Urgences, névralgies et hypotension du liquide céphalo
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Urgences, névralgies et hypotension du liquide céphalo
C H A P I T R E 5 Urgences, névralgies et hypotension du liquide céphalo-rachidien (LCR) ● D. Valade* RÉSULTATS D’UNE MYÉLOGRAPHIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE CHEZ DES PATIENTS PRÉSENTANT UNE HYPOTENSION INTRACRÂNIENNE SPONTANÉE DU LCR Les auteurs ont étudié les résultats de 7 patients, 3 hommes et 4 femmes, chez qui ils ont réalisé une imagerie par résonance magnétique cérébrale et une myélographie par résonance magnétique. Chez 5 des 7 patients (71 %), la myélographie a permis de montrer la fuite de liquide céphalorachidien (LCR), au niveau cervical pour 3 d’entre eux et au niveau thoracique pour les 2 autres. Ces fuites se traduisaient par une rayure oblique sur le sac dural dans 3 cas et des racines irrégulières dans 2 cas. Une suffusion pleurale dans la région paraspinale thoracique (un cas) pouvait de même être considérée comme un signe indirect de fuite de LCR, ce qui n’était pas le cas des kystes périneuraux. Il semble donc que la myélographie par résonance magnétique soit un excellent examen pour faire le screening de fuites de LCR chez les patients pour lesquels on suspecte une hypotension spontanée du LCR. Si cette technique présente un quelconque intérêt d’un point de vue diagnostique, il n’en va pas de même sur le plan thérapeutique : que l’on prouve ou non la fuite lorsque l’on suspecte une hypotension du LCR et que la céphalée n’est pas calmée au bout d’un certain temps, la sanction sera en effet toujours la même, à savoir la réalisation d’un blood patch. De plus, que l’on ait trouvé ou non la fuite, et quelle que soit la localisation de celle-ci, cela ne préjuge strictement en rien des effets thérapeutiques du blood patch. ■ Kai-Chen W, Ping-Huang T, Jong-Ling F et al. MR myelography findings in patients with spontaneous intracranial hypotension. Abstract E009. L’EFFET RAPIDE DE LA MECOBALAMINE EN INJECTION INTRAVEINEUSE POUR LE TRAITEMENT DES NÉVRALGIES CRÂNIENNES L’auteur a utilisé la vitamine B12 pour traiter un certain nombre de névralgies crâniennes : 138 névralgies trijéminales, 566 névralgies occipitales, 17 névralgies mixtes. L’effet positif était quantifié par l’amélioration de la tension musculaire au niveau des points de * Centre d’urgence des céphalées, hôpital Lariboisière, Paris. 16 Valleix. L’auteur a injecté 500 g de mecobalamine avec 20 ml de glucosé à 20 % en intraveineux, et il a observé un changement au bout de 10 mn. Ce changement était : une amélioration totale dans 5,4 % des cas, une amélioration modérée dans 84,6 % des cas et une inefficacité dans 10 % des cas. Le ratio d’amélioration pour chaque névralgie était de 72,2 % pour la trijéminale, de 72,7 % pour la névralgie du grand nerf occipital et de 72,5 % pour la névralgie mixte. Si l’on se réfère à l’auteur, dans deux tiers des cas la vitamine B12 était suffisamment active pour que l’état du patient soit rapidement et efficacement amélioré, sans effet indésirable et pour un coût relativement faible. Nos résultats sont très différents de ceux de l’auteur. En effet, dans notre expérience, l’amélioration ne dépassait pas 30 %, soit un résultat équivalent à celui obtenu avec un placebo classique. Il serait donc très intéressant de savoir comment les patients ont été sélectionnés et à quel moment de l’évolution de la névralgie les injections intraveineuses de mecobalamine ont été réalisées. ■ Teramoto J. Rapid relief for cranial neuralgias using intravenous injection of mecobalamin. Abstract F024. TRAITEMENT DES CÉPHALÉES ET INSTRUCTIONS DE SORTIE DANS UN SERVICE D’URGENCES Les auteurs avaient pour objectif d’évaluer les soins donnés à des patients céphalalgiques dans un service d’urgences urbain. Tous les patients qui se présentaient au service des urgences en se plaignant de céphalées étaient interviewés. Les patients inclus devaient avoir 18 ans ou plus et présenter une céphalée non traumatique ou durant depuis moins d’un mois ; étaient exclus ceux ayant subi une ponction lombaire ou une infiltration dans les 7 jours précédents. Parmi les 364 patients éligibles, 219 ont consenti à participer à l’étude. Seuls 20 % d’entre eux n’avaient plus de douleurs en quittant le service des urgences ; 37 % avaient une douleur faible, 20 % une douleur modérée et 12 % une douleur sévère. On proposait à 