Robert Desnos, une vocation de poète

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Robert Desnos, une vocation de poète
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Robert Desnos, une vocation de poète
Par Marie-Claire Dumas
« Dans les éléments de chaque époque, l’enfant a le privilège de choisir les divinités et les
attributs d’une mythologie qui, bon gré mal gré, à travers les événements publics et privés,
par-dessus les cultures philosophiques, politiques ou religieuses, présidera à sa vie,
alimentera à l’âge d’homme, ses rêveries, ces conservatoires des joies puériles, et ses rêves, ce
miroir masqué de ce qu’il est, de ce qu’il ignore si souvent être. Tout individu n’est ni ce qu’il
croit, ni ce qu’on croit. »
Évoquant ainsi en février 1944, à propos du peintre Labisse, l’influence des années d’enfance
sur le destin de l’adulte, Robert Desnos fait assurément référence à sa propre expérience. Sa
vocation de poète trouve ses racines dans ses émerveillements d’enfant, pour s’épanouir
ensuite à travers des rencontres qui jouèrent un rôle déterminant. Ce sont les moments les
plus marquants d’une formation poétique qui se trouveront évoqués ici, et non la biographie
détaillée du poète.
Un enfant de Paris
De ses premiers essais de poésie, « Prospectus » en 1919, jusqu’au « Veilleur du Pont-auChange » en 1944, Robert Desnos n’a jamais cessé d’évoquer Paris où il est né et où il restera
pendant l’Occupation. Paris est le lieu d’une enfance heureuse, le lieu où toutes les
nationalités se croisent, où l’art et la littérature se déploient avec une liberté d’invention
exceptionnelle, Paris est pour Desnos une patrie sans frontières. À cela les années quarante
devaient apporter un terrible démenti dont le poète ne se satisfera pas.
C’est dans le quartier des Halles, où son père est mandataire pour le gibier et la volaille, que
Robert Desnos est né, le 4 juillet 1900, à l’aube du vingtième siècle. Il grandit au 11 rue Saint
Martin, près de l’église Saint-Merri, puis, à partir de 1913, au 9 rue de Rivoli, dans une famille
bourgeoise, où le père est soucieux de son autorité, la mère douce et discrète et la sœur aînée
attentive. Le quartier des Halles, où affluent chaque jour tous les produits qui assurent la
nourriture de la capitale, est un quartier d’une intense activité, où abondent les boutiques de
commerçants et d’artisans, où se côtoient des gens de tous horizons, où se parle une langue
populaire et facilement argotique. Le cœur de Paris, pour le jeune Desnos, c’est donc le
quartier Saint-Merri et toutes les rues pittoresques qui s’y croisent, de Nicolas-Flamel à
Saint-Bon, des Juges-Consuls à la rue des Lombards. Revenant avec une pointe d’émotion
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sur ce Paris de son enfance, la veille de son arrestation le 21 février 1944, il en retrouve les
sensations délicieuses :
« Les charmes de la rue de la Verrerie, les marchands de cierges, les petits ateliers de
mécanique où la limaille de fer jaillissait parmi des étincelles bleues.
Importance de l’enseigne “John Tavernier”, le fabricant de bonbons de la rue du
Cloître-Saint-Merri.
Les éplucheuses de queue de cerises – Muraour et l’odeur des orangers. La corderie – la
construction des nouveaux magasins du Bazar de l’Hôtel-de-Ville. Le mendiant à
l’angle de la rue Saint-Bon. La crémerie Mangin rue Saint-Martin. La petite fille de la
rue des Juges-Consuls. »
Enfant, Desnos fréquente l’école maternelle de la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, puis
l’école communale du 36 rue des Archives, qu’il quitte en 1913, muni du certificat d’études. Si
ces études primaires le satisfont, c’est pourtant en dehors de l’école que sa curiosité d’enfant
trouve à se satisfaire.
Les images et le cinéma
Il s’imprègne de toute une mythologie quotidienne que lui apportent les affiches publicitaires
sur les murs de la ville, les illustrations qu’offrent les couvertures des suppléments du Petit
Parisien ou du Petit Journal, les bandes dessinées des Pieds Nickelés ou de Nick Carter. Il lit
avec passion les aventures de Valentin Guillois dans les romans de Gustave Aimard, ou celles
de Juve et Fantômas dans ceux de Marcel Allain et Pierre Souvestre.
