Voyage en Champagne 2011 - Amis des arts et des musées de

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Voyage en Champagne 2011 - Amis des arts et des musées de
VOYAGE EN CHAMPAGNE
22-24 mars 2011
Mardi 22 mars
Après un temps de route assez court, nous faisons étape à Saint- Amandsur-Fion, très surpris de trouver à lʼentrée dʼun modeste village une église
aux vastes dimensions. Nous aurons tout le temps dʼen admirer lʼextérieur,
car la personne chargée de nous ouvrir la porte se fait attendre. La
construction dʼorigine est du XIIème siècle, mais nʼen subsistent que
quelques parties de la nef primitive, les trois portails et la tour. La nef
primitive a été surélevée au XIIIème siècle et coiffée dʼune voûte gothique à
deux niveaux. Le large transept du XIIIème siècle, détruit pendant la guerre
de Cent Ans, a été remplacé au XVIème siècle par une élégante
construction dont les dimensions prolongent celles du chœur ; sʼy remarque
un bel ensemble des chapiteaux au décor de style Renaissance. Le chœur
avec abside à cinq pans est un espace aéré et lumineux grâce à ses quatre
niveaux de fenêtres et à la hauteur de sa voûte (16 m). Cʼest une merveille
de lʼart ogival champenois, dʼune conception assez proche de celle du
chœur de la cathédrale Saint-Etienne de Châlons (un même maître
dʼœuvre ?). Lʼédifice est précédé dʼune galerie-porche qui en occupe toute
la largeur, élégante, avec colonnettes groupées autour dʼun pilier
quadrangulaire. Un dernier coup dʼœil sur un lieu qui joua un rôle dans
lʼhistoire, puisque sʼy tint, le 29 août 1544, la conférence de Saint-Amand,
qui réunit des délégations de François Ier et Charles Quint, et nous
rejoignons Notre-Dame de lʼEpine.
Au XIIème siècle existait en ce lieu une petite chapelle où les Châlonnais
se rendaient en pèlerinage. Devenue chapelle de répit (cf. Avioth) au
XIVème siècle, elle continue à attirer les pèlerins. Mais au XVème siècle –
selon la tradition – des bergers trouvent une petite statue de la Vierge dans
un buisson dʼépines enflammé. Le lieu devenant très fréquenté, la modeste
chapelle ne suffit plus et la petite statue a besoin dʼun écrin. Tous les dons
des pèlerins vont servir à la rebâtir. Entre 1406 et 1445 sont élevés le
chœur, le transept et les quatre premières travées de la nef. Lʼargent
manque, mais Charles VII passe par Châlons et ... monte à Notre Dame de
lʼEpine : il accorde une remise dʼimpôts qui permet la reprise de la
construction, mais cʼest une troisième campagne de travaux (1509-1524)
qui assure lʼachèvement du chevet.
Notre visite commence par lʼintérieur. Le regard sʼattarde sur les piliers
gothiques : leur originalité est dʼavoir conservé les crochets qui servaient à
maintenir les mortiers des piliers en construction (exemple unique). Lʼéglise
a aussi conservé son jubé - présence rare en Champagne - à la fois très
flamboyant et très ouvert ; la statue de Notre-Dame de lʼEpine (XIVème
siècle) est sous lʼarcade de droite. Dans le chœur (clôture en partie
Renaissance), présence dʼun petit édifice qui serait une Recevresse
intérieure. Quelques belles pièces : un Saint-Sépulcre (XVIème siècle)
racheté à la Révolution pour éviter sa destruction - le buffet dʼorgue
Renaissance à avant-corps orné de figures de sept dieux païens - une
rareté - un puits de 26 m de profondeur. A lʼextérieur nous admirerons
longtemps la façade flamboyante : « cette splendide fleur de lʼarchitecture
gothique » (V. Hugo - Le Rhin), ferons le tour de la basilique pour en
détailler les gargouilles, curieusement constituées de deux monstres dont
lʼun porte lʼautre. (V. Hugo signale en particulier « la Luxure, jolie paysanne
beaucoup trop retroussée, (qui) a dû faire rêver les moines ». Nous avons
eu là une visite très documentée que mon compte rendu malgré sa
longueur a singulièrement simplifiée.
