Oncologie: plus ça dure, mieux c`est

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Oncologie: plus ça dure, mieux c`est
HigHligHts
Oncologie: plus ça dure, mieux c’est
Frank Stenner-Liewen, Bernhard C. Pestalozzi
Klinik und Poliklinik für Onkologie, Universitätsspital Zürich
L’espoir mis dans un traitement d’entretien est aussi
ancien que le traitement systémique des tumeurs. Au
terme d’une chimiothérapie avec un nombre de cycles
bien défini, la redoutable question que posent les patients est: «Et maintenant?» Jusqu’ici, les oncologues
ne pouvaient qu’éluder cette question en s’appuyant
sur quelques données et l’expérience: une prolongation du traitement augmente les effets indésirables
sans aucun bénéfice supplémentaire dans la lutte
contre la maladie tumorale. Pour la plupart des patients, c’était une réponse acceptable, et plus le temps
passait, plus ils pouvaient retrouver, en l’absence de
traitement, une existence normale. Leur psychisme
s’était affranchi et seuls les rendez-vous et examens
de contrôle représentaient de nouveaux moments
d’angoisse. C’est le fait de vivre avec une épée de
Damoclès suspendue sur leur existence après un traitement systémique curatif ou adjuvant qui a motivé les
patients et leurs oncologues à tester toutes sortes de
traitements d’entretien.
A l’ère de la «targeted therapy», l’intérêt porté aux
traitements d’entretien s’est réveillé. Immunomodulateurs (IMIDS), anticorps monoclonaux ou inhibiteurs
de la tyrosine-kinase sont relativement bien tolérés.
L’élément primitivement limitant de la toxicité cumulée est faible, voire nul avec cette classe de substances.
Même si une guérison ne peut pas toujours être obtenue, la «chronicisation du cancer» semble être à portée
de main.
Des évolutions toujours plus longues sont décrites dans
les congrès. Bart Barlogie, spécialiste du myélome de
l’Université de l’Arkansas, a présenté cette année un
patient qui, après la fin d’une thérapie dite «total
therapy», la forme la plus intensive de polychimiothérapie du myélome multiple, prenait depuis sept ans de
la thalidomide à une dose de 1,5 grammes/jour, dose
astronomique compte tenu du fait que cette substance
est habituellement administrée à raison de 100 mg/
jour après une chimiothérapie à haute dose. Selon
Barlogie, ce patient bénéficie d’une stabilisation à long
terme de sa maladie avec un profil d’effets indési-
rables acceptable, il est peut-être même guéri. Il n’a
pas précisé combien de temps il pensait poursuivre ce
traitement.
En plus de sa meilleure tolérance, des arguments biologiques tumoraux sont avancés en faveur du traitement d’entretien: les différents «pathways» (par ex.
angiogenèse, activation des récepteurs de la tyrosinekinase) doivent constamment être bloqués de manière
à prévenir une récidive ou même un effet de rebond.
Dans plusieurs études randomisées, le bras traitement
actif a non seulement reçu un nouveau médicament en
plus de la chimiothérapie, mais en cas de réponse
(non progression), ce même médicament a été poursuivi comme traitement d’entretien «jusqu’à la progression». Tel était le design de l’étude AVAIL dans le
carcinome bronchique non à petites cellules et non
squameux (chimiothérapie avec platine 8 bévacizumab) [1], tout comme celui de l’étude EXTREME dans
les tumeurs cervico-faciales (chimiothérapie avec
platine 8 cétuximab) [2]. Ces études n’ont malheureusement pas eu de troisième bras, soit avec chimiothérapie plus nouveau médicament mais sans traitement
d’entretien. Il manque donc la preuve certaine que le
bénéfice provient du traitement d’entretien et non pas
de l’association initiale. De tels designs d’étude ont
des bases non seulement scientifiques mais aussi économiques. Comme les nouveaux médicaments sont
plus chers que la chimiothérapie conventionnelle, le
traitement d’entretien peut être plus cher que celui
d’induction. Dans l’étude AVAIL, les deux tiers des patients du bras bévacizumab ont reçu plus de 7, et 10%
plus de 15 traitements d’entretien (après un traitement d’induction de 5 cycles seulement de chimiothérapie/bévacizumab). Le problème est que le bénéfice dû au seul traitement d’entretien n’est pas assuré
(tab. 1 p).
Le concept du traitement «beyond progression» testé
dans le cancer du sein HER2 positif va encore plus
loin que celui du traitement d’entretien «until progression» ci-dessus. Von Minckwitz et al. ont pu montrer que, malgré une récidive sous chimiothérapie
Tableau 1. Exemples de traitements d’entretien en oncologie 2009.
Frank
Stenner-Liewen
Maladie
Traitement principal
Traitement d’entretien
Tumeurs cervico-faciales
Cisplatine ou carboplatine/fluorouracil ± cétuximab
Cétuximab
Adénocarcinome bronchique
Cisplatine/gemcitabine ± bévacizumab
Bévacizumab
Myélome multiple
Induction, traitement à hautes doses
Thalidomide
Lymphome folliculaire
R-CHOP
Rituximab
Forum Med Suisse 2009;9(51–52):948
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d’emblée par trastuzumab, une seconde association
au trastuzumab était meilleure que la seule chimiothérapie [3]. Du point de vue de la biologie tumorale,
nous pouvons comprendre ce résultat réjouissant.
Mais il n’est pas certain qu’il faille ajouter du trastuzumab à chaque traitement de troisième ou quatrième
intention.
Du point de vue des patientes et patients, et sur la base
de considérations biologiques tumorales, un traitement oncologique d’entretien a tout son sens. Mais
avec le système de santé financièrement surchargé,
nous devons exiger que ce traitement soit lui aussi
basé sur des preuves cliniques. Ces dernières ne pourront être fournies que par de grandes études multicentriques auxquelles nous sommes doublement tenus de
collaborer.
Correspondance:
Prof. Bernhard Pestalozzi
Leitender Arzt a.i.
Klinik und Poliklinik für Onkologie
Universitätsspital
CH-8091 Zürich
[email protected]
Références
1 Reck M, von Pawel J, Zatloukal P, Ramlau R, Gorbounova V, Hirsh V,
et al. Phase III Trial of Cisplatin Plus Gemcitabine With Either Placebo
or Bevacizumab As First-Line Therapy for Nonsquamous Non–SmallCell Lung Cancer. J Clin Oncol. 2009:27:1227–34.
2 Vermoken JB, Mesia R, Rivera F, et al. Platinum-based chemotherapy
plus cetuximab in head and neck cancer. N Engl J Med. 2008;358:
116–27.
3 Von Minckwitz G, du Bois A, Schmidt M, et al. Trastuzumab beyond
progression in human epidermal growth factor receptor 2-positive
advanced breast cancer: a german breast group 26/breast international
group 03-05 study. J Clin Oncol. 2009;27(12):1999–2006.
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