Surtout, il goûte « l’atmosphère trépidante et romanesque dans laquelle la génération de
1900 vécut ses premiers rêves » – cette génération qui, selon sa formule en 1923, « a l’âge du
cinéma ». Le développement du cinéma muet au début du XXe siècle apporte un art nouveau
auquel le jeune Desnos se révèle particulièrement sensible. Dans de remarquables articles
consacrés au cinéma en 1923, il analyse les bouleversements de la vie mentale qu’opèrent les
images filmées en créant un « érotisme cinématographique ». Un « double scénario »
s’élabore, où chaque spectateur, captivé par les aventures des héros sur l’écran, s’en inspire
pour dérouler selon son désir une aventure qui n’appartient qu’à lui :
« Ces hommes et ces femmes lumineux dans l’obscurité accomplissent des actions
émouvantes au titre sensuel. À l’imaginer, leur chair devient plus concrète que celle des
vivants et tandis qu’ils subissent sur l’écran le plus irrévocable destin, ils prennent part dans
l’esprit du spectateur sensible à une aventure autrement miraculeuse. »
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C’est avec Les Mystères de New York, Les Vampires, Fantômas que Desnos découvre « cette
formule parfaitement neuve du plaisir cérébral ». Le rêveur qu’est Desnos trouve dans le rêve
cinématographique le modèle de ce que seront, dans ses poèmes, les images : surgissant à la
limite du réel, les visions cocasses ou pathétiques imposent leur présence hallucinatoire et se
transforment jusqu’à épuisement du rêveur. Dans ce cinéma mental, le poète va jusqu’au
bout d’un rouleau imaginaire.
Une culture autodidacte
Déçu par ses études au collège Turgot, Desnos les arrête en 1916, nanti du brevet élémentaire
et pourvu de quelques rudiments en anglais et espagnol. À son père, qui souhaite lui voir
poursuivre un enseignement commercial, il oppose sa ferme résolution de devenir poète.
M. Lucien Desnos s’incline mais somme son fils de se mettre au travail pour assurer sa
subsistance quotidienne. Grâce à divers petits boulots, l’apprenti poète peut se consacrer à ce
qui le requiert.
Il étend considérablement le champ de ses lectures. Après Victor Hugo, c’est toute la lyre qu’il
découvre et explore, des poètes romantiques aux symbolistes, du grand alexandrin aux
mètres plus courts de l’octosyllabe ou du décasyllabe, des grandes coulées lyriques que rien
ne semble pouvoir suspendre aux strophes mesurées de l’ode ou du sonnet, fût-il
monosyllabique. Ce que la poésie lui apporte alors, c’est l’élan et la force des rythmes, le
souffle d’une parole qui doit être proférée. De toutes ces données, il va se souvenir au
moment de se mettre à l’ouvrage.
C’est ainsi à la croisée du surgissement des images produites par le cinéma muet et de la
parole portée par le rythme du vers que se situent les premières expériences poétiques du
jeune Desnos. En hommage au plus puissant des poètes, il place ses articles sur le cinéma
sous le titre Les Rayons et les Ombres, tandis que Les Voix intérieures désignent les
chroniques discographiques. Désormais, l’image hallucinatoire et la magie de la parole
fondent l’écriture poétique.
Bien entendu, l’actualité littéraire le requiert. En 1919, il dédie à Louis de Gonzague Frick
« Le Fard des Argonautes » et place ses « Prospectus » sous la bannière de Laurent Tailhade
et de Guillaume Apollinaire. Comme le lui fait remarquer, non sans humour, Jean de
Bonnefon dont il est alors le secrétaire, l’apprenti se cherche dans l’imitation : « Vos vers,
mon cher Robert, sont toujours de l’imitation. Vous rendez des lectures avec quel mélange ! »
Mais au-delà de cette modernité qui reste de bon aloi, c’est vers Dada que se porte la curiosité
du jeune homme et sur lequel son mentor n’a qu’un regard narquois : « Le mouvement
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Dada ? c’est à six mille ans d’ici. » Desnos ne tient guère compte de cette réserve puisqu’il
tente d’entrer en contact avec André Breton, mais sans succès.
Plus encore que la littérature, la guerre avec l’Allemagne – qui se poursuit de façon
effroyablement meurtrière jusqu’en 1918 – préoccupe Desnos et les jeunes gens qu’il
fréquente alors. En juillet 1918, il est déclaré de façon anticipée bon pour le service et comme
ses camarades de conviction anarchiste – parmi lesquels Henri Jeanson, Armand Salacrou,
Georges Gautré –, il est antimilitariste et scandalisé par l’esprit de revanche affiché à Paris,
loin du front. Toute une jeunesse se sent sacrifiée à un idéal patriotique qu’elle ne partage
pas.
