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Fiche
d’expérience
Juin 2010
Pôle ressources
Délégation à la Politique de la Ville et à l’Intégration
Lutter contre les discriminations à Paris
U n p l a n d ’ a c t i o n s l o c a l e s d a n s l e 1 9 è m e a r r o n d i s s e m e n t (quartier Flandre et Danube)
Mobiliser les élus, les services et les partenaires du monde économique et associatif
Contexte
Historique
Objectif
Partenariat
Projet
Résultats
Les chiffres
Selon la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), l’origine est le premier critère de discrimination (29% des plaintes reçues en 2008).
Le principal domaine de discrimination concerne l’emploi (50% des réclamations), loin derrière
le logement (7%) et l’éducation (5%).
Paris compte 20% de Parisiens étrangers et immigrés, soit un peu plus de 436 000 personnes
nées à l'étranger (RP 2006, Insee). Le 19ème arrondissement 27%. Parmi cette population,
deux tiers sont ressortissants de pays hors Union Européenne et
un tiers a acquis la nationalité française.
Taux de chômage comparé à Paris
La population immigrée est surreprésentée dans les quartiers de
la politique de la ville de Paris puisqu'elle représente 29.4% de la
population.
Le taux de chômage des étrangers ou immigrés en provenance
du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne est plus de deux fois
plus élevé que celui des Parisiens, Français de naissance (RP
1999, Insee).
Le chômage touche en particulier les plus jeunes.
Sous les chiffres
La réalité de la discrimination à l'embauche et dans l'emploi est occultée dans les statistiques
nationales reposant uniquement sur la nationalité à la naissance. Celles-ci ne prennent pas en
compte les discriminations pesant sur les personnes françaises depuis une ou plusieurs générations, mais dont le nom et le prénom indique des origines étrangères. Des études ponctuelles existent cependant. Ainsi, un Parisien avec un nom et prénom à consonance maghrébine
aura cinq fois moins de chance qu'un autre Parisien, au nom français d'obtenir une convocation à un entretien après l'envoi d'un CV similaire (testing réalisé par l'observatoire des discriminations en avril et mai 2004). L'écart de probabilité dans l'accès à l'emploi entre les jeunes
d'origine française et ceux d'origine maghrébine oscille entre 15 et 18 points.
Les discriminations selon l’origine se cumulent souvent à d’autres, celles notamment liées à
l’âge et au sexe. Pour lutter contre ces inégalités, la Ville de Paris s’engage dans le développement de plans territoriaux dans les quartiers de la politique de la ville. C’est dans le 19°
arrondissement qu’a été mise en oeuvre le premier plan territorial de lutte contre les discriminations de la capitale.
Les moyens juridiques de lutte : évolution
La discrimination est interdite par la loi (article 1134-1
du code du travail et 225-1
du code pénal.
En France, la question des discriminations a longtemps été régie
par la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit". Sur ce fondement, le législateur a voté des textes prévoyant des sanctions pénales pour actes de racisme et/ou de discriminations (1972). Mais les
victimes rencontraient de grandes difficultés pour apporter la preuve
de la discrimination et de son intentionnalité. Les phénomènes de
discriminations en raison de l'origine ont continué à se développer.
La discrimination est une
inégalité de traitement
La réflexion a progressé grâce au combat des organisations syndicales et des associations pour l’égalité, mais aussi par le constat de
la part des juristes et des sociologues que les moyens d'actions
étaient inopérants. L'Union Européenne organise, en 1997, une
année européenne contre le racisme. Dans ce cadre, elle rédige
plusieurs projets de directives plus pragmatiques sur le plan juridique.
fondée sur des critères illégaux.
Pratiquer une discrimination, c’est
refuser l’accès à un emploi, un
stage, un logement, une formation,
une boite de nuit, etc. à une personne ou un groupe de personnes
en fonction d’un ou plusieurs critères interdits (Loi du 16 novembre
2001).
