle le suivit.
Maximo marchait sans un mot. Ce silence lui convenait. Elle réfléchissait à leur conversation et
se demandait s’il avait raison : le mariage était-il vraiment la seule solution ?
Aux Etats-Unis, être mère célibataire ne lui avait pas semblé poser de problème. Mais Turan
était un autre pays et, ici, son bébé ferait partie de la famille royale.
Elle sentit une profonde tristesse l’envahir soudain. Elle avait rêvé de dîners en famille autour
d’une table de cuisine, de séances de coloriage et de peinture… Elle n’avait jamais imaginé
palaces et grand apparat. Si elle épousait Maximo, leur bébé serait le premier en lice pour la
succession au trône. Si elle ne le faisait pas, il serait en mauvaise posture. Elle ignorait quel était
le meilleur scénario. Elle avait rêvé d’une enfance normale pour son enfant. Pourrait-il la haïr si
elle le privait d’une vraie famille et d’une place dans l’histoire ?
Elle voulait le meilleur pour son enfant, mais n’arrivait pas à se décider.
— Voici votre chambre, dit Maximo en ouvrant une porte et en lui faisant signe d’entrer.
Elle regarda le long couloir derrière elle et se maudit de ne pas avoir compté les portes. Elle
n’arriverait jamais à retrouver son chemin, dans ce labyrinthe.
— Ne vous inquiétez pas, je vous escorterai tout à l’heure, dit-il avec une nuance d’amusement
dans la voix.
— Homme d’affaires, prince et capable de lire dans les pensées ? demanda-t-elle.
— Non, je vous assure que je ne sais pas lire dans les pensées, mais sur les visages, et le vôtre
est très expressif.
Elle porta la main à sa joue. Elle n’aimait pas le savoir capable de lire en elle comme dans un
livre ouvert.
— Ne vous inquiétez pas, dit-il en souriant. Ce serait évident pour tout le monde. Vous avez un
petit pli entre les sourcils quand vous êtes inquiète.
Elle frotta distraitement l’endroit indiqué.
— Qui n’en n’a pas ?
— Ça vous dérange que je devine vos émotions ?
— Vous aimeriez que je puisse lire les vôtres ?
Il fronça les sourcils.
— Je ne pense pas être très émotif.
— Vous avez pourtant fait preuve d’une grande émotion en entendant parler de ce bébé, dit-elle
avec douceur.
— Oui, c’est vrai. L’amour d’un parent pour son enfant surpasse tout. C’est aussi naturel que de
respirer.
— Pas pour tout le monde.
Elle pensait à son propre père, devenu incapable d’aimer après la mort de sa plus jeune fille.
— Ça l’est pour moi.
Son expression changea, sa mâchoire se contracta et son corps entier parut sous tension.
— Avec Selena, nous voulions vraiment avoir des enfants.
Pour la première fois, Alison se demanda quel effet cela lui faisait d’avoir un enfant avec une
autre. Il avait imaginé des enfants avec sa femme, qu’il aimait. Elle ne voulait pas s’apitoyer sur
lui, ni le comprendre, ni même voir pourquoi il avait peut-être raison de la demander en mariage.
Mais à ce moment, elle ne put s’en empêcher.
— Pourquoi ne pas entrer vous reposer un moment ? Nous rencontrerons mes parents pour le
dîner dans deux heures environ. Vos affaires sont déjà là.
Maximo semblait avoir assez discuté du passé. Elle n’allait sûrement pas le forcer à y revenir.
***
Ses yeux s’agrandirent quand elle découvrit sa chambre, digne d’une princesse. Un véritable
rêve avec une somptueuse moquette, des murs couleur lavande, et un lit à baldaquin. Elle se
demanda pour qui ce rêve avait été réalisé. Des maîtresses ? Elle imaginait mal Maximo pouvoir
se passer de compagnie féminine très longtemps.
Et son esprit se mit à vagabonder. Les mains de Maximo agrippant des hanches rondes,
recouvrant des seins épanouis, et sa bouche embrassant la gorge blanche de son amante… Mais
quand elle vit ses propres cheveux étalés sur l’oreiller, elle secoua la tête pour chasser cette
image, affreusement gênée de se rendre compte qu’elle s’était imaginée dans le rôle de la
maîtresse de Maximo. C’était risible. Elle n’avait aucune envie de coucher avec lui et, pour sa
part, il n’imaginait sans doute même pas mettre une vierge de vingt-huit ans dans son lit !
Déflorer une femme excitait peut-être certains hommes, mais elle avait le sentiment qu’à son
âge, la virginité était plus étrange qu’attirante.
— C’est ravissant, dit-elle d’une voix blanche.
— Je suis heureux que cela vous plaise. Puis-je vous faire monter quelque chose ?
Une soudaine nausée s’empara d’elle.
— Oui. Des biscuits salés. Et une boisson au gingembre, si cela est possible.
Il fronça les sourcils l’air inquiet.
— Vous ne vous sentez pas bien ?
— Pas vraiment, en ce moment.
— Est-ce normal ?
Elle haussa les épaules.
— Les nausées matinales sont normales, mais les miennes durent toute la journée.
— Reposez-vous, dit-il d’un ton qui n’admettait pas de réplique. Je vais faire en sorte que l’on
s’occupe de vous.
Soudain, elle se sentit tellement fatiguée qu’elle n’eut plus qu’un désir : lui obéir.
— Merci.
Il fit demi-tour, quitta la pièce et ferma la porte derrière lui. Elle eut alors à peine la force de
rejoindre le lit avant de sombrer dans le sommeil.
***
Quand Maximo revint une demi-heure plus tard avec la commande d’Alison, elle dormait
profondément un bras en travers du visage, les cheveux étalés sur l’oreiller. Il fut immédiatement
attiré par le léger mouvement de sa poitrine qui se soulevait et s’abaissait au rythme de sa
respiration. C’était une femme remarquablement belle.
L’embrasser avait été tellement excitant ! Il ne se souvenait pas de la dernière fois qu’un simple
baiser l’avait tant excité. Peut-être quand il était adolescent, mais certainement pas au cours des
vingt années suivantes.
Il n’avait pourtant pas eu l’intention de l’embrasser. Pas encore. Il devinait que s’il voulait
gagner Alison à sa cause, la persuasion, le dialogue étaient pour l’instant préférables à toute
approche sensuelle. Aussi avait-il été surpris de la trouver si passionnée entre ses bras, un peu
hésitante certes, mais elle n’en n’avait été que plus adorable.
La tentation de la rejoindre dans le lit, de soulever de nouveau le bas de son chemisier, de
toucher son ventre plat et de remonter vers le renflement somptueux de ses seins, fut si puissante
qu’il en eut mal. Il se raidit contre cette vague de désir brûlant, luttant pour conserver le contrôle
de son corps.
— Alison, cara…
Quand il tendit la main pour toucher son bras nu, il sentit son désir grandir encore. Elle était si
belle, si différente des autres femmes…
Il avait toujours été attiré par des femmes grandes et élancées. Des mannequins, des actrices,
des femmes sophistiquées. Alison était mince, avait la taille fine, mais c’étaient surtout ses hanches
rondes et ses seins épanouis qui le captivaient.
Elle semblait s’habiller pour dissimuler son corps ou se protéger du froid, très simplement,
comme si elle s’en désintéressait. Elle portait un soupçon de maquillage lors de leur première
rencontre, mais pas aujourd’hui. Elle ne cherchait à attirer ni l’attention ni les compliments.
Elle bougea sous sa caresse et un léger gémissement s’échappa de ses lèvres. Elle battit des
paupières et posa sur lui un regard endormi.
— Vous dormez encore à moitié, dit-il avec douceur, car autrement je n’aurais pas eu droit à un
sourire. Je vous ai apporté ce que vous m’avez demandé.
De la main, il lui indiqua le plateau posé près d’elle.
— Vous m’avez apporté des biscuits et un soda au gingembre ?
— Et pas n’importe quel soda, dit-il en attrapant le verre. Mon chef l’a préparé spécialement
pour vous avec du gingembre frais et du miel. Cela vous fera du bien.
Elle tendit une main tremblante, prit le verre et l’approcha de ses lèvres. Son visage exprima un
soulagement immédiat.
— Le gingembre a des vertus incroyables ! Il résout tous mes problèmes. Mes problèmes
physiques, du moins.
— Des « problèmes » ?
Elle prit une nouvelle gorgée et lui lança un regard dur.
— Les nausées matinales sont très gênantes, en effet. Et ne me dites pas que le sujet vous
enthousiasme.
— Il ne me dérange pas non plus d’en parler.
— Comment est-ce possible ?
— Je voulais être père et avais dû abandonner l’idée que ça m’arrive un jour. Alors je ne
regrette rien.
Elle baissa la tête et pressa le verre contre son front.
— Je ne sais pas que faire.
— Epousez-moi. C’est le mieux pour nous tous.
Elle releva la tête brusquement.
— Pourquoi donc ?
— Si nous sommes mariés, nous serons tout le temps avec notre enfant. Pas de noëls ratés, ni de
garde alternée…
— C’est vrai, dit-elle doucement.
— Et je ne peux imaginer que vous ayez l’intention de passer le reste de votre vie sans homme.
Vous avez quoi… vingt-neuf ans ?
— Vingt-huit.
— Vous êtes trop jeune pour embrasser un long célibat. C’est difficile d’élever un enfant et
d’avoir une vie personnelle. Si nous nous marions, ce problème sera résolu. Vous et moi
partageons une puissante attirance, vous ne pouvez le nier.
— Je ne suis pas spécialement inquiète de l’impact de ma grossesse sur ma vie sexuelle, dit-elle
d’un ton ironique en prenant un biscuit.
— Peut-être pas maintenant, mais un jour vous le serez. Je peux aussi vous offrir la sécurité
financière. Vous serez libre de faire ce que vous aimez.
— Je pourrai rester à la maison avec le bébé ?
— Si vous le désirez, oui. Ou vous pourrez continuer à travailler et notre enfant sera pris en
charge par la personne la plus qualifiée qui soit.
— Je ne continuerai pas à travailler, dit-elle.
— Je pensais que votre carrière était importante pour vous.
— Elle l’est. Mais élever mon enfant l’est bien davantage.
Maximo se contenta de la regarder, les sourcils relevés comme s’il attendait qu’elle continue.
Alison n’était pas sûre de savoir comment lui expliquer ce qu’elle ressentait, ni même si elle en
avait envie.
Elle voulait être le genre de maman qui est là quand son enfant revient de l’école, a préparé des
gâteaux pour son goûter et le conduit à son entraînement de football. Elle voulait être présente,
participer ; être tout ce que ses parents ne s’étaient pas donné la peine d’être.
— Si c’est ce que vous désirez, j’imagine mal que vous puissiez avoir envie de voir notre enfant
passer une grande partie de sa vie à faire la navette entre deux maisons.
Elle se mordit la lèvre si fort qu’un goût de sang lui envahit la bouche.
— Ce n’est pas comme si nous étions des divorcés aigris. Nous pourrions passer du temps
ensemble. Je pourrais passer un peu de temps ici.
— Et vous pensez que ce genre de famille rapiécée est meilleure qu’une vraie famille ?
— Ce que je pense est que nous nous trouvons dans une situation très peu conventionnelle et que
vous faites comme si nous pouvions nous transformer en famille modèle. Ce n’est guère réaliste,
vous ne trouvez pas ?
— J’essaie de faire ce qui est le mieux. C’est vous qui êtes trop égoïste pour songer au bien-être
de notre enfant.
Elle prit une nouvelle gorgée. Elle avait été touchée de voir qu’il avait apporté lui-même le
plateau mais elle était moins impressionnée maintenant qu’elle se rendait compte qu’il en profitait
pour essayer de la convaincre.
— Je ne comprends pas pourquoi vous me poussez au mariage, dit-elle. Ce devrait être
l’inverse.
Il eut un petit rire moqueur.
— Traditionnellement, peut-être, mais notre situation n’a rien de traditionnel. Dans le cas
présent, je veux à tout prix éviter que notre enfant soit un bâtard royal.
— Ne l’appelez pas ainsi ! s’exclama-t-elle, furieuse, en posant la main sur son ventre. C’est un
terme horrible que plus personne n’emploie !
— Peut-être aux Etats-Unis ou dans les cercles que vous fréquentez. Mais je peux vous assurer
qu’ici, parmi la classe dirigeante, la légitimité compte énormément. Et pas seulement en termes
d’héritage. Voulez-vous que votre fils ou votre fille soit le secret honteux de la famille Rossi ?
Voulez-vous qu’il ou elle soit sa vie durant la cible des commérages ? Les circonstances de la
conception ne comptent pas. Ce qui est important, c’est ce que les gens diront. Ils inventeront
l’histoire la plus sordide possible et tout le monde y croira. Que le terme vous plaise ou non, si
vous êtes résolue à refuser de m’épouser vous feriez mieux de vous y préparer.
Le tableau qu’il peignait était sombre mais elle savait qu’il avait raison. Les gens cesseraient de
parler quand leur enfant entrerait dans une pièce, il prendraient l’air dégagé pour exprimer un rejet
subtil mais douloureux.
— Vous n’avez peut-être pas envie d’être mariée avec moi et, honnêtement, je n’ai pas envie
d’être marié du tout, dit-il. Mais vous ne pouvez nier que c’est plus raisonnable.
— C’est juste que je n’aime pas l’idée.
— Du mariage sans amour ? Je puis vous assurer que dans un mariage, l’amour ne garantit pas le
bonheur.
Il n’aimait pas parler de son union avec Selena. Cela ravivait le souvenir des défauts de cette
dernière et de ses propres échecs, deux sujets qu’il préférait oublier.
— Ce n’est pas ça, dit-elle en ramenant les genoux contre sa poitrine — un geste qui la fit
paraître jeune et extrêmement innocente. Je n’ai jamais voulu me marier, c’est tout. L’amour n’est
pas vraiment le problème.
— C’est une préoccupation féministe ?
— Pas du tout. C’est quelque chose de personnel. Le mariage exige beaucoup de la part des
deux protagonistes. Je n’ai aucune intention de donner autant de moi-même à quelqu’un. De plus,
tout cela se termine souvent en divorce. Celui de mes parents a été terrible, et pendant les deux ans
où j’ai plaidé des séparations j’ai été témoin de trop de malheur. Les gens dépendent l’un de
l’autre et le divorce en laisse toujours un très mal en point, la femme en général…
— Je sais ce que c’est de perdre un conjoint, dit-il, amer, tandis que les rides autour de sa
bouche se creusaient. Mais on survit. Ce dont vous me parlez est de l’amour qui a mal tourné. Nos
raisons de nous marier sont bien plus profondes et seront les mêmes dans dix ans. L’amour et le
désir s’estompent, mais cet enfant nous liera toujours.
Là-dessus, il avait raison. Qu’ils soient mariés ou non, Maximo Rossi faisait désormais partie
intégrante de sa vie parce qu’il ferait toujours partie de celle de son fils ou de sa fille. Une partie
essentielle. Il était le père de son enfant, tout de même ! Son propre père n’avait-il pas façonné sa
vie par son absence, beaucoup plus qu’elle ne l’imaginait ?
Elle n’avait pas considéré cet aspect de la situation auparavant. Comment son enfant vivrait-il le
fait d’habiter un pays différent de celui de son père et de faire la navette entre ses deux parents ?
En tant qu’avocate, elle n’avait pu que constater les conséquences d’un divorce sur les enfants,
les blessures et le manque d’estime qui en découlaient. Les enfants dont elle s’occupait maintenant
dans son travail, ceux qui passaient au tribunal pour des délits insignifiants, venaient souvent de
familles désunies.
Elle savait que jamais elle ne laisserait son enfant tomber aussi bas qu’eux, mais le problème
restait le même. Si elle pouvait offrir à son fils ou sa fille plus de sécurité et de meilleures chances
de succès, elle se devait de le faire.
Elle ne voulait pas se marier, ni dépendre de Maximo, mais son enfant, lui, aurait besoin d’un
père.
Restait qu’elle ne voulait pas d’une relation conjugale classique. C’était trop intime, même sans
amour.
— Je ne veux pas faire cela, balbutia-t-elle.
— Il ne s’agit pas de ce que nous voulons, Alison, mais de ce qui est le mieux pour notre enfant.
Vous avez déjà pris tant de décisions pour vous seule. Je sais que vous aimez déjà ce bébé, que
vous étiez prête à apporter de grands changements dans votre vie pour lui offrir le meilleur. Les
paramètres ont changé…
Il aurait été tellement puis simple de lui opposer un refus s’il s’était comporté en tyran exigeant
et arrogant. Mais ce n’était pas le cas. Il faisait appel à son raisonnement, sa capacité de planifier
les choses et son désir de faire le mieux possible. Et il était sur le point de remporter la bataille…
Il avait raison. Ses arguments pour ne pas l’épouser étaient égoïstes. Leur union bénéficierait à
son enfant. Elle ne voyait pas d’autre solution.
— D’accord, dit-elle lentement comme si les mots peinaient à franchir ses lèvres. Je vous
épouserai.
5.
Un sentiment de triomphe assaillit Maximo, accompagné toutefois d’une sensation d’oppression.
C’était nécessaire. C’était le seul moyen de protéger son enfant et d’en faire son héritier. La seule
façon de protéger aussi Alison.
Il sentit son sang bouillir dans ses veines en songeant à la jeune femme. Il la désirait avec une
passion féroce qui lui était demeurée jusqu’alors étrangère.
Il l’aurait voulue dans tous les cas, l’aurait désirée même s’il l’avait croisée dans la rue. Mais
le besoin intense de la prendre, de pénétrer son adorable corps pour s’unir à elle… Cela devait
être en rapport avec sa grossesse, car cette aspiration était très nouvelle pour lui.
Certes, il pouvait satisfaire son désir d’elle sans mariage, mais il était nécessaire qu’il l’épouse
pour avoir la relation dont il rêvait avec son enfant. Et lui donner ce à quoi il avait droit.
— Mon accord s’accompagne toutefois de conditions, continua-t-elle très sérieusement.
J’admets que le mariage semble la meilleure solution, mais ne vous attendez pas à ce que je
satisfasse toutes vos exigences.
— Même si je ne vous connais que depuis quelques jours, cela ne m’étonne absolument pas,
rétorqua-t-il, ironique.
A cet instant, un biscuit encore à la main, elle tenta de se lever mais vacilla. Il se précipita et lui
enlaça la taille. Son corps réagit immédiatement. Une onde brûlante le traversa. Il sentait le cœur
d’Alison battre fort contre sa poitrine, ses yeux dorés étaient devenus immenses et ses lèvres
s’étaient entrouvertes. Ce serait si facile d’incliner la tête et de la goûter de nouveau…
Mais elle se reprit, bien trop vite à son goût. Elle s’écarta et rajusta son chemisier.
— Merci beaucoup, dit-elle en reculant. Je ne me sens pas très bien.
— Cela vous arrive souvent ?
— Dernièrement, oui.
— Vous êtes enceinte de combien de semaines ? demanda-t-il, se rendant compte alors qu’il
n’avait jamais posé la question.
— Sept.
