LE JOURNAL ORL

Transcription

LE JOURNAL ORL
LE JOURNAL ORL
Revue d’information scientifique et technique
AVRIL 2016 – N°27
NUMÉRO SPÉCIAL FORMATION DU 11 AVRIL 2015
Éditorial
Présidée par les Pr Béatrix Barry et Pr Sébastien Albert
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot,
Sorbonne Paris cité
> SOMMAIRE
p. 2
Épidemiologie des cancers des VADS
Dr Joël Depondt
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
p. 5
HPV et cancers ORL
Pr Béatrix Barry
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
p. 8
Diagnostic et bilan des cancers ORL
Dr Caroline Halimi
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
p. 11
Principes généraux de prise en charge des cancers
ORL
Pr Béatrix Barry
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
© decade3d - Fotolia.com
Modalités de traitement et Perspectives
Place de la chirurgie dans les cancers ORL
p. 13 Pr Sébastien Albert
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
Radiothérapie dans les cancers ORL
p. 17 Dr Marc Bollet
Centre de radiothérapie Hartmann, Levallois-Perret
Chimiothérapies en ORL
p. 19 Dr Benoist Chibaudel, oncologue médical
Institut Hospitalier Franco-britannique, Levallois-Perret
Les traitements de deuxième ligne
Réirradiation des cancers ORL
p. 21 Pr Sébastien Albert(1), Dr Marc Bollet(2), Dr Benoist Chibaudel(3)
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
Centre de radiothérapie Hartmann, Levallois-Perret
Institut Hospitalier Franco-britannique, Levallois-Perret
(1)
(2)
(3)
Séquelles des traitements en cancérologie ORL
p. 24 Pr Sébastien Albert
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
p. 28
Surveillance post-thérapeutique des carcinomes
épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures
de l’adulte
Dr Jean-Pierre Cristofari
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
Nouvelle rubrique
Expertise ORL et médico-légale
p. 31 Me Caroline Kamkar
Docteur en Droit, avocat au barreau de Lille
Quoi de neuf en ORL ?
p. 33 Dr Isabelle de Gaudemar
Phnom Penh, Cambodge
p. 36
Un peu de divertissement :
Les mots croisés des cancers des VADS
Pr Bruno Frachet
Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris
Les carcinomes épidermoïdes des VADS :
modalités de traitement en 2015
Le terme de cancers des voies aérodigestives supérieures est un raccourci qui recouvre
une réalité protéiforme, que ce soit en termes de localisation, de terrain et de prise en
charge.
La diminution de la consommation d’alcool et de tabac dans la population masculine
et l’augmentation du tabagisme féminin fait apparaître une population féminine qui
compte maintenant pour environ 20 % des patients. Le nombre de cancers du larynx
et de la cavité buccale et du pharynx ont diminué alors que, probablement par le rôle
croissant des tumeurs liées au Papillomavirus, les cancers de l’oropharynx augmentent
dans une population plus jeune.
Nous assistons également à une période de grands changements avec un essor des
techniques chirurgicales moins invasives et de la reconstruction. Les traitements
médicaux sont à la fois moins agressifs et plus efficaces avec les progrès des techniques
de radiothérapie, une augmentation de la place de la chimiothérapie et des thérapies
ciblées et bientôt de l’immunothérapie.
Ce numéro du Journal ORL est le fruit de la collaboration de chirurgiens, de
radiothérapeutes et d’oncologues médicaux dans le but de dresser un état des lieux de
la prise en charge actuelle de ces cancers et des perspectives de traitement.
Professeur Béatrix Barry
Épidemiologie des cancers des VADS
Dr Joël Depondt
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni
Les cancers des VADS comprennent, selon l’Institut national du cancer, les cancers du larynx et les cancers des lèvres, de
la bouche et du pharynx (LBP). Ne seront pas traités dans ce chapitre les cancers des fosses nasales et du cavum, ainsi
que les cancers des glandes salivaires.
Les cancers des VADS, toutes localisations confondues, représentent 4,1% de l’ensemble des cancers.
En 2012, on estimait à 14 638 le nombre de nouveaux cas de cancers des VADS –dont les trois quarts chez l'homme– et
à 4 098 le nombre des décès, là encore en grande partie (80 %) chez les patients de sexe masculin.
Tumeurs de la cavité buccale, de
l’oropharynx et de l’hypopharynx
Incidence
Avec environ 11 316 nouveaux cas estimés
en France, en 2012, dont 71 % survenant
chez l’homme, les cancers de la lèvre, de la
cavité orale et du pharynx se situent au 8e
rang des cancers solides les plus fréquents
(hors « hématologies malignes »), tous
sexes confondus, et représentent 3,2 % de
l’ensemble des cancers incidents.
Les cancers de de la lèvre, de la bouche et
du pharynx (LBP) se situent chez l’homme
au 5e rang des cancers incidents masculins,
avec 8 033 nouveaux cas estimés en 2012,
et représentent 4 % des cancers masculins.
Chez la femme, ce cancer se place au 10e
rang, avec 3 283 cas estimés en 2012, soit 2,1 %
des cancers féminins. Le taux d’incidence
(standardisé monde) en 2012 est estimé à
16,1 pour 100 000 personnes-années chez
l’homme et à 5,6 pour 100 000 chez la femme,
soit un taux féminin presque trois fois moins
élevé.
La survenue de ces cancers est tardive chez les
hommes comme chez les femmes : près de 9
nouveaux cas sur 10 sont diagnostiqués chez
les 50 ans et plus. L’âge médian au diagnostic
pour 2012 est estimé à 61 ans chez l’homme
et à 63 ans chez la femme.
2
Figure 1 : Évolution de l’incidence et de la mortalité (taux standardisé monde estimé) des
cancers des lèvres, de la cavité buccale et du pharynx entre 1980 et 2012. (source : Les
cancers en France 2014, Institut national du cancer)
Figure 2 : Taux standardisé à la population mondiale d’incidence des cancers lèvre, cavité orale et pharynx à l’échelle départementale en France métropolitaine selon le sexe en 2008-2010. (Source : Institut national du cancer)
L’incidence de ces cancers a fortement diminué chez
l’homme depuis 1980. Cette tendance s’est accentuée
après 2005. Chez la femme, l’incidence est, elle, en
augmentation.
Variabilité régionale
Les taux d’incidence les plus élevés sont observés dans
le Nord et l’Ouest de la France (Nord-Pas-de-Calais,
Haute-Normandie, Bretagne, Picardie), alors que les
régions Midi-Pyrénées et l’Aquitaine enregistrent des
taux inférieurs à la moyenne nationale.
Mortalité
Avec 3 192 décès estimés en 2012, dont 77 % survenant
chez l’homme, les cancers de la LBP se situent au 11e
rang des décès par cancer, tous sexes confondus, et
représentent 2,1 % de l’ensemble des décès par cancer.
Chez l’homme, ils se situent au 7e rang des décès par
cancers masculins, avec 2465 décès estimés en 2012,
et représentent 2,9 % des décès par cancers masculins.
Chez la femme, ils se placent au 12e rang, avec 727
décès estimés en 2012, soit 1,2 % des décès par cancers
féminins.
Les taux de mortalité (standardisé monde) par ces
cancers sont estimés en 2012 à 4,7 pour 100 000 chez
l’homme et 1,0 sur 100 000 chez la femme, soit un taux
féminin près de cinq fois moins élevé. L’âge médian au
décès en 2012 est de 63 ans chez les hommes et 68 ans
chez les femmes.
Chez l’homme, le taux de mortalité (standardisé
monde) liée aux cancers de la lèvre, de la bouche et
du pharynx a considérablement diminué entre 1980
et 2012, passant de 15,9 à 4,7 pour 100 000, soit une
baisse de 70 %. Chez la femme, le taux de mortalité
(standardisé monde) a légèrement diminué passant de
1,2 à 1,0 pour 100 000.
Les évolutions favorables de l’incidence et de la
mortalité par cancers de la lèvre, de la cavité orale
et du pharynx, chez l’homme, sont en grande partie
expliquées par la baisse de la consommation d’alcool
observée en France depuis le début des années 1960.
Dans une moindre mesure, cette baisse serait attribuée
à la baisse de la consommation de tabac chez l’homme.
Chez la femme, l’augmentation de l’incidence est liée
à l’augmentation de la consommation de tabac, plus
récente que chez l’homme.
3
Tumeurs du larynx
Les chiffres du cancer du larynx sont superposables, pour
certains, aux chiffres des tumeurs bucco-pharyngées.
L’âge au diagnostic est sensiblement égal à celui des
tumeurs bucco-pharyngées, et il est plus souvent
diagnostiqué chez les hommes que chez les femmes.
Néanmoins, en termes d’incidence et de mortalité, le
cancer du larynx est aujourd’hui moins fréquent, et
surtout moins meurtrier.
Le taux d’incidence standardisé monde, chez l’homme,
est passé de 14,2 cas/100000 en 1980 à 5,4 cas en 2012.
Par contre, chez la femme, l’incidence a tendance à
augmenter sur la même période, passant de 0,6/100000
à 0,9/100000.
Le taux de mortalité est moindre que pour le reste
des cancers des VADS, avec un taux standardisé monde
de 1,5/100000 chez l’homme et 0,2/100000 chez la
femme.
Mortalité
Chez l’homme, le taux de mortalité (standardisé monde)
par cancer du larynx a très fortement baissé entre 1980
et 2012, passant de 11,4 à 1,4 pour 100 000, soit une
baisse de 88 %.
Chez la femme, le taux de mortalité, nettement inférieur
au taux masculin, s’est réduit de moitié entre 1980 et
2012, passant de 0,4 à 0,2 pour 100 000.
Facteurs étiologiques
Tabac
La relation tabac-cancer est aujourd’hui bien établie
concernant les cancers des VADS. Les
personnes souffrant d’un cancer des
VADS « classique » (c’est-à-dire dans un
contexte d’intoxication alcoolo-tabagique)
sont en général de gros fumeurs, avec une
consommation supérieure à 20 paquetsannées. Le risque de développer un cancer des
VADS augmente avec la durée et l’intensité
du tabagisme. Outre la consommation et
l’ancienneté du tabagisme, d’autres éléments
tels que l’inhalation de la fumée, la longueur
du mégot… entrent en jeu.
Les mécanismes de carcinogénèse du tabac
sont multiples : en raison de brûlure chronique
et en raison de ses composants carcinogènes
(hydrocarbures aromatiques polycycliques)
véhiculés par la fumée ou dissous dans la salive.
Néanmoins, tous les fumeurs ne développent
pas de cancers des VADS ; le métabolisme des
substances carcinogènes est sous le contrôle
de mécanismes enzymatiques avec des
variabilités individuelles.
Le tabac à chiquer ou à priser est moins
toxique mais peut entraîner des cancers de la
cavité buccale ou de la face interne de joue.
Alcool
Figure 3 : Évolution de l’incidence et de la mortalité du cancer du larynx de 1980 à 2012
selon le sexe. (source : Institut national du cancer)
4
L’alcool seul, à la différence du tabac, ne
provoque pas de cancers chez l’animal.
HPV et cancers ORL
Pr Béatrix Barry
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni
Les virus HPV (ou Papilloma Virus Humain) sont des virus
à ADN, de la famille des papillomavirida, qui comportent
plus de130 sérotypes et ont un tropisme pour les
épithéliums malpighiens. 85 % des êtres humains ont, à
un moment ou à un autre, un contact avec l’HPV.
On distingue 3 grands groupes :
• les
types muqueux et génitaux à potentiel
cancérigène élevé : HPV-16 et 18 principalement,
mais également 31, 33.
• les types muqueux à faible potentiel cancérigène,
qui sont responsables des papillomes et condylomes
acuminés ano-génitaux : HPV-6, 11.
• les types cutanés : HPV-1, 2, 3, 10…, responsables de
verrues banales.
Les lésions bénignes de la sphère ORL se présentent sous
forme de papillome, au niveau de la cavité buccale, de
l’oropharynx, avec un aspect bourgeonnant « framboisé »,
souple à la palpation. Le potentiel dégénératif de ces
lésions bénignes est mal connu. Il semble néanmoins
raisonnable de proposer leur exérèse. À part, la
papillomatose laryngée où le risque de dégénérescence
maligne est connu et doit inciter à des biopsies régulières.
Figure 2 : Papillome de l’amygdale droite.
Figure 1 : Conséquences cliniques de l’infection à HPV selon leur type
(LR : low risk, HR : high risk).
Les lésions papillomateuses malignes se présentent
sous une forme similaire, mais avec une destruction des
structures environnantes. La palpation objective une
lésion infiltrante, indurée, saignant au contact.
Méthodes de détection de l’HPV dans les tumeurs
Dans les cas de cancers oropharyngés « HPV positifs »,
HPV-16 et 18 sont retrouvés dans 80 % des cas.
Les virus HPV peuvent infecter tous les épithéliums
malpighiens et toutes les muqueuses. Les conséquences
de l’infection sont la plupart du temps transitoires et sans
réelle traduction clinique. Cependant, certains individus,
pour des raisons encore mal comprises, développent des
lésions bénignes (condylomes, papillomatose laryngée)
ou malignes.
Il existe de nombreux moyens de détection, dont les plus
courants sont la PCR (polymerase chain reaction) et la
recherche de la protéine p16 par immunohistochimie.
La PCR semble être le meilleur moyen de détecter l’HPV
dans les tumeurs ORL mais, en pratique courante, c’est la
recherche de p16 qui est fréquemment réalisée. Celle-ci
est rapide, très sensible, mais peu spécifique, et environ
10% des tumeurs p16 positives ne sont pas en rapport
avec l’HPV.
5
HPV+
HPV-
Site anatomique
oropharynx
Tous sites
Histologie
Non kératinisant
Peu différencié
Basaloïdes
Kératinisant
Bien différencié
Sex ratio
3/1 homme
3/1 homme
Facteurs de risque
Habitudes sexuelles
Tabac/alcool
Age
45-55
55-65
PS
Statut socio économique
Bon
Bon
Moyen
ADP
Kystiques
Volumineuse
Tissulaires
Taille variable
Figure 3 : Comparaison des caractéristiques cliniques et histologiques entre tumeurs HPV+ et HPV-.
A Les facteurs de risques
1- Le portage oropharyngé de l’HPV concerne, d’après une
méta-analyse portant sur 18 études et 4581 patients
sains, 4,5% des individus, en considérant tous les types
d’HPV. Le portage d’un HPV oncogénique est de 3,5%
et celui de l’HPV 16 est de 1,3%. Ce taux de portage
est identique pour les 2 sexes (1).
L’infection par l’HPV est transitoire, et dure en
moyenne 7 mois (2). Le taux de portage de l’HPV chez
les partenaires des patients ayant un cancer ORL HPV+
est identique à celui de la population générale (3).
2- D’après une étude américaine réalisée en 2012, les
facteurs de risque identifiés comme favorisant le
portage d’HPV sont le sexe masculin, le tabagisme,
ainsi que le nombre élevé de partenaires sexuels (4).
Ainsi, les cancers ORL HPV+ apparaissent comme une
maladie sexuellement transmissible.