De 1916, date de la fin de ses études, à 1920, Desnos mène ainsi une vie libre, loin du
conformisme bourgeois auquel il semblait destiné. Préférant la bohème littéraire, les
relations anarchistes, il ne renonce jamais à son objectif fondamental : devenir poète. Le
service militaire qu’il accomplit en 1920-1921, d’abord en France puis au Maroc, dans les
tirailleurs algériens, l’éloigne de Paris et en particulier du mouvement Dada.
Robert Desnos, « prophète » du surréalisme
Dès son retour à Paris au printemps 1922, Desnos rencontre André Breton et ses amis,
Aragon, Éluard, Soupault, Péret, au moment où Dada s’achève et où le mouvement
surréaliste cherche à se définir. L’effervescence inventive du groupe, son acharnement à
mettre à mal la littérature traditionnelle, son refus des valeurs bourgeoises, son
anticléricalisme trouvent en lui un adepte enthousiaste. Il se révèle immédiatement à l’aise
dans l’écriture automatique dont Breton et Soupault avaient donné l’exemple dès 1919 avec
Les Champs magnétiques, il a une propension naturelle au rêve, nocturne ou éveillé ;
surtout, il brille, à l’automne 1922, dans les expériences que le groupe tente dans le domaine
du sommeil hypnotique. Il s’y exprime en formules parfois heurtées ou inachevées, parfois
aussi plus continues et rythmées. Des jeux de mots fusent, apparemment incontrôlés et
attribués à l’influence à distance de Marcel Duchamp : Desnos se fait ainsi le porte-parole de
Rrose Sélavy. Il écrit aussi et dessine. Les témoins, fascinés ou réticents – Desnos est vite
soupçonné de simulation –, recueillent ses propos dans des comptes rendus de séance dont
André Breton ne s’est jamais dessaisi. Comment ne pas être sous le charme de ces
aphorismes, précis et poétiques, que Desnos émet lors des sommeils : « Mots, êtes-vous des
mythes et pareils aux myrtes des morts ? » ou « L’argot de Rrose Sélavy, n’est-ce pas l’art de
transformer en cigognes les cygnes ? » Et si Rrose promeut Éros en maître du langage, ne vat-il pas de soi que, selon la formule de Breton, « les mots font l’amour » ? Ces courtes
sentences, fondées sur des équations verbales objectives et proférées du fond de
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l’endormissement, prennent force d’oracle. « Les lois de nos désirs sont des dés sans loisir » :
on ne saurait mieux dire. André Breton peut alors affirmer que « le Surréalisme est à l’ordre
du jour et Desnos est son prophète », ou encore qu’il « parle surréaliste à volonté ».
Cependant la fougue du jeune homme, voire sa violence, au cours de ces expériences créent
une tension dans le groupe qui inquiète Breton. Il suspend ces séances au grand dam de
Desnos qui se sent désavoué. Son rôle moteur dans les recherches surréalistes, « rôle
nécessaire, inoubliable », dira plus tard Breton, est terminé. Il va désormais poursuivre son
chemin au sein du groupe, en lui apportant des inflexions personnelles. La prompte
reconnaissance de ses capacités surréalistes le confirme dans sa vocation de poète. Toutefois,
son profond individualisme l’amène vite à revendiquer « toute licence », selon une formule
qui lui est familière, par rapport à des objectifs collectifs auxquels il n’adhère pas pleinement.
Il envisage de publier sous le titre de Désordre formel ses jeux sur le langage, « Rrose
Sélavy », « Langage cuit », « L’Aumonyme », ainsi que ses premiers récits d’écriture
automatique Pénalités de l’enfer ou Nouvelles Hébrides. En vain. Seuls paraissent le recueil
de poèmes C’est les bottes de 7 lieues cette phrase « Je me vois » (1926), et les proses
surréalistes Deuil pour deuil (1924) et La Liberté ou l’amour ! (1927), où se déchaînent les
aventures érotico-oniriques de Corsaire Sanglot et Louise Lame. Tous ces textes relèvent
directement des options surréalistes, par leur déploiement de l’écriture automatique, leur
confiance dans l’inventivité de la langue, le dévoilement sans réserve des fantasmes intimes.
La tonalité personnelle de Desnos s’y fait sentir par ses références plus ou moins explicites
aux romans populaires qui ont marqué son enfance, par sa liberté vis-à-vis de la langue telle
que le quartier des Halles avait pu la lui faire connaître, par une tentation de rythmes lyriques
empruntés à la tradition romantique. Les compagnons surréalistes de Desnos, Michel Leiris
en particulier, ont évoqué avec stupéfaction la « parole d’or » du poète, capable à la fois des
aphorismes de « Rrose Sélavy » et de longs discours en alexandrins proférés au cours de
promenades nocturnes. Sans doute les germes d’une dissidence poétique par rapport aux
recherches surréalistes se trouvent-ils dans cette aisance orale où le lyrisme traditionnel
maintient ses rythmes et ses formes en dépit de distorsions et d’écarts que la diction
populaire de Desnos et son refus de toute norme imposent au modèle resté en mémoire.
