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DIRECTION MUSICALE JOHANN STRAUSS fils (1825-1899) Ouverture de l’opérette Die Fledermaus (La Chauve-Souris), op. 367 Allegro vivace – Allegretto – Tempo I° – Lento – Tempo di valse – Allegro – Andante con moto – Allegro molto moderato – Tempo ritenuto – Tempo di valse – Allegro moderato – Più vivo Kaiser-Walzer (Valse de l’Empereur), op. 437 Introduction (Langsames Marschtempo) – Tempo di valse Unter Donner und Blitz (Sous le tonnerre et les éclairs), polka rapide pour orchestre op. 324 Polka ANTONÍN DVORÁK (1841-1904) Danse slave n° 16, op. 72 n° 8, en la bémol majeur Grazioso e lento, ma non troppo, quasi tempo di valse Danse slave n° 10, op. 72 n° 2, en mi mineur Allegretto grazioso Danse slave n° 1, op. 46 n° 1, en ut majeur Presto Entracte JOHANN STRAUSS fils Tritsch-Tratsch Polka, polka rapide pour orchestre op. 214 – Sans indication de tempo – PIOTR ILYITCH TCHAÏKOVSKI (1840-1893) Valse des fleurs, extraite du ballet Casse-Noisette Tempo di valse JOHANNES BRAHMS (1833-1897) Danse hongroise n° 1, en sol mineur (orchestration de Johannes Brahms) Allegro molto Danse hongroise n° 5, en la mineur (orchestration d’Albert Parlow) Allegro Danse hongroise n° 17, en fa dièse mineur (orchestration d’Antonín Dvorák) Andantino – Vivace JOSEF STRAUSS Delirien-Walzer (1827-1870) Allegro maestoso – Tempo di valse La Chambre Philharmonique Emmanuel Krivine, direction musicale Mercredi 20 décembre 2006 à 20h30 A chaque fois que l’année se meurt, les salles de concert résonnent d’un répertoire plus léger et festif qu’à l’habitude, comme pour conjurer le temps qui s’envole, inexorablement. Symphonies et concertos laissent place à des pièces plus brèves, et la danse retrouve une place qu’on renâcle, le reste du temps, à lui abandonner. Valses, marches et polkas prennent le devant de la scène, ces pièces considérées souvent d’un œil suspect au motif qu’elles séduisent un large auditoire et plaisent aux amateurs les moins chevronnés. Ce jugement naît d’un malentendu : si elle parle au plus grand nombre, cette musique n’en est pas moins d’une grande exigence pour ses interprètes. Il n’est que de voir le soin avec lequel les plus grands orchestres l’abordent, à commencer par l’Orchestre philharmonique de Vienne lors du traditionnel Concert du Nouvel An. Les chefs qui excellent dans les valses de Johann Strauss sont les mêmes qui, souvent, brillent dans la musique de deux autres Viennois : Mozart – pour la grâce et l’élégance – et l’autre Strauss, Richard – pour la science orchestrale. Emmanuel Krivine est de cette espèce-là : mozartien et straussien (Richard) hors pair, il considère avec un respect et une passion infinis ces valses et polkas viennoises, et plus généralement ces danses et ballets de Brahms, Dvorák ou Tchaïkovski qui réclament d’égales qualités de finesse et de bon goût. L’entendre dans ce répertoire, qui plus est à la tête de sa merveilleuse Chambre philharmonique, est toujours la promesse de lectures envoûtantes et racées. On dit des Viennois que leur cœur bat à trois temps. Tout au long d’un XIXe siècle riche en bouleversements politiques, la valse accompagna les heurs et malheurs de l’empire des Habsbourg, qui connut dans ces années de grandes heures de gloire, mais aussi de cruelles déconvenues. L’apogée de cette danse correspond à celui de l’empereur François-Joseph Ier et de son épouse Elisabeth, la fameuse Sissi, à partir du compromis de 1867 – qui marquait l’apaisement des relations avec la bouillonnante Hongrie. A l’inverse, les mauvaises langues prétendent que la mort de Johann Strauss fils, en 1899, précipita à sa perte le règne de l’empereur d’Autriche et roi de Hongrie. La valse puise ses origines dans les danses tournantes en vogue dans les campagnes de Bavière et