40 % des patients seulement d’avoir un suivi avec un médecin et à 10 % d’être suivi par un spécialiste. Quatre patients ont bénéficié d’une imagerie cérébrale et 16 ont été hospitalisés. Les triptans ont été prescrits à 2 % des patients, 13 % ont reçu des drogues non opioïdes, 10 % des opioïdes, et 62 % n’ont reçu aucune ordonnance de sortie. Enfin, 64 % des patients ayant répondu au questionnaire se sont plaints d’avoir vu réapparaître leur céphalée dans les 24 heures suivant leur départ du service des urgences. La Lettre du Neurologue - Supplément Céphalées au vol. IX - n° 10 - décembre 2005 C OMPTE RENDU DE CONGRÈS 12th Congress of the International Headache Society, IHC 2005 Les auteurs ont donc conclu que les instructions de sortie concernant les céphalées dans le service des urgences sont souvent très vagues et n’incluent pas le traitement spécifique des céphalées. Cela correspond exactement à la conclusion que nous avions faite il y a 5 ans lors de l’étude menée avant d’ouvrir le centre d’urgences céphalées de l’hôpital Lariboisière ; il semble que la situation n’ait pas évolué depuis, et que le problème observé dans une grande ville américaine soit le même que celui que nous avions pu constater dans les villes françaises. Dans notre expérience, la décision d’intervenir est prise certes sur le contact vasculaire au niveau du nerf, mais aussi sur bien d’autres facteurs, et notamment sur l’âge du patient et son état général. Or, Janetta, qui a la plus grande expérience dans ce type d’intervention, a bien montré que, une fois arrivé sur le site – à savoir le couple nerf-vaisseau –, la pose de la prothèse et la décompression seront systématiques. Ainsi, la visualisation du contexte alentour n’apporte rien de plus à la sécurité de l’intervention. ■ Gupta M, Silberstein SD, Young WB et al. Headache treatment and discharge instruction in the Emergency Department. Abstract F019. ■ Tsugane S, Takahashi T, Oguri D et al. Usefulness of magnetic resonance cisternography of trigeminal neuralgia surgery. Abstract I001. L’UTILISATION DES NARCOTIQUES POUR LES CRISES DE MIGRAINE DANS UN SERVICE D’URGENCES : SUIVONS-NOUS LES RECOMMANDATIONS DE L’IHS ? L’INJECTION DE TROP PETITS VOLUMES AU NIVEAU LOMBAIRE PEUT PROVOQUER L’ÉCHEC D’UN BLOOD PATCH ÉPIDURAL CHEZ DES PATIENTS PRÉSENTANT UNE HYPOTENSION INTRACRÂNIENNE DU LCR et INJECTION D’UN VOLUME IMPORTANT DANS LE CADRE D’UN BLOOD PATCH ÉPIDURAL CHEZ DES PATIENTS PRÉSENTANT UNE HYPOTENSION DU LCR Les auteurs, pakistanais, ont étudié le traitement des crises de migraine dans le service des urgences d’un grand hôpital de Karachi à l’université Agha-Khan. Les patients présentant des céphalées autres que migraineuses et ceux nécessitant une hospitalisation ont été exclus de l’étude. Cent soixante et un patients ont été inclus, avec des caractéristiques correspondant exactement aux critères de l’IHS tant pour l’âge que pour le sexe et les signes cliniques. Cent douze patients étaient traités avec des analgésiques injectables et 28 % avec des analgésiques oraux ; 22 % ont reçu des opioïdes. La douleur avait cédé complètement chez 62 % de ces patients, partiellement chez 31 % d’entre eux et était restée identique dans 7 % des cas. Les auteurs ont conclu qu’ils suivaient bien les recommandations de l’IHS, ce qui nous a un peu surpris. En effet, les recommandations de l’IHS sont claires : les narcotiques ne peuvent être utilisés qu’en dernier ressort. Or, dans notre expérience, sur 8 000 patients/année, il nous arrive de façon tout à fait exceptionnelle d’utiliser des narcotiques pour calmer une crise de migraine : moins d’une fois par mois. Les auteurs ont réalisé chez 22 patients un blood patch avec du produit de contraste injecté au niveau lombaire et ont étudié les épidurogrammes suivant le volume 10, 20 ou le maximum de “volume nécessaire” ainsi que la répartition du sang à l’intérieur de la région lombaire. Le produit de contraste et le sang ont été injectés jusqu’à ce que le patient se plaigne d’une douleur nette au niveau lombaire. L’injection était alors stoppée. La moyenne totale du produit injecté était de 27 ± 5 ml chez 32 % des patients. Une répartition unilatérale du produit a été constatée pour l’injection de 10 ml, mais, à partir de 20 ml, aucun patient n’a eu de répartition unilatérale. UTILITÉ DE LA CISTERNOGRAPHIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE POUR LA CHIRURGIE DES NÉVRALGIES DU TRIJUMEAU Les