DOSSIER - L`Eco News

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DOSSIER - L`Eco News
Fraude, contrefaçon et arnaque
Dossier
L’éco n°68 / du 16 au 30 juin 2013
A
vec une valeur des importations atteignant près de
3,6 milliards de dinars rien que pour le premier
trimestre 2013, l’Algérie prend les couleurs d’un
marché de dupes, surtout que 92% de ce métal
provient de Chine. Nous consommons plus de 10 tonnes d’or et de
bijoux par an et la tendance est inscrite à la hausse, rien qu’à voir
les nouvelles sources d’où provient l’or importé : l’Europe, les EtatsUnis et les pays du Golfe qui se disputent le marché, acquis depuis
plusieurs années aux Italiens. Tout ceci n’aurait été que pur négoce
si ce n’est que cette ruée sur l’or importé est sujette à toute sorte de
malversations à grande échelle ; cela va de la contrefaçon à la fraude
sur la matière en passant par la problématique du poinçon censé conférer une traçabilité du produit fini.
Une enquête sur le terrain nous a menés sur un circuit où tout est
permis, où n’importe qui peut s’improviser artisan bijoutier.
Le marché national de l'or fait actuellement l'objet d'un grand et
réel intérêt des contrefacteurs de bijoux. Une pratique qui prend de
l’ampleur et fait grimper les prix, payée en fin de parcours par le consommateur désabusé.
Afin de montrer la face cachée de ce marché noir qui ternit le commerce de l’or, L’Eco s’est attardé sur les mécanismes de contrôle et le
rôle des institutions en charge de l’expertise, qui se renvoient la balle
par incompétence ou par complaisance. Ces institutions sont dans
l’incapacité de réagir à un problème qui rend jaune tellement il gangrène le marché, livré aux seules forces de l’importation. Bien que
l’Algérie essaie de maintenir un commerce légal de l’or, force est de
constater que la situation est tout autre sur le terrain. Il suffit pour
cela de faire une virée du côté du marché R’cif (Constantine) ou à
M’dina J’dida (Oran) ou aux abords de la place Emir Abdelkader
à Alger pour constater de visu l’étendue d’un marché effrayant où il
ne fait pas bon de s’y frotter n
L’Eco
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DOSSIER
L’or des faussaires
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Les Emirat arabes unis, premier fournisseur de l’Algérie
3,6 milliards de dinars d’or importé en 3 mois
L'or sous toutes ses formes importé par l’Algérie a atteint 3,6 milliards de dinars durant le
premier trimestre 2013. Un chiffre jamais atteint, qui dépasse le record précédent établi en
2012, où les acquisitions en la matière avaient été de 3,2 milliards de dinars. C’est ce que
révèlent les derniers bilans des Douanes algériennes, dont L’Eco a obtenu une copie.
80,5% des bijoux proviennent des Emirats arabes unis
Par Nassima Benarab
DOSSIER
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lors que le prix de l’or est en
hausse, la facture des importations s’annonce lourde pour
2013. Elles pourraient atteindre un record
historique, dépassant de loin les 14 milliards de dinars si le même rythme
d’achat se poursuit.
En 2012, les importations d’or ont
plus que triplé en comparaison avec
2011 ; elles ont dépassé les 9,37 millions
de dinars 3,29 milliards de dinars l’année
précédente. Entre 2007 et 2011, les
importations d’or n’avaient pas dépassé
le milliard de dinars. Ce métal précieux
est importé sous différentes formes : en
lingots, en bijoux et même en monnaie.
Durant les trois derniers mois, l’Algérie a
importé de l’or brut en lingots pour une
valeur de 16,8 millions de dinars. Les
premiers fournisseurs de l’Algérie sont la
France et l’Arabie Saoudite. Durant la
même période, les bijoutiers ont importé
pour plus de 3,5 milliards de dinars, précise le CNIS, ce qui représente 97% des
achats d’or de l’Algérie. Les Emirat
arabes unis sont le premier fournisseur de
l’Algérie avec plus de 2,9 milliards de
dinars de marchandises écoulées sur
notre marché, ce qui représente 80,5%
des importations de bijoux. Suit l’Italie
avec plus de 538 millions de dinars d’importations de bijoux au cours des trois
mois passés.
Les importations de monnaie en or ne
s’affichent pas en 2012 ni en 2013. Par
contre ce genre d’achat a été effectué en
2011 avec l’importation de 91 pièces
pour une valeur de 5 millions de dinars.
Durant ces dernières années, l’Algérie est
resté fidele à ses fournisseurs cités.
L’Algérie importe également de Turquie,
d’Inde et de Chine, notamment des
bijoux. Ces chiffres officiels sont loin de
refléter la réalité du marché de l’or en
Algérie. D’ailleurs, certains hauts responsables avouent que le marché des
métaux précieux en Algérie n’est pas
stable et que l’informel y occupe une part
très importante. Ils affirment que différents produits et matériaux précieux transitent par les frontières algériennes, d’où
la dérèglementation de ce marché n
N. B.
L’Algérie importe peu de diamants
e diamant figure rarement dans
Lalgériennes
la structure des importations
de pierres précieuses.
En 2011, 2008 et 2007, l’Algérie a
seulement importé pour
3,2 millions de dinars de diamants,
selon les chiffres du CNIS. Outre
le diamant, l’Algérie importe
annuellement une quantité non
négligeable de perles de culture et
de pierres synthétiques. En 2012,
ces importations ont atteint plus de
7,2 millions de dinars, contre 5,2
millions de dinars en 2011, soit une
hausse de 38%. Durant les trois
premiers mois de l’année en cours,
ces importations sont estimées à
plus de 1,5 million de dinars.
Notre pays importe également les
ouvrages en perles et des bijoux
sertis de pierres précieuses ; la
facture de ces ouvrages importés
par l’Algérie a atteint 14 millions
N. B.
de dinars en 2012 n
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Plus de 10 000 artisans bijoutiers à travers tout le pays
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10 tonnes d’or consommé annuellement
Par Nassima Benarab
E
n plus de la quantité transformée et commercialisée qui est
de 324 kilos, Agenor a importé
en 2012 une quantité de 90 kilos d’or
fin afin de répondre à la demande
nationale, indiquent les chiffres avancés par cette agence. Durant les cinq
derniers mois, Agenor a acheté à
l’Entreprise d'exploitation des mines
d'or (Enor), une quantité de 191 kilos
d’or. L’entrée en production, en janvier 1999, de l'unité de transformation
située à Baraki, renforce la position
d'Agenor par la diversité des produits
et prestations axées sur les besoins de
ses clients des secteurs de l'Industrie,
de l'artisanat, du médical, de la
recherche scientifique.
En vertu d’un accord paraphé entre
Agenor en 2009, qui achète chez Enor
de l'or minier qu'elle transforme en
lingots, l’or brut algérien est traité au
niveau national. «Plus exactement,
Le marché de l’or en Algérie
absorbe annuellement une
moyenne de 10 tonnes. Une
demande qui s'est
considérablement accrue ces
dernières années, nous a révélé
Madjid Cherifi, présidentdirecteur général de l’Agence
nationale pour la distribution et
la transformation de l'or et autres
métaux précieux (Agenor). Il a
par ailleurs estimé que le nombre
d’artisans bijoutiers en Algérie
dépasse les 10 000.
depuis 2009, Agenor traite la totalité
de la production nationale de l’or
minier dans cette usine. Aucun gramme ne sort d’Algérie. Contrairement
aux années précédentes où notre or
minier était transformé en Suisse»,
précise-t-il. Et d’ajouter qu’Agenor
transforme une moyenne de 3 tonnes
d’or et 10 tonnes d’argent annuellement.