d’Autriche depuis le Moyen Age et stylisées sous la forme du Ländler. Elle naît aux environs de 1750 de la figure finale du Ländler, où le garçon et la jeune fille, après avoir tournoyé à bonne distance, se rapprochent en se tenant par les épaules. En quelques décennies, la valse s’impose comme la danse de société à la mode. Jusqu’alors marchés, ses pas sont désormais glissés, tandis que son tempo 1 s’accélère. Elle doit son succès à deux éléments. D’une part, en ces années suivant la Révolution française, elle vient à point nommé briser certaines barrières de classe. Elle conquiert aussi bien la noblesse que la bourgeoisie – qui prend à Vienne une importance croissante – et produit sur les uns et les autres les mêmes effets d’ivresse, sans considération de classe ou de rang. C’est en Autriche l’une des premières manifestations du principe bourgeois d’égalité. Par ailleurs, la valse est la première danse de société où l’homme et la femme se meuvent aussi rapprochés : le couple s’enserre avant de partir dans son tournoiement ininterrompu, jusqu’à approcher la transe. Cette perception nouvelle, érotique, de la danse met en émoi les moralistes, et ce n’est pas un hasard si Liszt fera de la valse la danse du diable dans ses Méphisto-Valses. En 1815, le Congrès de Vienne se déroule sur fond de valse. Pour distraire et occuper les légions de têtes couronnées et de diplomates réunis, avec épouses et suites, dans la capitale autrichienne, on organise toutes sortes de festivités : revues militaires, représentations théâtrales, concerts et surtout bals en tous genres. Le vieux prince de Ligne lâche : « Le Congrès ne marche pas, il danse. » Après les bals mémorables du Congrès de Vienne, le nombre de fêtes dansantes ne cessera de croître, notamment dans les salons du Palais impérial, les Redoutensäle. En quelques semaines, la nouvelle danse envahit l’Europe. Dès 1816 paraît à Londres une Description of the Correct Method of Waltzing. Un moment clef dans l’histoire de la valse est la publication en 1819 d’une première partition « savante », émanation de l’un des plus brillants compositeurs du moment : l’Allemand Carl Maria von Weber. Composée à l’origine pour piano, son Invitation à la danse (Aufforderung zum Tanz) connaît un rapide engouement, gagnant notamment Paris, où elle est orchestrée par Hector Berlioz. Weber y fixe la forme reprise plus tard, avec quel brio, par Johann Strauss fils : une introduction développée, une succession de danses, et enfin une longue coda reprenant des thèmes entendus précédemment. Amis, puis rivaux, Joseph Lanner (1801-1843) et Johann Strauss père (1804-1849) forment deux orchestres qui répandent la valse en Autriche et lui donnent son visage moderne. Ils obtiennent un succès croissant, faisant tourner les têtes au son de danses de leurs propres compositions. Johann Strauss devient si célèbre qu’il obtient, en 1835, le poste de directeur de la Musique des Bals de la Cour. Le Printemps de peuples, en 1848, fait éclater les revendications des minorités nationales de l’Europe, et tout particulièrement de l’Empire austro-hongrois. Hongrois et Tchèques ébranlent fortement l’édifice des Habsbourg, mais leurs révolutions sont matées, laissant des frustrations durables. Vienne n’en continue pas moins de valser. La valse connaît une 2 vogue sans précédent avec l’avènement de Johann Strauss fils, bientôt désigné comme le « roi de la Valse ». Né en 1825, le jeune homme est destiné par son père à une carrière de banquier. Mais il préfère étudier le violon et la musique et, en 1844, se présente au public viennois avec son propre ensemble, qui fait rapidement une ombre sévère à l’orchestre de son père. A la mort de ce dernier, en 1849, Johann fils fusionne les deux formations et ce nouvel orchestre triomphe dans toute l’Europe