Voyage en Champagne 2011 - Amis des arts et des musées de
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Voyage en Champagne 2011 - Amis des arts et des musées de
VOYAGE EN CHAMPAGNE 22-24 mars 2011 Mardi 22 mars Après un temps de route assez court, nous faisons étape à Saint- Amandsur-Fion, très surpris de trouver à lʼentrée dʼun modeste village une église aux vastes dimensions. Nous aurons tout le temps dʼen admirer lʼextérieur, car la personne chargée de nous ouvrir la porte se fait attendre. La construction dʼorigine est du XIIème siècle, mais nʼen subsistent que quelques parties de la nef primitive, les trois portails et la tour. La nef primitive a été surélevée au XIIIème siècle et coiffée dʼune voûte gothique à deux niveaux. Le large transept du XIIIème siècle, détruit pendant la guerre de Cent Ans, a été remplacé au XVIème siècle par une élégante construction dont les dimensions prolongent celles du chœur ; sʼy remarque un bel ensemble des chapiteaux au décor de style Renaissance. Le chœur avec abside à cinq pans est un espace aéré et lumineux grâce à ses quatre niveaux de fenêtres et à la hauteur de sa voûte (16 m). Cʼest une merveille de lʼart ogival champenois, dʼune conception assez proche de celle du chœur de la cathédrale Saint-Etienne de Châlons (un même maître dʼœuvre ?). Lʼédifice est précédé dʼune galerie-porche qui en occupe toute la largeur, élégante, avec colonnettes groupées autour dʼun pilier quadrangulaire. Un dernier coup dʼœil sur un lieu qui joua un rôle dans lʼhistoire, puisque sʼy tint, le 29 août 1544, la conférence de Saint-Amand, qui réunit des délégations de François Ier et Charles Quint, et nous rejoignons Notre-Dame de lʼEpine. Au XIIème siècle existait en ce lieu une petite chapelle où les Châlonnais se rendaient en pèlerinage. Devenue chapelle de répit (cf. Avioth) au XIVème siècle, elle continue à attirer les pèlerins. Mais au XVème siècle – selon la tradition – des bergers trouvent une petite statue de la Vierge dans un buisson dʼépines enflammé. Le lieu devenant très fréquenté, la modeste chapelle ne suffit plus et la petite statue a besoin dʼun écrin. Tous les dons des pèlerins vont servir à la rebâtir. Entre 1406 et 1445 sont élevés le chœur, le transept et les quatre premières travées de la nef. Lʼargent manque, mais Charles VII passe par Châlons et ... monte à Notre Dame de lʼEpine : il accorde une remise dʼimpôts qui permet la reprise de la construction, mais cʼest une troisième campagne de travaux (1509-1524) qui assure lʼachèvement du chevet. Notre visite commence par lʼintérieur. Le regard sʼattarde sur les piliers gothiques : leur originalité est dʼavoir conservé les crochets qui servaient à maintenir les mortiers des piliers en construction (exemple unique). Lʼéglise a aussi conservé son jubé - présence rare en Champagne - à la fois très flamboyant et très ouvert ; la statue de Notre-Dame de lʼEpine (XIVème siècle) est sous lʼarcade de droite. Dans le chœur (clôture en partie Renaissance), présence dʼun petit édifice qui serait une Recevresse intérieure. Quelques belles pièces : un Saint-Sépulcre (XVIème siècle) racheté à la Révolution pour éviter sa destruction - le buffet dʼorgue Renaissance à avant-corps orné de figures de sept dieux païens - une rareté - un puits de 26 m de profondeur. A lʼextérieur nous admirerons longtemps la façade flamboyante : « cette splendide fleur de lʼarchitecture gothique » (V. Hugo - Le Rhin), ferons le tour de la basilique pour en détailler les gargouilles, curieusement constituées de deux monstres dont lʼun porte lʼautre. (V. Hugo signale en particulier « la Luxure, jolie paysanne beaucoup trop retroussée, (qui) a dû faire rêver les moines ». Nous avons eu là une visite très documentée que mon compte rendu malgré sa longueur a singulièrement simplifiée. Lʼaprès-midi nous conduit à Châlons-en-Champagne. Première visite, la collégiale de Notre-Dame-en-Vaux. En ce point le plus bas de la ville existait au IXème siècle une