Sidérurgie : le Maroc protègera la Sonasid encore 3

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Sidérurgie : le Maroc protègera la Sonasid encore 3
Sidérurgie : le Maroc protègera la Sonasid encore 3 ans par des
mesures anti-dumping
Publié le 12 janvier 2016, à 06h00
Le ministère du Commerce extérieur a prorogé pour 3 ans la protection commerciale contre les
importations dont bénéficie la Sonasid, premier sidérurgiste du Maroc, pour les ronds à béton et le fil
machine. Une mesure anti-dumping d'environ 50 euros par tonne diversement appréciée par les
utilisateurs de ces produits au Maroc.
Au Maroc, l'information est tombée en toute fin d'année. Les importateurs de fer à béton et de fil machine ont
jusqu’au 15 janvier 2016 pour demander une quote-part dans les importations contingentées .
Le 28 décembre 2015, le ministère de l’Industrie et du Commerce a en effet décidé de proroger pour les trois
prochaines années la mesure de protection dont bénéficie la Sonasid, premier sidérurgiste du pays et filiale à
32,4% du groupe Arcelor Mittal (encadré).
« Malgré des baisses constatées en 2014 et au premier semestres 2015, le niveau des importations de fil
machine et fer à béton reste important par rapport à la situation normale de 2011. Le risque d’augmentation
des importations est réel et imminent en raison notamment de la surcapacité des producteurs européens et
chinois », a conclu le 11 décembre une enquête du ministère.
Filiale à 32,4% d'ArcelorMittal
Coté à la bourse de Casablanca, Sonasid est détenu, depuis 2006, à 64,86% par une société commune à 50/50 entre
ArcelorMittal et un groupe d'investisseurs dominé par la SNI, holding de la famille royale du Maroc. En 2014, le groupe a réalisé
un chiffre d'affaires de 4,2 milliards de dirhams (-9%), soit 390 millions d'euros (1000 dirhams = 92 euros) et un bénéfice net de
127 millions de dirhams (+47%). En 2012, le groupe était en perte. A noter que fin 2015, Ali Kabbadg, ancien responsable de la
stratégie a remplacé à la tête du groupe son patron Ayoub Azami, nommé PDG du groupe de supermarchés Marjane, une filiale
de la SNI.
SURCAPACITE DE PRODUCTION
« La surcapacité de production ne se résorbe pas, accentuée par la forte croissance des exportations d’acier
chinois qui ont perturbé la dynamique de prix à l’international Le prix du minerai de fer a connu une baisse
historique (de 130 $/t en janvier 2014 à 50 $/t en janvier 2015) alors que la ferraille n’a connu une baisse que
très relative, cela engendrant une très forte pression sur les prix de la part des opérateurs produisant à base de
minerai de fer », expliquait pour sa part la Sonasid dans un communiqué, en juin, annonçant un profit warning.
De fait, le sidérurgiste produit les fers à béton sur la base de ferraille importée. Si l’entreprise a ainsi réussi à
rester bénéficiaire au premier semestre 2015, elle a vu son résultat net baisser de 66% par rapport au premier
semestre 2014.
Alors que les prix mondiaux de l'acier sont particulièrement déprimés, pour protéger la Sonasid de la
concurrence internationale, le ministère du Commerce Extérieur a donc décidé qu’au-delà de 121 000 tonnes
de fil machine importées en un an et de 72 600 tonnes de fer à béton, les importateurs devraient payer un droit
de douane additionnel spécifique de 0,55dh/kg à l’Etat, soit environ 50 euros par tonne. Le contingent
augmentera de 10% par an jusqu’à la libéralisation du marché fin 2018.
LE BTP SEMBLE SE REDRESSER
Le ministère prolonge ainsi une protection entamée 2013, mais en la réduisant, en apparence du moins. Les
contingents, libres de droit de douane additionnels, sont passés de seulement 10 500 tonnes pour les ronds à
béton en 2013 à 72 600 tonnes en 2016. Pour compenser la liberté ainsi offerte aux importateurs, le Maroc a
cependant intégré la Turquie et l’Egypte dans la liste des pays concernés par les contingents.
Les droits de douane additionnels auraient pu avoir un effet pervers sur le secteur du BTP – les ronds à béton
constituent un élément central des constructions - dont le ralentissement, lié à celui du marché de l’immobilier,
est l’une des causes des difficultés de la Sonasid. En 2015, cependant, le secteur semble se redresser, par
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rapport à l’an dernier. « Cette évolution a été nettement perceptible au niveau des ventes de ciment, affichant
une amélioration de 1,7%, en glissement annuel, après la baisse de 6% un an plus tôt, indique le ministère de
l’Economie et des finance dans sa note de conjoncture parue en décembre. Par ailleurs, le volume des crédits
alloués au secteur immobilier s’est renforcé de 2,3% à fin octobre 2015. » Mais rien n'indique que les prix des
aciers utlisés dans le BTP soient eux repartis à la hausse.
Si la prorogation de la protection commerciale de la Sonasid aura été bien accueillie par le groupe, le paradoxe
est que son actionnaire à 32% ArcelorMittal souffre lui des mesures de protection antidumping sur l'acier plat
prises par le royaume
Maghreb Steel, principal producteur de tôle laminées à froid du Maroc, a vu, en effet en mai dernier, sa propre
protection commerciale renouvelée pour les 3 prochaines années. Or Arcelor Mittal est le principal exportateur
de ces tôles au Maroc.
En 2013, le groupe basé au Luxembourg du milliardaire indien Lakshmi Mittal avait contesté les accusations de
dumping du ministère du Commerce extérieur sur les aciers plats. Celui-ci avait persévéré mais en réduisant
néanmoins certains droits sur les aciers plats frappant ArcelorMittal.
Ces derniers années outre les aciers, le papier venu du Portugal ou le contreplaqué égyptien ont notamment
fait l'objet de mesures de protection commerciale.
Le gouvernement, parfois critiqué par certains milieux économiques pour ces mesures jugées protectionnistes
est au contraire encouragé par les secteurs soumis à la concurrence mondiale alors que le Maroc depuis une
décennie a fortement libéralisé son cadre commercial. Il ne compte pas s’arrêter là. En octobre 2015, les
pouvoirs publics ont lancé un appel d’offre pour la réalisation d’un « manuel d’enquête de défense commerciale
».
Julie Chaudier à Casablanca
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