et aux Etats-Unis. Johann Strauss fils composera plus de cent soixante-dix valses, au firmament desquelles brille la Valse de l’Empereur. Cette admirable construction symphonique voit le jour à l’automne 1889, à l’occasion d’une série de concerts dirigés par Strauss pour l’inauguration d’une nouvelle salle de concert berlinoise, le Königsbau. Elle devait s’appeler Hand in Hand (Main dans la main), en référence au pacte entre l’Autriche et l’Allemagne signé au mois d’août précédent dans la capitale allemande. Mais elle est présentée au public sous son titre définitif de KaiserWalzer, sans que l’on sache le motif de ce changement. Peut-être est-ce l’avisé Fritz Simrock qui en fit la suggestion à Strauss, chacun des deux monarques pouvant se reconnaître dans ce titre et y satisfaire sa vanité. Cette valse était la première partition que Strauss publiait chez le célèbre éditeur berlinois, auquel Brahms venait de le présenter (comme il l’avait déjà fait pour Dvorák, nous le verrons plus loin). Néanmoins, la première partition éditée (une réduction pour piano) porterait les seules armes de l’Autriche… A sa création, le 21 octobre 1889, l’œuvre reçoit un accueil triomphal et suscite ce commentaire dans la presse : « La Kaiser-Walzer commence dans le genre prussien et guerrier, on croit vraiment voir et entendre défiler la garde du vieux Fritz – mais ensuite... tout retrouve le style léger et l’élan typiquement viennois. » Après une introduction puissante, « Dans un tempo de marche lente », les quatre valses se déploient dans un contraste très efficace de couleurs et de caractères. L’optimisme et la majesté restent néanmoins toujours de mise, jusqu’à la coda où un touchant solo de violoncelle précède l’étincelante conclusion, avec cuivres en fanfare et roulements de timbales. A partir de 1871, inspiré par le modèle français d’Offenbach, Johann Strauss se mit à composer des opérettes. La troisième, La Chauve-Souris, est de loin la plus populaire. Pourtant, elle fit un flop à sa création, le jour de Pâques, le 5 avril 1874 au Theater an der Wien de Vienne. Strauss n’y était pour rien, et se tailla même un beau succès personnel. Mais l’heure n’était pas à la plaisanterie : l’année précédente, la bourse de Vienne s’était effondrée, entraînant de nombreuses ruines et une vague de suicides. Après onze soirs, le directeur du théâtre laissa la scène à Adelina Patti, 3 dans un mélodrame de Verdi dont le caractère tragique convenait mieux au marasme ambiant : Ernani. Les amis de Strauss parvinrent à imposer une reprise de La Chauve-Souris, sans plus de succès – seul Gustav Mahler réussirait enfin à l’imposer à Vienne. En attendant, La Chauve-Souris déchaîna l’enthousiasme en Allemagne. Mais, à Paris, elle se heurta à un problème inattendu. Les librettistes, Richard Genée et Carl Haffner, avaient puisé leur inspiration dans une pièce d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy, Le Réveillon. Les deux poètes – connus par ailleurs pour leur collaboration à la Carmen de Bizet – s’opposèrent à l’utilisation du livret, obligeant à sa réécriture entière par Alfred Delacour et Victor Wilder et à de nombreux aménagements dans la partition. Inutile de préciser que l’opérette, ainsi tripatouillée, ne rencontra qu’un maigre succès… Depuis lors, cet ouvrage plein d’esprit et de panache a pris sa revanche. Son étincelante ouverture, pot-pourri de thèmes à venir, adopte une structure très habile qui mêle une sorte de forme sonate sans développement à l’esprit d’une forme ternaire ABA. La succession des différents thèmes est présentée deux fois : tout d’abord dans une tonalité changeante qui rompt toute monotonie (on progresse de quarte en quarte), puis dans la tonalité principale de la majeur. Avant l’exposition du dernier thème s’élève un lancinant solo