191011 Etat Palestinien

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Note de veille, 19 octobre 2011
La question de la reconnaissance de l’État de Palestine
Au terme d’un long processus diplomatique au cours duquel il a cherché avec un certain
succès à recueillir de nouvelles reconnaissances pour l’État palestinien, Mahmoud Abbas a
demandé officiellement l’admission de la Palestine comme membre à part entière de l’ONU
(Organisation des Nations unies). Cette demande formulée dans un discours devant
l’Assemblée générale des Nations unies le 23 septembre 2011 a été déposée auprès du
Secrétariat général pour être transmise au Conseil de sécurité, qui doit se prononcer par un
vote d’au moins 9 voix sur 15 et sans veto.
Cette démarche palestinienne est doublement inédite : jamais auparavant les Palestiniens ne
l’avaient accomplie et jamais non plus ils n’avaient été jusqu’au bout d’une stratégie
diplomatique, malgré les énormes pressions qu’ils ont subies. Pour Mahmoud Abbas, c’est
incontestablement une grande victoire personnelle : jamais non plus il n’était apparu aux yeux
de son peuple comme un véritable leader capable, avec une certaine force tranquille, de défier
à New York les États-Unis, qui se sont opposés dès le début à cette initiative.
Par cette démarche, le président de l’Autorité palestinienne a mis le monde entier devant ses
responsabilités. Au-delà des petites et grandes manœuvres des uns et des autres, le moment
venu, chaque État devra se prononcer pour ou contre cette reconnaissance, l’abstention
équivalant à un refus.
À bien y regarder, la carte géopolitique est assez simple : d’un côté, presque le monde entier
et, de l’autre, l’Occident et quelques États ici ou là. Presque tous les États du monde appuient,
en effet, la démarche des Palestiniens et très nombreux sont ceux qui ont déjà reconnu, de
manière bilatérale, l’État de Palestine. Les principales exceptions se trouvent aux États-Unis,
au Canada, en Australie et, bien sûr, dans l’Union européenne qui, comme toujours, est
divisée : l’Espagne et l’Irlande sont pour ; l’Allemagne, la République tchèque et les PaysBas sont contre. La France « réfléchit », mais le suspense n’en est pas un quand on voit
qu’elle vient de déclarer « prématurée » l’admission de la Palestine à l’Unesco...
Quelles sont les conséquences de cette démarche ?
Sauf exceptionnel revirement, il est certain que les États-Unis utiliseront leur droit de veto au
Conseil de sécurité. Les premiers embarrassés par cette éventualité sont sans doute les ÉtatsUnis eux-mêmes, puisque le président Obama avait appelé de ses vœux l’entrée à l’ONU d’un
État palestinien dans un discours prononcé devant l’Assemblée générale en septembre 2010 !
© Futuribles, Système Vigie, 19 octobre 2011
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Comme ils n’ont pas réussi à dissuader les Palestiniens, ils s’efforcent aujourd’hui de
convaincre, par de multiples pressions, certains États du Conseil pour qu’ils s’abstiennent ou
votent contre. À l’heure actuelle, en plus du Liban, cinq États vont voter pour l’admission : le
Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. En dehors des trois autres membres
permanents du Conseil (États-Unis, France, Grande-Bretagne), les autres États sont
l’Allemagne, la Colombie, le Nigeria, le Portugal, le Gabon et la Bosnie.
Berlin et Bogota sont pour le non et il est bien peu probable que la Grande-Bretagne et la
France se désolidarisent des États-Unis. Dans ces conditions, on voit qu’il n’est pas exclu que
les États-Unis n’aient pas besoin de recourir au veto....
Mais quoi qu’il en soit, la demande ne sera pas acceptée par le Conseil de sécurité. Il restera
donc aux Palestiniens à retourner devant l’Assemblée générale pour demander le statut de
membre observateur, ce qu’ils obtiendront à une large majorité.
