Etienne Cornevin - L`art de tirer la langue

Transcription

Etienne Cornevin - L`art de tirer la langue
L'art de tirer la langue
tel qu'expliqué
en trois cent quinze ymages linguochromées,
une centaine de plats musicaux délicieusement indigestes,
trente et quatre dismythes et marmythes,
et huit recettations
dans
La langue verte et la cuite
d'Asger
Asger Jorn
et Noël Arnaud
publié par JeanJean-Jacques Pauvert fin 1968
(27,5.22.3,5 cm - 348 pages –
315 reproductions noir et blanc, la plupart pleine page,
lingualement monochromées)
Il s'agit d'un livre très riche, avec moult écritures et plus encore d'images,
qui sont pour le moins intéressantes,
alors commençons par là :
A. La langue verte et la cuite du point de vue d'un analphabète
[projection de quelques-unes des photographies surlinguées par Asger Jorn
Cf Appendice 1 en Pdf]
I Héros dénicheurs
dénicheurs de langue : Opération dénichiaire au flamard bien ondulé
(Beaune) – Détendeur de gueule sans chaussettes (Gérone, Espagne) – Ouvreur
barbu en minijupe d'une gueule de lion doré et assis muni d'une langue affreuse non
dorée (Berne, Suisse) – Linguiste la main dans la gueule soulevé d'enthousiasme
(Musée de l'Homme) – Langues bien pendues – Linguiste recherchant sa langue à
deux mains (Suède) – Parastremme au chapeau linguistique (Suède) – La langue
doigtée (Gaulnay, Vienne) – La langue à bras (Oyré, Vienne) – Héros dénicheur
déniché en tant que petite langue d'une grande gueule (Mauprévoir, Vienne) –
Autolinguiste polyglotte s'écoutant parler (Dessin de Posada) – Héros dénicheur
mécontent d'être engueulé (Suède) – Exolangue indogueulaire (Chauvigny, Vienne)
– La langue humaine d'une gueule dévorante (Goya, Prado) – Héros dénicheur avalé
en tant que langue serpentine d'un macrostome (Mexique) – Équipe de dénicheurs
de langues au travail sur le plat de la langue (Bosch) – Tristome à la langue
connotée (gravure florentine)
II La langue pédale : Linguistes lèche-pieds (Poitiers, Vienne) – Discussion serrée
entre deux linguistes dont l'un essaie de digérer la jambe de bois de son collègue qui
tente de lui fracasser le crâne à coups de hache (Colombiers, Charente Maritime) –
Linguiste parachutiste (Autun, Saône-et-Loire) – Les gagnants de la course de fond
sur la langue (Topor) – Nasobema lyricum (archipel des Aïeaïeaïes) [Oeuvre et vie
des Rhinogrades, du Pr Dr Harald Stümpke] – Rhinostentor français mononasal
(Saint Pol de Léon, Finistère) – Festival glossocèle – Coup d'oeil sur la linguistique
(Sainte-Marie des Dames) – Volatile donnant un coup d'oeil à un linguiste
(Enlumoinure, bibliothèque de Tours) – La langue en lamelle (Kâli, Népal) – La
langue cravate (Motif scythe, British Museum) III Le tireur d'élite des langues diversives : La langue latilingue Bali, Musée de
l'Homme) – La langue de bœuf – La langue norvégienne (Musée historique d'Oslo) –
La langue chinoise (Musée Guimet, Paris)
IV Les langues élémentales : La langue liquide et pétillante (Trondheim, Norvège) –
Langues de feu volantes avec public enthousiaste (Greco, Prado) – Langue bulle à
ample floraison (Moissac, Tarn-et-Garonne) – Une pierre (ein Stein) sur la langue
scientifique – La langue universitaire pavée de bonnes intentions (photo L'Express) –
Personnage demeuré et accroupi en minijupe et à perruque glossopilaire (NeuvySaint-Sépulchre, Indre) V La langue orientable : Langue ondulatoire fortement légumineuse (Sens, Yonne)
– Langue ondulatoire en cordée boréale (Avallon, Yonne) – Rencontre nodulaire
entre une langue ondulée en ascendance et une langue en descence (Norvège) –
langue en tire-bouchon colonial (Suède) ) La langue forgée (remise en état d'une
langue usagée) (Nicolletto Rosex da Modena, gravure) VI La langue zoomorphe : Linguiste à la langue venimeuse (Norvège) – Deux
bilinguistes charmant des serpents sonnés – Assemblée de linguistes échangeant des
propos crapuleux (tapisserie d'Angers) VII La langue et son double
double : Dialogue entre deux linguistes en bilatéralisation
vomitive, fluviale et bucolique (manuscrit grec, Londres) – Linguiste à double
crochet tonitruant entre deux enclumes à langues du tonnerre (Abomey, Dahomey –
Musée de l'Homme) – Langue fourchue à double gidouille (Espagne) – Bilinguiste à
double morsure cérébrale (Saint-Génard, Deux Sèvres) – Bilingue en superposition
initiale à ramages vasculaires (Saint-Menoux, Allier) – Bilinguiste furieux avec deux
langues de rechange (Norvège) – Bilinguiste en andouille (Espagne) – Bilinguiste à