3- Les pratiques sexuelles semblent avoir un rôle
important dans l’infection à HPV, puisque des relations
précoces, un nombre élevé de partenaires sexuels et
les rapports oro-génitaux augmentent le risque de
cancers ORL HPV+. Les femmes ayant un antécédent
de cancer in situ du col utérin, ainsi que leur partenaire,
ont également un risque accru de développer un
cancer ORL HPV+. Les porteurs d’HPV au niveau
de l’oropharynx ont un risque 32 fois plus élevé de
développer un cancer HPV+. Ce risque augmente en
cas d’alcoolo-tabagisme associé (5).
B Épidémiologie des cancers des VADS « HPV+ »
Globalement, le nombre de cancers du larynx a tendance
6
à diminuer, et celui des cancers de l’oropharynx à
augmenter. Chez la femme, l’augmentation de l’incidence
des cancers ORL est due en partie à l’augmentation du
tabagisme, plus récente que chez l’homme.
Cependant, on estime aujourd’hui à environ 25% la
proportion de cancers ORL non liés à l’alcool et au tabac,
dont la plupart sont probablement liés au virus HPV.
D’après une étude américaine, la prévalence de
l’infection HPV dans les cancers ORL est de l’ordre de
25%, toutes localisations confondues. Ce taux grimpe à
35% pour les tumeurs oropharyngées, avec des chiffres
encore plus importants pour les États-Unis et la Suède
(respectivement 47% et 68%) (6). Selon une étude
française, l’HPV est retrouvé dans 46,5% des cancers de
l’oropharynx, et 10% des cancers de la cavité buccale (7).
C Caractéristiques cliniques
Souvent, le tableau du patient susceptible d’être HPV
positif est celui d’un homme en bon état général, entre
50 et 60 ans, sans consommation alcoolo-tabagique, ou
alors modérée. Lorsqu’il existe une tumeur oropharyngée,
celle-ci est le plus souvent bourgeonnante, et les biopsies
retrouvent un carcinome épidermoïde peu différencié,
non kératinisant, parfois basaloïde.
Il peut s’agir de la découverte d’une ADP unique, kystique
plutôt que nécrotique, sans porte d’entrée, évoluant
depuis plusieurs mois. La TDM objective souvent une
volumineuse lésion kystique, très évocatrice du diagnostic,
et doit faire réaliser un TEP-TDM à la recherche d’un
primitif oropharyngé, et une endoscopie avec biopsies de
la base de langue et des zones suspectes (et recherche
E Stratégie thérapeutique
On sait que les tumeurs HPV+ ont une meilleure
réponse à la radiothérapie et à la chimiothérapie (12). Les
stratégies thérapeutiques restent néanmoins les mêmes
que les tumeurs HPV-. La notion de « désescalade
thérapeutique » (diminution des doses de radiothérapie,
radiothérapie exclusive au lieu d’une radiochimiothérapie)
parfois évoquée doit encore être validée par la recherche
moléculaire (étude des voies de l’apoptose et rôle de la
présence de p53) et des études en cours. Il est certain
qu’à l’avenir, la présence de l’HPV dans les tumeurs sera
considérée comme un marqueur à prendre en compte
dans la stratégie thérapeutique.
F Prévention
La question de la vaccination est omniprésente.
Figure 4 : Volumineuse ADP kystique sous-digastrique droite, satellite
d’une petite tumeur de base de langue HPV+ chez un patient de 38 ans.
d’HPV spécifiée) (8). Le diagnostic chez les patients jeunes
est parfois difficile; la recherche d’HPV sur le liquide de
ponction est alors utile pour orienter entre ganglions
métastatiques ou kyste branchial (9).
D Le pronostic des cancers HPV+
La survie est globalement meilleure concernant ces
tumeurs. Ainsi, dans une étude américaine de 2010
portant sur des tumeurs de l’oropharynx localement
avancées, la survie globale des patients ayant des tumeurs
HPV+ était meilleure que les patients ayant une tumeur
HPV-. Ces constatations sont les mêmes sur une métaanalyse comportant 44 études (10, 11).
Néanmoins, ce pronostic favorable est à nuancer selon la
taille de la tumeur, le statut ganglionnaire et le tabagisme
du patient. Ainsi, alors que les patients HPV+ ont moins
de poursuites évolutives, mois de récidive locale, moins
de deuxième localisation, les tumeurs survenant chez
les patients fumeurs, N2b ou N3, restent agressives. On
peut donc distinguer un groupe « à bas risque » qui est
celui des patients HPV+, avec un tabagisme inférieur à 10
paquets-année et une atteinte ganglionnaire N0-N2a. Le
portage de l’HPV dans les cancers ORL ne suffit donc pas
à donner un bon pronostic.
Il existe en France une certaine méfiance à l’égard des
vaccins, et la couverture vaccinale des jeunes filles reste
médiocre, en comparaison avec la Grande-Bretagne, où
les 3 injections du vaccin sont réalisées dans le cadre
scolaire, permettant à plus de 84% des jeunes filles de
13-14 ans d’être vaccinées.
Dans l’optique de prévenir le portage ORL de l’HPV, la
vaccination pourrait également être recommandée chez
les garçons, comme c’est désormais le cas aux ÉtatsUnis, en Autriche ou en Australie. En effet, il faudrait la
vaccination d’une partie importante de la population
féminine (environ 75%) pour parvenir à diminuer la
contamination des garçons.
Conclusion
Les cancers ORL HPV+ sont en augmentation, en
particulier au niveau de l’oropharynx. Il faut y penser
devant un terrain atypique et/ou des caractéristiques
cliniques évocatrices. Ces tumeurs sont de meilleur
pronostic, surtout chez les patients non fumeurs et dans
les stades précoces, du fait d’une meilleure radio- et
chimiosensibilité, et d’un terrain moins fragile.
La vaccination contre l’HPV et les études thérapeutiques
ayant pour but de valider des traitements moins
agressifs pour ces tumeurs devraient, à l’avenir, modifier
l’épidémiologie et la prise en charge de ces tumeurs.
Bibliographie
1- Kreimer AR, Sex Trans Dis, 2010 Jun
5- D’Souza, GNEJM, 2007 May
9- Yasui T, PLoS ONE, 2014 Apr
2- Kreimer AR, Lancet, 2013 Sep
6- Kreimer AR, Cancer Epidemiol Biomarkers Prev, 2005 Feb
10- Kian AngK, NEJM, 2010 Jul
3- D’Souza, J Clin Oncol ???
7- St Guily JL, J Clin Virol, 2011 Jun
11- O’Rorke MA, Oral Oncol, 2012 Dec
4- Gillison ML, JAMA, 2012 Feb
8- Goldenberg D, Head Neck, 2008 Jun
12- Fakhry C, J Natl Cancer Inst, 2008 Feb
7
Diagnostic et bilan des cancers ORL
Dr Caroline Halimi
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni
Les circonstances de découverte des cancers ORL peuvent
être liées à la tumeur elle-même (dysphonie, dyspnée,
dysphagie, douleurs buccales ou pharyngées, otalgie,
saignement, etc.) ou à son extension locorégionale
(adénopathie, nodule cutané), et sont parfois liées aux
conséquences du type altération de l’état général.
Plus rarement, ce sont les lésions secondaires ou les
syndromes paranéoplasiques qui font rechercher une
tumeur ORL. Enfin, une démarche de dépistage peut être
préconisée chez les patients présentant des facteurs de
risque alcoolo-tabagiques.
L’ensemble du bilan vise à :
• affirmer le diagnostic,
• définir le stade TNM de la tumeur,
• rechercher des lésions synchrones,
• faire le bilan général des comorbidités du patient et
évaluer sa situation sociale et professionnelle.
Le bilan doit être organisé le plus rapidement possible,
de façon à pouvoir initier le traitement au plus tôt. Il
est recommandé de limiter le délai entre la première
consultation par l’équipe responsable de la prise en charge
du patient et le recueil des éléments nécessaires à la prise
de décision, incluant la RCP (réunion de concertation
Figure 2 : Lésion ulcéro-bourgeonnante de la commissure intermaxillaire
droite.
pluridisciplinaire) et l’organisation thérapeutique. Ce
délai doit être idéalement de 2 semaines et ne devrait
pas dépasser 4 semaines.
L’examen clinique de l’ensemble de la cavité buccale, de
l’oropharynx, du pharyngolarynx et du cou permet de
rechercher une lésion bourgeonnante et/ou une ulcération
saignant au contact, une tumeur sous muqueuse, des
adénopathies. La nasofibroscopie évalue la filière et la
mobilité laryngée, met en évidence un épaississement ou
une ulcération de la base de langue, et une stase salivaire
dans un des sinus piriformes.
Bilan diagnostique
L’endoscopie sous anesthésie générale est l’examen-clé,
et permet la réalisation de biopsies et d’un schéma précis
de la lésion et de ses rapports, ainsi que l’éventuelle
atteinte ganglionnaire (nombre, taille, côté, fixation
par rapport aux plans profonds et superficiels). La
recherche de lésions synchrones (8 à 10 % des cas) est
systématique. Idéalement, l’endoscopie a lieu après les
examens d’imagerie, afin de ne pas fausser les résultats
de ceux-ci.
Figure 1 : Lésion bourgeonnante de l’amygdale gauche.
8
En ce qui concerne les lésions laryngées, il est nécessaire
de compléter l’endoscopie par un examen à l’optique
0° (extension sous glottique) et 90° (atteinte de la
commissure antérieure). On notera la mobilité des cordes
vocales et des aryténoïdes.
le bilan d’extension tumoral. L’IRM est demandée en
complément pour certaines localisations (base de la
langue, paroi pharyngée postérieure…).
Le bilan d’extension peut être complété par une
exploration de l’œsophage, en cas de tumeur de
l’oropharynx ou de l’hypopharynx. L’examen de référence
est la fibroscopie œso-gastro-duodénale au tube souple.
L’œsophagoscopie au tube rigide est une alternative qui
ne permet cependant pas d’explorer la partie basse de
l’œsophage et qui doit être effectuée avec prudence sur
des terrains irradiés (risque de perforation œsophagienne
et de médiastinite).
Figure 3 : Examen de la sous-glotte à l’optique 0°.
Figure 5 : Extension sous-glottique d’une lésion laryngée gauche en TDM.
Le compte rendu histologique doit mentionner le degré
d’infiltration et la présence de la protéine p16 en cas
de lésion susceptible d’être en rapport avec l’HPV
(recherche à préciser sur la demande).
Le bilan thoracique (consultation pneumologique +/fibroscopie bronchique) n’est pas recommandé en
dehors de la découverte d’images suspectes au scanner.
Figure 4 : Examen de la commissure antérieure à l’optique 90°.
Le bilan d’imagerie minimal comprend un scanner
cervico-facial et thoracique avec injection de produit
de contraste et manœuvres dynamiques (phonation,
manœuvres de Valsalva). Il est conseillé de décrire les
anomalies cliniques afin d’orienter le radiologue dans
Actuellement, le TEP scanner est demandé dans trois
circonstances :
• adénopathie sans porte d’entrée,
• tumeur à haut risque métastatique (N2b, N2c, N3,
ADP en zone IV ou V),
• nécessité
de caractériser des images thoraciques
douteuses.
9
Cas particulier des adénopathies métastatiques
sans porte d’entrée
et son éventuel degré de dépendance. Cette évaluation
Ce diagnostic ne peut être affirmé qu’après avoir
recherché une tumeur primitive, en particulier
amygdalienne ou basilinguale. Ainsi, le bilan demandé
comporte, en plus d’une TDM cervico-faciale et
thoracique, un TEP scanner. L’endoscopie recherche une
lésion primitive, aidée par les résultats du TEP scanner.
patient (antécédents psychiatriques, terrain dépressif,
Rappelons que la cytoponction sur uneADP peut permettre
d’orienter les investigations, mais est insuffisante pour
affirmer le diagnostic de cancer et mettre en route un
traitement. Seul l’examen anatomopathologique de
l’ADP, aidé par les renseignements cliniques adaptés,
permet d’affirmer le diagnostic.
Décision thérapeutique
permet également d’apprécier l’état psychologique du
niveau d’anxiété). Selon les besoins, un entretien avec
l’assistance sociale ou un psychologue peut être proposé.
En vue des traitements et en raison de la fréquence
du mauvais état bucco-dentaire des patients atteints
de carcinome des VADS d’une part, et, d’autre part,
du risque de complications précoces (infections avec
retard de cicatrisation) ou tardives (ostéo-radio-nécrose
mandibulaire), il est nécessaire de faire réaliser un
bilan dentaire clinique et un panoramique dentaire, et
d’effectuer les avulsions nécessaires.
Le bilan d’opérabilité recherche des critères d’intubation
difficile (trismus, lésion diminuant la filière respiratoire)
En fonction de tous ces éléments, une réunion de
concertation pluridisciplinaire (RCP) étudie l’ensemble
du dossier et décide de la meilleure prise en charge
thérapeutique pour chaque patient.
et évalue l’état général du patient. Un bilan cardiaque
Le bilan général a fait l’objet de recommandations par
la SFORL.
sont vérifiés. En cas de lambeau de fibula, on prescrit un
Ainsi, il convient de chiffrer la consommation d’alcool
et de tabac (nombre de paquets/année) et de noter
sa poursuite ou l’ancienneté du sevrage, de rechercher
une consommation de cannabis, la notion d’exposition
professionnelle à des substances carcinogènes ou une
immunodépression. La recherche de signes cliniques
de reflux gastro-œsophagien fait également partie de
l’examen, puisque celui-ci pourrait intervenir comme
cofacteur dans les cancers laryngés ou hypopharyngés.
Lors d’un traitement par chimiothérapie, en plus d’une
Les comorbidités cardiovasculaires et pulmonaires
doivent être notées. Une aide au sevrage alcoolique et/
ou tabagique fait partie du traitement.
l’endoscopie, de l’imagerie et d’anatomopathologie.
L’interrogatoire fait préciser la notion de douleur et ses
caractéristiques, et une éventuelle dénutrition par la
perte de poids et le calcul de l’IMC. Biologiquement, cette
dénutrition est évaluée grâce au dosage de l’albumine.
Les conditions de l’annonce d’un cancer sont définies
Enfin, le bilan général comprend une évaluation sociale.
On note ainsi si le patient est actif, retraité, en invalidité,
quel est son mode de vie (famille, présence de proches)
soins de support. La communication entre l’équipe
10
complet est demandé en cas de chirurgie majeure.
Dans les situations où une chirurgie reconstructrice est
envisagée, les sites donneurs et receveurs de lambeaux
angioscanner ou une angio IRM des membres inférieurs.
pathologie cardiaque, il est nécessaire de rechercher
des comorbidités rénales, hépatiques ou neurologiques.
Enfin, dans les situations où les patients sont âgés, un avis
oncogériatrique peut aider à la décision thérapeutique.
