Les contenus « Over The Top » investissent nos télévisions

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Les contenus « Over The Top » investissent nos télévisions
Les contenus « Over The Top » investissent nos
télévisions : chronique d’une rupture que les
acteurs traditionnels peuvent devancer
INEUM Kurt Salmon
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14/12/2010
24, rue Salomon de Rothschild - 92288 Suresnes - FRANCE
Tél. : +33 (0)1 57 32 87 00 / Fax : +33 (0)1 57 32 87 87
Web : www.carrenoir.com
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Les acteurs « Over The Top » ont pour ambition de réinventer la télévision, mais aussi de
remettre en cause les positions des « historiques » que sont les chaînes de télévision, les
acteurs de la télévision payante ou encore les FAI. Qu’en est-il vraiment ? Deux scénarios
se dégagent à court terme, avec un équilibre économique qui peut être vertueux pour
toutes les parties… A condition de réagir suffisamment tôt.
L’« Over The Top » est un terme un peu flou qui désigne
en réalité des acteurs que nous connaissons depuis
longtemps.
Les acteurs « Over The Top » ou « OTT » sont appelés
ainsi parce qu’ils proposent du contenu audiovisuel
directement accessible depuis Internet, sans avoir
à passer par le réseau dit « managé » des FAI1 : leur
contenu vient donc « par-dessus » celui des opérateurs.
Ces acteurs sont généralement des géants de l’Internet :
YouTube, Facebook, Skype, Netflix…
Les contenus OTT investissent donc nos équipements à
mesure qu’ils sont connectés à Internet : d’abord dans
les années 2000 avec la démocratisation des connexions
Internet sur PC ; puis dès 2007 avec le lancement de
l’iPhone et le décollage de l’Internet Mobile. Regarder
une vidéo Dailymotion sur son smartphone c’est donc
consommer de l’OTT ! En effet, jusque là les opérateurs
avaient la main sur le contenu proposé à leur client en
« verrouillant » les services accessibles depuis le portail
des téléphones mobiles. L’iPhone, et dans son sillage les
téléphones sous Androïd, ont créé une véritable rupture de
ce modèle en donnant aux utilisateurs un accès à l’Internet
ouvert sans avoir à passer par le portail des opérateurs.
C’est ce que l’on appelle la désintermédiation ou le
« cord cutting » en anglais : les utilisateurs finaux
s’affranchissent des services proposés par les opérateurs
en installant les applications de leur choix et en accédant
à du contenu directement en ligne.
Si l’on en parle tant aujourd’hui c’est parce que nos
télévisions vont bientôt toutes être connectées à
internet avec l’essor des smart tv (télévisions directement
connectées à Internet sans passer par la set-top box des
FAI) et des boitiers OTT (le boitier Apple TV par exemple
ou encore la Xbox 360 de Microsoft). Les acteurs OTT vont
donc pouvoir « pousser » leur contenu sur la télévision, en
l’accompagnant de nouvelles fonctionnalités interactives
(guide des programmes personnalisé, recommandations
de films en fonction de ses goûts, accès aux applications
de réseaux sociaux ou de communication type Skype…).
Ceci n’était pas possible auparavant, même pour les foyers
recevant la télévision en « IPTV » via les offres triple play des
FAI. En effet, dans ce cas la télévision est bien connectée à
Internet mais d’une part les FAI ne donnent accès qu’à leurs
« services managés » (VOD, jeux…) et d’autre part l’IPTV
ne supporte pas en natif les technologies « web-based »
nécessaires à la diffusion des contenus OTT.
De fait, le phénomène de « cord cutting » appliqué à
la télévision pourrait créer une rupture sans précédent
pour les fournisseurs de contenus traditionnels.
