L`accompagnement

Transcription

L`accompagnement
RAPPORT
Après l’école quand on n’a pas de
diplôme
Étude sur l’insertion professionnelle des jeunes de
Limoges sortis du système scolaire sans diplôme
Préfecture de la Haute-Vienne
DIRECCTE du Limousin
Mars 2012
SOMMAIRE
Synthèse de l’étude …………………………………………………………………………………………………….……………………3
Rapport détaillé………………………………………………………………………………………………………..………………………15
Rappel des objectifs et de la méthode ............................................................................ 16
Panorama statistique ..................................................................................................... 21
1.
Chiffres clé .............................................................................................................21
2.
Le profil des jeunes de Limoges sans diplôme .............................................................26
3.
L’accompagnement des jeunes sans diplôme ..............................................................36
Typologie et monographies ............................................................................................ 45
Une typologie des jeunes sans diplôme et de leurs parcours .................................................46
« Maman au foyer ».........................................................................................................47
« La vie avec les proches » ...............................................................................................61
« Les petits biz » .............................................................................................................67
« L’assistance revendiquée » ............................................................................................78
« Je cherche du travail » ..................................................................................................85
« La fragilité interiorisée » ................................................................................................90
« J’ai un travail, moi »......................................................................................................97
« C’est pour les soccas » ................................................................................................103
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
SYNTHÈSE DE
L’ÉTUDE
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
Après l’école quand on
n’a pas de diplôme
qualifiant1,
soit
8%
des
jeunes
limougeauds de cet âge.
Il est difficile de savoir combien de jeunes
Janvier 2011. Les services déconcentrés de
l’Etat de la Haute-Vienne et du Limousin, côté
Cohésion
sociale,
et
côté
Emploi,
nous
demandent de mener une enquête auprès des
jeunes limougeauds sans emploi, sortis du
système scolaire sans diplôme.
Comment se
construit leur parcours après l’école, quelles
difficultés
rencontrent-ils ?
En
quoi
les
dispositifs d’aide publique sont-ils efficaces
décrochent de l’école chaque année sans avoir
obtenu aucun diplôme (ils ne sont pas tous
repérés). Le chiffre n’est pas exhaustif donc,
mais la Mission Générale d’Insertion recense
pour l’année scolaire 2009-2010 400 élèves
décrocheurs en Haute-Vienne (soit peut-être
environ
160
décrocheurs
par
an
à
Limoges). 40% d’entre eux ont quitté l’école
avant la fin de la 3ième.
pour les aider, en quoi sont-ils perfectibles ?
Sont associés à la réflexion autour de l’étude
le délégué du Préfet, la Ville de Limoges,
l’Education
Nationale
(avec
sa
Mission
Générale d’Insertion), la Mission Locale de
Limoges, Pôle Emploi, et le Conseil Régional.
Nous
restituons
dans
cette
synthèse
les
grands enseignements de l’étude.
En France en 2009, le taux de chômage des
jeunes non scolarisés et sans diplôme est de
37,6%2. En projetant ce taux de chômage
national à Limoges, on estime la population
concernée
750
Des entretiens sous forme de récit de vie
Nous avons interviewé 30 jeunes, sollicités via
par
l’étude
(des
jeunes
non
scolarisés, sans diplôme, et sans emploi) à
personnes.
d’emploi
est
Ce
chiffre
cependant
de
demande
sous-estimé,
les
jeunes en recherche d’emploi ne sont pas tous
inscrits à Pôle Emploi.
des structures d’aide à l’insertion
professionnelle, mais aussi via des structures de
la ville hors champ de l’emploi (un club de boxe,
Les jeunes sans diplôme sont une réalité
un centre de loisirs, …).
statistique importante pour le service public
Tout au long de l’année 2011 nous avons
de l’emploi local. Sur le bassin d’emploi de
rencontré chacun des 30 jeunes à deux ou trois
reprises, reprenant avec eux le fil de leur récit
auquel s’ajoutait ce qui s’était passé depuis le
Limoges,
les
représentent
jeunes
plus
de
sans
la
diplôme
moitié
des
dernier entretien.
demandeurs d’emploi limougeauds de moins
C’est à partir de ce matériau très qualitatif
de 26 ans. Et ils représentent un peu plus
touchant à tous les aspects de la vie de ces
de
jeunes interviewés que nous avons travaillé.
limougeauds,
10%
Plus tard dans l’année, nous avons rencontré en
confondues.
des
demandeurs
toutes
d’emploi
catégories
d’âge
entretien des professionnels qui ont
accompagné ces 30 jeunes sur la question de
l’emploi (conseillers Mission Locale, Pôle Emploi,
Education Nationale, éducateurs spécialisés).
La plupart de ces jeunes fréquentent la
Mission
Locale,
même
s’ils
ne
sont
pas
toujours assidus. Et parmi les jeunes que nous
avons rencontrés, ceux qui ne vont pas à la
Mission
Locale
la
connaissent.
Elle
est
Quelques repères chiffrés
présente dans leur horizon (un jour ils iront …
Dans
ou un jour ils y reviendront …). La Mission
le
recensement
de
2006,
Limoges
compte 2 000 jeunes âgés de 15 à 24 ans
sortis
du
système
scolaire
sans
Locale de Limoges fait état
diplôme
1
Dans la définition de l’INSEE, ce sont les jeunes qui
n’ont pas de diplôme supérieur au Certificat d’études
primaires et/ou au BEPC. C’est cette définition que
nous avons retenue également pour l’étude.
2
Au 4ème trimestre 2009, source Enquête Emploi
INSEE
de 1 600 jeunes sans diplôme avec qui
Typologie des jeunes sans
diplôme et de leurs parcours
elle est « en contact » en 20093. Ce qui
représenterait pas moins de 70% des jeunes
limougeauds sans diplôme. A leur arrêt de
Pour rendre compte de notre matériau, nous
l’école, les jeunes sont orientés vers la Mission
avons construit une typologie. Cette typologie
Locale par la MGI et/ou le CIO. Le réseau
est à la fois statique (elle décrit des profils-
d’acteurs implantés dans les quartiers joue
type à un temps t) et dynamique (nous nous
également
en
sommes intéressés aux évolutions des jeunes
encourageant les jeunes à s’inscrire ou se
de la cohorte entre ces différents idéaux-
réinscrire à la Mission Locale (les éducateurs
types : qu’est-ce qui provoque le passage de
spécialisés, les animateurs locaux, …).
l’un à l’autre ? Qu’est-ce qui le facilite ou le
un
rôle
de
prescription
freine ? Et quels rôles jouent les dispositifs
Le PRIAQ, dispositif mis en place par la
locaux d’aide à l’insertion professionnelle ?). Il
Mission Générale Insertion, touche quant à lui
s’agit bien là d’une modélisation, qui force les
environ 30 jeunes chaque année. Il propose
traits de certains jeunes et parcours pour en
aux
comprendre
jeunes
décrocheurs
une
année
les
mécanismes.
Comme
le
d’alternance entre cours de remise à niveau et
rappelle Dominique Schnapper4, la méthode
périodes en entreprise pour préparer un projet
typologique n’a pas pour objet de « classer les
professionnel, et envisager un retour dans un
personnes » mais bien « d'élaborer la logique
cycle de formation initiale.
des relations abstraites qui permet de mieux
comprendre les comportements et les discours
Une
concentration
géographique
des
observés ».
jeunes sans diplôme dans les quartiers
défavorisés. 41% des jeunes non diplômés
accompagnés par la Mission Locale résident en
La typologie
quartier CUCS (Beaubreuil, Val-de-l’Aurence,
La Bastide, Le Vigenal, Les Portes Ferrées).
La recherche d’emploi
différée
Alors que les jeunes de 15 à 24 ans résidant
« Maman
au foyer »
dans ces quartiers ne représentent que 16%
des jeunes de 15 à 24 ans de la commune.
La vie
avec les
proches
Des indicateurs préoccupants du côté des
filles.
A
Limoges, 49% des
jeunes
« Les
petits
biz »
non
« Je
cherche
du
travail »
« J’ai
un
travail
moi »
L’assistance
revendiquée
scolarisés et sans diplôme sont des filles (42%
au niveau national). En outre, les jeunes
Un statut par l’emploi
ou par la recherche
d’emploi
Proximité à l’emploi
limougeaudes de 15 à 24 ans sans diplôme
qualifiant sont sorties plus souvent que les
La fragilité
intériorisée
garçons au niveau collège et sans obtenir le
« C’est
pour les
soccas »
BEPC. L’Académie de Limoges est, en 2001, la
seule Académie de France dans laquelle les
La
recherche
d’emploi
angoissée
filles de la classe d’âge 16-19 ans sont moins
scolarisées
que
les
garçons
(taux
de
Participation à
un jeu
social
L’insertion
dévalorisante
scolarisation de 88% pour les filles, 90% pour
les garçons). Nous accorderons une place
particulière dans l’enquête à cette question
des jeunes filles.
4
3
Un contact signifie un entretien au moins dans l’année.
Schnapper, 1999, La compréhension sociologique
(Démarche de l'analyse typologique), Paris, PUR, p. 113.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
2
Premier axe de la typologie, la proximité
à l’emploi. Plus les jeunes sont à droite dans
construisent, elle est illusio).
« La vie avec les proches »
le graphe, plus ils sont actifs dans leur
recherche d’emploi et plus ils sont proches de
Eléments du profil. L’idéal-type « la vie avec
l’emploi (si l’on prend des indicateurs factuels,
les proches » est à rapprocher de celui des
ce
de
« petits biz ». Il s’agit dans les deux cas de
recrutement, le nombre de petits contrats de
jeunes qui ont moins de 18 ans. S’ils se
travail réalisés, les formations suivies, …). La
ressemblent pour se référer beaucoup à un
catégorie
graphique
univers adolescent, et pour vivre encore
correspond à des jeunes en emploi : il s’agit
dans le giron familial, leurs activités et leurs
dans notre cohorte de jeunes en missions
enjeux diffèrent. « La vie avec les proches »
d’intérim, ou en CDD/CDI à temps partiel.
concerne plutôt des jeunes filles et « Les
serait
le
tout
nombre
à
d’entretiens
droite
du
petits biz » des garçons. Pour cette tranche
la
d’âge des 16-18 ans les différences filles-
participation à un jeu social. Participe à un
garçons nous sont apparues très fortes dans
jeu social celui qui parvient à intégrer les
les entretiens.
Deuxième
axe
de
la
typologie,
codes d'un groupe social plus
ou moins
institutionnalisé. En somme, il se présente lui-
Les
jeunes
même comme faisant partie d’un groupe
problématiques
auquel il tient à faire valoir son appartenance.
définissent beaucoup par rapport à leur vie à
En bas du graphique des personnes qui ne se
la maison : qu’elles soient très aidantes dans
sentent pas une place dans un espace social
la cellule familiale (comme cette jeune fille qui
de référence ; en haut du graphique des
fait les courses et les repas pour sa mère qui
personnes qui témoignent d’une valorisation
ne peut pas se déplacer et son frère de 12
d’eux-mêmes par leur appartenance à un jeu
ans), ou se présentent comme en rébellion
social (même si l’appartenance c’est eux qui la
par rapport à cette structure familiale (comme
cette
filles
jeune
font
face
particulières.
fille
qui
à
des
Elles
explique
se
qu’elle
La difficulté d’étudier cet « objet »
déménagera chez une amie à Bordeaux dès
Il y a deux risques majeurs dans l’étude, côté
qu’elle
enquêteur, et côté lecteur :
-
aura
18
ans),
elles
y
accordent
beaucoup d’importance, c’est leur univers de
Considérer ces jeunes comme mûs par une
référence.
forme d’irrationalité. On ne comprend pas
leur stratégie, elle semble dénuée de sens
Ces jeunes femmes sont très sensibles à cet
(qui sont ces êtres bizarres ?). Il s’agirait là
environnement familial. Cela peut prendre
d’approche stigmatisante (ils sont différents,
à part).
-
différentes formes et jouer un rôle plus ou
moins
explicite.
Amina
a
commencé
un
Etre démunis devant des personnes qui n’ont
apprentissage dans l’hôtellerie-restauration, et
pas
leurs
démissionne de son contrat au bout d’une
pas
semaine, sur insistance de son père. Pour
l’air
d’avoir
de
moteurs
actions, qui finalement
ne
dans
semblent
vraiment exister. On risquerait là le travers
inverse,
l’approche
misérabiliste
(des
personnes qui n’ont rien, qui sont perdues).
Face à ces difficultés, notre approche se
Rachida,
l’évènement
l’abandon
moins
d’une
marqué
jouer :
déclencheur
formation
mais
elle
le
qualifiante
contexte
travaille
en
de
est
familial
veut compréhensive : comprendre à quel espace
semble
horaires
social ces jeunes participent, dans quel jeu elles
décalées, rentre tard le soir et ne peut plus
évoluent, pour comprendre les moteurs et les
jouer le même rôle dans la cellule familiale ;
dynamiques des parcours.
elle est très affectée par un drame qui touche
un ami de son frère. La vie de ses proches
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
3
structure et/ou bouleverse son quotidien, et
cherche à combler. Les tensions internes, les
provoque des ruptures brutales dans son
enjeux
parcours professionnel à elle.
professionnelle (projetée) n’y joue pas une
sont
présents,
mais
la
vie
fonction explicitement identifiée. La tension
Les parcours. Pour ces jeunes filles, la
prend
question des « amis », du « petit copain » est
attentes familiales implicites (se concentrer
la
forme
d’un
dilemme
entre
les
très présente. Elles aspirent à cela bien sûr,
sur un rôle de femme au foyer) et la volonté
mais
de
de s’en libérer. Cette volonté de liberté n’est
Rachida) un tiraillement entre les gentilles
pas associée spontanément pour ces jeunes
pressions familiales pour « se poser » (trouver
femmes
un mari et avoir des enfants) et la volonté
l’emploi. Est-ce qu’elles doutent de leurs
revendiquée d’attendre encore (« je ne suis
capacités à jouer dans ce monde-là ? Est-ce
pas pressée »). Chez certaines jeunes filles
que les tensions internes sont trop fortes pour
cela s’ajoute à des questions touchant la
que le choix puisse être réellement assumé ?
religion (réflexions sur le port du voile, …). Le
Le refuge dans l’univers adolescent repousse
parcours de jeunes femmes que nous avons
les
rencontrées, tombées enceinte très jeunes,
qu’adulte, ou les laisse s’imposer par la force
vers 16- 19 ans montrent que le parcours de
des choses.
peuvent
exprimer
(c’est
le
cas
au
choix
suivi
que
d’une
l’on
formation
devra
faire
ou
en
à
tant
ces jeunes filles peut vite devenir celui d’une
grossesse précoce qui n’a pas été planifiée.
Elle se fait dans le cadre d’une relation
« Les petits biz »
amoureuse peu stabilisée ; la grossesse arrive
un peu par hasard, sans qu’on ait fait le choix
vraiment ni de l’éviter ni de la provoquer.
Eléments du profil. Les garçons que l’on
décrit
dans
ce
profil
type
sont
assez
La recherche d’emploi. Le choix des métiers
déroutants
dans lesquels on se projette dépend beaucoup
beaucoup de temps dans les entretiens à
de la sphère familiale. On se lance dans le
expliquer qu’ils « ne font rien », que leur
métier de cuisine parce qu’on a aimé cuisiner
problème est d’avoir « un énorme poil dans la
avec sa mère. Les métiers de référence sont
main », qu’ils « galèrent ». Ils décrivent un
des métiers très genrés.
univers morose d’attente devant la télévision
dans
l’interview.
Ils
passent
à ne rien faire …
Ces jeunes femmes pensent plus à faire une
formation ou un apprentissage (et rester dans
Plus tard dans les entretiens, en les relançant
l’univers étudiant) qu’à commencer un contrat
sur
de travail. On abandonne un projet en cours,
recherche d’emploi, leur visage s’anime, leur
et ce n’est pas si grave, on laisse le temps
parole s’accélère et nous touchons à ce qui les
passer, on laisse les choses venir, même si le
fait vibrer (métamorphose d’un air abattu
temps devient long. On va à la Mission Locale
en
pour
au
passionné de moto, et passe beaucoup de
conseiller (comme un réflexe scolaire), on s’en
temps avec des amis à faire des courses de
approprie
motos et à réparer des deux-roues pour des
faire
plaisir
à
assez
ses
peu
parents,
et
l’utilité.
La
d’autres
un
sujets
« esprit
que
l’emploi
festif »).
Pierre
est
connaissances
ses proches (avec sa famille et/ou avec
rémunérés). Il se fait un peu d’argent aussi en
ses
achetant
suffit
aujourd’hui
à
la
des
valorisation de soi. L’identité professionnelle
leboncoin.fr,
ne manque pas, ce n’est pas un vide que l’on
revendant
services
la
reconnaissance trouvée dans la vie avec
amis)
(petits
et
deux-roues
en
plus
les
cher.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
souvent
d’occasion
retapant
Chez
les
puis
sur
les
garçons
4
rencontrés, cette économie parallèle touche
un jour « la zonzon ». Ou bien Bojan, qui n’est
souvent aux moteurs, aux téléphones, aux
jamais
petits commerces, et peut parfois inclure des
fréquente pas les structures associatives du
activités illégales.
quartier, et qui prend part à temps plein à une
allé
à
la
Mission
Locale,
qui
ne
activité familiale « au noir ». Ces deux jeunes
Leur emploi du temps est en fait loin de
passent des « petits biz » adolescents à une
refléter l’anomie décrite initialement par ces
vie dans l’économie parallèle qui devient
garçons, ils ont en réalité des activités bien
structurée et rentable. Même si tous les deux
définies, des emplois du temps et des
pensent aujourd’hui que cette activité n’est
réseaux assez structurés. Ces activités ont
pas viable à long terme, ils espèrent bien
presque les codes d’une vie professionnelle
qu’elle ne devra pas s’arrêter.
classique. Les mots utilisés y font en tous les
cas explicitement référence (les « collègues »,
Autre scénario, Abdoullah, qui a l’habitude de
des « petits contrats »).
travailler au noir dans un garage, et qui essaie
de convertir cette activité non déclarée en
sujet
contrat aidé. Il n’y arrivera pas. La volonté de
d’inquiétude. Ils vivent encore chez leurs
ces jeunes peut être de convertir ces « petits
parents, et l’argent qu’ils gagnent avec ces
biz »
petites activités a vraiment le statut d’argent
traditionnels et reconnus, mais le passage est
de
difficile,
L’argent
n’est
poche.
pas
vraiment
L’arrivée
de
la
un
majorité
peut
en
modes
tout
de
comme
acquises
vie
le
sur
professionnelle
transfert
le
tas,
de
changer la donne, et les relations au sein de la
compétences
sans
famille se tendre.
validation par une formation ou par des
références d’un employeur traditionnel.
Parmi
ces
jeunes,
plusieurs
d’entre
eux
rencontrent en réalité (nous le découvrons
Dernier scénario. Nhan, s’il ne parle pas de
avec
« petits biz » dans lesquels il aurait été
leurs
conseillers)
des
difficultés
niveau
impliqué, raconte avec excitation le temps
scolaire, une forte dyslexie, un bégaiement, …
(passé) des courses poursuites avec la police
Ils ont fait leur scolarité en SEGPA, voire en
dans le quartier. Mais il est inquiet de son
IME. La question du handicap n’est souvent
avenir, et sa petite copine encore lycéenne le
pas abordée de front dans les entretiens avec
renvoie à ses échecs. A la fin de l’année, il a
les conseillers. Ces garçons se débrouillent
raccroché à la Mission Locale, parce qu’il a
avec leur « handicap » grâce au système
trouvé sa place dans une formation SAS du
D, et à des compétences pratiques qu’ils
Conseil Régional. Pariant sur le 100% réussite
développent et qu’ils mettent à profit
qu’on leur a promis (vous trouverez tous un
cognitives :
ils
ont
un
très
petit
dans une économie parallèle.
La
Mission
avec
jeu de la formation et des stages, se donne à
peuvent
être
fond, et croit à la signature bientôt d’un
abandonnées en cours, les propositions ne
contrat de professionnalisation pour un métier
faisant pas
qui ne lui déplaît pas.
des
est
emploi à l’issue de la formation), Nhan joue le
fréquentée
irrégularité,
Locale
actions
le poids
avec la valorisation
trouvée dans cette vie active-là.
Parcours. Pour les jeunes que nous avons
rencontrés, le parcours a pris différentes
Maman au foyer
voies. Premier scénario, Axel. Il a maintenant
21 ans, et à cause des trafics dans lesquels il
Eléments du profil. Elles ont entre 17 et 25
est ponctuellement impliqué, il sait qu’il risque
ans, un premier enfant plus ou moins planifié,
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
5
dans une vie conjugale pas toujours installée.
identité professionnelle avant la vie de
Elles
« maman au foyer ». Est-ce que celle-ci est
ont
pour
la
plupart
décohabité
au
moment où elles ont eu leur premier enfant
venue
ou peu après.
professionnelle ou est-ce que celle-ci est
interrompre
une
ambition
venue créer finalement elle-même la première
La maternité a signifié pour elle une entrée
forme d’identité professionnelle ?
subite dans la vie adulte. Le premier enfant
arrive souvent tôt (17-18 ans pour certaines)
Chenda est tombée enceinte juste avant la fin
avant qu’elles aient acquis
de
une première
sa
formation
qualifiante
comme
expérience professionnelle significative. Ces
esthéticienne (elle avait 18 ans). Honteuse
jeunes
de
d’être enceinte et d’avoir « tout gâché » (c’est
reconnaissance sociale dans leur rôle de
femmes
ce qu’elle nous explique), elle abandonne la
mère. La vie est rythmée par les enfants. La
formation du jour au lendemain. La grossesse
priorité (ce que l’on valorise) est de bien
signifie pour elle un retour dans sa famille et
s’occuper
une
entraîne une « galère » de plusieurs années
se
(quatre ans environ). Elle est au RSA et
de
compétence
trouvent
ses
que
un
enfants,
ces
espace
et
jeunes
c’est
femmes
reconnaissent. De ce point de vue-là, la
parvient
relation avec les travailleurs sociaux est assez
financièrement. Elle arrive à obtenir quelques
difficilement
à
s’en
sortir
apaisée. Ces derniers encouragent plutôt les
missions d’intérim, arrête parce qu’elle les vit
femmes dans cette voie (d’abord les enfants,
mal, puis reprend finalement l’intérim à l’usine
le travail après, quand l’enfant aura 3 ans).
un peu plus tard. L’intérim la fait vivre, elle et
sa fille, depuis maintenant quelques années
Pendant le jeune âge de leurs enfants, la
(elle a aujourd’hui 25 ans).
recherche d’emploi est mise de côté ou plutôt
années
Najet se marie très tôt (à 16 ans) et a trois
finalement sans avoir envoyé de candidature).
enfants, elle divorce peu après la naissance du
Le contact avec la Mission Locale ou Pôle
troisième. Maintenant que le dernier a 1 an et
Emploi,
demi, elle veut trouver un emploi.
évanescente
(parfois
s’il
n’est
plusieurs
pas
complètement
Elle est
abandonné, est mis entre parenthèses, et très
orientée par Pôle Emploi sur une prestation
désinvesti. « Je ne cherche pas parce que j’ai
d’accompagnement qui la « booste » pendant
ma fille, j’attends … Mais si on me trouvait
6 mois, et lui donne de nouvelles idées de
quelque chose je le prendrais ! » (Jessica, 21
métier :
ans, 1 enfant, enceinte du 2
ème
)
elle
pourrait
être
assistante
maternelle, mais également auxiliaire
de quelque
vie.
trouvait
chose je le prend
Najet veut un emploi. Cet emploi doit venir
Le recours aux aides publiques fait partie de
confirmer son rôle social de maman : il
l’équilibre économique de la famille, souvent
doit lui permettre à la fois de toujours être
monoparentale. Il est relativement assumé,
une « bonne maman » (présente pour ses
car il correspond au besoin de faire vivre sa
enfants,
famille, ce que l’on ne pourrait pas à ce jour
compétences dont elle fait preuve comme
faire autrement.
maman (qui sont les compétences qu’on lui
disponible),
et
de
valoriser
les
reconnaît selon elle socialement). Pour Najet,
Parcours. La recherche d’emploi redémarre
l’emploi est conçu comme un prolongement de
pour la plupart de ces femmes quand le
ce rôle de maman au foyer. Tout ce qui
(dernier) enfant a 3 ans. Cette recherche
s’oppose à cela (le refus de la société HLM
d’emploi est plus ou moins chargée de
pour sa demande d’appartement qui retarde
sens, ou chargée d’un sens différent,
son agrément d’assistante maternelle, le refus
selon l’existence ou non d’une première
de la crèche des arrangements qu’elle a
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
6
prévus
avec
d’autres
mamans,
…)
est
incompris et incompréhensible. Le marché de
Parcours. Ce sont des jeunes très fragiles
l’emploi fonctionne pour elle selon les mêmes
face au marché de l’emploi. N’en ayant pas et
règles que la vie de « maman au foyer ».
n’en comprenant/acceptant pas les codes, ils
C’est l’expérience fondatrice à laquelle elle se
sont dans une forme de déni face à la réalité
réfère.
du travail. Cela les conduit à abandonner des
petits contrats en cours de route, quand bien
même ils ont un besoin financier important ; à
dépenser
L’assistance revendiquée
profil.
Nous
rapidement
l’argent
qu’ils
viennent d’acquérir, …
Ils
Eléments du
très
reprenons
risquent
de
basculer
du
côté
de
la
ici
catégorie « la fragilité intériorisée », mais
(comme plus loin pour la fragilité intériorisée)
pour l’instant le voile n’est pas levé. Toute
un concept de Serge Paugam dans « La
l’attention est portée sur la tractation avec
disqualification sociale »5. Il utilise ce terme
l’aide publique, activité rempart pour eux face
pour décrire un type d’expérience vécue de
aux réalités d’un marché du travail qui les
l’assistance.
rejette(rait).
Nous avons rencontré très peu de jeunes se
rapprochant
de
ce
profil
type.
Il
est
caractérisé par une demande appuyée vis-àvis de la Mission Locale et des travailleurs
sociaux. C’est une approche légitimiste de
« Je cherche du travail »
l’aide publique (ce serait la seule forme d’aide
légitime). Selon ces jeunes, l’aide doit venir
Eléments du profil. Moussa a 19 ans. Il a
de là parce qu’on n’imagine pas qu’elle puisse
arrêté l’école il y a deux ans, parce qu’il
être ailleurs.
voulait tout de suite commencer à travailler (il
se présente comme quelqu’un qui est le
Ce sont des jeunes avec très peu de
contraire
ressources
multiples
récemment
(qu’ils
dans
la
soient
ville
arrivés
avec
peu
très
de
de
paresseux).
stages :
Il
enchaîne
boulangerie,
de
peinture,
mécanicien dans un garage, … Il fait un
personnes de connaissance, qu’ils parlent mal
exposé
le français, qu’ils maîtrisent mal les codes du
l’interview, parle d’un emploi du temps très
de
toutes
ces
démarches
dans
marché du travail, …). Ils concentrent alors
cadré : « tous les matins je me lève et je vais
tous leurs efforts dans la négociation
à l’agence d’intérim ». Peu importe si cela n’a
avec
jamais
les
travailleurs
sociaux
et
les
abouti
et
si
d’intérim
recherche
d’emploi
conseillers : obtenir un logement, un job
s’impatiente,
d’urgence, obtenir « un travail », une lettre de
systématique et millimétrée lui confère
motivation, ... Même si finalement ils sont très
déjà un statut de travailleur : « je cherche
à côté de ce que la Mission Locale leur
du travail moi ! » (il le répètera à trois
demande (« on ne fait pas à votre place, on
reprises au cours du premier interview). Il n’a
fait avec vous »), ces jeunes se valorisent
de
dans cet espace de jeu social-là (qui serait en
détermination. Il parle avec précision de son
définitive le jeu de l’assistance, si on reprenait
projet de devenir peintre en bâtiment. Et
le terme de Serge Paugam).
prend plaisir à raconter tous ces gestes
cesse
cette
l’agence
de
professionnels,
montrer
toutes
ces
sa
volonté,
tâches
qu’il
sa
a
5
Serge Paugam, La disqualification sociale. Essai sur la
nouvelle pauvreté, Paris, Presses Universitaires de France,
1991
réalisés pendant ses stages.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
7
Plusieurs jeunes que nous avons rencontrés
appartenir,
on
mettent
appartenir,
mais
en
rassure,
place
et
une
les
routine
protège
qui
les
contre
se
sent
déjà
dont
on
(quasiment)
n’arrive
pas
le
finalement à faire partie. « En ce moment j’ai
sentiment d’une dégradation (parce qu’on
beaucoup de doutes. En deux ans personne ne
a honte d’être chômeur). La difficulté de ces
me prend. On lâche prise … » (Moussa). Cette
jeunes (c’est leur différence par rapport à des
recherche de travail surinvestie risque de
chômeurs plus âgés) est de ne pas pouvoir se
basculer du côté de la « fragilité intériorisée ».
référer à une identité professionnelle qui les
On n’arrive plus à repousser le stigmate du
aurait par le passé valorisés et qu’ils auraient
chômage.
perdue.
Moussa, lui, finira l’année 2011 avec une
Ils
d’expérience
n’ont
pas
(ou
professionnelle
à
très
peu)
laquelle
se
formation
pré-qualifiante
de
peintre
en
rattacher. Le projet professionnel a ainsi
bâtiment, suite à laquelle il est accepté pour
pour eux une importance primordiale, il
une formation qualifiante qui commencera
leur
dans
permet
d’attester
déjà
de
leur
trois
mois. D’ici
là il
cherche
des
appartenance au monde du travail, et non
missions d’intérim et autres petits contrats de
au monde de ceux qui « galèrent » ou « ne
travail.
font rien » … Le projet professionnel fait déjà
figure pour
eux
d’identité professionnelle.
Moussa explique avec plaisir comment il en
La fragilité intériorisée
est venu à vouloir être peintre, comme s’il
nous
expliquait
comment
il
est
devenu
Eléments de profil. Ce sont des jeunes qui
peintre. Le projet d’être peintre est déjà un
souffrent d’un fort isolement social, ou d’un
« être peintre ».
vécu douloureux (évènements familiaux, ...),
d’une détresse psychologique et de difficultés
L’importance de se distinguer des autres
financières très prégnantes.
chômeurs, et de donner cette image de
« travailleur » passe aussi par la mise à
Comme les jeunes de la catégorie « je cherche
distance de la Mission Locale. On va à la
du
Mission
à
autour de leur recherche d’emploi. Mais cette
est
organisation est chargée moins positivement.
diminuée dans le discours face à une
Ils se sentent démunis, et peu aptes. Ils
agence d’intérim ou face aux démarches
se croient perdants d’avance ou bien se
menées soi-même. Des démarches qui (on
lancent, à corps perdu, dans une entreprise
l’apprendra par le conseiller) ont été menées
vouée à l’échec (un diplôme repassé maintes
dans
fois par exemple, dont le conseiller pense que
Locale
accomplir,
comme
mais
le
son
cadre
un
devoir
importance
d’une
prestation
d’accompagnement spécifique, ou grâce à
travail »,
ils
rythment
leurs
journées
le jeune n’a pas les moyens).
l’aide de la Mission Locale, sont réappropriées
comme des actions dont on est le seul
Ils
initiateur
l’accompagnement,
et
responsable.
On
refuse
le
stigmate de l’assistance.
sont
très
dépendants
sur
le
plan
de
des
démarches, des opportunités, comme sur
le plan affectif, et cela les culpabilise.
Parcours. Derrière ce discours de maîtrise la
Certains mois, Douja va tous les jours à la
détresse
peut
de
Mission Locale parler à sa conseillère, lui
solution
(qui
est
demander de l’aide.
être
peut
grande.
durer
L’absence
longtemps)
d’autant plus douloureuse que tous les efforts
sont
investis
dans
cet
emploi
(futur,
Parcours. Devant la bonne volonté exprimée
potentiel). C’est le jeu social auquel on veut
par ces jeunes (ils jouent pleinement le jeu de
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
8
l’accompagnement), leurs échecs dans les
CDI). Cela correspond bien à cet âge de la vie,
formations ou leur recherche d’emploi, leurs
tel qu’il est vécu chez les garçons notamment
difficultés (cognitives, psychologiques, …) les
(qui commencent à faire de l’intérim plus tôt
conseillers sont parfois démunis. Le chantier
que les filles), où on a besoin d’argent pour
d’insertion est souvent mobilisé.
les
Il est vécu par les jeunes interviewés comme
sociabilité, … Chez les filles, le recours à
une période positive. On a obtenu un travail,
l’intérim commence en dernier ressort, quand
on a un salaire. Mais la fin du chantier signe
on doit faire vivre la famille.
loisirs,
les
sorties,
les
voyages,
la
(s’il n’est pas suivi d’un autre emploi) un
parcours
La pénibilité du travail, ou sa répétitivité
particulièrement difficile à vivre (quand les
est jugée supportable dans la mesure où
opportunités qu’il semblait y avoir après le
on ne restera pas éternellement à ce
chantier
de
poste. C’est souvent le moment où l’on
l’accompagnement de ces jeunes est alors à
commence à faire le projet de se relancer
nouveau entière pour le conseiller.
dans une formation pour trouver un emploi
temps
d’arrêt
dans
le
s’évanouissent).
La
question
qui nous convient mieux (ou pour anticiper
une éventuelle absence de missions). Mais
cela peut aussi être à l’inverse le moment
« J’ai un travail moi »
pour certains de reculer une formation (un
Eléments du profil. Bien entendu, pour eux
projet) qui nous intéresse mais qui attendra.
ce doit être une erreur si nous les avons pris
Le « timing » pour le passage à un autre
dans l’étude. Même s’ils n’ont pas de mission
projet n’est pas facile à trouver pour ces
d’intérim au moment où on les rencontre, une
jeunes.
nouvelle mission redémarrera rapidement. Ils
font désormais bien partie du monde du
Parcours. Dans leur volonté de construire un
travail.
projet pour l’après-intérim (ou pour conforter
l’intérim), ces jeunes se tournent d’abord vers
L’intérim est un mode de vie au travail.
la Mission Locale ou Pôle Emploi. Ils viennent
Les
s’adaptent
demander le financement d’une formation
rapport
qu’ils ont choisie. Cheik, 21 ans, enchaîne les
stratégies
(et/ou
sont
de
ces
jeunes
adaptées)
à
ce
rapport
missions d’intérim depuis moins d’un an. A un
distancié, pas de projection dans l’entreprise
moment de creux (il n’est pas rappelé par
sur le long terme (ce n’est pas du tout une
l’agence d’intérim à la suite d’une mission),
entreprise ni un poste dans lequel ils se voient
inquiet de préparer l’avenir, il se présente à la
travailler
si
Mission
finalement ils acceptent de jouer le jeu des
6
CACES .
contraintes de l’intérim (être disponible tout
formation ne sera pas financée, et abandonne
de suite, ne pas prendre de congé sous peine
vite l’idée de s’adresser et d’être aidé par la
de ne pas retrouver de mission, attendre la fin
Mission Locale. Il se dit qu’il négociera en
d’un enchaînement de missions pour penser
temps venu cette formation avec l’agence
formation, …), ils se sentent
d’intérim (il y aura droit au bout d’un certain
« intérimaire »
dans
un
toute
à
l’entreprise :
leur
contrat
de
vie).