Globalement, il convient de respecter des délais
rapides de prise de décision tout en ayant les éléments
nécessaires, à savoir au minimum les résultats de
L’idéal est d’anticiper la décision de la RCP, lorsque c’est
possible, pour planifier les grandes étapes du traitement.
par le plan cancer, et chaque patient doit bénéficier
d’une annonce médicale et paramédicale, d’un plan
personnalisé de soins et d’un accès à une équipe de
hospitalière et les différents intervenants libéraux est
essentielle.
Principes généraux de prise en charge des cancers ORL
Pr Béatrix Barry
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni
Le pronostic est plutôt mauvais pour l'ensemble des
cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS).
En dépit des progrès thérapeutiques réalisés ces
dernières années, trois obstacles rendent difficiles la
prise en charge des tumeurs des VADS :
• le diagnostic souvent tardif, à un stade évolué ;
• le terrain sur lequel surviennent ces tumeurs (alcool,
tabac, contexte social) ;
• le
risque de développer une seconde tumeur, à
distance de la première (appelée aussi « seconde
localisation », ou tumeur métachrone).
Un même type histologique, le carcinome épidermoïde,
recouvre plusieurs types de tumeurs. La prise en charge
et le pronostic varient de façon importante selon la
localisation.
Les tumeurs laryngées présentent un meilleur pronostic,
devant les tumeurs de la cavité buccale, l’oropharynx et
l’hypopharynx, avec des survies à 5 ans respectives de
77%, 54%, 52% et 32%.
Les facteurs pronostiques
Figure 1 : Adénopathies nécrotiques bilatérales.
L’envahissement cutané (ou « nodule de perméation »)
doit rendre prudent dans la décision de traitement
chirurgical. En effet, celui-ci est retrouvé comme facteur
d’échec local de façon significative, et grève la survie de
façon notoire (10% de survie à 5 ans).
En termes de radiosensibilité, les tumeurs bourgeonnantes
et les tumeurs peu différenciées sont plus radiosensibles
que les tumeurs ulcérées et les tumeurs bien différenciées.
L’atteinte ganglionnaire : un facteur pronostique
majeur
Le traitement des aires ganglionnaire est la règle, sauf
dans des cas très favorables. Cette attitude se justifie par
le fait que chez un patient N0 clinique, le risque d’avoir
un ganglion métastatique occulte est de 30%.
La survie diminue de 50% avec l’envahissement
ganglionnaire, quel que soit le T. Elle décroît avec
l’importance de l’atteinte ganglionnaire ; et les
adénopathies multiples (N2b, N2c) ou volumineuses
(N3) sont particulièrement péjoratives et à haut risque
de métastases.
D’autre part, les ganglions sont réputés être peu
radiosensibles, ce qui fait de la chirurgie le traitement de
choix.
Figure 2 : Envahissement cutané d’une tumeur de la cavité buccale.
L’envahissement osseux, en particulier dans les tumeurs
évoluées du plancher buccal, est également de mauvais
pronostic.
11
Mo
En ce qui concerne les tumeurs laryngées, l’envahissement
cartilagineux (qui classe la tumeur T4) est retrouvé
comme facteur de mauvais pronostic.
Facteurs pronostiques histologiques
Bien que l’examen anatomopathologique objective
classiquement un carcinome épidermoïde, l’évolutivité de
la tumeur peut varier, et quelques sous-types histologiques
présentent des caractéristiques particulières.
Parmi ces sous-types, certains sont plus fréquents :
les carcinomes basaloïdes (2%), fusiformes (3%),
verruqueux (0,6%) et papillaires (0,1%). D’autres
sont plus anecdotiques : carcinomes acantholytiques,
adénosquameux, lympho-épithéliaux, à cellules géantes,
cuniculatum…
Les carcinomes verruqueux, cuniculatum et papillaires
sont de meilleur pronostic. En cas de petite tumeur, le
traitement chirurgical seul de la tumeur peut suffire, sans
curage ganglionnaire ou traitement complémentaire.
Pour les tumeurs plus importantes qui imposeraient une
chirurgie mutilante, la radiothérapie peut être privilégiée
en première intention.
À l’inverse, d’autres sous-types sont de moins bon
pronostic en raison d’un taux élevé de métastases
(carcinomes basaloïdes, lympho-épithéliaux et à cellules
géantes) ou de récidives locales (carcinome à cellules
fusiformes, carcinomes adénosquameux).
La prise en compte des particularités histologiques peut
influer sur les modalités thérapeutiques :
En cas de carcinome à cellules géantes, la radiothérapie
est inefficace en première intention. Seule la chirurgie
est proposée à visée curative, suivie d’une radiothérapie
adjuvante, et ce quels que soient les autres critères
histopronostiques.
Les carcinomes lympho-épithéliaux associent un
risque de métastases élevé à une excellente radio- et
chimiosensibilité.
Enfin, en cas de carcinome basaloïde, un traitement
conservateur (radio et chimiothérapie) est privilégié
lorsque la chirurgie d’exérèse est mutilante. Le risque
métastatique est élevé et justifie la réalisation d’un TEPTDM dans le bilan initial.
Métastases
Il s’agit évidemment d’un facteur pronostic extrêmement
péjoratif, qui concerne entre 7 et 25% des patients ayant
un stade tumoral avancé. Les patients ayant une atteinte
12
ganglionnaire multiple et/ou en zone sus-claviculaire
sont également plus à risque.
Les métastases touchent surtout le poumon, mais
également le squelette et le foie.
Deuxième localisation
Elle peut être synchrone ou survenir dans les années
suivant le diagnostic du premier cancer ORL. Une deuxième
localisation s’explique par des anomalies diffuses de
l’ensemble de la muqueuse de la sphère ORL, en réponse
à l’exposition à l’alcool et au tabac. Le risque de deuxième
localisation est de 4% par an, avec une courbe qui reste
linéaire jusqu’à 15 ans après le diagnostic de la première
tumeur. Ces éléments justifient une surveillance régulière
quasiment à vie.
Rappelons que d’autres cancers, en plus des cancers ORL,
peuvent également survenir sur ce terrain : cancers du
poumon, du foie, de l’œsophage et de la vessie.
Ces considérations conduisent à envisager la décision
thérapeutique sous un angle particulier : on préférera,
lorsque c’est possible, avoir recours à un traitement dit
« unimodal », c’est-à-dire soit la radiothérapie, soit la
chirurgie. Ainsi, l’option non retenue reste disponible en
cas de tumeur métachrone.
Les tumeurs de petite taille, T1, quelle que soit leur
localisation, et les lésions laryngées T2 ont des survies
comparables après chirurgie ou radiothérapie.
Les tumeurs T2 pharyngées ou T3-T4, quelle que soit leur
localisation, ont une survie supérieure après chirurgie et
radiothérapie.
Les chirurgies très mutilantes (glossectomie totale,
pharyngolaryngectomie totale ou laryngectomie totale)
sont désormais rarement proposées d’emblée, laissant
place au concept de préservation d’organe.
Néanmoins, la chirurgie reste préférable lorsqu’il existe
un envahissement osseux ou cartilagineux.
Dans tous les cas, une atteinte cutanée et de volumineuses
adénopathies nécrotiques sont de mauvais pronostic.
En conclusion, les facteurs pronostiques sont liés :
• au patient et à ses comorbidités ;
• à la tumeur (envahissement cutané, cartilagineux,
osseux) ;
• à l’atteinte ganglionnaire ;
• à la présence de métastases.
La surveillance doit être régulière afin de dépister un
cancer métachrone. Enfin, la chirurgie mutilante tend à
être remplacée par les traitements conservateurs.
Modalités de traitement et Perspectives
Place de la chirurgie dans les cancers ORL
Pr Sébastien Albert
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni
Le traitement des cancers ORL fait appel à trois modalités,
plus ou moins associées entre elles :
• la chirurgie s’adresse à la tumeur, avec une éventuelle
reconstruction, et aux aires ganglionnaires ;
• la radiothérapie externe peut être réalisée seule, ou
en association avec de la chimiothérapie ;
• la chimiothérapie ou les thérapies ciblées peuvent
être proposées de façon concomitante à la
radiothérapie, en induction, ou à titre exclusif.
Rappelons qu’en parallèle, l’arrêt de l’intoxication
alcoolo-tabagique fait partie du traitement.
Il convient en premier lieu de se poser la question de
l’opérabilité du patient et/ou de la tumeur. Le refus du
patient d’une chirurgie jugée mutilante, ou des contreindications anesthésiques, doivent faire envisager une
alternative. Les extensions à la carotide interne, à la base
du crâne ou au médiastin sont inopérables. En dehors
de ces contre-indications chirurgicales, les extensions
cutanées (« nodules de perméation »), même lorsqu’elles
semblent résécables, témoignent d’une tumeur avancée
qui a de grandes chances de récidiver à court terme.
Enfin, les tumeurs dont l’exérèse conduit à des séquelles
fonctionnelles importantes (glossectomie totale, par
exemple) ne doivent pas être opérées.
pharyngo-laryngectomie totale et glossectomie totale)
peuvent désormais être (parfois) évités grâce aux
protocoles de préservations d’organes, avec des résultats
fonctionnels plus ou moins bons.
Les principes du traitement chirurgical de la tumeur
L’exérèse doit passer à distance de la tumeur, avec des
marges de sécurité macroscopiquement satisfaisantes.
Ces marges varient de quelques millimètres (larynx)
à 1 cm dans les tissus où la tumeur diffuse facilement,
à savoir les muscles (langue++). Des recoupes, avec
éventuel examen extemporané, seront faites dans ces
localisations au moindre doute. Il existe des structures
où le chirurgien est de fait limité dans les marges qu’il
peut obtenir : larynx, artère carotide interne, périoste,
plan prévertébral.
Les principes du traitement chirurgical des aires
ganglionnaires (figure 1)
Les principes généraux
Globalement, les petites tumeurs (T1, « petit » T2)
sont accessibles à un traitement par chirurgie ou par
radiothérapie, avec des résultats comparables. Chez les
patients éthylo-tabagiques, la possible survenue d’une
deuxième localisation tend à faire préférer la chirurgie,
pour préserver l’option de la radiothérapie. Les tumeurs
plus avancées (T2 pharyngés, T3 et T4 toutes localisations)
sont, de façon générale, traitées par chirurgie puis
radiothérapie.
Les situations de traitement dit « dissocié », avec
radiothérapie sur la tumeur et chirurgie sur les
aires ganglionnaires, sont discutées au cas par cas,
typiquement sur une lésion de base de langue avec de
grosses adénopathies.
Les cas de chirurgie mutilante (laryngectomie totale,
Figure 1 : Schéma des aires ganglionnaires cervicales.
13
L’opérabilité dépend des structures envahies : une atteinte
de l’axe carotidien (en dehors de la carotide externe),
de la base du crâne, du médiastin, des muscles scalènes
ou du plan prévertébral sont des contre-indications
opératoires. Rappelons également que les ganglions
rétropharyngés ne sont pas accessibles à une chirurgie.
Un envahissement cutané est également une indication
rarissime, une récidive étant à peu près certaine dans les
mois suivant l’intervention. Le cas de ganglions bilatéraux
dont l’exérèse entraîne le sacrifice des deux veines
jugulaires internes doit inciter à la prudence.
Le geste chirurgical réalisé sur les aires ganglionnaires
dépend de la présence ou non d’ADP et de la localisation
tumorale.
Sauf exception, le curage des aires ganglionnaires est
systématique en cas de prise en charge chirurgicale
de la tumeur. Rappelons que le traitement des aires
ganglionnaires des patients N0, quelle qu’en soit la
modalité (chirurgie ou radiothérapie), réduit le risque de
récidive cervicale à 5-10% versus 25% sans traitement.
En cas de patient N0, un curage fonctionnel est réalisé.
En fonction de l’atteinte ganglionnaire, le curage peut
être radical (exérèse de la veine jugulaire interne, du
nerf spinal et de tout ou partie du muscle sterno-cléidomastoïdien), modifié ou étendu.
Le curage est unilatéral en cas de tumeur bien latéralisée,
ou bilatéral en cas de tumeur proche de la ligne médiane
ou antérieure.
Les situations où un curage n’est pas recommandé
sont les tumeurs T1 du plan glottique (qui sont très
peu lymphophiles), et les cas de chirurgie de rattrapage
chez des patients N0. La place du ganglion sentinelle est
encore mal définie, mais il pourrait être intéressant dans
les tumeurs de la cavité buccale chez les patients N0.
Les aires ganglionnaires qui doivent être opérées
dépendent de la localisation tumorale :
• cavité
buccale : zones Ib, II, III (+/- Ia si tumeur
antérieure)
• oropharynx, hypopharynx, larynx : zones II, III, IV, (+/Ib ou VI).
Prise en charge des cancers selon le site
1-Cavité buccale
Le traitement de ces tumeurs est chirurgical.
La radiothérapie +/- chimiothérapie postopératoire est
le plus souvent indiquée, en dehors des patients avec
une lésion pT1N0 sans facteurs histologiques péjoratifs
(engainement périnerveux, emboles vasculaires) à qui
l’on peut proposer une surveillance simple. Les tumeurs
relevant d’une glossectomie totale sont des indications
14
Figure 2 : Adénopathie cervicale avec envahissement de l’axe carotidien
au TDM.
de radio-chimiothérapie. La voie d’abord peut être
endobuccale pour les petites tumeurs du plancher
antérieur ou latéral et de la langue mobile, en « pull
through » pour les tumeurs importantes de la langue
mobile ou transmandibulaire en cas de tumeur profonde
et postérieure.
2-Oropharynx (Figure 3)
Les indications sont à discuter au cas par cas.
Les tumeurs de la région amygdalienne, du voile et de la
base de langue sont des localisations pour lesquelles une
radiothérapie est une option intéressante, notamment en
cas de tumeur très bourgeonnante, HPV+. Néanmoins,
des petites tumeurs T1N0 accessibles peuvent également
prétendre à un traitement chirurgical sans reconstruction
majeure, ce qui permet de garder l’option radiothérapie
en cas de deuxième localisation.
Pour les tumeurs plus importantes (T2, T3, T4a) ou
siégeant dans des sous-localisations particulières
(sillon amygdalo-glosse, commissure intermaxillaire), le
traitement sera la chirurgie avec radio +/- chimiothérapie
postopératoire.
une extension sous-glottique, la chirurgie (laryngectomie
totale) est le traitement de choix. Les décisions de
traitement autres sont des exceptions discutées au cas
par cas.
Il importe de bien sélectionner les patients éligibles à une
chirurgie exclusive : il s’agit des patients ayant des lésions
T1-T2N0, en gardant à l’esprit que les suites fonctionnelles
des chirurgies partielles, en particulier horizontales
(laryngectomies partielles supracricoïdiennes), peuvent
être difficiles chez les sujets âgés et/ou souffrant de
comorbidités importantes.
Figure 3 : Principes de traitement des tumeurs de l’oropharynx.
Les laryngectomies totales gardent une place en cas
d’échec de préservation d’organe, de tumeur T4a, de
situation de rattrapage et, parfois, à titre fonctionnel, sur
des larynx irradiés avec fausses routes permanentes.
4-Hypopharynx
3-Larynx
Les indications dépendent de la localisation.