petite chapelle, devenue église (vers 1130) après dʼimportants travaux. Lʼéglise sʼeffondre mais sans faire de victime : on y voit un miracle de la Vierge. Lʼabondance des dons permet la construction dʼune nouvelle église qui intègre les éléments restants du premier édifice (les quatre tours, le rez-de-chaussée de la façade, des parties de la nef et du transept), mais surélève la nef, installe un triforium et des voûtes gothiques. Les chanoines font ajouter un superbe cloître le long du bas-côté nord, lequel sera détruit au XVIIIème siècle pour laisser place à un logis destiné au curé-vicaire de la paroisse. De ce cloître, les fouilles entreprises vers 1963 ont permis de retrouver environ 60 statues-colonnes et des chapiteaux historiés aujourdʼhui installés dans un musée que nous ne verrons pas (fermé le mardi). Nous nous attardons sur les vitraux du XVIème siècle qui ornent le bas-côté gauche : - la légende de saint Jacques et la bataille de 1212 entre chrétiens et sarrazins, traitée un peu dans le style de Paolo Uccello - dans la 3eme travée, Assomption de la Vierge aux couleurs rouge et or - dans la 6eme, Compassion de la Vierge sur fond bleu scintillant dʼétoiles dʼargent. Dans la verrière de la chapelle carrée qui jouxte le chœur ont été réinstallés six médaillons du XIIème siècle retrouvés après la Révolution. Traversant la ville, nous nous retrouvons devant la cathédrale SaintEtienne. Cet important édifice qui surprend par sa longueur (96 m) a une histoire complexe : à lʼorigine une église fondée au temps de Clovis, restaurée à lʼépoque carolingienne. Un gigantesque incendie la ruine (1138) et le bâtiment reconstruit est ravagé lui aussi par un incendie (1230). De longues campagnes de travaux se succéderont, intégrant la crypte et la base dʼune tour de la cathédrale romane, mais sʼachèveront par une façade XVIIème siècle. A lʼintérieur tout a été fait pour favoriser la lumière : dans la nef pas de gros piliers mais de simples colonnes et des grands fenestrages ornés de vitraux. Le visiteur a sous les yeux lʼévolution de lʼart des maîtresverriers au cours des siècles en admirant, dans les fenêtres hautes du chœur, trois belles verrières du XIIIème siècle, à dominante bleue mais aussi, aux fenêtres du bas-côté sud, des vitraux du XVIème siècle et encore, dans la salle basse de la tour, le vitrail - remonté au XXème siècle dʼune fenêtre de la cathédrale romane. Dernière étape, Hautvillers pour une double rencontre : lʼabbatiale fondée en 650 par Saint Nivard, neveu du bon roi Dagobert et dom Perignon qui en fut procureur et cellerier de 1668 à 1715. Situé sur les pentes méridionales de la Montagne de Reims Hautvillers est un joli village dont nous admirons les maisons anciennes - à portail en « anse de panier » et embellies dʼenseignes en fer forgé - pendant que nous parcourons la longue rue qui conduit à lʼabbatiale Saint-Pierre. Du bâtiment dʼorigine ne reste que le souvenir, car le lieu a subi lʼinvasion des normands (880), a été incendié par les Anglais (1445), pillé par les troupes de François Ier en guerre contre Charles Quint (1544) et brûlé en partie par des Huguenots (1562). Il y eut donc quatre étapes de reconstruction. Du XIIème-XIIIème siècle subsistent les chapiteaux ornés dʼanimaux fantastiques et de figures grimaçantes ; du XVIème siècle lʼautel de sainte Hélène de style baroque et la châsse contenant une partie des reliques de la sainte ; du XVIIème Siècle les stalles du chœur et la chaire - œuvres réalisées à Signy lʼAbbaye - et aussi, du XVIIIe siècle, les deux tableaux de Simon Boulard : « Sainte Hélène à la recherche de la vraie Croix » et « Miracle indiquant la vraie Croix », et surtout les deux tableaux du lorrain Claude Charles - le maître de Girardet lʼun évoquant saint Pierre et lʼautre saint Nivard, et encore lʼorgue, restauré en 1960, pour disposer de 40 jeux. Le temps nous étant compté, Dom Perignon sera peu évoqué dans lʼabbatiale. Cʼest M. Bur qui nous révélera son rôle dans la