Le ventre de Max se noua. Presque deux mois déjà ! Dans moins de huit mois il tiendrait son
enfant dans les bras.
Elle était encore mince et son ventre était plat. Il se demanda si ses seins avaient déjà changé ou
si c’était là leur volume habituel. Il l’imagina s’arrondissant et, étrangement, déborda d’orgueil à
cette pensée.
D’orgueil… et de désir. Il n’avait jamais pensé qu’une femme enceinte puisse être si sexy, il se
voyait déjà passer les mains sur le ventre nu et rond d’Alison pour sentir l’enfant bouger…
— Le bébé doit naître en décembre, dit-elle.
Il avait entendu dire que les femmes enceintes brillaient d’un éclat spécial mais ne l’avait
encore jamais observé. Le visage d’Alison était lumineux et un sourire énigmatique flottait sur ses
lèvres. Ses yeux rayonnaient de bonheur. Elle ferait une bonne mère, il en était sûr. Sans cette
certitude, il n’aurait jamais envisagé de l’épouser. Il se serait simplement battu pour obtenir la
garde totale de leur enfant.
— Cela vous rend heureuse, dit-il en repoussant une mèche de cheveux derrière l’oreille
d’Alison.
— Bien sûr.
Leurs regards se rencontrèrent. Son désir se manifesta alors avec une urgence difficile à ignorer.
— Nous allons devoir célébrer notre mariage rapidement. Avant que votre grossesse ne
devienne visible, dit-il d’une voix plus dure qu’il ne l’aurait souhaité.
Elle se mordit la lèvre et, pour la première fois depuis qu’il la connaissait, il lut peur et
insécurité dans ses yeux. Cela le troubla.
— N’oubliez pas qu’il y a des conditions à mon accord.
— C’est vrai. Quelles sont-elles ?
— Je ne veux pas que notre enfant soit pensionnaire. Je veux qu’il soit élevé le plus
normalement possible. Pas d’armée de gouvernantes et pas question de lui passer tous ses
caprices. Je ne veux pas d’un enfant archi-gâté non plus.
— Ai-je l’air d’avoir été un enfant gâté ?
— Oui, répondit-elle sur-le-champ. Je veux aussi continuer à me rendre utile en plaidant pour
les enfants. Peut-être fonder un organisme de charité.
— C’est une merveilleuse idée. Nous avons déjà divers organismes et si ma princesse s’en
occupe, ce sera formidable pour eux.
— Et je ne veux pas… Je veux ma propre chambre.
Il inclina la tête.
— Cela se fait couramment dans les mariages royaux.
— Je pense que vous ne comprenez pas bien. Je ne veux pas que nous… Je ne veux pas de
rapports physiques avec vous.
Alison tenta d’ignorer le trouble qui envahissait tout son corps. Elle savait que cela ne plairait
pas à Maximo, qui considérait leur attirance physique comme une raison supplémentaire de
convoler. Mais cette assurance lui était nécessaire pour pouvoir accepter sa proposition.
Son baiser lui avait fait oublier qui elle était, qui il était et où elle était. Coucher avec lui…
Après tant d’années passées à maîtriser sa vie et à se protéger, l’idée de capituler et de se dévoiler
physiquement et moralement devant un homme la terrifia. Elle pouvait s’arranger d’un mariage,
mais une telle intimité était au-dessus de ses forces.
Il l’attirait de façon irrationnelle, ce qui ne la rendait que plus déterminée à maintenir une
distance saine entre eux. Si sa simple présence n’avait pas affaibli ses jambes et emballé son pouls
ainsi, si elle ne s’était pas sentie honteuse du désir qui l’inondait au simple frôlement de sa
bouche, elle aurait peut-être été capable d’y faire face. Mais la facilité avec laquelle il la privait
de tout bon sens et de la capacité à réfléchir de façon cohérente l’alarmait. Il avait déjà trop de
pouvoir sur elle, et céder à son désir les mènerait droit au désastre.
— Cela n’a pas de sens, vous ne pouvez nier notre mutuelle attirance.
— Les choses sont suffisamment compliquées. Je suis capable de faire face à un mariage au sens
strict du terme mais je ne vous connais que depuis quelques jours et ne peux envisager une relation
sexuelle avec vous. Vous êtes un homme très attirant. Je suis sûre qu’il y aura toujours une foule de
femmes qui…
— Si ma fidélité vous préoccupe, oubliez vos soucis. Je n’ai jamais regardé une autre femme en
sept ans de mariage.
Peut-être, mais il avait aimé sa femme. Si elle devait coucher avec lui, elle aurait besoin de le
savoir fidèle. Raison supplémentaire de ne pas franchir le pas. Elle éprouvait déjà une certaine
jalousie, un sentiment d’insécurité qui seraient décuplés si elle faisait l’amour avec lui. C’était
justement ce qu’elle essayait d’éviter.
Elle se sentait capable de se donner à Maximo, de se laisser porter par sa force et de ne plus
pouvoir se passer de lui. Elle avait consacré trop d’énergie à conquérir son indépendance pour
prendre ce risque.
— Je ne changerai pas d’avis.
— Cela vous serait-il égal que j’aie des relations avec d’autres femmes ? demanda-t-il
choisissant ses mots avec soin pour provoquer sa réaction.
Mais elle ne lui fit pas ce plaisir.
— Ça m’est égal. Si nous ne couchons pas ensemble il n’y a pas de raison d’être fidèle.
— Vous risquez de voir les choses différemment une fois que nous aurons prononcé nos vœux.
— Cela m’étonnerait ! Nous ne désirons que le bien de notre enfant, rien de plus. Nous ne
l’avons même pas conçu de façon… traditionnelle.
— Cela aurait pu se produire, pourtant.
Certes, elle pouvait s’imaginer retrouver Maximo au restaurant, dîner, bavarder et rire avec lui
avant de rentrer ensemble pour faire l’amour.
Non ! Lui pouvait le supposer car il la prenait pour une femme normale, qui sortait avec des
hommes et faisait l’amour. Mais elle ne faisait rien de tout cela et ça ne lui avait jamais manqué.
Jusqu’à présent. Maintenant, elle se sentait en position de faiblesse. Comment était-elle censée agir
avec un homme sophistiqué et plein d’expérience comme lui, elle qui ne savait pratiquement rien
des hommes ni du sexe ?
— Ce sont mes conditions, Max, dit-elle doucement. Je ne peux pas vous épouser si vous ne les
acceptez pas.
— Alors soit. Je n’ai jamais eu besoin de forcer une femme à coucher avec moi et n’ai pas
l’intention de commencer avec ma propre épouse.
C’était la vérité. Il n’allait pas faire de chantage à une femme ou la supplier de faire l’amour
avec lui, même s’il la désirait autant qu’Alison. Il n’avait pas supplié Selena quand elle avait
décidé de faire chambre à part…
Il était surpris qu’Alison leur refuse ce que tous deux voulaient de façon si évidente, mais même
un mariage sans sexe n’était pas une nouveauté pour lui. Il supposait que cela était pour Selena la
manière de le punir de ne pas lui donner de bébé, même si le problème venait d’elle. Cela n’avait
eu aucune importance pour lui. Il ne l’avait jamais regardée différemment pour autant. Mais elle
avait été tellement frustrée par leurs rapports programmés qui ne produisaient jamais le résultat
escompté qu’elle ne l’avait même pas autorisé à la toucher pendant les six derniers mois de leur
mariage.
Il savait pourquoi Selena le reniait et n’était pas sûr de le mériter. Mais il ne savait pas à quel
jeu jouait Alison. Elle avait vingt-huit ans, était une femme ambitieuse, ni timide ni trop téméraire,
visiblement hétérosexuelle et attirée par lui. A quoi cela rimait-il de refuser d’avoir des rapports
avec lui quand il était évident qu’elle le désirait ?
Si elle avait besoin de se retrancher derrière la moralité pour ne pas coucher avec un homme
qu’elle ne connaissait pas, soit. Mais il doutait qu’elle conserve longtemps cette position…
Quand elle passa la langue sur ses lèvres, Maximo songea qu’il brûlait d’envie de goûter encore
à cette bouche.
Si elle ressentait la moitié de ce que lui sentait, et à en juger par le baiser explosif qu’ils avaient
partagé dans le couloir ce devait être le cas, elle ne pourrait jouer les vierges effarouchées très
longtemps.
— Vous sentez-vous assez bien pour dîner avec mes parents ?
Elle se mordilla pensivement la lèvre. Quand elle arrêta, il vit la marque de ses dents dessus et
eut envie de l’adoucir.
— Je suppose qu’il est inacceptable d’annuler un dîner avec le roi et la reine. Que dirait-on de
mes manières ?
Il sourit et elle eut un étrange sentiment de satisfaction à l’idée de l’avoir amusé.
— Si vous ne vous sentez pas bien, nous annulerons.
Selena aurait annulé sans hésiter. Sa femme se sentait souvent mal. Elle était très fragile,
physiquement et psychologiquement. Il avait considéré de son devoir de la protéger. C’était son
devoir envers Alison, maintenant. Elle était sous sa protection et il ne lui ferait pas défaut.
La détermination qui brillait dans le regard de la jeune femme le surprit.
— Ça ira. Jusqu’à présent je n’ai pas eu besoin d’être dorlotée. Je suis tout à fait capable de
rencontrer vos parents. Que vont-ils penser de tout cela ?
Il haussa les épaules.
— Je ne crois pas que la nature de notre relation les regarde.
— Vous voulez dire que vous ne voulez pas leur expliquer ce qui s’est passé ?
— Ils n’étaient pas au courant des problèmes de fertilité de Selena.
— Je vois, dit-elle en sondant son regard. Et vous ne voulez pas qu’ils l’apprennent.
— Il était important pour elle que personne ne sache. J’ai respecté cela.
Selena considérait qu’elle avait échoué et n’avait pu se résoudre à partager cela avec les
parents de Maximo, encore moins avec les autres.
— Inutile alors de leur dire comment ce bébé a été conçu !
Alison n’était pas ravie de devoir mentir, mais ne voulait pas non plus ternir la mémoire de
Selena.
— Je vais vous laisser vous doucher et vous préparer. Je serai de retour dans une heure.
Alison regarda Maximo, son fiancé, quitter la pièce. Elle le désirait terriblement, mais la raison
lui commandait de le tenir à distance, de se protéger de lui. La raison devait à tout prix l’emporter,
il le fallait…
La salle à manger du palais était très solennelle. Hauts plafonds et objets d’art richement
encadrés lui conféraient une allure de musée. Son immense table, pouvant aisément recevoir trente
convives, la faisait paraître encore plus impersonnelle. Alison sentit sa gorge se nouer.
Un enfant ne pouvait pas s’asseoir à une telle table pour colorier, boire du lait ou manger des
biscuits !
Maximo possédait probablement sa propre salle à manger, mais celle-ci représentait tout ce
qu’elle redoutait. Elle se demanda une fois de plus si elle avait fait le bon choix. Cela lui avait
paru logique, sur le moment, mais à présent, sur le seuil de cette pièce imposante et inhospitalière,
sous le regard de deux personnes à l’allure solennelle et sévère, cela lui semblait impossible.
— Entre, mon fils, et assieds-toi, dit le roi en lui faisant signe de prendre place à sa droite en
bout de table. Nous sommes curieux de connaître la raison de ce dîner.
Le roi, visiblement âgé, n’avait rien de fragile avec ses cheveux gris argenté, sa peau bronzée,
son visage lisse et son apparente bonne santé. La reine était belle. Bien plus jeune que son mari,
elle portait les cheveux serrés en chignon. Ils étaient très intimidants, tous les deux, et aucun ne
sourit quand elle traversa la pièce avec Max pour prendre place à table.
Le seul sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme assise à la gauche de la reine
Elisabetta. Ses lèvres pleines dévoilaient des dents blanches et brillantes. Avec sa peau dorée, ses
cheveux bruns et ses yeux intensément bleus, elle était l’une des plus belles femmes qu’Alison ait
jamais vues. Une étrange sensation se nicha au creux de son ventre.
La jeune femme bondit de son siège à leur approche et enlaça Maximo.
— Max ! s’écria-t-elle. Je suis si heureuse que tu sois rentré plus tôt !
— C’est bon de te voir aussi, Bella.
Et il lui déposa un léger baiser sur les cheveux.
— Alison, dit-il en resserrant la pression de son bras autour de sa taille. Voici ma petite sœur,
Isabella.
L’estomac d’Alison se dénoua instantanément. Elle se rendit compte qu’elle était soulagée de
découvrir qu’elle était sa sœur et non…
Elle stoppa cette pensée sur-le-champ. Cela n’aurait eu aucune importance qu’elle soit sa
maîtresse ou une ex-maîtresse. Elle n’avait aucune raison de s’y intéresser.
— Ravie de faire votre connaissance, dit Isabella en embrassant légèrement la joue d’Alison. Je
suis si heureuse que Max amène une amie.
Elle lança un regard entendu à son frère indiquant ainsi qu’elle avait deviné que cette relation
était plus importante qu’il ne l’avait admis.
— Et voici mes parents, le roi Luciano et la reine Elisabetta.
— Je suis heureuse aussi de vous rencontrer tous, dit Alison, reconnaissante à Isabella de son
accueil enthousiaste.
Maximo lui avança une chaise et elle s’assit timidement. Au tribunal, elle était à l’aise,
maîtrisait la situation ; c’était son domaine. Ici, elle se sentait totalement hors de son élément.
Isabella gratifia son frère d’un sourire malicieux.
— Tu ne m’avais pas parlé d’une petite amie, Max.
Max lui prit la main sous la table, entrelaça ses longs doigts aux siens et posa leurs mains
jointes sur la table.
— J’ai essayé de garder cela entre Alison et moi jusqu’à ce que nous soyons certains du sérieux
de notre relation.
Alison hocha la tête — tous les mots qu’elle aurait pu dire restaient bloqués dans sa gorge. Elle
détestait cela. Détestait se sentir aussi impuissante. Elle n’avait jamais vécu ce genre de situation,
jamais rencontré les parents d’un homme. Or ceux-là faisaient partie de la famille royale, et leurs
visages fermés indiquaient qu’ils la considéraient comme inférieure à eux.
— Est-ce sérieux ? demanda sa mère sans un sourire.
— J’ai demandé la main d’Alison, répondit-il simplement.
C’était la seule réponse dont ils avaient besoin.
— Si tôt après la mort de Selena ?
Le ton et l’expression de son père étaient chargés de reproche, et Alison se sentit envahie de
culpabilité.
— Cela fait deux ans, dit Maximo d’une voix ferme. Et j’ai choisi Alison pour être ma femme.
— Il serait plus correct, par respect pour Selena, d’attendre encore au moins un an avant de
vous marier, suggéra lentement Elisabetta.
— La période de deuil de trois ans est dépassée, dit Maximo. Je n’ai nullement l’intention de
retarder davantage mon mariage avec Alison. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre si
longtemps.
— C’est tellement romantique, Max…, soupira Isabella.
Si seulement elle avait su…
— Il n’y a là rien de romantique, répliqua-t-il, peu soucieux de décevoir les fantasmes de sa
sœur. Alison est enceinte. Le mariage doit avoir lieu avant que… cela ne se voie.
Mortifiée, Alison eut envie de disparaître sous la table et d’échapper au regard ébahi d’Isabella
et à ceux, furieux et réprobateurs, des souverains.
— Es-tu sûr d’être le père ?
— Oui, dit Maximo les dents serrées. Cet enfant est le mien et je ne vous permets pas d’en
douter.
Elle fut surprise par le ton sur lequel il avait parlé car, après tout, elle et lui ne formaient pas un
vrai couple et il n’avait aucune raison de se sentir insulté. Simple question d’orgueil masculin ?
Luciano lança un regard dur à son fils.
— Dans ce cas, il ne nous reste plus qu’à nous incliner, dit-il. Nous allons immédiatement
commencer à préparer ce mariage.
Le regard de sa femme se durcit.
— Nous ne savons rien d’elle, Maximo.
Alison se dandina sur sa chaise, mal à l’aise d’entendre parler d’elle comme si elle n’était pas
dans la pièce.
Les yeux bleus d’Isabella brillèrent de colère.
— Si Max l’aime, c’est la meilleure raison de se marier.
— Nous ne parlons pas de toi, Isabella, dit Luciano d’un ton cassant avant de s’adresser à son
épouse. Tu as raison, cependant. Cette jeune femme porte l’héritier de Maximo et c’est tout ce qui
doit nous importer.
Si le roi Luciano s’était levé pour lui inspecter les dents, Alison n’aurait pas été surprise. Elle
avait soudain l’impression d’être une jument poulinière. Elle n’était acceptée qu’en raison du bébé
qu’elle portait. S’il n’y avait pas eu d’enfant, le roi n’aurait probablement pas approuvé cette
union. Il aurait adopté la même position que sa femme. Elle se demanda soudain quel parti Maximo
aurait pris.
Elle ne pouvait l’imaginer intimidé par quiconque. Ni contraint de céder à la demande, même
pressante, de ses parents. Mais il avait prouvé qu’il pouvait être froidement logique. Il n’avait pas
plus envie qu’elle de se marier, pourtant il avait accepté de le faire par amour pour leur enfant.
Aurait-il fait ce choix si épouser la femme qu’il aimait était contraire à l’intérêt de son pays ?
Elle ne le saurait jamais. Elle n’avait pas besoin ni envie de le savoir. Elle n’était pas
amoureuse de Maximo. Elle le respectait pour sa force, sa moralité et son amour pour leur enfant à
venir. Rien de plus.
Il caressa du pouce la peau tendre de son poignet et des frissons la parcoururent, comme pour
mieux la faire mentir.
Certes, il l’attirait mais ça ne voulait rien dire. Il était séduisant et sa grossesse lui déréglait les
hormones. C’était tout, Dieu merci !
— Je suis heureux que nous soyons d’accord, dit Maximo, avec un regard appuyé vers sa mère.
— Vous vous marierez à l’église après des fiançailles officielles. Il ne s’agit pas d’un secret
honteux. Vous donnez un héritier à notre pays et nous allons le célébrer, dit Luciano d’un ton
impérieux.
— Je suppose qu’un mariage est préférable à la naissance d’un bâtard royal, ajouta sa femme
d’un ton acerbe.
Alison déglutit péniblement. Le terme était aussi insultant maintenant que prononcé par Maximo
plus tôt. Et elle savait désormais qu’il avait dit vrai sur la façon dont leur enfant serait traité s’ils
ne se mariaient pas. Non seulement par les gens et les médias, mais aussi par sa propre famille…
— Je ne tolérerai pas d’entendre qualifier ainsi notre bébé !
Les mots avaient fusé.
— Je ne permettrai à personne de le blesser. Jamais.
Maximo lui attrapa le menton et la força à le regarder.
— Personne ne lui fera de mal, cara. Je m’en porte garant, dit-il en jetant un regard noir sur sa
mère. N’oublie pas qu’il s’agit de ton petit-fils ou de ta petite-fille, Mamma.
Il se leva et l’entraîna avec lui.
— Alison et moi dînerons dans nos appartements.
Sa mère prit un air offusqué, mais se tut.