Les critères prohibés par la loi :
Le sexe, le patronyme, l’origine, l’apparence physique, l’orientation
sexuelle, les moeurs, la situation de
famille, l’état de grossesse, la religion, la conviction politique, les activités syndicales, l’état de santé, le
handicap, l’âge, les caractéristiques
génétiques, l’appartenance ou non
appartenance vraie ou supposée à
une ethnie, une nation, une race.
Les domaines d’intervention
des discriminations :
L’emploi, le logement, l’accès aux
biens et aux services.
En France, en mai 1999, Martine AUBRY, alors Ministre du travail et
de la solidarité, organise une table ronde pour obtenir des engagements de la part des partenaires sociaux sur la base du “rapport
BELLORGEY”. Parmi les propositions : la création du Groupe d'études et de lutte contre les discriminations (GELD) ayant une mission
d'observatoire de lutte contre les discriminations raciales.
En 2001, le FAS (Fonds d'action sociale pour les immigrés et leurs
familles) est transformé en FASILD (Fonds d'action et de soutien
pour l'intégration et la lutte contre les discriminations).
Au plan européen, en 2000, l'Union Européenne prend deux directives sur la base juridique du traité d'Amsterdam. L'une concerne la
notion de discrimination directe et indirecte fondé sur la religion ou
les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. Elle
concerne l'emploi et le travail. La seconde traite du principe d'égalité de traitement sans distinction de race ou d'origine ethnique. Elle
concerne l'emploi, le logement, la formation professionnelle, etc.
Ces directives ont fait l'objet d'introductions en droit français par la
loi de novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations,
qui modifie notamment le code du travail. Et par la loi de janvier
2002 concernant la modernisation sociale.
En décembre 2004, le GELD est remplacé par la HALDE (Haute
autorité de lutte contre les discriminations). Cette dernière est dotée
de moyens plus importants. Elle intervient sur toutes les discriminations, quelles soient liées à l'origine, au sexe, au handicap, à l'âge,
etc. Elle instruit des dossiers qui peuvent être transmis au parquet.
Elle rend des avis et soutient des initiatives de promotion de l'égalité. Elle organise des testings.
En 2006 le FASILD disparaît pour laisser la place à l'Acsé (Agence
nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances). Si le
FASILD était marqué par son histoire, celui d'agir pour l'intégration
des immigrés non communautaires, l'Acsé gère les crédits consacrés à la politique de la ville ainsi que ceux de la lutte contre toutes
les discriminations.
GELD
Aborder la question par les territoires de la politique de la ville
Les plans territoriaux de lutte contre les discriminations sur le marché du travail
Les plans territoriaux de lutte contre les discriminations sur le marché du travail constituent un
dispositif national. L'objectif est de détecter et réduire les discriminations auxquelles sont exposés les habitants des quartiers prioritaires. Ils sont élaborés par les collectivités territoriales et
s'inscrivent dans les contrats urbains de cohésion sociale. Les actions financées peuvent prendre plusieurs formes : réalisation d’un diagnostic, mise en place de formations, outils de communication, mobilisation des réseaux d'employeurs.
Le plan du XIX°
Du séminaire emploi sur l’insertion des jeunes en 2003 à l’élaboration du plan en 2007
En 2003, l'équipe politique de la ville avait monté un séminaire sur l'insertion socioprofessionnelle des jeunes dans le cadre de la “coordination emploi”, composée d’associations, du service public de l’emploi, des services de la ville et de la mairie du 19ème. Parmi les freins qui
avaient été identifiés, la question des discriminations raciales et ethniques faisait l'objet d'un
atelier particulier auquel le Fasild participait. C’est pourquoi, lorsqu’en 2004 le Fasild a voulu
établir un diagnostic territorialisé à Paris sur la question des discriminations ethniques et raciales à l’emploi des jeunes, il a choisi le 19° arrondissement. Le Fasild émett ait un certain nombre de préconisations visant à la mise en place d’une stratégie territoriale concertée entre les
acteurs locaux. Le but : améliorer la prise en charge de la prévention des discriminations raciales.