fuites de LCR se produisaient dans 15 cas au niveau lombaire et dans 7 cas au niveau thoraco-lombaire. Le taux de succès du blood patch était de 45 % à 10 ml, de 86 % à 20 ml et de 95 % au volume maximal. La solution n’a jamais atteint un niveau supérieur à D6. Les auteurs ont conclu que moins de 20 ml de solution injectée pouvait causer l’échec du blood patch, dû à une répartition unilatérale et incomplète. En revanche, une injection additionnelle dans la région thoracique est recommandée si la fuite du LCR est due à une large brèche ou se situe à un niveau thoracique. Avant une décompression microvasculaire pour une chirurgie du trijumeau, le chirurgien doit estimer la localisation du V et celle des vaisseaux. La cisternographie par résonance magnétique montre à la fois les nerfs et les vaisseaux sur une seule planche et permet au chirurgien d’avoir une vue d’ensemble. En effet, on voit non seulement des points de contact entre le V, les artères et les veines, mais aussi le complexe du VII et du VIII et les points de contact éventuels. Les auteurs ont conclu qu’une telle imagerie apporte des informations utiles pour une chirurgie plus sûre. Dans notre expérience, et si l’on se réfère aux données de la littérature, malheureusement peu abondantes sur le sujet, plus de 90 % des blood patches réalisés en lombaire avec une quantité suffisante, c’est-à-dire entraînant une douleur lombaire que le patient qualifie d’importante, aboutissent à un succès. Pour les moins de 10 % restants, un blood patch supplémentaire voire deux permettent de résoudre le problème dans pratiquement tous les cas. Il reste néanmoins toujours un nombre infime de cas où la chirurgie peut devenir indispensable. ■ Wasay M, Zaki KS, Khan SU et al. Narcotic analgesics of acute migraine in Emergency Room; are we meeting IHS guidelines? Abstract H025. La Lettre du Neurologue - Supplément Céphalées au vol. IX - n° 10 - décembre 2005 17 C H A P I T R E 5 Les mêmes auteurs ont présenté une deuxième étude, dans laquelle ils ont décidé d’injecter un minimum de 40 ml de sang lors de leur blood patch. Ils ont conclu qu’un volume massif lors du blood patch est nécessaire, mais surtout qu’il est sans aucun risque et beaucoup plus efficace qu’un volume inférieur à 30 ml. ■ Ishikawa S, Yokoyama M, Nishidi A et al. Lower volume injection at lumbar level causes failure of epidural blood patch in patient with intracranial hypotension. Abstract K010. ■ Ishikawa S, Yokoyama M, Nishida A et al. Massive volume injection for epidural blood patch in patients with intracranial hypotension. Abstract K016. CÉPHALÉES ORTHOSTATIQUES DUES À UNE FUITE SPONTANÉE DE LCR AU NIVEAU CERVICAL TRAITÉE PAR BLOOD PATCH LOMBAIRE et BLOOD PATCH ÉPIDURAL DANS LE TRAITEMENT DES CÉPHALÉES PAR FUITE SPONTANÉE DE LCR L’équipe du service des urgences de l’hôpital de Milan a présenté deux études. Dans la première, ils expliquent comment et pourquoi le blood patch fonctionne. Leur hypothèse est que l’amé- lioration est due au fait que le sang injecté au niveau lombaire peut se déplacer vers le haut, gagnant les segments cervicaux probablement à la faveur d’une position prolongée ou d’une manœuvre de Trendelenburg et que, de façon alternative, le blood patch peut entraîner une augmentation de la pression intracrânienne, ce qui permettrait le rapprochement des bords de la brèche durale. Dans leur second article, ils ont voulu démontrer l’efficacité de la position de Trendelenburg par rapport au décubitus simple, mais leur explication n’est pas très claire et le nombre de patients est très faible. Dans notre expérience, le Trendelenburg n’apporte rien de plus par rapport au décubitus simple pour l’efficacité du blood patch, qui montre généralement son efficacité environ 2 à 4 heures après l’injection du produit, le patient reprenant la position debout et ne présentant plus aucune douleur. ■ ■ Ferrante E, Arpino I, Savino A. Orthostatic headache by spontaneous cervical CSF leak treated with lumbar epidural blood patch. Abstract T003. ■ Ferrante E, Arpino I, Savino A. Epidural blood patch in the treatment of headache by spontaneous CSF leak. Abstract T004. Imprimé en France - Point 44 - 94500 Champigny-sur-Marne - Dépôt légal : à parution. © février 1997 - EDIMARK SAS Les articles publiés dans La Lettre du Neurologue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. 18 La Lettre du Neurologue - Supplément Céphalées au vol. IX - n° 10 - décembre 2005