de hautbois, le seul dans une tonalité mineure et un tempo plus alangui. Seul thème à ne pas être réexposé, il forme le cœur vibrant de ce morceau à la grâce presque mozartienne et à l’énergie débordante. La valse n’était pas seule à faire tourner les têtes viennoises. Moins voluptueuse, plus piquante, la polka vient de la Bohême voisine ; à lui seul, Johann Strauss fils en composa quelque cent soixante : polkas simples, polkas « schnell » (polkas rapides), polkas « mazur » au parfum polonais ou polkas françaises, qui toutes brillent par leur esprit et leur verve étourdissante. Composée en 1858, Tritsch-Tratsch Polka (littéralement « Polka Cancans ») est un clin d’œil à un nouvel hebdomadaire satirique, Humoristisch-satyrische Wochenschrift Tritsch-Tratsch (Hebdomadaire humoristique-satirique Cancans). Dès le second numéro, paru le 7 mars 1858, la revue inaugura sa nouvelle rubrique « Personnalités viennoises célèbres » avec un portrait et une caricature du compositeur, ce qui dit assez le prestige dont il jouissait. L’œuvre, qui décrit le commérage de Viennoises au marché, répond également aux rumeurs d’aventures galantes qui avaient accueilli Strauss à son retour d’une tournée triomphale en Russie. Elle fut créée le 24 novembre de la même année dans une salle richement décorée de l’auberge Zum Großen Zeisig (Au Grand Pinson), située sur le glacis du Burg, et l’événement, largement annoncé dans la presse, fit grand bruit. Commencé en novembre 1867, Sous le tonnerre et les éclairs fut créé le 16 4 février 1868 dans le cadre du bal annuel donné par l’association d’artistes viennois Hesperus. L’auteur pensait l’intituler Sternschnuppe (Etoile filante), en hommage à l’honorable société – Hesperus (nom allemand d’Hespéros) désignait en effet, dans la Grèce antique, le premier astre apparaissant le soir (la planète Vénus, l’étoile du Berger). Le titre définitif correspond bien mieux au caractère de cette polka virevoltante, ponctuée de coups évocateurs de grosse caisse et de cymbales. Outre les Johann père et fils, la dynastie Strauss comptait deux autres membres éminents : Josef et Eduard, les deux jeunes frères du roi de la Valse. Josef Strauss fit une carrière d’ingénieur et d’architecte avant de rejoindre, dans les années 1850, l’orchestre familial. Bien lui en prit : il laisse une œuvre peut nombreuse, mais d’une grande qualité. Delirien-Walzer (1867) compte parmi ses valses les plus réussies, aux côtés de Sphären-Klänge (Musique des sphères) et Dorfschwalben aus Österreich (Hirondelles villageoises d’Autriche). Comme ces deux pages éminemment poétiques, Delirien (Délire) témoigne du goût de Josef pour les expérimentations harmoniques. L’introduction est une peinture saisissante de divagations mentales dont on ne sait au juste si elles sont produites par la fièvre ou l’abus de substances illicites. Les participants au congrès de médecins qui avait passé commande de la partition apprécièrent certainement que tout rentre ensuite dans l’ordre : remis sur pied par leurs bons offices, le malade est bientôt apte à danser la valse la plus radieuse qui soit. Pendant que Vienne dansait, les pays voisins n’étaient pas en reste. Mais, en cette période où les nations d’Europe redécouvraient leurs racines, leur culture, leur langue, leur originalité, on vit émerger des formes musicales nationales très typées, inspirées des danses populaires. En Hongrie, la source d’approvisionnement ne fut pas l’authentique chant paysan tel que le redécouvriraient Béla Bartók et Zoltán Kodály dans la première décennie du XXe siècle, mais plutôt la forme élaborée et urbaine que les orchestres tsiganes avaient donnée aux danses rustiques : le verbunkos. Ce style musical tire son nom de l’allemand Werbung (recrutement), car il trouve son origine dans les danses de recrutement militaire du XVIIIe siècle, caractérisées par une section lente et langoureuse et un mouvement qui s’accélère, jusqu’à un finale enivrant. Le verbunkos domina la musique hongroise du XIXe siècle, prenant notamment une forme plus stylisée sous le nom de csárdás. Pour toute l’Europe, il symbolisa la nation hongroise. C’est lui irrigue des œuvres aussi différentes que la « Marche hongroise » de La Damnation de Faust de Berlioz, les Danses bohémiennes de Pablo de Sarasate et bien sûr les Rhapsodies hongroises de Liszt. 