Pour les petites tumeurs T1-T2 (non sous-glottiques), la
chirurgie est le traitement standard (chirurgie partielle
par voie externe ou cordectomie endoscopique en cas de
tumeur T1 chez un patient exposable) ; la radiothérapie
peut être proposée comme « option ».
Pour les tumeurs T3 (perte de la mobilité de l’hémilarynx
atteint), deux options sont discutées : chirurgie
(laryngectomie totale +/- radiothérapie) ou protocole
de préservation d’organe (chimiothérapie d’induction
puis, en cas de bonne réponse, radiochimiothérapie).
La radiothérapie d’emblée est une option qui peut
être proposée en cas de refus du patient ou de contreindication à la chimiothérapie.
Pour les tumeurs T4, ou les tumeurs envahissant la
commissure antérieure, le cartilage, la loge HTE ou avec
Figure 4 : Tumeur de la corde vocale gauche T1.
Il s’agit de tumeurs agressives, avec un pronostic médiocre.
Le traitement de référence est la chirurgie suivie d’une
radiothérapie.
Pour les tumeurs T1-T2, la radiothérapie seule est une
option que l’on peut proposer.
Pour les tumeurs T3 ou les tumeurs T1-T2-T3 localisées
en rétrocricoïdien, un protocole de préservation d’organe
peut être discuté en alternative à la chirurgie. Notons
que l’éventuelle diminution tumorale induite par la
chimiothérapie doit être franche, de l’ordre de 80%, pour
autoriser la poursuite du protocole, contrairement au
larynx où une diminution de 50% et/ou une remobilisation
de celui-ci suffit généralement.
Pour les tumeurs T4, la chirurgie (pharyngo-laryngectomie
totale) est le traitement standard. En cas de tumeur
étendue à la paroi pharyngée postérieure ou à la bouche
de l’œsophage, la chirurgie consiste à une pharyngo-
Figure 5 : Aspect après exérèse au laser.
15
Mo
laryngectomie totale circulaire avec reconstruction, curage
ganglionnaire bilatéral et radiothérapie postopératoire.
Le champ d’irradiation des tumeurs de la paroi pharyngée
postérieure en postopératoire doit comprendre les aires
rétropharyngées.
Reconstruction
La chirurgie reconstructrice s’est beaucoup développée
depuis une vingtaine d’années, permettant de combler
des pertes de substance de plus en plus complexes,
consécutives à la chirurgie d’exérèse. Elle permet de
limiter les complications postopératoires, notamment
en cas de chirurgie de rattrapage, et de diminuer
considérablement les séquelles fonctionnelles (langue en
particulier, où l’indépendance des unités fixes et mobiles
est fondamentale) et esthétiques (cas des vastes pertes
de substance).
Le choix des lambeaux dépend de la localisation
tumorale, de la taille de la perte de substance et de
ces caractéristiques (os, peau, muscle), ainsi que de la
disponibilité des sites donneurs (figure 6).On retiendra
schématiquement 3 processus de réparation tissulaire :
la cicatrisation dirigée, les lambeaux régionaux pédiculés
(muscle grand pectoral, grand dorsal) et les lambeaux
microanatomosés, dit « libres ». Ces lambeaux libres
sont nombreux et permettent d’adapter au mieux la
reconstruction à la perte de substance.
La réalisation de lambeaux libres se fait idéalement en
double équipe, avec une équipe à la tête du patient qui
effectue l’exérèse tumorale, les curages ganglionnaires et
la préparation des vaisseaux receveurs, et une équipe qui
prélève le lambeau. Puis vient le temps de reconstruction
proprement dit, après le sevrage du lambeau et la
confection des anastomoses artérielle et veineuse.
Figure 7a : Dessin d’un lambeau fascio-cutané antébrachial gauche. La
palette cutanée va permettre de reconstruire le plancher buccal, la face
ventrale et la face dorsale de la langue.
Figure 7b : Schéma anatomique du lambeau antébrachial.
Sans être exhaustif, on retiendra que le lambeau
antébrachial est certainement le plus simple à prélever
et qu’il permet de reconstruire les pertes de substance
d’un grand nombre de sites (cavité buccale, oropharynx,
hypopharynx) (Figures 7a et b). Toutefois, son volume
est limité, notamment chez les patients minces, et les
séquelles esthétiques, après greffe de peau sur le site du
prélèvement, peuvent être plus ou moins importantes.
Les lambeaux composites (os, muscles +/- peau) sont
nécessaires lorsqu’une exérèse tumorale comprend une
partie osseuse. Le lambeau de fibula est indiqué quand
la reconstruction osseuse nécessite une longueur osseuse
importante. Le lambeau scapulaire est une alternative.
Figure 6 : Schéma des différents sites donneurs des lambeaux microanatomosés.
16
En cas d’œsopharyngo-laryngectomie totale circulaire,
la continuité entre oropharynx et œsophage peut être
restaurée par un lambeau antébrachial, un lambeau
de jéjunum ou un lambeau antérolatéral de cuisse. Ce
dernier présente l’avantage d’avoir un volume supérieur
au lambeau antébrachial et la fermeture du site donneur
est directe.
Modalités de traitement et Perspectives
Radiothérapie dans les cancers ORL
Dr Marc Bollet
Centre de radiothérapie Hartmann, Levallois-Perret
Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni
La radiothérapie est une arme de choix dans l’arsenal
des traitements des cancers ORL.
dans le champ d’irradiation les potentielles voies de
diffusion des cellules cancéreuses.
L’idéal tend à mettre « la bonne dose au bon endroit »,
c’est-à-dire cibler les tissus tumoraux et préserver les
tissus sains.
L’imagerie est une étape clé pour la définition des
volumes cibles, et les progrès de cette dernière ont
largement contribué à améliorer les techniques de
radiothérapie. En plus du scanner, l’IRM est utile dans
les localisations sus-hyoïdiennes, ou en cas de tumeur
de la paroi pharyngée postérieure. Le TEP-TDM est
également une aide, en particulier pour l’irradiation
des aires ganglionnaires.
Le choix de la dose optimale est un compromis entre
la meilleure réponse tumorale possible et le minimum
de dommages sur les tissus sains.
La balistique a pour but de trouver cette dose idéale à
appliquer sur un volume cible bien défini.
Avant les années 2000, la radiothérapie externe était
réalisée selon deux dimensions, planes, et les champs
d’irradiation étaient définis à l’aide des radiographies.
Le développement de la tomodensitométrie, dans les
années 1990, a permis l’émergence de la radiothérapie
3D, ou conformationnelle, avec la possibilité
d’augmenter le nombre de faisceaux à plus de deux
et à adapter ces faisceaux à la projection des volumes
cibles.
À partir des années 2000, est apparue la radiothérapie
avec modulation d’intensité (IMRT en anglais,
pour intensity-modulated radiation therapy). Cette
modulation d’intensité traduit le fait qu’à l’intérieur
d’un faisceau, l’intensité délivrée est modulée.
En combinant cette modulation d’intensité à la
multiplication des faisceaux, on parvient à augmenter
la dose sur le volume cible tout en diminuant les doses
sur les organes à risque. L’arcthérapie volumique avec
modulation d’intensité consiste à l’administration de
ce traitement en continu. Les limites de cette nouvelle
technique sont sa disponibilité mais également la
disponibilité des physiciens et des dosimétristes, car
la préparation de la radiothérapie selon ce mode est
extrêmement chronophage. En 2010, seulement 1%
des cancers ORL bénéficiaient d’un traitement par
IMRT, du fait d’une disponibilité insuffisante.
La détermination du volume cible macroscopique (ou
GTV, gross tumour volume) se fait à la fois à l’aide des
schémas cliniques et des données scanographiques.
Autour de ce volume cible macroscopique, est défini
un volume cible microscopique, qui permet d’inclure
L’IMRT a permis la préservation salivaire, et donc
moins de xérostomies. De façon indirecte, la moindre
irradiation des muscles constricteurs pharyngés
participerait également à une diminution de la
dysphagie post-radiothérapie.
À ces différentes notions, s’ajoute le facteur temporel.
Le schéma « classique » de la radiothérapie en ORL est
de 2 grays par séance, 5 séances par semaine, donc 10
grays par semaine.
Différentes modalités ont été étudiées afin d’améliorer
l’efficacité de la radiothérapie. L’hyperfractionnement,
en augmentant le nombre de séances sur une durée
équivalente, permet d’augmenter la dose totale avec
une bonne tolérance, sous réserve de respecter un temps
suffisant à la réparation des dommages induits sur les
tissus sains entre chaque séance (de l’ordre de 6 heures).
L’accélération du traitement consiste à administrer
la même dose totale dans un laps de temps plus
court. Ces deux modalités ont montré des différences
de survie à 5 ans conséquentes (respectivement
9,4% et 7,3%)(1). Par contre, l’accélération avec une
diminution de la dose totale n’apporte pas les mêmes
bénéfices. Hyperfractionnement et accélération ont
l’inconvénient de présenter des contraintes logistiques.
L’ajout de chimiothérapie à la radiothérapie, c’està-dire
la
radio-chimiothérapie
concomitante
ou la potentialisation de la radiothérapie par la
chimiothérapie, permet d’obtenir des résultats
comparables aux traitements hyperfractionnés ou
accélérés. Ce bénéfice est limité au groupe de patients
dont l’âge est inférieur à 70 ans (2).
17
Mo
Le cetuximab, autre traitement qui peut être fait de
manière concomitante à la radiothérapie, a également
montré des bénéfices en termes de survie globale
par rapport à une radiothérapie non potentialisée (3).
Cette notion est particulièrement intéressante pour
les patients qui présentent une contre-indication au
cisplatine (insuffisance rénale).
Des études ont montré que l’association du cetuximab
à la radio-chimiothérapie n’apportait pas de bénéfice,
de même que l’accélération d’une radiothérapie
potentialisée par le cisplatine (4, 5).
L’autre notion dans laquelle intervient est la balistique.
Les tumeurs ORL sont des tumeurs à développement
rapide, dont le volume décroît au cours de la
radiothérapie. Le volume cible a donc tendance à
diminuer. Établir plusieurs planifications pour un
même patient au cours de la radiothérapie afin de
toujours mieux cibler le volume tumoral et préserver
les organes à risques est donc une voie de recherche
pour optimiser l’effet de la radiothérapie.
Le choix du rayonnement permet d’améliorer la
précision de la radiothérapie. Dans les situations
de tumeurs très superficielles, on pourra utiliser des
électrons, qui ont la particularité d’avoir un parcours en
profondeur très limité. On peut également interposer
sur la peau du patient un « bolus », c’est-à-dire un
gel qui augmente la quantité de rayons absorbés
en superficie ; on peut ainsi traiter de façon plus
adéquate les nodules de perméation ou les extensions
cutanées. Les particules chargées (protons) présentent
des caractéristiques particulières qui permettent
d’épargner les tissus situés avant, mais surtout en
arrière du volume cible. Malheureusement, les plateaux
techniques proposant la protonthérapie sont rares en
France.
La radiothérapie stéréotaxique (« Cyberknife ») permet
de cibler de manière très précise un petit volume
tumoral, et a été développée comme « boost » ou
complément de dose.
Bibliographie
1- Bourhis J et al. Lancet 2006
2- Pignon JP et al. Radiother Oncol 2009
3- Bonner JA et al. Lancet Oncol 2010
4- Ang KK et al. J Clin Oncol 2014
5- Nguyen-Tan PF et al. J Clin Oncol 2014
18
Modalités de traitement et Perspectives
Chimiothérapies en ORL
Dr Benoist Chibaudel, oncologue médical
Institut Hospitalier Franco-britannique, Levallois-Perret
Présentation rapportée par le Dr Marion Antoni
Le rôle des chimiothérapies en cancérologie ORL
est multiple. Elles sont proposées en induction, en
association avec la radiothérapie, et enfin en situation
palliative, ou en situation d’évolution locorégionale,
lorsqu’une chirurgie ou une réirradiation ne sont pas
envisageables.
La prescription et le suivi de ces chimiothérapies
nécessitent une surveillance étroite en raison du
terrain souvent alcoolo-tabagique des patients, et des
comorbidités qui en découlent.
Molécules disponibles
Le nombre de molécules utilisées en chimiothérapie
ORL est resté relativement stable depuis de nombreuses
années.
Les sels de platine (cisplatine, carboplatine), apparentés
aux agents alkylants, induisent des lésions directes sur
l’ADN, en créant des ponts intramoléculaires entre
deux chaînes d’ADN.
Les anti-métabolites (5-FU, méthotrexate) inhibent la
synthèse des acides nucléiques, agissent à la phase S
du cycle cellulaire, et induisent la mort cellulaire.
Les poisons du fuseau (taxanes, notamment docetaxel)
agissent sur le fuseau cellulaire en bloquant la mitose.
Plus
récemment,
l’administration
d’inhibiteur
des récepteurs à l’EGF (epithelial growth factor)
(cetuximab), en association à la chimiothérapie ou à la
radiothérapie, a amélioré les résultats.
Bilan préthérapeutique
Outre le bilan inhérent à la prise en charge de la
pathologie tumorale, la recherche de comorbidités
cardiovasculaires (HTA, insuffisance cardiaque,
coronaropathie), rénales, hépatiques, pancréatiques
et respiratoires est indispensable. Le bilan biologique
doit comprendre les NFS-plaquettes, un ionogramme
sanguin, le dosage de l’urée et de la créatinine, le TPTCA, des transaminases, des phosphatases alcalines,
de la bilirubine totale, et des gamma-GT). En cas de
problème cardiaque, il est nécessaire de prescrire une
consultation avec un cardiologue, accompagnée d’une
échographie cardiaque avec mesure de la FEVG.
La réalisation de la chimiothérapie nécessite au
préalable la mise en place d’une chambre implantable,
sous anesthésie locale ou générale, par un chirurgien
ou un anesthésiste.
Maladie localement avancée : place d’un
traitement d’induction ou néo adjuvant
Le traitement d’induction regroupe les chimiothérapies
administrées avant le traitement principal, par
chirurgie ou par radio-chimiothérapie. Son but est de
diminuer le volume tumoral de façon macroscopique,
contrairement aux situations adjuvantes où les
traitements visent à traiter une maladie résiduelle
microscopique.
Le traitement consiste en l’association 5FUcisplatine-taxotere, qui induit de meilleurs résultats
que l’association 5FU-cisplatine. La place des
chimiothérapies d’induction reste néanmoins très
débattue, en dehors des cancers du larynx et de
l’hypopharynx (protocole de préservation d’organe, cf.
infra). En effet, plusieurs études de phase III (études
PARAGIGM, DECIDE, Paccagnella) n’ont pas montré de
bénéfice sur la survie globale. Les résultats d’une étude
française de phase III, comparant une chimiothérapie
d'induction par TPF suivie d'une association
radiothérapie-Erbitux® versus une radiochimiothérapie
concomitante chez des patients présentant un
carcinome épidermoïde des VADS localement évolué,
devraient être publiés début 2016 (GORTEC 2007-02).