Lʼaprès-midi nous conduit à Châlons-en-Champagne. Première visite, la
collégiale de Notre-Dame-en-Vaux. En ce point le plus bas de la ville
existait au IXème siècle une petite chapelle, devenue église (vers 1130)
après dʼimportants travaux. Lʼéglise sʼeffondre mais sans faire de victime :
on y voit un miracle de la Vierge. Lʼabondance des dons permet la
construction dʼune nouvelle église qui intègre les éléments restants du
premier édifice (les quatre tours, le rez-de-chaussée de la façade, des
parties de la nef et du transept), mais surélève la nef, installe un triforium et
des voûtes gothiques. Les chanoines font ajouter un superbe cloître le long
du bas-côté nord, lequel sera détruit au XVIIIème siècle pour laisser place à
un logis destiné au curé-vicaire de la paroisse. De ce cloître, les fouilles
entreprises vers 1963 ont permis de retrouver environ 60 statues-colonnes
et des chapiteaux historiés aujourdʼhui installés dans un musée que nous
ne verrons pas (fermé le mardi). Nous nous attardons sur les vitraux du
XVIème siècle qui ornent le bas-côté gauche : - la légende de saint
Jacques et la bataille de 1212 entre chrétiens et sarrazins, traitée un peu
dans le style de Paolo Uccello - dans la 3eme travée, Assomption de la
Vierge aux couleurs rouge et or - dans la 6eme, Compassion de la Vierge
sur fond bleu scintillant dʼétoiles dʼargent. Dans la verrière de la chapelle
carrée qui jouxte le chœur ont été réinstallés six médaillons du XIIème
siècle retrouvés après la Révolution.
Traversant la ville, nous nous retrouvons devant la cathédrale SaintEtienne. Cet important édifice qui surprend par sa longueur (96 m) a une
histoire complexe : à lʼorigine une église fondée au temps de Clovis,
restaurée à lʼépoque carolingienne. Un gigantesque incendie la ruine
(1138) et le bâtiment reconstruit est ravagé lui aussi par un incendie (1230).
De longues campagnes de travaux se succéderont, intégrant la crypte et la
base dʼune tour de la cathédrale romane, mais sʼachèveront par une façade
XVIIème siècle. A lʼintérieur tout a été fait pour favoriser la lumière : dans la
nef pas de gros piliers mais de simples colonnes et des grands fenestrages
ornés de vitraux. Le visiteur a sous les yeux lʼévolution de lʼart des maîtresverriers au cours des siècles en admirant, dans les fenêtres hautes du
chœur, trois belles verrières du XIIIème siècle, à dominante bleue mais
aussi, aux fenêtres du bas-côté sud, des vitraux du XVIème siècle et
encore, dans la salle basse de la tour, le vitrail - remonté au XXème siècle dʼune fenêtre de la cathédrale romane.
Dernière étape, Hautvillers pour une double rencontre : lʼabbatiale fondée
en 650 par Saint Nivard, neveu du bon roi Dagobert et dom Perignon qui en
fut procureur et cellerier de 1668 à 1715. Situé sur les pentes méridionales
de la Montagne de Reims Hautvillers est un joli village dont nous admirons
les maisons anciennes - à portail en « anse de panier » et embellies
dʼenseignes en fer forgé - pendant que nous parcourons la longue rue qui
conduit à lʼabbatiale Saint-Pierre. Du bâtiment dʼorigine ne reste que le
souvenir, car le lieu a subi lʼinvasion des normands (880), a été incendié
par les Anglais (1445), pillé par les troupes de François Ier en guerre contre
Charles Quint (1544) et brûlé en partie par des Huguenots (1562). Il y eut
donc quatre étapes de reconstruction. Du XIIème-XIIIème siècle subsistent
les chapiteaux ornés dʼanimaux fantastiques et de figures grimaçantes ; du
XVIème siècle lʼautel de sainte Hélène de style baroque et la châsse
contenant une partie des reliques de la sainte ; du XVIIème Siècle les
stalles du chœur et la chaire - œuvres réalisées à Signy lʼAbbaye - et aussi,
du XVIIIe siècle, les deux tableaux de Simon Boulard : « Sainte Hélène à la
recherche de la vraie Croix » et « Miracle indiquant la vraie Croix », et
surtout les deux tableaux du lorrain Claude Charles - le maître de Girardet lʼun évoquant saint Pierre et lʼautre saint Nivard, et encore lʼorgue, restauré
en 1960, pour disposer de 40 jeux.