Et
un
même
plus libres que
type
CDI
qu’ils
n’accepteraient pas s’il était à l’usine.
Locale
Il
pour
faire
comprend
par
une
formation
l’AFPA
que
la
nombre d’heures). Pareil pour Chenda dont la
formation
ne
sera
pas
prise
en
charge
financièrement par Pôle Emploi. Elle a une fille
L’intérim c’est « le bon plan ici », la
« roue de secours ». On a le sentiment de
bien gagner sa vie (mieux en tous cas qu’en
en bas âge mais essaie néanmoins d’épargner
6
Formation à des permis qui permettent de conduire des
chariots élévateurs dans les usines, et d’avoir un poste de
manutentionnaire plus qualifié.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
9
pour financer elle-même sa formation (une
pour eux l’importance de se projeter dans un
formation qui l’emmènerait dans un tout autre
projet alternatif (pour plus tard).
secteur). Elle n’a pas de calendrier en tête, le
projet est lointain.
Sami
a
Le temps de l’intérim à l’usine s’allonge, et le
amèrement de ne pas être allé jusqu’au bac.
temps de l’autre projet recule.
Ses frères et sœurs ont tous le bac, « ils ont
réussi ».
un
BEP
Prenant
Vente,
et
exemple
il
sur
regrette
son
père,
ouvrier plaquiste (en pré-retraite), il décide
d’en faire lui aussi son métier (même si son
« C’est pour les soccas »
père le lui déconseille). Il commence une
formation dans le domaine. Intelligent, et
Chez beaucoup des
ayant plutôt des bonnes capacités à l’école,
jeunes que nous avons rencontrés, on rejette
Sami trouve que les personnes de la formation
en
Eléments du profil.
d’esclave ».
ont un petit niveau théorique, et il n’est pas à
L’expression est la même dans la bouche des
l’aise dans la partie pratique. Dans cette
uns et des autres, elle est affirmée comme si
formation, explique-t-il, « il n’y avait que des
elle se suffisait à elle-même : cela veut tout
soccas7 ». Le projet dans lequel il s’est engagé
dire (pas la peine d’expliquer). On n’est pas
ne lui semble plus vraiment adapté.
prêt à tout accepter. Le travail saisonnier
Chenda, plus âgée que Sami, a derrière elle
agricole fait souvent figure de repoussoir, ou
quelques années de missions d’intérim à
encore le travail à l’usine. Cette expression
l’usine. Elle nous explique elle aussi que
(« travail d’esclave ») semble faire écho au
l’usine « c’est pour les soccas ». Elle se
ressenti de discrimination qui transparaît dans
projette à terme propriétaire d’un cabinet
les récits de vie de nos interviewés (sans
d’onglerie en région parisienne.
bloc
le
« travail
qu’ils utilisent jamais eux-mêmes le terme de
discrimination). Comme Chenda qui, racontant
Parcours.
La
sa recherche d’un cabinet de coiffure pour un
soccas »
apprentissage, explique qu’elle comprend vite,
proches. Souvent ces jeunes aspirent à un
après quelques visites dans des salons de
autre projet, plus ou moins formulé, plus ou
coiffure du centre ville, que sa tête détone
moins avoué, plus ou moins construit. Cette
dans le paysage. La réponse négative des
insatisfaction vis-à-vis du projet actuel ou de
salons n’est pas pour la surprendre.
l’emploi actuel est souvent tue, pour mettre
et
catégorie
« j’ai
un
« c’est
travail
pour
moi »
les
sont
en avant la fierté d’être en emploi, ou d’avoir
Pour
biz »
un projet d’emploi réaliste (Sami). Cet autre
notamment) on se cache derrière sa jeunesse
les
plus
projet n’est pas souvent abordé avec son
pour
éviter
de
jeunes
devoir
(« les
se
petits
cette
conseiller (ou bien on a abandonné l’idée d’en
contrainte (du « travail d’esclave »). Un peu
plier
à
parler avec lui). Cela pose la question de
plus tard, plusieurs changeront d’avis, et
l’accompagnement de ces jeunes pour des
finiront par accepter la pénibilité d’un
projets pas faciles à monter seul.
poste, ou de revoir leurs ambitions à la
baisse.
Ce
sont
ces
jeunes
que
nous
décrivons dans cette catégorie-ci.
Pour eux, l’acceptation d’un projet vécu
comme dégradant est douloureuse. Cette
perception de la situation peut aller jusqu’à
remettre en cause le projet ou bien renforce
7
« soccas » : cas soc (cas sociaux) en verlan
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
10
familiales très fortes, et une volonté de suivre
Pistes d’action publique
son propre chemin (quelqu’il soit) sans être
L’étude a montré la forte présence des acteurs
pour autant bien armé pour le faire.
de l’aide à l’insertion professionnelle sur le
territoire
de
Limoges.
Les
quartiers
de
Limoges sont à taille humaine et les réseaux
entre les différents professionnels sont la
plupart du temps réels et bien implantés
(coopération entre les travailleurs sociaux et
la
Mission
Locale,
spécialisés
et
la
nombreuses
entre
Mission
les
éducateurs
Locale,
actions
…).
De
expérimentales
témoignent de l’investissement des uns et des
autres sur ce thème et portent leurs fruits (le
sas de la Région, les médiateurs Pôle Emploi
dans les quartiers, les clubs de recherche d’un
patron pour l’apprentissage, l’aide financière
au permis, …).
ces
ressources en termes d’accompagnement
de
ces
jeunes
jeunes
sans
diplôme
sont
nombreuses,
nous
avons
choisi
d’en
développer
deux
afin
que
ces
recommandations soient opérationnelles pour
femmes.
Début
2011,
l’antenne de planning familial de Limoges a
fermé. Il reste à Limoges un seul centre de
planning et d’éducation familiale agréé par
l’Etat : le CHU. La DRDFE a peu de moyens.
La Mission Locale a quant à elle peu de
ressources en matière médicale et pas de
référent identifié sur cette question de la
planification familiale. Enfin, les questions qui
se posent à ces jeunes femmes sont bien
connues
des
éducateurs
L’étude montre que les pistes d’action utiles
pour
Un territoire qui a perdu de nombreuses
acteurs
de
spécialisés,
terrain
les
(les
travailleurs
sociaux, les conseillers) sans qu’on en ait fait
un projet concerté d’action publique sur le
territoire,
et
sans
collectivement,
qu’on sache
comment
vraiment,
répondre
à
ces
problématiques.
le comité de pilotage.
Les pistes d’action. L’action sur ce sujet doit
Premier axe d’action à renforcer à Limoges :
l’accompagnement des jeunes femmes
passer par une mobilisation concertée de tous
les acteurs du territoire concernés. Il faudrait
mettre
en
place
un
groupe
de
travail
rapproché associant :
Les
constats.
Le
territoire
de
Limoges
concentre deux difficultés :
- l’Inspection Académique et/ou le Rectorat ;
Des jeunes femmes avec de réels besoins
d’accompagnement dans leurs premiers
pas de femme. C’est particulièrement le cas
pour les jeunes femmes sans diplôme qui, on
le
voit
statistiquement,
ont
des
enfants
beaucoup plus jeunes, souvent avant d’avoir
une formation ou expérience professionnelle
significatives.
A
Limoges,
les
indicateurs
statistiques alertent : le nombre de grossesses
précoces,
le
nombre
de
familles
monoparentales avec des mères très jeunes,
le nombre de jeunes femmes sans diplôme, ni
même
le
brevet
des
- la DDCS, la DIRECCTE et la DRDFE ;
collèges.
Plus
qualitativement, on a vu les tensions internes
que vivent ces jeunes filles entre des attentes
- la Mission Locale ;
- le
Conseil
Général.
Les
centres
de
planification et d’éducation familiale font
aujourd’hui
partie
des
compétences
du
Département, au même titre que les centres
de Protection Maternelle et Infantile.
- l’Agence Régionale de Santé,
qui pilote le
Contrat Local de Santé. Ce dernier, signé en
2011, comporte un axe « Eduquer à la
sexualité et à la vie affective, prévenir les
grossesses
précoces
et
les
Infections
sexuellement transmissibles (IST) », avec
une action d’information dans les classes de
4è et de 3è et une action portée par le
CIDFF de développement d’un projet de
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
11
jeunes femmes « relais » auprès de leurs
pairs.
•
des modalités d’information adaptées sur ces
ressources
présentes
sur
le
territoire
- la Ville de Limoges. Les Contrats Urbains de
(campagnes de communication accessibles à
Cohésion Sociale qu’elle co-pilote avec l’Etat
toutes hors interaction avec un professionnel,
peuvent
pour
communication « anonyme », présence sur le
travailler cette question (avec l’Atelier Santé
web, …). Les campagnes d’information et de
Ville en particulier) ;
communication locales pourront s’appuyer sur
- le
être
CIDFF
un
qui
outil
porte
pertinent
à
Limoges
un
des outils existant à un niveau national
établissement d’information et de conseil
(développés
conjugal et familial.
européens, …).
dans
le
cadre
de
projets
Dans un deuxième temps, le groupe de travail
pourra associer à la réflexion un deuxième
cercle d’acteurs (CHU, CPAM, ALSEA, …),
Deuxième axe d’action prioritaire : S’adapter
aux difficultés cognitives
selon les pistes d’action qu’aura définies le
premier groupe de travail.
Le groupe de travail pourra travailler sur
Les constats. Les jeunes sans diplôme ont
différents axes :
pour certains rencontré de vraies difficultés
•
des actions de prévention des grossesses
scolaires
précoces (auprès des élèves en 4ème et
Souvent repérées dans le cadre de l’école, ces
3ème mais pas seulement, actions flash au
difficultés ont conduit les élèves à suivre leur
sein des quartiers, …) ;
scolarité dans des SEGPA, voire parfois en
des ateliers de réflexion pour les jeunes
établissement spécialisé (IME, IMPro). On a
femmes
leurs
dans notre cohorte des jeunes avec ce profil-
leurs
là, il ne fait pas figure d’exception.
•
qui
font
questionnements,
•
écho
leurs
à
envies,
à
cause
de
troubles
cognitifs.
appréhensions, et qui les aident dans
Ces troubles cognitifs sont parfois légers, ils
leurs premiers pas de femmes (qu’est-ce
ne sont pas tout de suite perceptibles (et les
qui est important pour moi en tant que
jeunes ont le réflexe de les masquer). Ils
femme ? Comment je me projette dans
peuvent entraîner de vraies difficultés des
les prochaines années ? Est-ce que je
personnes
dans
leur
veux porter le voile et pourquoi ? A quoi
d’apprentissage,
ressemblera ma vie professionnelle de
jugement, en situation de formation, mais
femme ? Qu’est-ce qui est important pour
aussi en situation professionnelle.
moi dans le travail et dans la vie de
Pour
famille ? …) ;
professionnels qui les accompagnent dans leur
des
échanges
de
pratiques
des
professionnels pour réfléchir aux postures
les
recherche
de
processus
jeunes
compréhension
sans
d’emploi,
cela
diplôme
pose
et
et
de
les
plusieurs
questions :
d’accompagnement vis-à-vis des jeunes
•
femmes (comment éviter les postures
Ces « handicaps » cognitifs sont souvent
moralisatrices ? Comment adopter une
repérés par l’Ecole, mais pas toujours par
posture d’écoute et non de jugement ?
les
professionnels
de
l’emploi.
Les
…) ;
conseillers reprennent l’accompagnement d’un
des
d’accompagnement
jeune après l’arrêt de l’école. Ils ne savent
personnalisé pour les jeunes femmes qui
souvent que par le jeune ce qui s’y est passé.
le désirent (psychologues) sur ce sujet ;
Le relais n’est pas systématique sur cette
possibilités
question
des
troubles
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
cognitifs
déjà
12
diagnostiqués. Si les conseillers ont souvent
Limoges,
l’intuition
territoires. Les Missions Locales peinent
que
le
jeune
rencontre
des
mais
sur
beaucoup
d’autres
à
difficultés d’un point de vue cognitif, un bilan
trouver des principes d’action et des solutions
médical n’est pas posé. Les conseillers voient
pour ces jeunes. Il est d’autant plus important
en
moins
de se mobiliser entre partenaires. Limoges
« motivé » dans sa recherche d’emploi. Les
pourrait initier des réflexions et expérimenter
difficultés liées à l’illettrisme par exemple, à
de
une forte dyslexie, … sont diagnostiquées plus
d’intérêt national.
tard,
Les partenaires à mobiliser sur ce sujet sont
face
d’eux
souvent
un
jeune
après
plus
plusieurs
ou
tentatives
nouvelles
actions
sur
ces
questions
infructueuses de formation (quand il y en a),
selon nous (a minima):
… Les jeunes n’évoquent pas spontanément
- la DDCS et la DIRECCTE ;
leurs difficultés, ou ne les perçoivent pas.
- la Ville de Limoges ;
Leurs comportements sont adaptés à ces
- le Conseil Régional ;
difficultés, et potentiellement mal interprétés
- l’Education Nationale ;
par les conseillers.
- le Centre d’Information et d’Orientation ;
- la Délégation Régionale de l’AGEFIPH et le
Quand
les
pressenties,
difficultés
la
jeune
sont
reconnaissance
du
du
PRITH
(le
handicap n’apparaît souvent pas comme
- la CRAM ;
la
- des
solution
adaptée.
Les
conseillers
ne
Programme
régional
pour
l’insertion des travailleurs handicapés) ;
CFA
et
centres
de
formation
du
territoire.
savent pas comment aborder avec le jeune
cette question d’un potentiel handicap. Plus au
fond, ils ne veulent pas le stigmatiser par une
Le groupe de travail pourrait suivre plusieurs
approche
pistes de réflexion :
médicale
et
administrative
de
reconnaissance d’un handicap. Le handicap
est souvent ressenti par le conseiller mais tû
•
dans les entretiens. Dans le cas où un
mettre en place des modes de repérage
des difficultés cognitives.
professionnel fait des démarches pour orienter
le jeune vers des établissements spécialisés
A
(c’est le cas de la MGI pour un jeune de notre
d’Orientation situé au Carré Jourdan joue un
cohorte), la famille comme le jeune ne sont
rôle important pour les jeunes sans diplôme.
pas faciles à convaincre. Ils préfèrent tenter la
Ils sont beaucoup (dans notre cohorte en tous
voie « classique » d’accès à l’emploi, quitte à
cas) à s’y être rendus peu de temps après
ce que ce soit long. Ce sont des jeunes qui ne
l’arrêt de l’école (orientés par la MGI, par la
relèvent ni complètement de l’enseignement
Mission Locale, par les éducateurs spécialisés,
spécialisé, ni complètement de formations
…). Cela pourrait être un moment clé où, si le
avec des pédagogies traditionnelles. C’est cet
jeune en est d’accord, le passage d’un test
« entre-deux » qui est difficile à traiter pour
psycho-technique
les professionnels. Ces derniers font souvent
premier diagnostic et un premier échange
le choix d’accompagner ces jeunes « comme
avec le jeune à ce sujet. Le CIO aurait alors
les autres », et ce faisant risquent de laisser la
pour rôle de prévoir un relais avec le futur
personne seule face à des difficultés bien
conseiller emploi du jeune. Et le cas échéant
réelles.
d’orienter
Limoges,
le
vers
Centre
d’Information
permettrait
un
bilan
d’établir
médical
et
un
plus
approfondi.
Les pistes d’action. Ce thème du handicap
Côté Mission Locale, le diagnostic concernant
léger est un sujet d’une grande complexité. Ce
les capacités cognitives du jeune pourrait être
n’est pas seulement une problématique à
considéré
comme
devant
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
être
désormais
13
systématique pour les jeunes sans diplôme,
d’inadaptation
au
formation
formation professionnelle, et favorise ainsi
commune et des échanges de pratiques entre
leur insertion en milieu ordinaire de travail. Ce
conseillers pourraient être mis en place. Ils
dispositif de soutien s’inscrit dans une logique
viseraient à mieux connaître les différentes
d’intégration dans les centres de formation de
natures de ces troubles cognitifs, comment ils
droit commun que sont les CFA. Plusieurs
se définissent, comment ils se manifestent et
types
les conséquences qu’ils peuvent avoir ; savoir
oeuvre :
comment aborder le sujet avec les jeunes, et
soutien à la formation générale ; un suivi en
bien
entreprise ; un accompagnement éducatif et
début
du
parcours.
connaître
l’offre
Une
développée
sur
le
dans
leur
parcours
d’accompagnement
un
sont
renforcement
de
mis
en
pédagogique,
social.
territoire à ce sujet.
En Bretagne, ce dispositif a concerné près de
•
développer l’accès à l’apprentissage pour
400 jeunes pour l’année scolaire 2009-2010.
les jeunes en situation de handicap (qu’ils
soient
ou
non
reconnus
travailleurs
•
handicapés).
développer des pédagogies spécifiques.
En 2010 en Haute-Vienne, 19 jeunes reconnus
Les jeunes avec des difficultés cognitives sont
travailleurs
un
souvent exclus des formations, parce qu’ils ne
apprentissage. Ils représentent moins de 1%
réussissent pas les tests d’entrée, ou bien ils
de l’ensemble des apprentis du Département.
échouent/abandonnent rapidement du fait de
C’est peu comparé à d’autres départements
leurs difficultés d’apprentissage.
(plus de 2% en Auvergne par exemple).
Les centres de formation pourraient se voir
L’accès à l’apprentissage pour les jeunes TH
fixer des objectifs par le Conseil Régional
passe à Limoges aujourd’hui par l’accès à un
d’accueillir dans leurs cohortes des jeunes
CFA spécialisé, mais qui ne concerne que 30
repérés
apprentis par an, formés au sein du CsFA, et
cognitives. La Région pourrait demander à ces
dont les filières de spécialité sont réduites.
centres
Un accompagnement est également prévu par
spécifiques, potentiellement plus longs, avec
la Région et l’Agefiph via l’APAJH 87 pour
des
accompagner
renforcés. Cela permettrait d’éviter les échecs,
handicapés
les
ont
jeunes
commencé
ayant
une
comme
de
ayant
développer
des
des
accompagnements
difficultés
parcours
individualisés
reconnaissance TH au cours de leur contrat en
et
alternance (il concerne 22 jeunes par an).
parcours, en lui apprenant à mieux connaître
Le groupe de travail pourrait s’intéresser à des
mesures mises en place dans d’autres régions.
L’Auvergne par exemple a mis en place un
CFA spécialisé (CFAS) il y a plus de 15 ans.
C’est un CFA « hors les murs ». Il apporte un
de
faire
avancer
le
jeune
dans
son
et faire avec ses difficultés cognitives. Le cas
échéant, un prestataire spécialisé pourrait
venir en appui des centres de formation pour
accompagner
et
suivre
ces
jeunes
en
formation.
appui pédagogique aux 27 CFA que compte la
région.
Les
apprentis
sont
inscrits
pédagogiquement au CFAS mais en revanche
ils bénéficient de cours au sein des 27 CFA.
Ou bien la Bretagne qui mandate chaque
année une association pour accompagner des
jeunes en situation de handicap (déficience
intellectuelle
légère
principalement)
ou
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
14
RAPPORT
DÉTAILLÉ
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
15
RAPPEL DES OBJECTIFS ET DE LA MÉTHODE
L’étude a 4 objectifs :
Apprécier et qualifier l’impact des dispositifs existants sur la trajectoire d’insertion
professionnelle des jeunes sans diplôme.
Comprendre ce qui attire ou à l’inverse repousse les jeunes sans diplôme dans les
formes et actions d’accompagnement mises en place.
Appréhender la manière dont les dispositifs s’articulent au sein des trajectoires
individuelles
Aider les signataires et partenaires du CUCS à concevoir les objectifs et programmes
d’action du futur CUCS
La méthode de l’étude est très qualitative : il s’agissait d’aller à la rencontre des jeunes
sans diplôme pour comprendre en profondeur comment se construisent leurs parcours
après l’arrêt de l’école, quelle est leur vision de l’accompagnement, des structures présentes
sur le territoire, du monde du travail lui-même : qu’est-ce que le travail, qu’est-ce qu’est la
formation pour eux, quels sont leurs repères dans ce monde, à qui ils s’adressent,… et de
manière plus large, quel est leur quotidien et quelle est la place du travail et de la recherche
d’emploi dans celui-ci, quel est le rôle de leur famille et de leurs amis dans les choix qu’ils font,
qu’est-ce qu’ils aimeraient faire, qu’est-ce qu’ils se voient faire à l’avenir,…
L’étude a trois modules :
1.
Des entretiens de cadrage pour connaître l’offre existante sur le territoire
La première étape de l’étude a été la rencontre des différents acteurs du territoire qui
accompagnent
les
jeunes
après
le
décrochage
scolaire.
L’objectif
était
de
prendre
connaissance des différents dispositifs existants et des publics ciblés par ces
dispositifs. Dans cette première étape de l’étude, nous avons rencontré :
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
16
- Le responsable de la Mission Générale d’Insertion. Celle-ci dispose d’un dispositif de
« raccrochage » des jeunes décrocheurs : le PRIAQ. Ces entretiens nous ont permis de bien
comprendre le fonctionnement du dispositif, ses objectifs et ses publics ;
- La directrice adjointe de la Mission Locale ;
- La directrice adjointe de Pôle Emploi et une coordinatrice de quartier de Pôle Emploi ;
- Le responsable de la MOUS à la Ville de Limoges ;
- La Direction de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de l’insertion, au sein du
Conseil Régional du Limousin.
2.
Un suivi de cohorte qualitatif
Le cœur de la méthode était de rencontrer les jeunes sortis du système scolaire sans diplôme.
Afin de mieux comprendre la construction des parcours, nous avons fait le choix d’un suivi de
cohorte sur un an. Nous avons constitué une cohorte d’une trentaine de jeunes. Les
structures d’accompagnement (Mission Locale et Pôle Emploi), mais aussi les structures de
proximité (associations de loisirs, clubs de sport,…) et les éducateurs des quartiers nous ont aidé
à identifier les jeunes en début d’année 2011.
La cohorte devait permettre de représenter de la diversité des situations :
En termes d’âge et de sexe : ½ de garçons et ½ de filles, des jeunes dans les différentes
tranches d’âge entre 16 et 25 ans
Par rapport au moment dans le parcours : des jeunes sortis récemment du système
scolaire, des jeunes sortis depuis quelques années,… Les jeunes rencontrés n’étaient pas en
emploi durable. Ils pouvaient se trouver dans des situations très diverses du point de vue de
l’insertion professionnelle : des jeunes en recherche d’emploi, en fin de contrat ou en
mission d’intérim, en contrat aidé, en formation,…
Par rapport à la place de l’accompagnement dans le parcours : des jeunes
accompagnés par Pôle Emploi, par la Mission Locale, par le PRIAQ de l’Éducation Nationale,
et des jeunes non accompagnés
Par rapport au territoire : des jeunes des différents quartiers de la ville, en particulier
(mais pas exclusivement) des quartiers de la géographie prioritaire
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
17
La composition de la cohorte
Sexe
Nb
Filles
« Repérés » par
:
Nb
Niveau d’études
Mission Locale
10
17
Garçons
Total
cohorte
14
Pôle Emploi
5
La MGI
7
Des
structures
dans
les
quartiers
9
Total cohorte
31
31
Âge
Nb
16 - 17
10
18 - 19
4
Non
scolarisé
France
Nb
en
Niveau 3e
7
Niveau 2nde générale
1
Niveau CAP
9
Niveau BEP
5
Titulaire
CAP/BEP
d’un
Total cohorte
20 - 21
9
22 - 25
11
Total
cohorte
31
2
4
31
Trouver des jeunes non accompagnés n’a pas été facile : nous sommes passés par des relais de
proximité des jeunes, des professionnels en qui les jeunes ont confiance. De fait, les jeunes
qui n’étaient pas (ou peu) en contact avec ces professionnels étaient plus difficilement
repérables. Mais l’objectif de l’étude était aussi d’arriver à rencontrer des jeunes non
accompagnés, pour mieux comprendre ce qui les attire/les repousse dans l’accompagnement, ce
qui peut provoquer une rupture, ce qui se passe dans la vie de ces jeunes dans les périodes où
les professionnels les « perdent de vue »,… Nous avons donc été amenés à passer beaucoup de
temps sur le terrain pour trouver ces jeunes : avec un éducateur ou un animateur, nous
sommes allés dans des lieux fréquentés par les jeunes (l’Interval dans le Val de L’Aurence, les
locaux de l’ALSEA à Beaubreuil,…), pour les repérer et les inviter à participer à l’étude.
Cette étape en amont n’a pas été simple : approcher les jeunes dans leurs lieux de vie, arriver à
entamer une conversation, à susciter leur confiance pour les mobiliser dans l’étude, alors qu’ils
pouvaient être en situation de rupture ou de conflit par rapport aux structures d’insertion ellesmêmes. Cela a été un moment clé de l’étude.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
18
Nous avons rencontré ces jeunes à trois reprises, pour des entretiens individuels en faceà-face d’environ une heure et demie. L’objectif était de mieux comprendre les processus de
construction des parcours : ce qui amène les
jeunes vers l’accompagnement, les différents
Les entretiens avec les jeunes de la
cohorte
dispositifs dont ils bénéficient, les moments de
rupture,…
31 jeunes identifiés, 17 filles et 14
garçons
Trois séries d’entretiens : une en
mars-avril, une en juillet-septembre,
une en décembre.
Les entretiens avec les jeunes n’avaient pas
vocation
à
avoir
parcours
et
leur
un
impact
dans
leur
accompagnement.
Nous
La méthode : des entretiens de type
« récit de vie », prenant la forme d’un
échange ouvert avec le jeune.
avons donc veillé à expliquer au jeune que nous
n’étions pas là pour les accompagner. Pour mieux
séparer
les
deux
démarches,
nous
Des entretiens « anonymisés »
avons
rencontré les jeunes dans des espaces extérieurs
à tout accompagnement : la majorité des entretiens se sont déroulés dans un café, certains ont
eu lieu au domicile du jeune.
Chaque jeune a été toujours rencontré par le même chargé d’études d’ASDO. Le fait de
faire plusieurs entretiens avec la même personne a permis de créer un lien de confiance et de
mieux appréhender la situation du jeune dans sa globalité : sa conception du monde
professionnel, de l’emploi, son contexte familial et social, son rapport à l’accompagnement, la
place des différents dispositifs dans son parcours,…
3.
La rencontre des professionnels qui accompagnent les jeunes
Nous avons rencontré des professionnels ayant
accompagné les jeunes de la cohorte à un moment
de leur parcours. Il s’agissait de conseillers en
insertion
(Mission
Locale
et
Pôle
Emploi),
de
professionnels de la Mission Générale d’Insertion de
l’Éducation Nationale, mais aussi d’intervenants du
quartier ayant connu le jeune dans le cadre d’une
activité « autre » : des animateurs d’associations de
Les
entretiens
professionnels
avec
les
17 professionnels rencontrés,
ayant accompagné la plupart des
jeunes de la cohorte
Un entretien en face-à-face (sauf
pour les conseillers Pôle Emploi, dont
les échanges se sont faits par
téléphone) d’une durée d’une heure
La méthode : des entretiens par
« étude de cas » à partir des
situations des jeunes de la cohorte
loisirs, des éducateurs de rue,…
Des entretiens « anonymisés »
Les
entretiens
avec
les
professionnels
sont
intervenus, pour la plupart, entre le second et le troisième entretien avec les jeunes. L’objectif
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
19
était que le professionnel puisse nous parler de l’accompagnement des jeunes sans
diplôme à partir du cas d’un jeune de la cohorte. Le fait d’aborder un cas permettait au
professionnel de nous expliquer concrètement comment il met en place l’accompagnement,
quels sont les freins qu’il repère, quels dispositifs il mobilise, quand interviennent les ruptures,…
Parler d’un jeune de la cohorte, cela permettait aussi de croiser les regards du jeune et de
l’accompagnateur.
Puisque les entretiens avec les jeunes devaient rester extérieurs à tout accompagnement, et
aussi pour des raisons de confidentialité, nous n’avons pas évoqué nos entretiens avec les
jeunes lors des entretiens avec les professionnels. Cette démarche a été bien comprise et bien
accueillie par les professionnels.
Nombre de
professionnel
s rencontrés
Nombre
de jeunes
concerné
s
Conseillers Mission Locale
6
14
Conseillers Pôle Emploi
3
3
Coordonnateurs MGI
2
6
Éducateurs
ALSEA
3
2
Chantier d’insertion ASFEL
1
2
Animateurs ALJ
2
3
Structure
spécialisés
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
20
PANORAMA STATISTIQUE
1.
Chiffres clé
Combien de jeunes sans diplôme résident sur Limoges et quel est leur profil ? Si la question
semble simple, la réponse ne l’est pas : en l’absence de données détaillées et homogènes
sur ce public, il est nécessaire de composer avec de multiples sources qui ne portent
pas toujours sur un périmètre identique.
ENCADRÉ MÉTHODOLOGIQUE : LES SOURCES UTILISÉES
Les dates de mesure statistique ne sont pas les mêmes selon les sources utilisées. Les données du
recensement datent toujours de 2006, mais d’autres données plus récentes et localisées ont pu être
utilisées. Surtout, selon les sources statistiques utilisées, le périmètre varie : en termes de tranches
d’âges retenues, en termes de définition des « sans diplôme qualifiant », en termes de périmètre
géographique.
Ci-dessous les principales sources statistiques utilisées pour cet état des lieux :
Source
Date
Périmètre géographique
Périmètre publics
Recensement
Population
2006
Commune de Limoges, et données infra
communales par IRIS (« Îlots Regroupés
pour des Indicateurs Statistiques » )
15-24 ans selon le « diplôme le
plus élevé obtenu »
MGI
Années scolaires
2008-2009/20092010
Académie de Limoges
Département de la Haute-Vienne
« Décrocheurs » de la classe de
4ième jusqu’à la 1ière année de Bac
pro 3 ans
Mission
Locale
2009 & 2010
Agglomération de Limoges
Avril 2011, dossiers
actifs ou en veille
Commune de Limoges
Jeunes accueillis ou accompagnés
par la Mission Locale, entre 16 et
25 ans
Décembre 2010
Bassin d’Emploi de Limoges
Pôle Emploi
Jeunes de moins de 26 ans de
niveau VI, V bis et V inscrits à Pôle
Emploi
a. En 2006, près de 2000 jeunes Limougeauds n’avaient pas de
diplôme qualifiant.
D’après les données issues du Recensement, Limoges comptait en 2006 1 938 jeunes âgés de
15 à 24 ans, sortis du système scolaire sans diplôme qualifiant8, soit 8% de l’ensemble des
jeunes limougeauds de cet âge.
Cette part est restée stable depuis 1999, et situe Limoges plutôt en deçà de la moyenne
nationale (10%).
8
Dans la définition de l’INSEE, ce sont les jeunes qui n’ont pas de diplôme supérieur au Certificat d’études
primaires et/ou au BEPC
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
21
Si l’on ne tient pas compte des jeunes scolarisés, ce sont plus d’un quart (27%) des jeunes
qui ne détiennent pas de diplôme. Si cette part a légèrement baissé depuis 19999, elle
témoigne de la part importante que représente les jeunes sans diplôme parmi les jeunes actifs.
b. En 2009-2010, la Haute Vienne comptait plus de 400 élèves
« décrocheurs ».
En Haute Vienne, selon la MGI, durant l’année scolaire 2009-2010, 413 élèves ont
décroché10. Ils représentent 57% des décrocheurs de l’Académie de Limoges. Les élèves
décrocheurs dans le département seraient 2 fois plus nombreux que ceux de l’année précédente
(215 élèves). Ce chiffre doit cependant être pris avec précaution dans la mesure où il est sous
estimé :
-
Le mode de calcul retenu ne permet pas de comptabiliser certains décrocheurs : les élèves
sortis avant les constats d’entrées (au 15 octobre) ou ceux sortis après les constats de
sortis (fin mars).
-
L’ensemble des élèves décrocheurs ne sont pas signalés par les établissements. De plus,
les
motifs
de
sortie
ne
seraient
pas
nécessairement
bien
renseignés
par
les
établissements.
Année de sortie des élèves décrocheurs en Haute
Vienne - année scolaire 2009-2010
(base : 413)
1iere année
de bac pro - 3
ans
13%
Dans
le
Vienne,
département
plus
décrocheurs
4ième
16%
d’un
repérés
de
Haute-
tiers
des
(36%)
sur
l’année 2009-2010 étaient inscrits
en classe de seconde générale ou
technologique.
Ce taux de décrochage en seconde
Seconde
générale ou
technologique
36%
3ième
26%
générale ou technologique était 3 fois
inférieur
pendant
l’année
scolaire
2008-2009. Les décrocheurs sortaient
1ere année de
CAP
9%
alors plus fréquemment en classe de
troisième (45% en 2008-2009 contre
26% en 2009-2010).
Source : MGI Limoges, années scolaires 2008-2009 et 2009-2010
9
Ils étaient 29% en 1999 : on quitte le système scolaire un peu moins souvent sans diplôme qualifiant
10
La MGI définit les élèves décrocheurs de la façon suivante : « les élèves inscrits dans un établissement lors
des constats d’entrée (autour du 15 octobre) et sortis au mois de mars de l’année suivante »
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
22
Sur l’année 2009-2010, on constate que le phénomène de décrochage scolaire est
particulièrement important en 1ère année de CAP : 12% des élèves de Haute-Vienne qui y
sont inscrits en début d’année arrêtent l’école à ce moment là. Cette proportion est moindre en
ce qui concerne la classe de seconde, qui compte 7% de décrocheurs en moyenne.
Nombre d’élèves décrocheurs par classe en 20092010 dans le département de la Haute Vienne
Classe du
décrochage
4ième
3ième
1e année CAP
Seconde générale et
technologique
1e année Bac pro 3
ans
Nombre
d'élèves
décrocheurs
68
107
38
Nombre total
d'élèves
Pourcentage des
décrocheurs
3497
3051
314
1,94%
3,51%
12,10%
146
1987
7,35%
54
672
8,04%
Cette proportion de décrocheurs est relativement constante dans le temps pour les classes de
4ème et de 3ème. Elle est en revanche plus variable pour les autres niveaux comme l’indique le
graphique ci-dessous. Ainsi, en 2009-2010, les classes de première année de CAP sont moins
touchées par le décrochage qu’en 2008-2009. En revanche, la part des décrocheurs a augmenté
dans les effectifs des classes de seconde générale et technologique, et de 1ère année Bac Pro 3
ans depuis 2008-2009.