Une prise de conscience des discriminations sur le territoire
Une formation des acteurs locaux (14 structures, une cinquantaine de personnes) par l’association de prévention du site de la Villette (APSV), de novembre 2006 à avril 2007, a constitué la première étape. Elle a été suivie avec une grande assiduité et a abouti à l’élaboration du
plan d’actions, à sa présentation officielle à la mairie du 19ème arrondissement (mai 2007) et
au recrutement, fin 2007, d’une coordinatrice du plan au sein de l’APSV.
“ Les membres de la coordination emploi étaient intéressés pour entamer ce travail mais souhaitaient un accompagnement. L’équipe politique
de la ville du 19ème a proposé de confier une mission d’ingénierie de
projet à un opérateur local. C’est l’association de prévention du site de
la Villette qui a été retenue. “
Florence Dighiero, Chef de projet, DPVI
L’APSV développe des actions ayant pour objet l’insertion de personnes rencontrant des difficultés socioéconomiques (formation professionnelle, accompagnement vers l’emploi, développement culturel...).
Elle conçoit des projets d’ingénierie sociale, d’étude et
conseil en lien avec le territoire dans les domaines de
la lutte contre les discriminations, l’accès à la culture,
la prévention et la sécurité dans les espaces publics,
et la citoyenneté.
“ La politique de la
ville doit se saisir
de cette question.
On utilise les
concepts de mixité
sociale et de mixité
ethnique, alors
que, par ailleurs,
l’on constate une
corrélation entre
les indicateurs
sociaux de la précarité et ceux liés à
la migration. A côté
des initiatives
nationales, parfois
ambigües, les collectivités ont un
rôle et doivent
apporter des
réponses plus
variées que celle
de la promotion de
la diversité..
Ghania FAHLOUN
Chargée de
Mission Lutte
contre les
DiscriminationsDroits de l'Homme,
DPVI
Le projet : Information, qualification, accompagnement
Objectifs
Identifier les discriminations sur le marché du
travail de l’arrondissement
Sensibiliser les acteurs
sociaux de l’emploi et
de l’insertion
Impliquer les acteurs
politiques et économiques
Renforcer la qualification et le partenariat
institutionnel
Informer le grand public
Apporter des pistes
concrètes et des réponses juridiques aux victimes
Mettre les pratiques
professionnelles en
conformité avec la loi
En direction des intermédiaires de l’emploi :
* Rédaction d’un “référentiel qualité”
Les intermédiaires de l’emploi (mission locale, pôle emploi,..) et les acteurs de l’accompagnement social (centres sociaux, associations, équipes d’insertion,..) se sont qualifiés. Ils se sont
engagés sur des principes visant à lutter contre les discriminations à l’intérieur même de leurs
structures, ainsi que dans l’accompagnement de leurs publics auprès des employeurs et des
organismes de formation. Ils ont signé un cadre de référence (le référentiel qualité) déterminant des exigences et des objectifs à atteindre.
* Création d’outils communs
Sont ainsi passés au peigne fin pour chaque structure la manière de recruter, l’accès à la formation des salariés, la gestion des carrières, l’accueil du public.
Exemple de transformation d’une pratique :
L’analyse d’une fiche de poste pour l’accueil de l’une des structures révèle une attitude discriminante sur l’âge des candidats. La correction étant faite, une hôtesse de
50 ans est finalement recrutée.
En direction des entreprises publiques et privées
* Des ateliers de réflexion (3 jours de formation) pour les DRH des grands groupes et entreprises de l’arrondissement
Objectif : Faciliter la prise de conscience des attitudes discriminantes dans la gestion du personnel.
Exemples d’entreprises inscrites aux ateliers :
Monoprix, Pierre et Vacances, l’UCPA, l’hôpital Robert Debré, la caisse des écoles, le
CNAV, le 104.