Le temps nous étant compté, Dom Perignon sera peu évoqué dans
lʼabbatiale. Cʼest M. Bur qui nous révélera son rôle dans la création du
champagne : le mariage de raisins de terroirs différents, la normalisation
des bouteilles, lʼintroduction du bouchon en liège dʼEspagne en
remplacement du braquelet de bois recouvert de chanvre. Il complétera
aussi les explications fournies par le guide : lʼexistence à Hautvillers, durant
la période carolingienne, dʼun scriptorium comme à Saint-Martin de Tours
ou Aix-la-Chapelle (importance de lʼEvangéliaire rédigé en lettres dʼor sur
parchemin et richement enluminé, travail de lʼabbé Pierre (825), aujourdʼhui
à la bibliothèque dʼEpernay) et encore les cérémonies extraordinaires
suscitées par lʼarrivée dans lʼabbatiale des reliques de sainte Hélène (841)
à lʼorigine dʼun important pèlerinage .
Jʼai beaucoup développé la riche histoire dʼHautvillers pour la tirer de lʼoubli
où le laissent les guides que lʼon trouve en librairie.
Mercredi 23 mars
Une journée entièrement consacrée à Reims : nous visiterons
successivement la cathédrale Notre-Dame, le palais du Tau, la basilique
Saint-Rémi, lʼabbaye-musée Saint-Rémi et en final lʼétonnante église SaintNicaise. Mais sachant que se fêtent cette année les 800 ans de la
cathédrale et quʼune abondante documentation est sortie pour lʼoccasion,
jʼai préféré évoquer plus longuement les lieux moins traditionnellement
visités ou même ignorés
La Cathédrale Notre-Dame
: je ne vais pas parler des cathédrales qui
précédèrent celle dans laquelle nous pénétrons dont la première pierre fut
posée le 6 mai 1211, pas non plus des multiples destructions quʼelle a
subies, mais je veux préciser que les travaux successifs ont toujours suivi
la ligne du projet initial garantissant ainsi lʼhomogénéité de lʼarchitecture,
dʼoù une église gothique parfaite, la plus longue cathédrale de France avec
une nef sous voûte à 38 m de hauteur. De lʼintérieur je nʼévoquerai que les
vitraux : les deux rosaces dédiées à Marie au revers de la façade
occidentale, la grande et ses 12 pétales qui rayonnent autour dʼun oculus
(XIIIème siècle) ; la petite dédiée aux litanies de la Vierge est moderne
(1937). Dans le chœur les vitraux du XIIIème siècle heureusement
restaurés (en particulier une Crucifixion). Dans la chapelle dʼaxe du
déambulatoire les vitraux bleus de Chagall (1974). Pour lʼextérieur, je laisse
à chaque participant la liberté de se remémorer les splendeurs de la façade
où toutes les lignes de pierre sʼenvolent vers le ciel.
Le palais du Tau
: Ce palais dont le nom fait référence à un plan initial en
T (en grec tau) est lʼancien palais archiépiscopal. Aujourdʼhui lʼaspect
gothique flamboyant et ce plan ont disparu, détruits par les transformations
dʼenvergure opérées au XVIIème siècle. Désormais musée de lʼœuvre, il
réunit les œuvres dʼart déposées de la cathédrale - sculptures, tapisseries,
objets liturgiques et souvenirs du sacre de Charles X - dans une suite de
salles en enfilade. De cet ensemble de richesses je retiens en particulier :
la salle du Tau qui a retrouvé en partie son aspect dʼorigine, sa cheminée et
les belles tentures de Bruxelles retraçant le vie de Clovis (XVIème siècle) les deux petites pièces du Trésor avec le reliquaire de la Sainte Ampoule,
le talisman de Charlemagne (IXème siècle), le calice du sacre (XIIème
siècle), la nef de sainte Ursule, ancienne nef de table décorée de statuettes
émaillées transformée en reliquaire (XVIème siècle). Jʼoublie les statues
mais je retiens encore les tentures de la vie du Christ commandées pour la
cathédrale par lʼarchevêque Henri de Lorraine et, au final de notre parcours,
celles de la vie de la Vierge, jadis accrochées dans le chœur de la
cathédrale, aujourdʼhui dans la salle dite du Couronnement de la Vierge,
parce que la sculpture monumentale (dʼorigine) du gâble du portail central
de la cathédrale ferme lʼespace au dessus de lʼescalier.