5 Johannes Brahms succomba également au charme de cette musique sous l’archet d’Ede Reményi, un violoniste hongrois banni de son pays pour avoir participé à la Révolution de 1848, amnistié en 1860 et nommé alors violon solo de l’empereur François-Joseph. Les deux musiciens firent connaissance à Hambourg en 1851 et partirent deux ans plus tard pour une tournée commune. C’est alors que le virtuose hongrois fit connaître au compositeur hambourgeois des airs en vogue dans son pays, qui inspirèrent plus tard deux cahiers de Danses hongroises pour piano à quatre mains. Le premier cahier fut publié en 1869 avec beaucoup de succès, ce qui encouragea Reményi à réclamer des droits d’auteur. La polémique qui s’ensuivit conduisit Brahms à publier en 1874, dans l’Allgemeine Musikalische Zeitung, la sources de ces dix premières danses (le manuscrit original de la version à quatre mains signalait pourtant : « Danses hongroises arrangées par J. Brahms » !). Le véritable vainqueur, dans le conflit opposant Brahms à Reményi, fut l’éditeur Simrock. En 1870, deux ans après avoir repris les rênes de l’entreprise familiale, Fritz Simrock, petit-fils du fondateur, transféra le siège de l’entreprise de Bonn, trop provinciale, à Berlin – un choix judicieux, puisque la capitale prussienne allait bientôt devenir celle de l’empire. Le jeune directeur avait pour ambition d’imposer sa maison comme l’un des principaux éditeurs européens, et comptait sur l’aura de Brahms, son compositeur vedette, pour parvenir à ce rang. Le succès du premier recueil de Danses hongroises constitua une avancée non négligeable dans cette entreprise. Simrock persuada Brahms d’orchestrer trois d’entre elles (les nos 1, 3 et 10), publiées en 1874. Il obtint enfin un second cahier de onze nouvelles danses en 1880, mais Brahms refusa de faire de nouvelles orchestrations. D’autres compositeurs, au nombre desquels Antonín Dvorák, se chargèrent des orchestrations manquantes. Ces danses forment une parenthèse dans l’œuvre de Brahms : le maître de la grande forme, l’artisan de structures minutieusement pesées à la cohérence inébranlable se laisse ici prendre au charme de cette musique imprévisible, composée de brefs épisodes juxtaposés. Les trois danses au programme de ce concert reprennent les principaux éléments du verbunkos, notamment la pulsation marquée en pizzicatos par les contrebasses, l’accompagnement en contretemps dans les voix intermédiaires et l’alternance entre sections aux caractères tranchés : le lassú (partie lente fantasque et passionnée) et le friss (partie vive au tempo strict). Seule la n° 17 affiche clairement cette disposition, mais on en trouve la trace dans la n° 1 (avec l’opposition entre l’Allegro molto et le Vivace) comme dans la n° 5 (où lassú et friss se fondent dans un tempo unique, Allegro, sans perdre toutefois leur personnalité propre). Dans les sections correspondant au lassú, on retrouve les mélodies dévolues chez 6 les Tsiganes au violon solo ou à la clarinette, languides et majestueuses à la fois avec leurs rythmes pointés, leurs motifs plaintifs en tierces parallèles, leurs ornements séducteurs, le caractère oriental et un brin sauvage de leurs gammes mineures avec deux secondes augmentées. Les parties plus vives empruntent également