création du champagne : le mariage de raisins de terroirs différents, la normalisation des bouteilles, lʼintroduction du bouchon en liège dʼEspagne en remplacement du braquelet de bois recouvert de chanvre. Il complétera aussi les explications fournies par le guide : lʼexistence à Hautvillers, durant la période carolingienne, dʼun scriptorium comme à Saint-Martin de Tours ou Aix-la-Chapelle (importance de lʼEvangéliaire rédigé en lettres dʼor sur parchemin et richement enluminé, travail de lʼabbé Pierre (825), aujourdʼhui à la bibliothèque dʼEpernay) et encore les cérémonies extraordinaires suscitées par lʼarrivée dans lʼabbatiale des reliques de sainte Hélène (841) à lʼorigine dʼun important pèlerinage . Jʼai beaucoup développé la riche histoire dʼHautvillers pour la tirer de lʼoubli où le laissent les guides que lʼon trouve en librairie. Mercredi 23 mars Une journée entièrement consacrée à Reims : nous visiterons successivement la cathédrale Notre-Dame, le palais du Tau, la basilique Saint-Rémi, lʼabbaye-musée Saint-Rémi et en final lʼétonnante église SaintNicaise. Mais sachant que se fêtent cette année les 800 ans de la cathédrale et quʼune abondante documentation est sortie pour lʼoccasion, jʼai préféré évoquer plus longuement les lieux moins traditionnellement visités ou même ignorés La Cathédrale Notre-Dame : je ne vais pas parler des cathédrales qui précédèrent celle dans laquelle nous pénétrons dont la première pierre fut posée le 6 mai 1211, pas non plus des multiples destructions quʼelle a subies, mais je veux préciser que les travaux successifs ont toujours suivi la ligne du projet initial garantissant ainsi lʼhomogénéité de lʼarchitecture, dʼoù une église gothique parfaite, la plus longue cathédrale de France avec une nef sous voûte à 38 m de hauteur. De lʼintérieur je nʼévoquerai que les vitraux : les deux rosaces dédiées à Marie au revers de la façade occidentale, la grande et ses 12 pétales qui rayonnent autour dʼun oculus (XIIIème siècle) ; la petite dédiée aux litanies de la Vierge est moderne (1937). Dans le chœur les vitraux du XIIIème siècle heureusement restaurés (en particulier une Crucifixion). Dans la chapelle dʼaxe du déambulatoire les vitraux bleus de Chagall (1974). Pour lʼextérieur, je laisse à chaque participant la liberté de se remémorer les splendeurs de la façade où toutes les lignes de pierre sʼenvolent vers le ciel. Le palais du Tau : Ce palais dont le nom fait référence à un plan initial en T (en grec tau) est lʼancien palais archiépiscopal. Aujourdʼhui lʼaspect gothique flamboyant et ce plan ont disparu, détruits par les transformations dʼenvergure opérées au XVIIème siècle. Désormais musée de lʼœuvre, il réunit les œuvres dʼart déposées de la cathédrale - sculptures, tapisseries, objets liturgiques et souvenirs du sacre de Charles X - dans une suite de salles en enfilade. De cet ensemble de richesses je retiens en particulier : la salle du Tau qui a retrouvé en partie son aspect dʼorigine, sa cheminée et les belles tentures de Bruxelles retraçant le vie de Clovis (XVIème siècle) les deux petites pièces du Trésor avec le reliquaire de la Sainte Ampoule, le talisman de Charlemagne (IXème siècle), le calice du sacre (XIIème siècle), la nef de sainte Ursule, ancienne nef de table décorée de statuettes émaillées transformée en reliquaire (XVIème siècle). Jʼoublie les statues mais je retiens encore les tentures de la vie du Christ commandées pour la cathédrale par lʼarchevêque Henri de Lorraine et, au final de notre parcours, celles de la vie de la Vierge, jadis accrochées dans le chœur de la cathédrale, aujourdʼhui dans la salle dite du Couronnement de la Vierge, parce que la sculpture monumentale (dʼorigine) du gâble du portail central de la cathédrale ferme lʼespace au dessus de lʼescalier. La basilique Saint Rémi : En ce lieu une petite chapelle accueillit en 533 le corps embaumé de saint Rémi. Devenue espace de pèlerinage, il fallut la remplacer : une première église