Rupture
Si les recueils de poèmes À la mystérieuse (1926), Les Ténèbres (1927) – inspirés tous deux
par une passion sans retour pour la chanteuse Yvonne George –, ainsi que le Journal d’une
apparition (1927) relèvent, au-delà de possibles références à Ronsard, Baudelaire ou Nerval,
de l’expression surréaliste de l’amour, bien des poèmes de cette époque s’inscrivent dans des
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formes codifiées totalement étrangères au surréalisme : « Les Veilleurs » (1923), qui est
publié en tête de La Liberté ou l’amour ! comme l’écriture d’un poème non retrouvé de
Rimbaud, est un défi aux impératifs surréalistes, « The Night of loveless nights », un long
poème désespéré où des fragments de prose s’intercalent dans les coulées versifiées,
commencé en 1927 mais publié seulement en 1930, « Siramour », de même veine formelle,
mais éclairé par un espoir final : « Je sais où je vais,/ Ce ne sera pas toujours gai./ Mais
l’amour et moi/ l’aurons voulu ainsi », montrent à l’évidence que Desnos suit ses propres
chemins poétiques, puisant à la fois dans une tradition avec laquelle il s’est formé et dans une
aventure grâce à laquelle il s’est transformé.
Desnos, comme il l’affiche ironiquement sur le bandeau qui annonce la publication de Corps
et Biens en 1930, fait « bande à part ». Il revendique sa liberté de poète :
« En révolte contre la moralité dans sa vie, l’auteur, dans sa poésie, est en révolte contre la
forme. […] Aussi plie-t-il à son désir et à ses sens la métrique, la logique, la grammaire et
l’imagerie […] Car n’est-ce point une preuve de liberté, en 1930, que de pouvoir, quand cela
lui chante, écrire en alexandrins ? […] Étant entendu que l’alexandrin gagne à être malmené
et que, le vers étant libre, l’alexandrin n’est plus qu’un des cas particuliers du vers libre. L’art
poétique de Robert Desnos qui se manifeste sous tous les aspects (de la prose à l’alexandrin
faux, chevillé et creux) tient en deux mots : “Toutes licences”. »
Cette profession de foi polémique est une réponse au congé sans appel que vient de lui
signifier Breton dans le Second Manifeste du surréalisme. Aragon, de son côté, dans « Corps,
âme et biens », tire à boulets rouges sur le recueil Corps et Biens :
« C’est la complaisance verbale, l’absurde délectation qui s’étale aux quinquets de
l’alexandrin, qui explique seule cette verbosité qui vers 1923 pouvait encore faire une espèce
d’illusion. Rapprocher les jeux de mots d’alors des alexandrins d’aujourd’hui et de ceux de la
veille, c’était de la dernière maladresse pour un escamoteur du type Desnos, c’était montrer
que les ressorts en étant les mêmes, la vieille niaiserie poétique n’avait pas un instant perdu
ses droits. »
Si la déviance poétique de Desnos est un motif évident de son exclusion du groupe
surréaliste, un autre grief intervient de façon majeure : Desnos gagne sa vie – plutôt mal
d’ailleurs – comme journaliste. Engagé dans le milieu libertaire et souvent douteux des
journalistes qui travaillent avec Eugène Merle, il écrit dans Paris-Soir, Le Soir, Paris-Matinal
et Le Merle. Garder sa liberté de plume dans des journaux qui subissent les pressions de leurs
commanditaires n’est pas chose facile. Pourtant, tout en dénonçant dans un violent article,
« Les mercenaires de l’opinion », l’asservissement des journalistes, Desnos affirme y
échapper :
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« Qu’on ne m’accuse pas d’amertume. Moi qui parle ainsi n’ai jamais eu à subir de telles
capitulations. Je le dois à la fois à mon célibat qui me dégage de toute obligation matérielle
envers d’autres que moi-même et à ceux, très rares, qui ont eu le courage de m’employer. »
En prise avec le quotidien, l’activité journalistique séduit Desnos et lui permet d’écrire sur
des sujets qui lui tiennent à cœur : le cinéma, la production discographique, les artistes qu’il
aime. Il ne perd rien de sa vivacité quand il fait le reportage de faits divers un peu scabreux
comme « Les flagellants de Bombon », rien de son attention au détail pittoresque quand il
évoque des personnalités de Montparnasse ou un voyage de nuit en avion Paris-Londres.
