Les espions au telephone

Transcription

Les espions au telephone
On .a pris des habitudes depuis
1958. Le Code des P. et T., qui
reconnaît le caractère inviolable des
correspondances écrites et téléphonées, n'était pas respecté sous la
IV' République. Mais il faut recon, naître que la V' a battu quelques
records. En effet, seul un juge d'instruction peut, dans l'intérêt de la justice, autoriser certaines écoutes téléphoniques. Or, le juge Zollinger, qui
n'a délivré aucune autorisation de ce
genre, est le premier écouté...
Des précisions
Les plus intéressés par cet espionnage téléphonique semblent être les
fonctionnaires du S.D.E.C.E. Pour la
première fois, un juge ose convoquer
leur directeur, le général Jacquier,
55 ans et gaulliste, ainsi que le
commandant Finville, né Marcel Le
Roy, chef du service n° 7, le service
de Lopez. Les deux officiers ont été
reçus séparément Le commandant
Finville a donné d'intéressantes précisions sur les responsabilités de son
service. Le 17 mais 1965, Antoine
Lopez lui transmet un premier rapport : il vient de rencontrer le général Oufkir au Maroc qui lui a parlé
d'un projet d'enlèvement de Ben
Barka. Le 29 septembre, second rapport d'après Finville. Lopez est plus
précis : le commandant Dlimi, chef
de la Sûreté marocaine, est chargé
de l'affaire. Le rapport de Lopez cite
les noms de Chtouki, Figon, Bernier
et celui du député gaulliste Lemarchand, ainsi que le projet de film anticolonialiste qui intéresse Ben Barka.
Le 12 octobre enfin, nouveau rapport de Lopez, dix-sept jours avant le jour « J ».
RANÇOIS MITTERRAND ET GEORGES BRDTELLE
Une réponse brutale de Guy Mollet
-
Une fois de plus, comme il l'avait
fait au: Conseil national du 30 octobre, le maire de Marseille va dire tout
ce qu'il a sur le coeur et réclamer à
nouveau ce congrès extraOrdinaire
qui lui a été, promis pour vider sa
querelle avec Guy Mollet. Mais une
fois' de plus, Gaston Defferre est à
contre-courant Les résultats obtenus
par François Mitterrand contredisent son analyse «qui est au fond la
même que celle qu'il faisait avant
l'échec de sa « grande fédération
De plus, et c'est le point le plus faible
dé son raisonnement, il ne dit pas
comment ce qui s'est révélé impossible il y a six mois, serait aujourd'hui
réalisable alors que l'un des principaux responsables de l'échec de juin
dernier,, Jean Lecanuet, a désormais
ses propres perspectives.
- La réponse de Guy Mollet est donc
relativement facile. Elle est brutale :
1e débat est sans objet, il est inutile
de convoquer un congrès extraordinaire *qui ne pourrait qu'approuver
ce qui a été fait depuis que le parti
s'est engagé derrière la candidature
de François Mitterrand.
Les démission,' s
" Les tri:els quarts des membres du
Comité directeur se rangent à cet
avis. Quelques-uns des minoritaires
demandent cependant la parole. Ce
n'est pas tellement pour se solidariser avec Gaston Defferre, dont certains ne partagent plus l'analyse, que
pour tenter de dissiper le malaise qui
pèse depuis des, années sur la vie du'
parti. A ces minoritaires, il né reste
qu'une seule arme': démissionner,
non pas du comité directeur au sein
duquel ils entendent continuer à
exprimer leur opon, mais des responsabilités particulières qu'ils occupent : Georges Brutelle, du secrétariat général adjoint, Gérard Jaquet,
de la direction du « Populaire »,
Albert Gazier, Leenhaidt, Pineau,
Jaquet et Defferre lui-même, du
bureau du parti, ainsi abandonné
entièrement aux « mollettistes ».
C'est plus contre « la gestion tyrannique » de Guy Mollet que contre son
analyse politique que lès minoritaires
entendent protester. Ces démissions.
sont donc un problème interne à la
,
-
•
Page 8 29 décembre 1965
S.F.I.O. et ne constituent pas un
handicap pour le développement de la
Fédération démocrate socialiste au
sein de laquelle la plupart des intéressés — ils l'ont fait savoir à François Mitterrand — entendent militer
très activement dans le proche avenir.