double nœud palmé (Norvège) – Bilinguiste vendangeur à la raie au milieu (Suède) Linguiste alangui et lingueuse à lingam (estampe japonaise) VIII La triplicité glossonore : Linguiste mule rotant ses trois langues (Norvège) –
Deux linguistes tricéphales communiquant leurs informations par bilinguisme
ondulatoire et légumineux (Toscanella, Italie) IX La langue universelle et l'univers des langues : Linguiste phallique à l'oeil aiguisé
perforant une langue concurrente (Musée de l'Homme) – Hydrolinguiste à langue
aviculaire agitant des ustensiles de cuisine avec sa queue (Océanie, Nouvelle Irlande)
– Linguiste à la langue entêtée (Nouvelles Hébrides - musée de Bâle) – Linguiste
barbu à la langue saisie par un linguophage dissimulé sous une feuille de chou
(Trondheim, Norvège) – Bilinguiste mordu par ses propres langues codifiées en
queues entêtées (Cunault, Maine-et-Loire) – Bilinguiste monocéphale au corps
dédoublé et à la langue caudalomorphe (Poitiers, Vienne) – Linguiste avalant sa
langue par la queue (Abomey, Musée de l'Homme) - Trois linguistes trompétant feu
et flammes à la gloire d'un linguiste caudalomorphe protecteur d'une illustre trinité
linguistique insuffisamment abritée sous un chapeau haut de forme (Comenius Lux
in Tenebris 1657)
A1 analphabète bête ( se contente de regarder, ce que souvent ne font pas
les intelligents, analphabètes ou pas )
c'est un livre pour poches de géant, où il y a beaucoup de photographies bizarres et
plutôt drôles de monstres sculptés, peints ou dessinés qui tirent toutes sortes de
langues (bifides, de feu, végétales, avec une tête au bout, …) coloriées par un artiste
paresseux et facétieux. Matière à rêverie pour Alice, qui ne comprenait pas à quoi
sert un livre sans images.
D'où viennent les œuvres photographiées ? Des cathédrales romanes ou gothiques,
mais aussi des religions et des arts malais, néo-zélandais, inuit, grec, hindou, hopi,
aztèque, … ou encore mexicain ou français XXème siècle
Quel genre d'oeuvres ? Des chapiteaux, mais aussi des peintures, des masques, des
sculptures, des gravures, des enluminures, des cartes de tarot, …
Que représentent-elles ? Des scènes fantastiques, comme les lions venant lécher les
pieds de Daniel, des hommes se servant de leur langue comme d'un pied, des
langues de feu qui volètent au dessus des têtes d'apôtres (qui n'ont pas l'air inquiet ni
mécontent), des chérubins qui forgent une langue, des animaux, des démons ou des
monstres qui dévorent des hommes, des hommes auxquels on arrache la langue, …
c'est souvent très violent (pour ceux qui l'auraient oublié : le diable est
anthropophage, l'entrée de l'Enfer est sa gueule, et l'Enfer son estomac)
toutes ces scènes comportent une ou des langues, mais pas toujours au sens ni à la
forme « propre » : en position de langue on peut trouver des têtes, des bras, des
mains, des feuilles, des hommes dévorés, des serpents, des flammes, … et des
langues peuvent se métamorphoser en longues branches d'arbre (237), en signe
d'appartenance (238,239), en feuilles (260, 261), en serpentins de chair (240)
Ces images sont-elles ordonnées ? Oui, il y a un parcours organisé selon les images,
largement indépendant des parcours textuels : les reproductions sont regroupées
selon ce que les œuvres représentent, et chaque ensemble est également unifié par
les couleurs employées (le supposé analphabète a intérêt à se souvenir qu'il ne l'est
pas complètement, et qu'il peut aller chercher les légendes des images à la fin du
livre …)
A2 analphabète réfléchissant
que de variations inattendues sur ce thème de la langue ! Des langues végétales ! Des
langues circulaires ! Des langues « entêtées » ! Des langues longues comme des
serpents, des fleuves ! Des langues bifides ! Des langues liquides ! Des langues de
feu !
Que les artistes d'autrefois étaient libres, de ne pas être tenus par notre « réalisme »
photographique imbécile, et même par rapport au symbolisme, il y a de nombreuses
imaginations qui ne sont pas justifiables (langues végétales qui s'entremêlent) !
et que la langue est présente dans les anciennes religions ! Et comme ils avaient
raison de lui attacher une telle importance ! Comme ce bout de viande est
mystérieux ! Un même organe qui sert à manger, parler, penser ! Le voilà, l'esprit fait
chair, le mystère ordinaire de l'incarnation !
B. La langue verte et la cuite du point de vue de quelqu'un qui sait lire
C'est un livre écrit avec un vocabulaire et selon une logique qui ressemblent à ce
que tout le monde connaît, mais à peu près seulement, si bien qu'on peut lire tout le
texte sans y rien comprendre, en ayant l'impression que ça parle de choses qu'on
devrait comprendre.