Evolution des parts de "décrocheurs" parmi les
effectifs de chaque niveau scolaire dans le
département de la Haute Vienne de l'année scolaire
2008-2009 à l'année scolaire 2009-2010
20%
18%
16%
14%
12%
10%
8%
6%
4%
2%
0%
2008/2009
2009/2010
4ième
3ième
1e année de CAP
Seconde générale et technologique
1e année de Bac Pro 3 ans
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
23
Chaque année, une trentaine de jeunes bénéficient du PRIAQ, un dispositif visant à
préparer le retour en formation qualifiante des jeunes « décrocheurs » ou sans solution
d’orientation à l’issue de la scolarité obligatoire. Les jeunes concernés ont en majorité arrêté
l’école à l’issue de la 3ème. Les résultats de ce dispositif, s’il reste d’une taille modeste,
sont encourageants. En moyenne sur les 3 dernières années, les 2/3 des jeunes qui
ont intégré le PRIAQ ont repris une formation (formation « scolaire » ou via
l’apprentissage). Hors sorties positives liées à la sortie en emploi ou un retour en formation,
les abandons concernent une minorité de jeunes.
c. Sur le bassin d’emploi de Limoges, un demandeur d’emploi sur 10
est un jeune sans diplôme.
Au niveau national, le taux de chômage des jeunes sans diplôme sortis depuis moins de 5 ans
de formation initiale a plus que doublé en 30 ans : de 18% en 1978 il atteint 41% en 200511.
L’étude du CEREQ12, réalisée elle aussi au niveau national montre bien que la population des
jeunes sortis sans diplôme est très exposée au chômage, puisque 3 ans après leur sortie en
2006-2007, cette catégorie connaît un taux de chômage de 40%.
Le bassin de Limoges ne fait pas exception à la règle. En décembre 2010, le bassin d’emploi de
Limoges comptait 1 843 demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) de moins de 26 ans
de niveau VI, V bis et V. Ces jeunes demandeurs d’emploi représentent 54,9% de
l’ensemble de la DEFM de moins de 26 ans. Ces chiffres témoignent des difficultés
rencontrées par cette partie de la population en ce qui concerne l’emploi : la population des
sans diplôme y est près de 7 fois plus représentée que la part qu’ils représentent
parmi les 15-24 ans (8%).
11
Source : Rapport n°9 du CERC « un devoir national, l’insertion des jeunes sans diplôme »
12
Le CEREQ réalise tous les 3 ans des suivis de cohorte des jeunes sortis de formation initiale. Tous les 3 ans,
une nouvelle cohorte est sélectionnée, et un suivi effectué auprès des cohortes précédentes. Cela permet
notamment de disposer d’information concernant l’insertion professionnelle des jeunes à 3 ans, selon leur
niveau de diplôme. L’étude réalisée par le CEREQ sur la « génération 2007 » montre que 3 ans après la sortie,
le taux de chômage constaté chez les jeunes sans diplôme atteignait 40%, contre 24% pour les titulaire d’un
CAP/BEP. L’étude met également en avant que c’est pour les non diplômés que la courbe de l’évolution du taux
d’emploi de la « génération 2007 » décroche le plus par rapport à celle de la « génération 2004 » au moment
de la crise.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
24
Fin décembre 2010, ces jeunes sans diplôme comptaient pour 12% de l’ensemble de la
DEFM au niveau du bassin d’emploi. Malgré la baisse (relative) de ce taux, il s’agit toujours
d’une composante importante de l’ensemble de la demande d’emploi.
Evolution de la part de DEFM de moins de 26 ans de
niveau VI, V bis et V dans l'ensemble des DEFM
de décembre 2008 à décembre 2009
20%
18%
16%
14%
12%
10%
8%
6%
4%
2%
0%
2008
2009
2010
CE QU’IL FAUT RETENIR :
-
En 2006, près de 2000 Limougeauds de 16 à 24 ans non scolarisés
n’avaient pas de diplôme. Sur cette base, et compte tenu du taux de chômage
des jeunes sans diplôme en décembre 2010, on peut estimer que Limoges
compte 750 jeunes sans diplôme et à la recherche d’un emploi
-
Chaque année en Haute-Vienne, 400 jeunes sortiraient de l’école sans
diplôme. Les « décrochages » concernent une part importante de jeunes inscrits
en première année de CAP et de Bac Pro.
-
Le PRIAQ concerne chaque année une trentaine de jeunes environ. Il s’agit
en majorité de jeunes qui décrochent ou se trouvent sans solution à l’issue de la
troisième.
-
Les jeunes non diplômés représentent une part importante des demandeurs
d’emploi, bien au-delà de leur part dans la population active : fin 2010, ils
représentaient plus de la moitié de la DEFM des moins de 26 ans et 12%
de l’ensemble de la DEFM du bassin d’emploi de Limoges
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
25
2.
Le profil des jeunes de Limoges sans diplôme
a. Des indicateurs préoccupants du côté des filles
Une des spécificités de l’Académie de Limoges est la prédominance des filles parmi les jeunes
non scolarisés. Ainsi, en 2001, l’Académie de Limoges est la seule en France dans
laquelle les filles de la classe d’âge de 16 à 19 ans sont moins scolarisées que les
garçons (taux de scolarisation de 87,9% contre 90,3% pour les garçons). Sur la tranche d’âge
des 20-24 ans en revanche, les filles sont plus scolarisées que les garçons (36,7% pour les filles
et 31,7% pour les garçons).
Les filles sont relativement plus nombreuses à être sans diplôme à Limoges. En 2006,
parmi
les
jeunes
sans
diplôme qualifiant à Limoges,
on comptait 51% de garçons
Le niveau d'études des jeunes sortis du
système scolaire sans diplôme qualifiant à
Limoges en 2006
et 49% de filles13 (contre
100%
respectivement 58% et 42%
90%
au
80%
niveau
de
la
France
70%
métropolitaine).
60%
Les jeunes filles de 15 à 24
ans sans diplôme qualifiant14
sont sorties plus souvent que
les garçons au niveau collège
et sans obtenir le BEPC :
parmi les jeunes de 15 à 24
ans sans diplôme qualifiant,
seule 1 fille sur 4 obtient le
brevet
des
collèges
à
Limoges alors que c’est le
28%
25%
31%
3%
3%
2%
28%
28%
28%
50%
40%
30%
20%
38%
35%
33%
6%
5%
6%
Ensemble (base
1938)
Hommes (base
981)
Femmes (base
957)
10%
0%
BEPC, brevet
Certificat d'études primaires
Aucun diplôme scolarité au delà collège
Aucun diplôme scolarité primaire collège
pas de scolarité
cas de près de 1 garçon sur
3 (31%).
13
* Source : Insee, RP 2006
Les niveaux d’études correspondent ici au niveau de diplôme le plus
élevé que les personnes ont déclaré posséder. Ainsi certaines poursuivent
une scolarité au-delà du collège mais n’ont pas le BEPC – les 28% des sans
diplôme. Les personnes ayant le BEPC ont donc pu pour certaines continuer
leurs études au-delà, sans obtenir de niveau de diplôme plus élevé que ce
dernier.
Source : INSEE, RP 2006 (comparaison Limoges et France métropolitaine)
14
Les niveaux d’études correspondent ici au niveau de diplôme le plus élevé que les personnes ont déclaré
posséder. Ainsi certaines poursuivent une scolarité au-delà du collège mais n’ont pas le BEPC – les 28% des
sans diplôme. Les personnes ayant le BEPC ont donc pu pour certaines continuer leurs études au-delà, sans
obtenir de niveau de diplôme plus élevé que ce dernier
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
26
b. Une surreprésentation des jeunes issus des quartiers de la
« Politique de la Ville »
Les taux de déscolarisation des 15-24 ans sont particulièrement élevés dans les quartiers de la
géographie prioritaire15. Ainsi 38% des jeunes de 15 à 24 ans sont déscolarisés dans les
quartiers de la géographie prioritaire de Limoges alors qu’ils sont 30% sur l’ensemble de la
commune de Limoges.
Les taux de déscolarisation
à Limoges et dans les
quartiers CUCS de Limoges
en 2007
Limoges
30%
Beaubreuil
41%
Le Vigenal
49%
La Bastide
45%
Val de
l’Aurence
27%
Les Portes Ferrées
37%
Source : INSEE RP 2007, données à l’Iris
15
Concernant le Val de l’Aurence, le plus faible taux de déscolarisation pourrait tenir au nombre d’étudiants
résidant à proximité du campus universitaire.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
27
Les jeunes non diplômés sont surreprésentés dans les quartiers CUCS de Limoges :
41%
Part des résidents CUCS dans la population
des jeunes de 15 à 24 ans et des jeunes sans
diplôme qualifiant accompagnés par la
Mission Locale à Limoges
des
jeunes
non
diplômés accompagnés par
la Mission Locale résident
en quartier CUCS. Pourtant,
en moyenne, ce ne sont que
Jeunes de 15 à
24 ans sans
diplôme
qualifiant
16%
41%
59%
des
résident
15-24
dans
un
ans
qui
de
ces
16
quartiers .
Jeunes de 15 à
24 ans
16%
0%
84%
20%
CUCS
40%
60%
80%
100%
Hors CUCS
En 2009, 34% des jeunes reçus à la Mission Locale en premier accueil qui résident
dans un quartier
CUCS
sont
de
niveau VI ou V
bis
(25%
pour
l’ensemble
jeunes
Mission
Part des jeunes reçus à la Mission
Locale en premier accueil de niveau
V bis et VI selon le quartier de
résidence
Ensemble des jeunes
reçus par la Mission
Locale
25%
des
de
la
17
Beaubreuil
33%
Locale) .
Selon
Le Vigenal
30%
les
statistiques
Mission
de
la
Locale,
La Bastide
46%
c’est à la Bastide et
aux Portes Ferrées
que
la
part
jeunes
des
non
diplômés est la plus
importante.
16
Val de
l’Aurence
33%
Les Portes Ferrées
43%
Sources : Mission Locale Limoges, Parcours 3, dossiers actifs et en veille, avril 2011 et INSEE, RP 2006
17
Source : Mission Locale Limoges, Rapport d’activité 2009 - Attention, cela ne comprend pas les jeunes de
niveau V, qui pour certains d’entre eux n’ont pas de diplôme qualifiant (quand ils n’ont pas validé leur année
terminale BEP/CAP par le diplôme).
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
28
En volume, les jeunes non diplômés des quartiers CUCS proviennent pour plus d’un tiers d’entre
eux du Val de l’Aurence. Un jeune non diplômé sur 5 issu des quartiers CUCS habite à
Beaubreuil ou à la Bastide18.
Répartition par quartier des
jeunes non diplômés
accompagnés par la ML et issus
des quartiers CUCS
(base 1004)
CUCS VAL DE
L'AURENCE
CUCS
BEAUBREUIL
38%
CUCS BASTIDE
CUCS PORTES
FERREES
20%
19%
8%
CUCS
REVOLUTION
CUCS VIGENAL
CUCS
BEAUBLANC
CUCS PUY
IMBERT
6%
4%
3%
3%
Nombre de jeunes non
diplômés accompagnés par la
Mission Locale dans les
quartiers CUCS
CUCS
Beaubreuil
198
Le Vigenal
38
CUCS Bastide
189
Val de
l’Aurence
381
18
CUCS Portes
Ferrées
79
Source : Mission Locale Limoges, Rapport d’activité 2009
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
29
Parmi les jeunes non diplômés, ceux de niveau VI (n’ayant pas été scolarisés ou
uniquement jusqu’en primaire) sont surreprésentés dans les quartiers CUCS : ainsi près
d’un tiers des non diplômés résidant dans un quartier CUCS sont de niveau VI, contre 23% des
jeunes non diplômés des quartiers hors CUCS19.
Répartition par niveau des jeunes non
diplômés des quartiers CUCS et des quartiers
hors CUCS de la Mission Locale
Hors CUCS
(base : 1462)
23%
CUCS (base :
1004)
38%
32%
0%
39%
35%
20%
40%
Niveau VI
33%
60%
80%
Niveau V bis
100%
Niveau V
c. 13% des jeunes sans diplôme accompagnés par la Mission Locale
ont moins de 18 ans.
En 2010, près de 2 jeunes
sur
3
sans
diplôme
qualifiant*20 et suivis par la
Répartition par âge de l'ensemble des
jeunes de la Mission Locale et des jeunes
sans diplôme accueillis par la Mission Locale
de Limoges en 2010
Mission Locale ont 21 ans
ou
moins.
Les
jeunes
sans diplôme qualifiant
Ensemble des
jeunes accueillis
7%
à la ML en 2010
(base : 3595)
47%
45%
1%
accueillis par la Mission
Locale sont moins âgés
que l’ensemble des jeunes
avec lesquels elle a été en
contact en 2010 (54% ont
21
21 ans ou moins) .
19
20
21
Jeunes sans
diplôme qualifiant
accueillis en 2010
à la ML
(base : 1641)
13%
0%
16-17 ans
49%
20%
40%
18-21 ans
60%
22-25 ans
37%
1%
80%
100%
26 ans et plus
Source : Mission Locale Limoges, Parcours 3, dossiers actifs et en veille, avril 2011
Les jeunes sans diplôme qualifiant sont ici les jeunes de niveaux VI, V bis, V non validé
Source : Mission Locale Limoges, Rapport d’activité 2010
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
30
d. Des jeunes non diplômés moins souvent en logement autonome
quand ils résident dans les quartiers CUCS
En moyenne, 39% des jeunes non diplômés accompagnés par la Mission Locale vivent en
logement autonome. Cette moyenne masque des disparités importantes selon le lieu de
résidence des jeunes : seul 1/3 des jeunes résidant en quartier CUCS dispose d’un
logement autonome, contre 42% des jeunes hors CUCS. Les jeunes sans diplôme des
quartiers prioritaires vivent plus souvent avec leur famille que l’ensemble des jeunes
limougeauds sans diplôme : ils sont 58% à être hébergés par des membres de leur famille
contre 41% pour les jeunes diplômés hors CUCS.
Type d'hébergement des jeunes non diplômés de la
Mission Locale résidant en CUCS et en quartiers non CUCS
50%
42%
40%
33%
43%
33%
30%
20%
15%
8%
10%
9%
5%
1%
0%
0%
Logement Héberg.
autonome parents
Héberg.
famille
Héberg. Foyer FJT
amis
Jeunes non diplômés CUCS (base : 1005)
3%
1%
Autres
foyers
1%
0%
3%
1%
CHRS
Autres
0% 0%
Héberg.
nomade
Jeunes non diplômés hors CUCS (base : 1840)
Source : Mission Locale Limoges, Parcours 3, dossiers actifs et en veille, avril 2011
e. Des jeunes non diplômés des quartiers CUCS plus souvent mariés et
parents
Dans les données du Recensement, l’état matrimonial des jeunes limougeauds non diplômés ne
se distingue pas particulièrement de celui de l’ensemble des 15-24 ans. Ainsi, on compte 95%
de célibataires22 parmi les jeunes non diplômés suivis par la Mission Locale et 97% de
célibataires parmi les 15-24 ans limougeauds (donnée INSEE, RP 2007).
22
Jeunes non mariés mais qui peuvent néanmoins pour certains vivre maritalement. Source : Mission Locale
Limoges - Parcours 3, dossiers actifs et en veille, avril 2011
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
31
Mais les jeunes non diplômés accompagnés par la Mission Locale sont plus nombreux
à
être
mariés
ou
vivre
Part des jeunes non diplômés
résidant en quartiers CUCS et en
quartiers non CUCS célibataires et
mariés ou vivant maritalement
maritalement lorsqu’ils résident
en quartier CUCS : cela concerne
13% des non diplômés en quartier
CUCS et 8% des non diplômés hors
100%
CUCS.
80%
Les jeunes non diplômés en CUCS
60%
sont plus souvent mariés : c’est le
40%
cas pour 8% d’entre eux, contre 3%
20%
pour
l’ensemble
des
15-24
ans
situation
92%
13%
Célibataires
matrimoniale
8%
0%
limougeauds23.
La
87%
Mariés ou en vie
maritale
Jeunes non diplômés CUCS (base : 1005)
Jeunes non diplômés hors CUCS (base : 1840)
est
également très liée au niveau de
formation des jeunes : ainsi les jeunes de niveau VI accompagnés par la Mission Locale sont
15% à être mariés ou à vivre maritalement, contre 9% des niveaux V bis et 7% des niveaux V.
Les jeunes non diplômés sont plus souvent parents : 17% des non diplômés suivis par la
Mission Locale sont parents – soit 7 points de plus que pour l’ensemble des jeunes reçus en
premier accueil en 201024.
Pourcentage des parents parmi les
jeunes de la Mission Locale reçus en
premier accueil et parmi les jeunes non
diplômés de la Mission Locale
100%
17%
10%
83%
90%
80%
60%
40%
20%
0%
Jeunes non diplômés de
Jeunes reçus en
la Mission Locale
premier accueil à la ML
(base : 2845)
en 2010
(base : 1431)
Non parents
23
24
Parents
Source : Mission Locale Limoges, Parcours 3, dossiers actifs et en veille, avril 2011
Source : Mission Locale Limoges, Parcours 3, dossiers actifs et en veille, avril 2011 / Rapport d’activité 2010
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
32
C’est également plus souvent le cas des non diplômés suivis par la Mission Locale
quand ils résident en quartier CUCS :
parmi eux, 1 sur 4 est déjà parent25, ce qui
Part des jeunes non diplômés
parents selon le territoire de
résidence
représente près de deux fois plus que les
non diplômés de la Mission Locale ne
30%
résidant pas en quartier CUCS.
24%
20%
13%
Les jeunes les moins diplômés sont
10%
plus souvent parents : c’est le cas de
27% d’entre eux, soit 2 fois plus que pour
0%
les jeunes de niveau V (13%).
Jeunes non
diplômés CUCS
(base : 1005)
Jeunes non
diplômés hors CUCS
(base : 1840)
f. Moins d’un jeune sur 5 détient le permis de conduire.
En 2011, 20% des jeunes sans diplôme qualifiant et accompagnés par la Mission Locale sont
titulaires du permis B, ce qui est le cas d’un tiers de l’ensemble des jeunes accueillis à la Mission
Locale en 201026. Cette part ne varie pas selon que les jeunes résidant dans les quartiers CUCS
et dans les quartiers non CUCS. Le permis est fortement corrélé au niveau de diplôme : les non
diplômés de niveau V sont près de 1 sur 4 à le détenir, ce qui n’est le cas que de 18% des
niveaux V bis et 14% des niveaux VI27.
g. Des jeunes souvent sans revenus
Le revenu moyen des jeunes non diplômés de la Mission Locale est de 192 euros par mois. Près
des 2/3 des jeunes non diplômés ne disposent d’aucune source de revenus. Pour ceux
qui en disposent, il s’agit soit d’allocations chômage, soit de minimas sociaux (rSa/AAH), soit de
revenus salariaux.
25
26
27
Source : Mission Locale Limoges, Parcours 3, dossiers actifs et en veille, avril 2011
Sources : Mission Locale de Limoges, rapport d’activité 2010
Source : Mission Locale Limoges, Parcours 3, dossiers actifs et en veille, avril 2011
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
33
Types de ressources perçues par les jeunes non diplômés de la
mission locale
Part de jeunes bénéficiant de ce type de ressources
70%
64%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
7%
10%
0%
Rien
Alloc.
chômage
(Pôle
Emploi...)
6%
Salaire
4%
RMI-RSA
2%
API-RSA Allocation
CIVIS
2%
AAH
1%
2%
1%
Alloc.
Pension
formationalimentaire
(ASP,
AREF...)
Autre
Si l’on ne retient que les jeunes bénéficiant de revenus, les revenus moyens les plus importants
concernent les jeunes qui ont une activité salariée (704€ en moyenne). Viennent ensuite les
revenus issus des minimas sociaux (640€ pour les ex-API, 530 € pour les bénéficiaires du
RMI/rSa ou de l’AAH). Les allocations chômage quant à elles apportent en moyenne 545€/mois à
ceux qui en bénéficient.
Parmi les jeunes non diplômés accompagnés par la Mission Locale, les jeunes résidant
dans des quartiers CUCS sont relativement plus nombreux à disposer de ressources :
c’est le cas de 41% d’entre eux
Types de ressources perçues par les jeunes
non diplômés de la mission locale
Part de jeunes bénéficiant de ce type de ressources
70%
60%
contre 36% des jeunes hors
CUCS.
Cependant, la structure des
64%
64%
59%
revenus diffère : les jeunes
50%
issus des quartiers CUCS sont
40%
relativement plus nombreux à
30%
bénéficier de ressources liées
20%
12%
10%7%
7% 6% 7%
10%
0%
Rien
Alloc.
chômage
(Pôle
Emploi...)
Ensemble
Salaire
Jeunes CUCS
aux
minimas
sociaux
(lié
11%
6%
3%
4% 6% 4%
notamment au fait qu’ils sont
RMI-RSA
API-RSA
plus souvent parents). Ils sont
en revanche moins nombreux à
Jeunes Hors CUCS
bénéficier
d’allocations
chômage.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
34
CE QU’IL FAUT RETENIR :
-
L’Académie de Limoges était en 2001 celle où la déscolarisation des filles
était la plus importante. La situation concernant les jeunes filles est
préoccupante : elles sont relativement plus nombreuses à ne pas avoir de diplôme, et
quand c’est le cas, leur niveau de diplôme est inférieur à celui des garçons.
-
Les jeunes issus des quartiers de la géographie prioritaire sont
surreprésentés parmi les jeunes sans diplôme. 16% des jeunes de 15 à 24 ans
résident en CUCS, mais les jeunes sans diplôme sont près de 3 fois plus nombreux au
sein de ces quartiers.
-
Les jeunes sans diplôme accompagnés par la Mission Locale sont en
moyenne plus jeunes et plus souvent chargés de famille que l’ensemble des
jeunes accueillis à la Mission Locale. Ils sont nettement moins nombreux à détenir le
permis que les jeunes diplômés.
-
2/3 des jeunes non diplômés accompagnés par la Mission Locale ne
disposent d’aucune ressource.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
35
3.
L’accompagnement des jeunes sans diplôme
a. 70% des jeunes limougeauds sans diplôme auraient fréquenté la
Mission Locale en 2010.
En 2010, 1 641 jeunes sans diplôme qualifiant28 de 16-25 ans dans l’agglomération de Limoges
ont été « en contact »29 avec la Mission locale : ce serait ainsi environ 70% des sans diplôme30
de la commune de Limoges qui seraient connus de la Mission Locale.
Compte tenu des freins à l’insertion qu’ils rencontrent, les jeunes sans diplôme qualifiant
représentent une part importante des jeunes avec lesquels la Mission Locale a été en
« contact » : ainsi en 2010, sur l’agglomération de Limoges, les jeunes sans diplôme
représentaient près de la moitié (46%) des jeunes accueillis par la Mission Locale, soit
près de 6 fois plus que leur poids dans la population des 15-24 ans31.
Parmi les jeunes sans diplôme accompagnés par la Mission Locale, les filles sont sousreprésentées. Elles représentent 42% des jeunes sans diplôme accompagnés alors qu’elles
représentent 49% des sans diplôme de 15-24 ans de la ville.
b. Les trois quarts des jeunes non diplômés accompagnés par la
Mission Locale ont bénéficié d’un contrat CIVIS.
Les jeunes de niveau VI et V signataires du CIVIS représentent 34% des signataires
du CIVIS de la Mission Locale32. Parmi les jeunes suivis par la Mission Locale en 2011, 3
jeunes non diplômés sur 4 suivis par la Mission Locale avaient signé un CIVIS dans le
cadre de leur parcours (soit 2131 jeunes sur les 2845 dossiers actifs ou veille en avril 2011).
Pour les jeunes de niveau V bis et VI, relevant des CIVIS Renforcés, près de 80% d’entre eux en
ont au moins bénéficié une fois et le quart d’entre eux comptabilise 3 contrats ou plus.
28
Ce chiffre est extrait en prenant en compte dans les « sans diplôme qualifiant » les niveaux VI, V bis et V
non validés. C’est une donnée a minima car certains niveaux IV non validés (ceux qui n’ont pas de diplôme
qualifiant et échouent avant le bac) seraient à inclure dans cet échantillon.
29
Les jeunes « en contact » sont ceux qui sont inscrits à la Mission Locale et qui, dans 95% des cas ont eu au
moins un entretien
30
Ces données sont obtenues « par projection » : on sait que 84% des jeunes de la Mission Locale reçus en
premier accueil résident dans la commune de Limoges.
31
Sources : Mission Locale de Limoges, rapport d’activité 2010 / INSEE – RP 2006
32
Sources : Mission Locale de Limoges, rapport d’activité 2010
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
36
839 jeunes sans diplôme avaient un contrat CIVIS en cours en avril 201133 et pour les 2/3
d’entre eux, il s’agissait d’un CIVIS Renforcé. Il ne s’agit d’un 1er contrat que dans la moitié des
cas. Et pour un jeune sur 6, il s’agit au moins du 3ème contrat34 . Le nombre de contrats
CIVIS signés par les jeunes sans diplôme peut être important, ce qui témoigne du
temps nécessaire à l’accompagnement et à la construction des parcours pour un
nombre significatif de jeunes.
Contrats
CIVIS
Ensemble
Renforcés
Nombre de jeunes concernés
731
1402
2131
% de l'ensemble des jeunes non diplômés
26%
49%
75%
Ventilation des jeunes selon le nombre de contrats CIVIS ou CIVIS Renforcés signés
depuis leur 1er accueil à la ML de Limoges
1 CIVIS
378
675
1049
En % des jeunes concernés
52%
48%
49%
2 CIVIS
353
383
738
En % des jeunes concernés
48%
27%
35%
3 CIVIS
0
203
203
En % des jeunes concernés
14%
10%
4 CIVIS ou plus
0
141
141
En % des jeunes concernés 10%
7%
Contrats
CIVIS
Une analyse de cohorte sur une année pleine (2009) permet de qualifier la nature des sorties de
contrats CIVIS. Près de 800 CIVIS ont été signés en 2009 par des jeunes limougeauds
sans diplôme qualifiant. Pour les ¾, il s’agit de CIVIS renforcés.
Situation 1 an après l'entrée en CIVIS
base: Contrats CIVIS signés en 2009 - fin de CIVIS en 2010
100%
80%
29%
40%
11%
7%
6%
4%
7%
20%
37%
60%
18%
33%
12%
6%
9%
25%
10%
7%
5%
5%
40%
29%
0%
Ensemble
(781)
Renouvellement
Limite d'âge
Déménagement
Non renouvellement
33
CIVIS Commun
(210)
Civis renforcés
(571)
Fin de la durée du programme
Abandons
Emploi durable
Source : Mission Locale Limoges, Parcours 3, dossiers actifs et en veille, avril 2011
34
Ce cas n’est possible que dans le cadre du CIVIS Renforcé, le CIVIS Commun ne permettant quant à lui
qu’un seul renouvellement.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
37
Ces contrats CIVIS sont souvent renouvelés. C’est le cas de 40% des CIVIS renforcés signés en
2009. Les abandons en cours de contrat concernent une minorité de jeunes (6% en moyenne).
La rubrique « non renouvellement » doit être interprétée prudemment : il peut s’agir de sorties
positives comme la reprise d’une formation ou l’accès à un emploi non durable qui ne justifie pas
aux yeux du jeune un renouvellement.
Les sorties vers l’emploi durable à l’issue des contrats CIVIS signés en 2009 ne
concernent que 11% des jeunes. La durée d’accompagnement dans le cadre du CIVIS
pour accéder à l’emploi durable est souvent supérieure à un seul contrat : parmi les
jeunes pour lesquels l’emploi durable justifie la sortie du CIVIS, la durée moyenne
d’accompagnement est de 16,5 mois pour les CIVIS commun, et de 19 mois pour les CIVIS
renforcés.
c. L’accompagnement par la Mission Locale permet souvent aux
jeunes d’acquérir leur première expérience professionnelle.
Avant le 1er accueil à la Mission locale, une majorité de jeunes sans diplôme (71%) n’a
bénéficié d’aucun dispositif de formation ou d’expérience professionnelle : seuls 29%
des jeunes sans diplôme avait déjà bénéficié d’un dispositif (emploi, formation, contrat en
alternance) avant d’arriver à la Mission locale. Ceci est plus particulièrement le cas des jeunes
non diplômés résidant hors CUCS, qui sont plus nombreux à avoir déjà eu une expérience,
notamment en ce qui concerne les contrats en alternance (cf. graphe ci-dessous). Concernant la
durée de cette expérience en revanche, les différences s’estompent.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
38
Taux d'accès aux dispositifs des jeunes non diplômés
avant leur 1er accueil à la mission locale
(source : Parcours 3 - dossiers actifs et en veille - avril 2011)
40%
30%
29%
31%
27%
25%
21%
24%
20%
15% 16%
13%
15%
13%
9%
10%
4%3%5%
0%
A bénéficié d'un
A bénéficié
A bénéficié d'un A bénéficié d'un A bénéficié d'un
dispositif avant d'une formation
contrat en
contrat en
emploi
le 1er accueil
alternance ou
alternance
d'un emploi
% de l'ensemble jeunes ML
(2845)
% des jeunes CUCS
(1005)
% des jeunes Hors CUCS
(1840)
Cette absence d’expérience à l’entrée n’est pas pour autant liée à une inscription
rapide après la déscolarisation. Les délais entre la déscolarisation et l’inscription à la Mission
Locale restent encore longs : ainsi en 2010, 72% des jeunes non diplômés accueillis pour la
première fois étaient déscolarisés depuis au moins 6 mois et 57% depuis plus d’un an35.
C’est après leur inscription à la Mission Locale que de nombreux jeunes bénéficient de
leurs
premières
expériences
professionnelles,
en
emploi,
en
alternance
mais
également lors d’immersions en entreprise. C’est le cas respectivement de 56%, 10% et
17% des jeunes suivis par la Mission Locale. Le territoire de résidence (CUCS ou Hors CUCS)
n’influe pas sur ces chiffres36.
35
36
Source : Mission Locale Limoges, rapport d’activité 2010
Source : Mission Locale Limoges, Parcours 3, dossiers actifs et en veille, avril 2011
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
39
Taux d'accès aux dispositifs des jeunes non
diplômés durant leur accompagnement par la
mission locale
(source : Parcours 3 - dossiers actifs et en veille - avril 2011)
80%
56%
60%
56%
56%
40%
17% 18% 16%
20%
10%
9%
11%
0%
Emploi
Contrat en Alternance
% de l'ensemble jeunes ML
(2845)
Immersion en entreprise
% des jeunes CUCS
(1005)
% des jeunes Hors CUCS
(1840)
Le nombre de contrats décrochés
par
les
jeunes
durant
leur
accompagnement
est
relativement
en
important :
moyenne,
les
jeunes
accompagnés ayant eu une
expérience
leur
d’emploi
durant
accompagnement
bénéficié
de
plus
de
ont
3
contrats. Les contrats en CDI
restent l’exception et premières
expériences riment souvent avec
contrats précaires. Les contrats
Types de contrats décrochés par les jeunes non
diplômés de la Mission Locale depuis le 1er accueil
(base 5431 c ontrats effectués par 1592 jeunes)
CDI + CNE
temps partiel
4%
CDI + CNE
5%
CUI CDD
(CAE/CIE)
8%
CDD temps
partiel
5%
CDD
saisonnier
5%
sont cependant souvent à temps
plein (9% des contrats signés
sont
à
temps
partiel).
Autres
3%
Association
Intermédiaire
4%
CDD temps
plein
46%
CDD intérim
18%
CDD insertion
2%
Ces
contrats ne relèvent de dispositifs de contrats aidés que dans 14% des cas.
Si en moyenne le nombre de contrats est important, il faut également tenir compte de
la durée – souvent importante - de l’accompagnement ayant permis le cumul de ces
expériences. Lorsqu’on le calcule uniquement sur une année, le taux d’accès à l’emploi des
jeunes non diplômés chute fortement : 36% pour l’année 201037.
37
Source : Mission Locale Limoges, rapport d’activité 2010
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
40
On observe une concentration sur quelques secteurs des emplois occupés par les
jeunes non diplômés de la Mission Locale. Plus de la moitié des emplois relèvent de 3
secteurs :
Répartition par secteur d'activité des emplois exercés
par les jeunes sans diplôme pendant leur
accompagnement par la Mission Locale
base : 5431 emplois exercés par 1592 jeunes
Industrie
5%
Agriculture et
pêche
6%
Non défini
7%
Support à
l'entreprise
2%
Autre
4%
emplois
des
occupés
concernaient le transport
et la logistique, 16 % des
services à la personne ou
aux collectivités et 12%
du commerce et de la
Transport et
logistique
32%
BTP
8%
Hôtel Rest
Tourisme
Loisirs
Commerce
8%
Vente Gde
distribution
12%
1/3
grande distribution.
Pour les contrats en
alternance,
Services
personnes et
coll
16%
constate
une
dans
on
également
concentration
3
différents
domaines,
de
ceux
concernés par les emplois occupés. Un tiers des contrats en alternance concernent le
domaine de la grande distribution ou du commerce. Viennent ensuite le secteur de
l’hôtellerie/restauration/Tourisme (1 contrat sur 4) et le BTP (1 contrat sur 5).
d. Près de la moitié des jeunes sans diplôme accompagnés par la
Mission locale ont suivi une formation.
Si le retour à la scolarité (formation initiale, dispositifs MGI) ne concerne que peu de jeunes
après leur 1er accueil (3%), les formations tiennent une place importante dans le
parcours des jeunes non diplômés : près de la moitié d’entre eux ont bénéficié d’au
moins une formation dans le cadre de leur parcours à la mission locale (43%). Ceci est
plus souvent le cas des jeunes issus des quartiers CUCS, eux même plus souvent représentés
parmi les jeunes de niveau VI. En rythme annuel, ce sont 21% des jeunes non diplômés qui ont
été concernés par une formation en 201038.
38
Source : Mission Locale Limoges, rapport d’activité 2010
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
41
Taux d'accès aux dispositifs des jeunes non
diplômés durant leur accompagnement par la
mission locale
60%
(source : Parcours 3 - dossiers ac tifs et en veille - avril 2011 )
43%
49%
40%
40%
20%
3%
3%
3%
0%
Formation
Scolarité
% de l'ensemble jeunes ML
(2845)
% des jeunes CUCS
(1005)
% des jeunes Hors CUCS
(1840)
Parmi les jeunes non diplômés, ceux-ci accèdent à des formations de type différent en
fonction de leur niveau : les formations dites de mobilisation sont fréquemment utilisées pour
les jeunes qui se sont arrêtés tôt dans leur parcours scolaire (Niveaux VI/V bis). Si ce public
parvient à rentrer sur des formations préqualifiantes tout autant que les autres niveaux de
formation, on constate cependant qu’ils sont moins nombreux à intégrer des formations
qualifiantes : un jeune non diplômé de niveau V a 2 fois plus de chances d’intégrer une
formation qualifiante qu’un jeune de niveau VI (23% d’accès aux formations qualifiante pour les
niveau V contre 9% pour les niveau VI).