Madjid Cherifi nous fait savoir
qu’Agenor a réussi à relever le défi de
la croissance de son chiffre d’affaires
et de la rentabilité ces quatre dernières
années. En 2012, à tire d’exemple,
Agenor a réalisé un chiffre d’affaires
de 1,7 milliard de dinars, soit une évolution de 3% par rapport à 2011. Un
chiffre d’affaires constitué pour une
grande partie par les ouvrages en
argent, qui aurait pu dépasser les 1 702
millions de dinars. Cela a été rendu
possible, pour le même responsable,
grâce à la mobilisation de ses cadres et
travailleurs qui ont déployé tous leurs
efforts afin d’investir dans l’affinage
de l’or au niveau local, notamment
pour les lingots transformés à partir de
l’or minier algérien.
En outre, Agenor s’est rapproché au
plus près des artisans bijoutiers et
clients privés algériens afin de rehausser notre artisanat traditionnel et créer
des opportunités d’emploi, notamment
dans le Sud. Et ce par la création de
plusieurs ateliers de production.
L’objectif est de créer une dizaine
d’ateliers dans les prochaines années.
Agenor a lancé la réflexion autour de
«projets futurs ou en maturation
(2014-2016)» qui visent la diversification de ses produits. Il s’agit notamment de la fabrication de brasure enrobée, de nouveaux produits et différents
alliages à base de métaux précieux
ainsi que la récupération de divers
produits à base de métaux précieux n
N. B.
Bimensuel de l’économie et de la finance
DOSSIER
Agenor envisage la création de plusieurs ateliers de production
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Des milliards de dinars encaissés au noir
Du verre au prix De l’or
Le trafic du métal noble prospère en Algérie.
Des professionnels du domaine nous ont confié
des vérités amères sur les pratiques nocives qui
gangrènent le marché de l’or dans notre pays :
plus de 90% des bijoux vendus sur le marché ne
sont pas conformes aux normes. Des alliages, des
Par Fatima Bouhaci
DOSSIER
P
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our la réalisation de notre enquête,
nous avons approchés plusieurs
acteurs du marché (professionnels, autorités, experts) en nous faisant
passer pour des acheteurs. Dans une
bijouterie d’Alger-Centre, nous faisons
notre premier choix : une bague en or
jaune sertie d’une pierre mauve et de
deux perles blanches. Deux personnes
sont au comptoir, nous accueillent.
« Attendez, je la pèse et vous dis combien elle coûte», nous dit le plus jeune.
Après l’avoir mis sur la balance, il avance son prix : « Elle fait 78 000 DA.» «Si
vous payez cash, je vous fais un bon
prix», essaie-t-il de nous convaincre.
«C’est un produit d’importation, fabriqué en Italie. C’est classe» avance-t-il en
toute fierté.
Nous tentons de marchander pour
faire baisser le prix, mais le bijoutier se
fait persuasif. Il remet pour la deuxième
fois la bague sur la balance et nous dit :
«Venez voir. Elle pèse 10,5 grammes. Et
comme je vous l’ai dit, si vous l’achetez
immédiatement, je vous arrangerais !» Il
nous promet de nous la céder à 7 000 DA
le gramme, alors qu’au début il annonçait
7 300 DA. D’ailleurs, c’est la moyenne
du prix sur le marché national au
moment de la réalisation de ce reportage
(fin mai dernier). Ayant constaté notre
intérêt pour ce produit, le deuxième vendeur intervient : «Allez, si vous l’achetez
vraiment, on vous fait le meilleur prix :
6 900 DA le gramme.» En un court instant, le prix de la fameuse bague descend
de 78 000 à 69 900 DA. Nous portons
notre choix sur un autre modèle. Une
matières qui ne valent presque rien, voire
nuisibles, sont mélangés à l’or. Pis encore, des
soi-disant pierres en verre sont pesées avec l’or et
vendues à son prix, permettant ainsi aux
marchands de ce métal précieux d’encaisser des
milliards de dinars sans le moindre effort.
bague avec une pierre fine mauve que
nous achetons à 26 000 DA ; le bijou a
pesé 3,2 g. Un bon nous a été délivré.
quelle était la matière des pierres. De
quoi énerver le bijoutier, qui nous a
congédie poliment, mettant fin à notre
investigation : «Allez-y, quand vous vous
déciderez la prochaine fois, c’est facile.»
32 200 DA injustifiés
Nous rangeons notre bague et sortons
de la bijouterie. Destination : un labora- «On ne peut pas vous aider, nos
toire d’expertise de l’or. Nous deman- services sont à l’extérieur»
dons à la jeune fille qui nous accueille de
L’étape suivante de notre enquête
peser notre bague, mais après avoir ôté la nous conduit vers les services de garantie
pierre. Un court instant la jeune fille et de fraude des métaux précieux, une
revient muni d’une petite balance noire instance affiliée à la direction générale
sous forme de plaque. Sous nos yeux, des impôts. A l’entrée, un agent de sécuelle pèse la bague détachée de sa pierre :
1 gr pour la pierre et 2,2 g d’or. Nous lui
demandons également de nous certifier
la matière de la pierre et des perles.
L’experte nous dit que la pierre est en verre et vaut… 250 L’experte nous dit que «la pierre
DA. Nous lui montrons une est en verre et vaut… 250 DA»
photo de la première bague qu’on n’avait
pas pu acheter (celle décorée d’une pierre et deux perles). En pesant une pierre et
deux perles identiques, elle nous dit :
«Les deux perles doivent peser 2,6
grammes et la pierre 2 grammes.» Donc
le poids net de l’or dans la bague était de
l’ordre de 5,9 g seulement. Ce qui fait un
surplus de 32 200 DA si l’on calcule sur
la base de 7 000 dinars le gramme. Tout
simplement, on risquait d’être arnaqués
par notre bijoutier.
Pour confirmer, nous tentons une
deuxième expérience auprès d’un bijoutier pris au hasard sur la rue Didouche
Mourad. Cette fois, nous choisissons une
ceinture en or sertie de pierres jaunes,
orange et marron. Son prix : 1,5 million
de dinars. Nous avons posé beaucoup de
questions sur le produit : est-il de fabrication artisanale, local ou d’importation,
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vous faire l’expertise», ajoute-t-elle très
rapidement avant de disparaître.
C’était de toute façon l’étape suivante
inscrite dans notre parcours. L’Agence
nationale pour la distribution et la transformation de l’or (Agenor) est sise près
de la Grande-Poste, à Alger-Centre. Une
jeune fille nous ouvre la porte pendant
qu’un homme se tient debout au couloir.
Cette fois, le ton est moins glacial, le personnel se montre conciliant et prêt à nous
aider mais, explique le monsieur, «on
En moin
s
de 24 h
eures
après son a
chat, notre
bijou
perd
21 00
0 DA.
peut vous faire l’analyse, le problème est
que nos équipes sont à l’extérieur.
Revenez une autre fois si vous voulez».
Sur le pas de porte il poursuit : «Si vous
voulez, je vous indique un bijoutier, il est
juste à côté. Il a les mêmes moyens que
nous, il pourra vous faire l’expertise pour
vérifier que votre or est du 18 carats et
que le poinçon est vrai.»
A la sortie, juste devant l’entrée du
siège d’Agenor, les marchands à la sauvette proposent en toute quiétude leurs
produits aux passants, qu’ils n’hésitent
pas à apostropher : «Kech cassé ?» Un de
ces jeunes vendeurs informels s’approche : «On peut vous aider ? » Nous lui
disons que nous sommes venus à Agenor
pour le poinçon et l’expertise de nos
objets.