La préservation d’organe
La préservation d’organe concerne les cancers du
larynx et de l’hypopharynx localement avancés (T3, T4
et T2 non accessibles à une chirurgie partielleLe patient
doit au préalable accepter le principe d’une chirurgie
de rattrapage en cas d’absence ou d’insuffisance de
réponse à la chimiothérapie d’induction. Une lyse
19
Le
cartilagineuse, une atteinte rétro-cricoïdienne, ou une
extension sous-glottique importante représentent des
contre-indications à une préservation d’organe.
est aujourd’hui la référence chez les patients
métastatiques. L’analyse en sous-groupe rapportée
dans cette étude permet de noter deux choses :
Le protocole de référence consiste en l’administration
de trois cures de TPF (docétaxel, cisplatine, 5-FU), avec
réévaluation par endoscopie des VADS sous anesthésie
générale après la deuxième cure afin d’anticiper la suite
du traitement. La diminution du volume tumoral doit
être supérieure ou égale à 50 % et s’accompagner d’une
remobilisation du larynx. La confirmation de la bonne
réponse à la chimiothérapie par l’examen clinique et
l’imagerie après la troisième cure permet de poursuivre
par une radio-chimiothérapie. Dans le cas contraire, le
patient est opéré (laryngectomie totale).
• l’impact de l’association avec le cisplatine sur la
Radio-chimiothérapie concomitante
En dehors des situations de préservations d’organes,
elle est proposée pour les tumeurs localement
avancées non opérables (cas des chirurgies mutilantes,
glossectomie totale), certaines tumeurs oropharyngées
ou en situation adjuvante (post-opératoire), et en
cas de facteurs histopronostiques défavorables. La
chimiothérapie est associée à la radiothérapie en cas
de limite d’exérèse envahie, ou de rupture capsulaire
ganglionnaire.
La molécule utilisée en adjonction de la radiothérapie
dans ces situations est le cisplatine. En cas d’insuffisance
rénale, le cisplatine peut être remplacé par le cetuximab.
Rechute locorégionale, seconde localisation et
maladie métastatique
Le méthotrexate a longtemps été le traitement de
référence, avec des survies médiocres. Les associations
5-FU et sels de platine sont ensuite apparues, avec
de meilleurs résultats, notamment pour l’association
5FU-cisplatine.
Une étude parue en 2008 dans le New England Medical
Journal souligne que l’ajout de cetuximab (thérapie
ciblée par anticorps anti-EGFR) à l’association 5-FUplatine donne des résultats probants, tant en termes
de survie globale que de survie sans progression
tumorale (1). Ainsi, ce protocole, appelé « Extreme »,
Bibliographie
1- Vermorken et al. NEJM. 2008.
20
survie globale est plus fort qu’avec le carboplatine ;
• l’expression
importante ou non des récepteurs
à l’EGF est sans conséquence sur la réponse au
cetuximab, ce qui laisse supposer l’implication
d’autres mécanismes moléculaires dans la réponse
au cetuximab.
Actuellement, une chimiothérapie palliative est
proposée dans les situations de récidive ou de deuxième
localisation en territoire irradié et non accessible à un
traitement local (chirurgie ou réirradiation) ou encore
dans les situations métastatiques. Chez les patients
dont l’état général est conservé, le traitement standard
consiste en l’association cisplatine-5FU-cetuximab,
suivie par le cetuximab en entretien en monothérapie.
En seconde ligne ou chez les patients fragiles, les
chimiothérapies à base de taxanes ou de méthotrexates
peuvent être proposées.
Perspectives
Il serait nécessaire de diminuer la toxicité de certaines
molécules qui, de fait, limitent le nombre de cures
réalisables, mais peuvent également impacter la
suite du traitement (maintien du cisplatine difficile
avec la radiothérapie après trois cycles de cisplatine,
par exemple). En ce sens, le remplacement par du
cetuximab de l’une des trois molécules de l’association
du TPF fait l’objet de nombreuses études. Une étude de
phase II a évalué l’association TP (taxane, cisplatine)
au cetuximab, en situation métastatique, avec des
résultats intéressants (étude TPEx). La phase III compare
le protocole Extreme (cisplatine, 5FU et cetuximab) à
l’association TPEx (taxotere, cisplatine, cetuximab).
Des études spécifiques d’oncogériatrie sont également
en cours afin d’adapter les traitements aux personnes
âgées souffrant de cancers ORL.
Les traitements de deuxième ligne
Réirradiation des cancers ORL
(1)
Pr Sébastien Albert (1), Dr Marc Bollet (2), Dr Benoist Chibaudel (3)
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
(2)
Centre de radiothérapie Hartmann, Levallois-Perret
(3)
Institut Hospitalier Franco-britannique, Levallois-Perret
Présentation rapportée par le Dr Julien Lahmar
La chirurgie de rattrapage dans les cancers des VADS est le
traitement de référence des récidives ou seconds primitifs
en terrain irradié. Cependant, les récidives locorégionales
restent la principale cause de décès après intervention
chirurgicale. Une réirradiation adjuvante réduit
considérablement le taux de récidives locorégionales. Les
premiers essais de réirradiation ont été publiés dans les
années 1980 (1). Ils ont donné, avec des doses de 60 Gy,
des taux de contrôle locorégional de 25 à 60 %.
Cependant, une réirradiation est associée à un taux
significatif de toxicité sévère. Plusieurs essais de phase
II ont montré l’intérêt d’une réirradiation stéréotaxique
hypofractionnée avec des médianes de survie à 1 an de
l’ordre de 50 % avec une bonne tolérance (2). Les critères
sont actuellement encore assez mal définis (petits
volumes [3-4 cm]). Lorsqu’une résection chirurgicale
n’est pas envisageable, une réirradiation à une dose
de plus de 60 Gy associée à un traitement systémique
peut permettre une rémission chez un petit nombre de
patients.
Cependant, le rapport bénéfice-risque est surtout
avantageux sur la maladie microscopique résiduelle.
Un essai de phase II-III randomisé est en cours au sein
de l’Intergroupe ORL (3) pour tester le bénéfice d’une
irradiation bifractionnée avec cetuximab dans le but de
limiter les toxicités sévères.
La radiothérapie en conditions stéréotaxiques semble un
outil bien approprié à une réirradiation. Elle permet, en
effet, de délivrer une pleine dose à un volume cible limité
et parfaitement défini, tout en épargnant au maximum
les tissus sains avoisinants, du fait d’un important
gradient de dose.
Elle offre également un avantage considérable aux
patients, car il n’y a que quelques séances de traitement
au lieu de six semaines pour un fractionnement classique.
Quelle radiothérapie ?
Différentes modalités de radiothérapie ont été examinées
dans les études de ré-irradiation. La dose totale, la dose
par fraction, le fractionnement, l’étalement en split
course (interruption au milieu du traitement) ou en
continu sont des facteurs capables d’influencer l’index
thérapeutique. D’autres études, concernant un nombre
plus restreint de patients, montrent la faisabilité de
la ré-irradiation délivrant une dose totale de 65 à
75 Gy. Ainsi, selon ces études, l’augmentation de la
dose totale de ré-irradiation pourrait permettre une
efficacité plus grande sans augmentation de la toxicité.
Cela est cependant conditionné par l’utilisation d’une
radiothérapie différente de la radiothérapie habituelle
des tumeurs des VADS : le champ d’irradiation est limité
au volume tumoral macroscopique, auquel s’ajoutent
des marges comprises entre 1 et 2 cm, qui peuvent être
réduites pour éviter la moelle épinière, les nerfs optiques
ou un autre organe critique, sans irradiation des aires
ganglionnaires contiguës. Généralement, dans ces études,
la planification du traitement est réalisée selon un mode
3D conformationnel.
Peu de données existent dans la littérature concernant la
relation entre les doses cumulées et les toxicités tardives
de la ré-irradiation avec chimiothérapie concomitante
(RRCC) (4).
Les données existantes doivent être interprétées
prudemment car la plupart des patients qui reçoivent
une RRCC ont souvent subi, dans les études publiées,
des interventions chirurgicales multiples obscurcissant la
détermination des effets tardifs. Les études de phase II
et III permettent de mettre en évidence des taux élevés
de toxicité tardive, dont la fibrose cervicale (31 à 48 %),
l’ostéoradionécrose (5 à 16 %), le trismus (9 à 24 %), et
l’hémorragie carotidienne (2 à 5 %). Concernant la toxicité
nerveuse, aucune plexopathie brachiale n’a été rapportée.
Seul un patient présentant une tumeur immédiatement
à côté de la moelle épinière a expérimenté une myélite
transversale. Ces faibles incidences de toxicité sont
rapportées en dépit d’une dose médiane cumulée de 131
Gy. En outre, les cas de nécrose de cerveau sont rares.
Ces résultats sont conformes aux modèles animaux
démontrant la réparation significative du cordon
médullaire des primates entre la première et la seconde
irradiation (5).
21
Nouvelles techniques
L’IMRT a été évaluée dans les récidives de tumeurs des VADS.
Un taux de survie à deux ans de 37 à 58 % est obtenu dans
une population sélectionnée ré-irradiée à une dose de 40 à
70 Gy avec un taux de contrôle local de 42 à 64 %. Dans
ces études, les échecs du contrôle locorégional sont
considérés comme étant liés à la multifocalité de la
récidive. Il est donc nécessaire d’augmenter la dose
délivrée et le volume de ré-irradiation, ce qui risque en
revanche d’augmenter la toxicité, jusqu’à présent évaluée
comme acceptable.
La ré-irradiation stéréotaxique (6) avec ou sans cetuximab
à la dose de 36 Gy en six fractions de 6 Gy permet
d’obtenir un taux de réponse de 79,4 %, avec 44 % de
réponse complète et 12 % de toxicité grade 3.
Il ressort de ces données que les nouvelles techniques de
radiothérapie représentent une possibilité de traitement
en cas de récidives. Aujourd’hui, ces techniques
permettent d’augmenter les indications de la réirradiation en épargnant davantage de tissu sain. Les
taux de réponses complètes sont comparables entre la
radiothérapie conformationnelle, l’IMRT et la stéréotaxie,
entre 41 et 46 %. Les médianes de survie sont également
proches entre 12 et 13 mois selon les techniques.
Chimiothérapie de deuxième ligne
Entre 5 à 30 % des patients atteints de cancers ORL sont
métastatiques (7). Jusqu’aux années 1980, pour les cancers
ORL récurrents non opérables ou métastatiques, seuls
étaient disponibles le méthotrexate en hebdomadaire, le
5 fluorouracile (5FU) puis le cisplatine en monothérapie.
Ces trois chimiothérapies donnaient des taux de
réponse de 10 à 17 % et une survie globale de six mois.
L’association de cisplatine et 5FU pendant quatre ou cinq
jours toutes les trois semaines a permis d’augmenter les
taux de réponse à environ 30 % sans amélioration de la
survie mais avec une amélioration de la qualité de vie
(diminution des douleurs, des troubles de la parole ou
de l’alimentation), même si les toxicités hématologiques
sont présentes dans 12 à 67 % des cas, des vomissements
dans 18-35 % des cas et des mucites de grade 3-4 pour
13-31 % des patients.
Le cisplatine peut être remplacé par du carboplatine
(toutes les trois semaines) en cas d’insuffisance rénale
mais le taux de réponse (21 %) est inférieur à l’association
à base de cisplatine, avec une médiane de survie de l’ordre
de cinq mois.
L’avènement des taxanes a été un apport majeur, mais
de moindre niveau de preuve que dans les stratégies
d’induction, car les études disponibles en récidive et
métastatiques sont essentiellement des études de phase
II. Le paclitaxel hebdomadaire et le docétaxel donnent des
taux de réponse de l’ordre de 40 % en phase II, avec une
médiane de survie globale de l’ordre de huit mois avec
une bonne tolérance relative. Cependant, en phase III, chez
des patients résistants au cisplatine, les taux de réponse
rapportés sont de moins de 10 % pour une médiane de
survie de six mois. En association au cisplatine, les taux
de réponses peuvent atteindre 50 % et la survie médiane
de dix à 11 mois.
Les années 2000 ont marqué l’avènement du cetuximab,
Figure 1 : Plan d’irradiation IMRT (à gauche) pour un cancer de la parotide droite, comparé à une irradiation conventionnelle (droite). La zone jaune correspond aux zones à hautes irradiations.
22
anticorps anti-REGF. En monothérapie, après échec de
chimiothérapies, le cetuximab hebdomadaire donne un taux
de réponse de 13 % et un taux de contrôle de la maladie de
46 %. La toxicité est à type de diarrhées et réactions cutanées
acnéiformes chez la moitié des patients (dont 1 % de grade
3-4). Une prescription d’anti-diarrhéiques de type
lopéramide, de crèmes hydratantes et de cyclines est
recommandée. En association au cisplatine en phase III,
le taux de réponse était significativement augmenté de
10 à 26 % avec un effet additif sans bénéfice sur la survie.
En 2008, un nouveau standard apparaissait en ORL avec
l’étude de phase III EXTREME : (442 patients randomisés
entre cisplatine et 5FU, quatre jours consécutifs toutes
les trois semaines avec placebo ou cetuximab. Le taux de
réponse était augmenté de 20 à 36 % et la médiane de
survie globale s’élevait de sept à dix mois (HR = 0,80).
Les toxicités cutanées et les réactions allergiques à la
perfusion (3 % de grade 3-4 avec cetuximab) étaient
plus fréquentes. L’association cisplatine-5FU-cetuximab
devenait un standard en première ligne de traitement
chez les patients en bon état général.
Le protocole TPEX, qui est également une association
de trois agents, cisplatine ou carboplatine, le cetuximab
et le taxotère à la place du 5FU, a été étudié dans une
étude de phase II. Les résultats sont encourageants en
termes de réponses (53,8 %), de médiane de survie (14
mois) et de tolérance. Cette association pourrait s’avérer
supérieure au protocole EXTREME et une étude de phase
III comparant les deux schémas est à l’étude.
Perspectives du traitement de la récidive
métastatique
Les perspectives concernant le traitement des récidives
métastatiques s’appuient, d’une part, sur l’évaluation des
traitements multimodaux et, d’autre part, sur l’apport
des nouveaux agents systémiques appartenant à la classe
des thérapies ciblées.
Le traitement multimodal, associant traitement local
et traitement de la ou des localisations métastatiques,
est aujourd’hui une perspective en cours d’évaluation.
L’amélioration de la qualité de la prise en charge des
patients, la qualité et la disponibilité des examens
d’imagerie permettent en effet d’envisager chez un
certain nombre de patients qui présentent une récidive
métastatique ou bifocale, comme cela est aujourd’hui
proposé parfois pour le traitement de la maladie première,
l’association d’une chirurgie et/ou d’une radiothérapie
sur le site primitif et une chirurgie ou une radiothérapie
stéréotaxique sur le site métastatique. Plus encore
que pour le traitement premier, l’évaluation de l’index
bénéfice-risque doit être rigoureuse.