La basilique Saint Rémi
: En ce lieu une petite chapelle accueillit en 533
le corps embaumé de saint Rémi. Devenue espace de pèlerinage, il fallut la
remplacer : une première église carolingienne puis une abbatiale romane
modifiée au XIIème siècle (chœur gothique à déambulatoire et nouvelle
façade) puis au XVIIeme siècle (clôture en pierre et marbre du chœur).
Heureusement les importantes restaurations nécessitées par les
destructions de la guerre 14-18 ont su se faire répondre avec harmonie
éléments gothiques et romans (superbe nef romane et chœur de style
ogival primitif). Lʼintérieur donne une grande impression de majesté et
semble dʼune prodigieuse longueur du fait da sa relative étroitesse. Jʼen
retiendrai quelques éléments : le retable des Trois baptêmes (1610) qui
réunit Constantin, le Christ, et Clovis - les dalles à incrustation de plomb
(XIIIème siècle) provenant de lʼabbaye Saint-Nicaise détruite à la
Révolution - surtout les vitraux de lʼabside, les plus anciens de la
Champagne du nord (XIIème siècle), particulièrement la Crucifixion avec
Marie et Jean lʼEvangéliste debout de chaque côté de la croix et encore le
tombeau de saint Rémi (1847) où ont été réinstallées les niches du
précédent mausolée (XVIème siècle).
Le musée-abbaye Saint-Rémi : Lʼimposant bâtiment qui ferme la cour
dʼhonneur (fin XVIIeme siècle) présente une façade à fronton classique
avec escalier monumental à double volée, reconstruits en juillet 1774 après
un violent incendie en janvier, que la légende impute au jeune Talleyrand
qui, décidé à sʼamuser, sauta par la fenêtre en oubliant dʼéteindre sa
bougie ! Rénové à nouveau après la 2eme guerre mondiale - utilisé
longtemps comme hôpital après lʼexpulsion des religieux à la Révolution - il
devint musée vers 1978. Des richesses de ces trente salles, je nʼévoquerai
que quelques pièces exceptionnelles.
- Du cloître roman disparu le joyau : la salle capitulaire. Même remaniée au
XIIème siècle et voûtée de pierre, elle a gardé lʼessentiel de son
ornementation romane, une quarantaine de petits chapiteaux (environ1140).
Toutes les sculptures sont dʼune grande virtuosité, la finesse du travail se
rapproche de la technique des orfèvres. Grande variété aussi des corbeilles
en feuillages ; chapiteaux corinthiens, diablotins grimaçants, petits
monstres et harpies ou sirènes-oiseaux chargées de conduire les âmes en
enfer.
- De la section gallo-romaine le tombeau de Jovin, général en chef de
lʼarmée romaine en Gaule, né à Reims. Ce sarcophage monumental en
marbre de Carrare, décoré dʼune chasse au lion, est répertorié comme « le
Lʼimpressionnant escalier dʼhonneur (1778) décrit partout comme «chef
dʼœuvre de stéréotomie ».
er
Au 1 étage, la tenture de Saint Rémi, une suite de dix pièces de
tapisserie relatant la vie et les miracles de saint Rémi, réalisée entre 1523
et 1531 par un atelier flamand, dʼune extraordinaire qualité de travail. La
quatrième pièce est consacrée au « Baptême de Clovis » : en haut à
gauche évocation de la bataille de Tolbiac - éducation religieuse de Clovis
par son épouse (un Clovis qui a les traits de François Ier) - la colombe du
Saint-Esprit apportant la sainte Ampoule, il y a là tous les éléments
fondateurs de la monarchie de droit divin.
Retrouvée grâce aux fouilles archéologiques du site, la tête de la statue
de Lothaire, dernier roi carolingien, inhumé dans la basilique. La statue fut
détruite à la Révolution et la tête symboliquement « décollée » (1793).
Eglise Saint Nicaise : Lors de la reconstruction de Reims après la guerre
14-18, il fut décidé de créer des cités-jardins pour améliorer la situation des
ouvriers en leur permettant de vivre dans des pavillons individuels disposés
autour dʼun espace regroupant maison commune, crèche, école et église.