Il nous propose de faire l’analyse
immédiatement et aussi un poinçon gratuitement. Nous le suivons dans la cage
d’escalier d’un immeuble. A l’œil nu, il
décrète : «C’est de l’or et il est poinçonné,
algérien et italien. Si vous souhaitez la
vendre, je l’achète immédiatement.» Il
nous propose de l’acheter à 5 000 DA, sur
la base de 3 000 DA le gramme. Il nous
explique qu’il est obligé de soustraire le
prix de la pierre qu’il a évalué de vue
aussi à 1,7 g. La pierre, bizarrement, a
moins d'importance quand on vend que
quand on achète. Moins de 24 heures
après son achat, notre bijou perd 21 000
DA. Nous récupérons notre bijou et allons
voir un laboratoire privé dans les environs. Le résultat est sans appel : les deux
poinçons sont faux. Le premier poinçon
est italien mais c’est un faux, parce qu’il
n’y a pas la contre marque sur la face intérieure ; quant au deuxième portant le
sceau du fournisseur à savoir l’importateur, il n’a aucune identité, nous a-t-on
assuré. Une expérience que nous allons
reproduire auprès de sept bijoutiers situés
rue Didouche (Alger-Centre) et 1er Mai
(Belouizdad). La plupart se sont accordés
sur le poinçon italien : «Il est bon.»
Par contre, les avis divergent à propos
du poinçon algérien ; quelques uns disent
qu’il est correct alors que d’autres jugent
qu'il n’est pas clair et non identifié.
Nous revenons une deuxième fois au
laboratoire privé que nous avons consulté
la première fois, mais cette fois une autre
personne nous a reçu elle était plus vague
de tous ceux que nous avons rencontré
jusque-là : «Je ne peux vous dire si le
poinçon est vrai ou faux.»
C'est dire la confusion qui règne sur un
marché où tout ce qui brille n'est pas forcément or n
F. B.
Bimensuel de l’économie et de la finance
Dossier
rité nous barre l’accès. «Qu’est-ce que
vous voulez ?», nous dit-il. Nous lui
expliquons l’objet de la visite : procéder à
la vérification de l’authenticité du bijou
que nous venons d’acheter et aussi vérifier le poinçon. Il se montre disposé à
nous aider et nous demande de voir l’objet acheté, tout en nous informant que son
institution ne fait pas le poinçonnage aux
particuliers. «H’na khatina» (on n’a rien à
voir), nous dit-il. Nous lui montrons nos
objets : la bague que nous avons achetée
et une meskia (un pendentif traditionnel)
qu’une dame de notre entourage nous a
confié. Sur un simple coup d’œil, il déclare : «C’est de l’or et c’est du 18 carats,
vous n’avez pas à vous inquiéter !» Non
convaincus de cette réponse, nous insistons pour qu’il nous laisse entrer voir un
expert. Il s’exécute et appelle son chef de
service. Une femme se présente ; elle
nous écoute nous lance la même réponse
que l’agent. «On ne fait pas le poinçonnage pour les particuliers, on travaille uniquement avec les bijoutiers», répond-elle
sèchement. Elle panique quand nous
déclinons notre identité et expliquons que
les questions posées entrent dans le cadre
d’une enquête sur terrain. Elle perd ses
moyens et répète la même réponse sur un
ton plus dur. «Je vous ai dit qu’on travaille uniquement avec les bijoutiers.
Allez voir Agenor, ils sont habilités à
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L’éco n°68 / du 16 au 30 juin 2013
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Dossier
L’éco n°68 / du 16 au 30 juin 2013
Ouvrages d’or, d’argent et de platine
Exonération dE tVa à l’importation
Depuis la levée du monopole de l’Etat sur son
importation, le marché de l’or s’est enlisé dans
une situation extrêmement difficile à assainir, du
fait du pullulement des pratiques frauduleuse
favorisées par un laxisme patent des services des
Douanes et de l’administration fiscale auxquels
sont dévolues les missions de contrôle et
d’investigation. Devant un tel constat, il est fort
intéressant de s'interroger, à juste titre, sur le
cadre juridique et fiscal régissant les activités
inhérentes aux métaux et pierres précieuses ; s’il
est si contraignant et rédhibitoire pour que des
importateurs, fabricants et bijoutiers exercent,
sans ambages, en marge de la légalité.
Le déséquilibre entre l’offre et la demande tire
continuellement les prix vers le haut le prix
Par Hamid Mohandi
DOSSIER
A
bstraction faite des appoints
d’Agenor, l’approvisionnement en or
et en métaux précieux est entièrement tributaire des importations, bien que
l’Algérie dispose d’importantes réserves
approuvées et autant d’autres potentialités qui
restent jusqu’à l’heure non encore exploitées.
Il serait alors approprié de dire qu’il y a un
déséquilibre entre l’offre et la demande qui
tire continuellement vers le haut le prix du
carat. Mais cela n’explique guère l’arnaque
qui sévit actuellement sur ce marché soumis,
faut-il le signaler, à l’emprise des faussaires
de l’orfèvrerie. Pourtant, le recadrage législatif et fiscal effectué depuis l’ouverture totale
du marché au privé tend à mettre sous les projecteurs de l’Etat toutes les opérations relatives à l’importation, la fabrication et la commercialisation de bijoux d’or et ouvrages en
métaux précieux en Algérie.
8 000 DA par hectogramme
au titre du droit de garantie
Les opérations d’importation sont soumises à la TVA, mais il n’en demeure pas
moins que les ouvrages d’or, d’argent et de
platine sont exonéré de cette taxe du moment
où ces produits sont soumis à un droit spécifique unique intitulé «droit de garantie» fixé
par hectogramme (1 hg = 100 grammes).
Ainsi, le montant à supporter, au titre de droit
de garantie, pour les ouvrages d’or s’élève à
8 000 DA/hl, à 20 000 DA/hg pour les
ouvrages en platine et à 300 DA/hg pour les
ouvrages d’argent.
Par ailleurs, les ouvrages d'or, d'argent et
de platine venant de l'étranger doivent être
présentés aux agents des Douanes pour être
déclarés, pesés, plombés, exception faite de
ceux appartenant aux ambassadeurs et
40
envoyés des puissances étrangères et ceux à
l'usage personnel des voyageurs dont le poids
n'excède pas en totalité un hectogramme. Par
la suite, après avoir étés frappés par l'importateur du poinçon dit «de responsabilité», qui
est soumis aux mêmes règles que le poinçon
de maître du fabricant, ces produits sont
envoyés au bureau de garantie le plus proche
où ils sont marqués s'ils possèdent l'un des
titres légaux.
Le droit de garantie remboursé à
l’exportation
Selon la législation en vigueur, sont soumises à la TVA au même taux et dans les
mêmes conditions que celles faites à l’intérieur du territoire national, les affaires de
vente portant sur les pierres gemmes brutes ou
taillées, les perles fines, les métaux précieux,
la bijouterie, la joaillerie, l’orfèvrerie et autres
ouvrages en métaux précieux, à moins que la
loi n’en dispose autrement.
Toutefois, lorsque des ouvrages d'or, d'argent ou de platine revêtus de l'empreinte des
poinçons réglementaires sont exportés pour
être vendus à l'étranger, le droit de garantie est
remboursé à l'exportateur. Le remboursement
est par ailleurs subordonné à l’effacement des
poinçons, à la présentation dans le délai de
trois mois d'un certificat de l'administration
des Douanes ou de celle des postes constatant
la sortie du territoire national des ouvrages
exportés. Par ailleurs, tout fabricant qui veut
exporter ses ouvrages en franchise du droit de
garantie et sans apposition des poinçons peut
les présenter à l’essai, achevés et sans marque
de poinçon de maître, à condition d'avoir
déclaré préalablement au bureau de garantie
le nombre, l'espèce et le poids desdits
ouvrages et de s'être engagé à les y apporter
achevés dans un délai n'excédant pas dix
jours. Une fois achevés et soumis à l'essai, ces
produits sont aussitôt renfermés dans une
boîte scellée, revêtue du cachet de la garantie
et remis au fabricant sur soumission de celuici de les exporter.