carolingienne puis une abbatiale romane modifiée au XIIème siècle (chœur gothique à déambulatoire et nouvelle façade) puis au XVIIeme siècle (clôture en pierre et marbre du chœur). Heureusement les importantes restaurations nécessitées par les destructions de la guerre 14-18 ont su se faire répondre avec harmonie éléments gothiques et romans (superbe nef romane et chœur de style ogival primitif). Lʼintérieur donne une grande impression de majesté et semble dʼune prodigieuse longueur du fait da sa relative étroitesse. Jʼen retiendrai quelques éléments : le retable des Trois baptêmes (1610) qui réunit Constantin, le Christ, et Clovis - les dalles à incrustation de plomb (XIIIème siècle) provenant de lʼabbaye Saint-Nicaise détruite à la Révolution - surtout les vitraux de lʼabside, les plus anciens de la Champagne du nord (XIIème siècle), particulièrement la Crucifixion avec Marie et Jean lʼEvangéliste debout de chaque côté de la croix et encore le tombeau de saint Rémi (1847) où ont été réinstallées les niches du précédent mausolée (XVIème siècle). Le musée-abbaye Saint-Rémi : Lʼimposant bâtiment qui ferme la cour dʼhonneur (fin XVIIeme siècle) présente une façade à fronton classique avec escalier monumental à double volée, reconstruits en juillet 1774 après un violent incendie en janvier, que la légende impute au jeune Talleyrand qui, décidé à sʼamuser, sauta par la fenêtre en oubliant dʼéteindre sa bougie ! Rénové à nouveau après la 2eme guerre mondiale - utilisé longtemps comme hôpital après lʼexpulsion des religieux à la Révolution - il devint musée vers 1978. Des richesses de ces trente salles, je nʼévoquerai que quelques pièces exceptionnelles. - Du cloître roman disparu le joyau : la salle capitulaire. Même remaniée au XIIème siècle et voûtée de pierre, elle a gardé lʼessentiel de son ornementation romane, une quarantaine de petits chapiteaux (environ1140). Toutes les sculptures sont dʼune grande virtuosité, la finesse du travail se rapproche de la technique des orfèvres. Grande variété aussi des corbeilles en feuillages ; chapiteaux corinthiens, diablotins grimaçants, petits monstres et harpies ou sirènes-oiseaux chargées de conduire les âmes en enfer. - De la section gallo-romaine le tombeau de Jovin, général en chef de lʼarmée romaine en Gaule, né à Reims. Ce sarcophage monumental en marbre de Carrare, décoré dʼune chasse au lion, est répertorié comme « le Lʼimpressionnant escalier dʼhonneur (1778) décrit partout comme «chef dʼœuvre de stéréotomie ». er Au 1 étage, la tenture de Saint Rémi, une suite de dix pièces de tapisserie relatant la vie et les miracles de saint Rémi, réalisée entre 1523 et 1531 par un atelier flamand, dʼune extraordinaire qualité de travail. La quatrième pièce est consacrée au « Baptême de Clovis » : en haut à gauche évocation de la bataille de Tolbiac - éducation religieuse de Clovis par son épouse (un Clovis qui a les traits de François Ier) - la colombe du Saint-Esprit apportant la sainte Ampoule, il y a là tous les éléments fondateurs de la monarchie de droit divin. Retrouvée grâce aux fouilles archéologiques du site, la tête de la statue de Lothaire, dernier roi carolingien, inhumé dans la basilique. La statue fut détruite à la Révolution et la tête symboliquement « décollée » (1793). Eglise Saint Nicaise : Lors de la reconstruction de Reims après la guerre 14-18, il fut décidé de créer des cités-jardins pour améliorer la situation des ouvriers en leur permettant de vivre dans des pavillons individuels disposés autour dʼun espace regroupant maison commune, crèche, école et église. Cʼest là que nous découvrons Saint-Nicaise. Qui était saint Nicaise ? Le dixième évêque de Reims, martyrisé par les Vandales (Vème siècle). Pour en garder les reliques fut édifiée au XIIIème siècle une vaste basilique considérée comme la merveille de Reims, malheureusement vendue comme bien national à la Révolution puis démolie. Cʼest donc dans une nouvelle Saint Nicaise (1923) que nous entrons. Petite, massive, sur