Taux d'accès aux formation des jeunes non diplômés durant leur
accompagnement par la ML - selon le type de formation et le
niveau de formation des jeunes
(source : Parcours 3 - dossiers actifs et en veille - avril 2011)
40%
34%
29%
30%
28%
26%
23%
20%
13%
12%
12%
11%
16%
10%
14%
9%
1% 1% 1% 1%
0%
Adaptation
% de l'ensemble jeunes ML
(2845)
Mobilisation
% des jeunes Niv.VI
(738)
Pré-qualification
% des jeunes Niv.V bis
(1053)
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
Qualification
% des jeunes Niv.V
(1054)
42
e. Près de 2 000 jeunes sans diplôme inscrits à Pôle Emploi sur le
bassin de Limoges fin 2010
En décembre 2010, 1 843 jeunes de moins de 26 ans de niveau VI, V bis et V, sans diplôme,
étaient inscrits à Pôle Emploi sur le bassin de Limoges. Il s’agit pour les ¾ de jeunes de niveau
V, les niveaux V bis et VI comptant respectivement pour 13% et 10% d’entre eux.
Cette inscription est souvent récente : pour les ¾ des jeunes de niveau V ou moins, l’inscription
date de moins d’un an. Elle n’est en revanche supérieure à 2 ans que pour 7% des inscrits.
Si le profil des inscrits à Pôle
Répartition par âge des jeunes non diplômés
de la Mission Locale et des jeunes de moins
de 26 ans, de niveau VI, V bis et V inscrits à
Pôle Emploi
Emploi en termes de genre est
équivalent à celui des jeunes
accompagnés par la Mission
Locale (56% d’hommes), le
60%
public inscrit à Pôle Emploi
est relativement plus âgé
que
celui
suivi
par
particulièrement
à Pôle Emploi.
45%
30%
42%
20%
En 2010, sur le bassin de
26%
50%
40%
sous-
représentés parmi les inscrits
Limoges,
56%
la
Mission Locale. Les mineurs
sont
50%
des
10%
jeunes
inscrits à Pôle Emploi (tous
niveaux confondus) faisaient
l’objet d’un suivi par la Mission
0%
1%
5%
16-17 ans
Pôle Emploi
18-21 ans
22-25 ans
Mission Locale
39
Locale . Il s’agit en majorité des jeunes les moins diplômés : près des 2/3 des jeunes affectés
par Pôle Emploi qui ont initié un accompagnement PPAE avec la Mission Locale en 2010 (64%)
étaient de niveau V ou moins40.
39
40
Source : Données Pôle Emploi
Source : Mission Locale Limoges, rapport d’activité 2010
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
43
CE QU’IL FAUT RETENIR :
-
La Mission Locale est un acteur connu et fréquenté par les jeunes sans
diplôme : 70% d’entre eux auraient ainsi été en contact avec elle au cours de
l’année 2010.
-
Dans le cadre de leur accompagnement par la Mission Locale, les ¾ des
jeunes sans diplôme ont été amenés à signer un CIVIS. Les parcours vers
l’emploi durable sont cependant longs, ce que traduit le taux important de
renouvellement de ces contrats.
-
Les jeunes sans diplôme bénéficient souvent de leurs premières expériences
au cours de la période où ils sont suivis par la Mission Locale. Plus de la moitié
des jeunes accompagnés ont ainsi pu bénéficier au moins d’un contrat de travail
depuis le début de leur accompagnement. 43% des jeunes ont quant à eux suivi une
formation dans le cadre de leur accompagnement.
-
Un quart des jeunes suivis par Pôle Emploi font l’objet d’une co-traitance
avec la Mission Locale. Il s’agit dans 2/3 des cas des jeunes les moins
diplômés (niveau V ou moins).
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
44
TYPOLOGIE ET MONOGRAPHIES
Précautions méthodologiques
Nous reprenons ici la typologie des jeunes et des parcours présentée dans la synthèse de
l’étude. Les 15 monographies ci-dessous ont vocation à illustrer cette typologie en
reprenant les profils et parcours de 15 jeunes de la cohorte. Avant d’en démarrer la
lecture, quelques précautions méthodologiques :
Comme le rappelle Dominique Schnapper, la typologie ne cherche pas à classer les
individus, elle rend intelligible une réalité sociale : « La méthode typologique n'a pas pour
objet de classer les personnes, mais d'élaborer la logique des relations abstraites qui permet
de mieux comprendre les comportements et les discours observés et donne une nouvelle
intelligibilité aux interactions sociales »41. Le parcours de chaque jeune est unique et
complexe : la typologie propose un angle d’analyse pour modéliser cette réalité complexe.
Les monographies mettent en perspective la situation des jeunes rencontrés, par
rapport à la typologie élaborée. La monographie n’est pas un récit exhaustif de la vie
d’un jeune : elle met en avant les moments du parcours et les situations qui permettent de
comprendre où en est le jeune par rapport à son insertion professionnelle, sa perception de
l’accompagnement,…. Elle accentue certains traits pour illustrer la typologie construite.
Ces monographies se fondent sur des éléments de « discours » analysés, des jeunes
de la cohorte et des professionnels qui les accompagnent.
Les monographies ne doivent pas servir à « identifier » un jeune. Les entretiens avec les
jeunes sont anonymes et cet anonymat doit être respecté. Ainsi, « toute ressemblance
avec un jeune connu par l’un des membres du comité de pilotage est fortuite ».
L’objectif est de proposer une analyse transversale pour la réflexion générale sur l’action
publique.
41
Schnapper, 1999, La compréhension sociologique (Démarche de l'analyse typologique), Paris, PUR, p. 113
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
45
Une typologie des jeunes sans diplôme et de leurs parcours
La recherche d’emploi différée
Participation à
un jeu social
Un statut par l’emploi
ou la recherche d’emploi
« J’ai un travail
moi »
« Maman au
foyer »
La vie avec
les proches
« Les petits
biz »
« Je cherche du
travail »
L’assistance
revendiquée
Proximité
à l’emploi
Proximité
à l’emploi
La « fragilité
intériorisée »
La recherche d’emploi angoissée
« C’est pour les
soccas »
L’insertion dévalorisante
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
46
« MAMAN AU FOYER »
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
47
Jessica, 21 ans
A arrêté l’école en 2006, en seconde générale
Nous avons rencontré Jessica à trois reprises :
Premier entretien le 22 mars 2011
Deuxième entretien le 5 juillet 2011
Troisième entretien le 16 décembre 2011
Entretien avec le conseiller Mission Locale le 7 septembre 2011
Le
parcours
de
Jessica
avant
notre
rencontre
Les éléments clés du parcours
Jessica est la deuxième fille de 4 enfants. A la fin de
la 3e, elle veut faire un apprentissage en coiffure,
mais elle ne parvient pas à trouver de patron. Elle
s’inscrit en 2nde générale par défaut. Mais la 2nde ne
se passe pas bien. Elle arrête l’école à la fin de
l’année (juin 2006).
« La 2nde s’était mal passée. Je m’étais pas investie. Je
voulais pas y aller, pas à Gay Lussac, mais c’est juste parce
que c’était obligatoire. J’aurais voulu faire un apprentissage
dans la coiffure mais j’ai jamais trouvé. Les patrons à
Limoges m’ont jamais prise. Ça a pas marché, donc j’ai pris
en dernier recours le lycée Gay Lussac. Les cours ça
m’intéressait pas, j’avais du mal ». (1er entretien)
Après l’arrêt de l’école, Jessica veut devenir adulte.
Elle s’installe avec son copain. Elle s’inscrit à la
Mission
Locale
et
signe
un
CIVIS.
Mais
l’accompagnement est frustrant parce qu’elle ne
2005 : Recherche d’apprentissage
en coiffure, ne trouve pas de patron.
Inscription en 2nde générale
Juin 2006 : Arrêt de l’école
2006 : Inscription à la Mission
Locale et signature de CIVIS
2007 : Emménagement chez les
parents de son copain
2007 :
Abandon
de
l’accompagnement ML
Septembre 2008 : Rupture et
retour chez la mère
Octobre 2008 : Nouvelle relation
de couple, avec Kevin
Mars 2009 : Emménagement de
Kevin chez la mère de Jessica
Octobre 2009 : Changement de
quartier
Mars 2010 : Naissance de sa
première fille Linda
2010 : Réinscription à la Mission
Locale
Septembre 2010 : Appartement
autonome avec Kevin
Avril 2011 : dernier entretien
Mission Locale
Mai 2011 : Nouvelle grossesse
trouve pas d’emploi. Elle se démotive et arrête
l’accompagnement après 1 an. A cette époque elle vit une expérience difficile avec son copain
qui la bat et qui ne la laisse pas sortir. Elle revient chez sa mère mais commence à sortir avec
son compagnon actuel tout de suite après. Son monde, son quotidien sont structurés
autour de son copain et ses amis avec lesquels elle « traîne ». Ensuite elle tombe
enceinte, à 20 ans.
Le fait de devenir mère la « stabilise » dans une situation qui la rassure. Elle abandonne l’idée
même de chercher du travail. Elle devient une mère au foyer. Jessica est à l’aise dans ce rôle.
Elle est contente d’avoir sa fille et de s’en occuper. Elle se réinscrit à la Mission Locale après un
déménagement, mais elle n’y va pas souvent. Dans l’entourage de Jessica, peu de
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
48
personnes travaillent. Sa mère est au foyer, son compagnon est au chômage, sa sœur de 15
ans a arrêté l’école et a aussi un enfant,… Rester au foyer n’est pas « hors norme ».
Financièrement, elle se débrouille avec le RSA.
En entretien, Jessica dit volontiers qu’elle ne « fait rien ». Elle sent qu’elle n’a rien à raconter
puisqu’elle a abandonné toutes ses recherches d’emploi. Le travail ne fait pas partie de son
quotidien et elle ne s’y projette pas. Elle nous reçoit toujours chez elle, avec son enfant. Elle ne
sort pas souvent, et passe sa journée avec sa fille.
L’accompagnement n’est pas structurant dans le quotidien de Jessica
Jessica
n’évoque
pas
en
priorité
son
premier
accompagnement par la Mission Locale. Bien qu’elle ait
Les
dates
clés
l’accompagnement
de
été en CIVIS pendant un an, elle a des souvenirs très
vagues sur l’accompagnement. A l’époque, elle cherche
un emploi dans la vente. Elle envoie des candidatures
avec son conseiller lors des rendez-vous. Elle ne « sait
plus » si son conseiller lui avait proposé des stages, une
formation,…
« (…) J’allais [à la Mission Locale] quand j’avais les rendez-vous,
2006
2007 :
Accompagnement
Mission
Locale
2007 :
Arrêt
de
l’accompagnement
Eté 2010 : Réinscription à la
Mission Locale, dans l’antenne
de son nouveau quartier
Avril 2011 : dernier rendezvous Mission Locale
mais je me souviens plus c’était tous les combien. (…) Je ne me
souviens plus si on m’a proposé des stages ou des formations,…
J'ai fait le CV et la lettre de motivation avec la conseillère (…) Et après j’étais démotivée, j’ai arrêté ». (3e
entretien)
Jessica n’a pas une approche en termes de projet professionnel. Elle attend de la
Mission Locale qu’elle lui trouve un emploi. Elle abandonne l’accompagnement parce qu’elle
sent qu’elle n’avance pas. Elle se démotive parce qu’elle ne trouve pas de travail. Les
formations, les remises à niveau, cela ne fait pas vraiment partie de l’accompagnement pour
Jessica : elle a oublié tous ces éléments. Elle ne retient que la recherche d’emploi. Ainsi, Jessica
qualifie de « trop nul » un conseiller qui propose une remise à niveau à son compagnon, alors
qu’il a arrêté l’école en 6e.
« Lui était inscrit à Beaubreuil, il a arrêté l’école très jeune, en 6e. Mais son conseiller était trop nul. (…) Il
ne voulait que lui proposer une remise à niveau, il était trop nul, il ne voulait lui proposer ni un stage ni
rien » (3e entretien).
En même temps, dans cette première période d’accompagnement Jessica a des difficultés très
importantes du côté de sa vie de couple : son copain est violent et on ne veut pas la laisser
sortir de la maison. Ces difficultés périphériques lourdes ont aussi un impact sur la
disponibilité de Jessica pour suivre un accompagnement de la Mission Locale.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
49
La reprise de l’accompagnement se fait dans le nouveau quartier. Son nouveau compagnon fait
un transfert de dossier et elle voit que le nouveau conseiller « est bien ». Le conseiller est
« bien » parce qu’il a orienté son compagnon vers une formation pré-qualifiante dans la
maçonnerie. Le fait d’être en formation lui permet d’avoir une aide financière par l’assistant
social pour le permis de conduire. « Lui il est sur le code, dès qu’il l’a il faut voir comment on fait pour
financer. Là on a rien payé [aide de l’assistant social] parce qu’il est en préqualif’». (1er entretien)
Alors elle décide de se réinscrire. Jessica parle toujours de travailler dans la vente. Sa
conseillère lui propose de faire des stages, mais elle ne les fait pas. Elle a toujours autre chose
de plus important à faire : les propositions de la Mission Locale ne sont pas prioritaires
pour elle.
« On m’a proposé des stages mais je ne pouvais pas avec ma fille. On m’en a proposé un en janvier mais il y
a eu un décès dans la famille. Je voudrais qu’on me propose un deuxième mais il faut attendre que Linda
aille à l’école, et avoir le permis » (1er entretien)
Une proposition de formation AFPA dans la vente, faite par sa conseillère pour avancer dans le
projet de travailler comme vendeuse, reste secondaire dans sa vie. Jessica l’évoque comme un
projet qui n’est plus possible, parce qu’elle est à nouveau enceinte. Dans la vie de Jessica, les
propositions de son conseiller ne sont pas structurantes : elles restent des idées, elle
ne cherche pas à les concrétiser parce qu’elle trouve une certaine stabilité et un
confort dans son rôle de mère au foyer.
« [A la Mission Locale on m’avait parlé d’une] formation à 80km d’ici, ça commence en novembre mais bon,
maintenant… [elle est enceinte] Mais la formation c’est loin, il faut prendre le train, et j’allais pas rester làbas sachant que j’ai Linda [sa fille]». (2e entretien)
Jessica n’envisage pas de se former en étant enceinte. Elle veut rester chez elle, et après la
naissance elle veut rester avec l’enfant, comme elle a fait avec Linda. Elle ne parle pas
d’abandon de l’accompagnement, mais elle ne va plus aux rendez-vous. La dernière fois qu’elle
est allée à la Mission Locale remonte au mois d’avril.
« Des stages, on m'en a proposé, mais j'ai pas pu, parce que pour garder ma fille et tout ça, c'est pas
évident. Ça fait un moment que j'ai pas eu de rendez-vous, et ça me dérange pas. Entre ma fille, ma
grossesse et tout ça,... » (3e entretien)
Finalement, toutes les pistes évoquées dans le cadre de l’accompagnement de la Mission Locale
sont trop coûteuses (aller à une formation à 80km de Limoges, faire garder sa fille pendant les
stages,…) par rapport à l’équilibre que Jessica trouve en étant mère au foyer. Son identité se
définit par rapport à ce rôle et en sortir pour aller vers la vie professionnelle est beaucoup trop
déstabilisant.
Ce qui s’est passé pendant cette année
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
50
En 2011, Jessica s’est « installée » dans son rôle de mère au foyer. Elle tombe
enceinte de son deuxième enfant. Elle arrête d’aller à la Mission Locale.
Cette année pour Jessica, il n’y a pas eu de grand changement. Elle est toujours chez elle avec
sa fille. Son compagnon y est souvent également, il n’a pas de travail non plus. Elle a arrêté
d’envoyer des candidatures pour des emplois depuis longtemps :
« La dernière offre à laquelle j’ai postulé c’était à King Jouet. J’ai postulé, mais on n’a pas retenu ma
candidature, ça décourage. (et c’était quand ?) Ça fait des années ! ». (1er entretien)
Au début de chaque entretien, Jessica a l’impression de ne pas avoir grande chose à dire,
puisqu’elle « ne fait rien » par rapport à son insertion professionnelle (« aujourd’hui je fais rien
du tout », 1er entretien). Elle dit souvent que « rien n’a changé ».
Jessica sait que l’étude porte sur l’insertion professionnelle des jeunes. Elle paraît sentir qu’elle
doit dire qu’elle cherche un emploi. Mais les mots qu’elle emploie expriment une posture
en retrait : elle attend qu’on lui « trouve » un emploi, elle ne cherche pas.
« Là si on me trouvait quelque chose je le prendrais (…) ». (1er entretien)
Jessica n’a fait aucun stage, aucune formation cette année. Son quotidien, c’est sa
fille. En entretien, elle parle facilement de ce qu’elle fait par rapport à sa fille. La Mission Locale,
la formation, l’emploi, ne font pas partie de ce quotidien.
« Je fais le ménage, aujourd’hui j’avais rendez-vous au médecin, demain j’en ai un autre au CHU donc ça
dépend des fois. Avec ma fille en général je suis levée tôt, quand elle dort j’en profite, surtout qu’elle a fait
une rhino, là ça va mieux, mais elle est encore enrhumée ». (3e entretien)
Dans le dernier entretien, Jessica a arrêté de voir la Mission Locale depuis plus de 6 mois. La
deuxième grossesse l’installe davantage dans son rôle de mère : après l’accouchement elle ne
se projette qu’à la maison.
« Après je veux rester avec Annick quand elle sera née.
-Est-ce que tu as des idées de ce que tu veux faire plus tard ?
Je sais pas du tout ce que je compte faire, je ne me pose même pas la question » (3e entretien).
Jessica
s’installe
de
plus
en
plus
dans
son
rôle
de
mère.
Après
une
période
d’accompagnement qui l’a démotivée, elle trouve dans sa vie au foyer une occupation
valorisante. Jessica n’a jamais travaillé : le monde du travail est un monde inconnu
pour elle. L’idée qu’elle s’en fait est que tout est difficile : les patrons n’ont pas voulu la
prendre pour un apprentissage dans la coiffure, elle a candidaté à des postes dans la vente mais
on ne l’a jamais appelée.
Un recours assumé aux aides financières publiques
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
51
Jessica et son compagnon perçoivent le RSA. Si Jessica ne va plus à la Mission Locale, elle
reste en contact avec son assistant social. Elle va le voir quand elle a besoin d’une aide
financière, même si cela est parfois difficile pour elle. Parfois elle sent que son assistant social lui
fait des reproches, alors qu’elle se sent légitime pour demander ces aides.
« L'AS je vais le voir quand j'ai besoin. C'est pour les aides financières, les papiers, les trucs comme ça (…).
Des fois il est gentil, des fois il est pas terrible. Je vais lui demander de l'argent parce qu'il y a des mois c'est
pas facile, et il trouve toujours quelque chose à redire… » (3e entretien)
Le regard de l’accompagnateur
Pour
la
conseillère
Mission
Locale,
Jessica
rencontre
essentiellement
des
problèmes
« périphériques à l’emploi ». Le plus important est la garde de sa fille.
« Jessica a un enfant. Elle fait partie de ces jeunes femmes qui ont un enfant. La première difficulté c’est de
le faire garder ».
Au-delà de la question de la garde, la conseillère voit en Jessica une jeune femme qui a les
potentialités pour se former et travailler dans la vente, mais qui a du mal à se motiver. Jessica a
tellement d’autres problèmes dans sa vie quotidienne qu’elle a du mal à se concentrer dans la
construction d’un projet professionnel. Dans ces cas-là, la conseillère attend que la jeune
maman soit prête à aller vers l’emploi : cette « disponibilité » vient d’une réalité
extérieure à l’accompagnement qui pousse la mère vers l’univers professionnel (des
enfants qui rentrent à l’école, une séparation,…).
« Elle a vraiment des possibilités mais elle est enlisée dans sa situation personnelle et c’est difficile pour elle
de se projeter et de sortir du logement, du quartier, aller dans la vie active. Son conjoint a eu des soucis
avec la justice… elle n’est pas disponible pour s’investir dans un projet professionnel ».
Pour la conseillère, Jessica est un cas « typique » en ce qu’il est difficile de trouver de
remobiliser la jeune mère dans un projet professionnel. Faire sortir la jeune femme de sa
situation rassurante au foyer, la préparer à un « après » est un véritable enjeu dans
l’accompagnement, mais les outils peuvent ne pas être suffisamment intéressants
pour inciter la sortie. Dans le cas de Jessica, la conseillère l’a inscrite à une auto-école sociale
mais Jessica ne compte pas y aller. Pour elle, la formation permis proposée est trop longue. Elle
préfère attendre que son compagnon ait le permis.
Se pose également la question de l’accompagnement pendant la grossesse : Jessica ne va plus à
la Mission Locale depuis qu’elle est enceinte. Dans ce cas, le conseiller laisse la maman
mettre l’accompagnement entre parenthèses, et attend qu’elle revienne quand elle se
sent prête. Mais l’attente peut être longue (souvent jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge
scolaire).
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
52
Les questions qui se posent en termes d’accompagnement
La grossesse non prévue. Plusieurs filles de la cohorte sont mères sans l’avoir « planifié ».
Quel rôle d’information en amont sur la planification familiale ? Quel est le rôle de
l’accompagnateur dans la prévention des grossesses « non voulues » ? Quelle posture peut-il
adopter ? A quels outils peut-il faire appel ? Quel accompagnement peut-il proposer pendant la
grossesse ?
Comment
éviter
que
la
maternité
constitue
une
rupture
brutale
de
l’accompagnement ?
L’accompagnement des jeunes mères qui n’ont jamais travaillé. La grossesse intervient
souvent dans une période d’incertitude sur l’avenir : dans le cas de Jessica, elle n’est pas
accompagnée à l’époque. Elle a « laissé tomber » la recherche de travail et veut s’installer avec
son copain. La grossesse stabilise la situation et peut être rassurante. Elle est la source d’un rôle
social valorisant pour Jessica. Devenue mère au foyer, Jessica a du mal à se repositionner par
rapport à l’emploi. Se remettre à la recherche d’un emploi, d’une formation est déstabilisant.
Jessica fait le choix de rester chez elle. Se pose la question des modalités d’accompagnement
des jeunes mères. Comment renouer avec l’accompagnement après une grossesse ? Comment
faire en sorte que la jeune n’ait pas peur de revenir à une situation déstabilisante telle que la
recherche d’emploi ?
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
53
Najet, 24 ans
N’a jamais été scolarisée en France
Nous avons rencontré Najet:
Premier entretien le 1er avril 2011
2ème entretien le 7 septembre 2011
3ème entretien le 20 décembre 2011
Entretien conseillère Pôle Emploi le 14 décembre 2011
Le parcours de Najet avant notre rencontre
Najet a 24 ans. Elle est née et a vécu en Tunisie
jusqu’à ses 16 ans. C’est à cet âge qu’elle se marie et
arrive en France dans le cadre du regroupement
familial.
Moins d’un an plus tard, Najet tombe enceinte.
Ce bébé lui donne une nouvelle
« identité »,
celle de maman, plus facile à porter que celle de
jeune fille musulmane portant le voile, et n’ayant pas
Les éléments clés du parcours
Début 2003 : arrivée en France
pour
rejoindre
son
mari ;
naissance de son 1er enfant à la fin
de l’année
2005 : naissance de son 2ème
enfant
2007 : déménagement dans un
pavillon
2009 : séparation d’avec son
mari ; naissance de son 3ème
enfant ; retour à Limoges ; permis
Septembre 2010 : changement
de quartier lorsqu’elle emménage
dans son nouveau logement.
encore tous ses repères dans la ville.
« Au début c’était pas évident, horrible même. […] » plus tard elle raconte comment l’arrivée de son 1er
enfant a produit un bouleversement dans sa vie : « Le premier je l’ai eu à 17 ans, c’était un peu compliqué,
trop juste, mais quand il est arrivé, ça a rompu ma solitude : c’est quelqu’un qui m’appartient, c’est ma
famille. J’arrivais pas à ne pas rester avec lui, même à le confier à ma belle-mère… c’était difficile, j’étais
très inquiète, il fallait tout le temps que je sois avec lui ! »
18 mois après naît son second enfant. Najet s’installe dans son rôle de maman et déménage
dans un pavillon dans une commune limitrophe de Limoges. En 2009, elle se sépare de son
mari, alors qu’elle est enceinte de son troisième enfant. Elle bénéficie alors du rSa, des
allocations familiales (environ 1050€/mois), mais doit déménager et se voit proposer un
appartement (F4) à Limoges. Elle s’inscrit à ce moment à Pôle Emploi, obligation par rapport au
rSa mais également car elle souhaite pouvoir augmenter ses revenus en travaillant :
« Après mon divorce je me suis dit, je peux pas rester comme ça, et en même temps je ne veux pas refaire
ma vie tout de suite ! Je me suis dit il faut travailler, assurer la responsabilité, à 22 ans c’est maintenant ou
jamais ! » (1er entretien)
Toutefois, Najet n’est pas prête à accepter n’importe quel travail. Elle explique qu’elle a
effectué des tests, par exemple comme télévendeuse, mais que cela ne lui convenait pas comme
métier. Elle met en avant l’ensemble des difficultés qu’elle rencontrerait si elle devait travailler.
Elle renonce ainsi à chercher activement parce qu’elle ne dispose pas de place en crèche pour sa
fille et de véhicule pour lui permettre de réduire ses temps de trajets.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
54
« Pour moi, ça ne vaut pas le coup de chercher car j’ai personne pour garder ma fille tous les jours… la
crèche, c’est la troisième fois que je fais un courrier, pour maintenir la demande pour ma fille… maintenant
ça fait un mois et demi que je ne cherche plus [depuis qu’elle a déposé le dossier de demande d’agrément
pour être assistante maternelle] […] si je pouvais régler le problème de la crèche pour ma fille, ça serait
plus simple, et pour la voiture, avoir un prêt social, commencer par ça ». (1er entretien)
Najet ne voit aucune autre solution que de travailler comme assistante maternelle.
Najet considère qu’en étant maman de 3 enfants, n’ayant jamais eu d’expérience professionnelle
auparavant, ses choix sont limités. Les démarches qu’elle entreprend vont dans ce sens : elle se
rend régulièrement au Relais Assistante Maternelle, discute avec des nounous, prépare une
demande d’agrément. Ses journées, ses discussions avec d’autres mamans du quartier la
confortent dans ce rôle, pour lequel elle pense être faite depuis son plus jeune âge :
« Depuis que j’ai l’âge de 7 ans je me suis occupée de ma nièce, je changeais les vraies couches, je donnais
les biberons, les vrais pas les faux ! » Plus tard dans l’entretien, après avoir longuement évoqué les
difficultés « administratives » rencontrées pour concrétiser son projet, Najet conclue ainsi : « Non vraiment,
ass mat’, c’est le métier qui me convient, le métier que je veux faire : y’a pas mieux, on est chez soi, on
continue à faire notre petite vie, on est là pour les enfants ». (3ème entretien)
Peu d’autres secteurs trouvent un intérêt à ses yeux, et si tel est le cas, ce sont des domaines
qui touchent à l’aide aux personnes et aux familles (auxiliaire de vie, aide à domicile pour les
personnes âgées…). Dans tous les cas, ce sont des projets secondaires par rapport à celui
d’assistante maternelle, qui ne peuvent qu’être temporaires, une forme de dépannage... Najet
pense posséder des atouts dans la mesure où elle rend déjà de nombreux services à
des personnes de son quartier de ce type, et est reconnue comme étant une personne
de confiance. Elle n’envisage en aucune manière de quitter ce quartier pour un autre,
celui-ci étant pour elle un espace de reconnaissance, d’entraide entre mamans, et de stabilité
pour ses enfants :
« Moi, je peux pas quitter le quartier. Le niveau [de l’école] c’est bien pour un quartier, y’a pas beaucoup de
places ; les maîtresses, la directrice on les connaît, les enfants ont leurs copains, le sport… […] y’a une
maman elle est arrivée dans le quartier elle a été choquée ! Elle voyait que là tout le monde se faisait la
bise, se serrait la main… Donc rien que pour ça c’est vrai, je déménagerai pas du quartier ». (3ème
entretien)
Ce qui s’est passé pendant cette année
Najet a effectué de nombreuses démarches pour trouver un emploi qui lui convienne, sans
succès. Peu après la première rencontre que j’ai eue avec elle, sa conseillère Pôle
Emploi l’oriente vers le CLAF. Cet accompagnement « renforcé » la pousse à prendre
une assistante maternelle pour sa fille( 3 jours par semaine), et lui permet de
reprendre des recherches qu’elle avait arrêtées, notamment durant la période d’été.
Elle envoie ainsi une trentaine de candidatures sur des postes d’aide-ménagère, d’auxiliaire de
vie pour les personnes âgées, dans des agences proposant de la garde d’enfant. Elle ne
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
55
décroche aucun contrat, selon elle du fait de son manque d’expérience reconnue, ou de
l’absence de véhicule alors qu’elle a le permis.
« Avec Sandrine [accompagnatrice du CLAF], on a trouvé une agence [de garde d’enfants]. […] j’ai envoyé
le CV et la lettre de motivation, il m’a rappelé 3 heures après mais il n’avait pas mentionné dans l’offre la
phrase magique ‘expérience exigée’ ! Il m’a demandé si j’avais déjà travaillé. Je lui ai dit que non mais j’ai
trois enfants. Il m’a répondu oui, mais les parents demandent une expérience de 3 ans minimum ». (2ème
entretien)
Najet passe beaucoup de temps dans les démarches administratives, qui sont pour
elles comme des démarches de recherche d’emploi. Reconnue et appréciée dans le
quartier, Najet mise sur ses réseaux de proximité. Elle ne se voit pas proposer de solutions
satisfaisantes pour débloquer sa situation (logement trop petit pour garder d’autres enfants, pas
de place en crèche pour sa fille). Elle espère pouvoir procéder à des arrangements avec des
personnes de son quartier, arrangements qu’elle met en avant comme autant de preuves de sa
volonté de lever les freins qu’elle rencontre pour travailler. Elle a des difficultés à accepter qu’il y
a des commissions et des critères d’attribution qui ne la placent pas en priorité et qu’elle ne
puisse pas simplement échanger d’appartement avec une personne âgée disposant d’un
logement qui lui conviendrait, ou prendre la place en crèche d’une maman prête à lui laisser la
sienne…
Najet évoque sa « recherche » d’appartement, restée infructueuse : « Dans ceux là (elle me montre un
autre bâtiment du quartier, à une vingtaine de mètres) y’avait un F5 [en fait 1 F5 sans chaque bâtiment]…
Ça m’allait très bien… On m’a dit qu’on allait passer mon dossier… Mais il a été recalé… Ils l’ont donné à 2
familles Yougoslave et Gitane qui sont partis à la Bastide quelques mois après… Parce que beaucoup se
retrouvent entre eux. […] Là mon dossier est ‘en attente’, un autre mot magique… Maintenant je me dis,
pitié, me dites pas en attente… La gardienne, je la vois, elle est sur mon cas, elle était dégoutée… elle me
dit, le mois prochain, ils ont intérêt à te le donner ! » (2ème entretien).
En dehors de son projet d’Assistante maternelle qui reste son objectif principal, Najet
conditionne la reprise de sa recherche d’emploi à la possibilité d’être véhiculée. Elle a
fait une demande d’aide auprès de Pôle Emploi pour acheter une voiture, mais sa demande a été
rejetée. Elle ne comprend pas cette décision, dans la mesure où elle se considère bonne
gestionnaire, légitime à demander ces aides, et qu’elle n’a pas l’impression d’avoir jusque-là
profité du « système ».
« Pour moi, je demande pas la lune, soit vous me donnez un logement, que je puisse faire Ass Mat’, ou alors
que je puisse faire des demandes ailleurs, en ayant une voiture » (2ème entretien).
« Donc on a fait une demande de financement, mais elle a pas été acceptée, car ils demandaient qu’on ait
déjà un travail… Franchement, j’ai pas compris, à ce moment-là, si on a le travail autant aller à la banque et
prendre un crédit de 11 000€ plutôt que d’avoir à demander ! » (2ème entretien).
Si Najet consacre beaucoup de temps à ses démarches administratives, elle ne
comprend pas toujours ce qui s’y joue. Ainsi, lors de notre dernière rencontre fin décembre,
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
56
Najet explique qu’elle s’est aperçue que sa demande d’agrément pour être assistante maternelle
n’était plus valable : suite à la visite de l’inspectrice qui lui avait conseillé d’attendre d’avoir un
logement plus spacieux et que ses enfants soient plus grands pour demander l’agrément, Najet
a rédigé un courrier pour annuler sa demande. Najet n’a pas compris sur le moment la portée de
son acte : elle pensait que son dossier serait conservé et qu’il lui suffirait de se manifester dès
qu’elle aurait son nouveau logement. Ce n’est qu’après plusieurs mois qu’elle comprend qu’elle
devra reconstituer intégralement un dossier, se réinscrire sur la journée d’information…et que
ces démarches prendront encore plusieurs mois. Mais encouragée par des « échos » d’une
nounou du quartier mettant en doute le professionnalisme de l’inspectrice, elle entend bien
redéposer rapidement un dossier même si sa situation sur le plan du logement n’a pas avancé.
« Cette inspectrice est partie… c’est un coup de chance, quand je vois ça je me dis je retente ma chance….
En plus en septembre prochain, la petite elle rentrera à l’école, là je refais un dossier […] Normalement, je
devrais repasser l’agrément au mois d’avril… » (3ème entretien)
3 jours avant notre dernière rencontre au mois de décembre, Najet a pu s’acheter une
voiture, grâce à une somme d’argent qui lui a été prêtée par une amie. Elle pense que
cela va lui ouvrir de nouvelles possibilités, notamment celles qu’elle a pu entrevoir avec son
stage comme agent spécialisé des écoles maternelles (ATSEM). C’est lors de ce stage effectué
dans le cadre du CLAF qu’elle a découvert qu’en étant maman de 3 enfants, cela pouvait lui
ouvrir les portes de ce type d’emploi, et la dispenser de CAP petite enfance. Disposant d’un
véhicule, elle envisage de déposer un dossier à la mairie pour effectuer des remplacements,
mais place toujours ces expériences comme un second choix.
« Là je vais faire le tour des agences de garde d’enfants, regarder dans le journal, faire un ou 2 trucs à
droite à gauche qui me permettront d’avoir 200 ou 300 € en plus par mois… je sais qu’il faut agir en
attendant, et que le seul frein que j’avais c’était la voiture. J’espère que maintenant j’aurais des possibilités
de travail » (3ème entretien).