C’est dans Paris-Soir qu’il publie sa pièce de théâtre La Place de l’étoile en 1928, et dans
Paris-Matinal qu’il tient le lecteur en haleine par une série d’articles sur les crimes sadiques
de Jack l’Éventreur, se prétendant même sur le point de découvrir l’identité du meurtrier.
Desnos pratique ainsi un journalisme d’auteur, au sein de journaux aux ambitions médiocres.
Pour André Breton, cette activité journalistique l’a détaché du mouvement surréaliste et des
problèmes qui s’y sont posés, comme celui de l’adhésion au parti communiste en 1927. C’est
ce progressif éloignement, proche de l’insubordination, qui se trouve sanctionné par le
Second Manifeste.
Sans doute, pendant les années vingt, Desnos a-t-il vécu entre deux mondes, l’un porté par
des impératifs exigeants : le surréalisme, l’autre miné par un amoralisme presque
insurmontable : le journalisme. Par ailleurs, sur le plan sentimental, si Yvonne George
incarne l’étoile idéale dont le mythe traverse l’œuvre du poète, elle reste inaccessible et meurt
en 1930. Les rencontres féminines sont alors sans lendemain : Florence meurt dans un
accident de voiture en 1929. Youki Foujita, la célèbre « Neige rose », éblouit Desnos par sa
beauté et sa vitalité, mais ce n’est qu’en 1931 qu’elle va partager sa vie. Marquée pour tous par
la crise économique mondiale de 1929, la période représente pour Desnos un moment de
rupture et de remise en cause.
L’art radiophonique
Le journalisme ne payant plus, Desnos a de nouveau recours à de petits boulots pour
survivre. Il amorce des romans « réalistes » et réserve l’écriture poétique à ses proches : ainsi
naissent en 1932 les albums illustrés de sa main, Le Livre secret pour Youki, La Ménagerie
de Tristan, Le Parterre d’Hyacinthe (ces deux derniers recueils pour les enfants de Lise et
Paul Deharme). Paul Deharme, « un des pionniers de la radio » selon Alejo Carpentier, est
l’auteur d’un essai sur L’Art radiophonique. Persuadé qu’un large domaine de création
s’ouvre sur les ondes, il dirige les studios Foniric à Paris et donne à Desnos la possibilité de
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réaliser une grande émission radiophonique, le 3 novembre 1933, pour le lancement par Le
Petit Journal d’un nouveau feuilleton, Si c’était Fantômas ! Les performances techniques de
mise en ondes, l’efficacité de cette « suite radiophonique » écrite par Desnos à partir des
romans d’Allain et Souvestre, ponctuée par les couplets de la « Complainte de Fantômas »
sur une musique de Kurt Weill, la centaine de participants qui animent l’émission – « grands
ténors, diseurs et chanteurs des rues, solistes de concert, siffleurs et accordéonistes de
musettes, tragédiens, speakers et clowns » (selon Comoedia, 10 novembre 1933) – font de
cette émission une œuvre radiophonique exemplaire, dont le pouvoir de suggestion auditive
ne trouvait d’équivalent que dans la force hallucinatoire de l’image cinématographique. Coup
d’essai, « La Grande complainte de Fantômas » se révèle un coup de maître. Desnos a
désormais le champ libre pour expérimenter dans cet art encore naissant, la radio, et en
développer les possibilités, en s’entourant d’une équipe qu’il anime avec Alejo Carpentier
comme musicologue. De 1933 à 1939, Desnos ne cesse de proposer de nouvelles émissions
par lesquelles l’auditeur est sollicité dans sa vie quotidienne et amené à participer à la
réalisation radiophonique. Qu’il s’agisse d’émissions littéraires comme le « Salut au monde »
inspiré de Whitman, musicales, par exemple sur les musiques du monde, d’émissions de
divertissement ou d’information comme les « Éphémérides radiophoniques », Desnos
cherche toujours le contact avec l’auditeur, dans un processus d’échange. « La Clef des
songes », émission créée en 1938, reste le meilleur exemple de cette pratique, puisque les
auditeurs fournissent eux-mêmes la matière de l’émission en envoyant à Desnos le récit de
leurs rêves. Une sélection d’entre eux est mise en onde, jouée, commentée à l’aide de La Clef
des songes d’Artémidore d’Éphèse, discrètement revue à partir de Freud comme de Jung.