plan en forme de croix grecque, elle nʼa rien de la somptuosité de son homonyme du XIIIème siècle. Seule décoration extérieure, le tympan de lʼunique entrée : un Christ en majesté entouré dʼanges et de petits enfants, frères de ceux de la cité. Lʼintérieur est plus riche, même si les matériaux ne sont pas recherchés : les 14 tableaux du chemin de croix sont peints sur plaques de fibrociment (1924). Présence dʼun ensemble de fresques de Maurice Denis : « lʼeau dans la Bible » orne la chapelle des fonts baptismaux ; dans dʼautres chapelles une Annonciation et surtout une Sainte Famille où la Vierge, Joseph et lʼEnfant sont entourés dʼune famille contemporaine. A remarquer aussi les belles verrières, en verre moulé, gravé et entaillé, de René Lalique, lʼartiste champenois né à Ay-sur-Marne. Jeudi 24 mars Notre kaléidoscope dʼimages rémoises va sʼenrichir durant la matinée : la chapelle Foujita, le musée des Beaux-Arts et la Villa Demoiselle. Chapelle Foujita ou Chapelle Notre-Dame de la Paix : Je trouve quelque ressemblance entre Maurice Denis qui voulait « baptiser lʼart moderne » et Foujita qui fait élever une chapelle dédiée à la Vierge. A la fois maître du plan et de la décoration, lʼartiste de 80 ans réalisera ses fresques en 80 jours (3 juin - 31 août 1966). La petite chapelle, de style roman, est étonnamment lumineuse. Les vitraux - réalisés à partir de cartons Foujita – utilisent largement les bleus, les verts et les jaunes, particulièrement le jaune profond des vitraux troyens qui filtre parfaitement la lumière. Les fresques sont dʼune grande fraîcheur. De ce riche ensemble je nʼévoquerai que quelques éléments : la Nativité aux couleurs délicates où lʼEnfant Jésus, posé directement sur le sol est éclairé par le rayon de lʼEtoile - détail touchant, Foujita a représenté là le petit rat qui venait tous les jours manger le pain quʼil lui donnait ! - Au fond de lʼabside, Notre Dame de la Paix bénissant et protégeant deux groupes dʼenfants et de femmes parmi lesquelles, à genoux, lʼépouse du peintre. Les 16 panneaux de bois illustrant des scènes de lʼhistoire Sainte et la porte de la sacristie. Et au revers de la façade, au-dessus de la porte, la Crucifixion où la Vierge apparaît deux fois, à droite de la Croix en jeune mère vêtue de blanc et à gauche en Vierge de douleurs vêtue de noir. Musée des Beaux-Arts : La visite commence par les pièces qui font lʼintérêt exceptionnel de ce musée, installé dans une partie de lʼancienne abbaye Saint-Denis : dʼabord la salle Cranach et ses portraits de princes allemands, des dessins sur papier avec touches dʼaquarelle, simples études préparatoires mais où est sensible le talent du peintre pour rendre la psychologie des personnages (importance des yeux). Puis, sans aucun équivalent, la série des toiles peintes retrouvées dans lʼHôtel Dieu de Reims (XVème - XVIème siècle). Vastes toiles de chanvre peintes à lʼeau avec des pigments. Aucun document nʼen explique la destination : cartons de tapisseries ? instructions chrétiennes ? décors pour des mystères joués sur le parvis de la cathédrale ? Notre temps de visite étant exactement minuté, nous ferons des arrêts de salle en salle devant des portraits (Philippe de Champagne, Mignard, Le Nain....) un peu plus longtemps devant les paysages de Corot, paysages peints dans la nature mais retravaillés en atelier. Une curiosité, la salle de la collection Henry Vasnier - légataire universel de la maison Pommery - où les toiles ont été réinstallées comme elles lʼétaient chez le donateur. La Villa Demoiselle : Echappant à la traditionnelle visite de cave, nous voici dans un lieu qui, sans être de production, est néanmoins un « lieu de champagne ». A lʼorigine villa Cochet, cette maison a une longue histoire. Construite de 1904 à 1908 par Henry Vasnier, le généreux donateur du musée des Beaux-Arts qui sʼintéresse à lʼArt Nouveau. Mais Vasnier meurt en 1907. Le bâtiment est repris, après la guerre, par la maison Pommery qui