L’accompagnement, un passage « obligé » pour faire valoir ses droits et
bénéficier d’aides financières pour concrétiser son projet
Avant son divorce, Najet n’avait jamais cherché à
travailler. Si elle s’inscrit assez rapidement à
Pôle Emploi, Najet laisse passer du temps
avant
de
s’investir
réellement
dans
un
accompagnement, préférant attendre que sa fille
soit plus grande.
Après s’être séparée, Najet se rend à Pôle Emploi. Elle
raconte son 1er entretien avec un conseiller « la première
fois que j’y suis allée, la petite n’avait pas un an, il a
préféré
attendre…
enfin,
j’ai
préféré
attendre »
Les dates clés de l’accompagnement
2010 : Première inscription Pôle
Emploi – pas d’accompagnement à
l’issue du 1er entretien
Janvier
2011 :
Reprise
de
l’accompagnement
Pôle
Emploi
inscription sur des cours de remise
à niveau
Avril 2011 – Octobre 2011:
Orientation et accompagnement par
le CLAF – stage de 2 semaines
comme ATSEM dans une école
(1er
entretien)
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
57
Najet considère avant tout l’accompagnement par Pôle Emploi comme une forme de formalité
obligée, liée au rSa, mais qui n’a pas vraiment de sens dans son cas : elle a un projet,
connaît les étapes à suivre et les initie. Elle estime que Pôle Emploi ne propose qu’un « suivi »
distant trop fréquent à son goût dans la mesure où elle le ressent comme une forme de contrôle.
« Dans mon cas à moi non, y’a rien à faire pour moi, j’attends une réponse… franchement je me vois pas
faire un autre travail, et c’est un travail que j’aimerais faire… j’ai expliqué que c’était peut-être plus simple
qu’on fixe un rendez-vous après… […] mais elle tient à ce qu’on se revoit…
_ Et pourquoi vous y allez ?
_ Bah en quelque sorte, je suis obligée, si je suis radiée, j’ai plus de droits, plus de carte de bus » (1er
entretien)
Dans ce qui lui avait été proposé par son conseiller Pôle Emploi avant le premier entretien que
j’ai eu avec elle, Najet n’a adhéré qu’aux cours de français. Elle s’est vue proposer cette action
par Pôle Emploi, alors qu’elle demandait de l’aide pour rédiger une lettre de motivation.
Pourtant, elle ne place pas ces cours sur le plan de l’insertion professionnelle, mais sur
un double registre, à la fois occupationnel et identitaire…
Parlant de la remise à niveau qu’elle suit depuis plusieurs mois, 2 fois par semaine « Oui, c’est pas mal, ça
permet de faire quelque chose, d’occuper le temps, de me dire que je fais quelque chose. Et puis je vis ici, le
minimum c’est de savoir écrire le français ». (3ème entretien)
Au mois d’avril, Najet est orientée par sa conseillère Pôle Emploi vers le CLAF. Elle le suit
jusqu’au bout, étant assidue à ses rendez-vous. C’est un accompagnement qui élargit
son champs des possibles en matière de recherche d’emploi, la rebooste, sans pour
autant que cela aboutisse à l’emploi. Elle apprécie surtout dans cet accompagnement, son
côté plus personnalisé mais surtout plus humain, où elle se sent soutenue dans les différentes
démarches qu’elle initie et les demandes d’aides qu’elle formalise.
« Avec Sandrine, elle m’a dit que je pouvais voir d’autres choses, que ça pouvait me faire changer d’avis,
que je pouvais travailler pour une personne âgée, et combiner avec assistante maternelle ou de la garde
d’enfants, combiner entre les 2 pour avoir un temps plein » (2nd entretien).
« Je vois une conseillère, Sandrine, elle est très sympa, c’est un accompagnement personnalisé, on regarde
les offres d’emploi, si on répond aux offres. » Plus tard, évoquant une réponse négative qu’elle a eue à une
offre à laquelle elle avait postulé « Sandrine, elle n’a pas compris… elle me comprend, elle sait que je
préviens toujours quand je peux pas, que je suis toujours à l’heure, à côté des autres dossiers le mien il est
comme ça [elle mime son dossier, visiblement épais]. » (2nd entretien)
Si l’accompagnement par le CLAF constitue un temps fort du parcours de Najet, celuici ne l’a pas conduit à revoir son projet professionnel. Elle en sort même convaincue
qu’Assistante maternelle est la seule chose à sa portée, car toutes les pistes explorées durant
son accompagnement se sont révélées infructueuses ou comprenaient des contraintes trop
fortes par rapport à sa vie de maman (horaires décalés non adaptés à sa vie de maman, emplois
exigeant un véhicule…).
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
58
Cette période avec le CLAF n’a pas changé la perception que Najet a de son
accompagnement : elle ne voit pas d’un regard très positif son retour à Pôle Emploi.
Comme avant son accompagnement par le CLAF, elle en attend surtout des services (possibilité
d’imprimer des CV) et aides financières et n’imagine pas que sa conseillère puisse lui proposer
des offres d’emploi.
« Là j’ai rendez-vous avec… [elle part chercher le courrier] Mme X [conseillère Pôle Emploi]. J’ai rendez-vous
le 3 janvier… ça fait à peu près 8 mois qu’on s’est pas vues, mais c’est pas assez, c’est toujours la même
chose, on ne m’appelle pas pour me dire j’ai ça ou ça à vous proposer… je sais même pas si je vais pouvoir
avoir une aide pour la voiture ! Le problème c’est que pour faire une demande, il faut un devis pour une
voiture dans un garage… j’ai l’intention d’en parler pour voir si ils peuvent pas me financer au moins une
partie » (3ème entretien).
Le regard de l’accompagnateur
La conseillère Pôle Emploi de Najet considère ne la connaître que très peu, car elles ne se sont
rencontrées que 3 fois. Reprenant le portefeuille d’un collègue, elle n’évoque jamais
vraiment l’historique de la situation avant sa première rencontre avec elle.
C’est parce qu’elle considère que Najet rencontre de nombreux freins du fait de son statut
de maman isolée avec 3 enfants que la conseillère décide de l’orienter vers le CLAF :
elle considère que les conditions proposées dans le cadre du suivi mensuel ne permettent pas
d’accompagner des personnes, qui comme Najet, ne sont pas directement mobilisables vers
l’emploi du fait des freins qu’elles rencontrent. De son point de vue, Najet a besoin d’un
accompagnement
socio professionnel renforcé (levée des freins comme la mobilité, la
garde d’enfants, travail sur les techniques de recherche d’emploi…) pour pouvoir aller vers
l’emploi. En effet, pour la conseillère le projet de Najet n’est pas directement réalisable et est
avant tout une solution de facilité.
« Quand je l’ai rencontrée, elle avait le projet d’être assistante maternelle, pour rester chez elle… mais seule
avec 3 enfants… je lui ai dit un F4 si vous êtes seule, vous allez avoir du mal… Valait mieux qu’elle se
reconvertisse… c’était ça à l’origine, je l’ai envoyée car c’était une jeune femme seule avec 3 enfants. »
Pour la conseillère, l’objectif est de favoriser une reprise d’emploi rapide en attendant la
concrétisation du projet d’assistante maternelle. Cependant, au-delà des freins qu’elle peut
rencontrer (mobilité, garde d’enfants), la conseillère ne croit pas vraiment que Najet soit
prête à faire autre chose en attendant : Najet dispose de revenus qui lui permettent de se
« débrouiller », et qui la rendent « peu intéressée » pour travailler.
« Assistante maternelle c’était son projet prioritaire […] Mais je suis convaincue que cette jeune femme,
même avec le permis, une voiture… y’a des choses sur le papier et bon… elle n’a pas de système de garde…
les quelques fois où je l’ai vue, c’était toujours avec la petite dans la poussette […] Quand elle a apporté son
attestation rSa, j’ai vu qu’elle n’a pas d’intérêt financier… c’est pour ça que sa situation est un peu atypique
par rapport aux autres jeunes. »
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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2 mois après la fin de l’accompagnement par le CLAF, la conseillère Pôle Emploi n’a
pas encore revu Najet et ne sait pas que celle-ci a pu lever certains de ses freins : elle
a pris une assistante maternelle 3 jours par semaine et s’est endettée auprès d’une amie pour
s’acheter une voiture et pouvoir ainsi augmenter ses chances de trouver un emploi. Najet est
désormais plus « disponible » pour envisager de manière concrète - mais toujours compatible
avec son emploi du temps de ‘maman’ – un retour à l’emploi : lors du dernier entretien que j’ai
avec elle, elle envisageait ainsi la possibilité de travailler comme ATSEM remplaçante, de faire
des missions de service civique, de postuler de nouveau dans des agences, travailler comme
aide à domicile chez des personnes âgées … Alors que la conseillère parle de « reprise
d’emploi », ce qui semble inquiéter Najet, c’est plutôt l’entrée en emploi, et d’être
encore confrontée à de nouveaux échecs :
« Cette année, c’est beaucoup de déception au niveau du travail, de l’emploi… ils permettent pas à une
personne débutante de travailler… faut travailler avant d’avoir de l’expérience, ou il faut avoir une voiture.
Ils facilitent pas la tâche, c’est pas qu’il n’y a pas de travail, mais c’est pas facile de débuter, c’est lourd à la
fin… » (3ème entretien)
Les questions qui se posent en termes d’accompagnement
Quel accompagnement pour les jeunes mamans ? Comment préparer l’après « vie au
foyer » ? La situation de Najet montre bien qu’il peut y avoir un coût d’entrée sur le marché du
travail. Il s’agit d’un coût financier, mais également affectif, dans la mesure où il est souvent
difficile pour des jeunes mères sans expérience de se confronter à un monde qu’elles ne
connaissent pas et de remettre en question la stabilité « trouvée » dans leur rôle de maman.
Quelle articulation accompagnement renforcé vers l’emploi et levée des freins ?
L’accompagnement par le CLAF est un temps fort auquel elle accroche bien mais la difficulté
posée par l’absence de véhicule n’est pas levée durant cette période. Confrontée à des refus sur
cette base et à l’absence de financements pour une voiture, Najet se décourage assez vite,
ayant l’impression qu’elle ne pourra jamais dans ces conditions trouver du travail. Malgré la
voiture dont elle dispose désormais elle ne semble pas encore confiante dans ses capacités pour
pouvoir trouver de manière autonome un emploi.
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« LA VIE AVEC LES PROCHES »
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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Amina, 17 ans
A arrêté l’école en septembre 2010, au début d’un CAP hôtellerie – restauration en
apprentissage
Nous avons rencontré Amina :
Premier entretien le 18 mai 2011
2ème entretien le 8 septembre 2011
3ème entretien (téléphonique) le 11 janvier 2012
Entretien coordinateurs PRIAQ le 7 septembre
Le parcours d’Amina avant notre rencontre
Amina a 17 ans. Née au Maghreb, elle est arrivée en
Les éléments clés du parcours
France il y a une dizaine d’années pour y rejoindre
son père qui a refait sa vie à Limoges. Elle vit
aujourd’hui avec son père (concessionnaire auto), sa
belle-mère (au foyer), et leurs 3 enfants.
Après une scolarité qu’elle décrit comme « normale »
jusqu’en 3ème, elle se met alors à la recherche d’un
apprentissage en coiffure, mais ne trouve pas de
patron. Elle a le sentiment de subir de plein
fouet une discrimination :
2000 : arrivée en France
Sept
2010 :
entre
en
tant
qu’apprentie en 2nde professionnelle
mais abandonne au bout de
quelques jours
Sept 2010 : se rend à Pôle emploi
– réorientée vers le CIO
Octobre 2010 : Accord pour entrée
sur le PRIAQ, qu’elle n’intègre pas
Nov/Déc 2010 : se rend à la
Mission Locale, arrête au premier
rendez-vous avec la conseillère
Octobre 2011 : inscription en 1ère
année de CAP décoration en
céramique sur Limoges
« Le problème à Limoges, c’est que t’es une arabe, ils te
prennent pas…. Ça se sent elle a peur… Directement dès que tu rentres, c’est pas bonjour, c’est vous voulez
quoi ? Après ils voient l’enveloppe, ils comprennent pourquoi… Moi je repars gentiment, je vais pas leur
casser leur commerce ou des choses comme ça. »
Appuyée par un éducateur de l’ALSEA, Amina parvient à trouver un restaurant qui la prend
en apprentissage. Elle s’inscrit alors dans un CAP hôtellerie-restauration à la rentrée
de septembre 2010. Mais elle abandonne au bout d’une semaine, sous la pression de son
père, qui juge que ce n’est pas une place pour elle.
« Je travaillais en soirée, pour faire le service, ça a posé problème, j’ai arrêté… mon père il voulait pas…
c’est obligé qu’on écoute les parents ! Nous chez nous, les filles, on ne sort pas le soir. En tant que
musulmane c’est comme ça on ne sort pas le soir. ».
Depuis, Amina passe beaucoup de temps à la maison. Ses amis sont scolarisés ou travaillent, et
elle ne les voit que les mercredis et durant les week-ends. En dehors de ces moments de
sociabilité, elle passe une majorité de son temps chez elle, sur Internet ou devant la télé, ou
sortant de temps à autre dans le centre-ville. Rester à la maison est difficile pour elle, à la
fois car elle s’ennuie, mais surtout parce qu’elle ressent la pression familiale.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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« Ma mère [sa belle-mère], elle me demande d’aller chercher du travail, mais elle n’arrive pas à comprendre
que c’est pas possible ! » (1er entretien).
« Quand je suis chez moi, je me sens enfermée, je suis devant Internet…ça va tant que y’a pas ma mère à
côté de moi » (2ème entretien)
En rébellion par rapport à sa famille, Amina se valorise beaucoup à travers son
entourage amical. Jouant beaucoup sur le registre de la séduction, elle met en avant le fait
que ce sont les autres qui viennent vers elle, la chercher, à tel point qu’ils ne pourraient
envisager de se passer de la voir.
Lors du second entretien, Amina évoque le fait de reprendre ses études à la rentrée, en internat. Quand je
lui demande comment elle ferait pour voir ses amis : « Mes amis, ils viendraient me voir, c’est obligé ! Ils ne
peuvent pas me dire non, j’ai jamais entendu un non ! » (2ème entretien)
Amina parle comme une adolescente, se focalisant sur sa majorité qui lui permettrait de prendre
de la distance avec sa famille, notamment avec son père qui représente dans son discours
le principal obstacle à la vie qu’elle souhaite mener. Mineure, elle reste soumise aux
choix qu’il fait, comme lorsqu’elle arrête son apprentissage.
« J’ai envie de partir quelque part… Limoges ça ne m’a rien apporté, en plus là je vais avoir 18 ans. Je vais
quitter la famille, Limoges, je serais libre ! 18 ans c’est être libre, si j’ai envie de partir quelque part » Plus
tard dans l’entretien, elle revient sur son envie de partir, et la relie notamment à la relation à son père
« Pour l’instant je sais que ça va, mais je sais qu’après tout va changer… Quand j’aurais 18 ans il sera plus
sévère… Il le sait que je vais réussir dans la vie, et ça lui fait peur. J’ai l’impression que mon père il veut tout
contrôler, moi je veux vivre à la française ! » (2ème entretien)
Ce qui s’est passé pendant cette année
Amina
a
été
accompagnée
par
plusieurs
structures
suite
à
l’arrêt
de
son
apprentissage, mais les a abandonnés à chaque fois (Pôle emploi, CIO, Mission Locale).
Lors du 1er entretien que j’ai avec elle, Amina explique attendre la rentrée suivante (septembre
2011) pour reprendre l’école avec un Bac pro vente, ou un apprentissage dans la coiffure. Elle
veut faire plaisir à sa mère, restée au pays.
« Tout ça, si je l’ai fait, c’est pour elle… Tellement je l’aime je vais rentrer en bac pro en vente. Quand j’en
parle avec ma mère, elle me dit qu’il faut que je passe mon bac… Ça va être dur, j’ai l’impression que c’est
des années […] J’aurais un diplôme, au moins, si je ne vais pas dans la coiffure, je trouverais quelque chose
grâce à ce diplôme » (1er entretien).
A la rentrée quand je la rencontre pour la deuxième fois, Amina n’est toujours pas inscrite : elle
est en liste d’attente pour intégrer un bac pro comptabilité ou secrétariat, dans un autre
domaine donc que ceux qu’elle envisageait quelques mois plus tôt. Ce n’est pas elle qui s’est
occupée des démarches, mais sa belle-mère, visiblement inquiète de la scolarité de la fratrie :
en effet, les deux demi-frères d’Amina ont arrêté l’école au printemps, et sa belle-mère a décidé
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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de rédiger des demandes, avec l’appui de la secrétaire de son mari. C’est un projet qui reste
donc très étranger à Amina et avec lequel elle prend de la distance.
Lors du second entretien, Amina évoque des inscriptions dans 2 formations différentes, l’une en
comptabilité, l’autre dans le secrétariat… quand on lui demande si elle espère que ça va marcher
« Bah, c’est pour pas rester à la maison ! » (2nd entretien)
Finalement, Amina s’inscrit en CAP de décoration en Céramique au mois d’octobre
avec une amie, celle-là même qui lui a parlé de la formation. Elle s’enthousiasme en
parlant de cette formation. Mais si elle apprécie l’alternance de jours en ateliers avec des jours
de cours plus classiques, le côté « artistique », elle a encore du mal à s’y projeter totalement :
les deux années d’études semblent lui faire peur, et elle hésite entre continuer dans cette voie passer 2 ans en CAP – et quitter Limoges pour reprendre une formation en apprentissage
comme coiffeuse, auprès de membres de sa famille.
Amina fait beaucoup de projets auxquels elle croit fortement, mais vite oubliés car ce
n’est pas elle qui décide : elle n’a pas commencé le permis qu’elle pensait initier cet été avec
l’aide financière de ses parents, n’a pas pu retourner au pays pour voir sa mère au mois
d’octobre (ses parents n’ont pas voulu lui prendre de billet comme elle venait de reprendre
l’école), elle n’a pas quitté Limoges fin décembre à ses 18 ans comme elle le mettait en avant au
cours de ses 2 premiers entretiens…
Amina est à un âge où la famille tient un rôle central. Elle a une relation idéalisée à sa
mère qu’elle ne voit que très peu, car restée au pays. En revanche, elle se pose en
rébellion avec la famille avec laquelle elle vit au quotidien, mais dont elle dépend
encore très largement : elle ressent une forte pression, se sent dépossédée de ses
choix ou contrainte de revoir ses orientations professionnelles pour satisfaire aux
attentes de ses parents.
Amina abandonne rapidement son accompagnement, malgré un passage de relais
rapide entre les structures d’accompagnement
Amina quitte son apprentissage (dans l’hôtellerierestauration) sans donner d’explication, ni à son
patron, ni à son école. Elle est repérée très vite
comme
« décrocheuse »,
et
va
être
en
contact
rapidement avec plusieurs structures.
Après l’arrêt de son apprentissage elle se rend
rapidement à Pôle Emploi, où elle rencontre une
Les dates clés de l’accompagnement
2010 : suivi par un éducateur de
l’ALSEA,
qui
l’aide
dans
sa
recherche d’un patron pour un
apprentissage
Septembre 2010 : entretien Pôle
emploi, orientation CIO
Octobre 2010 : Acceptée pour
intégrer le PRIAQ – ne s’y rend pas
Nov-Déc 2010 : Inscription à la
Mission Locale, abandon après le 1er
rendez-vous avec la conseillère
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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conseillère qui la réoriente vers une autre personne, travaillant au PRIAQ. Elle y dépose
un dossier, et est assez séduite par l’idée de pouvoir alterner stages et cours. Elle n’intégrera
pourtant jamais le PRIAQ, arguant que ce n’était pas « sa place » :
« J’avais de la chance, y’a beaucoup de gens qui demandent… Mais mon petit frère aussi il est dans ce lycée,
aussi j’ai dû refuser l’offre. […] Déjà je m’entends pas très bien avec lui, et je le vois assez souvent à la
maison… Si en plus je dois le croiser au lycée ! Et puis j’ai pas grandi avec eux, ça ne se fait pas ! »
Cette décision semble encore une fois très extérieure à Amina, hors de son contrôle et justifié
par des « conventions » auquel visiblement elle n’adhère pas.
La dernière structure avec laquelle elle sera en contact est la Mission Locale. Elle y met
beaucoup d’espoirs, étant un peu perdue à cette époque.
« Moi je voulais un peu d’aide, qu’on m’oriente, j’étais un peu perdue… » (1er entretien)
Amina positionne l’accompagnement sur un registre très affectif. Surtout, elle ne
semble pas comprendre ce qui se joue lors de cet entretien, « mélange » les
informations qu’elle a obtenu ce jour là et en conclut qu’il est « interdit » de l’aider :
elle raconte de manière très confuse son premier entretien individuel avec sa conseillère,
passant à côté de ce qui lui est dit. « J’ai eu mon 1er entretien, avec elle, c’est elle qui devait me
conseiller, comme un éducateur… chaque personne a son éducateur… quand j’étais avec la dame, elle a
appelé [la préfecture], demandé s’il y avait la possibilité de faire un apprentissage… on lui a dit que j’étais
obligée d’avoir un patron et qu’ensuite il fallait que j’aille à la préfecture… elle avait un peu mal pour moi…
au début j’étais très contente, je voyais les étoiles, après ça me faisait mal d’entendre, elle avait
mis le haut-parleur, j’entendais ça, j’en avais les larmes aux yeux… Elle m’a dit elle a pas le droit,
c’est pas une carte d’identité, juste une carte de circulation… la conseillère m’a dit que « c’était interdit »,
qu’elle avait pas le droit de m’aider […] Au début j’espérais quelque chose, mais ça se passait mal…
A la fin on y croit plus… » ». (1er entretien)
Le regard de l’accompagnateur
Pour la coordinatrice du PRIAQ, Amina partait dans un très bon état d’esprit. Elle
souligne le fait qu’elle s’était présentée seule à l’entretien, ce qui est assez rare, et preuve d’une
réelle
motivation
personnelle.
Elle
est
acceptée,
mais
Amina
ne
s’inscrit
pas
dans
l’établissement. La coordinatrice est convaincue que c’est du fait du « papa » qu’elle n’a pas
intégré le PRIAQ, balayant des « explications non satisfaisantes » ce qui constitue pour elle une
déception : croyant à son potentiel de réussite, elle est déçue qu’Amina n’ait pas tenté,
et reste assez impuissante vis-à-vis du rôle de la famille.
« Elle s’est jamais inscrite… y’avait un éducateur aussi, un éducateur de quartier, Cédric… bien sûr on
rappelle, mais j’ai jamais eu de réponse satisfaisante… des fois on a de sacrés revers, là c’en était un petit…
j’ai même eu l’éducateur qui comprenait pas. Pour moi, ça devait être une histoire avec le papa qui ne
voulait pas trop, qui est très attaché aux coutumes ».
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
65
Les questions qui se posent en termes d’accompagnement
Comment appréhender le sentiment de discrimination dans la recherche d’emploi ?
Amina, comme d’autres jeunes, raconte les difficultés qu’elle a ressenties en cherchant un
travail. Elle a l’impression qu’on rejette tout de suite sa candidature parce qu’elle est « arabe ».
Ce sentiment, couplé à la complexité de sa situation « administrative » impacte sa recherche
d’apprentissage, elle baisse les bras très vite.
Comment accompagner les projets des jeunes lorsqu’ils sont en opposition avec les
projets portés par sa famille ? Amina met fortement en avant son souhait de prendre des
distances avec une forme de contrôle paternel, témoigne de son souhait de « vivre à la
française ». Le seul moyen qu’elle trouve en étant mineure est d’avoir le moins de contact
possible avec son père ou ses demi-frères et de se focaliser sur ses amis. Elle rentre dans un jeu
ambigu avec les garçons plus âgés qu’elle, jouant de la séduction comme d’une façon de mettre
au défi ses proches, se mettant peut-être à terme en danger, ou dans des situations qu’elle n’a
pas vraiment voulues ?
Quelle adaptation des accompagnements en fonction de l’âge des jeunes et de leur
degré d’autonomie ? Lorsqu’elle arrive à la Mission Locale, Amina ne comprend pas vraiment
qu’elle ne puisse pas être aidée comme elle l’avait été par l’éducateur de l’ALSEA. Elle est dans
un registre très affectif, appelle les conseillers de la Mission Locale des « éducateurs » et attend
d’eux un appui très direct pour trouver un patron.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
66
« LES PETITS BIZ »
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
67
Abdoullah, 18 ans
A arrêté l’école fin 2009, deux mois après le début d’un Bac Professionnel Systèmes de
Production Automatisés
Nous avons rencontré Abdoullah à trois reprises :
Premier entretien le 6 mai 2011
Deuxième entretien le 7 septembre 2011
Troisième entretien le 12 janvier 2012 (téléphonique)
Le
parcours
d’Abdoullah
avant
notre
rencontre
Abdoullah a du mal à parler de sa vie pendant
l’entretien. Il n’est pas timide, mais il a du mal à
raconter,
il
est
méfiant
(surtout
au
premier
entretien). Il dit volontiers qu’il ne fait rien.
Les éléments clés du parcours
Fin 2009 : Arrêt de l’école en
seconde professionnelle « Systèmes
de production automatisés »
2010 : Recherche d’apprentissage.
Accompagné par des animateurs du
quartier
Mars 2011 : Obtention du permis
« Là je fais rien. (…) Je ferais n’importe quoi, tout ce qu’on
me propose ». (1er entretien)
Il a arrêté l’école il y a moins de deux ans. Il dit avoir été orienté vers une formation qu’il ne
voulait pas faire. Après la troisième, il voulait faire une filière générale, mais il a été orienté vers
un Bac professionnel « Systèmes de production automatisés ». Il n’a pas aimé et il a arrêté
après deux mois.
« Mes parents voulaient que j’aille à l’école. J’arrivais pas, j’avais la moyenne mais j’aimais pas ». (1er
entretien)
Après l’arrêt de l’école Abdoullah cherche un apprentissage mais il ne trouve pas de patron. Il
fait les démarches avec l’aide d’un animateur du quartier. Les techniques de recherche
d’Abdoullah ne sont pas ciblées : il « fait l’annuaire », il passe dans les magasins pour demander
s’ils cherchent quelqu’un :
« Après j’ai cherché un apprentissage : j’ai fait tout l’annuaire, tous les lycées, tous les magasins… après j’ai
lâché l’affaire (…) J’avais un animateur de la ZUP, c’est lui qui m’aidait à faire les démarches » (1er entretien)
La stratégie d’Abdoullah n’est pas construite en termes de projet professionnel. Il
évoque plusieurs pistes simultanées: il a cherché un patron, il est allé voir les agences
d’intérim, il pense faire les pommes, il parle du BAFA,…
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
68
Un lien très distendu avec l’accompagnement de la Mission Locale
Abdoullah va à la Mission Locale parce que des amis
lui en parlent. Il signe un CIVIS et il reçoit une aide
Les dates clés de l’accompagnement
financière pour le permis, qu’il obtient en mars 2011.
Mais au-delà de cette aide, Abdoullah n’y croit pas
vraiment.
« Des amis m’ont parlé de la Mission Locale. Ils y sont tous
de toute façon. (…) J’ai eu une conseillère, elle était gentille
Fin 2010 : Inscription à la Mission
Locale. Signature de CIVIS.
Début 2011 : Obtention du permis
de conduire (aides financières du
Conseil Général et de la Mission
Locale).
Mars
2011 :
Abandon
de
l’accompagnement Mission locale
mais elle sert à rien ». (1er entretien)
Moins d’un an après son inscription, il s’en est déjà lassé. Il à l’impression que
l’accompagnement ne donne rien, que sa conseillère ne peut pas l’aider. Il tente
quelques pistes avec sa conseillère mais ça ne marche pas : il ne trouve ni formation ni emploi.
Il sent que sa conseillère l’évite parce qu’elle n’a rien à lui proposer.
« Elle m’a proposé de faire des stages, on envoyait les CV mais ça marchait jamais. J’ai demandé une
formation de peinture mais elle m’a dit qu’il y avait une attente de deux ans. Tous les jours elle repoussait le
rendez-vous, elle m’esquivait… » (1er entretien)
Depuis l’obtention de son permis, Abdoullah arrête d’aller aux rendez-vous. Il n’accroche pas de
manière forte à cet accompagnement. Abdoullah reste très lié aux accompagnements qui
ne sont pas directement liés à l’emploi : c’est-à-dire aux animateurs et aux encadreurs
des activités de loisir. C’est d’ailleurs un animateur qui a « identifié » Abdoullah pour l’étude
et tout au long de celle-ci il reste notre interlocuteur privilégié pour rencontrer Abdoullah. C’est
lui qui le voit dans le quartier et qui organise les rendez-vous.
Avec cet animateur Abdoullah a entamé des démarches parallèles dont il ne parle pas à la
Mission Locale : il a démarré une formation BAFA, avec un financement partiel par l’association
de loisirs. Il a fait un stage pratique avec l’un des animateurs et a été rémunéré. Ils organisent
aussi des « projets vacances » où ils récoltent des fonds pour pouvoir partir en vacances l’été,…
Finalement Abdoullah se débrouille en dehors des circuits « traditionnels » de la
Mission Locale et il n’est pas motivé pour rentrer dans une recherche d’emploi plus
classique. D’ailleurs Abdoullah fait rentrer l’étude dans ce cadre « classique » : ainsi, au début
il n’évoque pas ces démarches parallèles : c’est l’animateur qui nous en parle.
Ce qui s’est passé pendant cette année
Depuis l’arrêt de l’école, Abdoullah développe des activités quasi-professionnelles qui
ne sont pas encadrées par un contrat de travail : il aide son oncle qui vend du textile dans les
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
69
marchés, il achète et revend sur internet des voitures d’occasion,… Il travaille au noir dans un
garage pendant deux mois, mais il arrête parce qu’il se considère mal payé.
Abdoullah ne réfléchit pas en termes de construction de projet professionnel. Il s’en
sort bien en faisant des jobs à gauche et à droite, et en montant des petits projets avec
des animateurs de quartier. En été, Abdoullah part plusieurs fois en voyage avec ses
économies :
« Le départ en Espagne c’était avec [l’association du quartier], on est parti avec quatre copains à moi.
Ensuite on est revenu à Limoges et on est reparti au Portugal. (…) Après les copains de mon frère m’ont
proposé le Maroc. (…) L’argent c’était celui de la vente de ma voiture, c’était pas trop cher au Maroc (…). Au
total l’été j’ai dépensé 2000 euros. Je l’ai payé avec l’achat-vente de voitures » (2e entretien)
Aux mois d’août et septembre il travaille au noir dans un garage. La première chose qu’il dit de
ce job c’est que ce n’est pas trop pénible. Le travail, pour Abdoullah, c’est clairement la
débrouille sans tomber dans un « travail d’esclave » :
« C’est pas aussi dur que ça, le travail au garage, c’est pas de la maçonnerie. J’ai déjà travaillé avec lui
parfois, je veux pas dire au noir mais… » (2e entretien)
L’approche qu’Abdoullah a du travail reste liée à un univers adolescent plutôt qu’adulte : ce qui
l’intéresse c’est de pouvoir gagner de l’argent pour partir en vacances, pour sortir,… avec un
travail qui ne soit pas trop pénible. Il habite chez ses parents et n’a pas des dépenses régulières
importantes (ses parents payent le loyer, les courses,…).
« Animateur c’est moins fatiguant, c’est plus tranquille. Mon oncle il me paie [pour faire les marchés] mais
je trouve que c’est trop peu ». (1er entretien)
A la fin de l’année, Abdoullah évoque la possibilité de transformer son travail au garage en un
contrat (l’été il a travaillé au noir). Cette tentative de passage du travail non déclaré au
travail reconnu se solde par un échec. Finalement, Abdoullah arrête de travailler au garage
en se disant qu’il trouvera d’autres « petits biz » ailleurs.
« J’ai travaillé en août septembre, un mois et 20 jours à temps complet et on m’a payé 300 euros ! Il m’a dit
qu’il me faisait un contrat mais c’était trop peu… il s’est foutu de ma gueule » (3e entretien)
Les questions qui se posent en termes d’accompagnement
L’accompagnement des jeunes qui ne « sont pas prêts ». Abdoullah ne réfléchit pas en
termes de parcours professionnel, ni en termes de métier. Il se débrouille avec des jobs et il
n’accroche pas à l’accompagnement de la Mission Locale. Comment faire accrocher ces jeunes ?
Comment travailler en lien avec les structures de loisir pour l’amener vers une recherche
d’emploi plus structurée ?
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
70
Pierre, 17 ans
A arrêté l’école en juin 2009, à l’issue de sa 3ème en SEGPA.
Nous avons rencontré Pierre :
Premier entretien le 8 avril 2011
2ème entretien le 7 septembre 2011
3ème entretien (téléphonique) le 8 janvier 2012
Entretien avec la conseillère Mission Locale le 6 juillet 2011 et avec les coordonateurs du
PRIAQ le 7 septembre 2011
Le parcours de Pierre avant notre rencontre
Pierre a 17 ans. Il vit avec ses parents, son petit frère
et sa petite sœur dans un appartement dans un
quartier ZUS de Limoges. Sa mère qui rencontre des
difficultés
de
santé
est
au
foyer,
et
son
père
magasinier dans une usine de pièces auto.
A
l’issue
de
sa
scolarité
en
SEGPA,
Pierre
souhaite faire un apprentissage. Il se met alors à
Les éléments clés du parcours
Juin 2009 : fin de scolarité en
3ème SEGPA. Ne trouve pas
d’entreprise prête à l’accueillir
pour un apprentissage en peinture
Juin 2009- Janvier 2010 : suivi
par une association de solidarité
de quartier
Janvier 2010 – Juin 2010 :
PRIAQ
Janvier
2011 :
début
de
l’accompagnement par la Mission
Locale de Limoges
la recherche d’un patron dans le secteur de la peinture
en bâtiment, métier qu’il avait déjà pu découvrir durant le collège à travers un stage de 3 jours.
Malgré l’appui de sa famille et d’une association de proximité, par qui il est suivi depuis qu’il a
arrêté l’école en juin 2009, il ne trouve pas d’entreprise prête à le prendre comme apprenti.
C’est la travailleuse sociale de l’association, qui contacte le PRIAQ à la fin de l’année 2009.
« Ceux qui travaillent à l’association, ils font aussi de l’aide en fin de mois pour les colis et tout… ils sont
venus, et après je suis monté voir… au début c’était pour voir. » (1er entretien)
Pierre intègre le PRIAQ lors d’une des dernières vagues d’entrée, fin janvier 2010. Il n’est
pas très assidu en cours, mais effectue des stages dans différents domaines : peinture
en bâtiment, mécanique, manutention dans un atelier de pièces détachées. Il va jusqu’au bout
du dispositif, en juin, mais sans le résultat escompté à la sortie (un apprentissage). Les
coordinateurs avec l’équipe pédagogique préconisent une reconnaissance TH, pour
une grave dyslexie suspectée dès les tests de niveaux. Une demande de reconnaissance
est faite auprès de la MDPH, mais n’a pas le temps d’aboutir avant la fin de l’année. En juin, une
orientation vers un établissement spécialisé sera préconisée par les conseillères d’orientation
psychologue, mais refusée par Pierre et sa famille.
