IRPI - La contrefaçon : une menace à la hausse

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IRPI - La contrefaçon : une menace à la hausse
LA CONTREFAÇON : UNE MENACE À LA HAUSSE
Autrefois confinée au luxe et considérée comme « la rançon de la gloire », la contrefaçon
sévit aujourd’hui dans tous les secteurs d’activité. Une entreprise sur deux s’estime victime de
la contrefaçon. Ne dit-on pas que « tout ce qui se vend se contrefait » ?
Si le commerce des produits contrefaits représentait 5 % du commerce mondial en 2000, le
chiffre atteint aujourd’hui les 10 %1.
La contrefaçon, dotée d’installations à la pointe de la technologie et bénéficiant d’un réseau
commercial amplifié, notamment du fait d’Internet, est désormais passée d’une activité
artisanale à une logique industrielle et mondialisée.
UNE SITUATION PRÉOCCUPANTE PAR SON AMPLEUR
• Quant aux domaines touchés
En ce qui concerne l’Union européenne, les douanes ont saisi, pendant l’année 2003, près de
100 millions de faux, ce qui représente une augmentation de 9 % par rapport à 20022. Pour la
France le nombre de saisies est passé de 300 000 articles en 1995 à près de 2 millions en
20033.
Chaque secteur économique est touché par la contrefaçon, qu’il soit industriel, littéraire ou
artistique.
La mode est traditionnellement affectée, car les marques y ont toujours eu du prestige, qu’il
s’agisse de vêtements, de maroquinerie, de bijouterie ou de parfumerie. Mais aujourd’hui, la
contrefaçon s’attaque également à tous les produits de grande consommation : produits
alimentaires, jeux et jouets, pièces détachées automobiles et aéronautiques, médicaments…
Concernant plus particulièrement le domaine du droit d’auteur, il faut évoquer, outre les
contrefaçons de logiciels (à l’échelle mondiale, le montant du manque à gagner des éditeurs
résultant du piratage des logiciels s’élèverait à près de 30 milliards de dollars4), celles des
DVD, CD ou cassettes audio (environ 9 millions de produits saisis par les douanes
européennes en 2000, soit deux fois plus que les produits textiles5). L’industrie du disque, en
particulier, est doublement affaiblie : d’un part, en raison de l’essor de l’échange illicite de
fichiers musicaux sur Internet, d’autre part, du fait de la vente de contrefaçons (plus d’un
disque sur trois vendus dans le monde serait un disque pirate).
1
B. Brochand, Assemblée nationale, 23 nov. 2004.
Statistiques communautaires diffusées sur le site : http://www.europa.eu.int
3
B. Brochand, précité.
4
Les Echos, 8 juill. 2004.
5
Statistiques communautaires précitées.
2
1
De nombreux produits contrefaits présentent de surcroît un aspect proche de celui des
produits authentiques, ce qui les rend de plus en plus difficiles à reconnaître. En effet, les
contrefacteurs utilisent dorénavant des technologies sophistiquées. On rapporte, par exemple,
la découverte de stylos contrefaisant « Bix Crystal » pratiquement identiques aux stylos à bille
« Bic Cristal » de la société Bic et vendus dans un emballage sensiblement identique.
• Quant aux zones géographiques sensibles
S’il existe des zones traditionnelles de fabrication et de distribution des contrefaçons, il faut
depuis quelques années compter de nouveaux acteurs, comme par exemple les pays d’Europe
centrale et orientale.
Le risque est encore plus grand de voir les copies affluer en Europe, après l’élargissement qui
a eu pour conséquence de multiplier les points d’ouverture au marché européen. Désormais, le
danger est double : non seulement des États comme la Pologne, la Tchéquie ou la Hongrie
sont fabricants, distributeurs et consommateurs de copies en tout genre, mais ils sont aussi
perméables à la pénétration de contrefaçons en provenance d’Asie, de Russie (la Russie, où
des organisations mafieuses ont installé des ateliers de contrefaçon, est devenue le deuxième
producteur mondial après la Chine) ou de Turquie.
Toutefois, il faut relever les efforts des pays les plus impliqués dans la production et la
commercialisation des contrefaçons. Ainsi, en Chine où la contrefaçon est endémique,
l’évolution vers un renforcement de la répression s’est accélérée depuis l’entrée du pays dans
l’Organisation mondiale du commerce. De même la protection des droits de propriété
intellectuelle s’améliore sensiblement en Russie. Il reste néanmoins que, si les législations se
consolident, la répression reste encore difficile.
Enfin, la contrefaçon inonde d’autant plus le monde entier que, désormais, les produits sont
écoulés, non seulement par les moyens de commercialisation traditionnels, mais également
par le biais des sites Internet.
2
UNE SITUATION QUI FAIT PESER UNE MENACE RÉELLE,
TANT SUR LES ENTREPRISES ELLES-
MÊMES QUE SUR LES CONSOMMATEURS ET L’ÉTAT
• Les principales victimes de la contrefaçon restent bien entendu les entreprises
Les entreprises françaises voient leur activité fragilisée par ce phénomène. Non seulement
elles subissent des pertes financières, mais elles sont démotivées pour créer et innover, étant
privées, du fait de la contrefaçon, du bénéfice de leurs efforts d’investissement, qu’il s’agisse
de recherche, de marketing ou de communication… Sans oublier les frais importants générés
par la lutte contre la contrefaçon : veille, enquêtes, actions judiciaires…
Enfin, outre les pertes financières, la contrefaçon porte souvent atteinte à l’image de marque
de l’entreprise, les produits copiés étant banalisés, comme les faux sacs « Vuitton » ou les
fausses montres « Rolex » que l’on trouve sur le marché de Vintimille.