de nombreux traits au friss du verbunkos : le caractère enjoué, des rythmes marqués, riches en syncopes et en contretemps, et de vives formules d’accompagnement en croches ou doubles croches rappelant le jeu du cymbalum. Dans le second cahier, ce net parfum magyar s’accompagne d’une écriture plus polyphonique, d’une texture plus riche, traduisant un degré d’assimilation supérieur au propre style de Brahms. Les Danses hongroises connurent une digne postérité au travers des Danses slaves d’Antonín Dvorák. Ces pièces naquirent en effet grâce à l’entremise de Brahms, qui, après s’être enthousiasmé pour les Duos moraves lors d’un concours dont il était juré, avait vanté les mérites de son cadet auprès de Fritz Simrock. Celui-ci publia tout d’abord quelques duos, puis, devant leur succès, commanda à son nouveau poulain des danses, dans l’espoir de renouveler la réussite artistique et commerciale des Danses hongroises. Dvorák se mit rapidement au travail : huit danses pour piano à quatre mains virent le jour du 18 mars au 7 mai 1878, et l’orchestration était achevée le 22 août. Le jeune musicien confia à son mentor : « M. Simrock m’a demandé de composer quelques Danses slaves. N’étant pas certain de la manière de les aborder, je me suis procuré vos Danses hongroises, que j’ai pris la liberté de choisir comme modèle de mes propres danses. » La publication des danses propulsa Dvorák sur la scène internationale. La réussite financière fut considérable. Simrock ne versa à l’auteur que 300 marks, mais Dvorák se rattrapa en obtenant, grâce aux danses, de nombreuses commandes. Désireux de renouveler ce succès, Simrock passa commande, huit ans plus tard, d’un second recueil de danses. Dvorák, qui était entre-temps devenu un compositeur adulé, se montra tout d’abord réticent. Mais il trouva finalement beaucoup de bonheur à composer ce second lot, achevant le travail en un mois (du 4 juin au 9 juillet 1886). L’orchestration, en revanche, traîna en longueur : commencée en novembre, elle ne fut achevée qu’au mois de janvier suivant, la veille de la création. Le succès de l’Opus 72 égala celui l’Opus 46. Au contraire de Brahms, Dvorák parle ici sa propre langue et n’a pas besoin de s’appuyer sur des mélodies existantes. Le premier cahier puise dans les rythmes populaires bohémiens et moraves, à l’exception de la danse n° 2, une dumka (ballade fantasque originaire d’Ukraine). Le second cahier, œuvre d’un compositeur mûr et adulé, témoigne d’une 7 science harmonique et orchestrale beaucoup plus variée et éprouvée. Il ne s’agit plus de colorer un original en « noir et blanc » : en les orchestrant, Dvorák repense chacune des danses et en fait de véritables petits tableaux. L’Opus 72 déploie également une palette de danses beaucoup plus vaste, s’élargissant aux rythmes polonais, serbes ou ukrainiens – Dvorák avait pris le soin de choisir le terme générique de danses slaves, sans plus de précision géographique. Le compositeur ne désigna pas lui-même les danses populaires que cachaient ses pièces, mais les exégètes s’en sont chargés par la suite. L’Opus 46 n° 1 est une furiant exubérante, l’Opus 72 n° 2 une dumka teintée de nostalgie et de bouffées de passion, et l’Opus 72 n° 8 une sousedská (une « danse de voisins ») fleurant bon la valse, avec son élégance, sa majesté et ses harmonies recherchées. En Russie, le XIXe siècle vit également émerger une musique nationale, grâce au pionnier Mikhaïl Glinka et à la formidable génération qui suivit, menée par Piotr Tchaïkovski, Modest Moussorgski et Nikolaï RimskiKorsakov. Toutefois, ces trois musiciens n’entretenaient pas le même rapport à la russité. Si Rimski et Moussorgski la revendiquaient fermement – bien qu’employant des moyens différents –, Tchaïkovski se coulait plus docilement dans le style occidental que