Conclusion
La place de la chimiothérapie dans le traitement des
cancers des VADS est en pleine évolution. Les prochaines
années devraient être extrêmement fécondes dans le
développement de nouvelles stratégies de traitement
curatif des cancers des VADS grâce aux progrès réalisés
dans les techniques chirurgicales ou radiothérapiques,
dans les possibilités de chimiothérapies, de thérapies
ciblées et dans le maniement d'outils de diagnostic en
imagerie et en biologie moléculaire. Il sera essentiel de
réaliser des essais pertinents cliniquement, en tenant
compte du double impératif du contrôle de la maladie
locorégionale et de la qualité de vie optimale.
Bibliographie
1 Emami B., Bignardi M., Spector G.J., Devineni V.R., Hederman M.A. Reirradiation of recurrent head and neck cancers Laryngoscope 1987 ; 97 : 85-88
2 Spencer S.A., Harris J., Wheeler R.H., Machtay M., Schultz C., Spanos W., et al. Final report of RTOG 9610, a multi-institutional trial of reirradiation and chemotherapy for unresectable recurrent
squamous cell carcinoma of the head and neck Head Neck 2008 ; 30 : 281-288
3 Évolution des concepts dans les cancers des voies aérodigestives supérieures, sous l’égide de l’Intergroupe ORL (GORTEC, GETTEC, GERCOR) J. Thariat, F. Jegoux, Y. Pointreau, J. Fayette, P. Boisselier,
P. Blanchard, M. Alfonsi, A. Aupérin, E. Bardet, R.-J. Bensadoun, P. Garaud, L. Geoffrois, P. Graff, J. Guigay, F. Janot, M. Lapeyre, J.-L. Lefebvre, L. Martin, S. Racadot, F. Rolland, C. Sire, Y. Tao, C. Tuchais,
B. Chibaudel, M.-H. Girard-Calais, A. Cornely, N. Vintonenko, G. Calais, D. De Raucourt, J. Lacau Saint-Guily, J. Bourhis
4 Sulman E.P., Schwartz D.L., Le T.T., Ang K.K., Morrison W.H., Rosenthal D.I., et al. IMRT reirradiation of head and neck cancer-disease control and morbidity outcomes Int J Radiat Oncol Biol
Phys 2009 ; 73 : 399-409 Langer C.J., Harris J., Horwitz E.M., Nicolaou N., Kies M.,
5 Curran W., et al. Phase II study of low-dose paclitaxel and cisplatin in combination with split course concomitant twice-daily reirradiation in recurrent squamous cell carcinoma of the head and
neck: results of Radiation Therapy Oncology Group Protocol 9911 J Clin Oncol 2007
6 Unger K.R., Lominska C.E., Deeken J.F., Davidson B.J., Newkirk K.A., Gagnon G.J., et al. Fractionated stereotactic radiosurgery for reirradiation of head and neck cancer Int J Radiat Oncol Biol
Phys 2010
7 Chimiothérapie et thérapeutiques ciblées dans le traitement des cancers des voies aérodigestives supérieures (lymphome malin exclu) F. Espitalier , C. Ferron , S. Sachot-Lebouvier , R. Wagner ,
J. Lacau Saint-Guily, C. Beauvillain de Montreuil Doi : 10.1016/S0246-0351(12)41899-2
23
Séquelles des traitements en cancérologie ORL
Pr Sébastien Albert
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
Présentation rapportée par le Dr Julien Lahmar
Introduction
La survie en cancérologie ORL a pu s’améliorer ces dernières années grâce à de formidables avancées techniques, tant
dans les champs de la chirurgie et de la radiothérapie que dans celui de l’oncologie médicale.
Les cancers ORL nécessitent des thérapeutiques responsables de complications et de séquelles importantes. Ces
complications des traitements carcinologiques sont très nombreuses et variées. Elles touchent le patient mais également
l’entourage du patient, de façon importante. Elles altèrent la qualité de vie par les séquelles physiques (cicatrices
multiples, défects de tissus osseux, musculaire, cutané ou dentaire) et fonctionnelles (déglutition, phonation, mobilité
cervicale, atteintes sensorielles) qu’elles engendrent mais aussi par leurs conséquences sur les plans psychologique
(dépression réactionnelle) et social (travail, communication, élocution, audition, toucher, sexualité).
Ces complications peuvent être locorégionales mais également générales, liées aux traitements oncologiques
médicaux. Bien connaître les complications des traitements permet de prévenir et de réhabiliter les traitements en
cancérologie ORL.
Cette prise en charge doit se faire de façon multidisciplinaire, grâce à une équipe réunissant des ORL, oncologues,
médecins traitants, radiologues, gastroentérologues, nutritionnistes, spécialistes de la douleur, odontologues,
plasticiens, rééducateurs, psychologues, orthophonistes, kinésithérapeutes, infirmières, diététiciennes, assistantes
sociales.
La qualité de vie est une grandeur subjective multidimensionnelle qui doit être prise en compte par des échelles
couvrant un large éventail d’items dans de multiples domaines (physique, cognitif, social, fonctionnel, émotionnel,
financier), comme l’échelle EORTC (organisation for research and treatment of cancer) ou l’échelle QLQ-C30 (quality
of life questionnaire).
Complications et séquelles de la chirurgie
Séquelles phonatoires et respiratoires
Les troubles phonatoires des traitements des cancers des
voies aérodigestives sont très fréquents. Les cancers de la
cavité buccale et de l'oropharynx altèrent l'articulation et
le volume des cavités de résonance. Les cancers du larynx
sont responsables de séquelles, aux conséquences sur la
production du signal sonore (vocalisation) mais aussi sur
la communication et la qualité de vie.
Mastication
La mastication est un phénomène dont la fonction
principale est de préparer la texture du bol alimentaire.
Elle implique une synergie entre toutes les structures
de la cavité buccale. Cette fonction est dépendante de
la capacité de contraction des muscles ptérygoïdiens, du
contact dentaire et de la capacité linguale à positionner
le bol alimentaire de façon adéquate.
Le trismus est la principale complication concernant
la mastication. Il survient le plus souvent lorsque les
24
muscles ptérygoïdiens ont été chirurgicalement réséqués
partiellement ou totalement. Cette fibrose peut-être
considérablement augmentée par la radiothérapie. Le
traitement doit être débuté de façon précoce. Il consiste
en la mobilisation douce sur l'amplitude mandibulaire
afin de limiter la fixation par la fibrose.
Toutes les thérapeutiques comportant une amputation
linguale entraînent le risque de trouble de mastication.
Lors d’une résection linguale, il est nécessaire d'envisager
la possibilité de reconstruction afin de préserver
la mobilité. La préservation du nerf hypoglosse est
également un facteur important, constituant un contre
appui lors de la mastication.
La dentition est un problème important lors du traitement
des cancers ORL.
Elle doit faire l’objet d’un diagnostic précis et bénéficier
d’un suivi avant, pendant et après l’ensemble des
traitements afin de prévenir une ostéo-radionécrose
mandibulaire.
Les caractéristiques des cicatrices inesthétiques sont
nombreuses (échelle de perroquet, cicatrice décalée,
dépression cicatricielle, cicatrice adhérente, cicatrice
dyschromique, élargissement cicatriciel par défaut de
maintien, cicatrice rétractile, bride rétractile, cicatrice
glabre). Il convient de bien différencier une cicatrice
hypertrophique d’une chéloïde. Même si ces deux
cicatrices pathologiques ont pour point commun d’être
des cicatrices dont la rougeur (hyperplasie) tend à
persister au-delà d’un an, la cicatrice hypertrophique a
pour particularité de régresser spontanément avant 18
mois.
Figure 1 : Aspect dentaire après radiothérapie.
Déglutition
Les cancers des voies aériennes digestives supérieures
sont la première cause des troubles de déglutition en
France. Le traitement chirurgical, qui modifie l'anatomie
du carrefour aérodigestif, de même que la section d'une
ou de plusieurs structures impliquées dans la motricité et
dans la sensibilité du carrefour des vois aérodigestives, va
entraîner un trouble de la déglutition.
Les conséquences peuvent aller de la simple dysphagie
à la fausse route gravissime impliquant un risque
vital. L’alimentation doit être réalisée par une sonde
nasogastrique exclusive pendant le temps de cicatrisation
nécessaire (en moyenne entre 15 et 30 jours).
La surveillance des patients est indispensable. Il est
nécessaire de prévenir et de dépister la survenue de ces
fausses routes lors de la surveillance à court, moyen et
long termes.
La surveillance comprend des conseils diététiques
(section des aliments, adaptation des textures) et un avis
orthophonique précoce, qui doit être au mieux débuté en
post opératoire.
La kinésithérapie broncho-pulmonaire avec toux efficace
limitant le risque de surinfection pulmonaire doit être
réalisée également en post opératoire immédiat.
Séquelles esthétiques
Une cicatrice est la partie visible d'une lésion du derme
après que le tissu se soit réparé, à la suite d'une incision
effectuée au cours d'une opération ou à la suite d'une
blessure.
La cicatrisation se déroule sur 12 à 24 mois. L’évolution
d’une cicatrice étant imprévisible, il ne faut jamais
envisager de reprise chirurgicale avant un an d'évolution.
Figure 2 : Aspect de cicatrice hypertrophique deux mois après une
chirurgie d'un cancer de la thyroïde.
La cicatrice chéloïde, quant à elle, persiste indéfiniment et
peut même évoluer dans le temps. Ainsi, entre un an
et 18 mois, une cicatrice rouge et surélevée indique un
diagnostic de cicatrice hypertrophique. Si au-delà de 18
mois, la cicatrice apparaît comme de plus en plus épaissie,
sans phase aucune d’aplanissement, il s’agit d’une
cicatrice chéloïde.
Complications et séquelles de la Radiothérapie
La radiothérapie induit de nombreuses complications sur les
voies aériennes digestives supérieures. Ces complications,
précoces ou tardives, dépendent de la dose délivrée (plus
importantes lorsque la dose est supérieure à 65 Gray),
du volume traité, de la technique de fractionnement et
de la modalité d’irradiation. L’utilisation de traitements
concomitants (chimiothérapie) influe également sur ces
complications.
La radiothérapie de la cavité buccale provoque des
séquelles de nombreuses structures.
Elle atteint les glandes salivaires (xérostomie chronique),
25
que le port de gouttière fluorée et de gel dentaire. Ces
traitements sont nécessaires afin de prévenir le risque
d’ostéoradionécrose mandibulaire (complication grave).
Le traitement curatif de cette complication est un
protocole (Pentoclo : pentoxifylline + tocophérol puis
+ biphosphonate (clonodate) +/- antibiothérapie).
L’efficacité du traitement par oxygénothérapie hyperbarre
est discutée.
Le traitement chirurgical survient en dernier recours
lorsque l’os mandibulaire est nécrosé. Il est nécessaire de
reséquer l’os nécrosé complétement. Il est impératif de
reconstruire (par des lambeaux de péroné ou de scapula)
ces défects osseux, après avoir vérifier la couverture
muqueuse complète de l’os mandibulaire.
Figure 3 : Cicatrice chéloïde 2 ans après une chirurgie d'un cancer de la
thyroïde.
Complications et séquelles de la chimiothérapie
La chimiothérapie peut être utilisée en cancérologie des
VADS en induction, en concomitance avec la radiothérapie
et en situation de récidive ou d’évolution métastatique.
Lorsqu’une chimiothérapie est indiquée, il est impératif
d’évaluer l’état clinique (score OMS) et de prendre en
considération les antécédents des patients. Il existe de
nombreux effets secondaires propres à chaque agent,
certains pouvant évoluer vers des complications avec
séquelles définitives.
Les séquelles spécifiques
Les complications des chimiothérapies ORL habituelles
sont essentiellement hématologiques (neutropénie,
thrombopénie, l’anémie) et digestives (nausée et
vomissements, diarrhées, mucite chimio-induite). Sans
Figure 4 : Séquelle cicatricielle d’un lambeau libre musculo-cutané.
la langue (dysgueusie), les dents (dévascularisation
jusqu’à la nécrose cutanée tardive). Elle peut atteindre
les tissus kératinisés et cutanés (dépigmentation de la
peau, alopécie, dépilation), les tissus nerveux, musculaires
(fibrose, rétraction, spasmes cervicaux par atteinte du
muscle sterno-cléïdo-mastoïdien et des muscles scalènes,
et ptérygoïdiens (mastication)) et nerveux (racines,
plexus, nerfs périphériques, moelle épinière, cerveau).
La radiothérapie de la cavité buccale peut également
atteindre le tissu thyroïdien et induire une hypothyroïdie
lorsque la dose est supérieure à 30 Grays.
Le traitement est avant tout préventif. Il comporte
une prise en charge stomatologique, qui inclut des
soins dentaires et l’avulsion des dents infectées ainsi
26
Figure 5 : Radiodermite cervicale secondaire à une radiothérapie pour un
cancer de la parotide gauche.
sous-estimé. Ce risque est dose-dépendant, direct, agit sur
l’oreille interne (organe de Corti) et provoque une surdité de
perception bilatérale irréversible prédominant sur les aigus.
La douleur
La douleur est définie comme « une expérience sensorielle et
émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire
réel ou potentiel ou décrite en termes d’un tel dommage ».
La douleur en cancérologie des voies aéro-digestives
supérieures est souvent un symptôme de découverte de
la tumeur. Dans la majorité des cas, le traitement et la
guérison du cancer vont permettre d’atténuer voire de faire
disparaître cette douleur. Sa persistance, sa réapparition, ou
sa modification doit avant tout faire évoquer une poursuite
évolutive ou une récidive de la maladie.
Figure 6 : Ostéoradionécrose mandibulaire.
être exhaustif, il existe des complications spécifiques comme
un vasospasme coronarien, une névrite optique rétrobulbaire
par le 5 fluoro uracile (3 à 5 %), une hypersensibilité
allergique immédiate ainsi que des troubles du rythme
au Docétaxel (14%), des pneumopathies interstitielles au
cetuximab ou encore des troubles oculaires par le cisplatine.
Elles nécessitent une prise en charge rapide, elles peuvent
être graves voire létales et conduire à l’arrêt du traitement.
En cas de traitement par cisplatine à forte dose (plus de 500
mg/m²) chez le patient jeune, il convient de réaliser une
cryoconservation des gamètes.
Séquelles rénales
Les platines et le méthotrexates à hautes doses peuvent
entraîner une néphrotoxicité à type de tubulopathie. Cette
toxicité est présente à partir des doses de 50 mg/m² et peut
être précoce (dans les 24 premières heures). Elle peut être
variable mais peut concerner près de 20 % des patients. Le
traitement dépend du stade de gravité, pouvant nécessiter
dans certains cas une hémodialyse. La prévention consiste en
un bilan rénal avant chaque administration de produit, une
hyperhydratation avant l’administration du médicament,
une élimination des produits néphrotoxiques en évitant
les scanners injectés ; enfin, on privilégie une perfusion à
une vitesse de 1 mg/min, on calcule la dose cumulée de
cisplatine (ne pas dépasser 600 mg/m²), et on utilise le
carboplatine en alternative du cisplatine, en prenant soin
d’éviter son utilisation chez les sujets âgés de plus de 70 ans.