Relativement aux reproductions que nous venons de voir, par exemple, il y a un
lexique spécial, où les mots sont employés dans un sens qui ne manque pas de
logique mais est autre que le sens habituel : tous ceux qui « étudient » les langues,
souvent en cherchant à les arracher ou à les couper, sont des « linguistes » ; ceux qui
obligent les monstres à à sortir leur langue sont des « héros dénicheurs de
langues » ; ceux qui ouvrent les gueules des monstres sont des « ouvreurs de
gueule » ; les lions qui lèchent les pieds de Daniel sont des « linguistes lèchepieds » ; un « linguiste » qui reçoit un coup de bec dans l'oeil, c'est un « coup d'oeil
sur la linguistique » ; des langues liquides, ou de feu, ou à plumes, ou en forme de
bulles … sont des « langues élémentales » ; un être qui a deux langues est un
« bilinguiste » ; une langue qui se termine par une tête est une langue « têtue » ; une
langue à motifs de vertèbres est une langue « à glossographie vertébrale » ; des
dragons qui tirent la langue sont des « aérolinguistes »
Tout le texte est organisé comme un menu « gastrophonique » (ce qui n'empêche
pas le pantagruelisme : il y a une centaine d'entrées!) = on y voit défiler les noms de
plats burlesques (et plus ou moins très moyennement appétissants), dont les noms
sont tous des titres valises oxymoriques comme La soupe au laiton, Le potage
sonhorrifique, la Chiantinate, Les écrevisses aux écrous, Le lard du rein, Les steaks
de l'Asie centrale ou La langouline frite, mais comme on ne peut pas leur associer
une signification réelle, on est toujours aussi perdu.
Grande table d'écoute du
Menu Gastrophonique
Premier service :
Prélude aux fines herbes
Ouverture gastrophonique
Sonate en sole meunière
Symphonie aux poireaux râpés
Opéra buffet
Fugue aux figues à la gomme chromosommaire
Cantate quantique au plat réchauffé
Deuxième service : Toccata au foie gras en caisse
Interlude au coup de rouge en timbale
Suite à la culotte de bœuf façon bonne femme
Sérénade à bras liés
Troisième service : Divertimento au tournedos benjamin
Concert farci à la salade déserte
Finale aux pets de nonne
Postlude à la fine champagne
Il y a d'innombrables néologismes (on y parle par exemple de gastrophonie,
marmythologie musiculinaire, d'intimité biturologique ou utopologique, de futèse
mythogastrique, d'optimysticisme largement pissimissible ), qui sont souvent des
mots-valises en même temps que des concepts-valises (utopologique = utopique +
topologique ; gastrophonie = gastronomie + phonie ; marmythe = mythe + marmite ;
…) et suscitent des doubles sens particulièrement inconfortables car les termes
fusionnés sont ordinairement tenus pour parfaitement hétérogènes ...
Résultat : des phrases comme « L'olfaction spectrologique de la boissonnerie
liquide des cypressions gymnasticulaires à brûle-pourpoint (par conséquent mise à
feu et en cendres) dégage, d'une façon définitifervente, la puanteur des héros
spectroculinaires de la cruauté pourrielle, en rattachant justement l'odoronomie
corpusculaire à la cuite boirocratique, fondée sur la linguophagie boitelle des
bouteilles boîteuses qui sont à la base même de l'eau de feu (donc de la boisson
brûlante à laquelle on se chauffe), comme il est mentionné dans plusieurs
marmythes d'une transparenté assez nébuleuse sur l'origine exstatistique de
l'ivressemblance compénétrante de l'esprit alcoolastique chez les sauvages
hyperbucoliques. » (p 22)
Les marmythes qui rythment le livre sont parmi les éléments les moins obscurs,
dans la mesure où elles sont drôles, ce qui n'est pas toujours le cas, mais même alors
elles ne sont pas plus claires que ne peut l'être un mythe ; Exemples : l'origine des
carpes volantes (p 75-77) ; pourquoi les homards deviennent rouges quand on les
met dans l'eau bouillante (p 88) ; pourquoi la langue s'est fâchée avec les couleurs (p
100) ; pourquoi les enfants apprennent à cacher ce qu'ils pensent (p 219) ; pourquoi
les odeurs s'échangent difficilement (p 262) ; pourquoi il importe de ne pas
confondre les mots (p 295) [Cf Appendice 2 en Pdf]
L'alphabète lambda de bonne volonté, assez ami du bizarre pour s'être lancé dans la
lecture d'un livre qui se livre si peu, sera sans doute tenté de rire, mais comme on ne
rit bien que de ce qu'on a l'impression de comprendre, et que les auteurs y sont allés
sans trop de retenue avec la harissa de l'incompréhensibilité, il préférera sans doute
la et le fermer.
B1 si notre alphabète lambda de bonne volonté (ablbv) n'a jamais été
intéressé par la « littérature
littérature » linguistique (signe possible de bon goût littéraire) non
plus que par les témoignages des ethnographes et des ethnologues ou par leur
systématisation anthropologique (mais peut-on être un honnête homme sans être
sensible à l'appel du lointain ? Peut-être, mais en tout cas on ne comprendra rien à
une part essentielle de l'art, de la poésie et de la pensée moderne),,
il ne percevra pas la référence au premier tome de la quadrilogie des
Mythologiques de Claude Lévi-Strauss, Le cru et le cuit (1964), non plus que, plus
généralement, le caractère éminemment actuel de ce livre, publié alors que la vogue
du « structuralisme » était toujours considérable, et très ironique sur les illusions de
ceux qui à l'époque croyaient aux « sciences humaines », à la refonte desquelles la
linguistique a servi de modèle (ce linguisticisme est l'âme de la nouvelle
anthropologie, débarrassée de ses présupposés racistes par Lévi-Strauss, comme de la
psychanalyse revisitée par Lacan, de l'histoire des idées archéologisée par Michel
Foucault ou de la sociologie sémiologisée par Barthes).
mais il ne pourra pas se rendre compte non plus du caractère humoristique de
cette ironie, qui ne critique rien directement mais affecte la scientificité en utilisant
des raisonnements, des phrases et un lexique dont l'ambiguité est strictement exclue
par la science, qui n'admet que des idées et des formulations claires et univoques.