Il est opportun de préciser qu’il est interdit, sous peines de droits, à toutes autres personnes faisant commerce d'or, d'argent et de
platine, de détenir des ouvrages marqués du
poinçon d'exportation ou revêtus de marques
volantes.
Bimensuel de l’économie et de la finance
Vente interdite de pierres précieuses brutes
Conformément au décret exécutif n° 04190 du 10 juillet 2004, l’activité d’importation
d’or et d’argent ouvrés ou non ouvrés et l’activité de récupération et de recyclage des métaux
précieux sont soumises à un agrément délivré
par le ministre des Finances. Les personnes
dûment agréées doivent tenir des registres spéciaux, cotés et paraphés par le chef d’inspection de la garantie «Assiette» territorialement
compétente, sur lesquels ils doivent inscrire
toutes les opérations d’entrée et de sortie des
matières premières. Ces registres, arrêtés trimestriellement, seront remis par la suite à l’inspection de la garantie concernée.
Au volet des obligations inhérentes à l’importation, le décret mentionne que les importateurs d’or et d’argent ouvrés ne peuvent introduire sur le territoire national que des ouvrages
répondant aux critères des titres minimum
légaux fixés par la loi. Les importateurs d’or et
d’argent recyclés doivent, avant l’introduction
de ces matières sur le territoire national, les
passer par une lingotière pour les présenter aux
agents des Douanes sous forme de lingots ; les
importateurs d’or et d’argent non ouvrés sont
tenus de souscrire, auprès de l’inspection de la
garantie, dans un délai de 72 heures après
dédouanement, une déclaration d’arrivée des
quantités importées, appuyée des documents
douaniers réglementaires. En outre, les récupérateurs et recycleurs de métaux précieux ne
peuvent, en aucun cas, revendre en l’état les
matières récupérées localement et la vente de
ces matières ne se fera que si celles-ci ont subi
l’opération d’affinage n
S. B.
Ce qu'il faut
savoir sur l'or
w En Algérie, les métaux précieux, pierres
précieuses et semi-précieuses sont les
substances minérales suivantes : or, argent,
platinoïdes, diamant, topaze, agate, grenat,
rubis, saphir, émeraude, béryl, zircon et
corindon.
w L'or résiste à la corrosion ; il est très
souple (une once d'or peut s'étirer en un fil
de plus de 8 km de long), très malléable
(une once d'or peut se transformer en une
feuille de 100 pieds carrés) et il est bon
conducteur de chaleur et d’électricité.
w L’unité de pesée de l’or est l’once, soit
31,1 grammes. Dans un kilo d'or, il y a
donc l'équivalent d'un peu plus de 32
onces.
w Le carat est une unité de mesure
indiquant la quantité d'un métal
précieux par rapport à celle d'un
métal de base dans un alliage. Pour
les pierres précieuses, il représente un
poids : un carat valant 0,2 gramme
(carat métrique). Pour les titres or,
l’or fin représente 24 carats.
w Dans un or à 18 carats, il y a 750
g d’or fin pour un total de 1000 g
d’alliage ; à 14 carats, il y a 585 g
d’or fin associé à d’autres métaux.
w L’or monétaire contient 90% d’or
et 10% de cuivre.
L’or vert utilisé en joaillerie
contient du cuivre et de l’argent ;
l’or blanc contient du zinc et du
nickel ou des métaux du
groupe du platine n
H. M.
Bimensuel de l’économie et de la finance
DOSSIER
Bijoutiers et orfèvres soumis à la TVA
seulement pour les pierres précieuses
Les bijoutiers sont imposés suivant leur
chiffre d’affaires soit selon le régime simplifié
ou selon le régime du réel. Dès lors, ils sont
soumis à l’IBS (personne morale) pour les
bénéfices réalisés, à la TAP suur le chiffre d'affaires brut réalisé, à la TVA pour les ouvrages
autres que ceux d'or, d'argent, et de platine soumis aux droits de garantie (le bijoutier paye la
TVA seulement pour les pierres précieuses), les
droits de timbre pour les encaissements effectués en espèces et enfin la taxe foncière s'il est
le propriétaire de local. Les bijoutiers sont
aussi soumis à l’IRG : les revenus réalisés par
les artisans suivis au régime simplifié d’imposition sont soumis à un taux proportionnel fixé
à 20%, libératoire d’impôt, alors que pour les
bijoutiers suivis au régime du réel, le bénéfice
imposable est soumis à un barème établi selon
les fractions des revenus imposables. Ainsi, le
taux d’imposition peut aller de 0% jusqu’à
35%. Il est utile de signaler, par ailleurs, que
tous les fabricants et marchands d'ouvrages en
métaux précieux sont exclus du régime de
l’IFU et que les bijoux et pierreries, or et
métaux précieux ne sont pas soumis à l’impôt
sur le patrimoine.
Dossier
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L’éco n°68 / du 16 au 30 juin 2013
Abdelatif Benkortbi, fabricant bijoutier
«Le marché de L’or est entre L
DOSSIER
les journaux italiens. Il se trouve que les
Italiens ne peuvent plus vendre leurs
bijoux en Algérie car j’ai protégé mes
Abdelatif Benkortbi
modèles. Comme le marché parallèle
est très important, ils copient mes modèles,
qui se retrouvent dans les vitrines des
bijoutiers, ici en Algérie. J’ai lancé un
appel à toute la clientèle pour l’avertir que
les bijoux qu’elle achète en mon nom sont
contrefaits. J’ai donné les noms de ces
contrefacteurs et leur adresse commerciale.
Mais ce ne sont pas ces gens qui m’ont
attaqué. C’est plutôt l’association qui m’a
poursuivi en justice, alors qu’elle n’a pas
qualité pour le faire.
Réalisé par Faouzia Ababsa
L’Eco : vous êtes passé devant la
11e chambre dans une affaire qui vous
oppose à des importateurs d’or
italiens…
Abdelatif Benkortbi : non, l’affaire
m’oppose à l’Association algérienne des
bijoutiers. Je suis dépositaire de marques
depuis 1976. Nous créons des modèles,
nous les dessinons et nous les déposons par
la suite au niveau de l’Inapi pour les protéger. Je suis fabricant de bijoux en Italie, en
Suisse. Je l’ai été au Canada. A ma grande
surprise, l’association me poursuit en justice en commercial arguant que ces modèles
ne m’appartiennent pas mais à d’autres
fabricants. Comme je suis le seul qui dépose mes modèles à l’Inapi, je me retrouve
attaqué par une association qui est censée
protéger ses bijoutiers. Je suis passé devant
un juge d’instruction. Il y a eu une expertise. Tronquée, au demeurant, et qui n’a duré
que deux heures de temps. Et qui de surcroît était manuscrite.
Vous avez été accusé de contrefaçon ?
Oui. Sauf que lorsqu’on accuse les gens
de contrefaçon, il faut d’abord vérifier que
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«Les bijoutiers prennent l’or, le
transforment en dehors de nos
frontières et le réimportent sans
payer un centime de droits de
douane. En clair, ils exportent
de l’or de manière officielle et
importent du verre. Cela, avec la
complicité de l’Etat mais aussi
des Douanes italiennes qui ont
laissé sortir la marchandise.»
M. Benkortbi assume ses dires
et est décidé à ne pas se taire.
les modèles concernés aient déjà été déposés auprès de l’Inapi. Ce qui n’est pas le
cas dans l’affaire qui me concerne. Je précise que c’est l’association qui m’a attaqué
et non pas les bijoutiers. Et cette association travaille pour les Italiens. Elle est
gérée par deux ou trois mafieux qui sont
connus et ont même été arrêtés à l’étranger
pour trafic de drogue, d’or et blanchiment
d’argent. Cela a d’ailleurs été rapporté par
Quand vous avez déposé vos modèles à
l’Inapi, y a-t-il eu contestation ?