La Fédération conserve donc toutes
ses chances de constituer à brève
échéance une force au moins égale
— en poids électoral --- à celle
que représente le parti communiste
et donc capable d'entamer avec celuici, le jour venu, un dialogue utile.
Deux faits nouveaux viennent
accroître ces chances. Le premier
consiste dans l'adhésion probable des
clubs n'appartenant pas à la Convention des institutions républicaines et
qui étaient demeurés jusqu'ici réticents à tout voisinage avec les partis
traditionnels. En leur nom, Alain
Savary vient d'adresser un message
à la Fédération annonçant pour le
15 janvier une réponse globale de
l'ensemble de ces clubs, dont la place
a, de toute manière, été réservée au
comité exécutif.
Le second fait est que les radicaux
de la tendance Maurice Faure, qui
ont fait campagne pour M. Lecanuet,
doivent admettre, chiffres en main,
que l'électorat radical a davantage
suivi François Mitterrand que l'exprésident du M.R.P. Réaliste, Maurice Faure lui-même semble remettre
en question, tout au moins dans l'immédiat, sa participation au « parti
démocrate » que s'apprête à lancer
M. Lecanuet. Il a, en tout cas, accepté
d'être réélu à la présidence du groupe
parlementaire du Rassemblement
démocratique, après que François
Mitterrand eut clairement indiqué
qu'il considérerait ces fonctions
comme incompatibles avec l'adhésion
à la nouvelle formation centriste.
Avant que commence la « trêve
des confiseurs », quelques leçons ont
donc déjà été tirées de ce qui s'est
passé au cours des dernières semaines.
Les hommes politiques qui, du côté
de l'opposition, ont dominé l'actualité
politique depuis septembre se sont
dispersés à travers la France pour
prendre quelques jours de repos mais
ils seront de nouveau à pied d'oeuvre
avant le 10 janvier.
CLAUDE ESTIER
1
Police
I
-
Les espions
au
telephone
-
Tout le monde
écoute
et personne n'entend
L
espionnage a sa poésie parce
que les méchants sont toujours « les autres ». Ainsi Antoine Lopez n'est pas un espion pour
ses chefs du S.D.E.C.E., mais un
« honorable correspondant d'infrastructure ». Mais aujourd'hui, dans
l'affaire Ben Barka, on n'espionne
plus, on viole. Le téléphone du juge
Zollinger, celui des avocats et de
certains des journalistes qui suivent
l'affaire sont branchés, dit-on, sur les
tables d'écoute. Une écoute politique où les auditeurs sont nombreux
et rivaux : D.S.T. et Renseignements généraux pour Roger Frey,
S.D.E.C.E. pour Pompidou et services parallèles de Jacques Foccard
pour l'Elysée.
'
-
...imeaumn
A sa décharge, Finville dit avoir
donné à Lopez l'ordre de rompre les contacts avec les Marocains comme avec Figon. Mais il est
bien contraint de reconnaître que
Lopez a téléphoné à son domicile le
jour et le surlendemain du rapt Les
contacts Finville-Lopez n'ont d'ailleurs cessé que le mardi 2 novembre,
quatre jours après l'enlèvement. Finville rencontre topez a midi et à
21 heures. « Il m'a juré n'être pour.
rien dans l'enlèvement de Ben
Barka », dit Finville.
Pourtant, le lendemain mercredi,
Lopez se présente « spontanément »
au Quai des Orfèvres. Alors, posons
quelques questions. Finville n'aurait-il
pas conseillé à Lopez de se rendre
au Quai des 0db:ires et de couvrir le
« service », qui lui revaudrait ça ? En
essayant de le faire sortir avant la fin
des quarante-huit heures de garde à
vue, par exemple ? Une démarche en
ce sens n'aurait pas abouti.
Mais il y a plus grave. Admettons
que le chef du service n° 7 du
ACTUALITÉ DE LA RÉVOLUTION 1
PAR
GEORG LUKACS
E.D.I. Paris
29, rue Descartes (59
1 vol. 132 p. : 5,90 F
C.C.P. 1846271
PREMIÈRE ÉDITION FRANÇAISE n111181n1011nIrs