C'est une parodie du pédantisme scientifique en général, et du pédantisme
anthropologico-linguistique en particulier.
B2 si ce sympathique mais un peu inculte ablbv a oublié le goût qu'il
avait, enfant, pour la poésie du nonsense, il risque encore plus de décrocher
tout de suite,
car tout est écrit de manière à ce qu'on ne puisse avoir l'impression de deviner de
quoi il est question sans que cette illusion ne soit très vite troublée
exemple : (p 92) « Dans son traité auditorial sur la Diastructure tonique du Beau
Danube Bleu, le chancellairier bavardois Joseph Strauss démontre comment la
science linguistique doit, en toute logique, reconnaître l'antagonisme entre l'insigne
dé--signe.
et le dé
Pour rendre sensible ce contraste, il convient de préciser que l'acte
de priver la sémantique de ses signes s'appelle « dédé-signer » et l'acte d'inculquer des
significations se nomme « l'ensignement » (*) (ou encore « l'insignement »). Ainsi
l'insignification est structive et la désignification est destructive. L'instruction est
significative, alors que la peinture – qui est destruction – est désignificative. »
(*) On a étendu à d'autres matières la formule originelle « ensigner une langue », « ensignement
d'une langue ». Ainsi on dit aujourd'hui, par extension, « ensigner la gymnastique » (ou la
philosophie, ou l'oenologie, etc.)
l'opposition radicale – et très réelle, quoique trop souvent insoupçonnée - entre
langage et peinture est très clairement dite, mais de telle manière qu'on a
l'impression que ce n'est qu'une bouffonnerie (la marmythe expliquant pourquoi la
langue s'est fâchée avec les couleurs ne dit pas autre chose, mais c'est aussi d'une
manière bouffonne)
on est au royaume des homophonies approximatives, où un mot est pris dans un
sens et un peu plus loin dans la même phrase compris tout différemment, où les
sophismes sont établis par d'autres sophismes qui à leur tour …, et si on rencontre
pour la première fois un texte qui joue ainsi avec vous et vous oblige à chercher un
sens qui ne cesse de se dérober, on sera probablement trop déconcerté pour
continuer
pourtant, chacun de nous a récité des comptines, et beaucoup ont lu passionnément
les aventures d'Alice au pays des merveilles, ou ont appris par cœur des poèmes de
Prévert, Queneau ou Desnos, et, sous une forme beaucoup plus adulte, certes, c'est le
même type de rapport au langage, où on se laisse guider par les sonorités des mots
plutôt que par leurs significations.
C La langue verte et la cuite
du point de vue
d'un adepte
de la lecture flottante
(= de quelqu'un qui sait lire sans avoir besoin de tout comprendre,
sans vouloir savoir,
quelqu'un qui ne refuse pas de rire, à l'occasion,
et ne recule pas devant la difficulté)
D'un point de vue an-analphabète nostalgique de l'analphabétisme primitif, un peu
familiarisé avec l'existence d'une poésie et d'une littérature « parallèles », et sachant
par conséquent que la pensée mythique n'est pas morte avec les Mythes des cultures
pré-modernes (tués par les Saints Georges de la Science), on pourrait le définir (je
parle toujours du même livre) comme : des
Éléments pour une mytholinguologie parallèle
- à entrevoir et entrepenser à l'époque de la science (linguistique) des mythes.