Alison releva la tête. Pas question d’avoir l’air vaincue ! Ces gens étaient titrés et riches, mais
cela ne leur donnait pas le droit de la juger. Elle avait vu pire avec sa propre mère et ne se
laisserait pas atteindre par le venin d’une étrangère.
Dès qu’ils furent dans le couloir, Maximo lâcha sa main.
— Ça s’est bien passé ! ironisa-t-elle.
— Aussi bien que je m’y attendais. Ma mère aimait Selena comme sa propre fille. C’est
difficile pour elle, il faut la comprendre.
— Alors ne serait-il pas mieux qu’ils sachent la vérité plutôt que de supposer que…
— Selena ne voulait pas que ma mère soit au courant. Ni que mes parents la tiennent pour
responsable d’un échec.
Il se dirigea vers leur appartement et elle dut faire de petits pas rapides pour arriver à suivre ses
grandes enjambées.
— C’est ridicule. Ne pas pouvoir avoir d’enfant ne fait pas de vous une ratée.
— Ma femme le ressentait ainsi.
Il marqua une pause.
— Ma mère nous a présentés l’un à l’autre. Sa famille était riche et célèbre, Selena était
cultivée et pleine de talent. Ma mère pensait qu’elle ferait une princesse et une mère idéales. En
voyant qu’elle ne pouvait pas accomplir ce qu’elle estimait être une des conditions requises,
Selena a sombré dans la mélancolie.
— Mais ce n’était pas la seule raison pour laquelle vous l’aimiez, dit doucement Alison.
Maximo se tourna pour la regarder un sourire triste aux lèvres.
— Non.
— Je comprends pourquoi vous ne voulez pas que cela se sache. Je ne le dirai à personne,
n’ayez crainte.
Cela aurait pourtant pu lui faciliter les choses, mais la reine ne l’aimerait pas, de toute façon.
Inutile donc de blesser Maximo en faisant resurgir le passé. Il avait toujours l’air stoïque en
parlant de Selena, mais elle avait aperçu des éclairs de profonde tristesse dans ses yeux sombres.
Et elle se sentait plus concernée qu’elle n’aurait dû l’être.
Elle souffrait pour lui, se sentait liée à lui. Probablement parce qu’elle attendait son enfant. Il
faisait partie d’elle, d’une certaine manière.
Cette révélation provoqua en elle une sourde angoisse. Elle ne voulait rien ressentir de plus
pour lui qu’estime et amitié.
***
De retour chez lui, Maximo la conduisit dans une petite salle à manger qui semblait appartenir à
une maison classique. Contrairement à celle imposante de la partie principale du palais, cette
pièce était visiblement destinée à un usage familial.
Il s’assit en bout de table et il sembla naturel à Alison de prendre place à l’autre extrémité. Il lui
devint alors facile d’imaginer un enfant assis entre eux, un grand sourire sur le visage et tenant un
biscuit entre ses doigts potelés. Serait-il clair comme elle ou aurait-il le teint mat de Maximo ?
Cette image si poignante d’une famille, leur famille, la toucha au plus profond d’elle-même.
Cette nouvelle perception remplaça les visions qu’elle avait eues jusque-là. Maintenant, elle
voyait Maximo dans les traits de leur enfant et cette sensation lui était très agréable.
— Désirez-vous manger quelque chose de particulier ? demanda-t-il.
Elle le trouvait si beau ! La lumière du chandelier accentuait les reliefs de son visage. Il avait un
charme ravageur. Elle n’avait jamais compris cette expression, se demandant comment le physique
d’une personne pouvait provoquer des ravages. A présent, elle savait.
— Pour être franche, la nourriture n’a guère d’attrait pour moi en ce moment.
Il hocha la tête.
— Alors je vais demander au personnel de nous apporter ce qui a été préparé pour mes parents.
Quelques minutes plus tard, une femme entra, poussant un chariot chargé d’assiettes recouvertes
de cloches en argent. Elle en posa deux devant Alison avec un autre verre de soda au gingembre
fait maison.
Alison ne se soucia même pas de découvrir les plats. Elle attrapa le verre pour calmer son
estomac perpétuellement chaviré.
— Vous devez manger, dit Maximo. Vous êtes trop mince.
Elle s’arrêta de boire.
— Qu’est-ce que vous racontez ? Le docteur m’a trouvée en excellente santé et a dit que ma
grossesse se passait très bien.
— Moi je pense que vous devez prendre des forces.
Maximo se leva et découvrit les assiettes posées devant elle. L’une contenait des pâtes à la
sauce marinara et l’autre une cuisse de poulet dorée à point.
— Je vais goûter les pâtes, annonça-t-elle timidement.
Maximo s’assit sur la chaise à côté d’elle et mit le poulet devant lui.
— Votre femme suivait-elle un régime particulier ?
Elle regretta aussitôt ses paroles. D’ordinaire elle choisissait ses termes avec soin mais elle
avait eu son comptant d’émotion, ces dernières quarante-huit heures. Maximo semblait produire cet
effet sur elle.
Il haussa légèrement les épaules.
— Des vitamines, tous les remèdes à base de plantes qu’elle pouvait trouver et des hormones en
plus des aliments supposés augmenter la fertilité.
— Elle voulait vraiment être mère, dit doucement Alison.
Elle se sentit coupable. Selena avait essayé si fort d’avoir le bébé de Maximo, et maintenant
c’était elle qui était enceinte de lui, par accident de surcroît ! On aurait dit une blague cruelle que
le destin leur jouait à tous.
— Oui, elle le voulait vraiment. Nous avons fait trois tentatives de fécondation in vitro. En vain.
Elle avait reçu le dernier résultat négatif quelques heures avant sa mort.
Alison posa la main sur la sienne, pour le réconforter. Quand elle la retira, elle sentait toujours
la chaleur de sa peau. Folle de désir, elle regarda Maximo, dont les yeux sombres attisèrent la
flamme qui couvait dans son ventre. Un feu qui menaçait à tout moment de la consumer…
Elle repoussa sa chaise et se leva pour mettre quelque distance entre eux. Etre près de lui, le
toucher, la rendait vulnérable.
— Je suis fatiguée, annonça-t-elle. Je vais aller me coucher.
Maximo sourit.
— Vous combattez si fort cette attirance qui existe entre nous…
— Ce n’est pas ce que je désire, Max, murmura-t-elle en fermant les yeux pour ne plus voir son
visage séduisant.
— Quelqu’un vous a blessée ?
Sa voix s’était durcie.
Elle secoua la tête.
— Ce n’est pas ce que vous pensez. Mais je ne peux pas… ne me demandez pas cela.
— Je ne vous forcerai jamais.
Elle le savait. Elle ne doutait pas que Maximo soit un homme de parole. Un homme d’honneur.
Pourtant ce n’était pas l’idée qu’il la force qu’elle redoutait. C’était le fait que la force ne serait
pas nécessaire. Il n’aurait qu’à la toucher, l’embrasser, et elle oublierait sa détermination à ne pas
s’engager physiquement avec lui.
Elle avait tellement peur de devenir dépendante, comme sa mère, et de s’effondrer s’il la
quittait.
Elle dépendait déjà trop de lui en raison de l’enfant qu’elle portait, et il fallait à tout prix éviter
que les sentiments s’en mêlent.
— J’ai besoin de repos, dit-elle en quittant la pièce.
— Bonne nuit, répondit-il d’une voix rauque. Demain nous annoncerons nos fiançailles.
6.
Alison tressaillit quand les baleines de sa robe lui piquèrent une fois de plus les côtes. Il faisait
chaud et humide. Des mèches de cheveux s’étaient échappées de sa coiffure sophistiquée. L’air
était lourd et le simple fait de respirer semblait accentuer sa nausée, compagne indésirable de
chaque instant.
La domestique qui l’avait aidée à s’habiller avait insisté : il s’agissait de fiançailles officielles
et elle devait porter une tenue formelle. Elle attendait donc là, maquillée, engoncée et apprêtée
derrière le lourd rideau rouge, le moment de rejoindre Maximo sur le balcon pour la déclaration
officielle aux caméras de télévision et aux citoyens de Turan.
Le monde entier les regardait. Maximo était charismatique, et très populaire même au-delà des
frontières de son royaume. Le gotha assisterait à leur mariage. Loin de l’angoisser, cette pensée la
fit presque rire.
Elle prit une profonde inspiration et tenta d’ignorer le fait que ses seins semblaient vouloir
s’échapper du décolleté en cœur de sa robe. D’un bleu saphir avec de ravissantes petites manches
courtes et volantées sur les épaules, elle était censée être très sage — et elle l’aurait été si la
poitrine d’Alison n’avait pas été si épanouie.
Elle entendait Maximo s’adresser à son peuple en italien. Sa voix la remuait. Quel orateur
extraordinaire ! Elle ne comprenait pas un mot de ce qu’il disait mais cela sonnait bien.
Il était de ces dirigeants qui inspirent leur peuple, le genre de chef dont son pays avait besoin.
Elle avait pris la bonne décision. Maximo était un homme bon. Il serait un exemple merveilleux
pour leur enfant et un père fabuleux. Tout cela lui paraissait écrasant, mais c’était l’héritage de son
fils ou de sa fille, et elle ne pouvait pas lui refuser cette chance.
Le chef du protocole lui fit signe d’approcher. Il écarta discrètement le rideau et Alison fit un
pas timide dans la lumière méditerranéenne éclatante.
La chaleur et la foule vibrante lui firent tourner la tête. S’efforçant de plaquer un sourire sur ses
lèvres, elle prit place à côté de Maximo.
Il lui passa un bras autour de la taille, l’attira contre lui. Son père, debout près de la reine,
s’avança et prit le micro sous les acclamations de la foule.
Maximo se tourna vers elle et lui effleura la joue du dos de la main, faisant naître en elle un
délicieux frisson. Il la regarda avec attention, sérieux et tendresse, puis se pencha pour déposer un
baiser sur les lèvres. Surprise par ce geste d’affection, elle sentit son cœur s’emballer et craignit
qu’à travers les micros le monde entier l’entende. Maximo la serra contre lui, pressant ses seins
contre sa poitrine.
Elle ne pouvait détacher les yeux de lui. Son futur mari était si séduisant, dans cet uniforme qui
mettait en valeur sa poitrine large et ses hanches étroites !
Un intense sentiment d’orgueil l’envahit. Elle était fière de se tenir à ses côtés. Fière qu’il soit
le père de son bébé. Maximo était homme à faire face aux épreuves sans tourner les talons à la
moindre difficulté. Quand les résultats du test arriveraient, il se montrerait à la hauteur de la
situation, elle en était persuadée.
Il se pencha un peu plus encore vers elle. Son souffle chaud sur son cou lui donna la chair de
poule.
— Saluez votre peuple, lui ordonna-t-il gentiment.
Elle se tourna et leva la main en un salut timide qui fut accueilli par une vague d’acclamations
enthousiastes.
— Bene, murmura-t-il en la taquinant gentiment du bout du nez.
Cet effleurement éveilla en elle un désir brûlant, insistant et nouveau. Il fait cela pour les
caméras, pensa-t-elle. Mais son corps semblait l’ignorer, car elle sentit ses jambes faiblir et se
laissa aller contre son corps solide. Elle se rendit compte alors à quel point il serait facile de
toujours s’appuyer contre lui.
La force de ses sensations la bouleversa. Mais elle se redressa, un sourire aux lèvres, et il
l’escorta derrière le rideau tandis que le roi continuait son discours.
— Vous vous en êtes très bien sortie, dit Maximo la lâchant dès qu’ils furent hors de vue.
— Un sourire et un salut, répliqua-t-elle. Rien de bien impressionnant !
— Quand une femme est aussi belle que vous, cela suffit. Ils vous ont aimée, croyez-moi.
Elle eut un petit rire tremblant.
— C’est la robe.
— C’est une très belle robe.
Il la regarda, détaillant chacune de ses courbes.
Cette inspection détaillée lui enflamma les sens. Un besoin soudain de fondre en lui, de le
laisser soulager la douleur qu’il faisait naître entres ses cuisses et de l’autoriser à lui faire perdre
tout contrôle sur elle-même la submergea.
— Vous êtes si belle…, dit-il avec douceur en posant un pouce sur sa lèvre, dont il effleura le
contour.
Le rideau s’écarta, brisant le charme de l’instant.
— C’est fait, dit fermement Luciano. Le mariage aura lieu dans huit semaines, après la messe
dominicale.
Il s’adressa ensuite à son fils dans sa langue natale, et Alison vit les joues de Maximo se teinter
de rouge, ses yeux se durcir et un muscle tressauter dans sa mâchoire.
— Si. J’en suis certain !
— Bien, dit Luciano en donnant une tape dans le dos de son fils avant de se tourner vers Alison
et d’ajouter : rendez mon fils heureux, mademoiselle, et je serai comblé…
Luciano et Elisabetta quittèrent la pièce, les laissant seuls.
— Qu’a-t-il dit ? demanda-t-elle, se doutant qu’il n’y avait rien là de très flatteur pour elle.
— Rien d’important…
— Cette chose sans importance vous a pourtant contrarié.
— Il m’a demandé si j’étais sûr de ma paternité.
C’était blessant, mais elle ne pouvait pas en vouloir au roi de réagir ainsi. Il ne la connaissait
pas.
Elle haussa les épaules.
— Si le personnel de la clinique a été assez négligent pour me donner votre échantillon, on peut
très bien imaginer qu’il ait commis une erreur d’étiquetage…
Elle le vit se refermer et se sentit penaude.
— Je suis désolée. Ma réflexion était de mauvais goût.
— Tout à fait.
Il lui prit le bras et la reconduisit vers leurs appartements.
— Et je ne suis pas en mauvaise posture. Je veux cet enfant.
— Je parlais seulement du mariage, marmonna-t-elle.
— Nous ne nous rendrons même pas compte que nous sommes mariés, une fois la cérémonie
passée. A ceci près que vous devrez déménager…
— Heureuse de savoir que je ne serai pas un boulet ! riposta-t-elle.
— Pas du tout. Ne vous méprenez pas, j’ai déjà été marié. Ce n’est pas le genre de relation que
je recherche.
Sur ces paroles définitives, il lui lâcha le bras et monta seul les escaliers.
Devant sa décision de ne pas se remarier, elle avait pensé que seul l’amour qu’il avait porté à
sa femme le retenait. Elle n’en était plus certaine, désormais.
Mais à quoi bon s’en soucier ! Il ne serait pas vraiment son mari, mais juste son partenaire. Ils
élèveraient leur enfant ensemble le jour, et la nuit il réchaufferait le lit d’une blonde grande et
svelte. Elle dormirait seule et apprécierait la solitude de son lit. Alors pourquoi cette situation lui
paraissait-elle intenable ?
***
— C’est merveilleux !
Isabella n’avait pas arrêté de bavarder depuis qu’elle avait pris place dans la limousine avec
Alison.
— Mamma ne m’autorise jamais à faire de shopping.
— Votre mère ne vous laisse jamais faire des courses ?
La seule pensée d’être ainsi contrôlée rendait Alison claustrophobe.
— Et c’est ce que nous sommes supposées faire, maintenant ?
Isabella avait volontiers accepté de l’accompagner pour l’aider à composer une garde-robe
digne d’une princesse, mais Alison avait pensé qu’il s’agissait là de l’idée de Max. Elle n’avait
certainement pas imaginé que sa future belle-sœur n’était pas autorisée à le faire.
Isabella rougit légèrement.
— Pas exactement…
Contrariée, Alison demanda :
— Pourquoi n’êtes-vous pas autorisée à faire du shopping ?
Un air de défi passa dans les yeux d’Isabella.
— Ce n’est pas ce que l’on attend de la future femme d’un cheikh.
— Vous êtes fiancée ?
Isabella lui semblait très jeune. Naïve, certes, mais adorable.
Elle haussa ses ravissantes épaules.
— Plus ou moins. C’est un mariage arrangé.
— Un mariage arrangé ?
Il sembla anormal à Alison qu’une jeune femme si séduisante soit offerte à un homme qu’elle
n’avait pas l’air d’aimer.
Les yeux d’Isabella brillèrent avec passion.
— Je pensais avoir le droit d’en faire l’expérience avant de tout abandonner pour le devoir. J’ai
juste envie de vivre une vie que j’ai choisie.
Elle inspira profondément.
— Les mariages arrangés sont fréquents au sein de notre famille. Mais ce n’est pas votre cas,
avec Max, bien sûr.
— Le mariage de Max avec Selena était arrangé ?
Elle se sentit un peu coupable de sonder le passé de Max.
— Si on veut. Ma mère a rencontré Selena après l’un de ses concerts. Mes parents, qui
souhaitaient voir Max se fixer et fonder un foyer, l’ont encouragé à la fréquenter, ce qu’il a fait. Il
l’a aimée plus tard, pourtant, j’en suis persuadée. D’une certaine façon, oui, c’était un mariage
arrangé. Mais pas comme le mien, soupira-t-elle. Je n’ai jamais rencontré mon fiancé.
Trop occupée à digérer cette information, Alison écouta à peine la suite. Pas étonnant que
Maximo ait une vue si pragmatique du mariage ! Elle avait cru que sa mère les avait présentés,
Selena et lui, et qu’il l’avait ensuite épousée par amour, non par devoir. Mais Isabella semblait
certaine qu’il était tombé amoureux de Selena, après leur mariage…
Elle commença aussi à suspecter que cette union n’avait pas été parfaite. Il était toujours tendu
quand il parlait de sa femme. Mais ils avaient traversé tant d’épreuves ensemble, et leur relation
en avait été affectée.
Elle ne comprit pas pourquoi, soudainement, tout cela lui sembla si important. Plus elle
connaissait Max et plus elle voulait en apprendre sur lui. Elle voulait juste… le comprendre.
Après tout, il était le père de son enfant !
La limousine s’arrêta devant une rangée de boutiques de luxe. Le chauffeur ouvrit la portière à
Isabella qui se glissa dehors, suivie d’Alison. Les boutiques étaient installées dans des immeubles
anciens. Au bout de la rue se dressait un casino moderne mais parfaitement intégré au paysage.
Des femmes en tenues élégantes parcouraient les avenues pavées. Les hommes, pensa Alison,
devaient être au casino.
— Princesse Isabella !
Isabella et Alison se retournèrent ensemble et un flash crépita, suivi de beaucoup d’autres.
Alison fut stupéfaite. Plusieurs reporters avançaient vers elles, micros en main.
— Etes-vous Alison Whitman, la fiancée du prince ? cria une femme avant de prendre une
photo.
— Pourquoi vous mariez-vous si rapidement ?
— Cela vous dérange-t-il de ne pas être aussi glamour que sa première femme ?
— Est-il très amoureux ?
Les questions fusaient, nombreuses et déplacées, et les paparazzi les acculaient contre la
limousine.
— Reculez ! cria Alison, effrayée à l’idée d’être écrasée. Mais personne ne prêta attention à sa
demande. Isabella réussit à ouvrir la portière. Alison s’engouffra dans la voiture à sa suite,
referma la portière et la verrouilla.
— Démarrez ! dit-elle en tambourinant contre la vitre de séparation.
