Atelier d`Artiste à Bondi BeAch

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Atelier d`Artiste à Bondi BeAch
tribu | sydney
Atelier
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Devant les placards plaqués
de métal embouti, les trois
colocataires prennent la pose.
d’artiste
à Bondi
Beach
P
our Downey Daimon, l’idée d’un chez-soi
s’est longtemps résumée au contenu d’un sac
Samsonite. Pendant dix ans, il a sillonné les
routes avec le groupe Sneaky Sound System,
récompensé par l’équivalent australien des Victoires de la
musique, l’ARIA. Son chez-lui se cantonnait aux bagages
qu’il défaisait chaque nuit dans des chambres d’hôtel ou dans
des locations de vacances entre deux tournées. Le musicien
de 36 ans dépeint ces années comme “la meilleure période
de ma vie, à jouer la pop star”. Mais ce triomphe a un prix.
“Je suis arrivé à un stade où je ne pouvais plus continuer. J’aurais
été incapable de monter dans un avion de plus.”
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Lorsqu’il quitte le groupe, en 2009, il cherche à poser
définitivement ses valises. Ce qui, pour Downey, signifie
deux choses : trouver un endroit où vivre, et revenir à son
premier amour, l’art. “J’ai suivi des études en art il y a longtemps,
à mon arrivée à Sydney. J’avais alors 19 ans et une valise pleine
de pastels. J’étais un gars de Bellingen [une bourgade entre
Brisbane et Sydney, ndlr] qui rêvait de conquérir la ville”,
confie-t-il. Ce qu’il finit par faire, mais pas de la façon dont
il l’avait imaginé. Le trio formé avec Black Angus (Angus
McDonald) et Connie Mitchell met le feu aux pistes de danse
et collectionne les prix. Downey met ses pastels de côté,
mais pas sa passion pour l’art. “En quittant Sneaky Sound
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Dans la cuisine, des plaques
de métal embouti ont été peintes
en rouge profond pour réveiller
la pièce. Les chaises en bois
autour de la table ont
été customisées par Downey.
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Un joyeux bric-à-brac entreposé
sous et sur les éléments de la cuisine.
Les trois dessous-de-plat en bois
triangulaires sont signés du designer
australien Tomek Archer.
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““
Partout dans l’appartement le pinceau
de Downey a laissé des traces :
un panier turquoise par-ci, une rayure
au dos d’une chaise par-là, un tiroir
mystérieusement peint en bleu…”
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Dans l’appartement de Downey, tous
les supports deviennent des toiles :
l’artiste peint tout ce qui l’entoure,
des chaises aux murs en passant par
le piano de sa colocataire.
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System, je me suis tout de suite dit que j’avais envie de faire de
l’art.” Au même moment, un appartement se libère dans un
grand bâtiment Art déco, à Bondi Beach. “J’avais des amis qui
vivaient dans cet incroyable appartement qui m’avait toujours fait
rêver. Je leur avais dit : « Si jamais vous déménagez, j’emménage
direct ! » Un de ces amis était collectionneur d’art. À l’époque,
il était directeur du catalogue d’art indigène chez Sotheby’s,
précise Downey. L’appartement était toujours plein à craquer
d’œuvres, il dégageait une aura que j’adorais.”
Aujourd’hui, Downey s’est approprié l’endroit en y installant
sa propre collection : un bric-à-brac funky et moderne haut
en couleur, toujours en mouvement, dans un cadre rétro
composé de plafonds aux magnifiques moulures d’origine,
d’un plancher patiné par le temps et de grandes baies vitrées
offrant un magnifique panorama sur Bondi. Ce spacieux
appartement d’une autre époque, desservi par un couloir
central, possède deux chambres et une cuisine suffisamment grande pour y grignoter ses repas. Downey a installé
son atelier dans la chambre la plus lumineuse. Une pièce
baignée de soleil, gorgée de pots de peinture et au sol tacheté
de couleurs. En tant qu’artiste, il est clairement dans son
élément : il rayonne de bonheur, tout comme chacune de
ses œuvres.“Même lorsqu’une création recèle une part d’ombre,
elle véhicule toujours un message positif, précise-t-il. C’est un peu
la maison du bonheur.”
Tout comme celle de son enfance, du reste. Il évoque avec
tendresse sa ville natale, Bellingen, en Nouvelle-Galles du
Sud, et sa famille, qui y vit toujours. “Mon père était un gourou
de la positive attitude”, affirme Downey, qui a appris très tôt
dans la vie à faire les choses simplement, sans dramatiser.
Ce qui explique peut-être comment il a réussi cette transition
tout en douceur, de sa vie de musicien à celle d’artiste. “Je
me suis tout simplement retrouvé coincé ici, donc je m’y suis mis.
La première collection m’a paru si facile et si rapide à réaliser,
d’autant qu’elle semble avoir plu à tout le monde.”
Dans son atelier, Downey est toujours en train de préparer une collection. C’est là qu’il trouve l’inspiration pour
son travail, et tout ce qui y pénètre, objet ou individu, peut
faire l’objet de ses expérimentations artistiques – au sens
littéral du terme. Car l’artiste n’est pas du genre à limiter
sagement ses explorations à sa toile. Partout dans l’appartement le pinceau de Downey a laissé des traces : un panier
turquoise par-ci, une rayure au dos d’une chaise par-là, un
tiroir mystérieusement peint en bleu au beau milieu de ses
congénères restés blancs, un pan de mur revêtu d’un fabuleux
aplat rouge vif dans la cuisine… Même traitement pour le
piano de sa colocataire musicienne : “Il était brun au départ”,
s’amuse Downey, en montrant l’instrument désormais blanc,
la phrase “Your music is killing me ” (“ta musique me tue”)
théâtralement griffonnée sur le devant. “Un jour, j’ai même
bombé un ami avec de la peinture à l’huile ! Il devait être deux
heures du matin. Il a pué le kérosène pendant deux semaines. Vous
entrez donc à vos risques et périls… Évitez de rester immobile trop
longtemps !”
À vrai dire, rien ne reste immobile bien longtemps chez
Downey, incapable de passer deux semaines sans changer de
paysage, déplacer des tableaux, des sculptures, des meubles.
“Certains décors m’ennuient, je ne peux pas m’empêcher de déplacer les objets.” Vue de l’extérieur, la collection est fascinante : le
regard ne s’ennuie jamais, captivé par une foule de curiosités
et d’œuvres éparpillées aux quatre coins de l’appartement.
La remarque surprend Downey, qui éclate de rire : “Je trouve
l’ensemble plutôt minimaliste !”
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Texte et photos : Felix Forest/Living Inside
Style : Jason Grant
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Dans le hall, sur le buffet classique, sont entreposés
les trésors de Downey : une bouteille de champagne
peinte par la créatrice australienne Jenny Kee,
une figurine de kangourou de l’âge de Downey,
un gros cacatoès rapporté du Sydney Antique Center
et des toiles de l’artiste, dont un portrait de sa mère.
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Dans la chambre de Downey, un gros
fauteuil en cuir Arflex signé Mario
Marenco pour Poliform. Sur le pouf
assorti, un plaid en crochet réalisé par
sa mère. Derrière, une sculpture géante
bleu turquoise imaginée par l’artiste.
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