une mythologie d'apparence mythologologique, surtout farcesque mais
accessoirement un peu très sérieuse, de la langue prise dans toute la richesse de ses
significations et de ses usages contradictoires : langue naturelle (que l'on tire - avant
ou après l'avoir tournée sept fois dans sa bouche ; avec laquelle on mange, boit,
goûte, attrape les mouches, procède à des travaux de nettoyage bucal prédentistiques, crie, parle – ce que certains originaux mettent à profit pour penser -, fait
sa toilette de chat – quand on est chat -, …. ), langue culturelle (système de signes
chargés de sens dont à propos duquel certains langouistes affirmaient qu'elle était
une sous des apparences multiples quand d'autres penchaient pour la multiplicité
originelle avec quelques caractères communs), métalangues servant à dire les
langues naïves (qui ne sont pas si infra- que ça puisque par essence métanaturelles),
langue populaire, langue savante, langue secrète, langue publique, langue de bois
(qui est souvent dans un gant de fer), langue verte, langue chargée, langue muette,
langue des sons, langue des formes et des couleurs, langue ouste (militaire), langue
bien pendue, langue d'apparat, langue hissante, langue pourrie, …
tous les mythes affirment le mystère du monde en faisant semblant de l'expliquer
par les histoires prodigieuses de héros surnaturels, et ce livre qui, dans sa
présentation déjà, est un cauchemar pour tout esprit scientifique ou même
philosophique, est justifiable, au-delà de sa beauté, de son irrévérence et de sa
drôlerie, par le mystère réel de tout ce qui est lié à la et aux langues, dans tous les
sens que même les langues qui disposent de mots différents pour l'organe
(« tongue », « Zünge », « jazyk », « lengua », … ) et pour le système de signes
(« speech », « Sprache », « reč » , « palabra » ou « idioma », … ) ne parviennent pas à
séparer (sans langue, pas de langue, même si certains animaux ont une langue sans
avoir pour autant de langue, ou si d'autres ont une langue – élémentaire, certes, mais
ça compte – sans avoir de langue, et le goût des mots va presque toujours avec
l'amour du goût, des aliments ou des corps, …). Ce livre vise à introduire (réintroduire) de la confusion dans ce ce que les scientifiques croyaient pouvoir
éclaircir [dans les années 60 : étant donnée la désaffection pour la théorie qui a
succédé aux excès d'enthousiasme – passablement terroriste – de cette période, on
peut se demander s'il y a encore des linguistes pour entretenir de telles illusions],
mais c'est pour rappeler la confusion réelle de toutes ces questions, et le caractère
artificiel de nos distinctions.
Rappel énergique : La langue verte et la cuite est contre les illusions des linguistes
et des anthropologues comme la dynamite est contre la montagne : en ! faisant !
tout ! exploser
exploser !
D. La langue verte et la cuite du point de vue d'un lecteur-regardeur
à la fois C et A2
Hélas pour nous : les esprits simples qui croient encore à l'absurdité des « livres
d'artistes » (il y en a, même parmi les spécialistes de Queneau et du Surréalisme)
jivarotiseront ce livre formidable au micro-format dans lequel se laissent réduire la plupart
des pseudo-livres faits par des artistes contemporains (dont on se demande souvent s'ils ne
font que rimer avec A1).
Si j'avais encore envie de me battre pour faire reconnaître l'existence des « livres
monstres », il me serait assez facile de montrer que La langue verte et la cuite est 1. un
livre d'art, de poésie et de philosophie indissociablement mêlés 2. un livre d'antiphilosophe, d'anti-poésie et d'anti-art 3. un livre de ce que Marcel Duchamp nommait
« anartiste » = un sommet de l'invention bibliotératologique (pour ceux qui veulent savoir
de quoi il retourne, il existe encore des exemplaires du Manuel du Chasseur de Livres
Monstres, d'Esteban Hornwine, que vous pouvez commander sur le site des Éditions du
céphalophore entêté, http://nouvelles-hybrides.fr). Mais puisque le seul terme de livre
monstre a sur certaines personnes le même effet furorogène que la muleta sur le taureau,
je me conformerai au slogan de mai 68 (Laissez la peur du rouge aux bêtes à cornes), et j'en
utiliserai d'autres (termes).
pour le degré d'énorme improbabilité, on peut comparer La langue verte et la cuite aux
livres de Jean-Pierre Brisset, qui démontrait par voie de calembours que l'homme descend
de la grenouille
pour la succession continue d'explosions qu'il induit dans l'esprit du lecteur-regardeur (la
cuisine et la musique étant deux domaines totalement hétérogènes, tous les titres
« gastrophoniques » des chapitres et sous-chapitres sont des oxymores, c'est-à-dire des
alliance de mots contraires qui vous oxydent à mort), c'est un livre dadaïste, animé par le
même genre de nihilisme joyeux qu'on trouve dans les manifestes dadas ou dans les
spectacles du Cabaret Voltaire (c'est aussi, comme les manifestes dada, un livre difficile à
supporter, et que ceux qui ont consenti l'effort de le lire vraiment une fois n'ont pas envie
de relire)
Max Ernst avait forgé pour ses propres inventions (plus particulièrement pour les
frottages d'Histoire naturelle ?) le terme de « para-mythes », et il convient très bien ici.
« Patamythes » ferait bien l'affaire également. Car les marmythes sont des paramythes et
des patamythes, voyez-vous.