Desnos essaie de rendre sensible l’émergence d’un inconscient collectif, hanté par les
tensions internationales et l’imminence d’une guerre. Plus encore que ces émissions, ce sont
les slogans publicitaires au profit d’annonceurs les plus divers qui sont restés gravés dans les
mémoires : l’humour cocasse des sketches, leur mise en musique éclectique – des variétés
aux grands airs classiques –, le juste accord entre le message et son accompagnement musical
permettent alors à ces réclames de se glisser subrepticement dans les mémoires et d’être
fredonnées par tout un chacun. Certains se souviennent encore de « La Marie-Rose, la mort
parfumée des poux » !
C’est sans doute pour avoir expérimenté lui-même l’ascendant des voix écoutées au
gramophone que Desnos a su aussi bien développer les virtualités suggestives et
communicatives de la radio. Si, selon Youki, il a pu dire, à propos des slogans publicitaires :
« Je suis le poète le plus écouté d’Europe », c’est qu’en effet il a utilisé la radio comme un
moyen de « populariser l’art », d’étendre sans complexe et sans hiérarchie les domaines du
jeu poétique. Ces années consacrées à la création radiophonique représentent, aux dires
mêmes du poète, les plus heureuses de sa vie. Loin des contradictions qu’il avait pu connaître
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entre sa vocation de poète et les nécessités d’un métier, il explore alors un domaine artistique
en plein essor et assure à Youki une vie confortable. Témoins de cette vie heureuse, les
samedis de la rue Mazarine – où Robert et Youki accueillent amis et artistes venus du monde
entier – ont souvent été évoqués. Certes, si la veine poétique est souvent sollicitée sur les
ondes, l’écriture poétique elle-même se trouve suspendue : faute de temps, de repli sur soi.
Pas complètement pourtant. En 1936, Desnos s’astreint à écrire chaque soir un poème,
comme antidote peut-être au trop-plein et à l’euphorie du métier qui l’accapare. Il en
reprendra certains au temps de l’Occupation, sous le titre « Les Portes battantes ».
Paris sous l’Occupation
Robert Desnos est de ceux que la montée du nazisme en Allemagne a tôt alertés. Loin d’un
patriotisme cocardier, le jeune pacifiste qu’il avait été lors de la guerre de 14-18 se révèle vite
un défenseur convaincu de la liberté. Mobilisé en septembre 1939, il subit la retraite de
juin 1940 et retrouve Youki à Paris à la fin du mois d’août. Les studios Foniric ayant fermé, il
doit à nouveau résoudre les difficultés du quotidien. Il s’engage dès septembre avec son ami
Henri Jeanson dans la création d’un nouveau journal, Aujourd’hui, dont l’indépendance ne
dure que quelques semaines, le quotidien tombant en décembre sous la coupe de l’occupant.
Desnos y reste faute d’autres ressources, et décidé à sauvegarder sa liberté de pensée et de
plume. N’envisageait-il pas de publier après la guerre ses articles sous le titre Mines de rien ?
Desnos met en quelque sorte à profit cette vacance qu’impose l’Occupation pour faire le bilan
poétique des années trente. Le recueil Fortunes, qu’il publie aux éditions Gallimard en 1942,
fait coexister de façon contrastée les longs poèmes « Siramour » et « The Night of loveless
nights », écrits à partir de 1927 mais publiés en revue ou en édition de luxe après 1930, avec
des poèmes courts « Les Sans cou » et « Les Portes battantes », ou enfin des poèmes dont les
thèmes généraux peuvent se prêter à des interprétations musicales, comme la « Complainte
de Fantômas » ou « L’homme qui a perdu son ombre ». Dans une « Note » en fin de volume,
Desnos, qui ne s’est jamais posé en théoricien de la littérature mais qui a toujours su évaluer
en après-coup ce qu’il avait écrit, porte un jugement sans aménité sur le recueil, qui
lui « donne l’impression d’enterrer [sa] vie de poète ». Critique vis-à-vis des longues coulées
lyriques des poèmes d’époque surréaliste, il n’en méconnaît pourtant pas les moments
d’« inspiration », mais revendique désormais « l’art (ou la magie) qui permet de coordonner
l’inspiration, le langage et l’imagination ». À partir des « Sans cou », Desnos pointe « la
recherche d’un langage poétique, à la fois populaire et exact ». Ainsi il ne renie pas
l’expérience surréaliste, il en marque les limites, tout comme il perçoit certains travers des
poèmes venus ensuite, étayés sur des « lieux communs » et marqués par sa « tendance aux
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moralités ». Sans satisfecit mais sans mea culpa, Desnos fait de Fortunes une étape dans son
chemin de poète et laisse entrevoir son ambition de « faire de la “Poétique” un chapitre des
mathématiques ».