Cʼest là que nous découvrons Saint-Nicaise. Qui était saint Nicaise ? Le
dixième évêque de Reims, martyrisé par les Vandales (Vème siècle). Pour
en garder les reliques fut édifiée au XIIIème siècle une vaste basilique
considérée comme la merveille de Reims, malheureusement vendue
comme bien national à la Révolution puis démolie. Cʼest donc dans une
nouvelle Saint Nicaise (1923) que nous entrons. Petite, massive, sur plan
en forme de croix grecque, elle nʼa rien de la somptuosité de son
homonyme du XIIIème siècle. Seule décoration extérieure, le tympan de
lʼunique entrée : un Christ en majesté entouré dʼanges et de petits enfants,
frères de ceux de la cité. Lʼintérieur est plus riche, même si les matériaux
ne sont pas recherchés : les 14 tableaux du chemin de croix sont peints sur
plaques de fibrociment (1924). Présence dʼun ensemble de fresques de
Maurice Denis : « lʼeau dans la Bible » orne la chapelle des fonts
baptismaux ; dans dʼautres chapelles une Annonciation et surtout une
Sainte Famille où la Vierge, Joseph et lʼEnfant sont entourés dʼune famille
contemporaine. A remarquer aussi les belles verrières, en verre moulé,
gravé et entaillé, de René Lalique, lʼartiste champenois né à Ay-sur-Marne.
Jeudi 24 mars
Notre kaléidoscope dʼimages rémoises va sʼenrichir durant la matinée : la
chapelle Foujita, le musée des Beaux-Arts et la Villa Demoiselle.
Chapelle Foujita ou Chapelle Notre-Dame de la Paix : Je trouve
quelque ressemblance entre Maurice Denis qui voulait « baptiser lʼart
moderne » et Foujita qui fait élever une chapelle dédiée à la Vierge. A la
fois maître du plan et de la décoration, lʼartiste de 80 ans réalisera ses
fresques en 80 jours (3 juin - 31 août 1966). La petite chapelle, de style
roman, est étonnamment lumineuse. Les vitraux - réalisés à partir de
cartons Foujita – utilisent largement les bleus, les verts et les jaunes,
particulièrement le jaune profond des vitraux troyens qui filtre parfaitement
la lumière. Les fresques sont dʼune grande fraîcheur. De ce riche ensemble
je nʼévoquerai que quelques éléments : la Nativité aux couleurs délicates
où lʼEnfant Jésus, posé directement sur le sol est éclairé par le rayon de
lʼEtoile - détail touchant, Foujita a représenté là le petit rat qui venait tous
les jours manger le pain quʼil lui donnait ! - Au fond de lʼabside, Notre Dame
de la Paix bénissant et protégeant deux groupes dʼenfants et de femmes
parmi lesquelles, à genoux, lʼépouse du peintre. Les 16 panneaux de bois
illustrant des scènes de lʼhistoire Sainte et la porte de la sacristie. Et au
revers de la façade, au-dessus de la porte, la Crucifixion où la Vierge
apparaît deux fois, à droite de la Croix en jeune mère vêtue de blanc et à
gauche en Vierge de douleurs vêtue de noir.
Musée des Beaux-Arts
: La visite commence par les pièces qui font
lʼintérêt exceptionnel de ce musée, installé dans une partie de lʼancienne
abbaye Saint-Denis : dʼabord la salle Cranach et ses portraits de princes
allemands, des dessins sur papier avec touches dʼaquarelle, simples
études préparatoires mais où est sensible le talent du peintre pour rendre la
psychologie des personnages (importance des yeux). Puis, sans aucun
équivalent, la série des toiles peintes retrouvées dans lʼHôtel Dieu de
Reims (XVème - XVIème siècle). Vastes toiles de chanvre peintes à lʼeau
avec des pigments. Aucun document nʼen explique la destination : cartons
de tapisseries ? instructions chrétiennes ? décors pour des mystères joués
sur le parvis de la cathédrale ?
Notre temps de visite étant exactement minuté, nous ferons des arrêts de
salle en salle devant des portraits (Philippe de Champagne, Mignard, Le
Nain....) un peu plus longtemps devant les paysages de Corot, paysages
peints dans la nature mais retravaillés en atelier. Une curiosité, la salle de
la collection Henry Vasnier - légataire universel de la maison Pommery - où
les toiles ont été réinstallées comme elles lʼétaient chez le donateur.
La Villa Demoiselle : Echappant à la traditionnelle visite de cave, nous
voici dans un lieu qui, sans être de production, est néanmoins un « lieu de
champagne ». A lʼorigine villa Cochet, cette maison a une longue histoire.