Pierre est alors orienté vers la Mission Locale, mais ne s’y rend pas tout de suite. Alors
qu’il arrête le PRIAQ en Juin 2010, il a rencontré quelques fois une conseillère à compter de
Janvier 2011, mais cela n’est pas central pour lui : Pierre ne mentionne jamais le CIVIS qu’il a
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
71
signé mais évoque des demandes de sa conseillère auxquelles il n’a pas répondu, ou des rendezvous non honorés, sans que cela ne soit revendiqué comme un abandon de sa part. Il ne semble
pas attacher une forte place à cet accompagnement.
Pierre ne parle pas de la particularité de son parcours en SEGPA, des préconisations
d’orientation qui lui ont été faite à l’issue du PRIAQ, de l’accompagnement initié pour
la reconnaissance TH. Ses difficultés sont néanmoins visibles au cours des entretiens. Pierre a
du mal à se concentrer, les entretiens peuvent difficilement excéder 30 à 45 minutes. Ses
réponses sont souvent courtes, fermées, beaucoup de réponses se soldent par « je ne sais
pas », « c’est bien », sans qu’il n’arrive à plus préciser sa pensée, son ressenti…
Ce qui s’est passé pendant cette année
À première vue, lorsque je le rencontre pour la première fois, Pierre semble un peu
« perdu ». Au cours des entretiens suivants, il explique que sa situation n’a pas évoluée,
donnant à penser que sa vie est assez monotone.
« Là pour l’instant j’ai pas de piste » (1er entretien)
Au début du second et du troisième entretien, lorsqu’on lui demande ce qui s’est pas passé depuis la
dernière fois «- Bah rien… » (2nd et 3ème entretien)
Pourtant Pierre ne passe pas son temps à « rien faire ». Passionné par la mécanique qu’il a
apprise avec son père et son frère dès l’âge de 12 ans, Pierre améliore scooters ou
motos qu’il revend, que ce soit pour lui ou ses amis. Il met en avant ses capacités
reconnues dans le quartier, qu’il considère comme un travail à part entière :
« Des fois je fais des petits travails, de la mécanique, de la peinture… ça c’est avec des potes, c’est des amis
qui me demandent ! » (1er entretien)
Lors du 2nd entretien que j’ai avec lui, Pierre explique qu’il se verrait plutôt faire de la mécanique auto,
pratiquant déjà fortement sur son temps libre la mécanique moto « Déjà le scooter, ça me gonfle, j’en ai
trop, je dépanne tout le monde… [….] J’ai 2 scooters, mais y’en a un, faut que je refasse tout le bloc moteur.
D’ailleurs vendredi, je reviens avec mon scoot, je vais changer tout le bas moteur, le carbu, le cylindre, le
piston, y’aura plus rien d’origine ! » (2nd entretien)
La moto est une passion grâce à laquelle il s’occupe et se créé un réseau de sociabilité.
Il est souvent absent de chez lui, partant « en vadrouille » parfois toute la journée. Il se rend
également chaque vendredi soir à la périphérie de Limoges à des rassemblements de fans de
mini-motos. Il raconte ces moments de manière beaucoup plus détaillée que le reste, aimant
particulièrement mettre en avant le jeu du chat et de la souris que cette activité implique avec
la police.
Pierre raconte le déroulement des rassemblements auquel il participe les vendredis soirs : « Le run on arrive
avec des voitures, des motos, des scoots. On n’a pas le droit de rouler avec, sinon on a une amende… On
fait des arrêts, des stunts… Des fois c’est la BAC, ils passent ils s’arrêtent, et on repart… Oui ils s’arrêtent on
discute puis dès qu’ils sont partis on repart.» (2nd entretien)
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
72
Pierre n’a eu aucun contrat ou stage durant cette année. Il ne cherche pas à s’inscrire en
intérim ou à Pôle Emploi, estimant que tant qu’il n’a pas 18 ans, ils ne le prendront pas. Il
semble avoir laissé de côté son accompagnement par la Mission Locale, qu’il suit en pointillé : il
n’arrive pas à placer ses rendez-vous dans le temps, ni à se remémorer ce qui s’y est dit.
Si Pierre déclare toujours rechercher un patron par ses propres moyens, il n’a pas adapté ses
méthodes de prospection. Celles-ci restent identiques, et ne font pas l’objet d’un temps dédié : il
prospecte un peu tous azimuts (mécanique, peinture, maçonnerie) lorsqu’il part se balader avec
sa moto, demandant à des patrons, s’ils pourraient le prendre… Il réemploie toujours les mêmes
mots comme si le film de sa recherche se jouait en boucle. S’il a conscience qu’il lui manque
peut-être quelque chose pour que cela fonctionne, il ne cherche pas vraiment
d’explication au refus des employeurs, et ces refus ne semblent pas le perturber plus
que cela.
Quand je fais remarquer à Pierre que ça n’a pas toujours été facile de le joindre chez lui, il explique qu’il est
souvent à l’extérieur : « Ouais, des fois je suis chez moi, des fois en vadrouille… Et puis je cherche du
travail… Je rentre dedans, je demande…
- Et c’était quoi la dernière fois ?
- Mécanique moto…
- Alors raconte-moi !
- Bah il prend pas, ils sont déjà assez… je demande gentiment...
- Et tu demandes quoi ?
- Du travail, mais je suis timide ! » (2nd entretien)
Au mois de septembre, la famille de Pierre déménage dans une maison non loin de là où
il habitait avant, mais qui implique qu’il sera désormais suivi par un autre référent de la
Mission Locale. Il évoque alors un projet de formation en peinture carrosserie sur lequel
le conseiller Mission Locale a proposé de le positionner. Ce projet reste encore flou pour
Pierre : il ne sait pas quelle sera la durée de la formation, comment elle va se dérouler, dans
quelles conditions. Il semble néanmoins être désormais tout tourné vers cette nouvelle
perspective professionnelle, n’évoquant plus la peinture ou la mécanique, domaines dont il
pense avoir déjà « fait le tour ».
Alors qu’il explique en début d’entretien qu’il n’y a rien eu de neuf dans sa situation, il raconte néanmoins
que son nouveau conseiller l’a inscrit en formation à l’AFPA…
- « Ouais, il m’a inscrit à l’AFPA, en peinture carrosserie… je suis inscrit, là j’attends…
- Et qu’est ce qui te plaît là-dedans ?
- Bah tout… j’ai déjà vu mais j’ai jamais fait… Enfin j’ai déjà repeint des motos, mais pour des amis » (3ème
entretien)
La situation dans laquelle il se trouve convient plutôt bien à Pierre et il ne ressent pas
d’urgence à trouver du travail, vivant encore dans le giron familial. Il n’a pas
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
73
l’impression de s’ennuyer, est très entouré par sa famille, ses amis, voire des petites amies qui
sont surtout des relations éphémères.
L’accompagnement qui ne consiste pas en un appui direct n’est pas une priorité
L’accompagnement par la Mission Locale ne
constitue pas un temps fort, ni une priorité
pour Pierre. Il ne va pas à tous ses rendez-vous,
qu’il dit « oublier », ne donne pas un caractère
prioritaire
aux
demandes
formulées
par
sa
conseillère dans le cadre de son accompagnement.
« Une dame que je voyais régulièrement, elle m’aidait,
elle m’a demandé mon CV et mes lettres de motivation, il
faut que je les retrouve… J’ai fait le papier peint dans la
chambre et là je sais plus où ils sont.» [Demande de la
conseillère par mail en date du 15 mars, soit 3 semaines
avant l’entretien]… (1er entretien)
Lorsque je l’interroge la seconde fois que nous nous
rencontrons (soit 4 mois plus tard), alors qu’il a
Les dates clés de l’accompagnement
septembre 2009 – décembre 2009:
accompagnement ponctuel par la
travailleuse sociale de l’Oasis
janvier
2010
–
Juin
2010 :
Accompagnement dans le cadre du
PRIAQ ; refus de l’orientation éréa qui
lui a été préconisée
janvier 2011 : inscription à la Mission
Locale de Limoges ; 3 entretiens
rapprochés, signature d’un CIVIS, mais
Pierre ne se rend pas ensuite à ses
RDV.
été
2011 :
Entretien
avec
sa
conseillère pour l’informer de son
changement de conseiller, suite à son
déménagement.
Automne
2011 :
Rencontre
du
nouveau conseiller ; inscription sur une
formation AFPA de peintre carrossier
rencontré sa conseillère peu de temps auparavant, le CV ne lui est toujours pas remis…
« Tu m’avais parlé de ton CV la dernière fois ?
- Ouais mais ça c’est moi, je l’ai fait.
- Et tu l’as apporté ?
- J’ai pas pu c’était quand on a déménagé, c’est resté dans le carton… Je l’ai fait le jour du déménagement.
Je l’avais posé puis ma mère elle a terminé les cartons… C’est resté dedans… Il faudrait que je retrouve le
dossier… » (2nd entretien)
Pierre n’a toutefois pas l’impression de délaisser son accompagnement. Il ne parle
jamais d’abandon, ne formule pas de critique à l’encontre des conseillers, qu’il trouve
« sympa »…, même s’il n’a pas l’impression que ce soit très efficace.
« La dame de la Mission Locale, elle m’a aidé un petit peu mais pas beaucoup… » (1er entretien)
Alors que son accompagnement a débuté il y a 3 ou 4 mois, il a l’impression que cela fait déjà
« longtemps »…Il ne semble pas comprendre l’intérêt de ce qui lui est demandé avec le CV,
l’accompagnement qui lui est proposé par la Mission Locale prend une forme qui est
nouvelle par rapport à ce qu’il a connu jusqu’à présent. Il semble attendre une aide
similaire – directe - à celle qu’il a pu recevoir des associations ou de sa famille.
Pierre explique au cours du 2nd entretien qu’il va désormais être suivi par un nouveau conseiller…
« - Et la Mission Locale alors comment tu crois que ça va se passer ?
- Franchement ça me fait rien…
- Et de quoi vous allez parler ?
- De tout,
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
74
- De tout c’est quoi de tout ?
- Voir s’ils me trouvent du boulot… » (2nd entretien)
Cette attente est d’autant plus forte qu’il a dans son entourage un exemple positif.
« La Mission Locale, j’y suis allé tout de suite… Je connaissais avant, c’est mon cousin qui m’a dit, il y était
lui… Ils lui avaient trouvé un travail » (1er entretien)
Pierre cherche à transformer en métier ce qu’il a déjà découvert à travers des stages,
ou pratiqué dans un cadre informel (la mécanique, la peinture, la maçonnerie). Il n’évoque
pas spontanément de projet de formation, mais dit chercher un travail, il ne se rend pas
vraiment compte des différences entre une formation et un emploi.
Lors du 2nd entretien je soumets à Pierre l’idée de suivre une formation, qu’il n’a jamais évoquée
jusqu’alors…
« - Et si on te propose une formation, par exemple je sais pas plombier ?
- Si ça m’intéresse, s’ils me disent ‘y’a que ça’ c’est un premier boulot… » (2nd entretien)
L’inscription en formation intervient alors qu’il vient de fêter ses 18 ans. Elle s’effectue lors du
premier rendez-vous avec son nouveau conseiller. Si Pierre veut croire aux perspectives
ouvertes par cette nouvelle voie, il ne semble pas encore s’y projeter. La formation lui
est encore très étrangère, il ne sait pas trop à quoi s’attendre.
« Et comment ça va se passer cette formation ?
- Bah, je sais pas, j’avais un papier, mais là je l’ai pas… [Il est incapable de citer même approximativement
la durée, la date de départ, le contenu de la formation, s’il y a des stages ou pas…]»
- Et tu cherches du travail en attendant ?
- Non là j’attends d’avoir la formation. » (3ème entretien)
Un peu plus tard dans l’entretien, après avoir mentionné de nouveau ses recherches restés infructueuses
dans les autres domaines il raconte comment lui est venue cette idée de formation :
« - Ça m’a pris d’un coup, direct…
- Et qu’est-ce que t’en attends ?
- Bah je vais découvrir. Moi je veux travailler, je veux pas juste faire 15 jours ». (3ème entretien) …
Il n’y a que peu d’évolution durant l’année, Pierre trouve un équilibre qui lui convient
dans sa vie auprès de sa famille et de ses amis qui ne l’incite pas à s’impliquer
activement dans sa recherche d’emploi. Sa majorité semble produire un changement
de posture vis-à-vis de l’accompagnement et de la formation, bien qu’il ne mesure pas
encore toutes les différences qui se posent entre formation et emploi.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
75
Le regard de l’accompagnateur
Pour les accompagnateurs du PRIAQ, Pierre représente un cas limite par rapport à
leur mission. Ils repèrent les difficultés cognitives de Pierre rapidement, mais considèrent que
les méthodes qu’ils peuvent proposer ne sont pas aptes à apporter une réponse à sa situation.
« Dès le test de positionnement, on s’est rendu compte qu’il avait de graves difficultés. C’est un jeune qui
avait des problèmes d’illettrisme, enfin non, c’était une grave dyslexie […] Il n’adhérait pas, n’écoutait pas,
ne participait pas… Puis très rapidement il y a eu une grosse baisse de motivation, des absences… On
n’avait pas les moyens nécessaires pour lui donner plus (air un peu déçu)… C’est un jeune qui n’avait
pas adhéré au dispositif, c’est surtout la maman qui était très demandeuse, et l’association qui le suivait…
Lui il voulait faire de l’apprentissage, il était passionné de mécanique. […] Pour nous le but, c’est le projet
réaliste et réalisable. […] Avec nos moyens, on ne pouvait pas faire plus pour lui. Il faut rester dans le cadre
classique. …» (Coordonnateur PRIAQ)
Pour les coordonnateurs, l’orientation dans une filière classique d’apprentissage n’était
pas envisageable, d’autant plus que se posait de manière accrue la nécessité de trouver une
entreprise prête à l’accepter…
« En fin d’année, on a fait une proposition d’orientation vers un EREA. Pierre fait partie des 2% qui ne
maîtrisent pas la lecture. On n’avait pas les moyens de lui donner plus […] L’entrée en CFA classique n’était
pas envisageable à cause des problèmes de concentration, d’attention... »
Une démarche de reconnaissance du handicap est initiée parallèlement à ce travail sur
l’orientation. Des contacts sont également amorcés avec le CFA spécialisé de la région, pour
voir s’ils disposent de contacts « qualifiés », qui auraient pu être mobilisés pour trouver une
entreprise pour Pierre, sans succès. A l’issue de l’accompagnement, une orientation en
EREA est préconisée, mais refusée par la famille : si cette dernière était plutôt très
« demandeuse » de l’accompagnement, la question de l’éloignement s’est révélée être un frein
important.
« L’orientation en EREA impliquait un passage à l’internat. L’internat posait problème. De manière générale,
la composante éloignement, c’est 80% des refus d’orientations qu’on a… Peu sont capables de se dire je vais
à 50/60km. La famille était hésitante sur le coût, et je crois aussi qu’il y avait aussi déjà eu une expérience
difficile en internat. »
La conseillère de la Mission Locale qui « suit » Pierre de janvier à septembre 2011 ne
semble pas avoir connaissance de cet historique ni avoir perçu les freins cognitifs de
Pierre. Elle n’aura rencontré en tout Pierre que 3 fois : elle ne parle pas de son passage
par le PRIAQ, ne parle jamais de handicap, de difficultés cognitives bien qu’elle évoque
vaguement une question de problématique « santé », dont elle ne se souvient plus de la teneur.
Ce qui la marque avant tout, et qui fait sens pour elle, c’est le fait qu’il ne vienne pas aux
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
76
rendez-vous,
qu’elle
considère
comme
un
refus
de
s’inscrire
dans
une
dynamique
d’accompagnement.
« Pierre, je l’ai vu 3 fois en janvier. Il avait un projet de peinture, c’est quelqu’un qui n’est pas venu à ses
entretiens… […] Si peu que j’ai vu, c’est catastrophique… […] Il a raté 2 rendez-vous en février et mars,
après j’ai dû faire 1 ou 2 relances par téléphone puis ça s’est arrêté là… »
Les questions qui se posent en termes d’accompagnement
Comment détecter les arrêts de parcours et réduire les délais de prise en charge par
les acteurs spécialisés du territoire ? Pierre passe d’abord par un appui moins institutionnel
une association de solidarité basée sur le quartier avec laquelle la famille est en contact… Cette
association l’accompagne pendant plusieurs mois avant de se tourner vers la MGI.
Comment détecter, des problématiques cognitives, aux frontières de la reconnaissance
TH ? Pierre a effectué toute sa scolarité en SEGPA, a rencontré des difficultés importantes sur le
plan du comportement, a eu une scolarité « chaotique » pour reprendre les termes du
coordonnateur du PRIAQ. Ce n’est que lorsqu’il arrive sur le PRIAQ que ces difficultés sont
soulevées, et évoquées avec la famille. Les acteurs de l’insertion sociale et professionnelle se
sentent souvent démunis face à ces cas limites. Ils peuvent avoir le sentiment de ne pas être
légitimes pour aborder cette question qu’ils sont alors tentés de « mettre de côté ».
Quelles propositions pour des jeunes avec des problématiques cognitives, ou ayant un
comportement
ne
permettant
pas
le
suivi
d’un
cursus
classique,
même
en
apprentissage ? Comment parler du handicap avec les jeunes, les familles ? Quelle offre de
solutions sur le bassin de Limoges ? Quel liens à créer avec le monde du handicap qui constitue
un système très « intégré » ?
Quelle communication des éléments sur les situations des jeunes entre structures
pour
adapter
l’accompagnement ?
Toute
la
situation
décrite
et
repérée
par
les
coordonnateurs du PRIAQ n’a pas été capitalisée à l’issue du PRIAQ… La conseillère de la Mission
Locale qui suit Pierre n’y fait pas référence, et juge rapidement l’absentéisme de celui-ci comme
un manque de motivation, qui ne justifie pas un surinvestissement de sa part.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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« L’ASSISTANCE REVENDIQUÉE »
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
78
Walid, 20 ans
Non scolarisé en France, primo-arrivant
Nous avons rencontré Walid :
Premier entretien le 8 avril 2011
2ème entretien le 6 juillet 2011
3ème entretien le 19 décembre 2011 (à Guéret)
Entretien avec la conseillère mission locale le 27 septembre 2011
Le parcours de Walid avant notre rencontre
Walid a été élévé par sa sœur en Afrique jusqu’en
novembre 2009 où il rejoint son père qui vit à
Les éléments clés du parcours
Limoges et s’est remarié « avec une femme du
bled ». Même s’il a passé le DILF dans le cadre de
son Contrat d’Accueil et d’Intégration, Walid a
encore
des
difficultés
à
s’exprimer
ce
qui
Novembre 2009 : Arrivée en
France – signe un CAI
Février 2010 : 1er rendez-vous à la
mission Locale, il s’y rend avec son
père ;
complexifie beaucoup l’exercice de l’entretien : il peut être agacé de ne pas trouver ses mots, a
du mal à préciser sa pensée malgré son envie de s’exprimer.
Les relations avec sa belle-mère sont tendues. Walid aspire donc principalement à
pouvoir prendre son autonomie, décohabiter, « être tranquille », ce qu’il évoque en
premier lors de notre première rencontre.
« Là je cherche un appartement… Je me suis dit un appartement, pour habiter tout seul… Y’a des foyers,
mais quand j’ai dit j’habite avec ma famille… Ils ne voient pas que je suis très seul, que j’aime pas rester à
la maison ! » Un peu plus tard dans l’entretien, il relie cette situation à sa belle-mère « Parfois ma mère
[belle-mère] me fâche, comme si j’étais perdu ! D’un coup elle change. Si j’avais un appartement, je serais
tranquille. » (1er entretien)
Il se sent isolé, loin de ses amis restés au pays, ayant abandonné une vie qu’il raconte
avec beaucoup de nostalgie et finalement ne se sent pas vraiment à sa place en
France.
« C’est pas facile, les gens de S. [pays d’Afrique], ils croient que t’habites tranquille… […] Moi ce que
j’aimerais c’est retourner à Djibouti ». (1er entretien)
Walid se sent donc pour le moment un peu « bloqué » en France, et essaie d’améliorer sa
situation en allant frapper à différentes portes. S’il a bien conscience que l’amélioration de sa
situation passe par un emploi, Walid n’est cependant pas prêt à accepter n’importe quoi.
Depuis qu’il est arrivé, Walid n’a eu qu’une expérience rémunérée - « les pommes » - qu’il a
arrêtée rapidement.
« Avant, j’ai travaillé aux pommes… Il fallait remplir des caisses avec des petites pommes… J’ai travaillé 2
jours comme ça, un jour c’était 50 €. J’étais rhumé je suis parti… J’étais allé voir Pôle Emploi, est ce que je
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
79
peux faire les pommes ? J’avais beaucoup de gens qui me disaient c’est très bien, tu peux gagner 2000€,
acheter un ordinateur portable…» Vers la fin de l’entretien, quand je lui demande s’il serait prêt à renouveler
cette expérience : « Non, pas les pommes… C’était difficile, y’avait 5 bus, y’avait beaucoup d’étrangers… Ça
commençait à 7h et ça terminait à 17h30…». (1er entretien)
Dans l’idéal, Walid se verrait bien peintre en bâtiment, car c’est un domaine qu’il considère
déjà connaître, comme il a aidé un ami à repeindre sa maison avant d’arriver en France.
Cependant, il n’imagine pas avoir vraiment la main dessus, attendant que la Mission Locale
lui propose quelque chose rapidement, compte tenu des difficultés qu’il rencontre avec
la langue.
« La Mission Locale, c’est eux qui choisissent le travail, mais jusqu’à présent, j’ai rien, et j’ai pas de
nouvelles… […] À la Mission Locale, ils m’envoient pas un travail, c’est moi qui demande. Si je connaissais le
français je me débrouillerais ! Je suis tout seul, c’est pour ça que je veux qu’on m’aide… Mais qu’est-ce
qu’elle [sa conseillère] fait ? C’est bizarre ! » (1er entretien)
Walid est persuadé que ce qui débloquera sa situation sera d’avoir un emploi ou un stage. Du
fait peut-être de ses difficultés de français, il interprète parfois de manière très
personnelle ce qu’il lui ait dit sur les dispositifs… Ayant compris qu’il pouvait être payé en
entrant sur une plate-forme linguistique, il pense que les stages sont rémunérés et que le fait
d’en avoir un grâce à la Mission Locale débloquerait sa situation concernant le logement.
« Tu vas là-bas, c’est payant, et ils vont t’envoyer en stage, t’imagines en stage ! Le jour où j’étais là-bas
j’étais comme ça (il fait signe avec ses mains qu’il tremble !)… » (2ème entretien)
Un peu plus tard dans l’entretien, il évoque la possibilité d’avoir un logement en décrochant un stage :
« L’AS pour l’appartement elle me dit, il faut travailler… Si tu m’envoies un travail, ça sera oui… Je croyais
qu’elle allait m’aider. Elle m’a dit j’ai demandé pour toi à la mairie, pour trouver un appartement, après tu
chercheras un travail…. Mais tant que j’ai pas trouvé de stage… elle imagine ‘quand t’as pas fait de stage et
que tu dois faire un travail…’» (2ème entretien)
Ce qui s’est passé pendant cette année
Entre le premier et le second entretien que j’ai eus avec lui, Walid a tendance à être plus
revendicatif vis-à-vis de l’accompagnement, considérant que cela ne l’aide pas vraiment. Il se
rend compte que sa situation n’avance pas beaucoup. Son sentiment d’être bloqué en
France se renforce : il pensait pouvoir retourner au pays durant l’été, mais il n’a pu le faire
faute d’argent.
A cette époque, Walid recherche un emploi. Si sa conseillère estime qu’il n’a pas encore un
niveau suffisant pour travailler, elle pense néanmoins que c’est un moyen de le confronter à la
réalité. Il se sent démuni dans son processus de recherche, mais considère que c’est bien
une preuve que sa conseillère ne l’appuie pas suffisamment et ne comprend pas sa situation :
« Moi je veux faire un stage… La Mission Locale elle te dit il faut que tu parles, moi je peux pas t’aider…
après elle m’a écrit une lettre, m’a laissé le téléphone… Elle m’a donné les entreprises… Y’a des portables qui
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
80
répondent pas, après d’autres qui disent, on prend pas de stagiaires, y’a pas de place… » Puis plus tard dans
l’entretien « Elle me dit les gens comme moi trouvent du travail, mais si je trouve pas il faut m’aider ! Même
des stages… » « (2nd entretien)
Pensant que sa conseillère n’est pas assez active, Walid envisage à ce moment d’en changer. Il
tente de s’inscrire dans une autre antenne avec une fausse adresse sans succès. Mais en août,
Walid est « mis à la porte » par sa belle-mère. C’est une tante du côté de son père qui
l’héberge quelques temps, et l’aide à trouver une solution : Walid obtient au bout de 2
semaines une place en foyer, dans un autre département de la Région. Il quitte cependant le
foyer rapidement, trouvant le cadre trop contraignant, et part habiter chez un ami qui dispose
grâce à une association, d’un appartement et attend la régularisation de sa situation
administrative. Dès son arrivée, il se rapproche vite de la Mission Locale, espérant que cela
l’aidera à obtenir ce qu’il souhaite.
« Je me suis dit comme j’étais suivi à Limoges… Ils m’ont posé les mêmes questions… Je me suis dit qu’il
fallait que j’y aille, pour être suivi, pour qu’’il me trouve un appartement… Il m’a dit faut que tu restes au
foyer… Moi j’ai dit ça m’intéresse pas là-bas ! » (3ème entretien)
Début octobre, son conseiller le positionne sur des ateliers de remise à niveau avec
des ateliers ciblés sur la recherche d’emploi et des stages à effectuer. Il suit les cours
proposés en pointillés, ratant des cours, n’étant visiblement pas très intéressé…
« Aujourd’hui on a travaillé le CV, pour quand on cherche un travail, qu’on doit aller dans une entreprise…
- Qu’est-ce que t’a retenu de ça ?
- Bah comme je suis fatigué… c’est le problème… réfléchir à tout ça avec ce froid, je préférerai y réfléchir
dans un appartement, tranquille… »
Il effectue un stage comme peintre, sa première expérience professionnelle. Alors qu’il était
absolument sûr d’aimer ça, il est un peu déçu, n’ayant pas été payé, et ne comprenant pas que
le métier de peintre en bâtiment ne se résume pas à peindre.
« En fait, je venais pour faire les peintures… Mais y’avait des affaires, il fallait ranger, nettoyer… Moi j’étais
un peu fâché même si le mec il était gentil avec moi… J’ai dit moi je veux découvrir la peinture… C’était
lundi, et il m’a dit jeudi… Il m’a dit il faut savoir aussi régler, ranger les affaires… J’étais un peu choqué […]
Un jour aussi on est allé travailler chez une vieille personne dans les toilettes… On devait enlever le truc en
bas, d’un coup ça sentait mauvais… » (3ème entretien)
A l’issue de cette année, le monde professionnel reste encore très étranger à Walid, à
la différence des acteurs de l’aide sociale. À la fin du 3ème entretien que j’ai avec lui, il
évoque ainsi une piste d’emploi qu’il juge
sérieuse : un restaurant de Limoges dans lequel il
avait déposé un CV durant l’été l’a contacté et souhaiterait l’embaucher. Il en parle comme
d’une chose certaine alors qu’il s’agit d’un entretien, il ne se rappelle pas du nom de l’entreprise,
de la personne, n’a plus les coordonnées, ne sait pas combien de temps durerait ce travail... Son
rapport à l’argent issu du travail semble toujours aussi « déconnecté » de la réalité.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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Lors de notre 3ème rencontre, Walid explique avoir trouvé une piste d’emploi « Mon ami [celui qui a rappelé
le restaurant], lui aussi il a parlé, il a demandé, y’a combien par mois, y’a 900€ enfin je sais plus ou c’était
4000€…
- C’est 900 ou 4000 ?
- Ouais je sais plus… après il m’a dit faut que tu partes à Pôle Emploi, pour que le jour où je travaille pas je
touche de l’argent… Non pas avant après avec le contrat… Ça fait bientôt 3 ans que je suis ici et je suis
bloqué… » (3ème entretien)
L’accompagnement : un « jeu » complexe que Walid apprend peu à peu à tourner
à son avantage
L’accompagnement occupe une place prépondérante dans la vie de Walid : il est très suivi, à la
fois par la Mission Locale dans le cadre d’un CIVIS et par une assistante sociale de secteur. Il
bénéficie de très nombreux entretiens depuis qu’il est inscrit (parfois plusieurs en une
même semaine), et n’a jamais réellement rompu avec cet accompagnement malgré des
résultats inférieurs à ses attentes.
Walid voit au début les dispositifs d’accompagnement comme une solution pour bien
démarrer/s’intégrer sur le territoire. Alors qu’il pensait que prendre son autonomie serait
simple, Walid va très vite « déchanter ». Dès lors qu’on lui explique que le logement est
conditionné à un travail, il attend que la Mission Locale lui en fournisse un. Il conçoit ainsi sa
démarche d’insertion professionnelle comme une démarche administrative : la lettre de
motivation devient pour lui une sorte de formulaire que la conseillère Mission Locale doit rédiger
et tenir à sa disposition à l’accueil.
Walid pense néanmoins qu’il est désormais en mesure d’occuper un emploi,
considérant avoir rempli sa part du contrat en allant à ses cours de français. Il ne
comprend ainsi pas que quand il explique avoir besoin d’argent, sa conseillère l’envoie juste 2
jours (des « jobs d’urgence »), sans qu’il y ait de suite. Pour lui, ce ne sont pas des expériences
significatives qui témoignent du manque d’appui qu’il reçoit.
Walid raconte une expérience en job d’urgence, dans une entreprise qui récupère et répare de
l’électroménager « Je me suis dit, peut-être que si je travaillais bien… Ils m’ont fait un papier, mis un coup
de tampon puis m’ont donné l’argent. » (2nd entretien)
« A chaque fois, c’est moi qui ai dit, j’ai besoin de sous pour m’acheter des vêtements. Je voulais travailler,
2 jours, c’est rien ! C’est pas un travail, c’est comme si je faisais un coup de main…» (3ème entretien)
Walid va très vite solliciter sur l’ensemble des thèmes tous les professionnels qu’il
peut rencontrer, et qui travaillent chacun sur une thématique spécifique (la langue pour
les professeurs, l’appui social pour l’assistante sociale...). Il commence par exemple à demander
de l’appui pour son CV et son argumentaire pour contacter des entreprises à son assistante
sociale, pense qu’un professeur peut lui proposer un poste de peintre…
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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Sa stratégie évolue lorsqu’il quitte Limoges, après avoir constaté qu’il pouvait trouver
de l’aide s’il se présentait comme étant dans une situation extrêmement précaire. Il
commence alors à jouer de cela, et à adapter son discours pour obtenir de l’aide. Il reprend tout
de suite contact avec la Mission Locale mais va contre les recommandations de son conseiller qui
lui demande de rester dans le foyer, il s’arrange pour que sa formatrice lui trouve son stage de
peintre en bâtiment, il va voir une association dont il a les coordonnées avec un ami pour
demander un logement, en insistant sur la précarité de sa situation.
Walid explique avoir demandé auprès d’une association qui logeait un de ses amis s’il pouvait lui aussi
bénéficier d’un logement. Pour arriver à ses fins, il met en avant la « précarité » de sa situation… « Moi je
vois… Le jour où tu vas dire j’ai quitté là-bas, c’est là-bas qu’on t’aide… J’ai dit que j’étais chez un ami, qu’il
était fâché contre moi… J’ai pas envie de mentir mais si tu restes sympa je crois pas que tu vas trouver. »
(3ème entretien)
Il conserve précieusement les cartes de visites que lui remettent les professionnels qui
l’entourent, et qui sont autant de personnes ressources qu’il peut mobiliser. Cela reflète son
inscription dans une démarche d’accompagnement et lui confère une forme de statut
de « démarcheur actif » qu’il assume, dans la mesure où il place cette aide comme un droit,
ce qui n’est pas le cas de l’aide financière familiale.
Après avoir évoqué les aides dont il dispose, ses revenus insuffisants à ses yeux : « C’est pas bien non plus
de demander de l’argent à mon père… » (3ème entretien)
Le regard de l’accompagnateur
La conseillère de la Mission Locale de Limoges qui a suivi Walid jusqu’en août, estime qu’il n’est
pas du tout autonome. Pour elle, la priorité était de lever le frein lié à la langue pour pouvoir
effectuer les recherches d’emploi. De son point de vue, c’est bien plus la motivation de
Walid qui fait défaut, que les solutions qu’elle pourrait lui proposer. En lien avec
l’organisme proposant les cours de français et l’assistante sociale, elle n’est pas dupe du jeu de
Walid. Elle interprète cela comme un réel manque de volonté de s’investir, qui se traduit aussi
par des longueurs de parcours : c’est pour cette raison que Walid n’a pas été retenu pour la
plate-forme linguistique qu’il souhaitait intégrer.
La conseillère pense que Walid a bien compris la logique de l’accompagnement qu’il est en droit
d’attendre, mais qu’il n’y adhère pas. Néanmoins, elle ne s’interroge pas sur la durée de
cet
accompagnement,
nécessairement
long
compte
tenu
du
temps
nécessaire
à
l’apprentissage de la langue et source de découragement pour Walid qui ne croit plus en ses
capacités pour trouver seul un emploi.
Les questions qui se posent en termes d’accompagnement
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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Comment gérer l’accompagnement des primo-arrivants ? S’il existe une offre en matière
de prestations linguistiques, celles-ci rallongent souvent le parcours et l’accès au premier
emploi. Walid porte beaucoup d’espoirs pour sa vie en France, et également beaucoup de
pression de la part de ses amis restés au pays. Il a de ce point de vue des exigences fortes visà-vis de l’accompagnement. Cette longueur dans l’accès à l’emploi le pousse alors à s’enfoncer
encore plus dans une stratégie d’assistanat revendiqué.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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« JE CHERCHE DU TRAVAIL »
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
85
Habiba, 22 ans
A arrêté l’école en juin 2006, à la fin de la première année de CAP Couture et Tapisserie
d’Ameublement
Nous avons rencontré Habiba à deux reprises :
Premier entretien le 23 mars 2011
Deuxième entretien le 5 juillet 2011
Le
parcours
d’Habiba
avant
notre
Les éléments clés du parcours
rencontre
Habiba est algérienne. Elle arrive en France à l’âge
de 9 ans, accompagnée de sa sœur et sa mère. Son
père était déjà à Limoges. Il travaille comme maçon.
Sa mère est au foyer et ne parle pas très bien le
français. Ses trois frères aînés sont restés au pays.