Publié en 1943 aux éditions Gallimard, Le vin est tiré… sonne également comme un bilan du
passé. Bilan des expériences de drogues aux côtés d’Yvonne George dans les années vingt,
bilan d’essais romanesques restés inaboutis au début des années trente, ce roman a l’intérêt
et les limites d’une autofiction porteuse d’une critique sociale. Dans une préface, Desnos met
en avant ce dernier aspect : « Tant que l’ordre social continuera à brimer le libre
développement de l’individu, des hommes et des femmes chercheront dans l’opium et dans
l’héroïne d’illusoires compensations et la clef d’un suicide lent. » Antoine et Barbara ainsi que
leurs compagnons sont sans doute moins des personnages romanesques que des exemples à
l’appui d’une démonstration. Mais cette mise en garde contre l’invasion progressive de la
drogue dans tous les milieux de la société n’en garde pas moins une résonance prémonitoire.
Ces divers regards sur le passé qui auraient pu nourrir d’autres projets – comme celui
d’évoquer l’activité radiophonique – vont se révéler rapidement insuffisants pour Desnos.
Engagé, après la rafle du Vél’ d’Hiv en juillet 1942, dans le réseau de renseignements Agir,
créé par Michel Hollard, auquel il peut apporter des informations recueillies au journal
Aujourd’hui, il entreprend de nouvelles expériences d’écriture poétique, qu’il publie en petit
nombre, en particulier dans la collection « Pour les amis » de Robert J. Godet. En 1943, État
de veille, qui reprend encore, en les récrivant, quelques « poèmes forcés » de 1936, propose
de brefs « couplets » écrits en 1942, qui évoquent Paris, susceptibles d’être mis en musique
« avec la plus grande liberté », précise Desnos dans une postface qui se termine par un
message peu ambigu : « En définitive ce n’est pas la poésie qui doit être libre, c’est le poète. »
Cette lutte pour la liberté, Desnos la poursuit à la fois dans ses actions (il fabrique de faux
papiers d’identité pour des personnes en difficulté, il cache chez lui Alain Brieux qui tente
d’échapper au STO) et dans des poèmes qui, sous des formes classiques, sont porteurs de
doubles sens pour qui sait les déchiffrer. Contrée, Le Bain avec Andromède, Calixto, jusqu’à
certaines Chantefables, relèvent de ce dire allusif, lié aux circonstances du moment, lors
même que sont évoqués des paysages ou des actions dont la généralité ne suscite
apparemment aucun soupçon (ainsi tous les titres de Contrée, sans avoir l’air de « contrer »
qui que ce soit, reposent sur un titre générique neutre, « Le Coteau », « La Sieste ») ou des
mythes empruntés à la tradition littéraire (Le Bain avec Andromède évoque aussi bien les
tourments érotiques de la jeune prisonnière que l’asservissement de Paris).
Enfin Calixto, ensemble achevé en septembre 1943 mais non confié à un éditeur, allie de
façon explosive des strophes en langage classique avec des strophes en argot. Le poète note
pour lui-même : « Rappeler au public qu’il peut y avoir des sous-entendus et Théorie du
double sens (immédiat et second) indispensable à la poésie. » Ce que Calixto signale en effet :
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« Et de même sous le langage/ Se dissimulent maints secrets./ La toute belle en ses bagages/
Cache l’étoile aux bons présages/ Et le prisonnier aux aguets,/ Rêve de belle et de voyages/
Comme aux jours de la nef Argo/ Dont les marins parlaient argot. »
Cette strophe a de multiples résonances. Si le poète laisse entendre la victoire des Argonautes
dans leur quête de la toison d’or – et par là même la reconquête de la liberté pour Paris
occupé –, il désigne aussi pour lui-même l’origine de son trajet poétique, du « Fard des
Argonautes » ou de l’argot de Rrose Sélavy à une poésie qui, sous la pression des
circonstances, se découvre « délirante et lucide ». Ce qu’elle a sans doute toujours été pour
lui, à travers des expériences diverses – parmi lesquelles le surréalisme a joué le rôle
d’initiation majeure :
« Il me semble qu’au-delà du surréalisme il y a quelque chose de très mystérieux à réduire,
au-delà de l’automatisme il y a le délibéré, au-delà de la poésie il y a le poème, au-delà de la
poésie subie il y a la poésie imposée, au-delà de la poésie libre il y a le poète libre. »
Des sommeils hypnotiques de 1922 à l’état de veille des années quarante, du « prophète du
surréalisme » au « Veilleur du Pont-au-change », le parcours d’un individu se dessine, avec
des étapes contrastées mais toujours aimanté par l’amour de la liberté. Pour Desnos « la
poésie peut parler de tout en toute liberté ». Cette confiance indéfectible dans la toutepuissance de la poésie, on l’entend encore dans la dernière lettre adressée du camp de Flöha
par Robert à Youki, le 7 janvier 1945 :
« Pour le reste je trouve un abri dans la poésie. Elle est réellement le cheval qui court audessus des montagnes dont Rrose Sélavy parle dans un de ses poèmes et qui pour moi se
justifie mot pour mot. »
Dans sa lutte pour la survie en 1945, c’est à Rrose Sélavy que Desnos se réfère, symbole dès
1922 d’une inspiration poétique qu’aucune limite matérielle ne peut contraindre : « Rrose
Sélavy peut revêtir la bure du bagne, elle a une monture qui franchit les montagnes. »
Robert Desnos, qui avait été arrêté le 22 février 1944, est mort au camp de Terezin, en
Tchécoslovaquie, le 8 juin 1945.