Jamais. C’est depuis le jour où ils ont
saisi la marchandise des Italiens aux
Douanes algériennes que j’ai commencé à
avoir des problèmes. En fait, il y a une
association de malfaiteurs composée
d’Algériens et d’Italiens que nous avons
réussi à épingler. Il faut savoir aussi que je
n’ai pas une seule société, mais plusieurs.
Nous avons constaté que leurs bijoux ne
sont pas conformes. Ils sont sertis de
pierres en verre qui n’ont aucune valeur
qu’ils revendent au prix et au poids de l’or.
Et ils ne sont pas poinçonnés donc ils ne
sont pas passés par les services du fisc.
Nous avons adressé une requête au magistrat qui nous a délégué un huissier de justice pour venir avec nous afin d’acheter ces
bijoux et prouver qu’ils sont faux. Ce sont
pour nous des pièces à conviction. En
outre, le même magistrat a ordonné aux
services de la répression des fraudes et de
la garantie de nous accompagner, mais ils
ont refusé de s’exécuter. Et c’est consigné
sur un procès-verbal. C’est une mafia que
j’ai dénoncée depuis 2006 à la
Gendarmerie nationale, à la brigade économique et aux services des impôts. Personne
n’a bougé.
Avez-vous fait des écrits officiels ?
Mieux. J’ai été auditionné par eux sur
procès-verbal. J’ai déposé une plainte à la
douane et une autre contre le directeur
général des Douanes, Sid-Ali Lebib et sais
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L’éco n°68 / du 16 au 30 juin 2013
e Les mains de La mafia»
Vous avez des noms ?
Il s’agit de Berkiche Saïd de
Boumerdès qui activait dans l’aviculture
avant de devenir bijoutier. Il y a aussi la
société Fadibi représentée par Badaoui
Djamel. C’est lui qui achète les bijoux chez
la mafia italienne, avec factures de surcroît.
C’est d’ailleurs la marchandise qui a été
saisie à la douane algérienne. C’est cette
mafia qui voulait déposer plainte contre la
société El-Ihsène qui nous appartient, à
mon frère et moi, mon frère étant le gérant.
C’est la première société qui exporte des
bijoux. Cette société a également déposé
ses modèles à l’Inapi. Et la société italienne
qui l’a attaquée en justice a été déboutée
parce qu’elle n’avait pas qualité pour le
faire. Car il n’est pas bijoutier, n’a pas de
registre de commerce en Algérie.
En quelle qualité a-t-il agi ?
C’est un grand point d’interrogation
pour moi. Mais une fois l’affaire introduite
en appel devant la Cour, notre avocat de
l’époque s’est retourné contre nous. Il a
proposé la somme de 50 milliards de centimes de dommages et intérêts à la partie
adverse.
En fait, cet avocat a été constitué par
Berkiche, le parrain du trafic d’or. Puis ce
fut le patron de la société Fadibi de surgir
pour s’introduire en tierce opposition avec
l’Italien contre notre société. C’est une
véritable association qui s’est liguée contre
moi, avec la société Duel et IGAR. La
juge, probablement corrompue, a annulé
tous nos modèles sans preuve. La partie
adverse n’a fourni ni registre de commerce,
ni modèle, ni facture.
Cela bien que vous ayez déposé vos
modèles à l’Inapi…
Oui la juge m’a dénié le droit sur mes
modèles bien qu’ils soient déposés. Et
Lorsque j’ai demandé la tierce opposition
pour la société El-Ihsène dans laquelle je
suis actionnaire à 50%, la justice me l’a
refusée. Alors que c’est mon droit le plus
absolu. Tout cela s’est déroulé sans que
mon avocat, maître Fetnassi, soit au courant. Il ne savait même pas que l’affaire
était enrôlée et jugée. D’ailleurs, j’ai déposé plainte contre l’avocat constitué par
Berkiche. En fait, la société El-Ihsène
dérange les Italiens, les Turcs…
Par ailleurs, les services des impôts
nous ont refusé, par écrit, le remboursement de la TVA à l’export. Ce qui est illégal. Car nous achetons de l’or en Algérie,
nous fabriquons des bijoux en Algérie et
nous les exportons. Pourquoi nous refuset-on le remboursement ? Cela veut dire que
c’est la faillite pour l’entreprise.
Paradoxalement, nous apprenons que des
importateurs ramènent de la marchandise
finie de Dubaï sans payer de droits de
douane ni de TVA.
Parlez-nous de l’or italien, de ces
pierres considérés comme grammage
alors que ce n’est pas de l’or…
En Italie, il y a une loi selon laquelle on
doit peser les bijoux avec les pierres de
100 carats (1 g = 5 carats) à part et l’or à
part. Il est interdit de les peser ensemble.
Compte tenu de la qualité. Car ce n’est pas
normal que pour les diamants, le poids soit
donné et pas celui du verre. C’est de l’escroquerie. Il se trouve qu’on importe officiellement des bijoux auxquels on rajoute
jusqu’à 40% de pierres et on les pèse
comme étant de l’or. Je suis le seul en
Algérie à avoir dénoncé ces pratiques. Les
Douanes algériennes ont saisi cette marchandise et convoqué son propriétaire pour
contrôler la conformité des bijoux. Parce
qu’il s’agit du régime passif.
Les bijoutiers prennent de l’or, le fabriquent de l’autre côté de nos frontières et le
réimportent sans payer un centime de
droits de douane. En plus clair, ils exportent de l’or de manière officielle et ils
importent du verre.
Cela, avec la complicité de l’Etat mais
aussi des Douanes italiennes qui ont laissé
sortir la marchandise. Tout cela, je l’ai
dénoncé en présence de l’officier des
Douanes M. Benmerad, du directeur des
fraudes M. Zitouni et du directeur du
contentieux.
Cette marchandise vendue aux
bijoutiers n’est pas passée par les
services de garantie ?
Si. Sauf que tout le monde est complice.
Et c’est ce que j’ai dénoncé. Partout, y compris dans les journaux. Il faut signaler que
personne n’a voulu délivrer un document
pour libérer la marchandise saisie en douane. La solution trouvée était de licencier le
directeur de l’association des Douanes,
muté à Tamanrasset ; le directeur des
fraudes a été remplacé par un intérimaire. Et
c’est ce dernier qui a ordonné la libération
de la marchandise alors que l’affaire était
pendante devant la justice.
Parlez-nous de l’authenticité des
pierres. Comment le consommateur
peut-il reconnaître le vrai du faux ?
Nous sommes les seuls en Algérie à délivrer un certificat international après avoir
fait l’expertise ; aucun bijoutier ne délivre
de certificat officiel. Il faut savoir qu’aujourd’hui, n’importe qui peut s’improviser
bijoutier. Et cela avec l’argent de la drogue.
On utilise des prête-noms, on les finance et
on ouvre des bijouteries partout. Cela n’est
un secret pour personne. Pis, ces vitrines ne
sont pas contrôlées par l’Etat..
Mais il y a une loi sur le poinçon…
Il faut savoir que le bijoutier doit acheter
chez le fabricant. Lequel fabriquant s’approvisionne en or obligatoirement chez
l’Etat. Car depuis 2002, il nous est interdit
d’acheter de l’or cassé en raison de la TVA.
DOSSIER
toutes les instances officiels y compris la
présidence de la république et je garde
toutes les copies.
Qu’en est-il de l’or non conforme ?
Est-il détectable ?
Non. Et les bijoutiers actuels sont incapables de le savoir. En principe, on prend de
l’or, on le coupe on y ajoute de l’acide et du
plomb et on pèse pour connaître le carat. Il
se trouve que l’appareil de pesée des services de l’Etat est défectueux. Il est donc
impossible d’établir le titre de l’or. D’où la
fraude. Cela parce que l’Etat ne veut pas se
donner les moyens d’intervenir.
