Hors-jeu - E

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Hors-jeu - E
OFFSIDE (HORS JEU)
Titre original : Offside
Film long métrage de fiction Iran 2006
Réalisation : Jafar Panahi
Interprètes : Sima Mobarak Shahi, Safar Samandar, Shayesteh Irani
VF et VO iranienne sous-titrée français-allemand
Durée : 1h28
Sortie prévue en salles en Suisse romande : fin mai 2006
Ours d'argent, Berlin 2006
Thèmes :
Histoire : La modernisation de l'Iran sous le règne de Shah
Mohammad-Reza Pahlavi; l'Iran des ayatollahs, de 1979 à nos jours
Eduction aux médias : le nouveau cinéma iranien, la comédie à message
Education aux citoyennetés : les droits et devoirs de la femme dans la société musulmane
Les Organes cantonaux de contrôle des films de Vaud et Genève attribuent aux films un âge d'admission «légal» et
un âge «suggéré». Cette distinction indique qu'un film est certes autorisé à un certain âge - donc pas
dommageable -, mais pas forcément accessible (peut être ennuyeux pour de jeunes enfants). Ces limites d'âge
s'appliquent à l'ensemble de la Suisse romande
Âge légal : 7 Âge suggéré : 14
Résumé :
8 juin 2005. Silencieuse dans bus roulant vers le stade Azadi à Téhéran, au milieu des fans qui vocifèrent,
une jeune fille déguisée en garçon se prépare à assister au match de football Iran-Bahrain. Arrivée à
destination, la jeune fille est interceptée à un poste de contrôle et emmenée dans un enclos, où elle rejoint
quatre autres compagnes d'infortune, elles aussi déguisées en hommes. Deux soldats sont chargés de les
surveiller : l'un suit strictement la procédure, l'autre regarde le match à travers les grilles et tient les filles
au courant de sa progression. Les prisonnières attendent d'être emmenées par la brigade des moeurs qui
décidera de leur sort.
Commentaires :
«J'ai voulu montrer que beaucoup de gens ne peuvent pas bénéficier des droits fondamentaux et mener
une vie normale», a déclaré le réalisateur à Berlin, où il a présenté son film. Bravant la censure, il a décidé
de filmer la tentative de cinq Iraniennes folles de foot d'entrer en douce dans l'enceinte sportive. En toile
de fond de cette comédie intelligente et pleine d'humour : le match de qualification pour la Coupe du
monde de football, que l'Iran a remporté contre le Bahrain. Les acteurs sont tous des amateurs et les
scènes, souvent improvisées, ont vraiment été tournées le jour de ce match.
Il faut savoir que depuis la prise du pouvoir par les ayatollahs en 1979, les femmes sont interdites de stade
en Iran (à cause de la proximité des hommes, de leur manque de tenue et de la grossièreté de leur
langage quand ils se déchaînent : cette haute protection est caricaturalement montrée dans une scène où
l'une des prisonnières en garde à vue demande la permission d'aller aux toilettes. Mais voilà, il n'y a que
des urinoirs dans le stade, et les parois sont couvertes de grafitti! Le gardien de l'ordre qui accepte enfin
de conduire la jeune fille aux W.C. l'oblige à cacher son visage derrière une affiche du joueur iranien
vedette - il a pris la peine de percer deux trous à hauteur des yeux - pour qu'elle ne voie que le strict
nécessaire et qu'on ne voie pas son visage !).
Jafar Panahi appartient à cette nouvelle génération de réalisateurs qui prennent régulièrement le pouls de
la société iranienne et la montrent de plus en plus directement sur grand écran, délaissant les narrations
allégoriques pour dire ouvertement ce qu'ils ont à dire. Dans Offside, Pahani dépeint dans un style un peu
anecdotique et plein d'humour l'inégalité des droits entre hommes (maîtres, souvent bourreaux) et femmes
(victimes de moins en moins consentantes).
Les règles viennent d'en haut et sont appliquées sans conviction par les jeunes soldats. Ils obéissent, car
le système est impitoyable pour ceux qui enfreignent les règles. Mais on devine une certaine lassitude
dans la jeune génération, une envie que les choses bougent. Les anciens gardiens de la révolution
semblent avoir disparu.