En premier lieu, les acteurs historiques tels que les
chaînes de télévision ou les FAI, aujourd’hui largement
encadrés par la règlementation française (quota de
diffusion d’œuvres audiovisuelles française, obligation
de financement…), vont devoir faire face à des acteurs
mondiaux issus d’un Internet très peu régulé. Et
surtout, l’arrivée d’acteurs OTT pourrait conduire à une
fragmentation des audiences et donc à une érosion
substantielle des revenus publicitaires.
En effet, les téléspectateurs jusque là relativement
passifs face à des programmes « linéaires » et constituant
de ce fait une audience largement monétisable grâce
à la publicité vont avoir accès demain à une offre
beaucoup plus importante de services en Over The Top,
notamment délinéarisés.
Et au-delà des revenus publicitaires, c’est aussi une
partie importante des revenus issus directement de
la vente de loisirs numériques audiovisuels2 qui risque
d’échapper aux historiques.
Les enjeux sont de taille : d’après nos analyses, ce
marché devrait croître en France de près de 40 % d’ici
à 2016 pour atteindre 7 milliards d’euros, notamment
sous l’effet de la vidéo (VOD, SVOD et EST3) dont
le marché va quintupler pour atteindre près de 900
millions d’euros. Or aujourd’hui le marché français de
la vidéo numérique est dominé par les FAI, qui captent
90 % de la VOD en valeur, et dont les positions vont
être fortement concurrencées avec l’arrivée des
modèles en SVOD des acteurs OTT. Ainsi le marché de
la SVOD lancé par Netflix s’est-il imposé en un an aux
Etats-Unis, pesant en 2011, 454 millions d’euros soit
autant que la VOD et l’EST réunis4.
1.Le réseau « managé » est le réseau géré par le FAI (Fournisseurs d’Accès à Internet), qui en contrôle les
services et la configuration. Les utilisateurs y ont accès par un portail (typiquement l’écran d’accueil de
la TV quand elle est reçue en IPTV dans le cadre d’une offre Triple Play) qui ne donne accès qu’à des
services sélectionnés par le FAI tels que la VOD (on parle alors de services « managés »).
2. Le marché des loisirs numériques comprend la télévision payante, la vidéo numérique (à la location, à
l’abonnement ou au téléchargement), la musique et les jeux numériques.
3. La VOD (Video on Demand) correspond à la location de vidéo numérique – proposé par les FAI par
exemple –, la SVOD (Subscription Video on Demand) correspond à une formule d’abonnement – c’est le
modèle de Netflix ou de Canalplay Infinity par exemple – et l’EST (Electronic Sell Through) correspond
à l’achat par téléchargement d’une vidéo – marché dominé par Apple.
4. Source : IHS Screen digest 2012.5.
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Les contenus « Over The Top » investissent nos télévisions :
chronique d’une rupture que les acteurs traditionnels peuvent devancer
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Deux questions majeures se posent : d’une part la
capacité des acteurs OTT à investir suffisamment
massivement les écrans TV pour provoquer cette
rupture et d’autre part celle des historiques à l’anticiper
voire à circonscrire le risque de « cord cutting ».
De fait, les acteurs OTT sont en train de réunir
progressivement les quatre conditions nécessaires
pour exister durablement sur le marché :
•U
ne adaptation aux contraintes règlementaires de la
« chronologie des médias » française qui impose
notamment un délai de 36 mois avant qu’un film ne
soit disponible en SVOD. Par exemple, des acteurs tels
que Netlflix ou Hulu investissent dans la création de
contenus exclusifs, ce qui leur permet de « remonter » la
chronologie des médias en se positionnant sur la fenêtre
« TV payante » (t+10 mois) et non plus sur la fenêtre
« SVOD » (t+36 mois) ;
•L
a proposition de contenus attractifs pour le
téléspectateur tels que les films à succès ou encore
les programmes locaux. Aujourd’hui les acteurs
historiques, et notamment les FAI, disposent d’une
capacité plus importante que les OTT en matière
d’acquisition des droits des majors (Disney, Sony…).