Construite de 1904 à 1908 par Henry Vasnier, le généreux donateur du
musée des Beaux-Arts qui sʼintéresse à lʼArt Nouveau. Mais Vasnier meurt
en 1907. Le bâtiment est repris, après la guerre, par la maison Pommery
qui en fait un entrepôt. Pendant la guerre 39-45, il est occupé par les
Allemands et après, fait le bonheur des squatters. Les dégradations sont
telles que la démolition est envisagée. Quand Jean-François Vranken
rachète en 2002 le domaine Pommery, ce passionné dʼArt Nouveau et
aussi d’aviation (il a donné à sa première cuvée le nom de « demoiselle »,
qualificatif des premiers avions) a le coup de foudre pour cette maison, la
fait rénover à grand frais et lui donne le nom de Villa Demoiselle.
Après cet historique la visite peut commencer en sachant bien que
lʼessentiel de ce que nous allons voir, reconstituant lʼimage du temps de la
construction, a été trouvé en salles des ventes ou chez des antiquaires,
telle, dans le hall dʼentrée, la monumentale cheminée signée Paul
Alexandre Dumas qui avait été présentée à lʼexposition universelle de 1900
(son décor dʼombelles sera repris pour dʼautres cheminées de la villa) ou,
dans ce qui fut le bureau du président, un bureau de Majorelle classé. Des
photos dʼarchives ont aidé à reconstituer des éléments importants, ainsi le
lustre de 10 mètres de haut et 300 kilos, réalisé en 3 parties sur la hauteur
de la maison chaque partie étant composée dʼun lustre-globe avec 3 «
gouttes ». Quelques pièces conçues pour la maison ont été retrouvées et
ont servi de modèles pour des aménagements, ainsi la superbe consolejardinière située sur le palier du premier étage a entraîné la réalisation dans
le style Art Nouveau des portes palières qui lʼencadrent. Au même étage,
les murs du salon « Cordoue » ont retrouvé leur décor initial, mais le papier
a remplacé le cuir. Nous avons parcouru les trois étages et chacun dʼentre
nous a pu reconnaître la réussite totale de la restauration entreprise. En
conclusion, pour rester dans lʼambiance Art Nouveau, le dernier repas
rémois a été pris à la brasserie Flo.
Asfeld, église Saint-Didier : Ce bourg ardennais a la particularité dʼavoir
changé trois fois de nom. A lʼorigine il sʼappelait Ecry et, selon Villehardouin,
il y eut en décembre 1199 un grand tournoi à la fin duquel le comte de
Champagne, celui de Flandre et dʼautres encore décidèrent de
lʼorganisation dʼune croisade, la quatrième (celle qui se termina par la prise
de Constantinople). En 1671 Ecry devint Avaux-la-Ville en lʼhonneur du
comte dʼAvaux, celui qui construisit la nouvelle église (1681-1685). Enfin en
1730 le maréchal dʼAsfeld lui donna son nom qui perdure aujourdʼhui.
Lʼéglise Saint Didier est unique en son genre par sa matière - entièrement
en brique - et par sa forme - celle dʼune basse de viole. En effet pour
remplacer lʼéglise qui menaçait ruine, le comte dʼAvaux voulut un édifice à
la mode de son temps, cʼest-à-dire baroque. Pour la construire il fit appel à
un dominicain de Gand, le frère François Romain, un ingénieur-architecte
de renom. Celui- ci conçut un gigantesque chœur en rotonde sous une
coupole aplatie qui retombe en 10 pans, formant à lʼintérieur 10 chapelles
semi-ovales. La nef figure le manche d’une viole ; pratiquement inexistante
mais doublée à lʼextérieur par une colonnade de brique rouge, son rôle est
de relier le choeur au narthex ou péristyle ovale. Lʼintérieur de lʼédifice,
scrupuleusement détaillé par notre guide, ne présente pas de pièces
exceptionnelles. Cʼest en le contournant quʼon est surpris par son caractère
imposant et quʼon prend conscience de la complication architecturale de
lʼensemble (clocher, toitures, dômes..), un étonnant point final pour notre
voyage.
Ces trois jours champenois ont agréablement rafraîchi nos connaissances
sur certains monuments, mais nous ont aussi réservé de belles
découvertes : Saint-Amand-sur-Fion, lʼabbatiale dʼHautvillers, lʼéglise SaintNicaise et la Villa Demoiselle à Reims et, pour certains, lʼéglise dʼAsfeld.
Cʼest pourquoi je les ai abondamment décrites, pas trop jʼespère car « je
voudrais me garder de cet insupportable défaut commun à tant de
femmes : le trop écrire » (André Gide - La porte étroite)
Liliane Pagès

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