lui avait transmis son maître, Anton Rubinstein, un compositeur fortement influencé par la tradition romantique allemande. Cette divergence de point de vue constitua même la différence fondamentale entre le conservatoire de Saint-Pétersbourg, fief de Rimski-Korsakov (qui y enseigna la composition à partir de 1871), et l’établissement rival de Moscou, où le jeune Tchaïkovski enseigna à partir de 1865. Casse-Noisette, ballet en deux actes créé le 6 (18) décembre 1892 au Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, témoigne parfaitement du cosmopolitisme de son auteur. Le livret, œuvre d’Ivan Vsevolojski et Marius Petipa, s’inspire d’un conte d’E.T.A. Hoffmann (Der Nußknacker und Mausekönig, c’est-àdire Le Casse-Noisette et le Roi des souris), via son adaptation en français par Alexandre Dumas père, sous le titre Histoire d’un casse-noisette. La musique, composée de février 1891 à mars 1892, puise à toutes sortes de traditions. Dans la succession des « Danses caractéristiques », on trouve par exemple aussi bien un « Trépak », danse russe frénétique, que des « Danse chinoise » ou « Danse arabe » issues d’un Orient de fantaisie. Le 7 (19) mars 1892, quelques mois avant la création du ballet, Tchaïkovski avait présenté au public une suite d’orchestre constituée de huit numéros. Le dernier d’entre eux est la fameuse « Valse des fleurs », commencée dans la délicatesse d’une harpe concertante pour finir dans l’étourdissement du tutti orchestral. 8 BIOGRAPHIE EMMANUEL KRIVINE DIRECTION MUSICALE D’origine russe par son père et polonaise par sa mère, Emmanuel Krivine commence très jeune une carrière de violoniste : premier prix du Conservatoire de Paris à seize ans, pensionnaire de la Chapelle musicale Reine-Elisabeth, il étudie avec Henryk Szeryng et Yehudi Menuhin et s’impose dans les concours les plus renommés. En 1965, sa rencontre avec Karl Böhm à Salzbourg donne un tournant décisif à sa carrière : il délaisse peu à peu l’archet pour la baguette. Chef invité permanent du Nouvel Orchestre philharmonique de Radio France de 1976 à 1983, il occupe ensuite le poste de directeur musical de l’Orchestre national de Lyon de 1987 à 2000. Il a également dirigé l’Orchestre français des jeunes pendant onze ans. Depuis son départ de l’Orchestre national de Lyon, il multiplie les concerts et les tournées avec les meilleures formations, notamment les Berliner Philharmoniker, le Concertgebouw d’Amsterdam, le London Symphony Orchestra, le London Philharmonic Orchestra, le Chamber Orchestra of Europe, le NHK de Tokyo, le Yomiuri Nippon Symphony Orchestra, les orchestres de Boston, Cleveland, Philadelphie, Los Angeles etc. L’année 2004 est marquée par la naissance d’un nouvel orchestre, la Chambre philharmonique, dont Emmanuel Krivine accepte avec enthousiasme d’être le chef principal. Créé par un groupe de musiciens venus des quatre coins de l’Europe, cet ensemble se consacre à la découverte et à l’interprétation d’un répertoire allant de l’époque classique et romantique jusqu’à nos jours, choisissant les instruments appropriés à chaque œuvre et à chaque époque. Après les concerts à la Folle Journée de Nantes 2004, qui portèrent cet ensemble sur les fonds baptismaux, la Chambre philharmonique a su, au travers de projets ambitieux, démontrer la singularité de sa démarche et gagner progressivement une large reconnaissance, notamment au travers de sa première réalisation discographique (la Messe en ut mineur de Mozart, parue chez Naïve en novembre 2005). Invité privilégié de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg depuis 2001, Emmanuel Krivine a construit avec cette formation une relation très étroite. Depuis le début de la saison 2006/2007, il en est le directeur musical. 