Aussi, les acteurs OTT disposent de trois façons pour
intégrer ces contenus à leurs offres : soit en intégrant
directement des chaînes de télévision classiques aux
offres des OTT – ce qu’Apple est en train de négocier
avec les cablô-opérateurs aux Etats-Unis ; ou bien à
l’instar de Netflix en acquérant les droits de certains
films ; ou encore en « re-linéarisant » du contenu
comme YouTube avec le lancement de ses 13 chaînes
thématiques françaises pour lesquelles la filiale de
Google a fait appel à des producteurs locaux ;
•U
ne qualité et un débit suffisant pour proposer des
contenus OTT en HD et en live. En effet, les offres
OTT s’appuient sur des technologies « web-based »
nécessitant des standards communs et des capacités
réseaux suffisantes pour acheminer un contenu
de bonne qualité aux utilisateurs. En l’occurrence
l’actuelle montée en débit des réseaux et les
nouvelles technologies d’encodage (HEVC, Adaptive
Streaming…) va permettre la diffusion de contenus
OTT en HD et en live dans quelques mois ;
• Une relation directe avec le client, dont les acteurs
comme Apple ou Amazon disposent déjà avec des
bases clients considérables qu’ils sont en mesure de
facturer directement.
Forts de ces atouts, les acteurs OTT vont donc
progressivement investir les écrans TV, avec deux
scénarios envisageables, qui pourront se succéder dans
le temps.
A très court terme, les OTT vont pénétrer le marché
français avec des offres de VOD et de SVOD5 sur les
« seconds écrans » c’est-à-dire le 2e téléviseur du foyer et les
tablettes (rappelons que les foyers français possèdent 6,2
écrans en moyenne et deux écrans TV pour 50 % d’entre
eux6), sans que cela ne crée de distorsion majeure
du marché. Dans un second scénario, qui peut être
consécutif à celui-ci, la montée en puissance des usages
sur smart TV créera une véritable rupture, et il y a fort
à parier que ce soit la smart iTV d’Apple (c’est-à-dire
le téléviseur) qui en soit le déclencheur. Il faut en effet
garder en tête que le business model d’Apple repose
sur la vente de Hardware 7 et que l’iTV représente
un véritable relais de croissance aux iPhones (dont
les ventes ont été dépassées en 2011 par celles des
Android Phones). Et Google suivra dans son sillage,
via ses accords avec les constructeurs de smart TV,
reproduisant le modèle adopté sur les téléphones
mobiles. Aujourd’hui 11 % des foyers français sont déjà
équipés d’une smart TV, soit 30 % du parc installé. Au
rythme actuel, cela représentera 75 % de téléviseurs
« connectables » en 2015 8, dont 50 % devraient
effectivement être « connectés ».
Néanmoins en France les acteurs historiques, et
notamment les FAI, disposent de quelques longueurs
d’avance pour anticiper l’arrivée de ces acteurs.
En effet, le marché français est très atypique : 20 %
des foyers reçoivent la télévision en IPTV9 via leur offre
FAI, soit la plus forte pénétration au monde. Ce qui leur
confère un avantage de taille : les propositions de valeur
des OTT sont certes attractives (films à petits prix,
fonctionnalités de recherche et de recommandations de
films…) mais ne sont pas à la hauteur des offres triple
play des opérateurs, beaucoup plus complètes et parmi
les moins chères du monde.
Les opérateurs ont donc le temps d’anticiper l’arrivée
des OTT, et peuvent mettre en œuvre deux types de
réponses stratégiques afin de changer la donne.
D’une part, les FAI peuvent intégrer du contenu OTT dans
leurs offres triple et quadruple play afin de les rendre plus
riches que celles des OTT seuls. Cela passe notamment
par l’adoption de technologies « web-based » adaptées
à ces nouveaux contenus, par ailleurs plus agiles et
moins coûteuses que les technologies IPTV. D’autre
part, les FAI peuvent revaloriser la ressource cœur de
cet écosystème, à savoir le réseau, à travers des offres
à destination des OTT. Typiquement, les opérateurs
disposent de ressources réseaux (voir ci-dessous)
dont les OTT ont besoin pour assurer la qualité
de leurs contenus. La réponse réside donc dans la
« remonétisation » des données transportées sur leurs
réseaux.