en fait un entrepôt. Pendant la guerre 39-45, il est occupé par les Allemands et après, fait le bonheur des squatters. Les dégradations sont telles que la démolition est envisagée. Quand Jean-François Vranken rachète en 2002 le domaine Pommery, ce passionné dʼArt Nouveau et aussi d’aviation (il a donné à sa première cuvée le nom de « demoiselle », qualificatif des premiers avions) a le coup de foudre pour cette maison, la fait rénover à grand frais et lui donne le nom de Villa Demoiselle. Après cet historique la visite peut commencer en sachant bien que lʼessentiel de ce que nous allons voir, reconstituant lʼimage du temps de la construction, a été trouvé en salles des ventes ou chez des antiquaires, telle, dans le hall dʼentrée, la monumentale cheminée signée Paul Alexandre Dumas qui avait été présentée à lʼexposition universelle de 1900 (son décor dʼombelles sera repris pour dʼautres cheminées de la villa) ou, dans ce qui fut le bureau du président, un bureau de Majorelle classé. Des photos dʼarchives ont aidé à reconstituer des éléments importants, ainsi le lustre de 10 mètres de haut et 300 kilos, réalisé en 3 parties sur la hauteur de la maison chaque partie étant composée dʼun lustre-globe avec 3 « gouttes ». Quelques pièces conçues pour la maison ont été retrouvées et ont servi de modèles pour des aménagements, ainsi la superbe consolejardinière située sur le palier du premier étage a entraîné la réalisation dans le style Art Nouveau des portes palières qui lʼencadrent. Au même étage, les murs du salon « Cordoue » ont retrouvé leur décor initial, mais le papier a remplacé le cuir. Nous avons parcouru les trois étages et chacun dʼentre nous a pu reconnaître la réussite totale de la restauration entreprise. En conclusion, pour rester dans lʼambiance Art Nouveau, le dernier repas rémois a été pris à la brasserie Flo. Asfeld, église Saint-Didier : Ce bourg ardennais a la particularité dʼavoir changé trois fois de nom. A lʼorigine il sʼappelait Ecry et, selon Villehardouin, il y eut en décembre 1199 un grand tournoi à la fin duquel le comte de Champagne, celui de Flandre et dʼautres encore décidèrent de lʼorganisation dʼune croisade, la quatrième (celle qui se termina par la prise de Constantinople). En 1671 Ecry devint Avaux-la-Ville en lʼhonneur du comte dʼAvaux, celui qui construisit la nouvelle église (1681-1685). Enfin en 1730 le maréchal dʼAsfeld lui donna son nom qui perdure aujourdʼhui. Lʼéglise Saint Didier est unique en son genre par sa matière - entièrement en brique - et par sa forme - celle dʼune basse de viole. En effet pour remplacer lʼéglise qui menaçait ruine, le comte dʼAvaux voulut un édifice à la mode de son temps, cʼest-à-dire baroque. Pour la construire il fit appel à un dominicain de Gand, le frère François Romain, un ingénieur-architecte de renom. Celui- ci conçut un gigantesque chœur en rotonde sous une coupole aplatie qui retombe en 10 pans, formant à lʼintérieur 10 chapelles semi-ovales. La nef figure le manche d’une viole ; pratiquement inexistante mais doublée à lʼextérieur par une colonnade de brique rouge, son rôle est de relier le choeur au narthex ou péristyle ovale. Lʼintérieur de lʼédifice, scrupuleusement détaillé par notre guide, ne présente pas de pièces exceptionnelles. Cʼest en le contournant quʼon est surpris par son caractère imposant et quʼon prend conscience de la complication architecturale de lʼensemble (clocher, toitures, dômes..), un étonnant point final pour notre voyage. Ces trois jours champenois ont agréablement rafraîchi nos connaissances sur certains monuments, mais nous ont aussi réservé de belles découvertes : Saint-Amand-sur-Fion, lʼabbatiale dʼHautvillers, lʼéglise SaintNicaise et la Villa Demoiselle à Reims et, pour certains, lʼéglise dʼAsfeld. Cʼest pourquoi je les ai abondamment décrites, pas trop jʼespère car « je voudrais me garder de cet insupportable défaut commun à tant de femmes : le trop écrire » (André Gide - La porte étroite) Liliane Pagès