Comme je le disais dans le texte de présentation de cette conférence, ce livre
éminemment improbable, est l'un des plus génialement stupides – ou stupidement géniaux
- du siècle précédent (qui a quand-même vu paraître Finnegans wake et Une semaine de
bonté, SaintSaint-Glinglin et La mariée mise à nu par ses célibataires, même, Au pays de la
d'emploi
magie et La vie mode d'
emploi, Faustroll et Fictions, Locus Solus et L'amour fou, La
cantatrice chauve et Peanuts, Pour lire sous la douche et Philémon, Catalogue d'objets
introuvables et Ces nains portent quoi ?, …). C'est un livre de gai mentir, d'ignorance
allègre, qui met toute sa science, qui n'est pas si petite, au service de calembredaines
burlesques. Un livre de « science parallèle », comme le traité du professeur Harald
Stümpke - collègue très proche du grand zoologue Henri Grassé - sur les nasobèmes
(ouvrage dont une illustration est reproduite p 140 et qui est cité p 43), qui est transversal à
l'histoire de l'art, l'histoire des religions, l'ethnologie, la mythologie comparée, la
gastronomie, la musicologie, l'anthropologie structurale, la linguistique, la scatologie,
l'ethnographie rouchienne appliquée à Montparnasse et à une partie du XIVème
arrondissement, le surréalisme, le queneauïsme, le cobraïsme, le lettrisme, la pataphysique,
le situationnisme, et quelques autres que probablement j'oublie. Un livre ivre et rieur, à
l'exemple de la geste rabelaisienne (qui tourne aussi toute entière autour d'histoires de
langue, et dont un mythe pantagruelanguistique a été transformé en marmythe pp 168175), et qu'il faut voir dans la suite des livres qui continuent Rabelais, comme
de Corneille, Le menteur
de Molière, Le bourgeois gentilhomme
de La Fontaine, Les fables
de Voltaire, Micromégas
de Jonathan Swift, Gulliver's travels
de William Hogarth, The four stages of cruelty
de Laurence Sterne, Life and opinions of Tristram Sha
Shandy,
ndy, esq.
de Denis Diderot, Jacques le fataliste
de Jean-Paul (Richter), Leben Fibels
de Francesco de Goya, Los Caprichos
d'Honoré de Balzac, Contes drolatiques
de Rodolphe Töpffer, Docteur Festus
de I.I.Grandville, Un autre monde
d'Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit
d'Edgar Allan Poe, Tales of the Grotesque and the Arabesque
de Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet
d'Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, Les chants de Maldoror
d'Arthur Rimbaud, Illuminations
d'Alphonse Allais, À se tordre
d'Alfred Jarry, Gestes et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien
de Guillaume Apollinaire, L'hérésiarque et Cie
de Max Jacob, Le cornet à dés
de Franz Kafka, L'Amérique
de Max Ernst, Une semaine de bonté
d'Henri Michaux, La nuit remue
de René Daumal, La grande beuverie
de James Joyce, Finnegans wake
de Raymond Queneau, Le chiendent
de Boris Vian, L'automne à Pékin
de Ionesco, La leçon
de Jean Dubuffet, Bon piet Beauneuille
d'Alexandre Vialatte, L'éléphant est irréfutable
Comme tous ces livres nés dans des contextes toujours plus marqués par la pensée
scientifique et technique moderne, il renoue avec quelque chose de très ancien,
quelque chose qui tend toujours plus à disparaître,
un type de pensée facétieux, ami de la plaisanterie (grosses et pires admises),
jouant volontiers avec les mots,
préoccupé essentiellement des choses du ventre (tous étages) :
ce que Bakhtine nommait « culture carnavalesque »,
ce qu'on pourrait appeler – mais seulement en dernière extrémité -,
l'irrationalisme enfantin
et populaire
des cultures traditionnelles.
E. La langue verte et la cuite par rapport à ses auteurs déclarés
Ce livre décidément très exceptionnel est présenté comme fruit de la collaboration
d'un grand peintre expressionniste post-surréaliste, Asger Jorn (fondateur de Cobra,
ami de Guy Debord, inspirateur et phynanceur de la luxueuse revue de
l'Internationale Situationniste) et d'un poète lettré de l'illettrisme, Noël Arnaud qui
était depuis huit ans membre – fondateur - de l'OuLiPo et depuis seize ans ans
membre éminent du Collège de 'pataphysique.
Asger Jorn ? Poète-peintre, graveur, céramiste, sculpteur, et comme tel auteur
d'oeuvres extrêmement fortes, à la fois sauvages, drôles, et très cultivées, qui n'ont
pas moins contribué au renouvellement de l'art après la seconde guerre mondiale
que celles de Pollock, Hartung, Tàpies, Michaux, Wols ou Dubuffet, mais aussi
essayiste, théoricien de l'art et de la vie, pataphysicien né + fondateur et animateur
infatigable de mouvements poético-artistiques révolutionnaires. Né Asger Oluf
Jorgensen le 3 mars 1914 à Vejrun, dans le Jutland, au Danemark. Venu à Paris en
1936, il étudie dans l'atelier de Fernand Léger et travaille avec Le Corbusier au
Pavillon des temps nouveaux de l'Exposition de 37. Pendant l'occupation nazie, il
fonde et anime le groupe Helhesten (le canasson infernal), qui regroupe les artistes
danois qui veulent expérimenter de nouvelles possibilités. Rompt après la guerre
avec le PC danois, jugé trop stalinien, mais il se déclarera communiste jusqu'à la fin
de sa vie (qu'il passera à voyager entre le Danemark, Paris, la Tunisie, la Suisse et
Albisola, près de Gènes). Ses efforts pour trouver des artistes partageant ses
orientations formelles et philosophiques et créer un mouvement international qui
continue Helhesten aboutissent à la fondation en 1948, avec notamment Karel
Appel, Constant, Corneille et Dotremont, du mouvement CoBrA,
CoBrA qui veut radicaliser
le surréalisme en le libérant de l'illusionnisme pictural de la plupart de ses membres
, et défend énergiquement la liberté absolue de l'artiste contre le « Réalisme
socialiste ». En réaction au concrétisme de Max Bill, il fonde en 1953 le Mouvement
international pour un Bauhaus imaginiste - amitié avec Guy Debord qui aboutira
notamment à deux livres (Fin
Fin de Copenhague (57), mince livre expressionniste
tachiste de collages d'extraits de journaux fait en un jour, avec Debord en
« conseiller pour le détournement », et Mémoires
Mémoires (59), signé par Debord, pour
lequel Jorn réalise des « structures portantes »), et à la fondation de l'Internationale
Internationale
situationniste,
Internationale lettriste et du
situationniste fusion du Bauhaus imaginiste,
imaginiste de l'Internationale
Comité psychogéographique de Londres.