Séquelles auditives
L’ototoxicité est l’un des effets secondaires les plus fréquents
des platines : le risque s’élève à 60 % et est probablement
Même en cas de guérison complète, les traitements utilisés
restent lourds (chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie)
et peuvent être à l’origine de séquelles esthétiques,
fonctionnelles, psychologiques et douloureuses. Toutes ces
composantes entrent en jeu dans l’évaluation et la prise en
charge des douleurs induites par les traitements
Les douleurs induites par le traitement des cancers des VADS
sont particulièrement complexes et multidimensionnelles.
Elles comportent des composantes nociceptives,
neuropathiques et mixtes, en de multiples sites. Une
souffrance psychique spécifique, liée aux perturbations
des fonctions essentielles (langage, déglutition, atteinte de
l’image corporelle) et à leurs conséquences psychosociales,
est constamment associée. Établir un diagnostic précis des
rôles respectifs de ces mécanismes, relevant chacun de
traitements spécifiques, est essentiel pour parvenir à être
efficace.
Conclusion
Les cancers ORL nécessitent des thérapeutiques lourdes qui
induisent de nombreuses complications. Les complications
des traitements carcinologiques sont très nombreuses
et variées et peuvent survenir au début de la phase du
traitement jusqu’à de nombreuses années lors de la
surveillance. Leurs prises en charge doivent se faire de
façon multidisciplinaire (ORL, oncologue, médecin traitant,
radiologues, gastroentérologues, nutritionnistes, spécialiste
de la douleur, odontologue, plasticien, rééducateur,
psychologue, orthophoniste, kinésithérapie, infirmières,
kiné, diététicienne, assistante sociale) et s’inscrire dans la
prévention, le dépistage, le diagnostic et le suivi au cours de
toutes les différentes phases de traitement du patient.
Bibliographie :
1 Complications et séquelles des traitements en cancérologie ORL, rapport de la société française d’ORL et de chirurgie cervico-faciale F.Chabolle
27
Surveillance post-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes des voies
aérodigestives supérieures de l’adulte
Dr Jean-Pierre Cristofari
Service ORL et CCF, Hôpital Bichat AP-HP, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris cité
Présentation rapportée par le Dr Julien Lahmar
La surveillance des patients traités pour un cancer des voies aérodigestives supérieures (VADS) est un élément essentiel
de leur prise en charge et doit être coordonnée au mieux par le médecin traitant. Elle fait également intervenir de
nombreux soignants dans la rééducation et la prise en charge globale de ces patients.
Bilan carcinologique post-traitement
L’évaluation post-thérapeutique est un volet essentiel
dans la prise en charge de la maladie cancéreuse dans le
but de dépister un événement cancérologique à un stade
précoce pour le traiter dans les meilleures conditions à
visée curative.
Les standards, options et recommandations pour le
diagnostic, le traitement et la surveillance des cancers
épidermoïdes de l’oropharynx précisent le calendrier de
surveillance « tous les 3 mois la première année ».
L’interrogatoire est un temps essentiel à la recherche
de signes fonctionnels notamment l’apparition de
douleurs traduisant une extension profonde éventuelle.
L’examen clinique ORL est un élément fondamental dans
toute la littérature en raison de la fréquence des échecs
locorégionaux et de la nécessité d’évaluer séquelles et
complications thérapeutiques. Il permettra d’évaluer avec
le patient ses besoins en termes de rééducation de la voix,
de la déglutition, de la mobilité de l’épaule et d’adapter la
prise en charge diététique et le suivi des facteurs de risque.
La radiographie pulmonaire ne fait pas partie des examens
de routine pour le premier contrôle après traitement ; elle
est justifiée en cas de signes d’appel.
L’échographie cervicale, examen fiable et peu coûteux, de
réalisation aisée et non invasive, a été évaluée dans un
certain nombre de travaux. La surveillance ganglionnaire
par échographie garde un intérêt dans l’évaluation des
cous N0 non traités à condition d’être pratiquée par un
opérateur expérimenté. Cet examen peu coûteux et non
invasif reste moins performant que le scanner.
Le scanner dans les cancers pharyngolaryngés est préconisé
systématiquement dans les six premiers mois voire dès
le premier mois après traitement. Il est plus performant
que l’examen clinique seul, notamment chez les patients
irradiés.
L’utilisation de la TEP (tomographie par émissions de
28
positons) en cancérologie est reconnue pour la recherche
des poursuites évolutives locorégionales. Des travaux
comparatifs prospectifs sont nécessaires pour évaluer la
place du TEP scanner dans la surveillance pour préciser à
quel moment l’examen doit être réalisé.
En pratique, peu d’équipes réalisent une surveillance
systématique par imagerie, mais celle-ci peut se discuter
pour des patients pour lesquels il reste une technique
curative (préservation d’organe), chez les patients dont la
surveillance clinique et endoscopique est difficile (séquelles
de radiothérapie, patient ayant un réflexe nauséeux
important ou très pusillanime) pour servir d’examen de
référence pour les examens ultérieurs éventuels.
Les examens biologiques ne font l’objet d’aucun consensus
dans la littérature au stade du premier bilan. À ce jour,
aucun marqueur sérique n’a fait la preuve de son intérêt
dans le suivi.
Récidives locales, régionales, des métastases et
métachrones
Le dépistage des récidives locales et ganglionnaires ainsi
que des deuxièmes localisations dans les cancers des VADS
est un enjeu essentiel de la surveillance.
Le taux de récidives locorégionales des cancers des VADS
traités dans un but curatif varie de 15 à 35 % selon les
études. Ces récidives sont plus souvent locales, dans
environ deux tiers des cas, que ganglionnaires. Les récidives
surviennent dans la très grande majorité (plus de 90 %
des cas) pendant les 3 ans qui suivent le traitement de la
tumeur initiale.
Tous les auteurs constatent que le taux de rattrapage
des tumeurs est uniquement élevé pour les patients qui
ont bénéficié d’une seule modalité de traitement. Ils
recommandent une surveillance intensive chez les patients
pour lesquels une seule thérapeutique a été utilisée car ils
peuvent bénéficier en cas de récidive d’une thérapeutique
à visée curative.
La consultation systématique comprend un interrogatoire
orienté sur les symptômes évocateurs de la récidive
locorégionale et un examen clinique complet. La surveillance
post thérapeutique, à la recherche de récidive, doit donc
être organisée avec des consultations systématiques mais
doit permettre, chez des patients informés, la possibilité
de consultations supplémentaires en cas de survenue de
symptômes pouvant évoquer une récidive.
Une localisation néoplasique est dite métachrone d’un cancer
des VADS lorsque son diagnostic est porté au moins six mois
après le diagnostic de ce dernier.
Tous les patients présentant un cancer des VADS sont
généralement considérés comme ayant un risque important
de deuxième cancer. La plupart des études évalue ce risque
entre 2 et 4 % par an voire 6 % durant une longue période
après le traitement initial (10 ans voire plus), ce qui en fait un
facteur majeur du pronostic. Alors que dans les trois premières
années, le risque essentiel est la récidive locale, passé ce délai,
la surveillance doit se focaliser sur le dépistage d’une deuxième
localisation dont le risque ne décroit pas dans le temps.
Le tabac et l’alcool sont des facteurs de risque importants de
cancer des VADS retrouvés dans toutes les études. Les avis sont
également unanimes sur l’incidence de l’arrêt de l’intoxication
du tabac et la survenue d’un deuxième cancer. Facteurs
nutritionnels : des études épidémiologiques ont montré que
certains aliments (légumes et fruits) ou nutriments (vitamine
C et carotènes) diminuaient le risque de cancer des VADS
et notamment de manière importante (jusqu’à 70 %) les
deuxièmes localisations chez les patients atteints de cancer de
la cavité buccale ou du pharynx.
Ce second cancer peut survenir, en premier lieu, au niveau des
VADS ou à distance avec deux sites privilégiés que sont les
poumons et l’œsophage. Le risque d’un second cancer est plus
important chez les patients qui poursuivent un tabagisme actif
et une intoxication éthylique après traitement de la tumeur des
VADS.
L’incidence moyenne des métastases dans le suivi des cancers
des VADS est de 11,8 %. Les organes les plus fréquemment
affectés sont, par ordre décroissant : le poumon, le squelette
osseux et le foie. Dans 80 % des cas il existe un seul site
métastatique : le poumon. Les localisations osseuses et
hépatiques sont exceptionnellement isolées et sont à 97 %
des cas associées à des localisations pulmonaires. 85 % des
métastases sont diagnostiquées dans les deux ans qui suivent
le diagnostic de la tumeur initiale (niveau 4). La médiane
d’apparition du premier site métastatique est de dix mois.
La découverte d’une métastase tardive doit faire rechercher un
autre cancer primitif.
Objectifs non carcinologiques de la surveillance
L’évaluation non carcinologique de la surveillance des patients
traités d’un carcinome épidermoïde des VADS comprend
l’analyse des fonctions physiologiques de respiration, de
déglutition, de phonation et des modifications morphologiques
neuromusculaires et esthétiques. Les modifications engendrées
par les différents traitements sont importantes et altèrent
durablement la qualité de vie des patients.
À côté de l’aspect réaliste lié à la rentabilité de la recherche
d’une récidive, d’une métastase ou d’une deuxième localisation,
le maintien d’une surveillance revêt aussi d’autres dimensions :
apporter un support psychologique nécessaire au patient après
un traitement majeur voire invasif, juger de l’appréciation de
l’intégration sociale ou professionnelle et de la recherche de
l’abstinence addictive, mais également assurer le suivi lié au
terrain socio-économique défavorisé et à l’intoxication alcoolotabagique. Une surveillance régulière permet par conséquent
de ne pas perdre de vue ces patients souvent sous-médicalisés.
Chez les patients irradiés, les effets tardifs suivants peuvent
être observés : hyposialie, altérations dentaires et gingivales,
fibrose cervicale. Ils peuvent engendrer des difficultés de
mastication et de nutrition, et avoir un impact sur la qualité
de vie. L’éducation du patient à une bonne hygiène dentaire
et à la nécessité d’une prophylaxie fluorée quotidienne après
le traitement est essentielle. Il n’y a pas de consensus sur le
rythme des contrôles dentaires, mais au vu de la littérature
des expériences personnelles, on propose un examen dentaire
biannuel.
L’appréciation de l’état général dans le cadre du suivi
carcinologique correspond à l’état de bonne santé de la
définition OMS. Elle correspond, pour bon nombre de patients,
à une problématique médicopsychosociale.
Outre une surveillance de l’état respiratoire et cardiovasculaire,
une attention très particulière devra être portée à l’état général
et en particulier au poids du patient.
Dès la période de diagnostic de la maladie, la prise en compte
d’une perte de poids est un élément important dans la décision
thérapeutique et même dans le pronostic.
La surveillance de la courbe de poids est indispensable durant
toute la phase thérapeutique. Il en est de même après le
traitement et lors du suivi thérapeutique, le poids doit être
consigné à chaque consultation.
Néanmoins, il faudra veiller lors du suivi thérapeutique à ce que
la courbe pondérale se maintienne. En cas de perte de poids,
il est indispensable de donner au patient des compléments
nutritionnels sous forme de boîtes ou poches. Au mieux, il sera
orienté vers une nutritionniste.
Sur le plan psychologique, le patient va devoir vivre avec un
cancer qui engage son pronostic vital. En cas de signes dépressifs,
il est impératif d’éliminer en premier lieu une hypothyroïdie
(dosage de TSH, observée dans 10 à 80 % en fonction du geste
29
No
sur la thyroïde, elle est retrouvée dans 15 à 30 %
en cas d’irradiation seule, et dans 40 à 60 % en
cas d’association chirurgie et radiothérapie).
Il est nécessaire de réaliser une éducation du
patient aux signes d’appels éventuels lors de
chaque consultation, d’insister auprès de lui
pour qu’il se prenne lui-même en charge, d’une
part en surveillant ses apports caloriques et donc
son poids, et, d’autre part, en restant à l’écoute
de tout nouveau signe anormal. Une campagne
de prévention « make sense » organise des
actions de sensibilisation et d’information afin
d’organiser un diagnostic précoce d’un cancer
ORL dans la population générale.
L’accent sera mis en particulier sur la réapparition
de douleurs, d’une gène à la déglutition, d’une
modification de la voix, d’une gêne à la respiration
d’une durée de plus de trois semaines.
Conclusion
La surveillance ne se contente pas de rechercher une récidive, mais évalue le contrôle de la maladie, les séquelles douloureuses et
fonctionnelles du traitement et leur prise en charge, les conséquences psychologiques et leur répercussion sur la qualité de vie, la
survenue de métastases et de deuxièmes localisations coordonnée par les chirurgiens, radiothérapeutes et oncologues médicaux
et le médecin traitant qui ont participé au bilan et au traitement de la maladie.
Bibliographie :
1) Recommandation pour la pratique clinique “ suivi post-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures de l’adulte ” - Société française d’ORL
2) http://makesensecampaign.eu/
30
Nouvelle rubrique
Expertise ORL et médico-légale
Maître Caroline Kamkar
Docteur en Droit, avocat au barreau de Lille
L’évolution de la jurisprudence mais aussi du droit de la
responsabilité médicale en générale met en lumière la
nécessité de développer la formation médico-légale des
praticiens ORL.
La société Amplifon a donc souhaité, par le biais d’une
rubrique médico-juridique co-dirigée par le Professeur
Bruno Frachet (chef de service ORL, Hôpital Rothschild,
Paris - expert judiciaire près la Cour de Cassation), le
Docteur Philippe Courtat, médecin conseil de la compagnie
d’assurance La Médicale de France, et Maître Caroline
Kamkar, avocat au Barreau de Lille, participer activement
à cette formation en y développant l’actualité juridique et
jurisprudentielle.
Il s’agit d’informer et mettre en garde les chirurgiens ORL
en leur permettant d’adapter au mieux leurs pratiques,
toujours au service de la qualité des soins, aux impératifs
juridiques qui s’imposent à eux.
Cette rubrique sera complétée par un module de e-learning
que la société Amplifon développe actuellement et que les
praticiens retrouveront prochainement sur le site Internet
de la société où seront développées les principales questions
juridiques.
Pourquoi cette rubrique ?
Les critiques formulées à l’encontre du règlement
du contentieux chirurgical appellent une réflexion
générale sur le fonctionnement du régime de la
responsabilité et de la délimitation de la faute ou
plutôt des fautes du médecin ORL.
Cette réflexion fait notamment suite à la formation
organisée le 5 mars 2016 par Amplifon au sujet de
la gestion de l’erreur humaine dans le domaine de
l’aviation. Il en est ressorti que si les erreurs et violations
sont clairement définies dans le domaine de l’aviation,
les règles qui régissent la responsabilité des pilotes
ne sont en rien applicables à la responsabilité des
médecins : le droit médical privilégie l’indemnisation
des patients, ce qu’a entériné la loi dite Kouchner du
4 mars 2002.
Le système d’indemnisation des dommages corporels
qui sera confronté, on le sait, aux besoins futurs des
victimes, rencontre d’ores et déjà ses limites, ne
sachant plus s’il convient de poursuivre dans la voie
d’une meilleure protection des victimes ou si un trop
haut niveau de protection ne risque pas de dissuader
les praticiens de poursuivre leur activité.