Surtout que 95% de l’or en vitrine n’est
pas conforme. Ce sont les statistiques qui le
disent, pas moi. Quand il n’y a pas de poinçon, cela veut dire que ce n’est pas de l’or à
18 carats n
F. A.
Bimensuel de l’économie et de la finance
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DOSSIER
L’éco n°68 / du 16 au 30 juin 2013
L’Inapi rejette les modèles non conformes et avertit les copieurs
Protection Intellectuelle des modèles de bijoux
Les droits d’auteur
en danger
L’Algérie figure parmi les pays où la propriété intellectuelle et la protection
des droits d’auteurs est ignorée. Aujourd’hui, l’Institut national algérien de
la protection intellectuelle (Inapi) est confronté à des litiges avec des
fabricants de bijoux qui remettent en question l’absence de protection de
leurs droits sur les modèles déposés. Abdelhafid Belmehdi, directeur général
de l’Inapi, défend son institution, estimant que «l’innovation nationale est
en danger car personne ne s’applique aux textes de lois et les accusations
sont toujours portées contre l’Inapi».
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Bimensuel de l’économie et de la finance
Par Samira Bourbia
A
près avoir déposé ses modèles et payé
les frais d’enregistrement au niveau
de l’Inapi en 2004 et en 2009, afin de
bénéficier de la protection de droits d’auteur,
M. Benkortbi est surpris par la décision de la
justice qui le dessaisit de ce droit pourtant
dûment enregistré, suite à une affaire en justice pour raison d’absence d’authenticité et
d’originalité. Cette protection dont ont bénéficié ses modèles leur a été accordée par l’ancien directeur de l’Inapi, en 2003, à la retraite
actuellement. Par la suite, la nouvelle direction
de cette institution, dirigée par M. Belmehdi, a
remis en question la protection de ces œuvres
avec pour argument le manque d’originalité et
l’absence de créativité. Du coup, M.
Benkortbi a été privé de ses droits malgré
l’enregistrement de ses modèles sur dix ans est
toujours en vigueur. Ce qui a créé le paradoxe,
notamment après l’intervention de la justice
pour annuler les enregistrements déposés par
M. Benkortbi en 2007 et 2010.
En effet, la confusion et le flou juridicoprocédural provoqués par les décisions de
l’Inapi ont laissé M. Benkortbi perplexe quant
à l’absence de cohérence et de pertinence
dans le jugement. Il accuse l’Inapi d’indifférence vis-à-vis du respect des droits d’auteurs,
Bimensuel de l’économie et de la finance
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ser et à enregistrer pour bénéalors que le directeur
ficier de la protection légale
général de l’Inapi
des droits d’auteur», affirme
se trouve dans une
M. Belmehdi.
situation délicate du
Cette
institution
fait que lesdits enreapplique les dispositions
gistrements, certes
générales de l’ordonnanmanquants selon ce
ce n°03-06 du 19 juillet
responsable d’authenti2003 relative aux
cité et d’originalité, ont
marques. Les enregistout de même été faits
trements concernant
sous l’ancienne direction
le droits à la marque
et leur auteur dispose de
sont régit par ce
documents officiels lui
texte de loi, tandis
conférant le droit d’auteur et
que ce qui se rapde création.
porte aux droits
«Réellement, je ne connais
aux dessins et
pas les grandes lignes de l’afèle
d
o
de m
aux
modèles
faire étant donné que c’est l’ann
o
i
t
clara
3
sont régis par
cien directeur qui a accordé la
la dé vier 200
e
d
n
é
l’ordonnance n°66-86 du 28
protection aux modèles de M. Fac-similrée le 11 ja
t
avril 1966 relative aux dessins et aux
Benkortbi, en 2003. Aujourd’hui, enregis
modèles.
avec la justice, nous tenons compte
D’après le responsable de l’inapi, avant de
des résultats de l’examinateur et non de la
décision de l’ancien directeur de l’Inapi. Le porter un jugement dans quelconque affaire,
verdict prononcé par la cour à l’encontre du elle se doit de protéger les droits d’auteur en
bijoutier algérois concernant le dépôt et l’en- se référant aux textes de lois, à l’expertises
ainsi qu’aux conventions internatioregistrement des modèles de bijoux en 2003 et
nales qui déterminent les axes et les
2009 est légitime vu que les Benkortbi n’ont
marches à suivre quant à la protecpas respecté les dispositions
tion d’un droit de création. Des
décrétées dans l’article 1 de
conditions sont imposées pour
l’ordonnance de 1966 relative
chaque modèle et chaque marque
aux dessins et aux modèles».
avant qu’ils ne soient considérés
C’était le motif avancé par le
comme patrimoine à préserver.
juge qui a mené l’affaire ainsi
«Nous nous référons particulièque par l’Inapi. «Les modèles
rement aux deux premiers
déposés en 2003 par M.
articles de l’ordonnance 66.»
Benkortbi, dont l’affaire est touL’article 1 stipule que «sont
jours en justice, ont bénéficié de dix
n
essi
considérés comme dessins
ans de protection des droits d’auteur
du d
é
l
i
tout assemblage de lignes,
et cette durée prendra fin cette année. Fac-sim tré
is
de couleurs, destinés à donner une
Cela marquera la fin de la protection enreg
apparence spéciale à un objet industriel ou
et de l’affaire», souligne M. Belmehdi.
En tout état de cause, le droit sur les artisanal quelconque et comme modèle toute
modèles de bijoutiers s’avère un véritable forme plastique associée ou non à des coucasse tête pour cette institution qui, enregistre leurs et tout objet industriel qui peut servir de
bien d’autres situations litigeuse allant du type pour la fabrication d’autres unités et qui
manque d’authenticité à la copie de modèles se distingue des modèles similaires par sa
faisant partie du patrimoine culturel national. configuration. Seuls les modèles originaux et
Le dispositif juridique inhérente à cette activi- nouveaux bénéficieront de la protection de la
té présente bien des manques que l’Inapi protection accordée par la présente ordonnandevra faire avec en attendant que soit détermi- ce» ; l’article 2 décrète que «tout titulaire d’un
né légalement les contours du droit sur telle ou dessin ou modèle a le droit de les exploiter et
la propriété du dessin et du modèle appartientelle propriété.
nent à celui qui, le premier, en a effectué le
dépôt», explique M. Belmehdi. En cas de
La justice en dernier recours
Généralement l’Inapi rejette les modèles rejet du modèle, le créateur a droit au recours.
Suite à cela, une commission composée de
non conformes et avertit les copieurs. En cas
de recours l’affaire est soumise à la justice. cinq examinateurs s’occupe de réexaminer les
«Ces conflits d’ordre juridico-procédural produits. Cette commission confirme ou rejetprennent du temps. Mais, il faut savoir que les te le rapport. «La protection des droits d’autextes de loi sont clairs en ce qui concerne la teur est l’affaire de tous», conclut
protection des droits d’auteurs. Les modèles M. Belmehdi. Il reste pourtant la question de
protégés par l’Inapi sont stockés dans une savoir pourquoi cette commission n’a pas été
base de données qui permet la vérification convoquée dans le cas Benkortbi n
S. B.
prompte de l’authenticité des produits à dépo-
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Dossier
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Une bourse du métal jaune à ciel ouvert à Oran
M’dina J’dida, le warrant de l’inforMel
Mohamed Salah, jeune cadre moyen dont l’employeur est en difficulté de trésorerie, dépose sa femme à
proximité de la place Sidi Blel, à M’dina J’dida pour revendre, dit-il, «les dernières babioles en or de sa dot,
pour faire face à la crise». M’dina J’dida est devenue, en l’espace de quelques années, un lieu mythique du
commerce de l’or où, selon de nombreux intervenants dans le secteur, l’informel détient pas moins de 50% du
métal jaune mis en vente. C’est aussi un baromètre incontestable de l’état de santé des ménages de la région.