La princesse se passa une main tremblante sur le front.
— Pas étonnant que je ne sois pas autorisée à sortir seule…
— C’est impressionnant, dit Alison en s’enfonçant dans le siège.
Elle ne s’était pas attendue à cela quand elle s’était imaginée mariée à Max. Elle eut envie de
pleurer. Rien ne se passait comme prévu. Cette vie lui paraissait tellement étrangère à celle dont
elle avait rêvé ! Elle commençait seulement à se rendre compte de l’ampleur des changements à
apporter à son existence pour donner un père à son enfant.
Soudain, Isabella lâcha d’un air triste :
— C’était toujours comme ça pour Max et Selena. La presse les harcelait sans cesse.
Alison comprit combien cela avait dû leur être difficile. Elle n’était pas sûre de pouvoir y faire
face.
Pourtant, cela serait sa vie, désormais…
Elle posa la main sur son ventre pour calmer la panique qui menaçait de s’emparer d’elle. Elle
tremblait de tous ses membres.
Isabella attrapa son mobile.
— Max, cria-t-elle. Les paparazzi nous ont suivies !
Elle lança un regard coupable à Alison.
— Je voulais faire du shopping. Je n’ai pas pensé que…
Alison entendit le son étouffé de la diatribe que Max infligeait à sa sœur. Isabella grimaça, mais
le laissa terminer.
— Elle va bien. Le bébé aussi. On se voit dans un moment…
Isabella raccrocha.
— Je ne l’ai jamais entendu si furieux. Il est inquiet. Il doit vraiment vous aimer.
Le cœur d’Alison se serra, et elle sentit s’ouvrir en elle un gouffre douloureux qu’elle voulait
désespérément voir comblé. Mais comment ?
En vérité, elle savait exactement ce qui le comblerait, mais elle avait trop peur pour s’y
abandonner. Elle prenait conscience de la dure réalité des changements occasionnés par son
nouveau statut et, plus terrifiant encore, de la réalité des sentiments qu’elle commençait à éprouver
pour son futur mari.
Quand ils revinrent au palais, Maximo faisait les cent pas dans l’entrée, fou de rage.
— C’était stupide et immature de ta part, Isabella, s’emporta-t-il. Vous auriez pu être blessées
toutes les deux.
— Je n’imaginais pas que ça se passerait ainsi ! protesta Isabella. Comment aurais-je pu ? On ne
me laisse jamais sortir !
— Ils faisaient simplement leur travail, Max, dit Alison. Nous allons bien. C’était effrayant,
mais ils ne voulaient pas nous blesser.
— Je ne supporte pas cette presse à scandale, dit-il d’un ton mordant. Si un journaliste veut une
photo, très bien, mais traquer deux femmes innocentes est inexcusable. Qu’ils cherchent ou non à
vous blesser n’est pas le problème. Ils auraient pu le faire.
Incapable de combattre l’envie quelle avait de le toucher pour l’aider à calmer sa colère, Alison
lui posa la main sur le bras.
— Nous allons bien et le bébé aussi.
— Nous partons, dit-il d’un ton sec. Nous quittons Turan jusqu’à ce que la tempête médiatique
soit calmée.
Il sortit son mobile de sa poche et aboya des ordres en italien à l’infortunée personne qui se
trouvait à l’autre bout de la ligne.
— Allez faire vos bagages, cara mia. Nous avançons notre lune de miel.
7.
Le vol jusqu’à Maris fut court et le petit avion se posa dans un champ. L’île était moins
montagneuse que Turan, et champs et oliveraies prolongeaient ses plages de sable blanc.
Personne ne les attendait à la descente de l’avion.
Maximo avait passé le vol à s’organiser pour travailler depuis l’île. Alison, elle, était émue à la
perspective d’être seule avec lui dans un endroit aussi beau, isolé et romantique.
— Vous plaisantiez au sujet de la lune de miel, n’est-ce pas ? demanda-t-elle.
Il lui lança un regard brûlant qui la transperça.
— J’ai promis de ne pas vous forcer, Alison, mais pas de ne pas tenter de vous séduire.
— Vous n’y arriverez pas.
Il approcha les lèvres à quelques centimètres des siennes.
— Que vous ai-je dit à propos des défis ?
— Je…
Incapable d’arracher les yeux de sa bouche, elle ne put s’empêcher de s’approcher
légèrement…
Il recula brusquement et partit comme si rien ne s’était passé, la laissant défaillante de désir.
— La villa se trouve derrière ce bosquet, dit-il en indiquant les oliviers devant eux.
Quelques mètres plus loin, elle découvrit un superbe jardin aux chemins empierrés, une cour
dotée d’une fontaine, et une villa blanche au toit recouvert de tuiles espagnoles.
— C’est magnifique !
Selena avait dû adorer cet endroit idyllique, pensa-t-elle.
— Selena n’est jamais venue ici.
Décidément, il lisait dans ses pensées, ce qui ne laissait pas de l’inquiéter.
Devant sa mine stupéfaite, il éclata de rire.
— Vos pensées sont si transparentes ! Je ne comprends pas pourquoi vous vous souciez tant de
ma femme.
Elle sentit les larmes lui brûler les yeux.
— Parce que je suis avec vous et porte le bébé que vous vouliez ensemble. Je me sens coupable
d’avoir ce qu’elle désirait tant.
Il lui prit la main, la conduisit jusqu’à un banc de pierre et s’assit. Il l’attira alors doucement
contre lui. Leurs cuisses se touchèrent.
— Cara, j’ignore ce que l’avenir aurait réservé à Selena si elle avait vécu. Mais ce bébé est le
nôtre.
Elle lui offrit un sourire triste.
— J’apprécie que vous me disiez cela.
— Je ne peux pas le regretter, Alison. Vous me permettez de réaliser mon rêve de toujours. Je
devrais même être reconnaissant au laboratoire pour cette confusion, car elle m’a offert une
chance.
Doucement, il posa la main sur son ventre, geste qu’il faisait souvent, à présent. Elle apprécia la
douce pression de sa paume et le fourmillement chaud qu’elle provoquait immanquablement. Elle
non plus ne regrettait rien.
Il se tourna alors vers la maison et expliqua :
— J’ai commencé à construire cette villa avant la mort de Selena. J’espérais que ce serait notre
maison de famille mais elle préférait la ville et a refusé de venir la voir.
— Je suis désolée que vous l’ayez perdue.
De la main, il s’abrita les yeux du soleil.
— Je l’ai perdue longtemps avant qu’elle ne meure.
De nouveau elle lut la tristesse dans son regard — et ressentit un besoin de l’adoucir si grand
qu’il l’effraya.
— Vous avez eu des moments difficiles, mais je suis sûre qu’elle vous aimait, Max.
— Elle était malheureuse. Etre une princesse exigeait bien plus qu’elle ne l’avait escompté.
— Mais elle vous avait, vous.
— J’ai toujours dû beaucoup voyager. Selena n’aimait pas m’accompagner en voyages
d’affaires. Elle voulait quelqu’un près d’elle, qui l’amuse et s’occupe d’elle. Elle n’avait pas
votre farouche indépendance, dit-il, un léger sourire aux lèvres. Je ne peux pas lui en vouloir pour
ça, ni d’avoir été malheureuse.
Alison ne comprenait pas comment Selena avait pu être malheureuse avec Maximo. Elle avait
envie d’être avec lui. Elle aimait son odeur, la chaleur réconfortante de son corps contre le sien
sur le banc et la façon dont il touchait son ventre si tendrement. Avec lui, elle se sentait en sécurité,
heureuse et aimée…
Cette brusque prise de conscience la poussa à quitter le banc. Elle avait trop besoin de lui. Il
s’était infiltré en elle, l’avait ensorcelée ! Maximo était un homme formidable, mais aussi un tyran,
qui attendait d’elle qu’elle fasse exactement ce qu’il voulait. Il avait décidé qu’ils devaient se
marier et l’avait convaincue ; ensuite, il avait décrété qu’il fallait avancer leur lune de miel et elle
s’était retrouvée en avion dans les minutes suivantes…
C’était facile de l’oublier quand il lui faisait du charme et lui décochait son sourire sexy. Mais
elle ne se laisserait plus faire. C’était trop dangereux.
— J’ai chaud. Je voudrais rentrer, annonça-t-elle.
Maximo ignorait la cause de ce revirement d’humeur. Douce et docile l’instant précédent,
Alison s’était raidie et éloignée de lui.
Mais il s’était montré totalement honnête en disant qu’il avait l’intention de la séduire. Il ferait
de ce séjour une véritable lune de miel. Il avait mal d’elle la nuit dans son lit vide. Il rêvait de ses
cheveux éclatants étalés sur l’oreiller et de sa bouche sensuelle entrouverte sur un soupir quand il
pénétrerait dans son corps qui le réclamerait…
Son désir pour elle était si intense que son corps entier en souffrait. Jamais il n’avait ressenti
une telle passion. La situation était idéale, entre eux : Alison ne voulait pas d’amour, mais un désir
identique au sien l’animait, qu’il saurait soulager…
Cette passion dévorante n’était pas de l’amour et Alison était l’opposé de Selena, ce dont il lui
était reconnaissant. Fougueuse et indépendante, Alison lui faisait part de ses sentiments, de ses
opinions. En ce moment, par exemple, elle semblait furieuse…
Selena, si fragile, avait eu besoin de sa protection et de son soutien. Il avait échoué et elle
s’était fermée, à tel point qu’il s’était bientôt senti incapable d’adoucir son chagrin permanent.
Avec Alison, ce serait différent. Elle ne s’accrocherait pas à lui en espérant le voir résoudre ses
problèmes pour lui faire des reproches s’il échouait.
Il se sentit coupable de cette pensée. Selena, même difficile à ses heures, avait été sa femme, et
il n’avait pas le droit de la dénigrer.
Avec Alison, il resterait hors des eaux troubles d’un mariage dont aucun d’eux ne voulait. Mais,
qu’elle l’admette ou non, ils partageaient une attirance physique, à laquelle il finiraient tous deux
par céder, il le savait…
Il se leva et la suivit dans la villa en contemplant le doux mouvement de ses hanches.
Oh, oui, il allait apprécier de séduire sa fiancée !
***
Maximo passa dans son bureau, laissant Alison dormir et oublier le stress de l’après-midi. Elle
était fatiguée et devait se reposer, se répétait-il, rêvant cependant de lancer son opération
séduction.
Il avait du mal à se concentrer sur son travail en la sachant endormie dans la pièce voisine. Son
désir prenait le pas sur tout. Un besoin primaire qui le dévorait et semblait inséparable de lui,
maintenant.
Il était prêt à abandonner son travail quand son mobile sonna. C’était son médecin, qui appelait
pour lui annoncer le résultat du test.
En une minute, sa vie bascula.
8.
Maximo trouva Alison endormie. Sa beauté lui coupa le souffle. Il se sentit dévoré de désir,
comme un homme assoiffé devant une oasis verdoyante.
— Alison…
Il s’assit sur le lit et lui prit la main.
— Alison…
Il repoussa ses cheveux sur son front. Elle remua légèrement, s’étira et laissa échapper un
soupir.
Le ventre de Maximo se noua instantanément.
— Réveillez-vous, Alison.
Elle frotta ses yeux encore pleins de sommeil. Ses cheveux étaient ébouriffés. Elle était si belle
qu’il en eut mal.
— Max ?
L’entendre prononcer son nom d’une voix ensommeillée était terriblement excitant.
— Mon médecin a appelé.
Elle se redressa d’un bond.
— Et qu’a-t-elle dit ?
L’expression affolée de la jeune femme le bouleversa.
— Je ne suis pas porteur. Notre bébé ne court aucun risque.
Un cri lui échappa. Elle lui jeta les bras autour du cou, le corps secoué de sanglots. Il la tint
serrée tandis qu’elle libérait son émotion. Leur émotion.
— J’ai eu tellement peur, murmura-t-elle. Je ne voulais pas voir mourir notre enfant, Max.
— Vous n’aurez pas à le faire.
— Ma sœur était si jeune quand la maladie l’a emportée ! C’était épouvantable de la voir
s’affaiblir. Je n’aurais pas pu revivre ça.
Il ressentait sa douleur, et tenta de l’apaiser.
— J’ignorais que vous aviez vécu cela.
— C’est la raison pour laquelle…
Elle prit une inspiration et leva la tête.
— C’est la raison pour laquelle il était si important que je sache. Pour éviter une telle surprise
et me préparer. Si tant est que l’on puisse se préparer à ce genre d’épreuve. C’est un tel
soulagement.
Il lui posa une main derrière la tête et caressa ses boucles dorées et soyeuses.
— De toute façon, nous aurions fait face. Mais je suis heureux que nous n’ayons pas à nous
inquiéter de cela.
— Moi aussi.
Elle dénoua lentement les bras de son cou. Ses doigts s’attardèrent dans ses cheveux en une
caresse étrangement érotique. Une onde brûlante le parcourut.
Elle recula un peu. Leurs bouches étaient si proches qu’un infime mouvement aurait suffi à les
unir. Mais il voulait que ce soit elle qui le fasse.
— Max, je ne sais pas pourquoi je fais cela, mais je ne crois pas que je pourrai m’arrêter,
murmura-t-elle.
Puis elle posa les lèvres sur les siennes en un baiser hésitant et timide. Elle ne semblait pas
manquer d’assurance, pourtant elle embrassait de façon innocente.
Du bout de la langue, elle lui effleura la lèvre inférieure. Comme il approfondissait leur baiser,
elle ouvrit les lèvres avec un gémissement de plaisir qui fit monter son excitation.
Lentement, il la pressa contre le lit. Elle cambra le dos, et il se rendit compte qu’il y avait trop
de vêtements entre eux. Il la voulait nue entre ses bras, voulait s’introduire en elle, et satisfaire
enfin le désir fou qu’il avait d’elle.
Ses mains descendirent, se posèrent sur ses seins dont il taquina les pointes. Jamais une femme
n’avait mis sa maîtrise à aussi rude épreuve.
— Attendez, dit-elle en roulant loin de lui, les yeux écarquillés. Je… je ne peux pas.
Son souffle était haletant, ses lèvres gonflées.
— Pourquoi ? Je sais que vous en avez envie.
— Non, haleta-t-elle. Je suis désolée. Je préfère que nous restions simplement amis. Que se
passera-t-il si ça ne marche pas entre nous ? Nous deviendrons des divorcés amers avec un enfant
qui fait la navette et partage ses vacances entre nous ? Mieux vaut conserver une relation
platonique…
— Je tiens toujours mes engagements. Quand je formulerai mes vœux, ils seront sincères. Si
divorce il y a entre nous, je n’en serai pas l’instigateur.
Alison passa des doigts tremblants dans ses cheveux.
— Je n’ai aucune intention de divorcer, mais le sexe complique tout.
Maximo se leva sans se préoccuper de cacher l’érection qui tendait son pantalon.
— Non, au contraire, le sexe ne ferait qu’apaiser la tension entre nous.
Sur ces mots, il tourna le dos et quitta la pièce, laissant Alison en proie à une culpabilité
grandissante.
Son corps lui reprochait d’avoir repoussé le sien. Elle était si excitée, et le désirait tant qu’elle
avait été sur le point de le laisser faire. Elle avait eu soif de se laisser aller et de tomber dans un
divin oubli entre ses bras…
C’est ce désir qui, finalement, l’avait ramenée à la réalité. Maximo lui plaisait déjà trop. Si elle
lui cédait, rien ne l’empêcherait plus de tomber amoureuse de lui. Or elle ne pouvait pas, ne
voulait pas prendre ce risque.
Quand il lui avait annoncé le résultat du test, elle avait juste voulu l’enlacer. Comme s’ils
formaient un vrai couple, se procurant mutuellement soutien et force.
Mais ce n’était pas le cas. Ils étaient deux étrangers réunis par le destin, et qui s’efforçaient de
gérer au mieux cette incroyable situation.
Maximo disait qu’il ne divorcerait pas. C’était peut-être vrai. Il n’abandonnerait pas son enfant,
elle le sentait.
Il avait été fidèle à Selena — mais il l’aimait, elle…
Soudain, elle songea que son intérêt pour elle diminuerait quand elle prendrait du poids, aurait
des vergetures… Il se tournerait alors vers d’autres femmes, et n’aurait aucun mal à séduire celles
qui lui plairaient. Il n’était pas question qu’elle s’expose à cela…
***
Les semaines suivantes, Maximo brisa sa promesse : il ne chercha plus à la séduire. Elle fut
troublée et déçue qu’il accepte son refus si aisément.
Elle restait éveillée chaque nuit, le corps en feu, se repassant dans sa tête le film de leurs
rencontres — parfois même en le pimentant un peu…
Dans ses fantasmes, ils ne s’étaient pas arrêtés, ce soir-là. Elle avait continué de l’embrasser,
puis avait déboutonné sa chemise, révélant ses muscles durs et sa peau dorée. A son tour, il avait
défait son chemisier, dégrafé son soutien-gorge, avant de prendre les pointes dressées de ses seins
dans sa bouche…
Alison ferma l’ordinateur que lui avait donné Max afin qu’elle puisse travailler à son projet
d’ouverture d’une fondation pour la mucovicidose à Turan. Faire ce travail par internet ne la
satisfaisait pas complètement, mais elle préférait s’occuper de la sorte que de passer ses journées
à lutter contre le désir qu’elle éprouvait pour un homme inaccessible.
En plus de l’ordinateur, Maximo lui avait attribué un budget conséquent et laissé l’usage d’une
chambre convertie en bureau. Les fenêtres donnaient sur la mer. La vue de l’eau brillante et
cristalline calmait un peu son stress, même si elle ne pouvait la libérer du désir qui la rongeait.
Il devenait si intense qu’elle en arrivait à se demander pourquoi elle se refusait ce qu’elle
voulait si désespérément…
Elle était agitée, le corps vibrant à la seule pensée de savoir Maximo à l’autre bout du couloir.
Celui-ci se montrait adorable avec elle. Attentif, il répondait à ses moindres besoins et jouait à
la perfection son rôle de fiancé transi — mais platonique. Comme s’il prenait un malin plaisir à lui
rendre la vie infernale…
Elle s’étira pour chasser le désir qui irradiait chacune de ses terminaisons nerveuses. Sa peau
lui faisait l’effet d’être trop étroite pour son corps et tout en elle semblait prêt d’exploser.
Elle avait désespérément besoin de dépense physique. Depuis qu’elle était enceinte, elle n’avait
pris aucun exercice, ce qui la rendait nerveuse. Son énergie avait besoin d’être maîtrisée,
canalisée…
Elle quitta le bureau et partit vers sa chambre, bien décidée à sortir prendre l’air. La villa avait
beau être merveilleuse, elle avait besoin de bouger.
Elle chercha le maillot de bain que Maximo lui avait fait livrer à Maris, quelques jours après
leur arrivée. Ses seins avaient toujours été importants par rapport à sa frêle silhouette, mais à
présent ils faisaient paraître indécent tout ce qu’elle portait. Ce maillot en était le parfait exemple.