On perçoit dans Offside une vision nettement moins sombre que celle qui dominait dans les films
précédents de Panahi, en particulier dans le film qui l'a fait connaître en Occident, Le Cercle (Dayereh,
2000, interdit en Iran), dans lequel le calvaire et l'asservissement des femmes était symbolisé par une
errance sans fin dans les rues de Téhéran. La scène d'ouverture de Dayereh se déroulait aux portes
d'une prison, la dernière scène en prison : entre les deux, des femmes marchant dans la rue, chassées ou
en fuite, qui ne peuvent ni partir, ni rentrer à la maison, parce qu'elles n'ont ni père, ni frère, ni mari qui
veulent répondre d'elle. Elles semblent maudites, simplement parce qu'elles sont femmes, dans cet Iran
qui se considère comme libéral (et qui l'est certainement par rapport à l'Afghanistan, par exemple!).
Dans sa nouvelle présentation du dilemme social des Iraniennes, Pahani montre des portes qui semblent
s'ouvrir : on voit en effet de jeunes supporters aider les prisonnières à s'enfuir, on en voit d'autres ne pas
s'étonner ni intervenir quand ils se rendent compte qu'elles enfreignent la loi en se déguisant. Et on se
demande : qui se soumet encore aux règles des ayatollahs avec conviction et respect ?
Cette comédie légère s'adresse avant tout aux jeunes et aux femmes (sans doute parce qu'ils
représentent les catégories sociales les plus prêtes au changement et aux libertés, surtout dans les
couches sociales moyennes et supérieures). La mésaventure tragi-comique de ces jeunes femmes, dont il
est dit clairement qu’elles risquent bien plus que la privation du match, s'achève dans la foule heureuse et
surexcitée des Iraniens en liesse. Le temps d'une journée mouvementée qui s'achève par la victoire de
l'équipe nationale, la ferveur autour du dieu football parvient - presque - à éliminer les antagonismes. On
ne sait si la brigade des moeurs osera punir les rebelles, si leurs familles s'en chargeront, on sait juste
qu'elles ont pu écouter le match par gardien interposé, et qu'elles ne finiront pas cette nuit-là en prison.
Mais demain ? Jafar Panahi semble avoir voulu suggérer la gravité de la situation, puis l'avoir tempérée en
exprimant une certaine foi dans la jeune génération. Optimisme fondé, semble-t-il : le président iranien
Mahmoud Ahmadinejad vient de lever l'interdiction établie en 1979 après la révolution islamique. Les
femmes sont à nouveau admises dans les stades (coïncidence avec la Coupe du monde de 2006 en
Allemagne ?), mais le plan pour autoriser les femmes dans les stades ne porte que sur les familles et
l'accès en restera théoriquement interdit aux femmes seules. Et Offside est toujours interdit en Iran…
Pistes pédagogiques :
Débattre si une comédie fait mieux passer un message qu'un film "sérieux".
Que nous apprend Offside sur l'Iran d'aujourd'hui ?
Comparer les supporters iraniens aux supporters occidentaux
Débattre si la religion (chrétienne, musulmane, juive, etc.) est un frein à l'évolution sociale
Pour en savoir plus :
www.filmcoopi.ch/
Iran : www.tlfq.ulaval.ca/axl/asie/iran.htm
La condition de la femme iranienne : http://oloumi.jurispolis.com/zia/iran/fem_ir.htm
Le réveil de l'Iran : www.monde-diplomatique.fr/2004/02/HOURCADE/11001
Suzanne Déglon Scholer, enseignante au gymnase, responsable de Promo-Film EcoleS et de la TRIBUne des
Jeunes Cinéphiles, Lausanne, mai 2006
La TRIBUne des Jeunes Cinéphiles
Trois regards sur OFFSIDE de Jafar Panahi
Léonore Furrer, 19 ans, Gymnase Auguste Piccard, TJC, Moudon
Ces derniers mois, il n’y a pas eu une semaine sans que l’on ne parle de l’Iran (notamment au
sujet du nucléaire ou des propos incendiaires à l'adresse des Américains tenus par le chef du
gouvernement) ; pas une semaine non plus sans que l’on ne parle de la Coupe du Monde de
Football 2006. Le film tombe à pic. En moins d’une heure et demie, le réalisateur iranien aborde
plusieurs sujets qui incitent à la polémique ou à l’engouement en général : les droits
fondamentaux des êtres humains (plus particulièrement ceux de la femme dans les pays
musulmans), les limites de l’autorité et, avant tout, le football. A mon avis, Offside est un film qui
montre surtout ce qu’est l’euphorie du football, pour tout un pays, pour tous les sexes, et pour
toutes les couches sociales confondues. D’ailleurs, Jafar Panahi ne se considère pas comme un
« réalisateur politique », bien qu’il se dise concerné par tous les problèmes sociaux qui existent dans son pays et
ailleurs dans le monde. En cela, le film est pour moi très réussi car il montre avec simplicité et humour une réalité
plutôt difficile à imaginer pour nous qui vivons dans un pays si démocratique. La réalisation souligne elle aussi ce
caractère presque « documentaire », la caméra suivant « en temps réel » les événements de la soirée du match
Iran-Baraïn, décisif pour la qualification à la Coupe du Monde. Bref, la joie des supporters dans la scène finale
semble donner au film un esprit résolument optimiste et fait rêver tous les fans de foot, à quelques jours seulement
du début de la folle aventure du ballon rond en Allemagne.