Par Saou Boudjemâa
DOSSIER
D
46
es dizaines de revendeurs
exposent sur de petites tables
pliantes leur joaillerie le long
des rues Mouffok Abdelkader et
Rahali Larbi, adjacentes à la place
Sidi Blel. Une bourse du métal jaune
à ciel ouvert qui représente, selon certaines indiscrétions, quelque chose
comme 400 milliards de centimes de
bijoux. Il suffit d’y mettre le pied et le
visiteur est vite fait approché discrètement par un rabatteur : «Sahbi, cha
ândek lelbie ?» Le gramme d’or est
acheté, en fonction de son origine,
entre 3 400 et 3 500 DA et il est cédé
également selon son origine entre
4 500 et 6 000 DA. L’un des
«joailliers» de fortune nous confie,
comme pour mieux installer la relation : «Sahbi, le gramme peut changer
de prix d’un moment à l’autre, personne ne peut prévoir son cours.» Mais,
ce qui est également incontestable, «le
prix du gramme d’or est fixé, surtout,
à la tête du client.» La complicité avec
un bijoutier permet d'authentifier l'or,
mais aucune garantie écrite n'est fournie au client particulièrement sur le
poids, le nombre de carats, la quantité
d'or fin contenue dans l'alliage du
métal, etc. L’arnaque est décidément
de mise à M’dina J’dida.
En effet, le constat est amer et renseigne sur de nombreuses anomalies
ayant trait au développement massif
de faux poinçons, la vente et la transformation illégale d'or et d'autres
objets précieux. Celui importé
d’Italie, à titre indicatif, atteint les
6 000 dinars le gramme, alors que l’or
«local» oscille entre les 5 000 et 5 400
DA. Certains artisans bijoutiers n’excluent pas d’ailleurs que «le prix du
gramme atteigne, dans pas longtemps,
les 10 000 DA».
La loi du silence règne
En fait, à M’dina J’dida, le commerce informel est une véritable «institution». Il obéit à des codes d’honneur, des règles de conduite et des pratiques où le silence, l’omerta, est, sans
A M’dina J’dida, le commerce
informel est une véritable
«institution»
Bimensuel de l’économie et de la finance
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L’éco n°68 / du 16 au 30 juin 2013
Derb Es Sayaghine (Oran) 5 kg d’or «feint» saisis
Les opérations de contrôle et de lutte contre le trafic et la
tromperie, particulièrement en ce qui concerne l’or, ont permis, de
sources proches des services des impôts de la wilaya d’Oran, au
cours de l’année 2012, la fermeture de 12 locaux commerciaux,
l’établissement de 122 procès-verbaux d’infraction, l’introduction
devant la justice de 45 dossiers de contrevenants et la saisie de
4,8 kg d’or «feint» (or additionné à du cuivre).
792 artisans bijoutiers
ont été contrôlés à Oran
L’
on saura que ses opérations de contrôle qui ont ciblé,
durant cette même année, 792 artisans bijoutiers et
joailliers de la wilaya d’Oran, ont également permis la saisie
d’une quantité appréciable de bijoux non poinçonnés. En
effet, certains professionnels du secteur, très au fait des
pratiques du milieu, avancent que le prix du gramme d’or, qui
culmine ces derniers jours à 6 200 DA, suscite bien des
convoitises et les contrefacteurs redoublent d’ingéniosité pour
ruser. Selon un connaisseur du marché, «l’or feint est préparé
dans des ateliers clandestins et revendu sur le marché
parallèle, particulièrement par l’entremise de femmes qui
sillonnent la ville pour faire du porte-à-porte pour proposer
des bijoux, ou encore par des 90 vendeurs à la sauvette qui
sévissent à Derb Es Sayaghine, à M’dina J’dida». Selon notre
interlocuteur, «ces vendeurs court-circuitent l’activité de près
de 220 revendeurs agréés dont le chiffre d’affaires enregistre
une chute vertigineuse». Cet état de fait rend par ailleurs la
mission des agents de contrôle impossible sur le terrain. Ils se
retrouvent souvent face à des commerces fermés car les
artisans se passent le mot et baissent rideau bien avant leur
Saou Boudjemâa
passage n
Bimensuel de l’économie et de la finance
DOSSIER
jeu de mot malsain, «une règle d’or».
En effet, un marché envahi par des
bijoux «en toc» importés frauduleusement ou carrément fabriqués dans des
ateliers clandestins. Un vieux bijoutier, las de faire face seul à un réseau,
nous confie que «la pratique du faux
poinçon s'est généralisée et se présente sous de multiples facettes. Ils sont
souvent usinés sur commande auprès
d’intermédiaires italiens, turcs, malaisiens, syriens et thaïlandais». «C’est
pour cela que ce marché est juteux»,
insistera-t-il : «constitue la chasse gardée d’une caste ayant pignon sur rue
et le bras long.» Souvent, nous
confient
de
nombreux
connaisseurs, «les initiés ont tous des
relais outre-mer, en Turquie, Italie,
France et même Suisse depuis le repli
du marché syrien».
Hadj Lahouari, un ancien bijoutier
nous confie, dépité : «Depuis quelque
temps, la mévente a réellement doublé. Les bons clients se font rares. Un
grand nombre d’entre eux revendent
leurs bijoux à des connaissances pour
boucler les fins de mois ou éponger
une dette. Certes, de temps en temps
nous recevons des commandes intéressantes, mais c'est de plus en plus
rare. Alors, nous sommes contraints
de vendre par facilité pour les proches
et les amis.»
Ceci dit, de l’avis de nombreux initiés à Oran, le marché de l’or enregistre une baisse significative de la
demande, due essentiellement aux
budgets souvent très limités des nouveaux ménages qui diffèrent l’achat
de la «dot de la mariée» à plus tard.
D’autres, par contre, attachés à un
bijou de famille dont la charge affective est grande, choisissent le recours
au prêt sur gage pour faire face à l’urgence sans s’en séparer définitivement en attendant des jours meilleurs.
Le revers de la médaille. Cette
hausse inexpliquée du prix de l’or a
généré un regain d’activité économique de tous ce qui est accessoires
de beauté tels que les bijoux fantaisie
(parures, colliers, boucles d’oreilles,
bagues et bracelets) que certains qualifient de «chics et pas chers». De
nombreux artisans bijoutiers activant
à M’dina J’dida n’excluent d’ailleurs
pas une reconversion prochaine dans
ce type d’activité n
S. B.
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Dossier
L’éco n°68 / du 16 au 30 juin 2013
Le marché de l’or en expansion à Constantine
DOSSIER
Le réseau informeL : La source
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Cela fait déjà des années
qu’Agenor ne fournit
plus d’or aux
commerçants qui se sont
tournés vers le marché
informel. C’est le seul
moyen de
s’approvisionner en
grande quantité de ce
précieux métal, tant en
brut qu’en produits finis.
Il suffit pour cela de
faire une virée du côté du
marché Rcif pour
constater de visu toutes
ces quantités proposées
aux passants, à même le
sol. Ils sont plus d’une
centaine de jeunes qui
s´adonnent à la vente de
bijoux à la sauvette. Ils
vendent en toute
quiétude, les bras chargés
de colliers et gourmettes,
proposant bagues et
pièces d´or dont raffolent
les Constantinoises.