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Choix bibliographique, dans des éditions actuellement disponibles.
Œuvres de Robert Desnos
• Œuvres, Quarto/Gallimard, 2003, 1395 p. Édition établie et présentée par Marie-Claire
Dumas. Comprend les œuvres publiées en volume par Robert Desnos, avec de nombreux
documents et des extraits des publications posthumes.
Œuvres de Robert Desnos disponibles en collection de poche
• Corps et Biens, Fortunes, Destinée arbitraire en Poésie/Gallimard
• Deuil pour deuil, La Liberté ou l’amour !, Le vin est tiré…, en Imaginaire/Galllimard.
• Chantefables et Chantefleurs, Gründ, 2010. Édition illustrée, présentée par Marie-Claire
Dumas.
Œuvres publiées de façon posthume
• Nouvelles Hébrides et autres textes (1922-1930), Gallimard, 1978, 566 p. Édition établie,
présentée et annotée par Marie-Claire Dumas, qui rassemble les écrits de critique littéraire et
divers textes inédits de la période surréaliste.
• Écrits sur les peintres, Flammarion, 1984, 262 p. Textes réunis et préfacés par Marie-Claire
Dumas.
• Les Rayons et les Ombres, cinéma, Gallimard, 1992, 419 p. Édition établie et présentée par
Marie-Claire Dumas, avec la collaboration de Nicole Cervelle-Zonca, qui rassemble les écrits
de cinéma, de 1923 à 1943.
• Les Voix intérieures, chansons et textes critiques, L’Arganier, 2005, 271 p. Textes réunis et
préfacés par Lucienne Cantaloube-Ferrieu. Première édition aux Éditions du Petit Véhicule
en 1987.
• Mines de rien, Le Temps qu’il fait, 1985, 208 p. Édition des écrits journalistiques de
Desnos, dans le journal Aujourd’hui (1940-1944), établie et préfacée par Marie-Claire Dumas,
avec un avant-propos d’Alain Brieux.
Sur Robert Desnos
• Robert Desnos, Anthologie poétique, lue par Ève Griliquez et Denis Lavant, 2 CD,
Frémeaux et associés, 2001, avec un livret d’Anne Egger.
• Robert Desnos, par Anne Egger, Fayard, 2007, 1165 p. Biographie extrêmement bien
documentée sur la vie et les activités de Robert Desnos.
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• Robert Desnos, Corps et Biens, commentaire de Marie-Paule Berranger, Gallimard,
Foliothèque, 2010, 257 p. Essai critique, avec des textes inédits, du recueil poétique de 1930,
qui marque la rupture de Desnos avec le groupe surréaliste.
• Robert Desnos, film documentaire de Jules-César Muracciole dans la série « Un siècle
d’écrivains » de Bernard Rapp, Gaumont TV, 1997. Constitue une excellente introduction à la
connaissance de l’écrivain.
• Robert Desnos, inédits (200’), film de Fabrice Maze, dans la collection « Phares »
Sevendoc, 2006. Comprend un film (80’) très richement documenté sur la vie et l’œuvre du
poète, ainsi que La belle saison est proche, film inédit de Jean Barral (22’) et une série
d’entretiens sur Robert Desnos (100’).
• La belle saison est proche, CD, textes de Robert Desnos mis en musique par Wiener,
Kosma, Poulenc, Barraud, Racaille, Boulanger, Spanos, Perrone, Bouchot, chantés par
12 interprètes, à l’initiative de Chantal Galiana, Maguelone, 2006. La qualité musicale de ce
CD a été distinguée par Le Monde de la musique (****).
Site de l’Association des amis de Robert Desnos : www.robertdesnos.asso.fr
L’association publie chaque année un Cahier Robert Desnos, L’Étoile de mer.
Contact : [email protected]
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