* Un accompagnement personnalisé (diagnostic, qualification, modification des pratiques)
“ Les acteurs politiques, économiques,
associatifs et institutionnels se sont
mobilisés. Tout le
territoire a été mis à
contribution.”
Stéphanie Baux
Coordinatrice du
plan de lutte, APSV
En direction du public
* L’accompagnement juridique sur le territoire
Offrir une réponse juridique sur le territoire : informations sur les points d’accès aux droits.
Permanence de la Halde à partir de septembre 2009.
* La bourse aux stages
Un site internet a été créé : www.paris19contrelesdiscriminations.fr
Il abrite une bourse aux stages destinée à faciliter les recherches des élèves de 3ème et des
lycées professionnels du 19ème arrondissement. Il offre des informations sur les discriminations et sur l’actualité du Plan d’action.
* La semaine de l’égalité : un succès local
Du 1er au 6 décembre 2008, s’est déroulée une semaine de l’égalité initiée par le Conseil
régional d’Ile-de-France. Cet événement, renouvelé chaque année, consistait à donner de la
visibilité aux actions menées et à sensibiliser un large public aux questions de la discrimination : affichage chez les commerçants, dans les bibliothèques et les associations, expositions,
projections de films, séances de jeux, débats sur une radio locale et dans des centres sociaux
et culturels, théâtre forum, etc.
Résultats :
Une grande mobilisation, une transformation des pratiques
Une vingtaine de structures, qui emploient plus de 500 salariés et accompagnent autour de
30 000 personnes dans leur parcours d’insertion sociale et professionnelle, se sont engagées.
Des TPE/PME et des grandes entreprises du quartier ont été informées et se sont investies.
Le grand public a été touché, notamment grâce à l’organisation chaque année d’une semaine
contre les discriminations qui offre aux habitants du 19ème arrondissement des espaces d’informations, de témoignages et de débats (projection de films, table-rondes, spectacoles, expositions, émissions de radio micro-trottoirs).
Les conditions de réussite
Un portage politique fort
Une mobilisation des directions de la ville
Un réseau d’acteurs motivés
Un opérateur local solide
L’assurance du financement de la Ville, de l’Etat et de la Région
Un temps plein pour faire vivre le dispositif
Les limites
La discrimination : un concept complexe et difficilement saisissable
La difficulté de jongler entre les prescriptions locales et les accords d’entreprise
La complexité de l’évaluation quantitative des progrès effectués
Questions
Comment articuler la lutte contre les discriminations avec l’ensemble des thématiques du contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) ?
Comment élargir le plan à l’ensemble des discriminations possibles ?
Perspectives :
Un plan de lutte contre les discriminations dans chaque arrondissement
L’élaboration de plans locaux de lutte contre les discriminations est engagée dans les 12ème, 13ème,
18ème et 20ème arrondissements.
Les thèmes d’intervention seront choisis localement
(emploi, jeunesse, représentations,...).
La cohérence des plans locaux s’articulera autour de
3 objectifs à l’échelle de la Ville :
* L’égalité de traitement des parisiens
* L’égalité des chances des parisiens
* Le changement des représentations
“ On est sorti du
sentiment d’impuissance. Les différents
organismes du quartier se sont professionalisés. Il y a eu
une modification de
certaines pratiques,
un renforcement du
partenariat. On n’en
est qu’au début.
C’est un travail de
long terme “
Laurence Grégoire,
EDL Flandre
Contacts :
Chef de projet des Quartiers Flandre & Danube (19ème) :
6, rue du Département - 75019 Paris
01 53 26 69 00
Equipe de développement local
3bis rue de Cambrai - 75019 Paris
Tour P - Rez-de-chaussée - Code A 148
01 40 38 36 04
Mission intégration, lutte contre les discriminations et Droits de l’Homme
6, rue du Département - 75019 Paris
01 53 26 69 06
Pôle ressources : [email protected]
Association de Prévention du Site de la Villette
APSV
211 avenue Jean jaurès - 75019
01 40 03 77 75