Kit de survie pour "débutants"

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Kit de survie pour "débutants"
La Littérature à l’école élémentaire
kit de survie pour « débutants »
Je suis plutôt scientifique de formation ou de goût.
Je ne lis guère de fictions à titre personnel. Enfin, à part quelques auteurs-phares (Ponti, Pef, MarieAude Murail…) je ne suis pas féru de littérature dite de jeunesse…
Alors existe-t-il un « kit de survie » pour mettre en œuvre les programmes 2002 qui nous incitent « à
lire ou à faire lire 10 œuvres par an » ? Rien que cela.
Identifions les principaux obstacles qui se présentent à nous.
1) Je ne sais pas quel livre lire ou quel album choisir :
- deux critères essentiels :
• apprécier le livre ou l’album soi-même,
• faire l’hypothèse qu’il éveillera l’intérêt de la classe que j’ai cette année.
Car chaque année, chaque classe est différente. (Tel livre qui convient pour un CE2 ou pour
une MS telle année peut ne pas être adapté l’année suivante).
2) Je n’ai pas de séries de livres ou pas d’argent :
- faire le fond des bibliothèques dans l’école,
- demander des prêts aux bibliothèques municipales des grandes villes,
- à la bibliothèque départementale de Prêt pour les communes rurales,
- aux autres écoles de la commune/du secteur de collège (l’inspection de circonscription
peut servir de relais,
- un livre pour deux (même si ce n’est pas l’idéal) peut constituer une solution.
3) Les Questionnaires à choix multiples sont-ils intéressants ?
Les QCM ont un intérêt : ils sont préparés, ils font gagner du temps à l’enseignant, ils
permettent aux élèves de travailler en autonomie.
Les QCM proposent parfois aux élèves de creuser des mots ou des expressions qui sont à la périphérie
de l’histoire et qui n’ont qu’un intérêt anecdotique. Ils détournent l’élève du sens global ou du sens
caché de l’œuvre.
Ils ont des effets pervers dénoncés par R. Goigoux, entre autres, certains élèves détournant
l’activité de son but et se contentant de répondre en évitant l’acte de lecture lui-même. L’activité est
viciée, un peu comme si chaque fois que j’allais au cinéma, on m’obligeait à répondre à un
questionnaire. « Quelle est la marque de la voiture d’Indiana Jones ?»
Le maître doit donc avoir un regard sur le questionnaire, l’évaluer et pouvoir écarter les questions
inutiles.
4) L’intertextualité, qu’est-ce que c’est ?
L’intertextualité est un regard porté sur les texte : un texte n’est jamais neuf, il entretient des rapports
clairs ou diffus avec d’autres œuvres littéraires ou artistiques. Ainsi Michel Tournier dans « Vendredi
ou la vie sauvage » a écrit une version « jeunesse » de son propre roman « vendredi ou les limbes du
Pacifique » qui renvoie bien sûr au roman de Daniel Defoë, « Robinson Crusoë »
5) Comment conserver l’intérêt tout au long de la lecture :
• pour cela, un principe : alterner entre lecture silencieuse et lecture à voix haute par
un élève ou par le maître.
6) Je ne me vois pas « faire » dix livres dans l’année :
• je peux, là encore, alterner entre les textes que je vais lire à voix haute (textes plus
denses, plus difficiles) et ceux que les élèves vont lire de façon plus approfondie.
Erreurs à éviter :
- partir en vacances avant d’avoir terminé une œuvre,
- puiser toujours dans le même registre (comique ou réaliste, contemporain en oubliant le
patrimoine français en négligeant le fonds francophone ou étranger)….
- faire durer l’étude sur 6/7 semaines (l’idéal serait de boucler une oeuvre en 2 ou 3
semaines, maximum), car la mémoire d’un enfant s’inscrit souvent à court terme.
Que faire en amont de la classe ?
J’ai choisi une œuvre, je vais la lire seul.
Elle me plaît. Je pense qu’elle plaira aussi à ma classe et qu’elle est globalement adaptée à son niveau.
A quoi dois-je être attentif pendant ma lecture ?
1) Je prends des notes sur les événement essentiels et les pages correspondantes
2) Je note les passages accessoires (à sauter, à résumer).
3) Je compare le début et la fin (par exemple les 5 premières pages et les 5 dernières pages pour un
roman, ou le premier et le dernier chapitre, ou pour un album la première et la dernière page). Cela est
essentiel. Cela permet de voir comment le texte va se tisser progressivement. Le début et la fin se font
habituellement écho :
• renversement de situation (amélioration, dégradation),
• retour à l’état initial, etc…
4) Le personnage principal : quelle transformation ?