Ce statut n’a pas de bases juridiques précises et n’est pas mentionnée par la Charte. Il s’agit
plutôt d’une pratique inaugurée, en son temps, pour la Suisse et, par la suite, pour quelques
autres États qui tous, à l’exception du Vatican, sont devenus membres à part entière des
Nations unies. Le fait même que ce ne soit pas juridiquement encadré laisse une grande part à
l’innovation et à la pratique. Ce cas palestinien si singulier peut donc faire jurisprudence ou
plutôt créer sa propre jurisprudence. En d’autres termes, rien n’empêche un État observateur
d’entrer dans les autres organisations internationales du « système » onusien et, par là,
acquérir de nouveaux moyens d’action juridique et politique. Une fois la « machine » lancée,
plus rien ne pourra l’arrêter, tant la démarche palestinienne apparait absolument légitime aux
yeux du plus grand nombre.
On le voit déjà avec l’Unesco : la Palestine pourrait en devenir membre et donc bénéficier des
programmes et des soutiens de cette organisation, notamment dans le domaine crucial de la
protection de son patrimoine culturel disputé sur le terrain par Israël. Et il en sera de même
pour les autres organisations internationales y compris, par exemple, la Cour pénale
internationale ou la IVe Convention de Genève sur la protection des civils en temps de guerre.
C’est donc à (court) terme un renforcement important de la position des Palestiniens dans le
champ diplomatique. Israël ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisque, depuis des mois, avec
notamment l’aide des États-Unis, il a partout mobilisé ses diplomates pour que cela
n’aboutisse pas.
Sur le terrain, par contre, cela ne va rien changer dans l’immédiat. Cela risque même au
contraire d’aggraver la situation, puisque si Israël est en position de faiblesse dans le champ
diplomatique, il est en position de force sur un terrain qu’il occupe par les armes. Il est
probable que des mesures de rétorsion soient mises en œuvre dans les prochaines semaines
pour, en quelque sorte, « punir » les Palestiniens d’avoir voulu exister de cette façon sur le
plan international. C’est en tout cas ce qu’ont annoncé plusieurs responsables israéliens, à
commencer par le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Liberman.
Cette position dure est d’autant plus probable que le gouvernement israélien est désormais
très isolé sur le plan régional. Sans pour autant remettre en question le traité de paix, l’Égypte
a très sensiblement infléchi sa position, qui est désormais plus en phase avec une opinion
publique très critique vis-à-vis d’Israël. Cela s’est encore intensifié avec les événements de
ces dernières semaines, au cours desquels des policiers égyptiens ont été tués sur le sol
égyptien par l’armée israélienne. Pour plusieurs raisons, et notamment parce qu’elle n’a pas
obtenu d’excuses pour la mort de ses ressortissants qui se trouvaient à bord de bateaux en
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route pour Gaza en 2010 pour tenter de briser le blocus, la Turquie a remis en cause le
partenariat stratégique conclu il y a plus de 10 ans avec Tel Aviv. À cette configuration
difficile pour l’État hébreu, il faut évidemment ajouter l’hostilité déclarée de l’Iran et les
incertitudes de la situation en Syrie.
Face à une telle conjoncture, qui a toutes les chances de durer car il est très probable que nous
entrons dans un nouveau cycle de l’histoire du Proche-Orient, le gouvernement israélien
dispose de deux types d’options : l’ouverture courageuse en acceptant les risques de la paix
par de vraies négociations avec les Palestiniens et la reconnaissance de leur droit à un État, ou
le repli sur soi, avec une nouvelle fuite en avant fondée sur les vieux réflexes du recours à la
logique de la force armée.
Les subjectivités sombres de cette région font craindre que ce soit plutôt une des formes de la
deuxième option qui l’emporte.
Jean-Paul Chagnollaud, Groupe vigilance JFC Conseil
Champs de veille : Géopolitique
Mots clefs : Palestine / État / Organisations internationales / ONU
© Futuribles, Système Vigie, 19 octobre 2011
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