• Mais les consommateurs courent également des risques en termes de sécurité et de santé
Les contrefaçons représentent de réels dangers pour la santé (médicaments, vins…), et pour la
sécurité (appareils domestiques, pièces détachées d’avions ou de voitures, jouets…).
Un médicament sur dix vendus dans le monde est un faux, selon les chiffres de l’Organisation
mondiale de la santé6. Si les pays en développement sont les plus exposés (en Afrique, par
exemple, 70 % des antipaludéens sont contrefaits), l’Union européenne n’est pas totalement à
l’abri, dans la mesure où des produits moins chers que les authentiques peuvent être achetés
sur Internet.
L’Europe est également confrontée à la contrefaçon de batteries de téléphone (des explosions
ont été récemment rapportées), d’appareils domestiques ou de jouets (les normes en matière
de sécurité ne sont pas respectées), de pièces de rechange automobiles (5 à 10 % des pièces
vendues dans l’Union européenne seraient des contrefaçons)…
Autant d’exemples qui prouvent que la confusion entre des produits d’aspect semblable peut
être lourde de conséquences pour les consommateurs.
• Et l’État lui-même n’est pas épargné
La France est touchée au premier plan : le coût social est important, puisqu’on estime que la
contrefaçon conduit à la suppression chaque année de 38 000 emplois7 ; la contrefaçon
constitue en outre une source d’évasion fiscale non négligeable, puisque cette économie
souterraine représenterait 6 milliards d’euros.
6
7
Les Echos, 5-6 nov. 2004.
Sénat, Rapport de M. Zocchetto, n° 441, 2003.
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IL ÉTAIT TEMPS POUR LES POUVOIRS PUBLICS DE RÉAGIR !
• Une nouvelle réglementation communautaire pour dissuader les contrefacteurs
La directive « contrefaçon » du 29 avril 2004
La directive du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle est le
premier texte communautaire d’harmonisation qui appréhende l’ensemble de la propriété
intellectuelle. Dans deux ans environ, lorsque la date limite de transposition du texte dans les
législations nationales aura été atteinte, tous les États membres auront donc un ensemble de
mesures, de procédures et de réparations comparables à la disposition des titulaires de droit
pour défendre leur propriété intellectuelle. Aussi les contrefacteurs ne pourront-ils plus tirer
parti des disparités entre les législations des États membres pour mener leurs activités illicites
sur les territoires de ceux où les mécanismes de protection des droits de propriété
intellectuelle étaient les moins efficaces.
Parmi les dispositions principales : une saisie-contrefaçon inspirée de la procédure française ;
la fourniture, aux autorités judiciaires, d’informations sur les réseaux de contrefaçon ; la
condamnation éventuelle du contrefacteur au retrait des marchandises, à ses frais, des réseaux
commerciaux ; enfin, la possibilité de dommages-intérêts forfaitaires.
Le règlement douanier du 22 juillet 2003
Afin d’améliorer le système visant à interdire l’entrée dans l’Union européenne et
l’exportation ou la réexportation, depuis celle-ci, de marchandises de contrefaçon, un
règlement communautaire du 22 juillet 2003, entré en vigueur le 1er juillet 2004, est venu
modifier, en les simplifiant, les modalités d’intervention des autorités douanières à l’égard des
contrefaçons.
Notamment, il est désormais possible, au lieu de demander une intervention des douanes pays
par pays, de formuler une seule demande au niveau de l’Union européenne, et celle-ci couvre
les États membres désignés par l’entreprise. Par ailleurs, une telle démarche est gratuite.
• Un durcissement de la répression de la contrefaçon en France
La loi Perben II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions
de la criminalité
La loi Perben II a notamment augmenté le plafonnement des amendes et la durée maximale
d’emprisonnement en matière de contrefaçon. Ainsi, pour la propriété littéraire et artistique,
les dessins ou modèles et les brevets d’invention, les amendes peuvent dorénavant atteindre la
somme de 300 000 € (contre 150 000 € auparavant) et les peines de prison peuvent aller
jusqu’à 3 ans (au lieu de 2 ans), permettant le recours à la détention provisoire.
Le texte met particulièrement l'accent sur la sanction de la contrefaçon de marque et punit de
manière différenciée la détention et la vente de contrefaçon (trois ans d'emprisonnement et
300 000 € d'amende), de la fabrication ou de l'importation de contrefaçon (quatre ans
d'emprisonnement et 400 000 € d'amende).
4
Si de tels délits sont commis en « bande organisée », les peines sont portées à 5 ans
d’emprisonnement et 500 000 € d’amende.
La communication du Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie
relative à la lutte contre la contrefaçon, en date du 2 juin 2004
Lors du Conseil des ministres du 2 juin 2004, le Ministre de l’Économie, des Finances et de
l’Industrie a annoncé dix mesures de lutte contre la contrefaçon.
Or, le 16 novembre suivant, un bilan très encourageant a été dressé, puisque 90 % des
mesures annoncées par le gouvernement seraient en place. Parmi les mesures mises en œuvre,
figurent l’intensification du travail des douanes, des contrôles accrus des contrefacteurs, la
mise en service d’un fichier de produits authentiques des entreprises, ou encore la relance des
travaux avec l’Italie, la Russie et la Chine pour obtenir davantage de collaboration de leur part
dans ce domaine.
Par ailleurs, le projet de loi destinée à transposer en droit français la directive « contrefaçon »
devrait être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale au premier semestre de 2005.
Catherine DRUEZ-MARIE
Chargée d’Études et de Recherche
à l’IRPI
[email protected]
Document diffusé dans le cadre du petit-déjeuner débat
organisé le mercredi 9 mars 2005 par Liens Directs
à la Résidence Saint Dominique de l’Assemblée Nationale
autour du thème :
« LA LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON »
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