Habiba parle le français à son arrivée. Elle est
scolarisée tout de suite et poursuit ses études
jusqu’en 3e. Elle a le CFG (mais pas le BEPC). Elle
fait ensuite une première année de CAP Couture et
Tapisserie d’ameublement mais elle dit ne pas aimer.
2007 : Inscription à la Mission
Locale
2007 : Premier emploi (CDD 2
mois). Caissière.
2008 : CDD courts en caisse dans
la grande distribution
2009 : CDD de 2 mois à temps
partiel comme agent d’entretien
Janvier – avril 2010 : CDD en
caisse dans la grande distribution
2010 :
Obtention
du
permis
(inscrite depuis 2006)
Janvier - Février 2011 : CDD
auxiliaire de vie
Février
2011 :
Appartement
autonome
Mars : CDD de 2 semaines en
caisse
Elle arrête à la fin de l’année scolaire.
«J’ai arrêté, c’était pas mon truc. J’aime pas les cours, j’ai horreur de ça » (1er entretien)
Après l’arrêt de l’école, Habiba est accompagnée par la Mission Locale, puis par Pôle Emploi.
C’est dans le cadre de l’accompagnement qu’elle a ses premières expériences
professionnelles (stages dans la caisse). Au moment où nous la rencontrons, Habiba est
déjà loin de la fin de l’école : elle parle très peu de sa scolarité et beaucoup de son travail,
même si son insertion reste précaire (CDD courts, contrats à temps partiel et de nombreuses
périodes de chômage).
En entretien, Habiba se présente comme une adulte qui est déjà dans le monde du travail depuis
longtemps. Elle parle volontiers de ses contrats en tant que caissière et présente son
expérience comme étant très solide et construite (même si elle ne l’est pas
forcément). Elle insiste sur le métier de la caisse comme étant « son » métier. Elle met en
avant le fait que son conseiller Pôle Emploi « ne s’inquiète pas » pour elle : elle a tout ce qu’il
faut pour trouver un travail.
« Mon conseiller m’a dit qu’il s’inquiétait pas pour moi ». (1er entretien)
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
86
L’accompagnement après l’arrêt de l’école : l’apprentissage d’un métier
Habiba s’inscrit à la Mission Locale après l’arrêt de
l’école. Elle y est allée parce que « c’est le bruit qui court,
Les
dates
l’accompagnement
des copines qui m’en ont parlé, je suis allée m’inscrire,
du coup ».
Dans le cadre de cet accompagnement Habiba suit deux
formations dans les métiers de la caisse et fait ses
premiers stages (en 2007 et 2008). Elle ne parle pas
beaucoup de l’accompagnement, qui est déjà loin pour
elle. Mais elle valorise en revanche les formations et les
stages, qui représentent pour elle son accès à un métier.
clés
de
2007
2009 :
Accompagnement
Mission
Locale
2007 : Formation à Erfolim sur
les métiers de la caisse.
Premiers stages.
2008 : Préprofessionnalisation
de 3 mois dans les métiers de
la distribution
Décembre – Février 2011 :
Club de recherche d’emploi de
Pôle Emploi
Décembre : Contrat comme
agent d’entretien
Pour elle c’est très important de s’identifier à ce
métier-là : avoir un métier, c’est démontrer qu’on
est déjà bien ancré dans le monde professionnel.
« Si je pouvais travailler dans la caisse ça serait génial. Auxiliaire de vie me plaît mais je préfère mon
métier, depuis que je suis petite j’aimais être caissière ». (1er entretien)
En 2007 elle a un premier contrat de deux mois dans la caisse, et un deuxième en 2008,
toujours après les stages des formations. Son expérience la plus longue date de 2010, où elle a
travaillé 4 mois en tant que caissière. Ces expériences sont centrales dans la vie d’Habiba : à
ses yeux, elles sont la preuve qu’elle fait bien son travail, qu’elle est compétente.
« Géant-Casino ils me rappellent souvent. Des fois je reste un an et demi sans travailler chez eux… Mais
j’oublie pas, moi [le métier]. Je sais ce que j’ai à faire. J’apprends vite ». (1er entretien)
Son expérience professionnelle s’est ainsi construite par « bouts ». Mais elle veut
s’identifier pleinement au métier. L’accompagnement (les formations, les stages) joue un rôle
central dans la construction de cette identité métier, même si dans son récit elle revendique une
forte autonomie dans sa recherche d’emploi.
Ce qui s’est passé pendant cette année
Entre les mois de décembre 2010 et février 2011, Habiba bénéficie du Club de
Recherche d’Emploi de Pôle Emploi. Elle dit y avoir beaucoup appris sur les techniques de
recherche (CV adaptés au métier par exemple) et sur la posture à avoir vis-à-vis de l’employeur.
Grâce à cet accompagnement, Habiba trouve un CDD à temps partiel en tant qu’auxiliaire de vie
(janvier et février 2011), puis un contrat de 2 semaines en tant que caissière. Le Club est un
véritable outil pour structurer sa recherche d’emploi, qui est centrale dans son quotidien.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
87
« J’ai appris beaucoup de choses [au Club Emploi]. J’ai pu avoir deux travails là. Je fais toujours ce qu’on me
dit. (…). Toute seule j’arrivais pas, maintenant je sais [faire des candidatures spontanées sur internet] ».
(1er entretien)
La recherche d’emploi est la principale activité d’Habiba : elle ne parle pas de ses
loisirs, de ses amis,… Lorsqu’elle parle d’une amie, c’est pour dire qu’elle va chez elle tous les
jours pour envoyer des candidatures sur internet (elle n’a pas internet chez elle).
« Ma copine je la vois tout le temps, tous les soirs je suis chez elle, parce qu’elle a internet. J’ai pas internet
chez moi, donc je vais chez ma copine ou chez ma sœur pour envoyer les candidatures ». (1e entretien)
Le Club lui a donné des outils pour systématiser et professionnaliser ses recherches : elle parle
volontiers des envois de candidatures et des rappels réguliers aux employeurs. Elle est fière de
dire qu’elle va régulièrement se renseigner dans les entreprises et qu’elle y dépose son CV.
« Je suis partie moi-même dans les magasins, je les appelle moi pour voir s’il y a quelque chose, je les
appelle une fois toutes les deux semaines ». (2e entretien)
Malgré une identification en apparence forte avec le métier de la caisse, Habiba cherche aussi
ailleurs : elle envoie des candidatures pour faire du ménage, pour être auxiliaire de vie. Le
projet professionnel dans la caisse est finalement assez souple. Le métier est plutôt
approché comme un facilitateur de l’emploi : Habiba valorise ce métier parce que c’est celui où
elle a le plus d’expérience, et où elle pense avoir donc le plus de chances de trouver du travail.
Mais l’essentiel au final n’est pas le métier : c’est le travail, le fait d’avoir un salaire pour payer
son appartement, sa voiture,…
« Pour les vacances, je postule dans tout, aide à domicile, caisse, employée de ménage dans les
bureaux(…). La dernière fois, je cherchais en caisse, mais c’est pas évident. (…) La caisse je trouve pas
beaucoup, c’est ce que je voulais faire mais je trouve pas » (2e entretien)
Habiba met toujours en avant son autonomie dans ses recherches. Mais son conseiller Pôle
Emploi reste un repère important pour elle, notamment quand la fin de ses allocations arrive et
qu’elle ne parvient pas à trouver d’emploi. Quand Habiba se sent fragilisée, qu’elle a
besoin de trouver quelque chose rapidement, son conseiller lui apporte des solutions :
des pistes de formations rémunérées notamment. Ce qui intéresse Habiba dans la formation,
c’est tout ce que celle-ci a en commun avec un emploi : le fait d’avoir un revenu (une allocation)
et de pouvoir vendre cette expérience derrière comme une expérience professionnelle.
« Là il [le conseiller PE] m’aide à trouver des formations : une pour la caisse qui est de 4 mois et une de 6
mois pour auxiliaire de vie(…).6 mois c’est bien, c’est découvrir le métier. Et en plus on peut toucher les
Assédic aussi(…). 6 mois de formation ça fait une expérience de 6 mois, je peux le mettre sur mon CV et
avoir quelque chose derrière ». (2e entretien)
A la fin de l’année, Habiba trouve un emploi à temps partiel comme agent d’entretien. Elle se dit
qu’elle n’est plus concernée par l’étude, donc. Elle ne veut plus nous rencontrer, elle dit ne plus
avoir le temps, puisqu’elle a un travail.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
88
Les questions qui se posent en termes d’accompagnement
La continuité de l’accompagnement des jeunes dont l’insertion reste précaire. Habiba a
plusieurs expériences professionnelles, mais toujours très courtes ou à temps « très » partiel.
Pendant ses périodes d’emploi, l’accompagnement s’arrête. Comment faire en sorte que les
reprises d’accompagnement permettent au jeune d’avancer dans l’acquisition d’un métier ou
dans l’accès à un emploi durable ? Quelles réponses en termes de formation à des jeunes dont
l’insertion reste très précaire (pas plus de 4 mois d’emploi en une année) ?
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
89
« LA FRAGILITÉ INTERIORISÉE »
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
90
Douja, 22 ans
A arrêté l’école en juin 2010, après avoir raté son diplôme de CAP Petite Enfance
Nous avons rencontré Douja à trois reprises :
Premier entretien le 23 mars 2011
Deuxième entretien le 5 juillet 2011
Troisième entretien le 6 janvier 2011 (téléphonique)
Entretien téléphonique avec le conseiller Mission Locale le 22 décembre
Le parcours de Douja avant notre rencontre
Douja arrive en 2006 en France, seule. Elle vient
d’un pays en guerre et ne veut pas parler de ce
qu’elle a vécu avant la France. Dans les entretiens,
elle est timide. Elle ne parle pas facilement de son
vécu, de son quotidien. Elle dit souvent qu’elle ne
« fait rien », parce qu’elle ne travaille pas. Douja est
dans une situation extrêmement précaire et cela lui
provoque beaucoup d’angoisse. Souvent, elle pleure
pendant l’entretien.
Lors de son arrivée en France, Douja est scolarisée
en 3e, puis envoyée dans un internat dans une autre
Les éléments clés du parcours
2006 : Arrivée en France
2006 - 2007 : Scolarisation en 3e
et cours de français
2007 - 2010 : CAP petite enfance
(dont une 1e année de remise à
niveau). Elle rate le diplôme.
Eté 2010 : Arrivée à Limoges et
inscription à Pôle Emploi – Mission
Locale
Juin 2011 : Passage du CAP en
candidate libre. Echec.
Décembre 2011 : Job d’urgence
Juin 2012 (projet) : 2e tentative
CAP petite enfance en candidate
libre
région, où elle suit une formation de CAP Petite Enfance (2007 – 2010). Elle n’obtient pas le
diplôme. Elle arrive à Limoges parce qu’elle a une amie limougeaude dans le CAP. Cette amie
l’incite à s’installer à Limoges à la fin des études.
Dès son arrivée, Douja s’inscrit à Pôle Emploi et à la Mission Locale. Elle signe un CIVIS et après
quelques mois elle est orientée vers un chantier d’insertion (octobre 2010 - avril 2011). Son
projet est d’obtenir le CAP Petite Enfance. Douja a très envie de réussir, d’obtenir son CAP
et de trouver un travail. Mais elle n’y arrive pas et elle en souffre.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
91
L’accompagnement de la Mission locale
est central dans la vie de Douja
Les dates clés de l’accompagnement
En 2011, Douja vit dans une fragilité extrême.
Fragilité financière d’abord : Douja n’a aucun
revenu fixe et elle n’a pas de travail. Elle est
hébergée par un ami, mais elle n’est pas à l’aise
avec
cette
ensuite :
situation.
Douja
a
Fragilité
un
vécu
psychologique
probablement
traumatisant dans son pays d’origine. A Limoges,
elle est seule, sans famille. Elle veut laisser son
passé derrière elle mais n’arrive pas à s’installer
comme elle voudrait en France.
Juillet 2010 : Inscription à la
Mission Locale
Juillet 2010 : Job d’urgence
Août 2010 : Job d’urgence
Octobre 2010 – avril 2011 :
Chantier d’insertion ASFEL
Janvier-Juillet 2011 : remise à
niveau GRETA
Juin 2011 : Passage du CAP Petite
Enfance en candidate libre. Echec.
Eté 2011 : projet d’inscription à
l’auto-école sociale mais abandon
car besoins trop importants
Juillet 2011 : projet de formation
BAFA (abandonné)
Décembre 2011 : Job d’urgence
Tout au long de l’année, Douja répartit son
temps entre la recherche de travail (tout type de contrat) et la préparation du CAP
Petite Enfance, qu’elle passe en candidate libre en juin. Pour les deux démarches,
Douja est très « dépendante » de l’accompagnement : elle dit souvent que la Mission
Locale l’a « envoyée » quelque part, qu’elle lui a « trouvé », qu’on lui a dit de faire ou d’aller
quelque part,…
Entre octobre 2010 et avril 2011 la Mission Locale la place dans un chantier d’insertion
« embellisseur de murs ». L’objectif est de lui assurer une source de revenus pendant quelques
mois, tout en travaillant avec elle les repères du monde du travail. Douja n’a jamais travaillé
avant.
C’est par la Mission Locale aussi qu’elle s’inscrit au GRETA pour faire une remise à niveau et
préparer le CAP. Elle fait aussi un job d’urgence en décembre. Selon sa conseillère, Douja
accepte toujours ses orientations. Elle a des moments de découragement, mais elle s’accroche à
la Mission Locale qui est pour elle un repère rassurant.
Douja vit toutes ces activités avec beaucoup d’espoir et à la fois beaucoup d’angoisse.
Elle y met beaucoup d’espoir parce qu’elle espère grâce à cela obtenir son CAP et trouver un
emploi. Mais elle exprime une angoisse très forte, parce qu’elle n’arrive pas à sortir de la
précarité.
« La semaine dernière je suis allée là-bas [chez Pôle Emploi]. Parce que je suis dans la merde. Cette
semaine j’ai demandé s’ils ont des contrats aidés. Il faut que j’aille chez ma conseillère et elle va
m’inscrire ». (3e entretien)
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
92
Dans le cas de Douja, le chantier d’insertion et les jobs d’urgence soulagent ses difficultés
financières de manière temporaire. Mais la fin du chantier est ressentie par Douja comme un
« retour à la case de départ » : elle est à nouveau sans ressources, sans travail. Son seul point
d’attache c’est l’accompagnement et elle reste très régulière (1 fois par mois). Il s’agit
bien sûr d’une aide dans ses démarches d’insertion professionnelle, mais aussi d’une
écoute et d’un soutien qu’elle ne trouve pas ailleurs.
« Là je cherche avec ma conseillère. Si aujourd’hui j’ai un CAP, je l’appelle pour lui dire, si j’ai pas [le CAP]
je l’appelle parce qu’il faut qu’on commence nos démarches. » (2e entretien)
Douja rate son diplôme de CAP en juin 2011. Mais elle n’abandonne pas ce projet : elle compte
le repasser en candidate libre en 2012. Plus qu’au diplôme, elle s’accroche au secteur de la
petite enfance. Cela la rassure. Elle se dit qu’elle connaît le secteur, puisqu’elle a suivi
deux ans de formation dessus. Le CAP représente la clé de l’accès à l’emploi qu’elle veut
avoir. Plus qu’une approche métier, c’est une approche secteur (petite enfance) que Douja
adopte.
« Petite enfance c’est juste quelque chose dans quoi j’ai fait une formation donc je connais par cœur.
(…)Parce que c’est un monde que déjà je connais, quoi. Je vais pas avoir des difficultés pour
m’intégrer là-dedans. Parce que j’ai une formation, j’ai des compétences. C’est facile pour moi ».
(3e entretien).
Tout au long de l’année, Douja est à la fois très concentrée dans le passage du CAP, et très
« éparpillée » dans une recherche d’emploi qui n’aboutit pas. Après l’échec au CAP, Douja élargit
ses recherches : sa conseillère lui parle d’autres formations proches de la petite enfance, comme
le BAFA. Elle lui propose également de passer le permis. La conseillère cherche ainsi à
construire progressivement le parcours de Douja vers l’emploi. Douja la suit dans
toutes ses propositions, mais parfois elle se heurte à des difficultés d’apprentissage.
C’est le cas du permis. Douja a une place en auto-école sociale, mais les tests montrent qu’elle
a des difficultés importantes de repérage dans l’espace. Les besoins sont évalués à plus de cent
heures de formation. La conseillère opte pour un changement de cap vers une formation dans le
deux-roues. Cette situation pose la question des limites de l’accompagnement Mission
Locale sur les problématiques périphériques : les difficultés d’apprentissage, la fragilité
psychologique,…
Douja n’évoque pas ces difficultés en entretien, soit parce qu’elle ne veut pas en parler, soit
parce qu’elle n’en est pas tout à fait consciente.
Le travail est pour Douja le seul moyen de subsistance « légitime ». Les aides
financières que Douja attend de la Mission Locale passent toujours par le travail : le job
d’urgence, le chantier d’insertion. L’aide CIVIS fait pour elle partie de sa recherche d’emploi, elle
est aussi liée au travail. Douja refuse d’aller demander des aides aux travailleurs
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
93
sociaux, ou à des associations « caritatives ». Pour elle c’est honteux de le faire, puisqu’elle
serait en mesure d’aller travailler pour « gagner sa vie ».
« Mon problème c’est que j’aime pas demander, j’aime bien travailler et me payer l’assiette de
tous les jours, avec la sueur de mon front. Aller demander c’est un peu la honte, quoi (…). Des fois
quand tu vas là-bas… Parfois c’est difficile, une fois je suis allée au secours catholique, et j’étais comment
dire, j’étais mal à l’aise. Pour moi, c’est… C’est presque… pour les gens handicapés qui n’arrivent pas à
marcher, moi je peux faire quelque chose ». (3e entretien).
Le fait de ne pas avoir un travail est dévalorisant pour Douja. Elle a des moments de grande
angoisse dans les entretiens où elle communique un sentiment de « ne servir à rien », de « ne
rien faire ».
« Y’a rien, je me réveille je dors, y’a rien qui s’est passé. Des fois quand les gens m’appellent je
réponds pas parce que j’ai envie de parler à personne, je reste là et je m’enferme. Rien n’a
changé, rien ne marche, rien, rien… (Elle pleure). (…) Je suis pas la seule, on est beaucoup dans la
même situation. Parce que je vois aussi beaucoup de jeunes, on parle, c’est pas facile de vivre comme ça,
on se demande quoi on va devenir ». (3e entretien)
Le regard de l’accompagnateur
Pour la conseillère Mission Locale, Douja a beaucoup avancé depuis le début de
l’accompagnement. Elle s’est rapprochée des réalités du monde du travail, elle pense
maintenant à des options alternatives au CAP petite enfance. La conseillère sent que
l’accompagnement est vraiment efficace, parce que Douja est devenue plus autonome (« elle a
eu l’autonomie de faire les démarches auprès du rectorat (…), cette année elle s’est approprié
les démarches »). Douja avance aussi parce qu’elle élargit son projet, elle pense au BAFA, aux
métiers d’aide à la personne,….
«On partait aussi de loin, elle était très loin des réalités du monde du travail, sa maturité par rapport à
certains codes, travailler avec des consignes, les entretiens d’embauche,… Moi j’ai senti cette différence où
là elle a un discours plus construit, elle accepte d’aller vers autre chose ».
Si le cas de Douja n’est pas problématique dans le sens où elle se laisse guider, la
conseillère se sent en revanche démunie par rapport à la détresse financière de Douja.
Elle se sent outillée pour l’accompagner dans le rapprochement du monde du travail,
l’apprentissage des codes, la remise à niveau,… Mais soulager la précarité financière de Douja
est plus difficile :
« Au niveau financier elle est très isolée, elle vit avec un ami. Bon elle est en CIVIS, mais les enveloppes
sont de plus en plus réduites, donc on n’a pas beaucoup de marge de manœuvre… On a fait un job
d’urgence, ça s’est bien passé, elle est très régulière dans ce genre de rendez-vous… (…) Pour le souci
financier de Douja je me sentais vraiment démunie, (…) »
Le chantier est venu apporter une aide financière à Douja, mais il n’a pas été
structurant dans la construction de son parcours d’insertion : le travail n’est pas en
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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lien avec les métiers qu’elle envisage et à la sortie du chantier Douja n’a pas de
solution en termes d’emploi. Aux yeux de la coordinatrice du chantier d’insertion, Douja reste
très loin de l’emploi parce qu’elle a d’importantes difficultés périphériques, liées à son passé.
Son vécu passé, que Douja refuse d’évoquer, reste un frein difficile à aborder dans
l’accompagnement.
« Le problème de ces publics d’origine africaine, c’est qu’ils ont connu la guerre, et des violences physiques
et sexuelles. Douja on ne sait pas ce qui s’est passé, mais on sent qu’il y a eu une rupture et elle n’est pas
encore remontée, elle est encore là-bas. (…)Douja elle n’avait pas de suivi psychologique, mais pour elle
tout allait bien. (…) Elle a des problèmes cognitifs dus au vécu antérieur. Elle n’en parle pas. En général les
jeunes filles n’en parlent pas ». (Coordinatrice du chantier).
Pour la coordinatrice du chantier d’insertion, Douja n’a pas les capacités d’obtenir le CAP Petite
Enfance : il s’agit d’un projet peu réaliste. La conseillère Mission Locale se pose la question
différemment : il s’agit d’un projet très important pour Douja, qui lui tient à cœur, et elle la
« suit » donc dans ce projet.
La conseillère Mission Locale n’évoque pas la question du passé douloureux ou des difficultés
psychologiques lorsqu’elle parle de Douja. Pour elle, si Douja ressent le besoin d’être aidée, elle
peut consulter le psychologue de la Mission Locale. Dans l’accompagnement, elle se concentre
sur les projets d’insertion de Douja, sans que sa fragilité psychologique ne soit réellement
abordée. Cela pose la question du rôle de l’accompagnement sur les situations liées à un vécu
douloureux : Douja n’en parle pas et elle refuse d’aller voir le psychologue de la Mission Locale.
Mais ce vécu la fragilise : elle est très timide, elle a des difficultés à s’exprimer dans un entretien
d’embauche. Elle ne s’intègre pas bien dans une équipe (selon la coordinatrice du chantier, « le
groupe ne l’a pas acceptée »).
Les questions qui se posent en termes d’accompagnement
L’accompagnement « global ». Douja ne veut pas parler de ce qu’elle a vécu avant d’arriver
en France. Elle veut passer à autre chose. Elle ne l’évoque pas avec sa conseillère Mission Locale
et elle ne va pas voir la psychologue. Mais ce passé peut être « bloquant » : elle a du mal à
s’insérer dans un groupe, elle n’a pas beaucoup d’amis. Elle s’exprime difficilement devant un
employeur. Cela pose la question de l’accompagnement de traumatismes dont les jeunes ne
veulent pas en parler. Qui en parle au jeune ? Quelle peut être la posture de son conseiller
Mission Locale ? Comment l’orienter et faire en sorte qu’il accepte d’être aidé ?
Des jeunes qui s’accrochent à un projet par peur d’aller vers « l’inconnu ». Douja a un
seul projet : celui du CAP petite enfance. Mais elle a échoué à deux reprises. Elle espère quand
même l’avoir. En même temps, elle a du mal à se mettre en situation de travail, à s’impliquer.
Comment travailler avec ces jeunes la construction d’un projet professionnel plus souple ?
Comment aller au-delà de l’échec et leur faire envisager d’autres possibilités ?
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
95
Une gestion de la précarité financière qui peut devenir difficile. Douja est arrivée toute
seule en France. Elle n’a aucun soutien financier, à part cet ami qui l’héberge. La Mission Locale
n’a pas les moyens de lui proposer une aide régulière. L’angoisse que cette situation implique
pour le jeune est aussi un frein à son insertion. Chaque candidature, chaque entretien
d’embauche devient un enjeu central dans le quotidien. Chaque refus renforce l’angoisse et
l’insécurité du jeune. Il est de plus en plus inquiet et de moins en moins en mesure
d’appréhender la recherche d’emploi avec sérénité.
La place du chantier d’insertion et des jobs d’urgence dans le parcours. Le chantier et
les jobs d’urgence permettent de « rapprocher » Douja des codes du monde du travail, tout en
lui apportant des ressources financières. Mais après le chantier il n’y a pas de continuité : le
chantier n’est pas en lien direct avec son projet, et elle ne trouve pas d’emploi à la sortie.
Comment faire en sorte que ces dispositifs soient plus structurants dans les parcours ?
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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« J’AI UN TRAVAIL, MOI »
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
97
Cheik, 20 ans.
A arrêté l’école en Juin 2010, à la fin de la 1e année de BEP Conduite et Services
Nous avons rencontré Cheik à trois reprises :
Premier entretien le 22 mars 2011
Deuxième entretien le 6 juillet 2011
Troisième entretien le 15 décembre 2011
Conseiller Mission Locale rencontré le 5 septembre 2011
Le parcours de Cheik avant notre rencontre
Cheik est arrivé en 2000 à Limoges, il avait alors 8
ans. Arrivé d’Algérie avec ses deux frères (plus âgés
que lui) et ses parents, la famille s’installe à
Limoges. Les grands-parents y habitent déjà. Le
grand-père de Cheik travaille comme maçon, et sa
grand-mère comme femme de ménage. Les parents
de Cheik repartent après deux ans, et laissent les
enfants
avec
les
grands-parents.
Cheik
habite
aujourd’hui avec ses frères, chez sa grand-mère à la
retraite.
Lorsque Cheik arrive d’Algérie, il ne parle pas le
Les éléments clés du parcours
2000 : Arrivée à Limoges d’Algérie
Non francophone à l’arrivée : un an
de retard scolaire
Septembre 2009 : Début du BEP
Conduite et Services
Juin 2010 : Arrêt de l’école à la fin
de la 1e année du BEP
Depuis
septembre
2010 :
différentes missions d’intérim
Novembre 2010 : Obtention du
permis.
Depuis début 2011 : mission
d’intérim
renouvelée
systématiquement
à
l’usine
Madrange
français, et il prend un an de retard à l’école. A la fin
de la 3e, Cheik s’oriente vers un BEP Conduite et Services, à la fois parce qu’il n’a pas de vœux
d’orientation forts (« je savais pas quoi faire ») et parce qu’il veut surtout avoir le permis. Mais
le cursus est « très sévère », ce n’est pas « le permis gratuit ». Il arrête en juin 2010, à la fin de
la première année du BEP.
Il se lance dans l’intérim, comme ses deux frères. Le rôle des frères aînés est
structurant : il suit leur modèle parce qu’il voit qu’ils travaillent en intérim depuis quelques
années et que ça se passe bien pour eux. Cheik dépose son CV dans plusieurs agences, et entre
juin et septembre 2010 il adopte une stratégie très active : « T’y vas, tu te pointes et t’appelles
tous les jours, c’est comme ça que je l’ai eu. J’ai commencé très jeune, à 18 ans. » (3e
entretien)
En même temps, il s’inscrit dans une auto-école pour passer son permis, qui était son premier
objectif, (« sans permis… sans permis y’a pas de boulot »). Il l’obtient en quelques mois. Et son
frère lui donne une voiture.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
98
Cheik se considère inséré professionnellement : il a des missions stables, un bon salaire, il
profite de ses week-ends et de ses temps libres pour sortir avec ses amis, monter à Paris pour
aller en boîte,… Tout se passe bien pour lui, il n’est pas en recherche d’emploi. Il ne comprend
donc pas pourquoi nous voulons le rencontrer, mais il vient quand même aux trois rendez-vous.
En entretien, il a du mal à comprendre ce qu’on attend de lui, il sent qu’il n’a rien à raconter, à
part qu’il est en intérim.
Cheik n’est pas accompagné par la Mission Locale : il s’y rend pour une aide
ponctuelle
Dans les 6 mois suivant l’arrêt de l’école en juin 2010,
Cheik
n’est
pas
accompagné
par
une
structure
d’insertion.
Ce n’est qu’après l’obtention du permis que Cheik
pense à une formation de cariste et prend
contact avec la Mission Locale, en janvier 2011.
Il
a
un
rendez-vous
puis
est
orienté
vers
des
informations collectives sur les formations. Il sent que
tout le processus est trop long, il faut attendre un mois
Les
dates
l’accompagnement
clés
de
Janvier 2011 : Cheik se rend à
une présentation de la Mission
Locale et de Pôle Emploi dans une
association du quartier
1er et 7 février : Rencontres avec
le conseiller Mission Locale
16 février : information collective
à l’AFPA sur les métiers de la
logistique
10 mars : Information collective à
la ML du centre-ville sur les
formations transport et logistique
de l’AFT Iftim
pour avoir un rendez-vous,… alors qu’il vient avec une
demande très concrète : une aide financière pour une formation de cariste.
« On va à la présentation [information collective] et je me présente comme tout le monde, et comme par
hasard tout est financé sauf cariste ! Du coup, je suis revenu voir le conseiller, pour lui dire, et il m'a dit tu
t'appelles comment déjà ? Il m'a dit, reviens pour qu'on parle de ça, moi je suis jamais revenu, ça sert à
rien ». (3e entretien)
Cheik comprend qu’il n’y a pas de financement possible de la formation et il abandonne la
Mission Locale. Selon lui n’a pas répondu à sa demande, qu’on ne l’a peut-être même pas
comprise. Il n’attendait pas un accompagnement long, puisqu’il n’en a pas besoin : il
travaille. Il attendait une aide ponctuelle qui puisse sécuriser le parcours qu’il
construit par ailleurs et de manière autonome.
Ce qui s’est passé pendant cette année
Dans cette année 2011, Cheik passe d’une situation peu sécurisée où il enchaîne des
missions d’intérim « à droite et à gauche » à une situation stable d’intérim chez
Madrange, qui le rassure et qui le confirme dans l’idée qu’il est inséré.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
99
Depuis le premier entretien, Cheik n’est pas en recherche d’emploi (« je ne comprends pas
pourquoi vous venez me voir, j’ai un travail, moi »). Il est en intérim chez Madrange depuis
janvier 2011 et il s’y attache malgré les contraintes. Sa demande de congés en décembre lui est
refusée : pour lui, il faut accepter cette contrainte. Le plus important pour lui est de garder ce
travail, et il ne veut pas se risquer à arrêter la mission par peur de ne plus être rappelé.
Si sa situation vis-à-vis de l’emploi est stable, sa posture change entre le premier et le dernier
entretien : lors de notre première rencontre, Cheik est plutôt ouvert sur les possibilités d’évoluer
au sein de l’intérim, notamment par la formation. Parce qu’il dit être « content » avec son poste
de manutentionnaire, mais en même temps il se dit qu’en ayant une formation de cariste, il
pourra faire quelque chose de « plus tranquille » et aussi réduire ses risques de
chômage.
Quelque chose de « plus tranquille », ça veut dire pour lui un travail moins pénible : faire de la
conduite c’est moins éprouvant qu’être manutentionnaire. Mais c’est aussi atteindre une
situation plus « sûre » par rapport à l’emploi : avoir moins de risque de se retrouver au
chômage.
« Mon but c’est un peu cariste. La formation, ça dure une semaine, c’est plus tranquille, je
conduis. C’est pas trop dur, j’ai des gens que je connais qui l’ont déjà. Parce que dans des boîtes d’intérim,
on me demande si j’ai cette formation. Avec cette formation c’est plus tranquille ». (1er entretien)
L’idée de suivre la formation de cariste intervient dans une stratégie très construite
pour sécuriser son insertion : d’abord le permis, puis les missions d’intérim, et, afin de
s’assurer des missions régulières, une formation de cariste. Il s’est renseigné sur les
possibilités de formation qu’il peut avoir en tant qu’intérimaire : il sait qu’après 1600 heures
d’intérim il a le droit à demander une formation. Il va voir la Mission Locale pour aller plus vite,
puisqu’il n’a pas encore atteint les 1600 heures.
Avec le temps, Cheik s’installe dans sa mission de manutentionnaire à Madrange et
abandonne l’idée de la formation. Au fur et à mesure qu’il se sent assuré dans ce poste, il
paraît laisser de côté l’idée d’avoir un diplôme et donc un métier. Ainsi, il considère ne pas avoir
de métier, puisque pour être manutentionnaire, on n’a pas besoin de diplôme. Mais du moment
où il a du travail, le fait de ne pas avoir de diplôme n’est plus sa préoccupation première.
« Quand je suis allé voir la Mission Locale, j’étais pas stable à Madrange, je faisais de l’intérim à gauche et à
droite. La formation c’est parce que je voulais un métier. (C’est quoi ton métier ?) Je sais pas, j’en ai pas. Le
métier c’est pour avoir un travail, maintenant j’ai un travail. Du moment où j’ai du travail c’est pas grave.
Quand je serai au chômage, je chercherai une formation ». (3e entretien).
Cet abandon du projet de formation est conforté par la Mission Locale : il comprend,
dans son accompagnement, que cette formation ne va pas l’aider à trouver du travail. Selon lui,
la Mission Locale le dissuade de poursuivre cette formation. Et cette réponse l’arrange, puisqu’au
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
100
fur et à mesure que sa situation se stabilise dans l’intérim il a moins envie d’aller vers la
formation.
« C’était une formation de cariste. Et je ne pense plus à la faire. J’ai pas aimé. Si je l’avais passée c’est pas
avec ça que j’aurais trouvé du boulot. A la Mission Locale on m’a dit que c’est pas avec ça que je vais
trouver du travail. (…) Je vais pas prendre un truc qui sert à rien » (2e entretien).
L’intérim : un « bon plan »
Comme ses frères, pour Cheik l’intérim est une option relativement sûre et confortable.
Sûre, parce que ses frères sont chez Madrange depuis plus de 2 ans, et on les rappelle toujours.
Malgré le fait que les contrats d’intérim sont courts, il y a donc des chances de renouveler
systématiquement les missions.
L’intérim c’est aussi une option confortable. Financièrement, d’abord : il a un bon salaire qui lui
permet de voyager, sortir, s’acheter des vêtements,… Au niveau de la contrainte ensuite : le
travail à l’usine est dur et physique. Le fait de rester en intérim, de ne pas prendre un CDI
lui permet de laisser la porte ouverte, de penser à faire autre chose plus tard. Et aussi
d’avoir un meilleur salaire.
« J’ai trouvé Madrange par Adecco, j’ai fait par internet. J’ai des frères qui travaillent à Madrange. Ils sont
tous les deux à Madrange, mais pas dans le même secteur. Ça fait 2 – 3 ans qu’ils sont là-bas. Ils sont
toujours en intérim, ils ne veulent pas être embauchés, parce que c’est moins bien payé. Après les 18 mois,
ils arrêtent 6 mois, ils rentrent au pays, puis ils reviennent ». (1er entretien)
Le parcours de Cheik est à la fois très « court » au niveau de l’accompagnement et très « long »
dans son ressenti. L’accompagnement de la Mission Locale lui semble « lent » (alors qu’il n’a
rencontré son conseiller que deux fois), à la fois parce qu’il attend une solution « concrète » de
manière quasiment immédiate, et parce que, pendant cette période de deux mois, sa situation
en intérim évolue rapidement : il passe d’une situation qu’il appelle « pas stable », où il a des
missions « à droite et à gauche », à une situation de mission renouvelée à Madrange qui lui
semble plus rassurante et qu’il n’a pas envie de quitter.
