BD : Malade d`amour, à Bombay

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BD : Malade d'amour, à Bombay
Jeune graphiste douée, Kari vient de perdre Ruth, son grand amour. Dans une ville
malodorante et étouffante (« Smog city »), entre des colocataires envahissantes, elle tente de
se reconstruire, de s’assumer. Un roman graphique de la jeune Amruta Patil paru aujourd'hui.
Comme Aravind Adiga, le lauréat du Booker Price 2008 (Le Tigre Blanc), Amruta Patil est
indienne, a étudié en Grande Bretagne puis est retournée dans son pays natal ; comme lui,
c’est une trentenaire douée qui dépeint l’Inde sans concession. Quand, dans Le Tigre Blanc,
Aravind Adiga, évoquait l’Inde de "la Lumière" et de celle "des Ténèbres", Amruta Palil dessine
une Inde grise, une Bombay malodorante, étouffante, (c’est la 6e agglomération la plus
peuplée du monde) une ville aux égouts à fleur de chaussée mais que les pluies
diluviennes, les rituels religieux et les orgies salvatrices viennent régulièrement purger.
Tout juste débarquée dans cette « Smog City », Kari, jeune fille de 21 ans, se remet d’une
double tentative de suicide : la sienne et celle de son grand amour Ruth. Les deux jeunes filles
ont sauté un jeudi, et depuis, Kari a le cœur à vif. Etrangère dans la ville, la jeune fille l’est aussi
chez elle, à Crystal Palace, où elle vit entre « deux princesses dansantes », et « les deux
squatteurs [...] accrochés à leurs formes » : ses collocs et leurs hommes. Pour échapper à ce «
marécage d’ostéogène », où elle se fait tour à tour materner et draguer, se plonge dans son
travail à l’agence de pub et dans son imagination. Elle liera justement les deux, en mettant à
profit ses images de princesse, le fantôme de Ruth, pour ses graphiques du projet « Chevelure
Féérique », le produit capillaire sur lequel elle travaille. Le lecteur navigue alors entre
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l’imagination colorée, quasi fantastique, de la jeune fille, et son regard acerbe, parfois
mélancolique d'une réalité grise.
A ce tiraillement, s’en superpose un autre, celui d’une jeune indienne écartelée entre des
soirées orgiaques, des « nids de serpents » dans lesquels elle ballade ses « doigts lascifs,
inquisiteurs voire missionnaires », et des parents qui estiment que leur fille « se vautre dans le
vice avec des dégénérés ». Kusumtai, l’aide ménagère du Crystal Palace, participe au
maintien d'un semblant d'ordre : à son passage, les divers copains des deux jolies collocs
deviennent des « cousins éloignés » et les mégots disparaissent avec les cendriers.
Lesbienne, et par là étrangère parmi les étrangères, Kari fait office de "passeur", de
diplomate entre ces deux mondes ; elle observe, conseille et console, tout en tentant, ellemême de trouver, d'assumer sa place.
Par son genre (le roman graphique), les propos acerbes et drôles de la narratrice sur son
pays, ses dessins métaphoriques, Kari a pu être rapproché de Persepolis. Il lui manque
toutefois l’ampleur (par le nombre de pages et l’enjeu historique soulevé) de la BD de Marjane
Satrapi… Mais Amruta Patil travaille à un autre ouvrage, une épopée mêlant mythe et histoire : à
ce premier roman initiatique qu’est Kari succédera peut-être le Persepolis indien ?
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Kari, d’Amruta Patil, traduit par Morgane Saysana, Ed. Au diable vauvert, 128 p., 18 euros
Parution le 6 novembre 2008
Marie Barral
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