Londres Réalise en 59 puis en 62 des
détournements de peintures achetées aux puces, qu'il appelle « Modifications » ou
« Défigurations ». En 61, quitte l'IS. Fonde l'Institut
Institut Scandinave de Vandalisme
Comparé,
Comparé qui doit archiver des photos de l'art scandinave des époques pré-modernes
(il finance pendant quatre ans le photographe Gérard Franceschi, qui réalise 25 000
documents), et se rapproche du Collège de 'pataphysique. Élabore une
« philosophie » originale, le « triolectisme » dont une « application pratique est le
football à trois côtés. La langue verte et la cuite, paru fin 68, lui vaudra d'être
nommé « Commandeur exquis de l'Ordre de la Grande Gidouille ». Fonde un musée
à Silkeborg, auquel il donne de nombreuses œuvres, . Meurt en 1973, d'un cancer
au poumon. Il n'avait pas soixante ans.
Noël Arnaud ? Poète surréalo-lettristo-pataphysicien – dont l'oeuvre personnelle,
faussée par l'irresponsabilité des automatismes surréaliste puis oulipien, n'est plus
qu'à peine une curiosité [Les « poèmes algol » sont à la rigueur sauvés par l'humour], mais aussi et surtout grand connaisseur et défenseur d'oeuvres et de formes de
poésie et de paralittérature généralement méprisées et méconnues. Né Raymond
Valentin Muller le 15 décembre 1919 à Paris. (Selon Wikipédia : entré au Ministère
de la Santé pendant l'Occupation, il y accomplira toute sa carrière, qu'il terminera
comme chargé de la direction des hôpitaux de France). Membre à 17 ans du groupe
post-dada Les réverbères (37 > 40), puis membre (fondateur?) du groupe surréaliste
parisien La main à plume,
plume qui publie la revue de même nom (où sera publié pour la
première fois Liberté d'Éluard, qui avait prétendu admirer infiniment Benjamin
Péret). Résistant. Membre du groupe Surréalisme révolutionnaire (47-48), qui se
fondra avec Cobra
Cobra.
bra Entre au Collège de 'pataphysique dès 1952 : il y deviendra très
vite « Régent de Clinique de rhétoriconose » (53) et « Régent de 'Pataphysique
générale » (57). Élevé au « Transcendant corps des Satrapes » en 90 vulg. Membre
fondateur de l'OuLiPo
OuLiPo,
OuLiPo en 1960 (il en a assuré la présidence après François Le
Lionnais, et a fondé, avec Harry Matthews, l'Ouvroir
Ouvroir de Cuisine Potentielle).
Potentielle A dirigé
avec François Caradec la monumentale Encyclopédie des farces, attrapes et
mystifications (qui paraît en 1964) et le n° de Bizarre consacré à la « Littérature
illettrée ». En 1966, n° spécial (39-40) de Bizarre : « Les vies parallèles de Boris Vian ».
En 1974, La table ronde publie sa biographie d'Alfred Jarry (d'Ubu roi au Docteur
Faustroll). Fonde, après l'occultation du Collège de 'pataphysique (75 vulg), la Société
des Amis d'Alfred Jarry. Publiait dans les années 90 (?) une « revue » intitulée
Dragée haute, qui a succédé au « Petit Jésus » . En 2003, s'arrange pour mourir un
1er avril.
Même si Asger Jorn avait un génie plus créatif, un sens artistique beaucoup plus sûr,
et voyait plus loin que Noël Arnaud, tous deux se connaissaient depuis l'époque de
Cobra et du Surréalisme révolutionnaire (1948-1951), partageaient une conception
« primitiviste » de la vie et de l'art, et voulaient aller plus loin encore que les
surréalistes de l'époque héroïque dans la libération du rationalisme et de la culture
abstraite qui dominait à leur époque.
Patrick Fréchet, ami et éditeur de Noël Arnaud, m'a bien surpris en m'écrivant :
« Vous savez sans doute que c'est un ouvrage entièrement écrit par Jorn et que la
part d'Arnaud est essentiellement de la réécriture avec l'ajout de quelques
expressions de son cru. L'examen des manuscrits (aujourd'hui conservés, pour la
plupart, dans le fonds Noël Arnaud de la Bibliothèque de l'Arsenal) le prouve. » Et la
lecture du catalogue détaillé et néanmoins peu indigeste consacré par Roger Roques
aux documents pré- et post-paratoires à la LV&LC ne laisse aucune place au doute,
mais à la réflexion, il n'y avait pas lieu d'être étonné, car c'est un livre mieux accordé
aux facilités spéculatives ludiques d'Asger Jorn, comme à son rapport d'étranger à la
langue française et à la perpective « mythologicontemporaine » qui commande
toute son œuvre.