Le regard de l’accompagnateur
Pour le conseiller Mission Locale de Cheik, l’accompagnement n’a pas eu le temps de se mettre
en place, alors que pour Cheik ces deux entretiens étaient presque « trop » et ont demandé
beaucoup de temps (deux mois). Le conseiller, qui l’a vu deux fois en début d’année 2011, a du
mal à identifier Cheik à qu’il n’a pas eu le temps de proposer un CIVIS.
Ainsi, le conseiller ne parle pas de « réussite » ou d’ « échec » de l’accompagnement,
puisque à ses yeux il n’y a pas vraiment eu d’accompagnement. Finalement, le problème
est que Cheik travaille. Quelqu’un qui est en emploi n’est pas disponible pour être accompagné.
« Je n’ai pas de retour de Monsieur [Cheik]. Mais je dois avoir un retour papier de l’organisme de formation.
Il était bien présent le 10 mars. Ils indiquent : formation envisagée : CACES. Pas de financement. Pas de
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
101
solution. Je l’avais inscrit sur une formation de cariste d’entrepôt, à Guéret… ah, non, je lui ai juste proposé,
je l’ai pas inscrit. Une formation AFPA. (…).
-Et qu’est-ce qui s’est passé ?
Ça l’intéressait mais il travaille. Je pense qu’on aurait continué l’accompagnement dans ce sens. »
Le conseiller met en place un accompagnement par rapport à la recherche d’emploi ou de
formation de quelqu’un qui construit un parcours d’insertion. Mais un jeune en intérim est
déjà inséré. Les temporalités du travail et de l’accompagnement ne se rejoignent pas.
Cela pose la question de l’accompagnement des jeunes qui sont en emploi, souvent en intérim,
et qui ont des projets pour sécuriser leur emploi, ou pour aller vers autre chose.
Les questions qui se posent en termes d’accompagnement
L’accrochage à l’idée même d’un accompagnement. Cheik ne veut pas s’adresser à la
Mission Locale pour demander un travail. En revanche, demander une aide financière pour une
formation lui paraît plus « légitime ». Il est inséré et veut un appui concret pour avancer dans
cette insertion : trouver un meilleur travail, avoir un métier.
Le rythme de l’accompagnement. Cheik n’accroche pas à l’accompagnement, dont le rythme
est trop lent pour lui. Il attend une rencontre et des propositions presqu’immédiates sur le
financement de la formation. De son côté, le conseiller cherche d’abord à mieux comprendre sa
demande, à la confirmer,… Mais Cheik sent que les rendez-vous ne donnent rien et décroche.
Cela pose la question des rythmes de l’accompagnement, qui peuvent être difficiles à saisir pour
un jeune : un rendez-vous par mois c’est trop lent, en même temps, le jeune attend des
propositions concrètes à chaque rendez-vous.
L’accompagnement des jeunes en intérim : quel rôle se donnent les institutions par rapport
à ce public ? Comment les faire accrocher à l’accompagnement alors qu’ils sont déjà sur le
monde du travail ? Comment garder le contact quand ils sont en mission, et notamment en
mission longue ou dans des missions continues ? Comment les « faire revenir » dans les
périodes d’arrêt ?
En ce qui concerne le lien entre les différents dispositifs existants, la Mission Locale est en lien
avec les agences d’intérim, mais elle est parfois insuffisamment outillée pour accompagner ces
jeunes qui travaillent.
Au niveau de la formation, le contact avec les agences d’intérim pourrait être mieux exploité
pour prendre en compte les possibilités de formation existantes (CIF-intérimaire, DIFintérimaire,…), et pour capitaliser sur les périodes d’arrêt.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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« C’EST POUR LES SOCCAS »
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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Atal, 23 ans
A arrêté l’école en juin 2006, après avoir raté son diplôme de BEP Maintenance
Nous avons rencontré Atal à trois reprises :
Premier entretien le 5 mai 2011
Deuxième entretien le 23 septembre 2011
Troisième entretien le 15 décembre 2011
Entretien téléphonique avec le conseiller Pôle Emploi le 6 février 2012
Le parcours d’Atal avant notre rencontre
Lorsqu’on rencontre Atal en entretien, on est face à
un jeune à l’esprit vif, intelligent et plein d’assurance.
Il parle facilement de sa vie et de ses activités. Il a
un agenda bien rempli : il fait régulièrement du sport
en salle et il fait du dessin manga,…
Dans son récit, il est toujours en train de faire
quelque chose : il explique que lui ne « tient pas la
Les éléments clés du parcours
2004 - 2006 : BEP Maintenance. Il
rate le diplôme
Septembre 2006 : Obtention du
permis
Décembre 2006 à septembre
2007 : intérim en manutention
2008 à 2010 : Missions d’intérim
diverses avec des périodes de
chômage
Octobre 2010 à juillet 2011 :
Intérim à l’entrepôt de Casino
Depuis juillet 2011 : chômage
tour », qu’il ne « traîne » pas. Il ne dit jamais qu’il
« ne fait rien ».
Atal se présente comme quelqu’un plein de ressources : depuis tout petit il adore dessiner, et à
l’école il personnalise les vêtements de ses camarades de classe. A une époque il fait aussi du
hip hop avec ses frères. Il met en avant son talent dans ces différentes activités.
« Je suis quelqu’un qui aime beaucoup apprendre de nouvelles choses. Par exemple mon frère me montre
un peu le piano maintenant. J’aime bien toucher à un peu de tout ». (3e entretien)
Arrivé en 3e, quelques enseignants le soutiennent pour qu’il fasse du dessin ou un métier
proche. Il demande un BEP Métiers de la Mode, mais il n’a pas de réponse et s’inscrit « en
catastrophe » dans un BEP Maintenance. Ce parcours ne lui plaît pas. A côté il continue à
dessiner. Il reste dans le BEP jusqu’à la fin, mais rate le diplôme. Ce BEP ne correspond pas à
ce qu’il veut pour lui. Il aspire à « mieux ». « Mieux », c’est un métier en lien avec ses
talents dans le dessin.
« Moi j’ai toujours voulu faire de la BD (…). J’ai déjà fait des petites BD et je l’ai montré à des gens, ils
trouvaient ça bien » (2e entretien)
L’un de ses frères est son modèle. Sorti de l’école sans diplôme, il réussit toujours à
gagner sa vie avec des projets indépendants : il monte une boutique de produits sportifs
pendant quelques années, puis il la ferme pour « faire autre chose » (du « marketing réseau »).
Ces projets, il les met en place de manière autonome, sans un accompagnement fort de la
Mission Locale.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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« [Le deuxième frère est passé par la Mission Locale] mais il ne s’est pas vraiment appuyé sur leur aide» (1er
entretien)
Tout de suite après la fin du BEP, Atal obtient son permis. Il est suivi par la Mission Locale, puis
par Pôle Emploi. Depuis trois ans déjà il fait de l’intérim dans la manutention. Il a commencé à
20 ans. Cela lui permet d’avoir un salaire suffisant pour financer ses dépenses : la voiture, un
appartement autonome, la salle de sport, des voyages réguliers en Île-de-France pour voir des
cousins et des oncles,… L’intérim est une option confortable mais temporaire. A long terme, Atal
espère travailler dans un métier qui lui correspond : il veut devenir dessinateur professionnel.
Ce qui s’est passé pendant cette année
En début d’année, Atal est « stable » dans l’intérim. Il a une mission depuis fin 2011 et jusqu’au
mois de juin, en tant que manutentionnaire dans un entrepôt.
Il a l’impression que le temps est passé très vite depuis qu’il a commencé à faire de l’intérim.
Au début, c’était une solution temporaire, avant de trouver un travail qui lui plaise.
Mais finalement l’intérim est devenu son travail stable. Même s’il a eu des périodes de
creux, où il a surtout des missions à la journée (en 2010), il arrive toujours à trouver d’autres
missions et perçoit les Assédic quand il n’en a pas. Le système-intérim est stabilisé.
« Ça passe tellement vite, déjà 3 ans alors que c’est pas ce que je voulais faire. C’est vrai qu’on apprend
beaucoup de choses… Bon, je me dis que j’ai le temps encore. C’est pas facile de trouver la bonne chose ».
(1er entretien)
Finalement ça fait longtemps qu’il est en intérim, mais il ne se projette pas dedans sur
le long terme. Ce travail n’est pas ce qu’il veut pour lui dans l’avenir. L’intérim n’est pas « la
bonne chose », il ne correspond pas à l’image qu’il a de soi-même comme un jeune talentueux.
Il espère pouvoir vivre de ses talents de dessinateur « un jour », même si au quotidien c’est
l’intérim qui reste son moyen de subsistance, son travail.
La « bonne chose » devrait être liée au dessin, qui est sa passion. Il voudrait faire de la BD. Il se
voit bien suivre une formation qui lui permettrait de devenir dessinateur professionnel. Mais
son projet reste évanescent, il reste à l’horizon sans qu’il fasse vraiment le pas vers la
concrétisation. Il s’est renseigné sur les possibilités sur le territoire et même ailleurs, mais il a
peur de se lancer. Il a peur de ne pas retrouver une stabilité financière comme celle qu’il a
aujourd’hui dans l’intérim.
« J’ai vu une conseillère d’orientation, qui m’a dit qu’il fallait faire son art-book, trouver des éditeurs,… ça
me paraît trop compliqué. J’aime le dessin, mais pour faire une BD du début à la fin je suis pas au point.
Pour l’instant, je fais de l’intérim ». (1er entretien)
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
105
Après la fin de sa mission à l’entrepôt, en juin 2011, l’agence d’intérim n’a plus de mission
longue
à lui proposer. Il fait des jours « à droite et à gauche », mais les missions sont très
rares (il a fait moins d’une semaine entre juillet et décembre 2011). Il perçoit des Assédic, mais
au fur et à mesure que les mois passent, il commence à s’inquiéter. C’est alors qu’il reprend
l’accompagnement de Pôle Emploi, parce qu’il se dit qu’il n’y aura plus de mission tout de suite
et qu’il faut qu’il trouve quelque chose à faire, la fin de ses allocations arrivant bientôt.
L’accompagnement et la perception des dispositifs
Atal a été accompagné pendant plus d’un an par la
Mission Locale, tout de suite après l’échec au BEP. A
cette période-là, il s’est senti vraiment accompagné
par sa conseillère. Il est accompagné parce qu’il est
écouté, compris. Parce que dans les rendez-vous, il
réfléchit
avec
sa
conseillère
aux
différentes
possibilités de formation, de stage, en fonction de ce
qui pourrait lui plaire. Et enfin, accompagné parce
que soutenu financièrement : Atal sent qu’il peut
compter sur la Mission Locale.
Les dates clés de l’accompagnement
Juillet 2006 : Inscription à la
Mission Locale
Août
à
Novembre
2006 :
Formation
« Employé
LibreService »
2008 : formation dans la porcelaine
avec l’AFPI
Janvier 2008 : refus de formation
longue porcelaine.
Janvier 2008 : Transfert de dossier
à Pôle Emploi
Juillet 2011 : Chômage
Octobre
2011 :
reprise
de
l’accompagnement Pôle Emploi
« On a beaucoup parlé avec ma conseillère. Elle m’a dit (…)
qu’il n’y a pas de formation dans le dessin. Elle a proposé la vente, ça a pas marché. Donc c’est là qu’elle a
trouvé la formation dans la porcelaine. (…) La formation était rémunérée environ 400 euros, mais bon, il y a
la Mission Locale pour appuyer aussi. (…) ». (3e entretien)
Dans l’accompagnement Mission Locale, Atal trouve un système « essai et erreur » qui
lui convient : il évoque le projet de devenir dessinateur, mais sa conseillère lui dit qu’il n’a pas
de formation dans la région, et il ne veut pas partir de Limoges. Avec sa conseillère, ils
explorent d’autres options : il fait une formation de 3 mois en employé libre-service, mais après
il ne trouve pas de travail dans la vente. Il fait un stage en cuisine dans une pizzeria, mais ça ne
lui plaît pas. Finalement, il fait une formation de 4 mois en tant que décorateur en porcelaine, et
on lui propose d’intégrer une formation de 2 ans chez Bernardaud. Mais le métier ne lui plaît pas
vraiment et il refuse.
« On m’a proposé une formation de 2 ans rémunérée chez Bernardaud, c’est une grande entreprise de
porcelaine. Avant de dire non, j’ai vu le grand chef : cette formation était de la décoration en fil d’or, moi
j’aime le dessin. Je lui ai dit si vous me proposez que du filage, non. Au moins faire quelques retouches. Ils
n’ont pas voulu donc j’ai dit non. Après la formation, c’était même pas sûr d’être embauché. C’est mieux de
faire de l’intérim ». (1er entretien)
Pour lui, la formation amène vers un métier, et ce métier doit correspondre à ses
talents et à ses passions. D’où le refus de formation dans le métier de décorateur en
porcelaine, qui ne correspond pas à l’image qu’il a de lui-même. Atal préfère aller vers
l’intérim, qui est une bonne solution : un travail bien rémunéré sans qu’il doive
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
106
s’enfermer dans un métier. Et avec l’option de la sortie toujours présente : l’intérim lui
permet de rester en retrait par rapport à un travail qu’il fait par contrainte financière.
Lorsqu’il commence à faire de l’intérim, son dossier est transféré vers Pôle Emploi. Atal vit mal
le transfert. Il évoque une « punition » parce qu’il avait refusé la formation chez Bernardaud. Il
se sent incompris par la Mission Locale.
« Tout de suite après j’ai eu la proposition de Bernardaud. J’ai refusé et c’est pour ça que la Mission
Locale m’a renvoyé vers l’ANPE, ils se disent il refuse un contrat (…). Elle m’en a beaucoup voulu au
début. Elle n’a pas essayé de comprendre. Elle était énervée. Après j’ai reçu une lettre de la Mission Locale
qui me disait que j’étais à l’ANPE maintenant ». (3e entretien)
L’accompagnement de Pôle Emploi se fait « en pointillé » parce qu’Atal est très
souvent en emploi. Quand il n’a pas de travail en intérim, il revient voir sa conseillère, mais
l’accompagnement ne lui convient pas. Il le compare constamment avec celui de la Mission
Locale, qui était « mieux » pour lui. Chez Pôle Emploi, il ne se sent pas vraiment accompagné. Il
a du mal à comprendre la posture de sa conseillère.
« L’ANPE ça m’a servi à rien du tout. J’ai vu ma conseillère d’orientation [conseillère de Pôle Emploi]. (…)
C’est pas comme la Mission Locale, [la conseillère Pôle Emploi] donne des directions et c’est à toi de trouver
[une formation, un métier]. A la Mission Locale on cherchait ensemble (…) ». (1er entretien)
Atal utilise le terme « conseiller d’orientation », parce qu’il attend qu’on l’aide à trouver une
orientation, une formation pour faire un métier qui puisse lui plaire et sortir de l’intérim. Il
attend des rendez-vous une construction conjointe de l’orientation, une sorte de «
brainstorming » avec la conseillère. Il n’attend pas des offres d’emploi. Celles qu’il a
reçues lui paraissent peu adaptées à son profil. Il attend des offres d’emploi de son agence
d’intérim, mais pas de Pôle Emploi.
Cette attente par rapport à l’orientation sur des formations n’est pas satisfaite. Atal se retrouve
à choisir « comme ça » une formation, alors qu’il aurait voulu y réfléchir, en discuter avec sa
conseillère. Mais il sent qu’il doit en amont savoir ce qu’il veut faire quand il va aux rendez-vous.
Il se sent seul dans ses choix. Il choisit une formation parce qu’il se sent contraint de
trouver quelque chose, à défaut de missions d’intérim. Il aurait aimé que ça se passe
autrement.
« Elle me demande tu travailles ? Je dis non. Elle me demande qu’est-ce que tu as envie de faire ? Je dis,
une formation, mais je sais qu’il y’a pas dans le dessin. Elle me dit oui, il y’a pas. Donc je lui dis, dites-moi
ce que tu aurais à me proposer. Elle me dit non, c’est pas comme ça que ça se passe. Dis-moi ce que tu as
envie de faire. Je dis, pourquoi pas dans la vente. Mais voilà, elle m’a un peu forcé, c’était il fallait
pas que je sorte de là sans qu’elle sache ce que je veux. Elle prend pas le temps de te conseiller :
là elle dit ok d’accord, je t’inscris, t’as un test d’évaluation pour voir si tu as le niveau ou pas… J’ai dit vente
mais un peu pour qu’elle me laisse tranquille. (…) J’aurais aimé qu’elle prenne le temps de regarder avec
moi une formation. C’est pas le cas. (…) ça fait quatre mois que je travaille pas… motivé c’est autre chose,
mais prêt, j’ai besoin de quelque chose. Les Assédic ça va pas tarder à s’arrêter ». (3e entretien)
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
107
Finalement, Atal ne s’interroge sur son avenir que lorsqu’il n’est pas en intérim et que
les Assédic vont s’arrêter. Il repousse ainsi la construction de son projet dans le
dessin, il le relègue aux périodes où il est au chômage. En même temps, il aborde peu le
projet de dessinateur avec sa conseillère Pôle Emploi.
Atal n’est pas vraiment motivé par la formation dans la vente qu’il envisage
actuellement dans le cadre de son accompagnement. Mais il suit cette piste parce qu’il
a un besoin financier, il doit trouver quelque chose avant la fin de ses Assédic. Il va chez Pôle
Emploi pour qu’on l’aide à trouver un emploi ou une formation rapidement.
Son souhait de devenir dessinateur professionnel est difficile à concrétiser et il ne compte pas
particulièrement sur l’accompagnement pour l’aider. Dans l’accompagnement Pôle Emploi il se
heurte à une temporalité trop rapide : il sent qu’il faut avoir décidé maintenant alors qu’il
voudrait prendre le temps pour aller vers ce projet progressivement, pour le construire.
Finalement, il associe assez peu ses accompagnateurs à la réflexion sur son projet. Il
sent que sa réalisation dépend entièrement de lui-même, et qu’entre temps sa conseillère
Pôle Emploi pourra peut-être l’aider à trouver du travail temporaire.
« Je dessine toujours à côté. Je me forme moi-même, j’essaie de me débrouiller tout seul. » (1er entretien)
Le regard de l’accompagnateur
La conseillère Pôle Emploi considère que Atal doit être ramené vers du concret. Le fait d’être
trop enthousiaste et d’évoquer des projets ambitieux (se former pour faire de la BD, créer une
entreprise) est en décalage par rapport à ce que la conseillère veut produire dans
l’accompagnement. Elle veut le placer en emploi rapidement.
« Il a beaucoup d’imagination, il est très vif et très impulsif. Maintenant il est un peu plus posé. On est parti
sur la vente, sur des EMT. Moi je lui ai dit de faire des enquêtes métier, fin 2011, mais c’était pas la bonne
période, avec les fêtes et les soldes… ça devrait se mettre en place après les soldes ».
Ainsi, la conseillère considère qu’elle est là pour accompagner Atal dans des projets
faisables toute de suite, et non pas sur le long terme. Le projet de formation dans le
dessin reste trop peu construit pour qu’Atal puisse se lancer. (« Il voulait avoir un diplôme dans la
BD. Il a fait les démarches auprès d’une école à Lyon, mais le lieu et les conditions d’admissibilité ne lui
convenaient pas. Il y a des books à faire, il n’en est pas encore à ce stade-là ».) Aux yeux de la
conseillère, ce n’est pas son rôle de l’aider à mûrir ce projet, mais de l’amener rapidement vers
l’emploi.
L’accompagnement s’arrête là où le travail commence, même s’il n’est pas durable et
qu’il ne correspond pas à ce que le jeune voudrait faire à l’avenir. « S’il retrouve de l’intérim, on
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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repousse, je ne vais pas l’empêcher de travailler. Pendant qu’il est en intérim je ne le vois pas. (…) L’intérim
est prioritaire, donc on essaie de jongler ».
Finalement, les périodes de chômage ne sont jamais adaptées pour réfléchir à un projet sur le
long terme avec Atal : soit elles sont trop courtes, et le retour à l’intérim implique la fin de
l’accompagnement, soit elles sont trop longues, et la contrainte financière demande de trouver
un travail dans l’urgence.
La conseillère Pôle Emploi estime que son rôle est marginal dans ce type de profil. Elle cherche à
placer Atal rapidement, mais souvent lui-même trouve une mission de son côté. La conseillère
décrit Atal comme quelqu’un d’intelligent et de vif. Il s’agit d’un jeune qu’elle ne doit pas
« porter », puisqu’il « se débrouille » de son côté. Elle
ne se voit accompagner Atal
autrement qu’en momentané.
« Je ne me fais pas trop de souci pour lui, il cherche à s’en sortir par tous les moyens, il n’est pas assis
attendant que ça lui tombe dans le bec, quoi. Pour lui c’est un avantage d’être jeune et dynamique ».
Les questions qui se posent en termes d’accompagnement
L’accompagnement des jeunes en intérim. Quel rôle se donnent les pouvoirs publics dans
l’accompagnement de ces profils ? Est-ce que le fait d’être en emploi exclut toute possibilité
d’accompagnement ? Quelle place donner à cet accompagnement, à quels moments ? Comment
l’adapter à la situation spécifique des intérimaires ?
L’accompagnement à la définition d’un projet professionnel. Atal voudrait se lancer dans
le dessin mais il a peur de se risquer. Il n’a pas de projet alternatif. Il voudrait trouver un métier
qui lui plaise et se former, mais il ne sait pas comment s’y prendre. Comment accompagner des
projets « ambitieux » qui restent difficiles à concrétiser ? Comment les construire dans un cadre
qui reste précaire et un besoin de travail immédiat ?
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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Sami, 21 ans
A arrêté l’école en juin 2010, après avoir raté un BAC STG Comptabilité
Nous avons rencontré Sami à deux reprises :
Premier entretien le 13 avril 2011
Deuxième entretien le 19 décembre 2011
Entretien avec l’animateur d’une structure de quartier le 6 septembre 2011
Le
parcours
de
Sami
avant
notre
rencontre
Sami est fils de parents marocains. Son père est
ouvrier plaquiste et sa mère a toujours été au foyer
(« comme toutes au bled »). Il a 2 frères aînés, une
sœur jumelle et une sœur cadette.
Les éléments clés du parcours
2001 – 2008 : ALJ
Juin 2008 : Obtention du BEP vente
Juin 2010 : Non obtention du Bac
Fin 2010 : Inscription à l’ANPE et à
la Mission Locale
2010 : Obtention du permis
Mai à décembre 2011 : Formation
AFPA plâtrier plaquiste
En entretien, Sami a un discours extrêmement élaboré, sur la discrimination, les quartiers où
« tous » sont des enfants d’immigrés, les orientations non voulues,… Il est intelligent et sent
qu’il mérite mieux que ce qu’il a aujourd’hui. Mais il sent qu’il a moins d’opportunités
parce qu’il est né dans un quartier, parce qu’il est fils d’immigrés,…
« Je voulais faire une générale. Après j’étais au BEP où il n’y avait que des gars comme moi, de cité, des
Mamadou, des Rachid… Si j’étais allé dans une générale j’aurais connu des Bertrand, des François… » (1er
entretien).
Sami obtient un BEP Vente en 2008. Pour lui, ce n’est pas vraiment un diplôme : le
« vrai » diplôme c’est le Bac. Il intègre une 1e d’adaptation STG (sciences et technologies de
gestion), et fait les deux années jusqu’au Bac. Il a des bonnes notes, et il a une aisance
intellectuelle qui fait qu’il ne se soucie pas vraiment d’aller en cours. Il fait souvent l’école
buissonnière. En 2010 il rate son Bac, un échec qui le marque. Sami est le seul de ses
frères et sœurs à ne pas avoir eu le Bac.
« Je voulais arrêter, me mettre au boulot. Aujourd’hui je regrette un peu. Je me dis que j’aurais dû avoir ce
Bac. » (1er entretien)
Après la fin de l’école (septembre 2008), Sami s’inscrit à l’ANPE et cherche du travail dans les
magasins, tout en ayant un sentiment de déclassement (puisque le BEP n’est pas un diplôme
pour lui). Il se compare à sa sœur jumelle, qui a fait une filière générale et qui poursuit
actuellement ses études (en BTS). Maintenant, il veut se valoriser à travers le travail : il veut se
sentir adulte, gagner sa vie.
Après avoir eu beaucoup de réponses négatives il arrête de chercher dans la vente, il est
démotivé (« Après le Bac, je suis allé à l’ANPE, j’avais toujours des réponses négatives et puis…
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
110
j’ai arrêté, ça me soûle »). Il s’inscrit également à la Mission Locale. Sa mère lui dit de
s’inscrire au permis et lui donne l’argent pour le faire. Il est très fier de dire qu’il a été le
premier de ses frères à l’avoir obtenu.
« Le permis c’est la mère, elle m’a dit d’aller m’inscrire, ils m’ont donné l’argent. Je l’ai eu en trois mois. Mon
deuxième frère était déjà au code. Il y a un truc duquel je suis fier : de tous j’ai eu mon permis le premier.
Eux ils ont tous le Bac » (1er entretien).
Le rôle des structures d’accompagnement à la recherche d’emploi n’est pas
central :
Sami
s’appuie
plutôt
sur
des
animateurs du quartier
Les dates clés de l’accompagnement
Sami s’inscrit à Pôle Emploi à la fin de l’école, mais il
décroche après quelques mois. Il sent que « ça ne
sert à rien », parce qu’il ne trouve pas de travail. A
la Mission Locale, il ne va pas toujours aux rendezvous. Dans les entretiens, il évoque rarement
cet accompagnement.
2001
–
2008 :
Participation
régulière
aux
activités
de
l’association de loisirs
Fin 2010 : Inscription à l’ANPE et à
la Mission Locale
Début 2011 : Signature du CIVIS
Mai à décembre 2011 : Formation
AFPA plâtrier - plaquiste
Il s’inscrit à la Mission Locale en septembre 2010, en même temps que son ami Khalid, qui a le
même parcours que lui. Il « découvre » alors la Mission Locale, qui est à côté de chez lui (« la
Mission Locale je connaissais pas du tout, pourtant je passe à côté tous les jours »). Au début il
sent que la Mission Locale ne l’accompagne pas « bien », parce qu’on ne lui propose pas les
mêmes choses qu’à Khalid :
« J’y allais une fois par mois. Des fois j’avais des rendez-vous, des fois je loupais mes rendez-vous, j’avais la
flemme. A chaque fois que j’y allais j’avançais pas comme je voulais, elle m’a pas suivi comme il fallait.
Khalid est en CIVIS, il a une carte de bus par la Mission Locale, il a fait un taf d’urgence. Moi on ne me l’a
jamais demandé, on m’en a jamais parlé ». (1er entretien)
La place de l’association de loisirs du quartier est en revanche centrale. Pour Sami c’est
cette association qui l’a fait « sortir du quartier » quand il était plus jeune, partir en voyage,
faire « autre chose ». Il relie ses moments « heureux » à l’association. Il conserve un lien très
fort avec l’un des animateurs. L’animateur le « perd de vue » vers 17 ans, lorsqu’il ne se sent
plus en âge de participer aux activités de la structure. Il reprend contact avec Sami à la fin de
l’année 2010, alors qu’il était « très mal » («On a eu des entretiens pour mon enquête. On a
discuté, où est-ce que vous en êtes… (…)Là, Sami il était très mal»).
Si le projet de formation de Sami n’émerge pas dans le cadre des échanges réguliers
avec l’animateur, ces dernières lui redonnent confiance en lui. Ces échanges sont
structurants dans la vie de Sami : il se sent écouté et valorisé. C’est alors qu’il décide de se
reprendre en main, de chercher une formation, de « faire quelque chose ».
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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Ce qui s’est passé pendant cette année
2011 est l’année de la construction d’un projet professionnel. Sami se sent adulte et
veut avoir un métier. Il se dit qu’il ne peut plus continuer à « traîner », à ne rien faire.
Entre mai et décembre Sami suit une formation de plâtrier plaquiste à l’AFPA. Pour lui, il s’agit
d’un métier digne qui lui permettra de vivre, car c’est le métier de son père. Il ne veut pas
« faire de l’argent facile » (« C’est mieux que d’essayer d’avoir de l’argent facile »). Il
considère que ce métier a permis a son père d’acquérir une reconnaissance, un rôle
social. Et il veut être « reconnu » lui aussi, comme son père.
« Moi je me dis que si j’ai ma formation [de plaquiste] j’aurai un diplôme, je saurai faire quelque chose de
mes mains. C’est mieux d’apprendre un métier. Tout le monde dit que ce métier a de l’avenir. [Mon père] a
beaucoup de médailles d’honneur du travail, il était reconnu. C’est ce que j’ai envie de faire. Quand tu es
reconnu tu as du travail (…) ». (1er entretien)
Mais Sami n’est pas fier de faire cette formation (« [mon père] n’est pas venu en France pour
que je finisse comme lui, mais j’en ai marre de galérer »). Il se sent déclassé : il finit ouvrier
alors qu’il sent qu’il aurait pu faire mieux. Il se compare à ses collègues en formation, et il se
sent en décalage. Les autres personnes sont pour lui des « cassoce », ils ne sont pas allés à
l’école,… Cette formation est une alternative qui ne correspond pas à ce qu’il voudrait
pour lui, à l’image qu’il a de lui-même.
« Quand t'es en filière STG, chercher dans la maçonnerie... j'avais l'impression qu'il y avait que des cassoce'
dans ma formation. Même dans le quartier ça m'était jamais arrivé, même dans le quartier les gens ils
savent parler, ils savent écrire, tu vois ce que je veux dire ?... Je suis pas quelqu'un de manuel, je peux te
dire que j'en ai pris cher ». (2e entretien)
Finalement, après la fin de la formation, il ne se sent pas plus avancé dans ses projets
qu’au début. Il avait choisi la formation en connaissance de cause : il savait à quoi s’attendre,
puisqu’il connaissait le métier par son père, mais il voulait travailler, acquérir un métier pour
être autonome. Cependant le sentiment de déclassement reste très fort. Son père n’avait pas
fait d’études : lui est allé jusqu’à la terminale. Sami ne se voit pas être ouvrier plaquiste.
« Mais je vais me reposer quoi, tout en cherchant du travail, en plus le sale temps il arrive, c'est pas trop
top pour le bâtiment. (…) Je vais essayer de trouver un petit job en attendant, qui soit pas dans le bâtiment.
Je sais pas, dans la vente, là c'est les fêtes, après c'est les soldes, donc peut-être que je pourrai trouver un
job ». (2e entretien)
Sami ne compte pas en priorité sur l’accompagnement de la Mission Locale pour construire son
parcours à long terme. Les stages ne débouchent jamais sur un emploi, les formations il peut les
trouver par lui-même (il dit avoir trouvé tout seul sa formation de plaquiste, en allant se
renseigner à Pôle Emploi). Mais il n’arrive pas à se projeter et ne sait pas ce qu’il pourrait faire
dans l’avenir.
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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« Je connais un collègue c'était comme ça, tu fais le stage, ils te disent tu travailles bien, on va te prendre et
à la fin bye bye ! Déjà ils nous utilisent, en plus ils nous font rêver : ils te disent tu fais du bon boulot, on va
te prendre et après ils te prennent pas ». (2e entretien)
Le regard de l’accompagnateur
L’animateur voit en Sami un jeune trop sûr de ses capacités, qui se retrouve sans diplôme
(même s’il a un BEP) non pas à cause d’un échec scolaire, mais plutôt d’un manque de discipline
dans le travail.
« Sami a une grande facilité d’apprendre qui lui joue des tours : il bosse pas parce qu’il sait qu’il va passer,
qu’il va avoir la moyenne. Il est allé jusqu’en terminale mais il n’allait pas en cours ».
Sami est d’autant plus frustré par le fait d’avoir raté le Bac que ses autres frères l’ont
tous obtenu, et qu’ils poursuivent les études. Le modèle familial est ici central : dans sa
famille, un BEP n’est pas un diplôme, puisque l’ensemble des frères et sœurs ont le Bac.
« Sami, le problème c’est que sa fratrie est en réussite. Ils sont tous en réussite. Il avait l’impression d’être
le point noir de sa famille, il avait un dégoût de soi ».
Le rôle de l’animateur est difficile à définir une fois que les jeunes se sentent trop
grands pour l’association de loisirs. Dès 16-17 ans ils perdent de vue les jeunes. Ils sont
trop vieux pour cela et en même temps ils n’ont pas encore intégré le monde adulte.
« A un moment on les a perdus. A 17 ans on ne peut plus les accueillir, leur proposer des choses. On a
perdu le contact avec eux. Il y avait pas cette réflexion sur que deviennent ces gens, même à l’échelle du
quartier ».
Les jeunes peuvent vivre des périodes de fort isolement (c’est le cas de Sami), où ils « ne font
rien » et où l’image d’eux-mêmes se dégrade. La frustration dans le cas de Sami est difficile à
gérer parce qu’il sent qu’il aurait pu faire mieux, que ce qu’il fait maintenant ne correspond pas
à ce qu’il aurait pu faire. Cela pose la question de l’accompagnement de ces jeunes qui
ont des ressources importantes (fratrie en réussite, des jeunes intelligents) qui se
retrouvent sans diplôme et qui restent en retrait par rapport à l’accompagnement.
Les questions qui se posent en termes d’accompagnement
Le lien entre les associations de loisirs et l’accompagnement de la Mission Locale. La
sortie de l’enfance et la difficulté à rentrer dans le monde des adultes est le moment où les
jeunes s’éloignent de leurs interlocuteurs habituels (club de sport, centre de loisirs). Le lien
gagnerait à être renforcé entre les différents intervenants dans le quartier pour mieux suivre les
situations connues et les moments de rupture.
L’accompagnement de jeunes qui se sentent déclassés. Comme pour le cas d’Atal, le cas
de Sami pose la question de jeunes ambitieux, ayant des ressources importantes, qui se sentent
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
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à l’étroit dans les possibilités qui leur sont proposées parce qu’ils n’ont pas de diplôme. Quel
type d’accompagnement pourrait être plus adapté à ces cas ? Comment les accompagner dans
la construction d’un projet professionnel tout en gérant une attente d’insertion rapide, une envie
de travailler tout de suite ?
Après l’école quand on n’a pas de diplôme – Etude à Limoges - Mars 2012
114
Asdo Études – 115 rue Lamarck - 75 018 PARIS
Téléphone : 01 53 06 87 90 -
Fax : 01 53 11 02 69
Étude réalisée par Loïcka Forzy ([email protected]) ;
Véronique
Micout
([email protected])
Gonzalez ([email protected])
;
et
Ana

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