Elle décida d’ignorer son reflet dans le miroir. Soupirant, elle enroula une sortie de bain autour
de ses nouvelles rondeurs et de son ventre naissant avant de se diriger vers la piscine.
A l’image du reste de la villa, la piscine était privée. Protégée des regards curieux par de
grands massifs de fleurs, elle offrait une vue sur la mer.
Alison se mit à nager, appréciant la chance qui lui était donnée d’évacuer son énergie et de se
vider l’esprit, ne serait-ce que quelques minutes.
Elle atteignit le bord opposé, s’agrippa au rebord et essuya les gouttelettes sur son visage.
— Vous nagez bien…
Un frisson la traversa. Cette voix ne cesserait donc jamais de l’émouvoir ? Serait-elle un jour
capable de trouver la présence de Maximo… ennuyeuse ?
Elle leva la tête sur ses jambes musclées, partiellement révélées par son short de surf.
— Merci, dit-elle en se dirigeant vers l’échelle. J’étais dans l’équipe de natation, au lycée.
Elle sortit et attrapa sa serviette pour recouvrir au plus vite sa peau exposée par ce maillot
ridicule.
Elle se tourna et lui fit face. Dieu qu’il était séduisant ! Tout en muscles, avec quelques poils
sombres sur sa peau dorée. Juste assez pour lui rappeler à quel point il était viril, ce qu’elle avait
précisément besoin d’oublier…
— Vous faisiez donc de la natation ?
Elle hocha la tête et s’assit sur un transat, à l’ombre d’un palmier.
— J’ai fait beaucoup de choses, entre autres participé au ciné-club et écrit pour le journal de
l’école. Tout était bon pour gagner quelques unités d’enseignement.
— Laissez-moi deviner… Vous aviez mention très bien ?
Elle haussa les épaules.
— J’en étais capable, alors une mention inférieure aurait été considérée comme un échec. Je
devais obtenir des bourses pour poursuivre mes études.
— Vos parents ne les payaient pas ?
Il croisa les bras sur sa poitrine, faisant jouer les muscles de ses biceps, dont elle fut incapable
de détourner le regard.
— Ma mère ne pouvait pas payer. Quand mon…
Elle s’éclaircit la gorge pour chasser l’émotion qui l’envahissait, puis reprit :
— Quand mon père est parti, c’est devenu difficile financièrement pour nous. Ma mère n’avait
ni les moyens, ni l’énergie de gagner sa vie.
— Votre père ne payait pas de pension alimentaire ?
— Nous ne savions même pas où il était. Il a passé la porte un matin et n’est jamais revenu. Je
n’ai pas entendu parler de lui depuis quinze ans.
— Ça a dû être difficile.
— Oui, et plus encore pour ma mère qui, elle, n’a pas eu la force de s’en sortir. Elle a sombré et
a failli m’entraîner avec elle.
Il s’assit sur le transat voisin du sien et se pencha vers elle. Elle sentit son odeur musquée lui
titiller les sens.
— C’est cela qui vous a rendue si indépendante ?
— Je n’avais pas le choix. Les gens ne sont pas prêts à vous prendre en charge — ils prennent
soin d’eux-mêmes, rien de plus. J’ai simplement appris cela plus tôt que d’autres. Mais j’ai
survécu, j’ai fait mon chemin et connu quelques succès.
— Il n’y a rien de honteux à accepter l’aide des autres.
— C’est une remarque étrange, venant de vous. Quand avez-vous accepté de l’aide pour la
dernière fois ?
— Je ne m’en souviens pas, dit-il avec un léger sourire.
— C’est bien ce que je pensais…
— Mais certaines personnes ont plus besoin d’aide que d’autres, dit-il, une ombre passant dans
son regard.
— Je n’y crois pas. Certaines personnes s’apitoient sur elles-mêmes au lieu d’avancer.
— Vous pensez que votre mère aurait dû se battre davantage ?
Elle hocha la tête, catégorique.
— Oui, je le pense. On ne peut pas s’autodétruire parce qu’on vous a laissée tomber. A trop
dépendre d’une personne, on devient faible. Et quand cette personne s’en va, on se retrouve
incapable de voler de ses propres ailes…
— Oui, et certains dommages sont irréparables, dit-il d’un air sombre.
Elle songea soudain au vide qu’avait laissé Kimberly et son père, et répondit :
— Oui. C’est pour ça que je n’ai besoin de personne.
— Vraiment ?
— Oui. Je gagne ma vie et j’ai atteint mes buts sans l’aide de quiconque. Je n’ai pas ce besoin.
— Moi non plus, dit-il d’une voix soudain plus profonde. Et pourtant, quelque chose en vous…
Il lui prit la main et la posa sur sa poitrine. Electrisée, Alison sentit le cœur de Max battre à
toute allure sous sa paume.
—… ressemble beaucoup à un besoin.
Elle retint son souffle. Elle ne pouvait pas le nier. Son corps était en feu. Son cœur battait au
même rythme que le sien, ses seins étaient douloureux et elle se sentait fondre.
— Voilà pourquoi nous ne pouvons pas aller plus loin, Maximo.
Elle voulut retirer la main, mais il la tenait fermement.
— Vous croyez que nier ce désir le fera disparaître ? S’est-il estompé pendant ces trois
dernières semaines ? Moi, j’ai passé mes nuits à rêver de vous, de vous faire l’amour, de caresser
votre peau douce et pénétrer votre corps splendide…
Une vague brûlante déferla soudain sur elle, et elle sentit ses joues devenir écarlates. Ce n’était
pas tant dû à l’embarras causé par la description précise de ce qu’il voulait lui faire qu’à la
puissance du désir qui la submergeait. Les battements violents de son cœur avaient affaibli ses
membres. Elle se sentit prête à tout, désormais, et n’avait que faire des conséquences…
Il se pencha, posa la bouche sur la sienne et passa la langue entre ses lèvres. Alors, elle n’hésita
plus. Elle s’ouvrit à lui et enroula les bras autour de son cou.
Doucement, il dénoua le haut de son maillot. Le tissu glissa, dévoilant ses seins, et elle se
cambra. Les poils sur sa poitrine effleuraient le bout de ses seins, déclenchant en elle une multitude
de sensations…
Son corps se tendit dans l’attente de ses caresses et elle sut qu’elle ne serait satisfaite que
lorsque leurs corps s’uniraient, quand il comblerait ce vide.
Il la regarda, envoûté, puis prit le bout si sensible de son sein entre ses lèvres et l’embrassa.
Alors, elle oublia tout ce qui n’était pas lui, ses caresses et sa bouche experte qui lui donnait tant
de plaisir.
— Tu es si belle, dit-il d’une voix rauque avant de poser les lèvres sur son autre sein.
Sa bouche glissa sur sa poitrine et ses épaules, descendit vers son nombril, puis remonta,
embrassant chaque centimètre de peau.
Possédée par le désir, elle ne se contrôlait plus. Elle ne pensait à rien d’autre qu’au plaisir qu’il
lui procurait.
Instinctivement, elle savait qu’aucun autre homme, lui en eût-elle offert la possibilité plus tôt,
n’aurait pu embraser ainsi son corps.
Une telle attirance était exceptionnelle. Elle y cédait de son plein gré, même en sachant que cela
pouvait la perdre…
Elle sentit son sexe durci contre sa cuisse, le saisit entre ses doigts et le serra doucement.
Il laissa échapper un léger râle, pressa les hanches contre sa main et prit de nouveau possession
de sa bouche. Il ne se contrôlait guère plus qu’elle. Elle le serra encore et fut récompensée par un
soupir de plaisir. Avant, elle croyait que le fait de partager l’intimité d’un homme donnait à ce
dernier du pouvoir sur elle. Mais elle ne s’était jamais rendu compte du pouvoir qu’elle pouvait
avoir sur lui…
Elle caressa doucement son sexe, étonnée de le découvrir si épais et si ferme. Elle perçut
vaguement la sonnerie d’un téléphone mobile, mais continua son lent va-et-vient.
— Che cavalo ! jura Max.
Et il s’écarta vivement d’elle.
Il récupéra son mobile sur la table et répondit en italien d’une voix rude. Sa respiration était
rapide et son excitation visible sous le tissu fin de son short.
Alison sentait son cœur battre à tout rompre, mais elle revint peu à peu à la réalité. La chaleur
du soleil, la brise salée… les mouettes qui criaient sur la plage. Elle avait failli faire l’amour avec
Maximo, là, près de la piscine. N’importe qui aurait pu sortir et les prendre sur le fait.
Elle croisa les bras sur sa poitrine, intensément consciente de sa nudité. Elle avait trouvé
merveilleux le contact de la peau nue de Maximo contre la sienne, mais maintenant elle se sentait
dangereusement exposée…
Elle attrapa son haut de maillot, tourna le dos à Maximo toujours en pleine conversation, et le
rattacha de ses mains tremblantes. Puis elle noua la serviette autour d’elle et, profitant de la
distraction de Maximo, s’éclipsa vers la villa.
Mieux valait filer avant qu’il ne veuille reprendre les choses là où ils les avaient laissées, car
en dépit de son humiliation, elle n’était pas certaine de pouvoir lui résister.
9.
Maximo raccrocha et jura. Le problème avait été résolu en quelques minutes, mais Alison en
avait profité pour filer !
Il avait peine à croire qu’il avait faillit faire l’amour avec elle en plein jour, au bord de la
piscine, tel un collégien excité, lui qui avait toujours su se maîtriser et prendre le temps de
courtiser les femmes. Selena le voulait ainsi, elle avait besoin de bougies et d’une chambre aux
lumières tamisées. Il s’était appliqué à soigner les préliminaires avant de mener les choses à
terme…
Avec Alison, ni bougies ni mots doux ! Il avait été prêt à la prendre sans préambule, tant son
désir était urgent. Elle lui avait révélé un côté inconnu de lui-même. Sa belle et séduisante fiancée,
la femme qui portait son enfant, le dépouillait de sa réserve et de son self-control.
Ce devait être la réaction de son corps. Il la désirait depuis leur première rencontre et rêvait
d’elle chaque nuit. De son odeur, de la douceur de ses mains, de ses lèvres…
Il avait besoin de la prendre, de connaître le goût de sa peau, de l’entendre crier de plaisir…
Ces mystères résolus, le charme s’atténuerait. Il devait en être ainsi.
Il ne pouvait plus attendre. Il la voulait et savait qu’elle était aussi affamée de lui qu’il l’était
d’elle. Il ne la laisserait pas le nier plus longtemps.
***
Sous la douche, Alison se frotta la peau, comme pour en chasser plus vite la trace des caresses
de Maximo. Mais la sensation de ses mains persistait là où il l’avait touchée et où sa bouche avait
mis son désir à vif. Elle frissonna et arrêta l’eau.
Elle décida qu’elle n’avait pas honte de ce qu’ils venaient de faire. Elle avait droit au plaisir,
elle aussi, même si elle était gênée d’avoir perdu toute notion de temps et de lieu entre ses bras. Ils
auraient pu être découverts. Maximo aurait sûrement su faire face à la situation et en rire ensuite.
Pas elle.
Elle avait honte de reconnaître qu’elle avait cherché à savoir qui étaient les femmes qui avaient
partagé sa vie par le passé. Même avant Selena et sa beauté parfaite, il était très sélect en matière
de petites amies : mannequins, actrices ou membres du gotha mondain, toutes étaient superbes,
sexy, épanouies…
Soudain, elle s’aperçut qu’elle avait serré si fort les poings que ses jointures avaient blanchi.
Elle les desserra lentement.
Elle n’était pas lâche. Au contraire, elle était fière de se considérer comme courageuse et
censée. Assez censée pour se protéger et éviter de devenir totalement dépendante de quelqu’un. Et
courageuse, aussi, car elle avait appris seule à voler de ses propres ailes et avait construit sa vie
sans l’aide de personne.
Mais elle n’était qu’une idiote, pleine d’illusions.
En vérité, elle avait toujours fui, reniant une partie d’elle-même afin de ne pas avoir à faire face
aux problèmes qu’aurait pu poser une relation amoureuse.
Elle avait renié tout désir de compagnie et étouffé sa sensualité tout en se félicitant de se
montrer si forte. Ce n’était pas la force, mais la peur qui l’avait poussée à faire cela. Et la pilule
était amère à avaler. Elle ne valait pas mieux que sa mère, en fin de compte. Elle n’assenait certes
pas de discours au vitriol sur les hommes et leur faillibilité, mais cette croyance ancrée en elle
finirait par la tuer si elle n’y prenait garde. Quelle ironie ! Alors qu’elle redoutait plus que tout
qu’un homme lui coupe les ailes, elle s’était infligée cette punition à elle-même…
Il fallait que ça change, songea-t-elle. Même sans être prête à tomber amoureuse, elle pourrait
combler son désir pour Max. Ces filles avec qui Max sortait avant son mariage savaient dissocier
le sexe de l’amour et en profitaient. Elles acceptaient cette part d’elles-mêmes, contrairement à ce
qu’elle faisait depuis si longtemps.
Elle sortit de la salle de bains, passa dans sa chambre et s’effondra sur le lit, la serviette
étroitement nouée autour de son corps nu…
Elle avait toujours été distante avec les hommes. Aucun ne l’avait vraiment attirée, alors qu’une
faim dévorante l’habitait depuis qu’elle avait rencontré Max. Un feu couvait dans son ventre, prêt à
jaillir au moindre regard qu’il posait sur elle.
Seul le fait qu’ils soient fiancés et sur le point d’avoir un enfant ensemble la retenait. Pourtant,
elle était convaincue qu’en cédant à la passion qui la consumait, elle parviendrait à exorciser cette
diabolique attirance…
Son corps appelait Max, toujours plus fort. Elle ignorait combien de temps elle pourrait
combattre ce désir, ou même si elle en avait envie…
Elle se leva et se dirigea vers le dressing plein de vêtements de couturiers qu’un acheteur avait
sélectionnés pour elle — puisque les paparazzi l’avaient privée de faire les boutiques. Tous
étaient magnifiques et beaucoup plus seyants que ce qu’elle aurait choisi elle-même.
Faisant glisser la main sur les tissus, elle s’arrêta sur une robe dos-nu de soie bleu nuit au
décolleté profond. La robe était extrêmement sexy. Trop, même. En temps normal, elle n’aurait
jamais osé la porter. Mais aujourd’hui, elle lui parut parfaitement convenable…
Elle la décrocha avant que doutes et peurs ne l’en empêchent. Elle venait de décider de séduire
le prince Maximo Rossi…
***
La lumière des chandeliers se reflétait sur la peau d’Alison. Sa robe légère épousait ses formes
et dévoilait le renflement de ses seins, ses ravissantes épaules et ses jambes parfaites. En reculant
sa chaise, Maximo avait été incapable d’arracher son regard de ses courbes tentatrices.
Le dîner avait été une torture. Il l’avait regardée déguster chaque bouchée et du bout de la langue
attraper les miettes restées sur ses lèvres. Il la désirait comme un fou.
Elle n’embrassait pas comme une femme expérimentée, mais comme une femme passionnée qui
savait ce qu’elle voulait et ce que voulait son amant. Elle semblait prendre le sexe très au sérieux,
tout comme la perspective d’un chagrin d’amour. Peut-être qu’elle ne pouvait dissocier le sexe de
l’amour, et que coucher avec un homme simplement parce qu’elle le désirait lui semblait
insurmontable. Elle avait beau clamer que les relations amoureuses ne l’intéressaient pas, il ne
pouvait croire qu’elle avait décidé de mener une vie de célibat. Elle était trop sensuelle et trop
séduisante pour cela.
Il fut au supplice quand elle porta à ses lèvres sa cuillère à dessert et attrapa les dernières traces
de chocolat de sa langue si provocante qu’il l’imagina aussitôt glissant sur sa peau nue.
— Quel est votre point de vue sur l’amour ? demanda-t-elle soudain en posant la cuillère sur la
table.
— J’ai déjà été amoureux. Je ne pense pas aimer un jour quelqu’un d’autre autant que Selena. Je
ne veux plus aimer personne.
Il n’était pas attaché à la mémoire de sa femme, mais avait enduré en vain trop de douleur. A
aucun prix il ne voulait revivre un tel enfer.
— Vous ne pensez pas rencontrer quelqu’un d’autre ?
— Je vais vous épouser. Vous êtes la femme qui partagera à jamais ma vie.
— Si vous désiriez quelqu’un d’autre, me le diriez-vous ?
— Ce ne sera pas le cas.
— Mais si ça l’était, insista-t-elle. Me le diriez-vous ? Je ne veux ni être prise pour une idiote
ni être trompée, Max.
— Je vous le dirais. Je vous en donne ma parole. Mais si nous entamions une relation physique,
je n’envisagerais jamais de vous être infidèle.
— J’ai beaucoup pensé à ce qui s’est passé au bord de la piscine, dit-elle lentement.
Les muscles de Max se tendirent et son ventre s’embrasa.
Elle croisa son regard. Il y lut l’excitation et son corps s’apprêta à relever le défi flagrant
qu’elle lui lançait.
— J’ai envie de faire l’amour, dit-elle d’une voix calme.
S’il n’avait pas remarqué le léger tremblement de ses mains délicates, il n’aurait pas deviné
qu’elle était nerveuse.
— Vous vouliez faire l’amour près de la piscine et l’autre jour aussi, dans votre chambre. En
fait vous en avez eu envie dès le premier jour, à Turan, mais vous avez reculé chaque fois.
— Je sais, mais j’ai eu beaucoup de temps pour y penser.
Quand il la vit se lever, venir se placer devant lui et se pencher, il se figea. Plaquant les mains
sur sa poitrine, elle promena lentement les doigts sur sa peau. Il inspira profondément, le corps si
vibrant qu’il se sentit près de capituler.
— Je vous veux, murmura-t-elle en pressant ses lèvres sur les siennes.
Il la laissa l’embrasser, explorer lentement sa bouche, passer une langue hésitante sur ses lèvres.
Quand ils se séparèrent, ils étaient haletants.
— J’ai confiance en vous. J’en suis certaine, maintenant.
— Et vous avez vraiment besoin d’avoir confiance en moi ? demanda-t-il en passant les doigts
dans ses cheveux soyeux.
— Oui. L’attirance entre nous est trop forte… Je n’ai jamais ressenti cela, et cela me fait peur,
mais je sais désormais que vous n’allez pas profiter de moi.
— Je ne tomberai pas amoureux de vous non plus, dit-il sans préambule, se haïssant d’avoir
besoin d’être aussi dur et redoutant qu’elle change d’avis.
— Je sais. Je ne veux pas tomber amoureuse de vous non plus. Mais je veux votre respect. Je
voulais être certaine que vous n’alliez pas simplement vous amuser avec moi. Personne n’a envie
d’être trompé ou abandonné.
Il lui attrapa le menton.
— Je vous jure de ne jamais vous quitter, vous humilier ou vous manquer de respect en mettant
une autre femme dans notre lit.
— Je vous crois.
Elle enroula les bras autour de son cou et lui caressa les cheveux.
— Tout mon corps vous désire, dit-elle en le regardant droit dans les yeux.
— Le mien aussi, répondit-il en prenant sa main et en la posant sur son sexe pour lui montrer la
force de son désir.