5. Amazon devrait lancer Lovefilm avant la fin de l’année en France sur smart TV et consoles de jeux.
6. Source : Médiamétrie, mai 2012.
7. Avec des marges allant de 37 % à 51 % sur l’iPad par exemple – source iSuppli 2012.
8. Source : IDATE et analyses Kurt Salmon.
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De plus les FAI ne sont pas les seuls à réagir à l’entrée
des acteurs OTT dans l’écosystème audiovisuel.
Les chaînes de télévision ont également anticipé ces
évolutions en se fédérant autour d’un standard commun,
le HbbTV10, permettant d’enrichir les programmes TV par
l’accès à des services interactifs. La création de cette
norme répond à de fortes inquiétudes de la part de ces
acteurs, qui craignent que les OTT imposent leurs propres
contenus interactifs sur les émissions en court-circuitant les
chaînes. Le HbbTV permet notamment de « contrôler »
les acteurs habilités à proposer des services interactifs
complémentaires aux programmes, en évitant ainsi que
les OTT ne puissent pousser de manière « sauvage » du
contenu web sur le petit écran.
Enfin, les lois audiovisuelles qui se préparent
devraient aider les historiques à ne pas supporter seuls
le financement des évolutions du monde numérique
audiovisuel (mise à jour de la capacité des réseaux
pour soutenir des débits toujours plus importants,
contribution à la production audiovisuelle…) afin de créer
un environnement aussi vertueux que possible pour
l’ensemble des parties prenantes.
Les « CDN » : une denrée nécessaire pour les
Over The Top
Les CDN (Content Delivery Networks) sont des
réseaux permettant d’accéder rapidement à un
contenu Internet en « répliquant » le contenu
provenant du serveur d’origine sur des « nœuds »
situés au plus proche de l’utilisateur final.
Ils permettent ainsi d’optimiser le temps de réponse
à un site Internet (en téléchargement ou streaming)
pour l’utilisateur, et diminuer le coût de la bande
passante pour les fournisseurs de contenus.
Les grands acteurs du CDN sont Akamai
et Limelight Networks, concurrencés par
les opérateurs télécoms qui en détiennent
également et commencent à se fédérer entre
eux pour offrir une offre globale aux OTT.
9. Source ARCEP.
10. Hybrid Broadband Broadcast Television, standard européen déployé conjointement par les
chaînes de télévision, les diffuseurs et les fabricants de téléviseurs. Les chaînes françaises (TF1,
M6, France 2, France 3, Canal+…) proposent depuis 2011 des services interactifs HbbTV sur les
téléviseurs compatibles.
Pour plus d’informations, vous pouvez contacter :
Véronique Pellet, Manager, [email protected], Tél.: +33 1 55 24 33 11
@KurtSalmon_TME
Plus d’informations sur l’expertise Stratégie,
Telecom & Médias de Kurt Salmon :
Kurt Salmon est un cabinet de conseil en transformation des entreprises. La vocation des 1400 consultants de Kurt Salmon est d’apporter aux dirigeants
des entreprises le conseil et les idées originales qui ont un impact direct et concret sur la réussite de leurs projets et, en particulier, sur leurs projets de
transformation. Kurt Salmon accompagne les dirigeants dans l’exploration de nouvelles voies pour les entreprises. Nos équipes de conseil interviennent à
leurs côtés pour mieux comprendre les attentes du marché, pour les aider à discerner les facteurs d’évolution de leur secteur d’activité et à trouver la
différenciation compétitive qui leur permettra d’exprimer leur leadership.
www.kurtsalmon.com
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