Nicolas Lorétan, 19 ans, Gymnase Auguste Piccard, TJC, Renens
On voit dans Offside un échantillonnage de fans de foot et du sentiment national(iste) exprimé au travers de ce sport.
On voit aussi la place à laquelle la femme a droit en Iran, une place qui est bien loin de l’égalité qu’on a dans notre
pays (bien que chez nous aussi, il y ait encore des différences). Le réalisateur a souligné l'inégalité entre les sexes
en montrant l'interdiction qui frappent les Iraniennes désireuses d'aller voir un match de foot et les punitions qu'elles
encourent si elles désobéissent.
Pour le côté technique du film, je dirai que le film manque de mouvement, de rythme et se déroule pratiquement
toujours au même endroit. L’histoire avance très lentement. Par contre on voit très nettement des évolutions dans les
relations qu’ont les jeunes filles avec les soldats qui peu à peu oublient les lois et règlements auxquels tout le monde
se soumet et se montrent plus compréhensifs avec leurs prisonnières. Finalement on voit que les restrictions qui sont
imposées aux jeunes filles n’ont pas tellement de sens, surtout à la fin, lorsque dans la foule de supporters iraniens
en délire, tout le monde se met à danser, y compris les jeunes prisonnières en cavale.
Nora Els, 17 ans, Gymnase Auguste Piccard, TJC, Epalinges
En Iran, les femmes sont interdites de stade. Quelques rebelles sont interceptées par les gardes et entre elles et
leurs geôliers se développent des discussions qui nous éclairent sur les problèmes de la société iranienne. Ce film,
réalisé en temps réel pendant le match qui a vu se qualifier l'Iran pour la coupe du monde 2006, montre avec humour
et lucidité l'exclusion de la femme de la vie publique. Il y a des moments presque comiques, quand les filles
taquinent les soldats, et on s'étonne un peu qu'elles osent le faire. Et j'ai trouvé drôles et amusantes ces longues
tirades qui aboutissent toujours à la même conclusion: rien ne justifie vraiment l'interdiction faite aux femmes. On
sent que les soldats ne sont pas sûrs de ce qu'ils font, qu'ils nagent en pleine contradiction, par exemple quand l'un
d'entre eux se sert du portable d'une des jeunes filles, alors qu'il a interdit à cette dernière de l'utiliser. Les soldats
récitent une leçon apprise : les femmes doivent être protégées de la grossièreté et de la brutalité des hommes. Et
quand les prisonnières demandent pourquoi, dans d'autres pays, les femmes sont libres de s'asseoir dans un stade,
les soldats sont à court d'arguments. Le film m'a plu parce qu' il aborde avec légèreté un sujet sérieux : la révolte des
jeunes (femmes) qui remettent leur statut social en question et exigent des réformes. Ce qui m'a aussi plu, c'est
qu'on entend le match, et les bruits de foule, on est "offside" avec les filles, on se trouve plongé dans l'enfermement
voué traditionnellement à la femme, alors que le monde est en marche. J'ai aussi été marquée par l'apparition de ce
père qui veut punir sa fille, parce qu'elle a osé braver les interdictions. On quitte la salle de cinéma un peu pensif,
parce que ces femmes se battent pour des droits qui sont tellement évidents chez nous.