Elle le regarda avec une expression si émerveillée qu’il en éprouva un orgueil stupide, et
sussura :
— Je crois que nous devrions poursuivre cette conversation… à l’étage.
— Cette table me paraît parfaite, répondit-il d’une voix rauque sans comprendre d’où lui venait
ce désir sauvage. Elle lui révélait un aspect de sa personnalité qu’il n’avait nulle envie de gommer
et à qui il préférait donner libre cours.
— Quelqu’un pourrait entrer, lâcha-t-elle dans un souffle.
Il embrassa la ligne élégante de son cou.
— Voilà quelque chose dont nous ne voulons pas, n’est-ce pas ?
Il insista sur le point sensible en dessous de son oreille et apprécia le soupir de plaisir avec
lequel elle le récompensa. Elle était si passionnée, si réceptive… Il aimait cela.
Le regard brûlant, il se leva et lui prit la main pour la conduire dans sa chambre, balayant ses
craintes. Désormais, elle ne pouvait plus faire demi-tour et n’en n’avait nulle envie.
— Alison…
Il ferma la porte et l’attira à lui. Sa bouche était insistante sur la sienne. Elle écarta les lèvres,
cherchant sa langue. Il remonta sa robe, posa les mains sur ses fesses et gémit au contact de sa peau
nue.
Sans un mot, il s’agenouilla devant elle pour lui enlever son string, puis fit glisser ses lèvres sur
son ventre legèrement arrondi.
— C’est si beau…, murmura-t-il avec respect et admiration.
Alison sentit sa gorge se serrer. Et quand il se pencha pour l’embrasser plus bas, elle crut que
ses jambes allaient se dérober sous elle.
Il l’allongea doucement sur le lit.
— Tu es si belle, dit-il en défaisant d’une main leste le clip qui retenait le haut de sa robe,
exposant ses seins.
Il l’avait déjà vue presque nue au bord de la piscine, et savoir qu’il aimait son corps la rassura.
Abandonnée contre l’oreiller elle goûtait simplement au plaisir qu’il lui procurait en taquinant du
pouce les pointes dressées de ses seins, et savourait l’excitation qui avait envahi son bas-ventre.
Elle aurait pu rester ainsi éternellement…
Un soupir lui échappa quand il abandonna ses seins pour lui enlever sa robe.
— Max…
Elle fut sur le point de lui demander d’éteindre la lumière mais il posa les lèvres sur sa cuisse,
qu’il écarta doucement.
Les sensations les plus délicieuses déferlaient en elle, et elle frissonna lorsqu’il effleura le cœur
humide de sa féminité.
Elle agrippa les draps et se sentit lâcher prise.
— Laisse-toi aller, Alison, dit-il la voix rauque en taquinant de la langue son bourgeon sensible.
Elle secoua la tête.
— Non…
— Si. Arrête de penser… Je veux te donner du plaisir…
Il continua son assaut intime, lui prodiguant avec sa langue la caresse la plus intime qui soit,
puis glissant doucement son doigt dans l’étroit fourreau…
Elle gémit.
— Oui, Alison, murmura-t-il, viens…
Elle perdit soudain tout contrôle, oubliant ses peurs, toute aux sensations nouvelles, délicieuses,
qu’il faisait naître en elle. Puis, soudain, elle s’abandonna au plaisir sans nom qui déferlait par
vagues successives dans tout son corps. Sa bouche s’ouvrit sur un cri et elle se cambra une
dernière fois, au comble de l’extase.
Quand elle revint à la réalité, elle eut honte d’avoir laissé Maximo faire cela.
— Ne sois pas gênée, dit celui-ci en défaisant les boutons de sa chemise, comme s’il avait lu
dans ses pensées.
Il se déshabilla très vite, et elle admira la perfection de son corps, brûlant d’envie de le toucher
et le goûter. Puis elle posa les yeux sur son sexe durci, et toute gêne disparut. Il avait aimé
l’embrasser et la désirait encore. Elle en ressentit un incroyable orgueil.
Il se dirigea alors vers la commode où étaient disposées des bougies. La vue de ses fesses
musclées et hâlées réveilla son désir, malgré l’orgasme qu’elle venait d’avoir. Il attrapa un briquet
dans le tiroir et prit une bougie.
— Que fais-tu ?
— Je crée l’ambiance, dit-il, un léger sourire aux lèvres.
— Nous n’en avons pas besoin. Je te veux, maintenant.
Il rejoignit le lit en trois enjambées. L’instant suivant, il couvrait son corps du sien. Elle
l’embrassa, les seins pressés contre sa poitrine. Etre nue contre lui était une sensation
merveilleuse. Elle ne contrôlait rien et, pourtant, elle se sentait parfaitement en sécurité.
Il appuya son membre dressé contre son mont de Vénus. Elle était tellement humide, tellement
prête pour lui après ce premier orgasme éblouissant qu’elle ne ressentit aucune douleur quand il
entra en elle. Elle le regarda. Il avait le visage tendu, les muscles contractés par l’effort qu’il
faisait pour se retenir.
Elle replia les jambes autour de sa taille, et il la pénétra d’une brusque poussée, avant de se
retirer et de la pénétrer de nouveau. Elle sentit son corps s’ouvrir pour le recevoir. Quand il
s’enfonça en elle pour la troisième fois, toute trace d’inconfort avait disparu. Elle gémit de plaisir.
— Oh, Max, souffla-t-elle en se cambrant pour venir à sa rencontre.
Il enfouit la tête dans son cou, et ses mouvements se firent rapides, brutaux. Merveilleux. Ils se
murmuraient leur plaisir à l’oreille. Quand elle se sentit au bord de l’orgasme, elle se laissa aller.
Ce fut une explosion de sensations. Un cri rauque lui échappa tandis qu’elle se noyait dans son
propre plaisir. S’enfonçant en elle une dernière fois, il jouit à son tour, criant son nom.
Ils restèrent longtemps enlacés, à écouter leurs cœurs emballés se calmer.
— Je ne savais pas que ça pouvait être si bon…, dit Alison.
— Vraiment ? C’est… ton premier orgasme ?
Il parut surpris.
Elle n’avait pas prévu de le lui avouer, mais maintenant il n’y avait plus de place pour les
mensonges.
— Oui. Ma toute première fois, aussi.
Max fut stupéfait. Il avait été trop pris par son propre plaisir pour se poser de questions.
— Comment est-ce possible, Alison ? Tu es magnifique et tellement sensuelle.
— Le désir de contrôle, dit-elle doucement. Pour éviter d’être blessée, j’ai évité les relations et
le sexe.
— Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ?
Elle tourna le visage vers lui, le regard encore troublé par le plaisir. Il se sentit gonflé
d’orgueil.
— Tu es le seul homme dont j’ai eu envie. Avant, j’avais peur de me mettre à nu, au propre
comme au figuré. J’ai confiance en toi. Je sais que tu ne me blesseras pas, dit-elle simplement.
Il eut l’impression d’avoir le cœur pris dans un étau. Elle était vierge et lui offrait sa confiance,
qu’elle n’avait encore jamais accordée à un homme. Et il ne pouvait rien lui offrir d’autre qu’une
relation dépourvue d’émotion, de sentiments. Elle méritait mieux que cela !
— Je ne peux pas t’offrir d’amour. Je ne peux pas te faire les promesses qu’une femme est en
droit d’espérer après avoir offert sa virginité.
— Je n’ai pas besoin de promesses, Max. Nous sommes fiancés et, mieux que l’amour, nous
sommes liés par le sens du devoir et par un respect mutuel.
Elle avait raison. L’amour ne présentait aucune garantie. Ils en avaient tous deux fait
l’expérience. Il espérait seulement qu’elle ne changerait pas d’avis.
Elle se lova contre lui, un sourire mutin aux lèvres.
— Alison… Fais attention.
— Pourquoi ?
Et il se surprit à sourire aussi.
— Parce que tout cela est nouveau pour toi. Je crains de te blesser.
— Tu ne m’as pas blessée, la première fois.
— Mais je ne peux pas promettre de pouvoir me retenir. Cela fait si longtemps que je n’ai pas
fait l’amour…
Elle écarquilla les yeux.
— Vraiment ?
— Je n’ai pas touché une femme depuis bien avant la mort de Selena.
Il lut la stupéfaction sur son visage.
— Tu te sens coupable, demanda-t-elle, tu as l’impression de… ?
— D’avoir trahi ma femme ? Non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Aucune femme ne
m’attirait. Je suis sorti avec quelques-unes, sans aller plus loin. Je recherchais la stabilité du
mariage sans vouloir me remarier. Cela ne me laissait pas vraiment de choix.
Il se redressa et s’appuya sur un coude.
— Je ne voulais pas me remarier parce que mon mariage a été un vrai désastre, avoua-t-il
finalement, ce qu’il n’avait jamais fait. Depuis longtemps, Selena et moi ne partagions plus le
même lit, ni grand-chose d’autre d’ailleurs. Je ne savais plus comment l’atteindre et j’ai cessé
d’essayer. Puis elle a été tuée dans cet accident de voiture pendant que j’étais en voyage
d’affaires. Je n’étais même pas là pour lui tenir la main quand elle est morte. J’ai failli à mon
devoir de la protéger.
— Oh, Max !
Elle enfouit le visage contre sa poitrine.
— Tu n’aurais pas pu la protéger contre un tel accident.
— J’aurais dû être là pour elle, essayer plus fort de la rendre heureuse.
— Si elle ne voulait pas parler, tu ne pouvais rien faire. Elle a choisi de ne pas partager sa
détresse avec toi.
— Une seule personne n’est jamais responsable de l’échec d’un mariage. Elle était fragile. La
vie l’a contrainte à endurer des choses très douloureuses. J’avais un devoir envers elle et j’ai
failli.
Un éclair enflamma les yeux d’Alison. Elle posa la main sur la joue.
— Nous avons un devoir l’un envers l’autre, Max. Celui de réussir notre relation. Je te promets
que je ne me fermerai pas de la sorte. Je rechercherai toujours le dialogue et ne te rejetterai
jamais.
Il l’embrassa doucement, puis avec plus d’ardeur. Une sensation intense s’était emparée de lui
quand elle lui avait fait cette promesse. Cela n’aurait pas dû arriver. Sa relation avec Alison
devait se limiter à quelques rapports physiques, et à l’éducation de leur bébé. Les émotions n’en
faisaient pas partie, et il serait bien avisé de ne pas l’oublier.
Mais cette promesse résonna en lui tandis qu’il lui faisait l’amour, décuplant son désir. Quand
elle cria son nom, il sentit son cœur sec s’ouvrir soudain à des sentiments qu’il n’avait plus
éprouvés depuis longtemps.
10.
— Ton ventre commence à pointer…
Maximo s’approcha d’Alison par-derrière, l’enlaça et posa les mains sur son ventre. Il l’avait
surprise en train de s’examiner dans le miroir.
Elle lui donna une tape sur les doigts.
— Exactement ce qu’une femme rêve d’entendre !
— C’est sexy, dit-il en lui mettant le nez dans le cou et en l’embrassant derrière l’oreille. Si tu
savais combien je te trouve désirable…
Elle savait. Il avait passé la nuit entière à le lui prouver. Cela avait été une révélation. Elle avait
découvert une partie d’elle-même dont elle ignorait l’existence pour avoir passé bien trop de
temps à la réprimer. S’abandonner à Maximo avait été terriblement libérateur. Maintenant qu’ils
étaient sortis du lit, elle avait retrouvé le contrôle d’elle-même et son cœur était toujours intact.
Avoir une relation avec lui ne l’empêcherait pas de conserver son indépendance, puisqu’aucun
sentiment amoureux ne la liait à lui.
— La réciproque est vraie, tu sais…
Elle se tourna et lui enroula les bras autour du cou en un geste possessif. Il était si séduisant. Et
il était à elle…
— C’est déjà beaucoup, souffla-t-elle en lui tendant ses lèvres.
— Tu as raison, mais je respecterai tous mes engagements, Alison. Sinon, à quoi servirait-il de
les prendre ?
— Des millions de personnes prennent les mêmes en se mariant et ce n’est pas pour autant
qu’elles les tiennent.
— J’ai une certaine expérience des problèmes qu’un couple peut rencontrer…
Elle tressaillit.
— Je sais combien tu as souffert, et j’ai promis de ne jamais rompre le dialogue avec toi. Mais
je veux que tu saches que je suis assez possessive.
Il lui offrit un sourire crispé.
— J’apprécie cet aveu. Si Selena m’avait parlé ainsi, nous ne nous serions peut-être pas
éloignés l’un de l’autre.
Il se tourna et enfila un T-shirt.
— Quand bien même nous aurions réussi à sauver notre mariage que cela n’aurait rien changé.
— Tu n’aurais pas pu la sauver de toute façon, Max. C’était un accident. Tu as fait ton possible.
Ce n’est pas ta faute si elle ne voulait pas parler.
Il secoua la tête.
— Elle dépendait de moi. J’aurais dû essayer plus encore, au lieu de me réfugier dans le travail.
Je te préviens que je ne suis pas un très bon mari. Je voyage beaucoup et mon travail me prend tout
mon temps.
Elle posa la main sur son bras.
— Tu es quelqu’un de bien, Maximo. Tu feras un excellent mari et un père merveilleux. Dans
mon travail et au centre d’avocats pour enfants, j’ai vu beaucoup de mauvais maris et de pères
épouvantables. Tu n’es pas comme eux.
— Tu dis cela, Alison, et je suis sûr que tu le penses mais tu ne me connais que depuis quelques
semaines. Selena a eu sept ans pour perdre ses illusions.
— Je pense que tous les mariages finissent par battre de l’aile si on n’y fait pas attention, ditelle fermement. Mais nous nous marions pour une raison précise.
— Le bébé…
Il posa les mains sur son ventre arrondi.
— Oui, nous aurons toujours cet enfant en commun.
— Et c’est suffisant pour toi ? demanda-t-il.
Elle soutint son regard sans ciller.
— Ça doit l’être, n’est-ce pas ?
Il hocha la tête fermement.
— Oui.
— Soit. Nous ferons en sorte que ça marche pour notre bébé. Nous formerons une famille. C’est
tout ce qui compte. Quand je prends un engagement, je m’y tiens.
Maximo ignora la petite voix qui lui soufflait d’insister, de pousser la jeune femme dans ses
retranchements.
— Alors tu fais partie d’une minorité.
Elle haussa ses épaules délicates.
— J’y suis habituée. J’étais vierge jusqu’à la nuit dernière, t’en souviens-tu ? demanda-t-elle
avec un petit sourire.
— Comment pourrais-je l’oublier ?
— Je ne sais pas. Tu as peut-être besoin que l’on te rafraîchisse la mémoire.
L’instant suivant, elle était dans ses bras, lui caressant le dos, câline à souhait. Oui, ils se
mariaient pour donner un foyer à leur enfant et cette raison devrait leur suffire. Il le fallait…
— Alison ?
Il posa une main sur sa hanche et son doigt suivit délicatement la ligne menant à sa féminité.
— Humm…, gémit-elle.
— Je veux te montrer quelque chose.
— Tu as déjà fait cela deux fois, murmura-t-elle, espiègle, en se lovant contre lui.
— Non, il ne s’agit pas de ça, je veux te montrer quelque chose, mais pas ici. C’est dehors que
ça se passe.
— Je suppose qu’il faudra bien se lever à un moment donné, soupira-t-elle.
— Exactement !
Ils avaient passé la plus grande partie de la matinée au lit. Alison était alanguie, satisfaite mais
pas rassasiée. Elle ne se lasserait jamais des sensations que lui procurait Max. Quand il
l’embrassait, la caressait, la pénétrait, elle se sentait comblée.
— D’accord, mais avant tu dois nous nourrir, le bébé et moi.
— Vos désirs sont des ordres, madame !
Il leur fit servir un déjeuner aussi simple que délicieux. Ils dégustèrent ensemble antipasti et
pâtes. Les nausées d’Alison n’étaient plus qu’un mauvais souvenir. Elle avait reprit goût à la
nourriture et l’appréciait plus encore en compagnie de Max. Le déjeuner terminé, il lui prit la main
et l’entraîna à l’extérieur.
— Suis-moi, j’ai une surprise pour toi, annonça-t-il, l’air mystérieux.
— Pourquoi donc ai-je le sentiment d’être détournée du droit chemin ? demanda-t-elle en
regardant le sourire malicieux qui flottait sur les lèvres de Max.
— Je n’en ai aucune idée. Je te promets que mes intentions sont totalement pures.
— Purement coquines, tu veux dire !
Le rire de Max lui fit bondir le cœur.
— Non, tu vas voir…
Au détour d’un muret apparut une maisonnette peinte en blanc. Adossée à un rocher, elle
surplombait la plage et paraissait sculptée dans la pierre. Elle avait visiblement été bâtie bien
avant la villa, comme en témoignait la vigne ancienne qui recouvrait la tonnelle protégeant
l’entrée.
— C’est ravissant ! s’extasia Alison.
— Voilà pourquoi j’ai choisi d’en faire mon studio. En plus, tu vas voir, cette maison bénéficie
d’une lumière et d’une vue exceptionnelles.
Il introduisit une clé dans l’antique serrure.
La porte s’ouvrit sur une grande pièce meublée en tout et pour tout d’un canapé et d’un chevalet.
— Il y a là une chambre et une salle de bains, indiqua Max en montrant une porte fermée à côté
d’un coin cuisine.
Alison regarda autour d’elle. Les murs étaient recouverts de tableaux figuratifs, tous
magnifiques.
— Max… c’est toi qui les as peints, n’est-ce pas ?
Maximo avait capturé l’essence des paysages. Ses tableaux étaient merveilleusement vivants.
— Oui.
— Quelqu’un les a vus ?
Il secoua la tête et passa derrière elle.
— C’est une chose à laquelle je m’essaye depuis des années, mais je n’y ai jamais consacré
beaucoup de temps.
— C’est un crime ! Ces tableaux sont splendides !
Elle s’approcha de l’un d’eux. Il représentait la vue de la fenêtre à côté de laquelle il était placé
et était d’un réalisme saisissant.
Ce style n’est pas en vogue. J’investis dans l’art et c’est le genre d’œuvres que je n’achèterais
pas.
— Ne dis pas ça. Tu ne peins que des paysages ?
— Jusqu’à présent, oui.
— Selena les as vus ? demanda-t-elle gentiment.
Elle vit ses yeux sombres s’emplir d’émotion.
— Non.
Elle n’eut pas besoin de plus d’explications. Selena, elle en était certaine maintenant, n’avait
pas aimé cet homme. Elle avait peut-être aimé sa richesse, sa puissance et ses talents d’amant,
mais elle ne l’avait pas aimé, lui. Il était tellement plus humain, tellement plus accessible,
tellement plus sensible que ce qu’il choisissait de montrer ! Et elle venait d’avoir la chance qu’il
lui ouvre son cœur.
— Je suis très honorée que tu me les montres.
Il se tourna vers elle.
— Je veux te peindre.
— Moi ?
Il rit.
— Oui. Je n’ai jamais été suffisamment inspiré pour faire un portrait, mais j’aimerais essayer.