Les prix affichés défient toute concurrence par rapport aux bijouteries
Par Mohamed El Habib
L
es prix affichés défient toute concurrence par rapport aux bijoutiers. Le
quartier en question est la Mecque
de la gente féminine. Pour mettre la cliente
en confiance, le vendeur lui suggère d´aller
chez un bijoutier qu´elle choisit elle-même
afin de contrôler l´authenticité de l´or et du
produit qu´elle veut acheter. Interrogés sur la
provenance de cet or, les vendeurs affirment
qu’hormis la marchandise vendue par des
femmes, une grande partie des bijoux sont
introduits frauduleusement par des trabendistes venant d’Italie notamment, de Turquie
et d´Espagne. Les lots importés de France
sont majoritairement issus de ventes aux
enchères. A noter que la plupart des bijoux
exposés ne sont pas poinçonnés. Et s´ils le
sont, c´est avec un faux poinçon. L’activité
révèle un certain développement de faux
poinçons et une absence de toute marque
spéciale dans la fabrication du métal jaune.
Toujours selon les revendeurs interrogés par
nos soins, les faux bijoux sont introduits à
Constantine par des réseaux activant à
Annaba et Oran.
30 à 40% de hausse du prix depuis
deux ans
Ces derniers mois, le prix de l’or à
Constantine a connu une augmentation
aussi bien chez les bijoutiers que les vendeurs informels. L’on constate une envolée du prix du gramme d’or qui a augmenté par rapport à 2011 de 30, voire
40%. Les prix actuels du gramme d’or
local oscillent entre 4 600 et 4 800 DA
alors que celui d’origine italienne se
vend entre 5 000 et 6 200 DA.
L’or blanc quant à lui se vent à 5 800
DA. En ce qui concerne les pièces d’or,
louis et napoléons de 18 carats, commercialisées sur le marché, celles-ci sont très
demandées pour un prix de près de
7 000 DA la pièce de 1.5 gramme. Le lingot d’or importé coûte entre 1,5 et
1,8 million de dinars.
Quelques bijoutiers de Houmet
Essiyaghine (le quartier des bijoutiers),
en plein cœur de la vieille ville, estiment
que le marché est aujourd’hui inondé
d’or truqué et issu de la récupération sous
forme d’or cassé n
M. E. H.
Bimensuel de l’économie et de la finance
Importation d’or
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L’éco n°68 / du 16 au 30 juin 2013
18 demandes en attente
depuis le début de l’année
L
a demande pour l'obtention
d'une autorisation d'importation ou d'acquisition de produits sensibles est soumise à la transmission par l'opérateur d'un dossier
composé d’éléments incluant une
demande adressée au directeur du
patrimoine énergétique et minier, le
type d'autorisation (importation ou
acquisition), la quantité de produits,
leur destination (revente ou utilisation)
et les coordonnées de l'opérateur. Le
dossier doit être élaboré en quatre
exemplaires, dont un est destiné à la
Direction des énergies et des mines
(DEM) de la wilaya où se situe le lieu
de stockage du produit.
Autant de documents à fournir pour
des dossiers censés recadrer le marché
national, en proie à l’informel. Avec la
fin du monopole de l’Etat sur l’importation d’or et d’argent.
Il ya eu la mise en place de neuf
nouveaux poinçons de garantie ainsi
que la création d’une brigade spécialisée dans les enquêtes, en 2005, afin de
permettre aux opérateurs privés
l’accès à l’importation. Depuis
2005, il y a eu sur le marché
algérien 27 000 kg d’or,
l’équivalent de 1,320
milliard d’euros au taux de
change officiel et obéissant à la formalité de domiciliation de toute
opération d’importation. Cependant, des
importateurs se plaignent,
depuis le début de l’année, du
retard enregistré dans la délivrance de l’autorisation ultime par
L’autorisation définitive pour l’importation d’or
et autres métaux précieux est dépendante de
l’accord de la Direction générale des impôts, qui
doit se prononcer après enquête.
la direction générale des impôts.
Certains parlent d’un gel sans
qu’une décision officielle ne soit encore communiquée par le ministère des
Finances. L’information est répercutée
par les demandeurs d’agrément pour
l’importation de l’or. Ils sont 18 sur les
49 opérateurs agréés par le ministère
des Finances, notamment la Direction
générale des Impôts (DGI). Ces derniers importent au minimum
250 kg par mois d’or produit
toutes les conditions exigées, entre
autres la souscription au cahier des
charges qui donne lieu à l’octroi par le
directeur des impôts de wilaya compétent d’un agrément provisoire permettant au postulant d’accomplir les formalités relatives à l’inscription au
registre du commerce.
«Nous attendons que les choses
reprennent ou au moins une
notification
de
refus de nos dossiers», disent-ils.
En attendant, les
importateurs
«réguliers» ne
lâchent
pas
fini (en bijoux)
soit en une année
3 000 kg représentant
presque 132 millions
d’euros.
Des artisans constantinois
et algérois disent avoir rempli
prise et comptent saisir
officiellement le directeur général des
impôts et, si nécessaire, le ministre des
Finances car, disent-ils, «cette situation profite largement aux importateurs informels» n
M. E. H.
Bimensuel de l’économie et de la finance
DOSSIER
Par Mohamed El Habib
49
Dossier
L’éco n°68 / du 16 au 30 juin 2013
Bijoux fantaisie
Une factUre de plUs
de 200 millions de dinars par an
Par Nassima Benarab
DOSSIER
E
50
n 2012, notre pays a enregistré un
record en matière d’achat de bijoux
fantaisie. Une année durant laquelle ces importations ont atteint 261 millions
de dinars, contre 228,5 millions de dinars
en 2011. Ce qui représente une hausse de
plus de 14% par rapport à l’année précédente, d’après les récentes statistiques du
Centre national de l'informatique et des
statistiques (CNIS).
Les chiffres des Douanes algériennes
montrent également que le rythme de ces
importations ne cesse d’augmenter, notamment durant ces quatre dernières années.
Une période durant laquelle le prix de l’or
a connu une hausse de plus de 50%, ce qui
a favorisé l’achat de bijoux fantaisie qui
sont beaucoup moins chers.
L’année 2013 ne fait pas l’exception
puisque les achats de bijoux fantaisie ont
déjà dépassé la barre des 70 millions de
dinars durant le premier semestre, alors
qu’en 2008, l’Algérie a importé pour
72 millions de dinars seulement. Si cette
tendance se poursuit au même rythme, les
importations pourraient exploser et
atteindre un nouveau record avec plus de
280 millions de dinars en 2013.
Des tendances haussières s’expliquent
par la demande croissante des consommateurs de ce genre d’articles qui tendent à
remplacer les bijoux en or. Le métal jaune,
qui a connu une hausse vertigineuse,
devient inaccessible aux petites bourses et
aux revenus moyens.
Les bijoux fantaisie importés sont des
produits très divers dans leur forme et les
matériaux utilisés. Ils sont en métal peu
précieux, en alliages d’étain, d’aluminium
ou de laiton. On trouve également des
bijoux en matériaux naturels comme le
bois, le cuir, les fibres végétales, les pierres
semi-précieuses. Selon notre source, outre
la Chine, l’Inde figure parmi les fournisseurs phares de l’Algérie en bijoux fantai-
Les importations pourraient
atteindre un record avec plus de
280 millions de dinars en 2013
L’Algérie importe pour plus de 200 millions de dinars
pour une quantité moyenne de 1,37 million de kilos de
bijoux fantaisie annuellement. Ces achats, qui sont en
progression d’année en année, sont à 92% importés de
Chine, le premier fournisseur de l’Algérie.
sie. L’année dernière, la Chine et l’Inde ont
assuré la majeure partie de la fourniture de
ces produits. Ils ont été suivis par la France
et l’Espagne dont les quantités importées
vers notre marché sont minimes.
Notons que certaines études tablent sur
une croissance mondiale des ventes de 5%
par an pour atteindre 1,4 milliard d’euros
d’ici 2013. En 2010, le marché de la bijouterie fantaisie et d’argent a bondi de plus
de 6% n
N. B.
Bimensuel de l’économie et de la finance