10 LA CHAMBRE PHILHARMONIQUE Violons I Marieke Blankestijn Matilda Kaul Christophe Robert Armelle Cuny Fabien Roussel Jasmine Eudeline Miho Kamiya Martin Reimann Catherine Montier Françoise Duffaud Violons II Frédéric Bardon Anne Maury John Wilson Meyer Karine Gillette Nathalie Descamps Hélène Houzel Heide Sibley Altos Catherine Puig Ingrid Lormand Laurence Duval Delphine Blanc Lucia Peralta Serge Raban Violoncelles Nicolas Hartmann Emmanuel Girard Sergeï Istomin Thomas Pitt Frédéric Baldassare Pauline Warnier Contrebasses David Sinclair Elise Christiaens Michael Willens Bret Simner Flûtes Alexis Kossenko Amélie Michel Catherine Puertolas Hautbois Christian Moreaux Jean-Marc Philippe Clarinettes Nicola Boud Ernst Schlader Bassons David Douçot Étienne Buet Cors Antoine Dreyfuss Emmanuel Padieu Pierre-Yves Madeuf Pierre Turpin Trompettes Guillaume Jehl Gilles Mercier Trombones Laurent Madeuf Antoine Ganaye Cédric Vinatier Tuba Arnaud Boukhitine Timbales Stéphane Pélégri Percussions Emmanuel Curt Dominique Lacomblez Nicolas Martynciow Harpe Fabrice Pierre 11 LA CHAMBRE PHILHARMONIQUE Née sous l’égide d’Emmanuel Krivine, la Chambre philharmonique se veut l’avènement d’une utopie. Orchestre d’un genre nouveau, constitué de musiciens issus des meilleures formations européennes et animés d’un même désir musical, la Chambre philharmonique fait, du plaisir et de la découverte, le cœur d’une nouvelle aventure en musique. Dotée d’une architecture inédite (instrumentistes et chef se côtoient avec les mêmes statuts, le recrutement par cooptation privilégie les affinités), et d’un fonctionnement autour de projets spécifiques et ponctuels, la Chambre philharmonique est aussi un lieu de recherches et d’échanges, retrouvant effectifs, instruments et techniques historiques appropriés à chaque répertoire. Depuis ses débuts à la Folle journée de Nantes en 2004, la Chambre philharmonique a connu un engouement partout renouvelé (Cité de la musique à Paris, Opéra royal de Versailles, Arsenal de Metz, MC2 à Grenoble, Corum à Montpellier, Opéra de Monte-Carlo, Palau de la Música Catalana à Barcelone, ...), notamment aux côtés d’Andreas Staier, Emanuel Ax, Christophe Coin, Sandrine Piau, Véronique Gens et Alexander Janiczek, et s’ouvre à la musique d’aujourd’hui en commandant des créations à des compositeurs : Bruno Mantovani en 2005 et Yan Maresz en 2006. Premier enregistrement de l’orchestre, la Messe en ut mineur de Mozart parue en novembre 2005 marque le début d’une collaboration avec Naïve. Elle a réuni le chœur Accentus, Sandrine Piau, Anne-Lise Sollied, Paul Agnew, Frédéric Caton et a donné lieu à une importante tournée. La seconde parution discographique de la Chambre philharmonique et Emmanuel Krivine (fin 2006) est consacrée à Mendelssohn. Mécénat Musical Société Générale est le mécène principal de la Chambre philharmonique. La Chambre philharmonique est subventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication. Production : Instant Pluriel. 12 L'OPÉRA NATIONAL DE LYON REMERCIE POUR LEUR GÉNÉREUX SOUTIEN, LES ENTREPRISES MÉCÈNES ET PARTENAIRES Mécènes principaux CIC Lyonnaise de Banque Les jeunes à l’Opéra Mécène fondateur Fondation d'entreprise La Poste Partenaire du projet Kaléidoscope 2006-2009 Caisse des Dépôts Partenaire des Journées Portes Ouvertes Club Entreprises de l'Opéra de Lyon Membre fondateur Partenaires d’échange CONTACT GERSENDE DE PONTBRIAND Tél. : 04 72 00 45 38 [email protected] Membres associés Membres associés Partenaires médias Rédaction Sophie Gretzel Opéra national de Lyon Place de la Comédie 69001 Lyon Directeur général : Serge Dorny 0 826 305 325 (0,15€/ mn) fax + 33 (0) 4 72 00 45 46 WWW.OPERA-LYON.COM L’Opéra national de Lyon est conventionné par le ministère de la Culture et de la Communication, la Ville de Lyon, le conseil régional Rhône-Alpes et le conseil général du Rhône.