C’était là un geste plus intime pour lui que de faire l’amour. Il partageait avec elle ce qu’il
n’avait partagé avec personne. Elle en fut touchée.
— Vraiment ? J’aimerais beaucoup cela, moi aussi.
Il passa un bras autour d’elle et posa un doigt sous son menton pour lui faire lever les yeux.
— Je veux te peindre tout entière.
Une fraction de seconde plus tard, elle comprit ce qu’il sous-entendait.
— Je ne peux pas faire cela ! protesta-t-elle.
Ses joues s’étaient empourprées à l’idée de se déshabiller en pleine lumière et de rester ainsi
exposée des heures durant. Mais, au même moment, elle sentit le désir monter au creux de ses
reins.
— Je sais que tu peux faire tout ce que tu décides de faire. Mais je ne voudrais pas te mettre mal
à l’aise.
Elle se mordit la lèvre, encore indécise.
— T’ai-je déjà blessée ou manqué de respect ? continua-t-il avec douceur.
Elle secoua la tête.
— Et je ne le ferai jamais.
Elle hocha la tête lentement. Elle comprit que, à ce moment-là, il serait aussi nu qu’elle car il lui
offrirait cette part de lui encore jamais partagée, la lui exposerait, se révélerait. Alors elle voulut
faire la même chose.
— Je te fais confiance.
Elle ouvrit le premier bouton de son chemisier, puis le second, et le suivant… Elle ôta ses
vêtements un à un jusqu’à ce qu’elle soit nue devant lui, luttant contre l’envie de se recouvrir.
Quand ils faisaient l’amour, il l’embrassait, la caressait, la regardait, et elle s’oubliait dans la
passion de l’instant. Mais à présent, elle avait cruellement conscience de son ventre arrondi, de
ses seins et de ses hanches épanouis. Et il voulait capturer cela sur la toile.
Elle sentit son corps entier s’embraser.
— Je ne suis pas belle comme…
— Chut… Ne te compare jamais à une autre femme. Tu es ma femme et je te trouve exquise.
Son ton calmement impératif la fit frissonner. Maximo luttait pour contenir son désir. Elle était
si ravissante, pâle et vulnérable dans la douce lumière filtrant par la fenêtre. L’artiste en lui
mourait d’envie de la peindre, mais l’homme souhaitait seulement lui faire l’amour indéfiniment.
Il attrapa un carnet de croquis et un crayon.
— Allonge-toi sur le canapé.
Elle obéit, posa la tête sur l’accoudoir et passa un bras au-dessus de sa tête. Sa poitrine
voluptueuse se souleva.
Il voulait tout capturer d’elle. Le sourire énigmatique sur ses lèvres, les bouts de ses seins, le V
parfait à la jonction de ses cuisses. Il voulait surtout fixer sur la toile le feu de ses yeux dorés.
Sa main courait, fluide, accentuant une courbe, ombrant un creux. Il dessina l’arrondi de ses
seins, brûlant d’envie de les prendre en coupe. Elle cambra le dos comme si elle savait sur quelle
région de son corps le crayon s’attardait. Elle semblait réclamer le contact de ses mains avec tant
d’ardeur que la réaction immédiate de son corps vint troubler sa concentration.
Il croqua sa taille fille, son doux ventre et le petit renflement abritant leur bébé. Il descendit plus
bas, et elle se troubla. Son pouls battait à la naissance de sa gorge. Elle gémit doucement quand il
traça le contour de son sexe sur le papier. Elle croisa les jambes et fit remonter son pied le long de
sa cuisse tandis qu’il continuait son étude, cherchant à immortaliser cet instant.
Un son rauque s’échappa des lèvres d’Alison.
— Max…
C’était une supplication.
Il posa son carnet et la rejoignit. Elle tendit les mains vers lui, arracha sa chemise puis se battit
avec les boutons de son pantalon.
— Mais que me fais-tu donc ? demanda-t-il sourdement, parcourant son corps de la main comme
il venait de le faire sur le papier avec son crayon.
Il lui embrassa le cou, mordilla la tendre chair de sa gorge.
— J’espère te faire dans la réalité ce que tu viens de faire sur la toile…
Il se débarrassa de son pantalon et de son caleçon et goûta la sensation de la peau d’Alison
contre la sienne.
— Je crains que ce ne soit un peu… rapide.
Elle lui agrippa les fesses à deux mains et le regarda droit dans les yeux.
— Parfait, je ne pense pas être capable d’attendre.
Il se plaça au-dessus d’elle, s’enfonça dans sa douce et humide chaleur et dut se retenir de jouir
sur-le-champ. Elle n’était pas prête…
Il n’avait jamais ressenti ce besoin désespéré de prendre une femme, de la faire sienne, de se
perdre en elle. Il n’avait pas touché une femme depuis des années avant Alison, mais l’urgence
était plus que le résultat d’une abstinence voulue et prolongée. Un sentiment nouveau semblait
avoir pris vie en lui.
Incapable de se maîtriser davantage, il se mit à aller et venir en elle. Elle plia les genoux pour
lui permettre de la pénétrer plus profondément. Bientôt, on n’entendit plus que le bruit de leur
respiration et leurs soupirs de plaisir. Ils jouirent ensemble dans un même cri avant de se blottir
dans les bras l’un de l’autre, épuisés mais comblés.
Elle lui embrassa le cou, un sourire aux lèvres.
— Tu es sensationnel, le sais-tu ?
Il ignorait ce qu’il avait fait pour mériter la confiance qu’il percevait dans sa voix. Il n’était pas
certain de la désirer, pas sûr de pouvoir combler les espoirs qui brillaient dans la profondeur de
ses yeux magnifiques.
Ils restèrent un long moment silencieux. Il était heureux de simplement la caresser. Elle laissa
échapper un léger soupir. Soudain, il voulut comprendre, tout savoir d’elle… Il ne se souvenait
pas avoir ressenti un tel désir pour quiconque auparavant.
— Parle-moi de ta sœur, demanda-t-il sans savoir pourquoi cela devenait soudain si important.
— Elle était ma meilleure amie, dit Alison en se nichant contre lui. Elle n’a jamais laissé la
mucoviscidose atteindre la personne qu’elle était. Elle souriait toujours, même malade. Kimberly
était celle qui cimentait la famille. Quand elle est partie, tout s’est écroulé. Le couple de mes
parents s’est brisé.
— Quel âge avais-tu ?
— J’avais douze ans à sa mort.
— Tes parents n’avaient pas le droit de s’effondrer. Tu avais besoin d’eux.
— Mon père ne pouvait plus rester. Je crois qu’il ne pouvait ni entrer dans la maison ni nous
regarder sans se souvenir. Cela n’a plus laissé que Maman et moi.
— Et elle ne s’occupait pas de toi ?
— Elle avait assez de mal à faire face à ses propres problèmes. Elle dépendait complètement de
mon père, sur tous les plans. Sans lui, elle n’avait aucune sécurité… Ça n’est jamais bon de tant
s’appuyer sur quelqu’un, parce qu’un jour cette personne peut partir. Mais tu sais cela.
— Oui, dit-il doucement. Cependant, je ne dépendais pas de Selena. Elle dépendait de moi. Je
n’étais pas là pour elle et à cause de cela elle a été extrêmement malheureuse les derniers mois de
sa vie.
— Ce n’est pas juste, Max. Si tu avais pu faire quelque chose pour l’aider, alors j’aurais dû
pouvoir aider mes parents.
Il laissa le silence s’installer entre eux. Il ne pouvait pas évoquer ce sujet avec elle. Elle n’était
qu’une enfant quand sa sœur était morte, alors que lui était un homme adulte, qui n’avait pas pu
aider sa propre femme.
Alison lui passa la main sur le ventre et son corps réagit à cette caresse. Tout comme son cœur,
qui se mit à battre furieusement dans sa poitrine…
Etrangement, il pensa à la réflexion de son père. Alison elle-même avait fait remarquer que le
laboratoire avait commis une erreur et aurait pu en commettre une seconde ; dans ce cas il n’était
pas le père de l’enfant d’Alison.
Si c’était vrai, alors elle serait libre de partir. Ils n’auraient pas à se marier.
Il avait cru que la perspective d’échapper au mariage soulagerait la tension dans sa poitrine.
Mais la douleur persistait.
— Nous devrions faire un test de paternité, dit-il fermement. Juste au cas où. Tu as raison, nous
ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle erreur.
Son corps, l’instant d’avant abandonné entre ses bras, se raidit soudain.
— Si tu penses que c’est nécessaire…
— Ce serait plus responsable.
Elle marqua une longue pause.
— Y a-t-il moyen de le faire sans risque pour le bébé ?
— Je vais me renseigner.
— D’accord.
Elle ne s’éloigna pas de lui mais il la sentait tendue.
— Nous rentrons demain, dit-il en resserrant son étreinte et en traçant des cercles sur son bras.
Je dois régler des problèmes au casino.
— Bien.
Sa tristesse lui fit l’effet d’une gifle. Il l’avait blessée.
— Tu es déçue ?
Elle haussa ses frêles épaules.
— Tout cela a été merveilleux. Mais c’est un peu comme un rêve. Demain, nous retrouverons la
réalité.
— Tu préfères le rêve ?
— Disons que celui-ci était merveilleux.
Il promena son regard sur le studio, l’endroit qu’il n’avait montré à nulle autre personne.
— Oui, c’est vrai…
***
A Turan, l’emploi du temps de Maximo le tint éloigné du palais toute la journée. Elle respectait
le fait qu’il se consacre à son travail mais, bien qu’elle soit très occupée par la création de la
fondation, il lui manquait horriblement quand elle déambulait, perdue dans cet immense château.
Isabella était une présence joyeuse mais elle était souvent prise par ses études, et ses parents lui
interdisaient tout sortie depuis leur séance de shopping écourtée par les paparazzi.
Mais, si Maximo était absent durant la journée, les nuits leur appartenaient. Une part du rêve
restait intacte. Leur passion n’avait pas diminué. Le sexe prenait désormais une place importante
dans la vie d’Alison. Sa sexualité, si longtemps refoulée, s’épanouissait entre les bras de son
amant. Elle en était heureuse. Elle se sentait plus complète, femme à part entière.
Elle passait chaque nuit dans le lit de Max, mais conservait sa propre chambre, où elle gardait
ses vêtements. Après le mariage, dans deux semaines, il voudrait sûrement qu’elle s’installe avec
lui. Jusque-là, elle conservait un semblant d’indépendance. Elle l’avait déjà dans la peau, et si elle
n’y prenait garde elle l’aurait dans le cœur, aussi.
Elle soupira et regarda l’heure. Le médecin devait arriver d’une minute à l’autre pour prélever
son sang en vue d’un test de paternité non invasif. Max n’était toujours pas là. Elle essayait de ne
pas être troublée par son absence, mais ses hormones lui jouaient des tours. Elle avait du mal à
retenir ses larmes.
Quand il avait réclamé le test, elle avait cru que son cœur allait éclater. Elle avait presque
oublié qu’ils n’étaient pas engagés dans une vraie relation. Que leur bébé avait été conçu dans un
laboratoire. Sa demande le lui avait cruellement rappelé.
Le pire était qu’elle ne savait pas vraiment quel résultat Max espérait.
La belle doctoresse arriva enfin, et il ne lui fallut que quelques minutes pour faire la prise de
sang.
— C’est fait. Nous avons déjà le frottis buccal du prince Rossi, donc tout y est. Avec ce
nouveau test, s’il n’y a pas suffisamment d’ADN fœtal dans votre sang, nous n’aurons pas de
résultat, expliqua-t-elle. Sinon, les résultats sont aussi précis que ceux d’un prélèvement de
villosités choriales ou d’une amniocentèse.
Alison hocha la tête, déjà inquiète. La jeune femme blonde lui lança un sourire narquois.
— Alors, bonne chance ! Si c’était moi, j’espérerais de tout cœur que l’enfant que je porte soit
celui du prince Rossi. Il est incroyablement séduisant et suffisamment riche pour prendre soin de
vous.
Alison eût aimé effacer le sourire suffisant du visage de cette femme. Mais, déjà, elle
rassemblait son matériel et la quittait en promettant d’appeler dans les vingt-quatre heures.
Elle s’effondra dans le fauteuil du bureau de Max et tenta de combattre ses larmes. Elle l’aurait
voulu près d’elle à ce moment, mais il avait préféré l’absence…
Elle se prit la tête entre les mains, posa les coudes sur le bureau et laissa libre cours à son
chagrin. Une larme roula le long de sa joue, qu’elle essuya d’un geste rageur. Si elle n’avait pas
connu Max, elle aurait fait les tests seule, alors à quoi bon pleurer ? Cependant, comme c’était lui
qui avait exigé ce test, il aurait pu avoir la courtoisie d’être présent.
Elle leva la tête en entendant la porte s’ouvrir et son cœur fit un bond : Maximo ! Même quand
elle lui en voulait, il produisait sur elle un effet saisissant.
— Tu as manqué le test.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il d’un ton froid.
Elle inspira profondément.
— Je te voulais près de moi.
— Pourquoi ? Les résultats ne seront pas là avant demain.
— Je…
Les mots coinçaient dans sa gorge.
— J’avais besoin de toi.
Il s’assombrit.
— Je croyais que tu n’avais besoin de personne.
— D’habitude, c’est vrai, mais aujourd’hui…
Il posa son ordinateur sur le bureau. Son corps semblait tendu à l’extrême.
— Je t’ai dit que mon travail était prenant. Je fais partie de la famille royale, mais contrairement
à ce que tu peux penser, j’ai des devoirs. Ce n’est pas parce que je suis prince que je n’ai pas de
responsabilités… Au contraire, j’en ai plus que tout le monde.
— Ceci n’est pas un simple besoin, dit-elle en se levant. J’aurais aimé que tu m’accompagnes
pour passer ce test que tu as toi-même voulu. Je ne trouve pas que cela soit trop demander…
— Je n’ai pas de temps à perdre avec des caprices.
Ces mots cassants résonnèrent douloureusement en elle, et elle resta quelques instants
silencieuse avant de se lever brusquement et de quitter la pièce. Son cœur explosait. Elle ignorait
comment elle avait laissé une telle chose se produire. Pourtant, durant les dernières semaines, elle
avait fait ce qu’elle s’était juré de ne jamais faire : elle s’était rendue dépendante de Max. Pire
encore, elle était tombée amoureuse de lui…
11.
Plus tard dans la journée, Alison fut heureuse d’avoir l’occasion de sortir du palais. Préparer la
réunion de la branche turanaise de la fondation l’avait distraite de son anxiété et de la solitude
étouffante dont elle souffrait dans cette immense bâtisse où on lui adressait rarement la parole. Et
surtout, travailler lui avait permis de ne pas trop réfléchir…
Elle ne voulait pas aimer Maximo. Son amour était réservé à son bébé. Pas question de l’aimer,
lui qui ne pouvait que la blesser. Elle ne voulait pas, comme sa mère, devenir amère et aigrie à
cause d’un homme qui la rejetait.
Elle remonta la lanière de son sac sur son épaule, s’y accrochant comme si elle pouvait lui
procurer quelque soutien. Comment avait-elle pu laisser Maximo prendre tant d’importance ? Il
était exaspérant, pensait toujours avoir raison et avait une confiance en lui ridicule. Mais il était
également beau, intelligent, amusant et fantastique au lit…
Elle soupira. Même ses défauts la laissaient impuissante et lascive. Force lui était de
reconnaître que malgré sa colère, elle le désirait et n’attendait que le moment de le retrouver le
soir.
— Excusez-moi, mademoiselle…
Alison se tourna. Elle reçut en plein visage le flash d’un appareil photo. Elle baissa la tête et
accéléra le pas. Ce n’était pas un stupide reporter qui allait l’intimider ! Elle ne s’arrêterait pas
pour répondre à ses questions.
— Mademoiselle Whitman, est-il vrai que vous avez récemment procédé à un test de paternité,
demanda une voix, féminine cette fois.
Le cœur d’Alison fit un bond : ils savaient. En tant que médecin de la famille royale, la jeune
femme blonde qui avait procédé au test avait trop à perdre pour trahir les confidences, mais un
employé de laboratoire s’était probablement laissé tenter. Et la nouvelle s’était répandue…
Comment faire face à cette situation et réagir au mieux ?
La bousculade derrière elle s’amplifia. Les questions fusaient.
— Est-ce le bébé du prince ?
— Qui est le père ?
— Combien d’hommes ont fait le test ?
Elle se mordit l’intérieur des joues pour contenir les paroles de colère qui lui montaient aux
lèvres. Si elle faisait volte-face et insultait la presse, sa photo ferait la une des journaux à
scandales.
Les reporters l’entouraient à présent, braquant sur elle micros et appareils photos. Un homme fut
poussé contre elle. Elle chancela et tomba sur le trottoir.
Cela ne sembla pas gêner les paparazzi, qui continuaient à la bombarder de photos, de questions
et d’accusations.
— Alison ?
Elle reconnut la voix de Maximo dans le brouhaha. Le reporter penché sur elle se redressa
vivement. Max lui tendit la main, et, avec douceur, l’aida à se relever. Les journalistes
continuaient d’affluer, sans se décourager.
L’un d’eux attrapa le bras d’Alison. Un grondement sauvage s’échappa des lèvres de Maximo
qui, lâchant Alison, se saisit de l’appareil photo de l’homme et le posa à terre.
— Ne posez pas les mains sur ma femme ! tonna-t-il, menaçant.
Le photographe pâlit. Tous reculèrent, conscients que la situation pouvait dégénérer à tout
instant.
— Monte ! ordonna Max en ouvrant la portière d’une voiture de sport noire.
Elle n’était pas enthousiasmée par l’idée de se retrouver seule avec lui vu son humeur, mais elle
préféra saisir cette chance que de le voir filer en la laissant face à la presse. Elle monta et boucla
sa ceinture.
Une tension extrême émanait de Maximo. Assis très droit, les dents serrées, il ne dit mot
jusqu’au palais. Elle ne chercha pas à briser le silence.
Une fois dans leur chambre, il laissa libre cours à sa colère.
— Pourquoi es-tu partie sans garde du corps et sans me dire où tu allais ? J’ai dû interroger ton
chauffeur qui m’a appris que tu étais seule en ville et devais assister à une réunion. Tu es
irresponsable !
— Irresponsable ? s’offusqua-t-elle. Je m’occupe de quelque chose d’utile. Tu ne crois tout de
même pas que je vais rester assise au palais à attendre que tu aies besoin de moi comme fairevaloir !
— Je n’ai jamais dit que j’attendais cela de toi, mais en revanche j’espère un minimum de bon
sens.
Il lui prit le bras et l’attira contre lui.
— As-tu idée de ce qui aurait pu t’arriver ?
Maximo inspira profondément. Sous l’effet de la colère et de la panique, un flot d’adrénaline
avait envahi ses veines.
En voyant Alison au sol, entourée par cette meute, il avait dû se retenir de frapper l’homme qui
l’avait touchée. Les journalistes autour d’elle avaient ravivé de sombres souvenirs. Il avait
imaginé la perdre, elle et le bébé. Il avait eu l’impression que son monde s’écroulait. Elle prenait
beaucoup trop d’importance pour lui, et Dieu sait qu’il avait tout fait pour éviter cela.