F. La langue verte et la cuite telle qu'en elle-même l'éternité devrait la cuire
en définitive ?
Un traité en forme de langue tirée
sur l'art inenseignable de tirer la langue,
littéralement et dans tous les
les sens.
un rappel au Désordre originel,
originel
à l'ivresse originelle,
au charobia ariginel.
un éloge de la folie et de l'ivresse
comme moyens de retrouver la conscience
de cette origine volcanique de l'humanité
une invitationinvitation-incitation à laisser sa conscience rationnelle,
claire, univoque, organisatrice, pratique, égoïste,
pour retrouver l'intelligence profonde des choses
dans laquelle on ne peut pas s'établir
une incitationincitation-invitation à la rêverie
sur ce que la langue pourrait être,
si on oubliait le principe de réalité
un livre dionysiaque,
dionysiaque à regarder et lire
comme les grecs regardaient les pièces d'Aristophane :
un livre tragique et burlesque,
de sagesse folle et de folie sage
un livre tragique et mythique,
mythique
au-delà de l'optimisme et du pessimisme myopes
un livre qui se voit relégué par « l'évolution » de la Société
au statut de rareté et de curiosité,
mais qui était fait pour tous,
comme les tableaux, les gravures, les céramiques ou les sculptures d'Asger Jorn
qui étaient à contrecontre-courant de cette prétendue « évolution »,
à contre-déploiement des forces d'amnésie et de bêtise
qui commandent l'essor mondial de la « société de consommation »
un repère dans l'histoire de ce que Restany avait nommé
- sans tout à fait comprendre ce qu'il avançait « l'autre face de l'art »,
histoire marquée par des œuvres de
Satie, Jarry, Kandinsky, Stravinsky, Jana ek,
Nolde, Klee, Apollinaire, Picasso, Max Jacob,
Duchamp, Váchal, Kupka, Šíma, Ernst, Breton,
Mac Orlan, Michaux, Magritte, Queneau,
Dubuffet, Vialatte, Dali, Lévi-Strauss, Daumal,
Kolá , Fellini, Bergman, Novak, Rainer, Fila,
Ionesco, Spoerri, Tinguely, Filliou, Dupuy, Ben,
Topor, Dietman, Roth, Polke, Bouillon,
Righi, Laubert, Minarik, Fauguet, Dégé, Puente,
...
un grand livre, à lire jusque dans son illisibilité,
comme la Bible,
et qu'il faudrait approcher religieusement
si ce mot n'excluait pas la joie
ou la liberté de jouer avec les mots comme avec les pensées
un très grand livre de pataphysique
(que les p p d a – pataphysiciens précédés d'une apostrophe -,
en vertu du principe d'équivalence qui
- s'imaginent-ils fonde la pataphysique,
se doivent de ne pas reconnaître :
on en rencontre en effet – des 'pataphs qui n'ont jamais entendu parler de la LVC,
et les revues collégiales ne l'auraient jamais étudié)
un livre enfin pour se perfectionner
en Bêtise et en Ignorance
toutendevenan
subsécaman
consécaman
et aligatocaïman
plusavan
et pluzintelligean
ce morceau de langue
multicoloré
a été achevé de tirer et étirer
par et.c.,
tireur de langues d'élite
un lundi
vingt deux
d'Octobre
deux mille
douze
Blinis de biblis au gras phi
Noël Arnaud (et François Caradec) : Littérature illettrée ou La littérature à la lettre –
Bizarre n°32-36 1er trimestre 1964 Noël Arnaud : Poésie
Poésie presque complète – Plein Chant 2006 coll : Asger Jorn, Un artiste libre – catalogue de l'exposition de Lausanne - été 2012
Guy Debord : Mémoires (« structures portantes » d'Asger Jorn) – 1959, réed Allia
2004
Asger Jorn : Fin de Copenhague
Copenhague (avec Guy Debord comme « conseiller pour le
détournement ») - 1956, réédition Allia 1986 Asger Jorn : Discours aux pingouins et autres écrits – École nationale supérieure des
Beaux-Arts, 2001 -( avec notamment Banalités intimes
intimes, 1941 ; Discours aux
pingouins, 1949 ; Enrico Baj
Baj, 1956 ; Discours d'ouverture au premier congrès
pingouins
libres, 1956 ; Peinture détournée
détournée, 1959 ; La pataphysique, une
mondial des artistes libres
formation, 1961 ; Ni abstraction ni symbole : Henri Michaux
Michaux, 1962 ; Guy
religion en formation
Guy
maudit, 1964 ; Wols
Wols, 1964 ; Bram van Velde
Velde, 1967 ;
Debord et le problème du maudit
omissions, 1967 ; Quelques observations sur le phénomène Jean
Structuralisme et omissions
Dubuffet, 1967)
Dubuffet
Asger Jorn : La genèse naturelle (sur la situation singulière qu'occupent dans
l'humanité
l'humanité les mâles) – écrit 63-64, première publication en français Allia 2001 Librairie Champavert (Roger Roques) : Manuscrits, photographies, correspondances
… (à propos de La langue verte et la cuite) – 2002 -

Documents pareils