Certains personnages dans certains récits ou dans les séries (« Le club des cinq ») n’évoluent pas : ils
sont et ils restent toujours les mêmes. Dans d’autres, au contraire, on assiste bien à une transformation,
rapide ou lente de ses « qualités ».
5) Le temps
l’action se déroule sur
• une journée,
• un an,
• 10 ans,
• toute une vie.
Y a-t-il des retours en arrière (flash-backs) ou a-t-on affaire à un récit chronologique ?
Cela a-t-il une influence sur la compréhension du récit ?
Y a-t-il des ellipses ou des blancs dans le récit ?
6) L’espace
Est-il confiné ? Est-il ouvert ? Les héros se déplacent-ils ?
• un lieu clos
• le monde dans « le tour du monde en 80 jours ».
7) le schéma actanciel
Cette notion a été mise au point par A.J Greimas, critique littéraire dans son œuvre « Du sens ».
Ridiculisée par certains pour son jargon, elle peut toutefois être utilisée par l’enseignant, sous
condition de simplification.
Destinateur
Destinataire
(celui qui met le sujet
en route)
(celui à qui la quête
va profiter)
sujet
quête
Adjuvants
opposants
objet
On se souviendra tout simplement que tout récit est la quête par un sujet d’un objet (l’amour, le
pouvoir, un trésor, etc…) et que cette quête, semée d’embûches, aboutit ou n’aboutit pas ou aboutit de
façon incomplète.
Cela est suffisant pour un élève de 10 ans. Il doit être capable de retrouver ce schéma dans toute
histoire, tout film, toute bande dessinée ou tout dessin animé.
8) Des détails qui ont leur importance , mais qu’on ne va apercevoir que plus tard. On retrouve cela
dans tout roman policier (où des indices sont dispersés pour le lecteur, soit pour le tromper, soit pour
le guider….)
9) Le lien avec les illustrations
central dans les albums
• place des couleurs
• place de la couleur/du noir et blanc
• quel graphisme ?
secondaire, mais utile dans les ouvrages de C2/C3. Le dessin est une bonne entrée pour certains
« mauvais lecteurs ».
10) Les hypothèses de lecture à partir de la couverture
Il peut être intéressant de faire produire des hypothèses aux élèves à partir de la couverture, et de
relever ensuite les confirmations ou les infirmations.
Deux écueils à éviter :
• faire durer trop longtemps cette activité qui finalement va lasser les élèves (un peu
comme si on nous obligeait à échanger 10 minutes devant l’affiche d’un film,
chaque fois que nous allons au cinéma),
• une façon plus originale, plus difficile aussi est de donner la liste des chapitres
lorsqu’ils sont accompagnés de titres par exemple chez Jules Verne : « Chapitre
premier dans lequel notre héros fait une étrange rencontre ». On essaie de se
projeter et de deviner, à l’oral, ce qu’on pourrait en faire.
11 ) Les échos :
Dans tout récit, il y a des échos
• première rencontre, dernière rencontre
• rencontre/séparation
• etc…
12) J’ai des élèves qui n’aiment pas lire :
• aiment-ils entendre des histoires ? Alors, allons-y !
• ils aiment peut-être :
faire du théâtre : les meilleurs acteurs ne sont pas toujours les têtes de
classe,
dessiner des personnages, peindre, confectionner des marionnettes ou
construire des maquettes du décor de l’œuvre étudiée.
13) Le titre :
A la fin de la lecture, le titre a-t-il une autre portée ? une autre signification que celle que lui
donnais au début ?
Comment commencer ?
Je ne sais pas comment m’y prendre . Voici deux idées :
a) lire les premiers chapitres moi-même de façon expressive, les élèves écoutant.
Le début d’une œuvre, écrite ou filmée est toujours difficile : il faut repérer les personnages et
les relations qu’ils entretiennent entre eux, retenir les noms propres (personnages, lieux, etc…)
Je peux lire le premier chapitre de façon expressive, théâtralisée pour créer le contexte,
permettre la compréhension et susciter l’envie de découvrir la suite.
b) On peut passer une séance préalable à la collecte d’informations nécessaires ou utiles de
structuration mentale et d’imprégnation pour certains livres à forte connotation historique (le
Moyen-Age), géographique (les Inuits par exemple) ou scientifique (les baleines).
Internet, encyclopédies traditionnelles, magazines sont des lieux où l’on va penser :
- les schémas (le château fort au Moyen Age),
- le vocabulaire (la chasse à l’éléphant),
- le contexte historique (la traite des Noirs au XVIIIe).
B. Rabiller