Il lui avait semblé simple de la garder à distance et elle avait paru ravie de se tenir séparée de
lui. Il pensait pouvoir exorciser son intense passion en lui faisant l’amour, chaque nuit pourtant son
besoin d’elle se faisait plus fort.
Il avait aimé Selena d’un amour qu’il maîtrisait. Elle avait besoin de lui pour tout, et ce rôle de
protecteur lui convenait.
Alison, elle, s’était infiltrée en lui. Elle s’était rendue importante, indispensable ; essentielle à
tout point de vue.
— Il n’allait rien m’arriver ! protesta-t-elle.
— Ils t’ont renversée et n’avaient qu’une idée : te salir, nous salir, déterrer un scandale. La nuit
où Selena a été tuée, ils la suivaient. Après l’accident ils ont pris des photos. Ils voulaient savoir
si elle avait bu ou pris de la drogue. Ils cherchaient à choquer l’opinion.
Alison pâlit.
— Je l’ignorais. Ça n’a jamais paru dans les journaux.
— Je les ai payés, dit-il à voix basse. De toute façon, il n’y avait rien, mais j’avais peur qu’ils
publient les photos. Je les ai achetées et détruites.
En voyant les yeux d’Alison s’emplirent de larmes, Max sentit son cœur chavirer.
Doucement, elle s’approcha de lui, lui prit le visage entre les mains et l’embrassa tendrement.
— Je suis tellement désolée, murmura-t-elle.
Il voulut s’éloigner d’elle et remettre de l’ordre dans ses idées. Mais il ne pouvait pas partir,
pas quand elle se tenait ainsi devant lui, si vulnérable et si belle que ses mains en tremblaient de
désir. Il lui souleva le menton et embrassa les larmes qui roulaient sur ses joues.
Le cœur battant, il défit les boutons de son chemisier de soie et découvrit un soutien-gorge en
dentelle, très sage. Il déglutit péniblement, en proie à un désir violent. Il se rendit compte qu’il se
sentait incomplet quand il ne l’embrassait pas, ne caressait pas son corps somptueux…
Même s’il refusait cette pensée, il mourait d’envie de s’unir à elle. Mais il ne pouvait pas lui
permettre de prendre tant d’importance dans sa vie. Jamais Selena ne l’avait ému ainsi, n’avait
exercé un tel pouvoir sur son corps et ses émotions.
Quand il avait cru qu’Alison risquait d’être blessée, il avait eu soudain l’impression qu’un
grand trou noir allait l’engloutir.
Il resserra son étreinte et l’embrassa avec une passion presque rageuse. C’était un baiser destiné
à la punir de ce qu’elle lui faisait ressentir et à réaffirmer sa domination.
Quand il la lâcha, elle ouvrit des yeux immenses. Les bouts de ses seins tendaient le tissu léger
de son soutien-gorge. Elle le voulait encore. Et — que Dieu lui vienne en aide ! il la désirait
follement, lui aussi.
Il ignora son tumulte intérieur. Elle n’était qu’une femme et lui un homme, après tout. Il voulait
ce qu’un homme désire d’une femme, rien de plus. Il était en manque de contact physique depuis
trop longtemps, voilà pourquoi elle le touchait tant.
Il la fit reculer, la retourna et la fit basculer sur la commode.
— Max ? demanda-t-elle craintivement.
— Fais-moi confiance, dit-il d’une voix rauque.
Il mit les mains autour de sa taille encore fine et ses doigts effleurèrent le petit renflement
abritant leur bébé. Puis il remonta les mains vers sa poitrine, dégrafa l’attache sur le devant de son
soutien-gorge, prit ses seins en coupe et titilla leurs pointes durcies. Alison gémit.
Abandonnant ses seins, il fit glisser sa jupe et son slip sur ses hanches. Il posa la main sur son
mont de Vénus, passa un doigt entre ses lèvres humides et trouva le bourgeon si sensible. Elle
frissonna, se cambra et appuya la tête contre sa poitrine…
Cherchant la fermeture de son pantalon, il se libéra et pressa son membre contre ses fesses. Elle
retint son souffle un instant et se cambra plus encore.
Alors, il la pénétra, la main toujours posée sur son ventre. Il avait voulu la prendre dans cette
position pour ne pas voir son visage, pour rendre l’acte plus impersonnel. Mais il connaissait son
odeur, la sensation de sa peau sous ses mains, ses petits gémissements de plaisir, et savait que son
corps n’avait jamais réagi ainsi avec une autre femme. Alison était son épouse, la mère de son
enfant, la femme qu’il aimait. Il n’avait plus envie de le nier.
Alors il eut besoin de la regarder, de voir son visage tendu par la jouissance, de bercer son
corps contre le sien. Il se retira, la prit dans ses bras, traversa rapidement la pièce et la déposa sur
le lit.
— Alison, murmura-t-il en repoussant ses cheveux sur son front.
Elle prit son visage dans ses mains, et l’émotion qu’il lut dans ses yeux le submergea.
— Max.
Il la pénétra lentement, luttant pour se maîtriser. Elle l’enlaça, vint à sa rencontre, aimante et
passionnée. Quand elle s’arc-bouta et laissa échapper un cri de plaisir, il se hâta de la rejoindre en
murmurant son nom d’une voix rauque. En se perdant en elle…
L’émotion lui comprimait le cœur. Le regard émerveillé d’Alison l’émouvait. Elle n’avait
jamais été aussi séduisante, aussi ravissante. Il roula loin d’elle et de ses sentiments trop violents.
— J’ai du travail. Je dois partir…
Le cœur battant à tout rompre, il boucla sa ceinture. Son seul désir était de la prendre dans les
bras, mais il ne s’autoriserait pas une telle faiblesse.
Il l’entendit ramasser ses vêtements derrière lui et, quand il se retourna, il vit sa peine et son
trouble. Elle savait qu’il mettait délibérément de la distance entre eux.
— Je travaillerai tard ce soir. Tu devrais peut-être passer la nuit dans ta propre chambre, dit-il
d’un ton sec.
Elle tressaillit comme si il l’avait giflée.
— D’accord.
Son mobile sonna, et elle répondit.
— C’est le laboratoire…
Elle répondit d’une voix neutre, puis raccrocha.
— Félicitations. Tu es le père…
Elle n’avait pas l’air heureuse. Elle regarda Maximo, espérant une réaction, un geste… Elle ne
voulait pas le perdre. Ni tirer un trait sur ce qu’ils avaient construit ensemble au cours des
dernières semaines. Depuis leur retour de Maris, toute communication était rompue entre eux. Il
avait muselé ses émotions.
— Je dois partir, dit-il, en évitant son regard.
Elle essaya en vain de maîtriser la douleur qui la submergeait. Elle l’aimait trop et, déjà, elle le
perdait. Il ne la quitterait peut-être jamais, mais ne lui donnerait pas son cœur non plus…
Elle ferma les yeux pour retenir ses larmes. Elle serait forte, pour elle et le bébé. Personne ne
saurait que son cœur était brisé de manière irréparable.
***
Le soleil chauffait la peau d’Alison mais tout en elle était froid.
Cela faisait à peine vingt minutes qu’elle était arrivée sur l’île de Maris dans l’espoir d’y
trouver quelque réconfort. Mais retrouver l’endroit où elle avait été si heureuse, où elle avait été
éveillée à l’amour et initiée aux joies du sexe, provoquait une douleur douce-amère. Elle ne s’était
jamais sentie aussi loin de Maximo.
La semaine précédente, il s’était beaucoup absenté pour son travail. Le soir, il affichait une
politesse distante pire que sa colère. Il se comportait comme un étranger avec elle, et ne lui avait
plus fait l’amour depuis l’incident avec les paparazzi.
Il s’était complètement refermé, et elle craignait que son attitude soit due à la découverte de sa
paternité plus qu’à l’épisode avec la presse. Peut-être qu’en comprenant que sa liberté serait
compromise, il n’avait soudain plus voulu d’elle, de leur enfant ?
Elle était assise sur la terrasse de la chambre qui avait été la leur lors de leur séjour ici. C’était
stupide d’être revenue sur l’île. Mais elle souffrait tellement qu’elle avait espéré trouver en cet
endroit quelque apaisement.
Une bonne dispute aurait été préférable à ce silence insupportable. Le pire — et le plus ironique
aussi, songea-t-elle, les larmes aux yeux, était que leur mariage aurait lieu deux jours plus tard. Ils
devraient faire vœu de s’aimer, de s’honorer et se de soutenir. Difficile à imaginer, alors qu’ils
s’adressaient à peine la parole…
Elle posa la main sur son ventre arrondi, geste qui renforça immédiatement sa détermination.
Elle n’était pas dénuée de ressources. Elle avait son bébé, la chose la plus précieuse au monde.
Elle aimait Max. Ils n’avaient pas créé la vie de manière ordinaire, mais ce bébé représentait le
meilleur d’eux deux.
Elle entendit des pas derrière elle et tourna la tête, s’attendant à trouver la gouvernante. A la
place, elle découvrit Max. Et remarqua la fatigue inscrite sur son visage.
— Que fais-tu ici, Maximo ?
Il rit d’un rire sans joie.
— La même chose que toi, je suppose. Je tente de m’échapper.
— A quoi as-tu besoin d’échapper ?
Il rit de nouveau.
— A la même chose que toi.
— S’il te plaît Max… Je n’ai pas envie de jouer.
— Ainsi c’est de nouveau « Max » ?
Sa voix s’était adoucie. Il fit un pas vers elle.
— Que veux-tu dire ?
Il lui adressa un demi-sourire.
— Jusqu’il y a peu, je n’avais plus droit qu’au plus formel « Maximo ».
— Je ne m’en étais même pas rendu compte.
— Moi, si, dit-il d’une voix rauque.
Alison sentit sa gorge se nouer.
— Pourquoi es-tu là ? demanda-t-elle, inquiète.
— C’est ici que j’ai passé la plus grande partie de mon temps la semaine dernière, confessa-t-il.
— Je croyais que tu travaillais.
— Dans un sens, c’est ce que je faisais.
Elle laissa éclater sa frustration.
— Je ne peux pas supporter que tu me souffles ainsi le chaud et le froid, Max. Je ne sais pas ce
qui s’est passé. Si j’ai fait quelque chose qui t’a blessé, dis-le moi. Si tu as trouvé quelqu’un
d’autre, ou si tu es simplement fatigué de moi, dis-le moi. Ne me tiens pas à l’écart. Ne joue pas
aux devinettes avec moi.
— Je ne suis pas un homme de mots, Alison. Je suis un homme d’action. Tu as dû le remarquer,
dit-il pour tenter de détendre l’atmosphère. Je n’emploie pas toujours les termes justes, mais
j’aimerais avoir une chance que tu me comprennes, que tu comprennes ce que je ressens.
Elle secoua la tête, la gorge nouée.
— Ne joue pas avec moi.
Il lui prit la main et ce premier contact physique depuis une semaine la remua profondément. Le
désir n’avait pas disparu. Elle lisait le même dans ses yeux.
— Je n’ai jamais joué avec toi, dit-il la voix grave. S’il te plaît, crois-moi. J’ai mal géré cette
situation, mais te blesser était la dernière chose que je souhaitais.
— Mais tu m’as blessée. Nous nous étions promis de parler et tu ne l’as pas fait. Tu m’as
exclue. Je n’ai aucune idée de ce qui a provoqué cette réaction.
Il fut stupéfait par l’émotion intense et crue de ses yeux.
— Je sais, avoua-t-il. Tu n’imagines pas combien je suis désolé. S’il te plaît, viens avec moi,
Alison.
Elle hocha lentement la tête, se leva et le laissa la conduire hors de la villa. Quand elle comprit
où il l’emmenait, elle s’arrêta.
— Max. Je ne peux pas.
— Fais-moi confiance. Je t’en prie.
Elle inspira profondément et le suivit, le cœur lourd, jusqu’au studio. L’endroit où ses
inhibitions s’étaient levées, où elle s’était dénudée pour lui. Y revenir était une torture et un doux
souvenir. Ils étaient liés alors, et même si elle avait été incapable de mettre un nom sur ce qu’il lui
faisait ressentir, elle était tombée amoureuse de lui ce jour-là.
Il la fit entrer dans la pièce baignée de lumière. Ce qu’il avait voulu lui montrer trônait au beau
milieu de la pièce. La femme peinte sur la toile était sublime. Sa peau irradiait la jeunesse et la
joie. Comme si elle venait de quitter les bras de son amant, comblée…
Elle examina le tableau, très émue. Les traits étaient les siens mais il y avait aussi quelque chose
qu’elle ne percevait pas quand elle se regardait dans le miroir. Quelque chose que Maximo voyait
et pas elle. Plus qu’un portrait, c’était une révélation. Une déclaration, qui exprimait mieux que des
mots ses sentiments.
— Max ?
— Voilà ce que je faisais. Je ne travaillais pas. Je ne pouvais pas travailler. Mon esprit est
plein de toi, Alison.
Il lui prit le visage entre les mains et lui déposa un léger baiser sur les lèvres.
— Max…
— Non, laisse-moi te parler. J’étais terrifié, Alison. Terrifié de ce que tu t’étais mise à
représenter pour moi. Ce jour-là, j’ai pris conscience de ce que serait ma vie si je te perdais. Je ne
crois pas que je pourrais y survivre. J’ai pris conscience de tout ce que tu représentais pour moi, et
compris à quel point j’avais besoin de t’embrasser, de te faire l’amour… Pourtant, je ne voulais
pas que tu aies tant de pouvoir sur moi. Je ne voulais pas t’aimer, dit-il avec un sourire triste. J’ai
essayé de t’exclure afin de te prouver, et de me prouver, que je n’avais pas besoin de toi. J’ai eu
tort.
Il l’embrassa avec passion. Elle goûta au bonheur d’être de nouveau dans les bras de l’homme
qu’elle aimait.
Il posa le front contre le sien.
— J’ai encore plus à dire, mais je crains de ne pas trouver les mots justes. Je vais te le montrer
plutôt.
Il lui embrassa le cou, les joues et le front.
— Puis-je te montrer ? demanda-t-il contre ses lèvres.
— Oui, dit-elle, entre rire et larmes.
Il lui ôta son chemisier et émit un son rauque en découvrant qu’elle était nue dessous.
— Oh, ma chérie…
Il prit ses seins avec déférence, posa les pouces autour de leurs bouts durcis. Un cri se forma sur
les lèvres d’Alison, qu’il étouffa d’un baiser.
Elle lui caressa la poitrine, goûta la peau salée de son cou comme si c’était la première fois.
Tout lui semblait nouveau. Elle écarta sa chemise qui rejoignit son chemisier au sol.
Elle défit la fermeture de son jean, le regard fixé sur la ligne de poils qui courait le long de son
ventre plat et ferme avant de se perdre dans son caleçon.
— Tu es si sexy, souffla-t-elle.
Le souffle court, il la poussa sur le canapé et s’installa entre ses cuisses offertes.
— Alison, mon amour, tu n’imagines pas ce que je ressens.
— Je crois que j’en ai idée, dit-elle en s’ouvrant à lui.
Il l’embrassa, profondément, puis la pénétra, lentement, savourant le plaisir de ne faire qu’un
avec elle.
Lorsqu’il commença à bouger en elle, elle accrocha son regard au sien et sentit les larmes
couler. L’émotion qu’elle y lisait faisait écho à la sienne. Ils jouirent ensemble, cramponnés l’un à
l’autre.
Il la berça, murmurant des mots doux en italien et en anglais.
— Ti amo, dit-il. Je t’aime.
— Max…
Son cœur était si plein qu’elle pensa qu’il ne contiendrait jamais tout ce qu’il lui faisait
ressentir.
— Je t’aime. Je sais que j’aurais pu le dire plus tôt, mais je voulais te montrer mon cœur, ce
tableau. Je voulais te montrer ce que je ressentais en te faisant l’amour. Les mots ne sont que des
mots. Par mon action, j’espérais te le prouver. Je n’ai jamais ressenti cela avant. Tu disais que
l’amour rendait les gens faibles et je le croyais aussi. Mais tu étais si courageuse, si ravissante.
Ton amour pour notre enfant, ta force, tout en toi me touchait profondément et je ne pouvais pas
contrôler ce que tu faisais naître en moi. Je te voulais au point d’être distrait en permanence.
J’avais besoin de toi. Ça me terrifiait. Je ne voulais pas aimer d’une passion si dévorante. Mais tu
ne m’as pas laissé le choix. Comment éviter de tomber amoureux de toi ? C’était impossible…
— J’ai cru que tu ne voulais plus du bébé, ou de moi.
— Comment ?
— Après le coup de fil du docteur, j’ai pensé que tu n’avais plus envie de t’enchaîner à moi en
devenant père. Tu n’avais pas choisi cela, Max. Tu ne m’avais pas choisie et je…
— Non, je ne t’ai pas choisie. Tu as été choisie pour moi. Je ne savais pas ce qui était le
meilleur pour moi. Je ne peux qu’être reconnaissant de cette intervention divine.
— Qui a dit que tu n’étais pas doué pour les mots ?
Il l’embrassa. Elle soupira quand ils se séparèrent. Un bonheur suprême et absolu l’inondait.
— Je suis meilleur en d’autres formes de communication, dit-il.
— Montre-moi.
— Avec le plus grand plaisir… et pour le restant de mes jours.
Epilogue
Principessa Eliana Rossi vint au monde avec les cheveux dorés de sa mère et les poumons de
son père. C’est du moins ce que dit Alison.
— Elle est belle, comme sa mamma, dit Max en se penchant pour embrasser ses deux femmes.
Il n’était père que depuis quelques heures mais il venait de vivre les moments les plus
spectaculaires de son existence. Son amour pour Alison s’était approfondi au cours des derniers
mois. A la regarder maintenant tenir Eliana, il se sentit débordant d’amour.
— Elle a faim, dit Alison en abaissant le haut de sa chemise de nuit et en aidant sa fille à
prendre son sein.
Maximo n’avait jamais rien vu de si merveilleux.
— Ayons beaucoup d’enfants ! déclara-t-il, fasciné par ce miracle.
Elle lui lança un regard sévère.
— Attends donc que je me rétablisse avant de faire des projets.
Il lui sourit d’un air piteux.
— Bonne idée…
— Un jour, cette petite fille sera reine, dit doucement Alison.
— Oui. Mais pour l’instant, elle est simplement notre enfant et nous ferons tout ce que nous
pourrons pour être sûrs qu’elle le reste aussi longtemps que possible.
Il regarda le minuscule paquet rose.
— Je ne suis absolument pas pressé de la voir grandir.
— Sais-tu quelque chose, principe Maximo D’Angelo Rossi ?
Ses yeux dorés brillaient d’amour et il fut inquiet que son cœur ne déborde vraiment.
— Je crois que t’aime plus encore aujourd’hui qu’hier.
Il se pencha, l’embrassa encore, savourant le goût de ses lèvres douces.
— Je ressens la même chose. Et je pense que je t’aimerai plus encore demain…

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