© iStockPhoto-Feverpitched
Le droit occupe désormais une place
incontournable dans la pratique médicale ; l’ORL
n’y fait pas exception.
31
La question de l’immersion du droit dans la sphère
chirurgicale est étroitement liée à l’évolution et à la
construction de la relation de soins.
Depuis une cinquantaine d’années, du fait des prouesses
techniques, les accidents appellent une réponse en
termes de réparation et souvent de responsabilité.
Corrélativement, la dérive majeure est l’opposition
opérée entre les patients et les chirurgiens ; il semble
admis que c’est en aggravant les conditions d’exercice
des praticiens que seront affirmés les droits des
victimes. Dans un tel contexte, est-il concevable de
plaider pour une responsabilité chirurgicale équilibrée
par la délimitation raisonnable de la faute, sans être
accusés d’indifférence au sort des victimes ?
Avant même une qualification juridique, les faits
font l’objet d’une expertise médicale
Dans ses travaux relatifs à la distinction entre la faute
et l’erreur en matière de responsabilité médicale,
Jean Penneau souligne que « l’erreur ne peut être que
le cadre général à l’intérieur duquel, dans un certain
contexte, la faute s’individualise ». La distinction, certes
subtile, est pourtant bien réelle car la faute, même la
plus légère, ne peut exister que là où une règle a été
violée ; l’expert précisera en quoi elle l’a bien été.
En collaborant à solutionner les différentes hypothèses,
l’expert précise les « données acquises de la science »,
ce qui confère à sa fonction une réelle autorité dont il
devra user avec prudence.
En effet, l'expert doit avoir conscience qu'avec chacune
de ses décisions se bâtit le régime de la responsabilité
médicale dans son ensemble.
En définitive, la question de l’expertise est une
préoccupation collective des membres d’une même
spécialité, soucieuse de clarifier l’application du
régime de la responsabilité juridique qui la concerne.
Pourtant, la liste des experts publiée dans les rapports
d’activité de la Commission nationale des accidents
médicaux est révélatrice d’une véritable carence dans
des spécialités par ailleurs exposées à la réalisation du
risque, donc aux procès. Le désintérêt pour l’expertise
est ici aussi inquiétant que surprenant.
Inquiétant parce que la complexité des situations issues
de la pratique chirurgicale appelle un regard très précis
et très compétent que seul un spécialiste, praticien
assidu de la matière pourra apporter. Surprenant, parce
que ces mêmes spécialistes sont aujourd’hui victimes
du déséquilibre du régime de la responsabilité civile
qu’ils dénoncent.
La démarche étant la comparaison des faits à la norme,
la place de l’expertise médicale dans la procédure
contentieuse s’est progressivement affirmée jusqu’à
en devenir la clé de voûte.
Critiquer le régime de la responsabilité juridique sans
s’intéresser directement et personnellement à la
question de l’expertise revient à moucher la lampe
sans y mettre d’huile.
La matière très hermétique aux non-initiés fait que
les chirurgiens eux-mêmes s’imposent comme les
critiques les plus qualifiés. D’ailleurs, il n’est pas
négligeable de noter que l’intervention des pairs peut
être identifiée très tôt dans la procédure. En effet,
combien de fois le patient a-t-il été alerté d’une prise
en charge douteuse par un « second avis » ? Décider
d’engager une procédure et rencontrer un avocat
sont des démarches qui ne se font pas à la légère et
se révèlent très souvent fondées sur des arguments
médicaux fournis au patient par un « confrère ».
L’action est alors légitimée par le sentiment d’injustice
de la victime et l’intime conviction qu’il a pu se forger.
L’avocat et l’expert se sont donc réunis
L’intérêt de l’éclairage scientifique et technique doit,
en second lieu, être analysé au niveau du régime de
responsabilité. En effet, si les analyses de l’expert
orientent les solutions jurisprudentielles, elles influent
sur la qualification des faits.
32
Si Médecine et Droit se sont longtemps mutuellement
ignorés, les patients les ont progressivement
rapprochés. D’abord et jusqu’à une époque récente, les
seuls points de rencontres furent les tribunaux dans un
cadre strictement contentieux. Désormais, impulsée
par l’évolution du droit médical, la question de la
formation et de la prévention prend toute sa place.
En effet, l’évolution des deux disciplines impose une
collaboration qui dépassera le « jeu des subjectivités ».
Cette démarche, illustration d’un progrès, implique
prioritairement un dialogue entre chirurgiens et
juristes car la situation est toujours celle que décrivait
le Professeur André Tunc en 1966 lors du congrès
de morale médicale : « Vous pouvez certes, vous
plaindre de nous. Mais quels que soit notre respect pour
l’ensemble de votre profession, pouvons-nous renoncer
devant vous à notre mission ? ». Assurément non.
Quoi de neuf en ORL ?
Dr Isabelle de Gaudemar, Phnom Penh, Cambodge
Le microbiote nasal a un rôle important dans la colonisation par staphylocoque doré résistant à la méticilline
http://www.univadis.fr/medical-news/41/Le-microbiote-nasal-a-un-role-important-dans-la-colonisation-par-staphylocoque-dore-resistant-a-la-meticilline
© Ezume Images-fotolia.com
La colonisation nasale par un Staphylococcus aureus
(SA) qui est le plus souvent résistant à la méticilline
(SARM), multiplie par un facteur allant de 3 à 13 le risque
d’infection à ce même germe.
Une équipe américaine du Colorado a comparé les
microbiotes nasaux des porteurs chroniques de SA à
ceux de sujets sains.
L’analyse du microbiote nasal a été effectuée par PCR,
séquençage de l’ARN, et culture en présence de SARM.
Plusieurs micro-organismes trouvés dans le microbiote
nasal étaient associés à l'absence de colonisation
par SARM, malgré une exposition importante au
staphylocoque notamment des bactéries comme
Streptococcus mitis et Lactobacillus gasseri.
Pourrait-on imaginer un traitement probiotique nasal pour lutter contre le portage nasal chronique de SARM ?
Les sourds vulnérables face aux violences et à la dépression
http://www.lepoint.fr/societe/les-sourds-vulnerables-aux-violences-et-a-la-depression-15-12-2015-1990129_23.php
Une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) démontre que les sourds et les malentendants
sont nettement plus susceptibles de concevoir des idées suicidaires, de faire des tentatives de suicides et de subir des
violences, y compris sexuelles, que les personnes entendantes.
Cette étude porte sur 3 000 personnes sourdes ou malentendantes de plus de 15 ans.
Les pensées suicidaires étaient 5 fois plus fréquentes et les tentatives de suicides 3 fois plus importantes.
Selon le BEH, plus de 5 millions de personnes souffrent d’un handicap auditif en France. Seules entre 1 à 1,1 millions de
personnes étaient appareillées en 2008, alors que 2 millions déclaraient en avoir besoin.
Des larmes de sang telle une madone
http://www.mediscoop.net/index.php?pageID=28f6d0fceca51be5f447eb8b7c624a30&midn=7983&from=newsletter
Une jeune fille de 14 ans, présentant des saignements intermittents unilatéraux de l’œil, du nez et de la bouche, a subi
une longue errance médicale avant que le diagnostic de localisation lacrymale et nasale d’endométriose soit établi.
L’IRM a permis de confirmer la localisation lacrymale de la maladie. Le traitement par oestroprogestatif est partiellement
efficace. Cette maladie est extrêmement douloureuse et handicapante et cette localisation exceptionnelle.
Le chanteur du groupe de rock AC/DC risque la surdité
http://www.egora.fr/sante-societe/people/208516-le-chanteur-dacdc-risque-la-surdite
Le chanteur Brian Johnson du groupe australien AC/DC risquait de devenir totalement sourd s'il continuait de se
produire sur scène. Dans un communiqué publié sur leur site Internet, le groupe indique que les médecins ont conseillé
à Brian Johnson d’interrompre immédiatement sa tournée prévue aux États-Unis.
33
Une oreille ouvre la voie aux organes imprimés en 3D
© Wake Forest Institute for Regenerative Medicine
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/02/18/24641-oreille-ouvre-voie-organes-imprimes-3d
Des chercheurs américains ont mis au point une imprimante
3D permettant de construire un organe de forme complexe
comme un pavillon d’oreille humaine biocompatible.
Il s’agit d’un exploit technologique car il a dû répondre
à de nombreux défis comme l’obtention d’une texture
suffisamment ferme, le maintien en vie des cellules humaines
utilisées grâce à l’utilisation d’une structure en polymère
criblée de mini-canules recouverte d’un gel à base d’eau
contenant les cellules qui, ainsi, ne sont pas écrasées.
Cette ébauche d’oreille a été implantée sous la peau d’une
souris où la structure fondamentale s’est peu à peu désagrégée
pour laisser à la place des protéines produites par les cellules.
Des vaisseaux sanguins et des nerfs se sont développés autour
de la structure.
Cet exploit ouvre la perspective d’imprimer des tissus humains et des organes implantables.
Trop de bruit dans les unités de soins intensifs
https://www.google.com/search?client=safari&rls=en&q=Tainter+C+et+coll.+:+Noise+Levels+in+Surgical+ICUs+Are+Consistently+Above+
Recommended+Standards%0A%0ACrit+Care+Med.,+2016;+44:+147-152&ie=UTF-8&oe=UTF-8
L'OMS préconise, spécifiquement pour les hôpitaux, un bruit de fond ne dépassant pas les 30 dB pendant le sommeil,
avec des événements sonores ponctuels ne dépassant pas 40 dB.
Les niveaux sonores des alarmes, conjugués aux sons mécaniques des dispositifs périphériques comme les respirateurs
et les pompes de perfusion dans 2 unités de soins chirurgicaux intensifs, ont été mesurés sur une période de 6 semaines.
Les niveaux sonores minimaux mesurés pendant la nuit oscillaient entre 50 et 51 dB.
Toutes les mesures étaient supérieures aux recommandations de l’OMS, malgré la mise en place dans une des deux
unités d’une stratégie d’aménagement de temps calme la nuit avec diminution de l’intensité lumineuse et incitation
du personnel à réduire le bruit entre 23 heures et 5 heures du matin.
L’exposition à ces niveaux sonores élevés est préjudiciable pour les patients fragiles mais également pour le personnel.
L’oreille d’or de Elisabeth Barillé
http://www.grasset.fr/loreille-dor-9782246855750
Élisabeth Barillé est l'auteure de plusieurs romans, récits et biographies, parmi
lesquels, chez Gallimard, Corps de jeune fille (1986), Exaucez-nous ! (1999, Prix
de la Fondation de France), À ses pieds (2006). Et chez Grasset : Une légende russe
(2012) et Un amour à l'aube (2014).
Dans ce récit intime, Elisabeth Barillé évoque son handicap invisible dont elle fait
sa force. Ne pas entendre comme tout le monde, mais entendre autre chose. Ce
handicap qui l’isole mais aussi lui accorde aussi le droit d’être absente, de rêver. Une
surdité qu’elle a toujours dissimulée, d’autant moins discernable qu’elle ne touche
qu’une seule des deux oreilles. « Merci mon oreille morte. En me poussant à fuir
tout ce qui fait groupe, la surdité m’a condamnée à l’aventure de la profondeur… »
34
VHIT ICS IMPULSE
Système de test HIT conçu par les Docteurs
Halmagyi et Curthoys.
Profitez de la référence dans le domaine du VHIT :
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Un peu de divertissement : Les mots croisés des cancers des VADS !
Par le Professeur Bruno Frachet
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HORIZONTALEMENT
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Enlever le carrefour et la suite… en perte de vitesse avec le concept de préservation d’organe.
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Traduisent des amputations, des pertes de substances, dont la localisation et l’ampleur touchent
le patient mais également son entourage de façon importante.
5A Les « glandes » qui nous inquiètent… Ce sont des organes de drainage et de filtration de la
lymphe provenant d'un territoire anatomique mettant précocement en contact les antigènes
et les lymphocytes, et assurant une veille immunitaire permanente, mais pas seulement… Des
cellules pathologiques y sont filtrées.
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La famille du virus qui nous intéresse au premier chef.
10C Quand il faut la faire, on craint un taux significatif de toxicité sévère.
12D Il faut le déterminer pour le cibler. Différents moyens y concourent. .
13G C’est un anticorps monoclonal murin humanisé ciblant et bloquant le récepteur au facteur de
croissance épidermique, surexprimé à la surface de certaines cellules tumorales. Fait partie des
mAb : monospecific antibodies.
16J Technique de radiothérapie visant à détruire les cellules cancéreuses en les irradiant avec un
faisceau de particules. Contrairement à la radiothérapie « conventionnelle », elle focalise un
faisceau de protons sur les lésions. Du fait de la plus faible dose délivrée aux tissus sains, les
protons ont des effets collatéraux moins sévères que la radiothérapie conventionnelle. Tous
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les protons d'une certaine énergie ont une certaine distance de pénétration ; aucun proton
n'accède au-delà de cette limite. C’est une technique d’épargne des tissus situés avant, mais
surtout en arrière du volume cible. Malheureusement, les plateaux techniques proposant cette
technique sont rares en France.
20F Premières utilisations en avril 1969. Cette famille de produits induit des lésions directes sur
l’ADN, en créant des ponts intramoléculaires entre deux chaînes d’ADN. Ce produit est un
espace commun de réflexion avec les otologistes…
22B Complication muqueuse qui altère la qualité de vie, quant à la déglutition, la parole… avec des
répercussions psychologiques et sociales.
VERTICALEMENT
C1 Responsable des infections sexuellement transmissibles les plus fréquentes. L’estimation des
personnes actuellement contaminées par ce virus est comprise entre 10 et 30 %. Virus ayant un
tropisme pour les épithélium malpighiens, types muqueux et génitaux à potentiel cancérigène
élevé pour certains sérotypes.
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Méthode combinée pour augmenter la survie et diminuer les récidives à la tête et au cou,
principalement chez les patients ayant une maladie localement avancée ou afin de préserver la
fonction.
G13 Système associant le robot à la radiothérapie avec l’objectif de bénéficier d’un ciblage beaucoup
plus précis que dans la radiothérapie conventionnelle. Pour cette raison beaucoup mieux connu
dans la prise en charge d’autres tumeurs ORL…
N13 Tout avec modération ! Seul, à la différence du tabac, ne provoque pas de cancers chez l’animal.
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Il génère une forte dépendance et sa consommation est responsable de près de 6 millions de
décès par an dans le monde dont 600 000 « indus ».
Q11 Théoriquement à sens unique.
S1
Une des entrées du carrefour.
U1 C’est un traitement qui consiste à administrer des substances qui vont stimuler les défenses
immunitaires de l'organisme afin de lutter contre différentes maladies, en particulier pour
certains cancers hématologiques. Par extension, désigne également toute thérapie utilisant des
protéines produites par les cellules du système immunitaire, en particulier les immunoglobulines.
Les premiers essais de ce traitement remontent aux années 1970.
W9 Altère lourdement la qualité de vie et génère ses propres complications.
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Solutions
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